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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 8 novembre 2006

40e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Mes chers collègues, après trente-cinq ans de carrière à l’Assemblée nationale, M. Jacques Racot, chef des huissiers de séance, prend sa retraite aujourd’hui. (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

En votre nom à tous, permettez-moi de lui exprimer tous nos remerciements et, à travers lui, notre reconnaissance à l’ensemble des huissiers de cette maison. (Applaudissements sur tous les bancs.)

questions du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Comme chaque premier mercredi de séance du mois, les quatre premières questions seront réservées à des thèmes européens.

utilisation des huiles végétales pures
comme biocarburants

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, l’UDF et moi-même sommes heureux d’associer à ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, tous ceux qui ont plaidé la cause des huiles végétales pures dans cet hémicycle, toutes sensibilités confondues, à commencer par mes collègues du Lot-et-Garonne, Michel Diefenbacher et Alain Merly.

M. Yves Cochet. Moi aussi !

M. Jean Dionis du Séjour. Je vous y associe également, monsieur Cochet.

Les huiles végétales constituent la filière la plus simple de biocarburants : vous prenez des graines de tournesol et de colza, vous les pressez à froid, vous filtrez et vous pouvez mettre l’huile obtenue dans votre moteur. Et ça marche, ou plutôt, ça roule ! C’est aussi une filière très performante d’un point de vue énergétique et écologique.

L’Union européenne ne s’y est d’ailleurs pas trompée qui a naturellement, dans une directive de 2003, considéré les huiles végétales pures comme des biocarburants à part entière. Ces huiles végétales représentent à la fois un espoir pour nos agriculteurs et un outil d’avenir pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Pendant ce temps, que faisons-nous, mes chers collègues ? Aussi stupéfiant que cela puisse paraître, la France les interdit ou presque puisque la loi d’orientation agricole ne les a autorisées, à ce jour, que pour une autoconsommation agricole, alors que la société bouge. Dans le Lot-et-Garonne, par exemple, des élus font circuler illégalement les camions de leurs collectivités en partie avec des huiles végétales. (« Oh ! » et sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, dans cette affaire vous aviez le choix entre l’anarchie et l’audace. En raison de votre timidité excessive en la matière, c’est aujourd’hui l’anarchie qui prévaut sur le terrain.

Avant l’été, la justice avait suivi le préfet du Lot-et-Garonne en annulant la délibération de la communauté de communes du Villeneuvois approuvant l’utilisation des huiles végétales pures comme biocarburants. Celle-ci a immédiatement fait appel et, le mardi 31 octobre, le commissaire du Gouvernement a plaidé en faveur de la poursuite de cette pratique. Une semaine auparavant, le ministre des transports, Dominique Perben, avait affirmé avoir bon espoir d’obtenir le feu vert interministériel pour permettre à ces camions-bennes de rouler à l’huile végétale.

M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, posez votre question, je vous prie.

M. Jean Dionis du Séjour. J’y arrive !

M. le président. Tout de suite !

M. Jean Dionis du Séjour. Comme on dit chez nous, tout cela fait un peu « pagaillous ». Il est grand temps de faire preuve d’audace. Pour vous aider, l’UDF pose deux questions.

Quand le décret autorisant la commercialisation des huiles végétales pures dans le monde agricole sera-t-il publié ? Quand le feu vert interministériel permettant aux véhicules des collectivités territoriales de rouler à l’huile végétale sera-t-il donné ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Bien qu’il s’agisse d’une question devant porter sur un sujet européen, monsieur Dionis du Séjour, vous avez bien su faire référence à votre région qui est particulièrement énergétique, audacieuse et quelquefois pagailleuse dans ce domaine ! (Murmures.)

M. Maxime Gremetz. Il n’y a pas que la sienne !

M. le ministre délégué à l’industrie. Si nous appliquions strictement la directive européenne, nous serions obligés d’interdire ces expérimentations car des problèmes de compatibilité avec les moteurs et de normes environnementales se posent.

En effet l’un des problèmes provient du fait que de nombreuses sortes d’huiles végétales pures ne respectent pas les normes environnementales imposées. Si l’on estérifie ces huiles, on obtient un résultat bien meilleur. C’est pourquoi nous avons autorisé 2,8 millions de tonnes d’esters d’huiles végétales. Cet ester, fabriqué dans quinze usines, permettra d’incorporer 7 % de biocarburants dans le diesel.

Puisque la loi d’orientation agricole a autorisé les agriculteurs à utiliser les huiles végétales comme carburants pour leur consommation propre, puisque nous avons accordé un délai jusqu’au 1er janvier 2007 pour tirer les leçons de cette expérience et puisque les conclusions du rapport Herth-Poignant ont été adoptées en commission, y compris par vous-même, monsieur Dionis du Séjour, nous poursuivrons les expérimentations. Vous aurez ainsi des réponses précises à vos questions, tant sur la composition des biocarburants et sur leur compatibilité avec les moteurs, que sur le plan fiscal et sur les problèmes que cela pose au regard de l’environnement (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Très bien !

crise de la viticulture française

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Liberti. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, la viticulture française connaît la crise la plus grave de son histoire. Les méventes et l’effondrement des revenus sont le lot commun de milliers de viticulteurs, en particulier en Languedoc-Roussillon où nombre d’entre eux ne survivent déjà plus que grâce au RMI.

Si la baisse de la consommation peut expliquer la crise actuelle des débouchés, la déréglementation du marché favorise, sur le plan international, une viticulture capitalistique produisant et commercialisant sans contraintes. Comment, dans ces conditions, les viticulteurs peuvent-ils vendre leurs produits, pourtant de grande qualité et en constante amélioration depuis des années ?

La remise en cause des appellations d’origine contrôlée, laissant le champ libre à des pratiques œnologiques douteuses et l’arrachage massif de 400 000 hectares de vigne, qui constituent deux des mesures phares du plan d’aide de la Communauté européenne, ne permettront pas de sortir de la crise ; elles vont au contraire l’aggraver.

Pendant ce temps, la surface des vignobles dits du nouveau monde continuera de s’agrandir. L’espace pour débattre au fond de cette situation n’a pas été ouvert à ce jour.

Ma question est simple. Je la pose au nom de tous les parlementaires communistes et républicains, notamment de Marie-George Buffet, d’André Chassaigne et de moi-même qui avons cosigné une lettre solennelle adressée au Gouvernement demandant la convocation, dans les plus brefs délais, d’états généraux de la viticulture réunissant à l’échelle du pays tous les acteurs de la filière. Il y a urgence.

Monsieur le ministre, comptez-vous donner une réponse favorable et une suite concrète à cette proposition, à cet appel, ce que tout le monde viticole attend ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, vous avez raison d’insister sur les difficultés de la filière viticole française, difficultés différentes selon les vignobles et particulièrement importantes dans la région dont vous êtes un élu, le Languedoc-Roussillon.

Le plan de l’Union européenne tel qu’il a été présenté est inacceptable. On ne peut pas en effet accepter l’idée que 400 000 hectares de vigne soient arrachés, ni qu’il ne soit pas possible de moduler les arrachages en procédant à de l’arrachage provisoire. L’on ne peut pas accepter non plus cet ultralibéralisme que serait le droit de plantation complètement libéré au moment où nous souhaitons réguler l’offre par rapport à la demande. Enfin, l’on ne peut pas accepter l’importation de moût en provenance de l’étranger.

Cela étant, tous les grands viticulteurs de notre pays, ceux qui sont en grande difficulté comme ceux qui le sont moins, savent bien qu’il est indispensable de réformer l’OCM vitivinicole. Nous avons besoin dans cette réforme d’instruments de gestion de crise ; il faut, par exemple, pouvoir continuer à utiliser la distillation de manière ponctuelle. Nous avons besoin également de moyens supplémentaires de promotion parce qu’on voit bien que, quel que soit le développement de la consommation intérieure, c’est sur le marché international que nous pourrons trouver de nouveaux débouchés.

Nous allons discuter avec l’Union européenne de la réforme à partir des propositions françaises que d’autres pays européens soutiennent, car, naturellement, nous ne pouvons pas l’accepter en l’état.

Bien entendu, je suis tout à fait disposé à discuter avec les professionnels afin de réfléchir aux avancées possibles et à la manière dont nous pouvons développer les exportations, celles-ci ayant déjà repris pour certains vignobles, en valeur comme en volume.

La forme des états généraux est peut-être un peu trop spectaculaire et pas nécessairement efficace, et je suis plutôt, comme le Premier ministre, favorable à des réunions de travail avec tous les vignobles pour avancer sur le terrain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

turquie

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé de Charette. Monsieur le président, ma question, qui s’adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes, porte sur les rapports entre l’Union européenne et la Turquie.

D’abord, la Turquie va-t-elle se décider à appliquer à Chypre l’accord douanier qui la lie à l’Union européenne ?

En septembre 2005, les Vingt-cinq avaient fixé un ultimatum à Ankara, lui intimant d’ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions chypriotes grecs avant la fin de 2006, faute de quoi la poursuite des pourparlers d’adhésion serait compromise. Madame la ministre déléguée, quel est le point de vue du Gouvernement français à quelques semaines de l’échéance ?

Ensuite, la publication par la Commission européenne de son rapport d’étape sur l’état des négociations et sur la situation en Turquie a de quoi inquiéter. Monsieur le président, tout en étant bref, je citerai quelques points importants de ce rapport.

À propos de la liberté d’expression, le rapport de la Commission précise que l’article 301 du code pénal turc qui réprime, comme vous le savez, les atteintes à l’identité nationale turque, a été utilisé de manière répétée soixante-sept fois pendant l’année 2006.

Le rapport indique que les droits des femmes ne sont pas respectés dans les régions les plus pauvres du pays, que les crimes d’honneur continuent et que, dans la région du sud-est, il arrive que les filles ne soient même pas enregistrées à la naissance.

À propos des minorités, peu de progrès sont signalés. Quant aux cas de torture et de mauvais traitements, certes leur nombre a baissé, mais ils sont toujours signalés notamment dans les prisons et au Kurdistan.

Les forces armées continuent quant à elles d’exercer une influence politique majeure. La corruption est généralisée, dans le secteur public comme dans le monde judiciaire. Le système judiciaire ne fonctionne toujours pas de manière indépendante, impartiale et efficace.

Enfin, la situation des droits de l’homme est préoccupante au Kurdistan, surtout depuis les émeutes de mars et avril dernier. Plus de 550 personnes ont été emprisonnées, dont 200 enfants.

Madame la ministre déléguée, que pense le Gouvernement français de cette situation ? Quelles conclusions en tire-t-il et comment sera préparée la réunion des chefs d’État et de gouvernement du 15 décembre où cette question sera au cœur des débats de l’Union européenne ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la Commission européenne a en effet présenté ce matin son rapport annuel faisant le point sur l’élargissement de l’Union européenne. Concernant la Turquie, je formulerai deux remarques.

Premièrement, la Commission estime manifestement que le rythme des réformes qui permettraient à la Turquie d’adhérer à l’Union s’est beaucoup ralenti et que le pays est en train de prendre beaucoup de retard. Qu’il s’agisse de l’article 301 du code pénal turc relatif à la liberté d’expression, des libertés religieuses ou encore de ce que l’on appelle le droit des minorités, aujourd’hui, les réformes marquent le pas.

Deuxièmement, en septembre 2005, le conseil européen des ministres des affaires étrangères avait déclaré à l’unanimité que l’adhésion de la Turquie passait par la reconnaissance par ce pays des vingt-cinq États membres, donc, en particulier, de Chypre.

Aujourd’hui, force est de constater que la Turquie n’accepte toujours pas d’ouvrir ses ports et ses aéroports aux navires et avions, non seulement chypriotes, mais encore à ceux en provenance de Chypre. Il est donc évident que la Turquie ne satisfait pas pour le moment à ses obligations. Il reste deux mois, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre, et la présidence finlandaise fera tout pour que la Turquie respecte ses engagements.

Je souligne clairement devant la représentation nationale que, si, à la fin de l’année, la Turquie ne reconnaît toujours pas les vingt-cinq États membres, dont évidemment Chypre, il sera alors nécessaire de revoir le calendrier de l’adhésion de ce pays à l’Union européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Eads

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, EADS est une réussite technologique et humaine dont la France et les Français peuvent être fiers. C’est l’État qui a été à l’origine de sa création ; c’est l’État qui doit en garantir la pérennité. Or le plan de restructuration que vient de présenter la direction du groupe pour sa filiale Airbus exige que le Gouvernement s’explique devant la représentation nationale.

La première annonce inquiétante est celle de l’abandon de 80 % des entreprises sous-traitantes qui travaillent pour Airbus. Sans la moindre concertation, des centaines de PME innovantes et leurs salariés se verraient brutalement menacés respectivement dans leur existence et dans leur emploi. Des territoires entiers risqueraient de subir une saignée économique.

Plus choquante encore est l’apathie de l’État actionnaire, alors qu’EADS prévoit de délocaliser une partie de sa production dans des pays à bas salaires. Quel est ce patriotisme économique qui autorise une firme, née d’une volonté politique et nationale, financée partiellement par des fonds publics, à organiser un véritable dumping social ?

Que dire enfin de la décision des deux actionnaires de référence, les groupes Lagardère et Daimler-Chrysler, de se désengager au moment où leur participation s’enfonce dans les difficultés ?

Monsieur le Premier ministre, que de légèreté et d’irresponsabilité dans le traitement gouvernemental de ce dossier ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous allez nous dire que le pacte d’actionnaires interdit à l’État d’intervenir dans la gestion du groupe, mais ce pacte a déjà volé en éclats et vous-même l’avez violé en faisant nommer M. Forgeard. Nous n’acceptons pas cette attitude de non-assistance à entreprise stratégique en danger !

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous vous demandons de prendre l’initiative d’un plan concerté entre le Gouvernement français et son homologue allemand. La réussite industrielle se bâtit sur le temps, la recherche, l’investissement, la stabilité de l’actionnariat et du management.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement va-t-il rester passif et avaliser ce plan de restructuration sans dire son mot sur les conséquences économiques, sociales et territoriales, et sur la stratégie de ce grand groupe industriel français et européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Tout d’abord, merci, monsieur Ayrault, de la confiance que vous accordez au Gouvernement. (Sourires.)

Vous avez raison sur un point : EADS et l’ensemble de la filière aéronautique traversent aujourd’hui une période difficile. Nous sommes d’accord.

Cela étant, vous devez bien admettre que nous avons immédiatement pris le problème à bras-le-corps. Au titre de l’État actionnaire, Thierry Breton a contribué à la réorganisation du groupe, (« Très mal ! » sur les bancs du groupe socialiste) et Dominique Perben (« Ce n’est pas mieux ! » sur les mêmes bancs) a reçu tous les représentants de la filière ; il continue à travailler avec eux.

Je le déclare solennellement devant la représentation nationale : je crois en la filière aéronautique et je crois en l’avenir industriel de la France qu’il nous appartient de défendre tous ensemble. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pourquoi cette confiance dans la capacité de la France ? Parce que ce sont 5 millions d’emplois qui sont en jeu, parce que nous sommes le cinquième exportateur mondial et parce que l’industrie est au cœur de notre identité.

M. Maxime Gremetz. Baratin !

M. Jean-Marie Le Guen. Bla, bla, bla !

M. le Premier ministre. C’est en restant une grande puissance industrielle que la France restera une grande puissance tout court. (« Baratin ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Beaucoup, et je le regrette, avaient renoncé à cette ambition. Notre majorité l’a portée avec détermination, sous l’impulsion du Président de la République. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les pôles de compétitivité, c’est nous ! L’agence pour l’innovation industrielle, c’est nous ! La modernisation de notre système de recherche, c’est encore nous ! C’est le retour d’une véritable stratégie industrielle pour la France. (Mêmes mouvements.)

Dans les mois qui viennent, je continuerai à défendre cette ambition.

Nous avons réussi à sauver plus de 600 emplois à la SOGERMA. (« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

J’y viens !

Nous ne laisserons tomber ni Airbus, ni les salariés, ni les PME qui travaillent dans cette filière.

M. Jean-Marie Le Guen. Des précisions !

M. le Premier ministre. Je recevrai dès la semaine prochaine le président Louis Gallois et je me rendrai lundi prochain à Toulouse pour trouver des solutions.

Pour l’avenir d’Airbus, comme pour celui de toute notre industrie, il y a deux solutions-clefs : l’innovation et l’Europe. Si nous autres Européens savons nous protéger et défendre nos intérêts économiques, la voie de l’excellence industrielle de l’Europe s’ouvrira devant nous. Elle doit se bâtir autour de nos deux grandes nations, la France et l’Allemagne. Nous avons remporté ensemble de grands succès, mais il faut maintenant aller plus loin, par exemple dans le secteur de l’énergie et de l’espace.

Rassembler nos forces, c’est tout le sens du patriotisme économique français et européen, et je me réjouis de vous voir, vous aussi, les invoquer aujourd’hui. C’est ainsi que nous redonnerons confiance et fierté à nos compatriotes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – « Baratin ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

politique de cohésion sociale

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.

M. François Grosdidier. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, voici trente ans que les habitants des quartiers mal construits ont été marginalisés, relégués et paupérisés. Depuis vingt ans, on a beaucoup discouru et disserté, mais on a peu agi, sauf à la marge. Depuis cinq ans, le Gouvernement a pris le taureau par les cornes.

Sous la direction de votre collègue Nicolas Sarkozy, (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) les forces de l’ordre sont clairement mandatées, non plus pour jouer aux animateurs sportifs, mais pour faire leur métier de policier.

M. André Chassaigne. Et avec quels résultats ?

M. François Grosdidier. Au-delà du droit à la sécurité pour tous, vous agissez aussi pour les droits sociaux pour tous et en faveur de l’égalité des chances. En effet, monsieur le ministre, vous avez fait rentrer la République dans les quartiers. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous êtes passé au concret, du virtuel au réel, grâce à une action sans précédent dans l’histoire de la République, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) afin que les habitants des quartiers dits « sensibles » deviennent enfin des citoyens à part entière. (Bruits continus sur les bancs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour un droit à un cadre de vie digne, vous avez entrepris de changer l’apparence des quartiers, en les désenclavant, en abattant des tours et des barres d’immeubles pour les remplacer par un habitat à taille humaine. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour offrir un droit à l’intégration culturelle, à l’insertion sociale et professionnelle, vous avez lancé les écoles « de la deuxième chance ». (Protestations continues sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Grâce à votre formidable programme de réussite éducative, le droit à l’éducation se traduit par un accompagnement individualisé pour les enfants qui souffrent de handicaps socioculturels. Vous avez aussi oeuvré pour le droit à l’emploi sans discrimination d’origine ou de résidence.

Tel est d’ailleurs l’objectif de la haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité qui a été instituée par ce gouvernement ; tel est aussi l’objectif des zones franches urbaines créées par Éric Raoult en 1995 et que, contrairement à la gauche qui voulait les supprimer, vous avez développées et étendues ; tel est enfin l’axe principal de votre plan de cohésion sociale. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Néanmoins, le volet humain reste fatalement moins visible que le volet urbain, monsieur le ministre, qui donne lieu à des démolitions et des grands travaux.

M. Christian Bataille. Cela n’a rien à voir !

M. le président. Monsieur Grosdidier, venez-en à votre question !

M. François Grosdidier. Même en mettant les bouchées doubles, on ne peut pas, en cinq ans, rattraper complètement trente années d’abandon. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Monsieur Grosdidier, posez votre question !

M. François Grosdidier. En tant que maire d’une commune qui compte 70 % de logements sociaux, j’observe déjà les résultats tangibles de votre action.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur votre travail et en dresser les perspectives ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. La machine de propagande est en route !

M. le président. Je vous en prie, chacun a le droit de s’exprimer tranquillement.

La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, trente ans déjà sont passés depuis la belle marche pour l’intégration ! Force est de constater que qu’en trente ans, notre pays n’avait pas pris la mesure de la gravité de la situation, de la ségrégation urbaine, exprimant un déni collectif de la discrimination, par indifférence surtout, ou par habitude. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) On croyait que si l’emploi s’améliorait dans le pays, il suivrait à due proportion dans les quartiers. Or c’était faux, monsieur Grosdidier !

La vérité, c’est que la ségrégation urbaine a nécessité un plan de 35 milliards d’euros. Il est désormais en place !

M. Patrick Lemasle. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Bataille. Ce n’est que de l’affichage !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La bataille est en passe d’être gagnée, mais ce n’est pas suffisant. Il a fallu engager aussi la bataille contre la discrimination de tous les jours. À cet effet, notre pays s’est enfin doté d’une autorité de lutte contre les discriminations ; le service public, visible ou invisible, s’est emparé du sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ; enfin, les entreprises ont signé des chartes de la diversité et les plus grandes d’entre elles nous ont accompagnés dans les quartiers pour recruter directement. Si l’on ne fait pas du « cousu main », du cas par cas, si l’on ne va pas chercher les habitants un par un, jamais l’amélioration globale de l’emploi ne se fera sentir dans ces quartiers.

Le rapport qui dresse le bilan de vingt ans de politique de zones urbaines sensibles doit nous interpeller et nous inciter à plus de modestie. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, nous avons enfin engagé une lutte effective contre les discriminations et, pour la première fois, le chômage a plus baissé dans les « quartiers » que dans le reste du territoire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christian Bataille. C’est faux !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La diminution a été de 22 % contre 11 % globalement ! La palme revient à Clichy-sous-Bois avec une baisse de 28 %. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

contrôle des bagages à main
dans les transports aériens

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe UMP.

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, l'Union européenne a décidé de renforcer la sécurité des aéroports, des vols et des passagers.

Depuis lundi 6 novembre, un nouveau dispositif de sûreté est mis en place concernant les bagages à main dans les avions. Ainsi, l’apport de liquides ou de gels en cabine a été restreint et ils doivent être mis en soute. Seuls les flacons de liquides de 100 millilitres maximum sont autorisés, s'ils tiennent dans un sac plastique transparent d'une contenance maximale d’un litre. Les passagers doivent par ailleurs ôter leurs vestes et manteaux et les ordinateurs portables doivent passer au scanner.

Ce dispositif, assez contraignant, mais nécessaire, compte tenu du contexte international, est appliqué dans l'ensemble de l'Union européenne, y compris pour les vols intérieurs. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite connaître les mesures que vous comptez prendre pour perturber le moins possible à la fois le confort ou, en tout cas, la fluidité des passagers, en évitant notamment des retards d’enregistrement et de vols, et l’activité des commerces dans les aéroports. Qu’en sera-t-il également des médicaments et des aliments pour les enfants en très bas âge ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous le savez, la menace terroriste reste élevée puisque la France est au niveau rouge du plan Vigipirate. De plus, le fait que, durant l’été, nos amis britanniques aient été confrontés à une tentative d’attentat dont les auteurs auraient utilisé pour la première fois des explosifs liquides a rendu nécessaires des discussions entre pays européens ainsi qu’avec les États-Unis d’Amérique en vue d’élaborer un dispositif de contrôle à l’embarquement qui intègre cette nouvelle donne technologique en matière de risque terroriste.

Je me suis rendu en Grande-Bretagne pour y rencontrer mon homologue britannique ; j’ai également rencontré mon homologue allemand et discuté de cette question avec M. Jacques Barrot, commissaire européen chargé des transports, puis une nouvelle réglementation a été édictée par la Commission européenne, qui est en parfaite harmonie avec la réglementation américaine. Elle prévoit notamment un renforcement des mesures de sécurité pour les bagages en cabine, aucun changement n’étant nécessaire pour les bagages en soute, compte tenu des contrôles dont ils sont déjà l’objet.

Les nouvelles règles, que vous avez rappelées et qui concernent essentiellement les liquides, sont bien comprises, je le crois du moins, de nos concitoyens. Toutefois, il convient d’éviter qu’elles ne deviennent une gêne pour le bon déroulement des formalités d’embarquement.

Depuis lundi, ces règles sont en application en France et dans toute l’Europe et si elles ont provoqué quelques retards de décollage lundi matin, (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) la situation a été rapidement régularisée. J’avais préalablement veillé à ce que les compagnies aériennes et les responsables des aéroports mènent un important travail d’information, lequel va se poursuivre afin de permettre aux voyageurs de s’habituer à cette nouvelle réglementation.

Par ailleurs, afin de faciliter le respect de celle-ci, il est prévu de mettre à la disposition des passagers les sacs en plastique transparent que vous avez évoqués. Enfin, en vue de justifier le passage des médicaments liquides, les passagers doivent impérativement penser à se munir de la prescription médicale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

réchauffement climatique

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le Premier ministre, la conférence sur le climat vient de s’ouvrir à Nairobi. Le changement climatique sera le défi majeur du XXIe siècle. La mission parlementaire que j'ai présidée, et dont Nathalie Kociusko-Morizet était le rapporteur, a lancé un cri d'alarme unanime : l’illusion de l’abondance énergétique nous a conduits à mener une politique insouciante puisque, en six générations, les pays développés auront dilapidé la moitié des réserves énergétiques de la planète.

Les effets d’une telle politique sont déjà perceptibles, mais le changement climatique affectera, si nous n'agissons pas rapidement, les éléments fondamentaux de la vie sur terre : accès des populations à l'eau, production alimentaire, santé, grands équilibres naturels.

Toutefois le pire est à venir : pénuries d'eau pour les populations, inondations, cyclones, engloutissement de zones côtières des pays pauvres. Tant que seuls les écologistes l’ont dit, on ne les a pas écoutés, mais un économiste réputé, Sir Nicolas Stern, ancien économiste en chef de la banque mondiale, a récemment estimé que le laisser-faire pourrait coûter de 5 à 20 % du PIB mondial, c'est-à-dire une somme astronomique, puisque comprise entre 2 000 milliards et 5 000 milliards de dollars par an. Pour la France, le coût serait au moins de 100 milliards d'euros.

Nous avons vingt ans pour agir et convaincre nos concitoyens : la France et l'Europe doivent être exemplaires et se montrer ambitieuses en négociant l’après-Kyoto au plan international. Lutter dès à présent contre le réchauffement climatique coûtera moins cher que ne rien faire.

M. le président. Posez votre question, monsieur Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous n’avons pris jusqu’à présent que des mesurettes…

M. Jean-Marc Roubaud. Ce n’est pas une question !

M. Jean-Yves Le Déaut. J’y viens !

…aussi bien au plan des transports qu’à celui du logement.

M. le président. Monsieur Le Déaut, posez votre question !

M. Jean-Yves Le Déaut. Monsieur le Premier ministre, la mission parlementaire a proposé la création à l’Assemblée nationale d’une délégation au changement climatique. Acceptez-vous cette proposition ? De plus, la France est-elle prête à adopter une position courageuse à Nairobi, en proposant une tarification sur les émissions de dioxyde de carbone et une aide aux pays en voie de développement à s'adapter aux changements climatiques ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Monsieur le député, je vous réponds au nom de Nelly Olin, qui assiste aujourd'hui à une conférence sur l’arc alpin.

Je tiens tout d’abord à vous remercier du grand travail que Nathalie Kosciuslo-Morizet et vous-même avez fourni sur le réchauffement planétaire, qui constitue une préoccupation mondiale. Je vous confirme que nous avons, sur le sujet, des ambitions et que nous mettons des moyens à leur service.

En ce qui concerne nos ambitions, nous partons, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, d’une situation raisonnable au regard des autres pays.

M. Yves Cochet. C’est faux !

M. le ministre délégué à l’industrie. En effet, la France émet 6,2 tonnes de gaz carbonique par an et par habitant,…

M. Yves Cochet. C’est déjà dix fois trop !

M. le ministre délégué à l’industrie. …contre 10,3 tonnes pour l’Allemagne et 19,7 tonnes pour les États-Unis. Un tel résultat est dû à la fois au fait qu’une grande partie de notre production électrique est d’origine nucléaire…

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le ministre délégué à l’industrie. …et que nous sommes le premier producteur européen d’électricité renouvelable, grâce principalement à l’hydroélectricité, entre autres types d’énergies renouvelables auxquels nous avons recours.

Nos bases sont donc solides, si bien que, au début de 2006, nous avons pu constater que, en dépit d’une croissance de l’ordre de 2 % en 2005, la consommation d’énergie avait diminué cette même année. Les efforts fournis notamment, mais non pas exclusivement, par nos industriels produisent donc déjà des résultats appréciables.

La loi d’orientation sur l’énergie, votée en 2005, a fixé des objectifs encore plus ambitieux. C’est la raison pour laquelle, chaque année, nous prenons de nouvelles mesures. Ainsi, dans les tous derniers mois, le Premier ministre a renforcé de façon notoire la défiscalisation des biocarburants – j’ai déjà évoqué la question – et nous avons pris des arrêtés incitatifs sur le rachat de l’électricité produite par des énergies renouvelables, afin que l’investissement dans ce secteur devienne rentable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous sommes donc parmi les pays les plus avancés dans ce domaine.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à l’industrie. Par ailleurs nous avons mis en place le livret du développement durable, le Premier ministre ayant engagé 10 milliards d’euros de prêt à cet effet.

Enfin, je tiens à rappeler nos obligations liées au certificat d’économie d’énergie : 54 milliards de kilowattheures.

M. le président. Merci !

M. le ministre délégué à l’industrie. Appeler tout cela des mesurettes, c’est de la mauvaise foi ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

déroulement des carrières
dans la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le ministre de la fonction publique, ma question porte sur les perspectives et le déroulement des carrières dans la fonction publique.

En effet, qu’ils travaillent pour l’État, les collectivités locales ou la fonction publique hospitalière, nombreux sont les agents publics qui se plaignent des blocages qui leur interdisent de progresser, si bien qu’il n’est pas rare d’entendre certains d’entre eux déclarer ne plus avoir de perspectives d’avancement ou d’augmentation de leur rémunération après dix ou quinze ans d’ancienneté.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Gorges. Alors que près de 35 % des fonctionnaires devraient partir à la retraite dans les dix années à venir, la question des carrières devient un enjeu majeur. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les mesures qui ont été prises en vue de répondre à leurs légitimes attentes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison d’évoquer ce sujet : le nombre des départs à la retraite dans les dix prochaines années nous contraint de nous préoccuper de l’attractivité de la fonction publique. C’est pourquoi nous avons souhaité actionner trois leviers.

Le premier est celui des rémunérations. Il convient en effet de faire bouger les grilles de la fonction publique et nous nous y sommes particulièrement employés pour la catégorie C, dont les agents ont désormais de meilleures perspectives de carrière grâce notamment à la création d’un échelon supplémentaire leur permettant, en fin de carrière, de gagner 100 euros de plus par mois. Nous sommes également intervenus sur les grilles des catégories B et A, mais dans une moindre mesure.

Le deuxième levier est celui des promotions, en vue de donner à des agents la possibilité de perspectives nouvelles de carrière. À partir de l’année prochaine, cette politique permettra de doubler le nombre des agents pouvant passer de catégorie C en catégorie B et de catégorie B en catégorie A.

Le troisième et dernier levier consiste à développer l’offre, en vue d’accroître les perspectives de carrière pour l’ensemble des agents, ce qui suppose une plus grande mobilité dans les fonctions publiques et au sein des administrations. Nous avons, à cette fin, développé des possibilités de détachements et de mises à disposition dans tous les corps d’emplois.

Nous avons également avancé sur la question de la fusion des corps, l’Arlésienne de la fonction publique depuis vingt ans. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Dès cette année, la fusion des corps aura progressé de 25 %, soit une augmentation considérable par rapport aux années précédentes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce progrès a été rendu possible grâce aux accords passés le 25 janvier dernier avec les syndicats, après huit années durant lesquels aucun accord n’avait été signé dans la fonction publique sur le pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains – « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Laissez conclure le ministre.

M. le ministre de la fonction publique. Ces accords, nous les devons aux arbitrages rendus par le Premier ministre, qui a réussi là où vous avez échoué durant cinq ans en matière de dialogue social avec la fonction publique. Mesdames et messieurs de l’opposition, vous devriez l’encourager ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

œuvre nationale du bleuet de France

M. le président. La parole est à M. Marc Bernier, pour le groupe UMP.

M. Marc Bernier. Monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, à la fin de la Grande Guerre, les pays alliés les plus meurtris choisirent une fleur spécifique symbolisant la mémoire et l'espoir d'un monde en paix qui renaîtrait des cendres des champs de batailles.

Si la Grande-Bretagne adopta le coquelicot et la Belgique la marguerite, la France, quant à elle, choisit le bleuet, sachant que cette fleur était la première à repousser sur le front, après des semaines de pilonnages d'artillerie.

Ainsi le bleuet, que quelques-uns de mes collègues et moi-même portons aujourd'hui, est devenu pour la France ce symbole de mémoire et de solidarité à l'égard des combattants de tous les conflits, qu'ils soient originaires de métropole, de l'Algérie ou du Sénégal, de l'AOF ou de l'AEF, du Tonkin ou des coins les plus reculés de ce qui était à l'époque l'Union française.

Depuis le 11 novembre 1934, le bleuet est vendu chaque année dans toutes les communes de France, non seulement pour financer les actions de solidarité de l'Office national des anciens combattants – l’ONAC –, dont nous fêtons cette année le quatre-vingt-dixième anniversaire, mais également pour assurer l’entretien et la restauration des lieux de mémoire.

Si les Britanniques ont su conserver toute la symbolique du coquelicot, en France cette pratique est progressivement tombée en désuétude, comme s'il était devenu insultant d'honorer la mémoire de celles et de ceux qui firent le sacrifice suprême de leur vie pour libérer la patrie.

Or, ces dernières années, à l’initiative du Président de la République, il a été décidé de remettre au goût du jour le port du bleuet par les hauts personnages de l'État, les membres du Gouvernement, les parlementaires et les élus, à l'occasion du 8 mai et du 11 novembre.

Dans trois jours, tous les membres de cet hémicycle célébreront dans leur circonscription l'armistice de 1918. Pouvez-vous, monsieur le ministre délégué, nous indiquer quelle est encore l’utilité et le rôle de l'œuvre nationale du « Bleuet de France », ainsi que son lien avec l'Office national des anciens combattants ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui me permet de rappeler à nos compatriotes l’importance de l’Œuvre nationale du Bleuet de France. L’objectif de cette institution exemplaire et indispensable est de venir en aide aux anciens combattants en difficulté (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais aussi de soutenir les actions commémoratives.

Depuis le début de l’année 2006, 17 000 anciens combattants ont ainsi été aidés dans les difficultés qu’ils rencontraient. S’y est ajoutée l’aide sociale de l’ONAC à hauteur, cette année, de plus de 13 millions d’euros.

M. Philippe Vuilque. Avec un budget en baisse !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Par ailleurs, l'œuvre a financé plus de 350 manifestations de commémoration, celles qui permettent la transmission de la mémoire aux jeunes générations. Ces actions sont le résultat de la générosité des Français lors des collectes du 8 mai et du 11 novembre. Telle est la réalité de l’œuvre nationale du Bleuet de France qui, loin des idées reçues, affiche un dynamisme sans précédent.

Monsieur le député, permettez-moi d’ajouter que c’est l’ONAC qui assure la gestion et, par conséquent, la pérennité de cette institution.

Mesdames et messieurs les députés, cette année, l’ONAC célèbre son quatre-vingt-dixième anniversaire. Lors de la cérémonie du 11 novembre, le Président de la République saluera une délégation du Bleuet de France conduite par une jeune ancienne combattante invalide, championne d’escrime handisport. Cette manifestation constituera évidemment un grand symbole.

M. Marc Bernier. Très bien !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Enfin, nous nous réjouissons que le Premier ministre ait accordé à l’Œuvre nationale du Bleuet de France le label de « campagne d’intérêt général », décision à laquelle le monde combattant s’est montré sensible. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

lutte contre l’Effet de serre

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour le groupe socialiste.

Mme Geneviève Gaillard. Ma question s’adresse à Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Elle n’est pas là !

Mme Geneviève Gaillard. Elle est en voyage. Je lui souhaite donc bon voyage ! (Sourires.)

La réponse de M. Loos à notre collègue Le Déaut, au-delà de l’apparence de bon élève qu’elle tend à donner de notre pays, mérite d’être détaillée et relativisée. J’insiste : les mesurettes prises aujourd’hui ne sont pas à la hauteur du défi du changement climatique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Si la France est en effet en mesure de satisfaire le premier objectif auquel elle a souscrit, c’est parce qu’elle se repose sur ses « lauriers nucléaires ». De fait, c’est bien « à cause » ou « grâce » à notre niveau de nucléarisation élevé que nous donnons l’impression de satisfaire à nos engagements ainsi qu’aux efforts impératifs de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Or, si l’on excepte le nucléaire, les résultats de notre pays en matière d’économies d’énergie et de développement d’énergies renouvelables restent largement en deçà de cet enjeu capital et historique pour l’humanité. Il y a un grand décalage entre les discours du Gouvernement et ses actes. Aucun budget n’intègre cette question à sa juste valeur. Ainsi, ni les budgets de la recherche, ni ceux des transports, du logement, de l’industrie, de l’aménagement du territoire, de l’agriculture, ni même celui du tourisme n’opèrent le changement de cap indispensable.

M. Philippe Vuilque. Elle a raison !

Mme Geneviève Gaillard. De même, de par sa timidité, le plan national d’affectation des quotas des émissions de dioxyde de carbone n’a pu impulser un cercle vertueux impliquant une véritable réorientation des comportements.

Par conséquent, je souhaite savoir comment Mme la ministre justifie la constitutionnalité du projet de loi de finances 2007 au regard des principes définis par la charte de l’environnement ? Je souhaite aussi savoir si le Gouvernement peut s’engager aujourd’hui, devant la représentation nationale, à demander au Premier ministre une rallonge budgétaire dans le cadre du pacte national pour le développement durable et l’environnement qu’il a présenté ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’industrie.

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie. Je vous remercie, madame Gaillard, de me permettre de compléter ma réponse à Jean-Yves Le Déaut. En effet, les mesures que nous prenons et les moyens que nous mobilisons sont bien plus ambitieux que vous ne semblez le croire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous sommes engagés dans l’application du protocole de Kyoto avec beaucoup d’efficacité (Exclamations sur les mêmes bancs), l’objectif poursuivi étant de ne pas produire plus de gaz à effet de serre en 2012 qu’en 2010.

L’industrie française, pour sa part, a réduit de 22 % ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990. Nous avons pris des mesures très importantes pour le consommateur ; j’en ai déjà rappelé la liste à M. Le Déaut. Elles auront représenté, en 2006, un milliard d’euros.

M. Maxime Gremetz. Oui, mais ça va baisser beaucoup !

M. le ministre délégué à l’industrie. Jamais aucun gouvernement n’a pris de telles mesures budgétaires pour réaliser des économies d’énergie et pour favoriser les énergies renouvelables. Nous avons donc, dans ce domaine, une ambition et nous la réalisons. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. C’est faux ! C’est faux !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie !

M. le ministre délégué à l’industrie. Nous poursuivrons notre réflexion, en ce sens, lundi prochain au comité interministériel sur le développement durable, sous la présidence du Premier ministre. Nous prendrons des mesures supplémentaires concernant le plan Climat.

Vous voyez, madame, qu’en France les progrès sont constants. Nous partons déjà sur une très bonne base et notre effort revêt une dimension internationale. Il tend à faire en sorte que nos collègues européens aient le même niveau d’exigence et que les pays émergents et les États-Unis, qui n’ont pas encore ratifié le protocole de Kyoto, nous rejoignent afin que nous luttions de conserve et au niveau mondial contre le réchauffement climatique. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

mesure en faveur de la petite enfance

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe UMP.

M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille permettre aux parents, particulièrement aux femmes, de concilier harmonieusement vie familiale et vie professionnelle constitue l’une des priorités de la majorité depuis 2002. En ce sens, des mesures déjà très fortes ont été prises : création de la prestation d’accueil du jeune enfant, revalorisation du statut des assistantes maternelles et augmentation considérable du nombre de places de crèche.

Or, monsieur le ministre, vous voulez aller plus loin encore puisque vous avez annoncé hier un plan ambitieux d’accueil de la petite enfance qui vient compléter ces dispositifs. Ce plan vise notamment à offrir une solution de garde, en crèche ou chez une assistante maternelle, aux quelque 240 000 enfants âgés de moins de trois ans, dont les parents ne trouvent pas de solution de garde.

Dans la société française actuelle où le taux d’activité féminin est important et où la natalité est – nous nous en réjouissons – la plus élevée d’Europe continentale, il apparaît en effet essentiel d’offrir une solution de garde à tous les parents qui travaillent ou recherchent un emploi. Dès lors, monsieur le ministre, dans quels délais, et par quels moyens, ce programme ambitieux sera-t-il mis en œuvre ?

Par ailleurs, les caisses d’allocations familiales jouent un rôle financier essentiel dans le développement de cette offre de garde du jeune enfant : par le biais de la prestation d’accueil du jeune enfant, elles aident en effet les familles à financer les assistantes maternelles. Par le biais du fonds d’action sociale, ensuite, elles aident à financer les investissements des collectivités locales, puis le fonctionnement des structures d’accueil.

Après la décision du Gouvernement, en juillet dernier, d’augmenter de 2,4 milliards d’euros le budget d’action sociale de la CNAF, une nouvelle procédure semble préoccuper certaines collectivités locales qui s’inquiètent d’une diminution de l’aide des caisses d’allocations familiales, notamment dans le cadre des contrats enfance et des contrats temps libre avec les haltes-garderies. Je le constate à Évreux et dans ma circonscription.

Pouvez vous dissiper ces inquiétudes, monsieur le ministre ?

M. Jean-Claude Lenoir. À Évreux !

M. le président. Monsieur Lenoir, il ne s’agit certes pas de votre département, mais c’est un département voisin. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, il est vrai que j’ai eu hier la joie de présenter, à la demande du Premier ministre, un plan Petite enfance, à la fois ambitieux et complet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Sans argent !

M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ce plan Petite enfance a une ambition, celle de répondre aux besoins des familles, en particulier, vous l’avez dit, aux besoins des femmes. Il s’agit d’augmenter les services aux familles, l’offre de garde, tant il est vrai que trouver une solution en la matière relève, pour beaucoup, du parcours du combattant.

Nous voulons mettre fin à cette difficulté en agissant dès à présent sur trois leviers : il s’agit d’abord, naturellement, d’augmenter l’offre ; il convient ensuite de diversifier les services d’accueil ; enfin, il est essentiel de maintenir et de renforcer la qualité et la sécurité de l’accueil des enfants de moins de trois ans.

M. Jean-Pierre Brard. Avec quel argent ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Cela signifie que nous allons accroître l’effort engagé depuis quatre ans avec la création de 40 000 places de crèches dans les cinq années qui viennent, le recrutement de 20 000 professionnels de la petite enfance, et de 60 000 assistantes maternelles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).

M. Augustin Bonrepaux. Mensonge !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Nous allons créer des micro-crèches, des crèches rurales et aussi, c’est très important – et je sais pouvoir compter sur votre soutien à ce sujet – des crèches pour les salariés des très petites entreprises, qui ont tant de mal à accéder à ce type de garde.

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Jean-Pierre Brard. Des sous !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Ainsi que vous l’avez souligné, pour cela il faut des moyens. Nous les mobilisons par l’intermédiaire des caisses d’allocations familiales. (Protestations continues sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Augustin Bonrepaux. C’est faux !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. …avec le nouveau contrat enfance. Les garanties que nous apportons sont très solides. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Ne vous énervez pas mes chers collègues !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Une collectivité qui devrait payer plus de 22 % pour le financement des crèches, verrait le reste pris en charge par les caisses d’allocations familiales. (Bruits continus sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Arrêtez-le !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Bien entendu, tous les anciens contrats resteront en vigueur. (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. À l’expiration de ce plan, dans cinq ans, il existera une solution de garde pour chaque petit enfant de moins de trois ans dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Il faut un sacré culot, quand même, pour parler ainsi !

politique du logement

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe UMP.

M. Axel Poniatowski. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, la France manque toujours sérieusement de logements, qu’il s’agisse de logements locatifs privés ou sociaux, ou de logements en accession à la propriété. Le parc des résidences principales est aujourd’hui constitué de 56 % de propriétaires occupants, de 24 % de logements locatifs privés et de 20 % de logements locatifs sociaux.

M. Jean-Pierre Brard. Et les châteaux pour les aristos ?

M. Axel Poniatowski. Si cette répartition est acceptable, la quantité de logements est insuffisante.

Pour permettre à tous nos concitoyens de se loger, la majorité s’est engagée dans une vaste politique d’aides et d’incitations à la construction. Elle commence à porter ses fruits puisque, cette année 450 000 logements dont 100 000 logements sociaux ont été réalisés, c’est-à-dire deux fois et demie plus que la moyenne annuelle des années du Gouvernement Jospin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette insuffisance fâcheuse des années socialistes a conduit, pour partie, à la bulle immobilière actuelle, en particulier en Île-de-France, avec des loyers élevés qui entament le pouvoir d’achat des Français.

Les plus touchés sont les jeunes qui se lancent dans la vie active et se voient souvent contraints de demeurer chez leurs parents ou de quitter leur commune d’origine, mais aussi les familles séparées ou recomposées, ainsi que certaines familles françaises ou d’origine étrangère parmi les plus modestes.

M. Jean-Pierre Brard. Originaires de Pologne ?

M. Axel Poniatowski. Nous mesurons tous, monsieur le ministre, la souffrance des Français mal logés et, surtout, la spirale infernale vers laquelle peut conduire le manque de logements. C’est la raison pour laquelle la majorité a pris ce problème à bras-le-corps depuis quatre ans.

Je souhaite donc que vous nous disiez où nous en sommes précisément quant au nombre de logements construits ou réhabilités et à quelle échéance vous estimez que les besoins de nos compatriotes seront globalement satisfaits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Et les aristos ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, la crise du logement qui nous a été laissée par nos prédécesseurs (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste) était d’une gravité historique. Ce furent les cinq années les plus noires depuis la guerre, et ce dans tous les secteurs du logement.

Le sujet est grave parce que ses répercussions sont multiples. C’est la dignité humaine qui est atteinte quand on ne trouve pas de logement ou quand le logement devient inadapté et que l’on ne peut en changer alors que la famille s’agrandit. La mobilité professionnelle en est également affectée. Quant au pouvoir d’achat de nos compatriotes, il a été terriblement entamé – près de 30 % – à cause de cette crise. (Approbations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Gilles de Robien d’abord, mes équipes et moi-même ensuite, avons dû doubler la capacité de l’ensemble de la chaîne du logement, de l’offre locative à l’accession à la propriété, du social au résidentiel, du collectif à l’individuel.

Où en sommes-nous dans les faits ?

Le nombre de mises en chantier s’élève à 450 000, contre 270 000 pour nos prédécesseurs ; 550 000 permis de construire ont été délivrés ; la construction de logements sociaux aura été doublée cette année, et elle sera triplée l’année prochaine.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont des chiffres bidon !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. En outre, le plan de rénovation urbaine vise à résorber 600 000 logements indignes. Or chacun sait, par exemple, que la principale cause de l’échec scolaire, c’est l’habitat indigne, c’est quatre enfants dans la même chambre !

M. Daniel Paul. Ce n’est donc pas la méthode globale ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. On mesure bien à ces chiffres la gravité de la crise qui nous a été léguée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Bur.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

défense

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les conclusions de la commission des finances sur les crédits du programme « Environnement et prospective de la politique de défense », dont je suis le rapporteur spécial. Ce programme comprend six actions, que j'ai regroupées dans mon rapport en trois pôles : la préparation de l'avenir, le renseignement et les relations internationales. Ses crédits qui s’élèvent à 1,66 milliard d'euros, sont en progression de 1,4 %.

La préparation de l'avenir, c'est d'abord l’analyse stratégique. Il s'agit, pour l'essentiel, de crédits d'études gérés par la délégation aux affaires stratégiques, qui ne mobilise que 0,22 % des crédits de paiement du programme, soit 3,7 millions d'euros. L'essentiel de ces crédits est consacré aux études politico-militaires, économiques et sociales.

Je note avec satisfaction que la délégation aux affaires stratégiques a engagé un renforcement de la sélection des thèmes d'études et l'amélioration du contrôle de la qualité des résultats obtenus. L'action « Prospective des systèmes de forces » comprend notamment les moyens consacrés aux études opérationnelles et technico-opérationnelles. Elle financera également l'Agence européenne de défense, à hauteur de 4,25 millions d'euros.

L'essentiel des crédits demandés au titre du maintien des capacités technologiques et industrielles sera consacré aux études amont pour lesquelles un effort considérable est consenti : au total 637,6 millions d'euros, soit une hausse de 6 %. Depuis 2001, l'effort de recherche aura donc progressé de près de 80 %, quand la précédente majorité ne consacrait que 355 millions d'euros à cette activité pourtant essentielle pour l'avenir de notre défense et de notre industrie.

La DGA devrait concentrer 10 % de ses autorisations d'engagement d’études amont, soit 70 millions d'euros, sur les PME. Cette démarche, entreprise depuis deux ans, est indispensable pour l'entretien de notre réseau de PME innovantes en matière de technologies. Je m'en félicite et je souhaite que cet effort soit encore amplifié. Sans volontarisme politique et industriel, notre tissu de PME ne pourra être renforcé alors que, de sa qualité, dépend la compétitivité des grands groupes industriels français et, au-delà, européens. À ce propos, je m'interroge, madame la ministre, sur l'existence au sein de votre ministère d'un moyen de contrôler que le niveau des crédits d'études amont accordé à chaque industriel est bien proportionnel aux technologies-clés qu'il détient.

En matière d'innovation technologique, j'insiste à nouveau sur la nécessité de mutualiser les ressources publiques destinées à la soutenir. Ce soutien doit reposer sur un fonds d'investissement à capitaux mixtes publics-privés destiné aux PME évoluant sur les marchés à forte densité technologique. Dans le récent rapport que j'ai remis au Premier ministre – À armes égales – j'ai souhaité que soient créés des fonds populaires d'investissement au service du financement des PME et des PMI. Un effort tout particulier doit être consenti en faveur de nos PME, qui sont la richesse de nos territoires.

Le secteur des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité doit constituer une priorité nationale, comme le fut, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le nucléaire. Je renouvelle mon souhait que soit créé un CEA des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité, sous la forme non pas d'une structure nouvelle mais d'un processus de mutualisation des moyens et des expertises existants mais actuellement dispersés. Cette politique doit être menée à l'échelle européenne : une small business administration européenne devrait aider les PME innovantes, au sein d'un périmètre stratégique européen.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l’équipement des forces : espace, communications, dissuasion. Parlez français !

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense. Tout le monde connaît la SBA, mon cher collègue.

J'en viens aux crédits du renseignement.

Le budget de la direction générale de la sécurité extérieure et celui de la direction de la protection et de la sécurité de la défense s’élèvent respectivement à 445,4 millions d'euros et à 93,2 millions d'euros, soit un total de 538,7 millions. Après une création nette de vingt emplois de catégorie A à la DGSE l’an passé, 16,5 équivalents temps plein devraient être créés en 2007. Madame la ministre, cette progression, notable, n’est pas véritablement à la hauteur des priorités assignées à la DGSE.

Les moyens de fonctionnement de cette dernière progressent légèrement en 2007 pour atteindre 34 millions d'euros, mais cette progression correspond, en fait, aux frais de fonctionnement d'un nouveau centre. À périmètre constant, son budget de fonctionnement demeure donc stable. Les dotations en crédits de paiement des dépenses d'investissement progressent très légèrement, de 0,2 %, mais l'effort notable en faveur des équipements est amplifié puisque ces dotations vont augmenter de 5,4 %.

Le budget de fonctionnement de la DPSD s’élève à 7,6 millions d'euros tandis que 5,1 millions d'euros en crédits de paiement sont consacrés aux dépenses d'investissement. Une part de ces crédits, qui ne figurent pas à son budget, proviennent du programme « Soutien de la politique de défense ».

J'en viens aux relations internationales, en commençant par le soutien aux exportations d'armement, animé notamment par les attachés d'armement, avant d'aborder la diplomatie de défense, assurée par les attachés de défense.

Le soutien aux exportations d'armement mobilise 17,9 millions d'euros, dont 12,3 millions d'euros au titre des dépenses de personnel de la direction du développement international de la DGA. Je souhaite qu'une initiative soit prise pour harmoniser les procédures européennes relatives aux exportations d'armement. La diplomatie de défense est déterminante pour appuyer les ambitions internationales de la France face à l'évolution des risques. Elle contribue à la stabilité de l'environnement international et permet à la France de s'impliquer efficacement dans la prévention et la résolution des crises.

Les postes permanents à l'étranger regroupent 409 personnes. Je salue les efforts de rationalisation de ce réseau et les redéploiements de personnel réalisés en 2005 et en 2006. Je souligne tout particulièrement la volonté de renforcer notre présence au sein des grandes enceintes européennes et internationales. Tenir la plume est, en effet, essentiel si l’on veut en amont peser sur les décisions de normalisation. Les frais de fonctionnement, que la commission des finances avait critiqués, ont été réduits à 30,5 millions d'euros pour l'ensemble de la diplomatie de défense.

Globalement, dans un contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme, la multiplication des menaces et la prolifération nucléaire, vous nous proposez, madame la ministre, de renforcer les moyens de préparation de l'avenir de nos systèmes de défense. Vous nous proposez également de consolider les dotations des services chargés du renseignement, sans pour autant, il est vrai, conduire les efforts budgétaires et organisationnels que nos grands partenaires ont engagés.

La commission des finances a adopté les crédits de la mission « Défense » et formulé un avis favorable sur ceux du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Je vous invite, mes chers collègues, à la suivre avec enthousiasme, eu égard à la qualité de l’ensemble de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l’équipement des forces.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l’équipement des forces. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi les crédits pour 2007 de la mission « Défense », qui s’élèvent à plus de 36 milliards d'euros en crédits de paiement. Avant de les analyser en détail, je souhaite, à l’occasion du dernier débat budgétaire de la législature, souligner le fait remarquable qui caractérise ces cinq dernières années : pour la première fois, une loi de programmation militaire a été respectée dans son intégralité. Au-delà du satisfecit budgétaire, je veux indiquer la portée politique, diplomatique et militaire d'une telle constance.

La loi de programmation 2003-2008 avait été accueillie avec un certain scepticisme. Rares étaient ceux qui, à vos côtés, madame la ministre, soutenaient à l’époque qu’elle serait respectée. La plupart des observateurs soulignaient plutôt, avec le brin de condescendance qui sied aux spécialistes, qu'il s'agissait au mieux d'un effet d'affichage volontariste. Il est vrai que les expériences passées avaient été particulièrement décevantes. Si l’exécution était toujours conforme la première année, dès la deuxième, les dérives commençaient et les programmations initiales finissaient par être totalement dénaturées.

Or voici qu'aujourd'hui, pour la cinquième fois consécutive, nous votons des crédits conformes à la programmation décidée en 2002. Cela signifie en premier lieu que le Parlement est enfin respecté. Ses choix, ses orientations, longuement débattues, ont une force qu'ils n'auraient jamais dû perdre. La loi s'applique et, sur tous ces bancs, nous ne pouvons que nous en féliciter.

À l'approche de l'élection présidentielle, certains exigent une plus grande implication du Parlement en matière de défense. Cependant que serait une plus grande implication sans le respect des lois par le Gouvernement ?

Madame le ministre, je tiens à souligner votre souci d'associer étroitement le Parlement, et pas uniquement la commission de la défense, à la vie de votre ministère. Vous avez, au cours de ces cinq ans, déployé l'énergie et la conviction nécessaires pour éviter ces coupes sombres qui, auparavant, ont toujours fait du budget de la défense, la principale variable d'ajustement budgétaire. Soyez en remerciée.

En deuxième lieu, le respect de la programmation militaire permet le renouvellement des équipements de nos armées. De reports budgétaires en gels, voire en annulations, les nouveaux programmes d'équipements étaient devenus de véritables arlésiennes industrielles.

Je ne citerai qu'un exemple – celui du Rafale. Ce programme, décidé en 1988, a pris dix ans de retard, principalement en raison du non-respect par l'État de son engagement financier. Bilan des courses : ce n'est qu'en juillet de cette année que l'armée de l'air a réceptionné son premier escadron, initialement programmé pour 1996. De tels décalages contraignent l'armée de l'air à maintenir en service les vieux appareils à un coût d'entretien anormalement élevé. Pour les industriels, les aléas budgétaires ont rendu la production de l'avion chaotique et ses chances à l'exportation quasi-nulle, pendant toute cette période de latence.

Le non-respect budgétaire des lois de programmation militaire est la victoire d'une logique comptable – au demeurant fort coûteuse– sur la logique militaire et industrielle. Aujourd'hui, fort heureusement, nous avons inversé l'ordre des choses. Désormais, les nécessités de sdéfense nationale priment. C'est revenir à un ordre logique des priorités.

Troisième conséquence, et non des moindres, de ce respect de la loi de programmation militaire sur la durée : les armées et les industriels ont désormais une vision à moyen terme de leurs moyens et objectifs respectifs. On ne gère plus par annuité mais avec une vision pluriannuelle, ce qui permet de poursuivre les réformes de structures de nos armées, en adéquation avec leurs moyens et leurs missions.

Le renforcement des synergies entre les armées a considérablement progressé avec le rôle accru du chef d'état-major des armées et une utilisation intelligente des possibilités de la LOLF a permis une meilleure identification des responsabilités en interne.

Je citerai aussi parmi ces nombreuses réformes de structure : le service unique des archives de la défense, le service unique d'infrastructure de la défense, la mise en place d'une formation commune des élèves commissaires, la création de la direction des réseaux interarmées et des systèmes d'information, le développement de la démarche qualité et la réorganisation de la fonction achat.

Les externalisations se poursuivent également. Tel est désormais le cas de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères des trois armées et de la gendarmerie nationale, de la gestion et de la maintenance du parc de véhicules légers de la gamme commerciale, du transport aérien de longue portée. Devenant un client plus fiable, l'État peut mieux négocier les prix.

En respectant sa parole, l'État réalise des économies structurelles conséquentes ; les armées peuvent se réorganiser autour de leurs missions principales, les industriels se restructurer pour améliorer leur productivité. En outre, comme la France tient ses engagements budgétaires sur les programmes, les coopérations internationales sont plus aisément envisageables. Et ce n'est pas un hasard si l'Europe de la défense a connu au cours de ces dernières années de réelles et concrètes avancées.

Quatrième point : le respect budgétaire de la programmation militaire renforce le poids de la France dans le monde.

Il ne suffit pas d'affirmer que nous avons une des meilleures armées au monde pour susciter le respect. Trop souvent, dans le passé, nos soldats ont dû préserver le rang de la France avec des matériels vieillissants. Aujourd'hui, grâce aux efforts budgétaires consentis par la nation, ils disposent ou disposeront, sous peu, d'équipements ultra-modernes, leur permettant d'agir rapidement et efficacement sur tous les théâtres d'opérations.

Je citerai de nouveau le Rafale : lors de sa première participation à un exercice interarmées en Espagne cet été, il a remporté toutes les épreuves. Ce n'est pas anodin. Cela signifie que la France est de nouveau respectée en tant que grande puissance, qu'elle est en mesure de faire entendre sa voix.

Grâce à la loi de programmation militaire, grâce à notre constance budgétaire, près de 15 000 militaires français sont aujourd'hui déployés hors de nos frontières pour des missions de paix. C'est cela la crédibilité de la France.

Ainsi, en respectant la loi de programmation militaire, le Gouvernement et le Parlement donnent du sens à la dépense budgétaire. Ils rendent compréhensibles les milliards d'euros dépensés pour équiper et soutenir nos armées.

La justification au premier euro, nouveau principe budgétaire imposé par la LOLF, exige une justification des objectifs. Loi de programmation militaire et budget annuel vont de pair. Ne pas respecter l'un rend l'autre incohérent.

Abordons maintenant les crédits 2007 de la mission « Défense » consacrés à l'équipement des forces.

Ils progressent de 1,9 %, pour s'établir à 15,96 milliards d'euros en crédits de paiement et à 15,6 milliards en autorisations d’engagement.

Deux points doivent être soulignés.

D’abord l'avancée de certains grands programmes se traduit par des baisses significatives des crédits affectés au développement et à la fabrication : moins 17,9 % en crédits de paiement. Par contre, l'entretien programmé des matériels croît sensiblement, notamment en raison de la concomitance de l'immobilisation pour entretien et réparation de trois bâtiments de la marine à propulsion nucléaire : le porte-avions Charles-de-Gaulle, le sous-marin lanceur d'engin Le Téméraire et le sous-marin d'attaque Saphir.

Le programme équipements des forces a fait l'objet, au cours de l'année 2006, de mesures de régulation budgétaire : 625,28 millions d'euros ont ainsi été annulés. Ramenée au total, cette régulation a un impact limité, contrairement aux ajustements brutaux auxquels il avait été procédé avant 2002, lesquels avaient des conséquences immédiates sur la disponibilité des matériels.

Les reports de crédits vers la gestion 2007 devraient être réduits d'environ 600 millions d'euros. C'est un point extrêmement positif. Toutefois je rappelle que l'article 15 de la LOLF limite à 3 % les crédits d'un programme susceptibles d'être reportés. Aussi l'article 39 du projet de loi de finances pour 2007 propose-t-il, comme en 2006, de permettre le report dans la seule limitation des dépenses initiales des crédits du programme « Équipement des forces ». C'est une invitation faite au Gouvernement, notamment au ministère des finances et au ministère de la défense, de poursuivre la diminution des reports de crédits.

La traduction immédiate et financière de ces régulations budgétaires est le paiement d'intérêts moratoires. Ceux-ci demeurent à un niveau élevé, environ 28 millions d'euros, sanctionnant le médiocre comportement budgétaire de l'État. Ils représentent plus de 15 milliards d'euros pour l'équipement des forces, ce qui oblige à veiller à la bonne gestion de ces crédits. Des échecs cuisants, des dérives financières passées nous invitent à la plus grande vigilance.

Jean-Claude Viollet et moi-même avons mené, dans le cadre de la MEC, une mission consacrée à la conduite des programmes d'armements. Le rapport remis au mois de juillet souligne l'apport très positif du conseil des systèmes de forces pour la mise en cohérence des programmes. Le nouveau rôle dévolu au chef d'état-major des armées assure une vision globale des besoins et des priorités.

Madame le ministre, si beaucoup reste encore à faire en matière de conduite des programmes – je pense notamment à la réforme en cours de la DGA – vous avez néanmoins mis en place, dès 2002, de nouvelles procédures de décision, bousculant les habitudes prises par le passé et permettant une meilleure gestion des deniers publics.

Je traiterai rapidement de l'Europe de la défense, qui mériterait pourtant des développements plus conséquents compte tenu des enjeux.

Les coopérations européennes progressent. La montée en puissance de l'OCCAR y est pour beaucoup. L'implication des politiques également, dans le cadre de l'agence européenne de défense. La France a beaucoup à gagner de ces programmes européens, en termes de mutualisations budgétaires mais aussi pour le développement de nos industries.

Je formulerai quelques remarques rapides sur des programmes emblématiques.

L’avion Rafale, déjà évoqué, est enfin mis en service dans notre armée de l'air. Souhaitons que les exportations permettent son développement, sans perturber le calendrier d'équipement de notre armée de l'air.

Le second porte-avions entre dans une phase décisive. Les discussions avec les britanniques ont permis de définir une configuration optimale. Ce second porte-avions permettra la disponibilité permanente d'un groupe aéronaval, malgré les périodes régulières et longues d'immobilisation pour révision.

Les derniers chars Leclerc doivent être livrés à l'armée de terre en 2007, concluant un programme au développement difficile. Soulignons toutefois que ces chars sont actuellement en position au Sud-Liban, dans le cadre de la FINUL, démontrant leur efficacité en projection.

Le VBCI est attendu avec impatience. En raison des retards accumulés, les premières livraisons auront lieu en 2008. Nous nous réjouissons des efforts importants qui ont été accomplis pour sortir de l'ornière un programme essentiel pour l'armée de terre. L'A 400 M et l'hélicoptère NH 90 sont également très attendus. Souhaitons que les difficultés d'Airbus ne retardent pas la livraison de l’A 400 M.

Bien sûr, l'effort de la nation pour l'équipement de nos armées n'exempte pas le ministère de la défense de l'effort de maîtrise de la dépense. À ce titre, les programmes « Soutien de la politique de défense » et « Préparation et emploi des forces » sont maintenus sous une forte contrainte.

Comme lors des années précédentes, le ministère a d'ores et déjà demandé pour 2007 un effort de réduction supplémentaire des dépenses de fonctionnement – hors carburants – des trois armées. Cette réduction serait de l'ordre de 7 millions d'euros pour l'armée de terre, d'un montant comparable, voire supérieur, pour l'armée de l'air et de 1,9 million d'euros pour la marine nationale.

En ce qui concerne les personnels, le projet de loi de finances pour 2007 établit les effectifs du ministère de la défense à 436 994 équivalents temps plein. Avec toutes les précautions d'usage liées à des comparaisons statistiques rendues délicates par le caractère fluctuant des périmètres pris en compte, ce chiffre est inférieur de 8 754 au niveau requis par la loi de programmation. Je tiens à souligner l'effort constant du ministère en matière d'effectifs, malgré l'activité très élevée de nos armées.

Pour ce qui est du recrutement, crucial en raison de la professionnalisation, il faut noter que le taux global de sélection observé en 2005 pour les trois armées s'établit à 1,9 candidat pour un poste. Ce chiffre traduit l'attractivité des armées sur le marché de l'emploi, mais aussi les efforts accomplis pour améliorer la condition militaire.

Concernant l'activité des forces, le niveau global apparaît satisfaisant. Les minima requis sont atteints. Les heures de vol, les jours en mer et les manœuvres permettent le maintien en condition opérationnel des militaires. Cependant, désormais, la marge de manœuvre est quasi nulle. C’est pourquoi, je ne peux qu'exprimer mon inquiétude quant au risque d'utiliser l'activité des forces comme variable d'ajustement budgétaire. Cette tentation existe notamment lorsque les crédits destinés aux carburants subissent des hausses non anticipées du prix du baril.

La dotation affectée aux carburants pour les trois armées s'élevait à 318,6 millions d'euros dans la loi de finances pour 2006. Elle devrait atteindre 364,77 millions d'euros en 2007. Le ministère prend donc en compte le relèvement du coût du pétrole, mais dans une mesure moindre – plus 14,5 % – que la flambée actuelle et effective des cours. Toutes choses égales par ailleurs, la dotation pour 2007 demeurerait donc nettement inférieure aux besoins réels des armées.

Si les besoins en carburants étaient les mêmes en 2007 que ce qu'ils étaient en 2006, il manquerait alors environ 86,7 millions d'euros pour acheter le carburant nécessaire à nos armées. Il serait souhaitable que, lors de la construction budgétaire, le ministère des finances et celui de la défense aient une anticipation réaliste de l'évolution des cours du pétrole et du marché des changes. Nous en sommes encore loin aujourd'hui.

Pour conclure mon propos, je souhaite aborder deux points qui, traditionnellement, sont sujets à débat : la dissuasion nucléaire et les OPEX.

Les candidats pour les présidentielles de 2007 aborderont immanquablement la question de la dissuasion nucléaire. Depuis 1965, elle a toujours fait débat. Certains candidats se sont déjà exprimés, laissant présager une révision de notre doctrine. Pour 2007, 3,269 milliards d'euros de crédits de paiement sont affectés à la dissuasion nucléaire, soit 10 % du budget de la mission « Défense ». Cela est certes loin d'être négligeable, mais c’est bien éloigné du chiffre de 50 % des années soixante.

Ce montant important est nécessaire pour la modernisation de notre arsenal. Les crises iranienne et nord-coréenne démontrent que la prolifération nucléaire est une réalité géopolitique très actuelle et très menaçante.

La France dispose de sa propre dissuasion nucléaire, ce qui lui permet de faire entendre sa voix au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, mais aussi auprès de puissances régionales qui aspirent à disposer de l'arme ultime pour affirmer leur place.

Le droit international actuel ne permet pas de limiter la prolifération nucléaire et ne garantit pas contre un usage de l'arme nucléaire dans un conflit. Aussi la France doit-elle, pour ses compatriotes mais aussi pour ses alliés, disposer des armes nécessaires pour dissuader tout adversaire de l'attaquer. Il s'agit, en quelque sorte, du principe de précaution appliqué à notre sécurité

Notre doctrine nucléaire est fondée sur le non-emploi. Certains souhaiteraient la modifier. Prenons garde de franchir ce pas dangereux pour l'humanité.

Pour être efficace, la dissuasion impose de disposer de la technologie la plus performante, d'avoir les sous-marins et les avions les plus opérationnels et, en raison de l'arrêt des essais nucléaires, de recourir aux outils de simulations les plus savants.

Certes, cela a un coût, mais celui-ci n'est pas aussi élevé qu'on le pense si l'on prend en compte l'apport majeur pour notre sécurité. Comme l'a dit le Président de la République en janvier dernier : « Nous ne sommes à l'abri ni d'un retournement imprévu du système international ni d'une surprise stratégique. »

Je termine en évoquant les OPEX.

Au nom de la sincérité des lois de finances, certains défenseurs de l’orthodoxie budgétaire souhaitent que le projet de budget précise le coût financier des OPEX de l'année à venir. Je comprends parfaitement leur souci de vérité, de justification au premier euro. Je comprends également leur volonté d'éviter les ajustements budgétaires d'urgence par la voie d’une loi de finances rectificative ou d’un décret d'avance, destinés à payer les factures de nos interventions extérieures.

C'est bien pour répondre à cette aspiration à plus de sincérité que le Gouvernement a inscrit, pour la première fois dans la loi de finances de 2004, une dotation initiale pour financer les OPEX. Cette dotation s'est révélée insuffisante, mais un progrès significatif a été accompli puisque nous sommes passés à 100 millions d'euros en 2005 et à 175,4 millions en 2006. Pour 2007, cette dotation est portée à 360 millions d'euros. Ainsi, nul ne peut nier de bonne foi l'effort considérable accompli dans le bon sens de l'orthodoxie budgétaire.

Pourtant, certains font toujours grise mine. Je crois qu'il est certes possible de progresser encore un peu, mais, au fond, il faut bien être conscient qu'en matière d'OPEX, la sincérité budgétaire absolue n'aurait aucun sens. Elle m'apparaît en effet ni possible ni réellement souhaitable, cela pour plusieurs raisons.

D'abord, les OPEX sont par nature imprévisibles : l'année dernière, à la même époque, en ce même lieu, nous débattions du projet de budget 2006 pour la défense. Personne sur ces bancs n'envisageait l'intervention française au Liban de l'été.

La seconde raison est d'ordre diplomatique. Si le Parlement imposait au Gouvernement un cadre strict de dépense en matière d'interventions extérieures, cela pourrait entraîner des décisions prises hors de tout contexte géopolitique.

Madame le ministre, mes chers collègues, je vais conclure en formulant un vœu.

En cinq ans, nos armées ont retrouvé, sous votre autorité, une efficacité qui donne, dans le monde, une crédibilité nouvelle à la parole de la France. Sur l'Irak, sur l'Iran ou encore sur le Liban, le Président de la République défend une position de la France avec un soutien qui dépasse largement les traditionnels clivages politiques. Ce consensus est un atout, mais n'oublions pas que, sans la restauration de notre outil militaire, il ne serait d'aucun poids sur la scène internationale.

À l'approche de l'élection présidentielle, je souhaite donc que cet effort de défense soit maintenu et qu'il puisse surtout faire l'objet d'un accord non partisan.

M. Jean-Louis Bernard. Très bien !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial, pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l’équipement des forces. Au cours d’un débat télévisé, j'ai entendu, hier soir, des propos approximatifs assez inquiétants. Néanmoins – fait nouveau –, je n'ai entendu personne remettre en question l'effort de défense.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Pourvu que cela dure !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de la défense et pour l’équipement des forces. Dans un monde extrêmement périlleux, c'est une excellente nouvelle pour la sécurité des Français. Au fond, c'est aussi la reconnaissance du travail accompli au cours de ces cinq dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois encore, c'est dans un contexte international très incertain, car troublé, que nous sommes amenés à examiner les crédits destinés au financement de notre défense pour 2007.

L'année 2006 aura en effet été marquée par une dégradation continue dans les zones de crises : au Moyen-Orient, en Afrique ou en Afghanistan, les tensions se sont exaspérées.

En Irak, les États-Unis commencent à admettre l'ampleur du désastre militaire, politique et humanitaire qu'a entraîné leur intervention. Le président Bush lui-même a été obligé de le reconnaître ces derniers jours. Le bilan humain de la guerre en Irak ne cesse de s'alourdir pour les États-Unis et pour les Irakiens.

L'Afghanistan, second théâtre majeur d'intervention de troupes internationales, voit également sa situation se dégrader fortement depuis quelques mois. Comme en Irak, une dialectique redoutable s'est mise en place : d’une part, les forces armées internationales n’arrivent pas à assurer leur mission, et le gouvernement élu ne parvient pas à établir son autorité sur l'ensemble du territoire. Qui plus est, l'Afghanistan est redevenu un narco-État, qui fournit 90 % de l'approvisionnement mondial d'opium.

Si le déploiement de la force intérimaire des Nations unies au Liban renforcée – la FINUL – se déroule de façon satisfaisante jusqu'ici, nous ne pouvons nous départir d'une certaine prudence. Le bilan qui peut être tiré de l'intervention israélienne au Liban au cours de l'été 2006 apparaît d'ores et déjà comme hautement préoccupant. L'absence de stratégie claire d'Israël a conduit au renforcement du prestige du Hezbollah, dont il est à craindre qu'il utilise la FINUL comme un bouclier.

Enfin, la situation au Darfour se dégrade de façon préoccupante, et ce dans la quasi-indifférence de l'opinion internationale. Dans cette région de la taille de la France, près de 10 000 personnes meurent chaque mois. L'ampleur de la crise au Darfour impose le déploiement d'une opération de maintien de la paix des Nations unies conformément à la résolution 1 706 adoptée le 31 août 2006 par le Conseil de sécurité. Cependant, rien ne se passe, car le gouvernement soudanais oppose un refus persistant au déploiement de cette force. En revanche, il semble accepter le renforcement de la mission de l'Union africaine par les Nations unies, tout en exigeant le départ du représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour les propos tenus sur les difficultés militaires du camp gouvernemental, le général Bachir ayant en effet obtenu le départ de Kofi Annan.

Trois enseignements majeurs peuvent être tirés des quatre crises que viens d’évoquer rapidement.

En premier lieu, elles révèlent que le système international n'a pas encore réussi à tirer les conséquences de l’évolution de la nature des conflits intervenue depuis la fin de la guerre froide. Or, on le voit aujourd'hui en Irak, l'erreur fondamentale des États-Unis est d'avoir cru que le déroulement éclair de la guerre en Afghanistan serait désormais le modèle des futures interventions qui conjuguent avance technologique, effet de surprise et moyens humains fortement resserrés. Les États-Unis payent aujourd'hui en Irak un lourd prix pour l'omission, dans les plans du Pentagone, des besoins liés à la reconstruction du pays.

Deuxième enseignement qu'il faut tirer des quatre crises évoquées : les États-Unis détiennent, qu'on le veuille ou non, les clés de la stabilité internationale. À ce titre, la focalisation américaine sur la guerre contre le terrorisme, au détriment d'une analyse politique de la situation de terrain – en Irak surtout, au Moyen-Orient en général — est lourde de conséquences pour la stabilité internationale.

En troisième et dernier lieu, la crise du Liban a de nouveau posé la question du cadre international dans lequel une action d'interposition armée pouvait être efficacement conduite. À travers ce débat, c'est, plus largement, le problème de l'articulation entre l'action de l'ONU, de l'OTAN et de l'Union européenne qui revient au premier plan. Pour leur part, les États-Unis cherchent à faire évoluer l'Alliance atlantique vers un rôle global de sécurité.

La préparation du sommet de l'OTAN à Riga, au mois de novembre 2006, fournit un nouvel exemple de cette démarche constante des États-Unis depuis quelques années. À cet égard, je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelle réponse la France apportera à la proposition anglo-américaine évoquée en mars dernier, de créer, pour 2008, un partenariat global qui se superposerait au cadre actuel, en réunissant les membres de l’OTAN, leurs alliés, leurs partenaires et les pays « contacts » autour du Conseil de l'Atlantique.

Cependant, c'est dans un autre domaine que risque de se jouer la crédibilité du système de sécurité collective : les récents événements concernant le développement d'une arme nucléaire en Corée du Nord et en Iran mettent en cause les fondements du régime de non prolifération nucléaire, qui repose, depuis près de quatre décennies, sur le TNP signé en 1968.

À l'évidence, une nucléarisation officielle de la Corée du Nord, puis de l'Iran ferait basculer le monde dans un contexte stratégique radicalement nouveau, avec un risque élevé de proliférations en chaîne. Peuvent être considérés comme de possibles candidats le Japon, Taiwan, l'Arabie Saoudite, l'Égypte ou encore le Brésil.

Face à ce scénario de cauchemar, une question s'impose : que peut-on faire pour sauver le régime de non-prolifération ? Même si le TNP manque de clarté, par exemple sur le problème de l'enrichissement, l'amender reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore. Il est néanmoins possible de le compléter par un traité de désarmement complet et progressif, c'est-à-dire tout simplement d'appliquer les dispositions contenues dans son article 6. De même, il faut poursuivre les efforts en vue de rendre applicable le traité d'interdiction complète des essais nucléaires – le TICE –, signé en 1996. Par ailleurs, une avancée dans la négociation du traité d'interdiction de production des matières fissiles pourrait contribuer à donner corps aux engagements pris par les États nucléaires. Qu'en est-il à cet égard, madame la ministre, des propositions américaines concernant ce traité ?

En complément de ces démarches au sein de la conférence du désarmement, il faut revaloriser le rôle de l'Agence internationale pour l'énergie atomique, l’AIEA. Les dispositifs de vérification et de contrôle doivent être renforcés et amplifiés ; à ce titre, l'universalisation des protocoles additionnels renforçant le rôle de l'AIEA est indispensable.

Le projet de budget de la défense pour 2007 est-il adapté aux besoins de notre défense en fonction du contexte international que je viens de décrire ?

Je ne reviendrai pas sur les chiffres du budget de la mission « Défense », déjà évoqués à cette tribune. J'observerai qu'effectivement le projet de budget est conforme à l'annuité théorique actualisée de la loi de programmation militaire 2003-2008.

M. Michel Voisin. En effet.

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. De même, je me réjouis de la poursuite de la budgétisation des OPEX dès le stade de la loi de finances initiale, effort que j'appelle de mes vœux de longue date.

M. Michel Voisin. Très bien !

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cependant, dans la mesure même où ce projet de budget n'est que l'application annuelle d'une loi de programmation dont les choix, ou plutôt les non choix, ne me paraissent pas répondre au contexte stratégique complexe et troublé que je viens de décrire, je ne peux pas considérer qu'il est adapté aux besoins de notre défense et à notre volonté de voir la France jouer tout son rôle dans la résolution des crises internationales.

Je le crois d'autant moins lorsque je lis les propos tenus par le général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, devant la commission de la défense, lors de son audition le 10 octobre dernier : « Si le modèle d'armée 2015 avait été bâti en 2006, les choix auraient sans doute été différents ».

Un tel constat est inquiétant, d'autant qu'il est partagé par nombre d'experts : de fait, quand bien même le modèle d'armée 2015 deviendrait le modèle d'armée 2020, il faudrait, pour le réaliser, injecter 70 milliards d'euros supplémentaires, autrement dit, faire passer les crédits d'investissement de 14,7 milliards d’euros à 20 milliards d’euros par an. À dire vrai, outre qu'une telle augmentation du budget de la défense n'est nullement envisageable, elle serait largement vaine car, ainsi que je l'ai souligné, ce sont les objectifs mêmes du modèle 2015 qu'il faut revoir, notamment les formats humains et les choix d'équipement qui ne sont plus adaptés à la conduite des conflits actuels.

Ces questions ne me semblent pas posées aujourd'hui au sein de l'appareil gouvernemental, alors même que la communauté militaire y réfléchit de manière approfondie. Or il est impensable que le monde politique reste en retrait par rapport aux réflexions en cours au sein de l'institution militaire.

Je pense, pour ma part, qu'il y a urgence à réexaminer à la fois les orientations de notre politique de défense et les choix d'équipement qui en découlent. La question n’est pas tant celle – que l’on pose trop souvent d’ailleurs – du niveau des dépenses que de leur affectation et de leur euro-compatibilité.

En l'occurrence, la question de l'affectation, des crédits de défense n'est autre que celle du poids respectif des missions de projection, de prévention et de protection dans notre système de défense.

En matière de projection de troupes françaises à l'étranger, force est de reconnaître, avec le chef d'état-major des armées, que, s'agissant de la situation des troupes, presque tous les clignotants des opérations extérieures sont à l'orange, avec plus de 35 000 femmes et hommes déployés sur des théâtres d'opérations à divers titres, sans compter les 1 300 personnels intervenant sur le territoire national, essentiellement dans le cadre du plan Vigipirate.

En France, l'articulation entre projection, prévention et protection pose nécessairement la question – évoquée par M. Cornut-Gentille – de la part que doit prendre la dissuasion dans notre système de défense. Sur ce point, je plaide, sans succès, pour un véritable débat, qui n'a pas lieu, en dépit des infléchissements majeurs de notre doctrine. Ainsi, on peut se demander si le discours du Président de la République à l'île Longue, le 19 janvier 2006, sous prétexte de précisions qui explicitent le contenu de la doctrine française de dissuasion nucléaire, n'en vient pas à modifier celle-ci. Qu'en est-il notamment du lien entre dissuasion et terrorisme, sur lequel des propos ambigus ont été tenus ? De même, j'aimerais qu'il soit débattu du choix d'engager la France, au sein de l'OTAN, dans des études relatives à un système de défense antimissile stratégique, pourtant traditionnellement considéré en France comme un facteur d’affaiblissement de la dissuasion, car il postule son échec.

En conclusion, je considère qu'en dépit d'un affichage favorable, le projet de budget de la mission « Défense » pour 2007 n'est pas satisfaisant. J'ai donc invité la commission des affaires étrangères à donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission. Elle ne m'a cependant pas suivi – mais il s’en est fallu de peu – et elle a, au contraire, donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Voisin. C’est la sagesse !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour l’environnement et la prospective de défense. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'année dernière, lors de l'examen du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », j'avais opté pour un optimisme raisonné, estimant que la grande diversité des actions qui le composent était compensée par les synergies à en attendre. Force est de constater que les premiers enseignements de 2006 montrent que la plus-value attendue en termes de gestion de l'assemblage retenu tarde à se manifester.

Je rappelle pour mémoire que le programme 144 comporte six actions : « Analyse stratégique » qui dépend de la délégation aux affaires stratégiques ; « Prospective des systèmes de force », sous la responsabilité de l’état-major des armées en liaison avec la DGA, laquelle est par ailleurs en charge de l'action « Maintien des capacités technologiques et industrielles » ; « Recherche et l'exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », confiée à la DGSE et à la direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD ; enfin, les actions « Soutien aux exportations » et « Diplomatie de défense » qui traitent notamment de nos exportations de défense et intéressent plusieurs acteurs.

Le fil rouge reliant ces six actions n'apparaît pas encore très clairement mais il faut s'attacher à l'essentiel. Or l'essentiel, aujourd'hui, c'est le constat heureux que les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire ont été tenus. En effet, on ne se projette pas dans l'avenir en ayant construit sur du sable.

Ce satisfecit n'est pas de pure forme. Je viens de passer plusieurs jours au Liban au cours desquels j'ai été amené à rencontrer des détachements français de la FINUL, jusque dans une zone très exposée, à la frontière avec Israël. À défaut d'avoir la conscience tranquille, étant donné les conditions délicates d'engagement de nos soldats, ceux qui, ici, ont soutenu le redressement de nos crédits de défense peuvent au moins se dire avoir agi en responsabilité en permettant d'équiper nos unités des moyens les meilleurs possible pour accomplir la mission qui leur a été assignée par le pouvoir politique.

Pour revenir plus directement au contenu budgétaire du programme 144, le constat est somme toute rassurant : le projet de loi de finances pour 2007 prend bien en compte la priorité que constitue la préparation de l'avenir.

Les actions « Analyses stratégiques » et « Prospective des systèmes de forces » font l'objet de dotations budgétaires convenables ; je ne m'y attarderai donc pas. Néanmoins je reviendrai sur le sujet au terme de mon propos.

L'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » retrace les crédits de deux des services de renseignement dépendant du ministère de la défense : la DGSE et la DPSD, les moyens de la direction du renseignement militaire, la DRM, étant pour leur part récapitulés au sein du programme 178. Dans le domaine du renseignement d'origine technique, la DGSE et la DRM se sont engagées dans une politique de rationalisation et de mutualisation des ressources, avec notamment la création d'un centre d'interception commun en Nouvelle-Calédonie.

Les crédits de paiement de l'action 3 sont pratiquement stabilisés, après une reprise vigoureuse en 2006. La masse salariale de la DGSE augmente de 2,7 millions d'euros correspondant à 16,5 emplois civils et 47 transferts de militaires. Pour la DPSD, le niveau des crédits de personnel permet de faire passer les effectifs réalisés de 1321 à 1381, 5 équivalents temps plein.

Les crédits d'investissement de la DGSE progressent peu : 0,2 %. Toutefois la part consacrée aux infrastructures se réduit sous l'effet de l'achèvement des travaux de rénovation du site parisien, ce qui permet d'accroître celle accordée aux moyens techniques, qui s’élève à 100,9 millions d'euros, soit une progression de 5,4 %.

Le véritable point critique concerne les crédits de fonctionnement, en augmentation légère en 2007 – 1,4 % – mais globalement stables depuis 1998. La marge de manœuvre et d'adaptation apparaît désormais très réduite et il convient de s'en alarmer, madame le ministre. Nul ne peut en effet contester que le renseignement constitue une priorité absolue, d'autant plus que si la coopération avec les autres services européens est déterminante et satisfaisante, elle continue à s'exercer largement sur le mode du donnant-donnant. Or les comparaisons, même si elles sont parfois délicates, ne sont pas toujours à notre avantage.

Pour mémoire, on rappellera que l'ensemble des services français représente environ 9 500 personnes et un budget de 753 millions d'euros. Les capacités britanniques apparaissent, elles, singulièrement plus étoffées, avec un peu plus de 20 000 personnes dont la moitié est affectée aux écoutes et dont un tiers est en poste à l'étranger, ce qui n’est peut-être pas sans lien avec les grands succès des Britanniques en matière d’exportation. Quant au budget des services britanniques, il s'élève à 2,5 milliards d'euros, en progression de 5 % pour l'exercice 2006-2007. La prochaine loi de programmation militaire devrait donc à mon sens s'attacher prioritairement à réduire cet écart, comme l’actuelle loi de programmation a cherché, avec succès, à réduire celui qui existe avec nos voisins en matière de recherche.

S'agissant de l’action « Maintien des capacités technologiques et industrielles », c'est-à-dire de notre recherche de défense, l'exercice 2007 devrait confirmer la tendance continue à l'augmentation des crédits d'études amont de la DGA, conformément à l'engagement de les porter à 700 millions d'euros en 2008, comme cela a été prévu dans la loi de programmation militaire et confirmé par la ministre de la défense, à l'occasion du salon du Bourget en 2005.

Les crédits de paiement de cette action devraient atteindre 966,7 millions d'euros. Pour l'essentiel, ils sont constitués par les études amont, dont les crédits de paiement s'élèvent à 637,6 millions d'euros en 2007, soit une augmentation de 6 %. Si l'on rappelle que les crédits votés pour celle-ci s'élevaient à 431,9 millions d'euros en 2003 et ont depuis lors progressé de 47,6 %, on mesure mieux le chemin parcouru. Au demeurant, il est de notre responsabilité de constater que la dotation au PLF 2007 est encore légèrement inférieure à celle qui était inscrite en loi de programmation militaire. Le niveau atteint doit donc être considéré comme une étape car beaucoup reste à faire.

Cela étant il est important de faire deux rappels : premièrement, le retard accumulé antérieurement à la loi de programmation militaire n'a pu être intégralement rattrapé ; deuxièmement, l'effort de recherche de défense français doit être apprécié par rapport à celui de nos partenaires principaux.

Si l'on raisonne hors nucléaire, il apparaît que la France se situe en deuxième position en Europe en ce qui concerne le montant des crédits de recherche et technologie avec 0,72 milliard d'euros en 2006, derrière le Royaume-Uni – 0,95 milliard d'euros – mais devant l'Allemagne – 0,47 milliard d'euros. Le Royaume-Uni consacre 2 % de son budget de défense à la R & T, comme l'Allemagne, alors que cette part s'élève à 1,5 % en France. Cependant si l’on ajoute la recherche en matière nucléaire, la France précède notablement le Royaume-Uni.

La tendance observée ces dernières années est donc satisfaisante. Toutefois, l'effort d'ensemble au profit de la recherche reste encore en deçà de la stricte suffisance exigée par les ambitions nationales d'autonomie stratégique et technologique. De ce point de vue, je souhaite que le caractère indispensable de la recherche de défense et de sécurité dans la prochaine loi de programmation soit mieux pris en compte, avec un objectif mobilisateur d'un milliard d'euros en dotation annuelle pour les études amont y compris la participation au BCRD, ce qui apparaît parfaitement à notre portée.

Des domaines majeurs doivent mobiliser nos efforts : l'espace avec la relève du système Hélios et le développement d'un dispositif d'écoute électronique performant ; les drones dont l'utilité et l'efficacité s'imposent sur tous les théâtres d'opération ; les recherches en matière de laser qui mériteraient une attention beaucoup plus soutenue

Enfin, une petite partie des crédits du programme 144 porte sur le soutien aux exportations de défense, l’action 5.

Je ne reprendrai pas ici l'ensemble des réflexions que j’ai développées dans le rapport sur les exportations de défense et de sécurité de la France, que le Premier ministre et vous-même m’avez demandé, madame le ministre, et que j’ai remis le 23 juin 2006. Qu'il me soit toutefois permis de réaffirmer le caractère déterminant de la responsabilité de l'État dans ce domaine. Même si celui-ci n'a pas à se substituer aux industriels, il a le devoir de mettre en place une chaîne d'acteurs étatiques de la promotion et du contrôle des exportations aussi efficace que possible. Je souhaite, madame le ministre, que vous nous confirmiez la volonté du Gouvernement d'aller de l'avant en la matière en précisant vos pistes d'action.

Pour conclure, il faut reconnaître au programme 144 le mérite d'avoir donné au Parlement une meilleure visibilité de l'activité des acteurs du ministère de la défense participant à l'exercice collectif de prospective de défense. Cet apport pourrait utilement être mis à profit afin que les réflexions sur l'avenir de notre outil de défense, indispensables au regard des échéances politiques et d'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, ne restent pas cantonnées à un cercle trop étroit de responsables politiques et militaires. Je rejoins sur ce point mon prédécesseur à cette tribune, encore qu’à l’époque où il avait des responsabilités, cela n’ait pas été mis en œuvre.

Il me semble que, dans le respect des attributions qui lui sont reconnues par nos institutions, l'Assemblée nationale devrait se saisir plus activement de la réflexion sur l'évolution de notre dispositif de défense. La mise en œuvre de la LOLF lui en donne l'occasion puisque le programme 144, dont j'ai l'honneur de vous présenter les aspects budgétaires, nous invite à nous projeter dans l'avenir. La préparation de la prochaine loi de programmation militaire ne constitue-t-elle pas une possibilité pour le Parlement de retrouver en matière de défense un rôle plus conforme à ses responsabilités et – oserai-je dire – à sa dignité ?

En conclusion, en dépit de quelques réserves d’usage, mais en saluant une nouvelle fois la performance que constitue le respect fidèle de la loi de programmation militaire, j'engage notre assemblée à adopter les crédits du programme 144. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la préparation et l’emploi des forces.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la préparation et l’emploi des forces. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le programme 178 « Préparation et emploi des forces » occupe une position centrale au sein de la mission « Défense ». Placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées, il représente cette année 57 % des crédits de paiement de l'ensemble de cette mission et près des deux tiers des ressources humaines. Avec 20,8 milliards d'euros de crédits d'engagement et 21 milliards de crédits de paiement, il connaît une stabilité satisfaisante dans le respect, pour la cinquième année consécutive, de la loi de programmation militaire.

Comme l'année passée, le présent rapport pour avis, portera uniquement sur l'action « Planification des moyens et conduite des actions », puis sur la couverture des surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures et enfin, sur les crédits consacrés à l'action « Soutien interarmées » qui concerne notamment les services de santé des armées et le service des essences des armées.

Le montant total des autorisations d'engagement pour ces quatre actions représente 11,5 % de l'ensemble attribué au programme 178 par le projet de loi de finances pour 2007.

L'examen des crédits de la première action permettra de retracer l'activité de l'état-major des armées dans le domaine du commandement interarmées et interallié, état major européen en particulier. À cet égard, la France continue de mettre en place les personnels nécessaires à l'accomplissement de ses missions, conformément à ses engagements.

Il faut conserver à l'esprit que cette présence internationale se traduisait, à la mi-septembre 2006, par l'engagement en opérations de près de 14 500 militaires français, auxquels s'ajoutent les personnels affectés au sein des forces de souveraineté dans les DOM-TOM – 16 700 personnels –, ainsi que des forces de présence – 5 400 hommes –, déployées de façon permanente en vertu d'accords de coopération et de défense conclus avec un certain nombre d'États, notamment en Afrique.

Pour sa part, l'action « Surcoûts liés aux opérations extérieures » connaît une nette augmentation de sa dotation : 100 millions d'euros en 2005, 175 millions en 2006 et 375 millions prévus pour 2007. Je rappelle que le montant des surcoûts liés aux opérations extérieures s'élevait à 605 millions d'euros en 2004, 532 millions en 2005, et 575 millions d'euros en 2006. Ce dernier montant n'inclut pas l'actuel déploiement complémentaire au Liban dont le coût peut être estimé à 120 millions d'euros répartis en 50 millions pour l'opération Baliste et 70 millions pour l'engagement dans le cadre de la FINUL. À ce sujet, où en est notre mission au Liban ?

Les surcoûts liés aux opérations intérieures ne doivent pas être oubliés. À cet égard, le ministère de la défense étudie la possibilité de construire des éléments de prévision budgétaire en ce domaine. Il n'en demeure pas moins que les surcoûts concernés sont estimés à ce jour à 25 millions d'euros annuels et que, au seul titre de la mise en œuvre du plan Vigipirate, plus de 1 350 soldats des trois armées sont mobilisés en permanence.

De son côté, l'action « Logistique interarmées » recouvre les activités du service de santé des armées et du service des essences des armées. Elle est dotée de 1 142 millions d'euros d'autorisations d'engagement, ce qui représente 5,5 % de l'ensemble des autorisations d’engagement du programme 178 contre 5,33 % en 2006.

Ces deux services, en particulier dans les OPEX, remplissent des fonctions indispensables. Il faut, par ailleurs, souligner la participation du service de santé à la médecine civile ainsi qu'à la plupart des plans d'urgence sanitaire de l'État.

Si, l'an dernier, à cette même tribune, madame le ministre, j'avais appelé votre attention sur la situation des effectifs du service de santé des armées, c'est avec beaucoup de satisfaction que j’observe aujourd'hui que celle-ci évolue de façon très positive. En effet, ce service a été particulièrement marqué par la professionnalisation et a connu de sérieuses difficultés pour conserver un nombre de médecins d'active et de personnels civils suffisant.

La bonification des carrières et la réforme des études ont amélioré la situation des médecins. Grâce à cette dernière, les étudiants qui viendront combler les carences sont déjà au travail et le déficit de médecins sera comblé en 2010.

En ce qui concerne les personnels civils, la vacance, qui était de 6 % au 1er juin 2006, devrait être ramenée à 4,4 % au terme des recrutements prévus à la fin de cette année. Pour ce qui regarde les militaires infirmiers techniciens des hôpitaux des armées, 400 postes ont été créés permettant d'atteindre le taux de 86 % des effectifs souhaités. Enfin, le médecin général qui commande le service de santé des armées m'avait dit son inquiétude quant à l'entrée du service dans le dispositif de la tarification à l'activité au titre de sa participation au service hospitalier civil. Un délai d'adaptation était nécessaire. L'Assemblée nationale a su entendre cet appel puisqu’elle a adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, un amendement qui règle la question.

Pour sa part, le service des essences des armées assume l'ensemble de la logistique pétrolière pour les armées, exception faite de la marine qui pourvoit à ses propres besoins. Il exerce aussi un rôle d'expertise dans le domaine des produits pétroliers. Cette année encore, il a été confronté à la sérieuse hausse du coût des produits pétroliers. Cependant, même s'il n'a pas pour l’instant produit tous ses effets, le mécanisme de couverture du prix du pétrole, mis en place par le ministère de la défense dès l'an dernier, et qui fonctionne comme une assurance, est la réponse adéquate à un contexte qui demeure incertain.

Les autorisations d'engagement du service des essences au titre du projet de loi de finances pour 2007 s'élèvent à 146 millions d'euros contre 154 millions en loi de finances pour 2006. Cette baisse provient de reports de crédits de l'année 2005 vers l'année 2006 qui ne se retrouve donc pas dans le budget pour 2007.

En conclusion, le ministère de la défense bénéficie d'une dotation budgétaire satisfaisante. Le projet de loi de finances pour 2007 est un bon budget. Il a été adopté par la commission de la défense nationale et des forces armées, et je vous demande de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : forces terrestres.

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : forces terrestres. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’exercice budgétaire 2007 constitue, cela a été souligné, la cinquième annuité de la loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. Compte tenu des contraintes économiques que le pays connaît, le projet de loi de finances apparaît globalement favorable à l’armée de terre. Il s'inscrit en continuité avec le budget de 2006.

Les effectifs prévus, stabilisés en 2007, correspondent aux besoins de la défense. La masse salariale a été calculée en adéquation avec les effectifs annoncés. Cependant, les moyens de fonctionnement courant subissent une contrainte importante alors que le niveau d'activité ne doit pas diminuer. Le maintien en condition opérationnelle des matériels devrait être meilleur qu'en 2006, mais la modernisation des forces terrestres pourrait devenir difficile avec le report d'une partie importante de la commande des hélicoptères NH 90. Enfin, les crédits d'infrastructure, gérés par le secrétaire général pour l'administration, sont fortement contraints, pour ce qui concerne les autorisations d'engagement. Ces éléments d'analyse budgétaire sont développés dans mon rapport écrit que vous pourrez consulter. Je n’y reviendrai donc pas.

Indépendamment de mes observations générales sur le budget des forces terrestres, qui sont positives, je souhaite attirer votre attention sur quelques points particuliers. N'est-ce pas le rôle du rapporteur ?

La disponibilité technique opérationnelle – DTO – des matériels de l'armée de terre a connu une lente diminution au cours des dernières années. Le taux global de DTO – OPEX, métropole, outre-mer et étranger – s'élevait à 75 % en 2002, à 73 % en 2004 et 2005. Il est de 71,5 % sur le premier semestre 2006 et enregistre ainsi une légère baisse.

Comme l'an dernier, cette situation est particulièrement marquée en matière d'aéromobilité. On constate une nette diminution, de 2005 à 2006, du nombre d'heures de vol annuelles allouées par appareil, qu’il s’agisse des Gazelle, des Puma ou des Fennec. La diminution est également importante, si l'on considère le nombre d'heures allouées à l'ensemble des aéronefs d'un même parc. Dans ce contexte, le renouvellement des moyens de l'ALAT – l’aviation légère de l’armée de terre –, avec l'arrivée des Tigre et, essentiellement, des NH 90, constitue donc un impératif absolu.

J'ai souhaité cette année me déplacer au sein de forces françaises engagées en opérations extérieures. Je me suis rendu en Côte d'Ivoire du 13 au 16 septembre 2006 où j'ai pu appréhender le dispositif Licorne sous différentes facettes. Cette opération exige des efforts considérables des militaires qui la conduisent pour protéger nos ressortissants et soutenir l'ONUCI. Il s'y ajoute une action militaire globale ayant pour mission, en complément voire, on l’a constaté ces temps-ci, en substitution de l’ONUCI lorsque celle-ci est défaillante, de veiller à l'application des résolutions de l'ONU et à la défense des intérêts de la France.

Nos soldats, à tous les échelons, sont sensibilisés à la nécessité d'adapter l'usage de la force à toute situation, afin d'accomplir les missions demandées avec le minimum de moyens de coercition. J'ai donc été vivement impressionné par le professionnalisme et le sens des responsabilités des soldats français, ce que l’on appelle sur le terrain le « caporal stratégique ».

D'une manière générale, les moyens alloués aux forces françaises en Côte d'Ivoire sont supérieurs à ceux des unités de métropole et les militaires que j’ai rencontrés sont globalement satisfaits de leurs équipements et des possibilités de remédier parfois aux difficultés d'approvisionnement. Permettez-moi toutefois de me faire l'écho de quelques réflexions glanées, alors que je me trouvais avec eux, le soir au bivouac.

S’agissant de l'équipement vestimentaire de nos militaires, ne pourrait-on pas adapter les rangers vieux de plus de trente ans aux besoins de mobilité réelle de nos militaires, ainsi d'ailleurs que les treillis pour lesquels une cure de rajeunissement serait la bienvenue ? Par ailleurs, et plus sérieusement, il m’a été également rapporté que les munitions réelles utilisées pour l’entraînement sont parfois en quantité insuffisante, notamment pour les missiles Eryx et Milan – six coups par an seulement – et la mitrailleuse Minimi. Les simulateurs de tir de missiles Milan seraient aussi les bienvenus.

Enfin – c’est une réflexion personnelle – est-il nécessaire de rappeler que l'armée de terre fournit 70 à 80 % des troupes et des matériels engagés en OPEX et que les théâtres d’opérations sont de plus en plus fréquents et de plus en plus diversifiés, exigeant des techniques toujours plus individualisées ? Par voie de conséquence, tant nos militaires que nos matériels de l'armée de terre sont mis à contribution et il devient nécessaire, voire vital, pour la sécurité des hommes et des femmes, d'en tenir davantage compte dans l'équipement et le maintien en condition opérationnelle. Ce qu'il est courant de qualifier de « cannibalisation » de nos matériels en métropole a ses limites et il devient urgent d'y apporter une grande attention pour les années futures, si la France choisit de s'engager dans le monde comme elle le fait actuellement. Les orateurs qui m’ont précédé ont effectivement évoqué cet engagement et la réflexion dont devra tenir compte la future loi de programmation militaire.

En conclusion, même s'il apparaît nécessaire de rester vigilant, en particulier sur la disponibilité de certains matériels, qui conditionne directement l'entraînement des forces, il convient de souligner que le projet de budget pour 2007 respecte une nouvelle fois les dispositions de la loi de programmation militaire. Nonobstant l’anecdote vestimentaire qui n'est, somme toute, pas dramatique au regard de l'effort important qui a été réalisé pour notre défense ces dernières années, il s'agit d'un bon budget pour les forces terrestres. C'est la raison pour laquelle la commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption, avis que je vous invite à suivre en signe de respect et de reconnaissance pour l'action remarquable qu'accomplissent les hommes et les femmes de l’armée de terre au service de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : marine.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : marine. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon propos en rappelant le rôle essentiel de la marine dans les différentes fonctions stratégiques de notre outil de défense : rôle essentiel de dissuasion, de projection de puissance, et de prévention, grâce à notre forte capacité de déploiement de bâtiments et d’aéronefs sur toutes les mères du globe, mais aussi rôle essentiel de protection de notre territoire et de nos concitoyens dans le cadre de sa mission de sauvegarde maritime. Ces missions fondamentales justifient que près de 20 % des moyens de la mission « Défense » soient consacrés à la marine au sein du présent projet de loi de finances.

Ce budget s'avère satisfaisant pour nos forces navales. Je ne m'attarderai pas outre mesure sur les chiffres, mon temps de parole étant compté, comme me l’a rappelé M. le président.

Avec une action « Préparation des forces navales » dotée de 4,48 milliards d'euros en crédits de paiement, et une action « Équipement des forces navales » dotée de 2,194 milliards d'euros, la marine bénéficiera, en 2007, des financements dont elle a besoin. Ses effectifs connaissent une légère baisse, de l'ordre de 1,7 % dans l'action « Préparation des forces navales », mais cette évolution est pour partie due à des changements de périmètre, auxquels s'ajoutent des mesures d'économies et de repyramidage. Je relève néanmoins que la dotation en carburants, bien qu'en hausse, apparaît limitée au regard de l'évolution du prix du pétrole ; il conviendra d'être vigilant sur ce point.

Les crédits alloués à l'entretien des matériels connaissent une forte augmentation de près de 20 % par rapport à l'année passée. Ils atteignent ainsi 1,16 milliard d'euros, ce qui permettra de faire face à plusieurs opérations majeures, dont l'IPER du Charles-de-Gaulle, qui débutera en juin prochain à Toulon. Les efforts budgétaires consentis en faveur de l'entretien depuis 2002, conjugués aux réformes réalisées par le service de soutien de la flotte et au changement de statut de DCN, ont permis d'enregistrer des progrès notables en matière de disponibilité des équipements. Celle-ci atteint, en effet, en 2006, 74 % pour les bâtiments de surface, contre 71 % l'année précédente, tandis que la disponibilité des SNA s'est notablement améliorée depuis l'entrée en vigueur des contrats d'entretien globaux passés avec DCN.

J’insisterai sur quatre enjeux majeurs auxquels se doit, à mon sens, de faire face la marine de demain, afin d'assurer le maintien de ses capacités opérationnelles.

Le premier enjeu est le renouvellement de ses matériels.

Après la commande en novembre 2005 de huit frégates multimissions et des sous-marins Barracuda, qui devrait intervenir de façon imminente, le lancement du second porte-avions et du missile de croisière naval en 2007 concrétise la modernisation annoncée et tant attendue de l’équipement de notre marine. On ne peut que s'en féliciter, tout en soulignant l'importance, au vu des besoins et objectifs de la marine, que ces programmes soient scrupuleusement mis en œuvre lors des prochains exercices budgétaires.

Au-delà de ces programmes majeurs, je souhaite attirer votre attention sur l’état des équipements de taille et de budget plus réduits, mais tout aussi indispensables.

Ainsi, concernant l’aviation de surveillance, la succession des Nord 262, vieillissants, n'est pas prévue. Les BATRAL jouent un rôle majeur outre-mer et les patrouilleurs sont essentiels pour assurer les missions de sauvegarde maritime. Leur remplacement, qui n'est pas inclus dans l'actuelle loi de programmation militaire, devra être envisagé dans les années à venir.

Le deuxième de ces enjeux est humain, car il touche à la condition des personnels et à leur fidélisation.

Depuis plusieurs années, des efforts ont été consentis en faveur de l'allégement ou de la compensation indemnitaire des contraintes, ainsi que de l'amélioration de l'environnement social des marins. Pour autant, il importe de mieux prendre en compte deux des principales préoccupations des personnels : d'une part, le logement, car les difficultés rencontrées sont majeures du fait de la raréfaction des produits et des tarifs proposés d’ailleurs particulièrement élevés à Toulon ; d’autre part, la garde des enfants, question rendue plus prégnante encore par la féminisation de la marine. Aujourd’hui, 80 % des « marinettes » sont mariées à des marins. Des efforts significatifs sont réalisés en la matière, mais il est nécessaire, madame le ministre, d'aller beaucoup plus loin.

Le troisième enjeu concerne les capacités d'investissement de la marine dans ses infrastructures.

Des travaux importants sont déjà engagés ou devront l'être au cours des années à venir, compte tenu notamment du vieillissement des infrastructures portuaires et des casernements. Il importe, là aussi, que les moyens budgétaires soient au rendez-vous.

Enfin, le dernier enjeu est industriel.

Alors, que, depuis son changement de statut, DCN a considérablement évolué, comme le prouvent ses résultats financiers très favorables, son rapprochement avec Thalès doit permettre de consolider notre industrie navale et l'on ne peut que souhaiter qu'il se concrétise au plus vite. Cette opération permettra ensuite à ce nouvel acteur de prendre part à des alliances européennes, voire extra-européennes, appelées à intervenir dans un second temps.

Ce sont autant de défis essentiels qui doivent être relevés pour garantir la cohérence du format de notre marine et conserver les qualités opérationnelles dont elle apporte la preuve aujourd'hui. J'achèverai d'ailleurs mon propos en soulignant sa contribution considérable aux opérations extérieures de notre pays et, au premier chef, à l'opération Baliste, conduite l'été dernier.

La marine a ainsi mobilisé pour cette opération à forte vocation interarmées pas moins de huit bâtiments et 1 600 personnels depuis juillet, et a joué un rôle décisif pour l’évacuation des ressortissants, le transport de fret humanitaire et le ravitaillement de la FINUL sur place. Je soulignerai au passage le rôle majeur qui a été joué par le BPC Mistral, qui effectuait sa première mission opérationnelle.

En conclusion, madame le ministre, la commission de la défense a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Préparation et emploi des forces » consacrés à la marine. J’invite donc l’Assemblée à en faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des force armées, pour la préparation et l’emploi des forces : air.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la préparation et l’emploi des forces : air. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 se révèle tout à fait satisfaisant pour l’armée de l’air. Les crédits qui lui sont alloués, répartis entre les programmes « Préparation et emploi des forces » et « Équipement des forces », permettent de répondre à ses besoins.

Les moyens inscrits au titre de l’équipement atteignent 2,56 milliards d’euros en crédits de paiement, en augmentation de près de 5 % par rapport à 2006. Les moyens inscrits sur l’action « Préparation des forces aériennes » s’établissent à 5,118 milliards d’euros, en hausse de 4,3 %. Cette évolution tient essentiellement à l’accroissement des crédits consacrés à l’entretien des matériels et de la dotation en carburant, tandis que la masse salariale diminue légèrement, parallèlement à une réduction des effectifs. Celle-ci résulte essentiellement du transfert de postes vers d’autres actions ou programmes.

Je souhaiterais attirer votre attention sur la dotation en carburants, qui conditionne pour partie le volume d’activité de nos forces et, partant, la qualité de leur entraînement. Dans la lignée de 2006, les crédits destinés au carburant connaissent une augmentation sensible, de 21,4 %, pour atteindre 226,2 millions d’euros. Toutefois, alors que ces ressources s’élevaient à 186 millions d’euros en 2006, les besoins totaux pour 2007 sont estimés à 302 millions d’euros. Au-delà du déficit prévisible en 2006, dont on ne peut qu’espérer qu’il sera réduit en loi de finances rectificative en fin d’année, les ressources prévues pour 2007 se révèlent en retrait par rapport aux besoins, si le prix du pétrole se maintient à son niveau actuel.

Autre sujet, l’entretien des matériels. L’effort soutenu réalisé depuis 2002 est poursuivi et accentué puisque les moyens qui y sont consacrés sont en hausse de 22 %, atteignant près de 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement. Cette dotation permet à la SIMMAD de réaliser ses missions dans de bonnes conditions et d’assainir sa situation financière, laquelle avait suscité de ma part quelques inquiétudes l’année passée. La disponibilité des matériels apparaît stable : 63,4 % au premier semestre.

Si le taux de disponibilité des aéronefs constitue un indicateur indispensable, la variation d’un point ou deux de ce taux, à la hausse ou à la baisse, n’est absolument pas significative. C’est avant tout la réalisation du contrat opérationnel des forces aériennes qui doit primer, ce qui suppose d’assurer une disponibilité optimale des appareils en opération, tout en ajustant si nécessaire les besoins sur les bases aériennes.

En ce qui concerne la modernisation des équipements, je rappellerai l’entrée en service du premier escadron de Rafale. Les pilotes et les mécaniciens se montrent très satisfaits de ce nouvel appareil, qu’ils jugent affiné et convivial. Les livraisons de Rafale vont se poursuivre dans les années à venir, afin de permettre la constitution d’un deuxième escadron à la fin de 2008.

S’agissant des drones, le programme de démonstrateur d’avion de combat sans pilote Neuron est engagé, associant à la France plusieurs pays européens. Les programmes de drones de type MALE – moyenne altitude longue endurance – suscitent de ma part quelques inquiétudes : le SIDM se fait toujours attendre et sa livraison ne devrait intervenir qu’au deuxième semestre de 2007, avec plus de trois ans de retard. Quant au programme de drone MALE, destiné à prendre la suite du SIDM et à associer plusieurs pays européens, des incertitudes subsistent. Le projet EuroMALE ayant eu des difficultés à rallier nos partenaires, est actuellement étudiée l’option d’un programme dit Advanced UAV. La situation n’est pas encore clarifiée, mais on ne peut que souhaiter l’émergence d’une solution européenne de drone MALE, répondant à un réel besoin opérationnel.

Je n’insisterai pas sur les tensions auxquelles est soumise notre force aérienne de projection, compte tenu du retrait des Transall, engagé en 2005, tandis que les premiers exemplaires de l’A 400 M sont attendus en octobre 2009. L’arrivée d’un deuxième avion à très long rayon d’action en janvier 2007 va accroître sensiblement les capacités de transport logistique.

Nos avions ravitailleurs ont désormais plus de quarante ans d’âge, et leur renouvellement se révèle indispensable. Le dossier est étudié depuis plusieurs exercices budgétaires, mais il ne connaît guère d’avancées. Est toutefois envisagé de recourir à l’acquisition de trois unités pour l’armée de l’air, en étudiant les possibilités d’un financement innovant pour le reste de la flotte.

J’achèverai mon propos en soulignant la faculté de l’armée de l’air à s’adapter et à se réformer en permanence, avec notamment la profonde réorganisation de ses structures de commandement, ainsi que le recours à l’externalisation pour ses avions-écoles basés à Cognac, ce qui lui permettra de réduire ses coûts, de disposer d’appareils plus performants, tout en optimisant son outil de formation dans son ensemble.

Enfin, l’armée de l’air prend une part active aux opérations extérieures de la France. Outre l’opération Serpentaire en Afghanistan, elle a notamment participé à l’opération Baliste, au Liban.

Pour conclure, la commission de la défense ayant émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits de l’armée de l’air, j’invite notre Assemblée à les voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le soutien de la politique de la défense.

M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le soutien de la politique de la défense. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » retrace les fonctions transversales du ministère de la défense. Il est placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration.

Les crédits du programme s’élèvent à 3 117 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 3 168 millions d’euros de crédits de paiement. La progression des dotations par rapport à 2006, de 31 % en autorisations d’engagement et de 37 % en crédits de paiement, n’est pas significative car de très nombreux reclassements budgétaires et transferts obèrent la possibilité de comparer les deux exercices.

L’action « Gestion centrale » est importante. Elle regroupe des moyens substantiels et rassemble les effectifs du secrétariat général pour l’administration et des organismes qui lui sont rattachés, à l’exception de quelques services spécifiques. Les frais de contentieux et de réparation d’accidents du travail, poste de dépenses lourdement déficitaire en 2003, 2004 et 2005, sont rattachés à cette action. En 2005 la consommation des crédits a représenté plus du double de la dotation inscrite en loi de finances initiale. Ce poste de dépenses demeure particulièrement lourd.

L’action « Politique immobilière » représente à elle seule plus 40 % des crédits du programme avec 1 266 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur 3 117 millions d’euros au total. Il convient toutefois de souligner que les crédits d’infrastructure inscrits au programme 212 représentent moins de la moitié des crédits d’infrastructure totaux du ministère. L’impulsion que peut souhaiter donner le SGA au rapprochement de la programmation et de la gestion des crédits immobiliers suppose l’existence de conventions passées avec les autres responsables de programme : directeur général de la gendarmerie, DGA, CEMA, etc.

Sept opérations sont aujourd’hui érigées en programme d’infrastructure.

Je souhaite insister sur l’intérêt de la rénovation de l’hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne à Toulon, où je me suis rendu le 26 septembre 2006.

Le programme comporte deux volets : la reconstruction de l’hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne sur l’emprise de la caserne Grignan, à Toulon, et le regroupement des autres organismes du service de santé de Toulon, dont l’école du personnel paramédical des armées, sur l’emprise Sainte-Anne.

Ce regroupement obéit à trois logiques : une logique de site, une logique d’enseignement et une logique hospitalière. Le site Sainte-Anne présentera en effet le grand intérêt de rassembler des moyens hospitaliers particulièrement performants, des structures de formation, notamment pour les infirmiers et le personnel paramédical, et des logements mis à la disposition des militaires de passage.

Il apparaît donc que l’îlot Sainte-Anne doit être entièrement occupé par les organismes du service de santé des armées et qu’aucun espace foncier n’y sera disponible à l’achèvement de l’opération Sainte-Anne 2000.

Les cessions immobilières sont en augmentation. Les retours de produits, d’un montant de 27 millions en 2003 et 33 millions en 2004, ont atteint 118 millions d’euros en 2005.

L’action SIAG – systèmes d’information, d’administration et de gestion – regroupe une partie des systèmes informatiques du ministère.

Les systèmes d’information du ministère de la défense sont répartis en trois domaines : les systèmes d’information opérationnels et de commandement – les SIOC – qui servent à la préparation à l’emploi des forces et à la conduite des opérations ; l’informatique scientifique et technique – IST – qui comprend l’informatique embarquée et les moyens de simulation technique et d’essais ; les systèmes d’information, d’administration et de gestion, les SIAG.

Chacun de ces domaines dépend d’un responsable différent : le chef d’état-major des armées pour les SIOC, le délégué général pour l’armement pour l’IST et le secrétaire général pour l’administration pour les SIAG.

Autrefois indépendantes, ces trois structures informatiques doivent se rapprocher grâce à deux organismes susceptibles de favoriser une rationalisation et une mutualisation des efforts : la direction générale des systèmes d’information et de communication, créée en mai 2006 et directement rattachée au ministre, a pour mission d’orienter, de piloter et de rationaliser la politique des systèmes d’information et de communication du ministère de la défense ; la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information DIRISI, rattachée à l’EMA, est l’opérateur ministériel des réseaux de communication et l’exploitant des systèmes d’information ministériels. La cohérence des systèmes est donc à rechercher entre les intervenants, les SIAG ne constituant qu’un élément de la politique informatique du ministère de la défense.

La dernière action du programme de soutien de la défense, « Action sociale », est fondamentale dans ce ministère compte tenu des difficultés spécifiques au métier militaire : mobilité géographique, éloignement des familles, risques opérationnels.

Quatre orientations sont prioritaires : le soutien social est l’expression de la solidarité à l’égard de personnes en situation difficile. Le soutien à la vie personnelle et familiale doit contribuer à l’amélioration des conditions d’existence des personnels et de leurs familles. Le soutien à la vie professionnelle trouve sa justification dans l’atténuation des contraintes imposées par les obligations militaires. Enfin, les vacances et les loisirs sont un temps libre indispensable au bon exercice de la parentalité et de la performance professionnelle.

En conclusion, ce programme a connu dès 2006 des modifications de périmètre, modifications encore accentuées par le projet de loi de finances pour 2007. Il traverse actuellement une période de consolidation de son périmètre, étape indispensable et préalable à l’évaluation de sa cohérence et de l’efficience de sa gestion. À la différence d’autres administrations, les structures du ministère de la défense ne sont pas supervisées par un seul secrétaire général : le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement, sans même évoquer les autres chefs d’état-major et directeurs de service, font entendre leurs voix.

Avec ce programme, le ministère de la défense dispose d’un instrument précieux au service de la rationalisation et de la mutualisation des moyens.

Compte tenu des contraintes financières que connaît notre pays, je considère que le projet de loi de finances pour 2007 prévoit un budget satisfaisant pour la défense nationale. La commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption et j’engage l’Assemblée à approuver ce programme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l’équipement des forces.

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l’équipement des forces. Monsieur le président, madame le ministre, mesdames et messieurs les députés, l’exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui est particulier, non seulement parce que nous approchons la fin de cette législature, mais aussi parce que le terme de la loi de programmation militaire approche et que de très importants programmes d'équipement, d'ores et déjà en gestation, ne manqueront pas de tenir toute leur place dans le prochain exercice.

Je veux rappeler rapidement que les crédits de paiement du programme « Équipement des forces » s'élèvent pour l'exercice 2007 à 10,81 milliards d'euros, ce qui représente 29 % des crédits de paiement de la mission « Défense ». Pour leur part, les crédits d'autorisations d'engagement s'élèvent à 10,18 milliards d'euros.

J'affirme ma conviction, madame le ministre, que cet effort consenti par la nation permettra de respecter la loi de programmation militaire. Mais je crois aussi indispensable de rappeler qu'il ne s'agit là que de l'engagement nécessaire au maintien et à la consolidation de notre défense.

En Europe, seul le Royaume-Uni et la Grèce ont consacré en 2006 plus de 2 % de leur PIB à la défense, la France arrivant en troisième position, avec 1,70 %. Pour mémoire, les États-Unis consacrent 3,31 % de leur PIB à la défense.

Si la LOLF rend plus claires les intentions du Gouvernement, force est de constater que les conditions d'examen du budget par le Parlement ne sont toujours pas satisfaisantes. Le temps et les moyens impartis aux rapporteurs pour examiner l'ensemble des crédits d'équipement de nos armées tempèrent le sérieux de l'exercice parlementaire, et il faut le regretter. Cela dit, l’action de la majorité et du Gouvernement depuis bientôt cinq ans étant très largement positive, j’ai choisi de concentrer mon propos autour de deux thèmes qui peuvent poser problème et méritent votre attention : le renouvellement des flottilles d'hélicoptères et la question des drones.

Le temps m’étant compté à cette tribune, je prends le risque de poser trop brutalement la question de savoir si la relève des hélicoptères de transport Puma et Cougar par une flottille de NH 90 se fera à temps. Les Puma offrent un taux de disponibilité – 55 % – qui se passe de commentaires.

La modification de la commande initiale de trente-quatre NH 90, entérinée lors des travaux d'actualisation de la programmation en 2006 et qui a été ramenée à douze appareils dans la loi de finance 2007, fait peser des incertitudes sur le calendrier de livraison de ces appareils. J’ai pris bonne note, madame le ministre, de votre assurance que cette modification de la commande sera sans conséquence sur l'objectif de livraison à l'armée de terre de tous les engins attendus. Toutefois, étant donné les échéances électorales, cela n’est pas tout à fait suffisant pour me rassurer quant à la mise à disposition de l'armée de terre des moyens nécessaires pour le bon accomplissement de ses missions. De plus, même s'il ne s'agit pas d'un risque majeur, il est probable que l'armée de terre française ne sera plus un client prioritaire pour la société Eurocopter en 2011.

Le second sujet sur lequel j'ai choisi de me pencher plus particulièrement est celui des drones : ces équipements sophistiqués, qui donnent aujourd'hui aux armées la capacité de se procurer des renseignements sur l'adversaire, et demain la possibilité de délivrer des armes, sont indispensables. Quel que soit le théâtre d'opération, aucune puissance militaire n'est concevable sans ces engins.

Le marché des drones, estimé à dix milliards de dollars en 2010, constitue un enjeu industriel majeur. Vous l'avez clairement et depuis longtemps identifié, en faisant le choix d’une politique ambitieuse dans ce domaine. Même si plusieurs industriels français sont présents sur ce marché, il semble malheureusement que les états-majors éprouvent des difficultés à définir précisément leurs besoins opérationnels.

À ce jour, la France a renoncé à développer au plan national un programme de drone stratégique « haute altitude longue endurance », HALE, pour se concentrer sur les composantes tactiques « moyenne altitude longue endurance », MALE. Vous avez fait ce choix en raison d'une complémentarité jugée suffisante entre les moyens satellitaires existants pour le niveau stratégique et les moyens MALE pour le niveau opératif au regard du coût d'une composante HALE. Cependant l'armée de l'air française ne dispose plus de drones MALE depuis l’arrêt du drone Hunter et attend la livraison du système intermédiaire de drone MALE, ou SIDM. Celui-ci a effectué ces premiers vols au mois de septembre, avec trois ans de retard, comme cela a été dit, et l'armée de l'air espère sa mise en œuvre opérationnelle en 2007. Mais tous ces retards me poussent à m’interroger sur les capacités de l’industrie à exécuter les commandes en temps et en heure, d'autant que la situation est compliquée par les péripéties qu’a connues le drone EuroMALE.

En effet, madame le ministre, votre impulsion politique se heurte aux obstacles industriels à la mise en place du standard européen que vous souhaitez faire émerger. L'EuroMALE devait fonctionner sur la base d'une plateforme de fabrication israélienne issue du SIDM. Le choix récent de la direction générale de l’aviation de s'orienter vers un MALE européen sur la base de la plateforme allemande Barracuda peut avoir des effets collatéraux. Il y a lieu en effet de s'interroger sur la bonne volonté de l'industriel israélien à faire diligence dans la finalisation de la conception du SIDM, équipement non commercialisé, dans la mesure où il se verrait exclu du projet de MALE européen, qui devrait, lui, connaître un avenir à l’export.

Se pose aussi la question du programme Alliance ground surveillance, AGS, pour lequel des engagements financiers doivent être pris d'ici à la fin de 2006 vis-à-vis de nos partenaires de l'OTAN. S'ils étaient confirmés, ces investissements pourraient obérer les capacités de financement d'un programme de drone MALE européen. Alors que ces différents points nécessitent des choix, c’est l’indécision qui règne, tant à la DGA qu'au sein des états-majors des armées et parmi les industriels. La France peut donner la désagréable impression que, des trois programmes de drones dans lesquels elle est engagée, l'un est en retard, l'autre au point mort et le dernier bien imprécis. La question demeure donc bien de déterminer nos besoins dans le domaine des drones et, partant, de savoir exactement ce que nous souhaitons développer et construire.

Avant de conclure je souhaite saisir l'occasion de cette discussion pour évoquer l'avenir.

Moderniser les infrastructures et renouveler les matériels dans le même temps coûte cher, et nous savons d'ores et déjà que la prochaine loi de programmation militaire devra financer de très nombreux programmes. Ces matériels modernes n'ont un sens que si leur taux de disponibilité est élevé. Depuis 2002, cette disponibilité a fait un bond gigantesque, à la très grande satisfaction des états-majors et, plus généralement, de tous les militaires. Cela est à porter à votre crédit, madame le ministre, comme à celui de la majorité.

II n'en demeure pas moins que le coût du maintien en condition opérationnelle augmente très rapidement, non seulement du fait de la sophistication des matériels, mais aussi du vieillissement de certaines plates-formes. Même dans l’hypothèse où notre pays maintiendrait le niveau de son effort, il est indispensable de trouver des pistes d'économies si nous voulons garantir à nos armées les équipements dont elles ont besoin pour remplir leurs contrats opérationnels. C’est dans la coopération européenne, plus particulièrement avec les Britanniques, que nous devons, me semble-t-il, chercher la capacité d’aller encore plus loin.

Je veux proposer deux pistes. Nous devons d’abord nous poser la question, même s’il s’agit, j’en ai conscience, d’un sujet sensible, de savoir si la France et la Grande-Bretagne ont besoin de quatre porte-avions. Ne serait-il pas préférable de n’en construire que deux, au lieu des trois prévus ?

M. Charles Cova. Cela n’engage que vous !

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour l’équipement des forces. Le gouvernement français pourrait négocier avec son homologue britannique l'utilisation, à échéance régulière et fixe, de l'un de ses deux porte-avions, notamment lors des immobilisations du Charles-de-Gaulle. Cette solution aurait l’avantage de garantir la permanence à la mer, seul objectif assigné au porte-avions 2 par le Président de la République, tout en arrimant solidement notre allié britannique à une vision commune de la sécurité européenne. Il me semble que la question mérite d’être posée.

La seconde piste que je vous propose d’explorer est plus lointaine sans doute, mais l'Assemblée nationale n'est pas obligée de garder « le nez dans le guidon » : la prospective est possible.

Au regard des menaces actuelles, ne serait-il pas envisageable à terme de s'entendre avec les Britanniques afin de faire l’économie du coût de la construction d’un SNLE, chacun partageant la charge d'avoir en permanence un bâtiment en mission ? Sans bien entendu mutualiser les matériels eux-mêmes, nos deux pays pourraient coordonner l'emploi de leurs capacités.

La France pourrait ainsi disposer d'un sous-marin nucléaire lanceur d’engin, SNLE, à quai, toujours susceptible de lancer ses charges, pendant que les Britanniques seraient en mission, et vice-versa, ce qui garantirait l'invulnérabilité de la dissuasion nucléaire. Le seul engagement réciproque résiderait dans une coordination parfaite des dates de patrouille. On peut difficilement imaginer aujourd'hui un des deux pays dans l'obligation d'engager une frappe nucléaire massive en riposte à une destruction, sans que l'autre ne le soit aussi. Sans remettre en cause l’indispensable indépendance de la France en matière de dissuasion nucléaire, cette solution permettrait de vraies économies, d'un montant équivalent à celui de l'entretien de la composante nucléaire aérienne. Une telle coopération permettrait également, dans le cadre de la réflexion relative au partage des tâches sécuritaires entre l’OTAN et l’Union européenne, de clarifier la stratégie européenne en la matière.

Il me semble que le Parlement doit se saisir de ces débats de fond de notre défense, dissuasion incluse. Ces propositions ont aussi pour objectif de montrer que l'Europe de la défense est bien une voie d'avenir, comme vous nous le rappelez régulièrement. Je crois possible d'aller plus loin que les programmes qui, bien qu’ils soient censés être réalisés plus ou moins en commun, ne sont pas toujours exempts de réticences ou de frilosité.

En conclusion, madame le ministre, mes chers collègues, je considère en conscience que les crédits de paiement comme les autorisations d'engagement du projet de loi de finances pour 2007 permettent de respecter les engagements pris lors de l'élaboration de la loi de programmation militaire.

Je les voterai donc, avec le sentiment de la parole tenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces : espace, communications, dissuasion.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées, pour l’équipement des forces : espace, communications, dissuasion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le cadre de la LOLF ne remet pas en cause la nécessité de consacrer un rapport à l'espace, aux moyens de communication et à la dissuasion, ne serait-ce que pour disposer d’une vision réaliste et lisible de domaines d'une particulière importance, qui souffrent parfois d’une opacité aussi excessive qu’imméritée.

Le poids budgétaire des programmes concernés reste en effet considérable : la dissuasion mobilise environ 20 % des crédits d'équipement, tandis que la part des systèmes liés au C3R – commandement, communication, contrôle et renseignement – représente environ 10 % de ces mêmes crédits.

Le spatial militaire et la dissuasion constituent des conditions essentielles de l'autonomie stratégique de notre pays.

La dissuasion nucléaire poursuit sa modernisation d'ensemble, prévue pour s'étendre sur plus d'une quinzaine d'années et qui devrait doter notre nation d'un outil opérationnel jusqu'à l'horizon 2040. Quoi que certains puissent en dire, la rapidité des évolutions politiques et militaires au niveau mondiale ne remet pas en cause son bien-fondé. Loin de paraître voués à la disparition, les arsenaux nucléaires sont très convoités par certaines puissances régionales, et tous les États qui en sont déjà dotés sont engagés dans des programmes visant à conserver ou à moderniser cet atout.

Alors que l'exercice 2006 avait constitué un pic dans l'évolution des crédits consacrés à la dissuasion, l'année 2007 devrait être caractérisée par un certain allégement de son poids relatif, la part des forces nucléaires étant ramené à 18,7 % du total des crédits d’investissement.

En ce qui concerne les programmes en cours, la construction d’un quatrième sous-marin lanceur d’engin de nouvelle génération, le SNLE-NG, destiné à équiper la force océanique stratégique, semble se dérouler dans de bonnes conditions, et le calendrier technique du programme de missiles M51 a été jusqu’ici respecté, comme j’ai pu m’en rendre compte en visitant les chantiers en cause. On mesure pourtant l’ampleur du défi que constitue le développement d’un nouveau vecteur avec trois tirs d'essais seulement, quand on compare ce nombre au nombre d'essais réalisés pour les missiles de la génération précédente.

En ce qui concerne le programme de simulation, une étape importante a été franchie fin 2005, avec la livraison de la nouvelle machine de simulation numérique.

En matière d'espace, il faut tout d'abord souligner combien les conflits récents ont montré le rôle essentiel que jouent désormais les moyens spatiaux. Sans eux, il ne peut y avoir d'évaluation indépendante des situations ni possibilité de jouer un rôle de nation-cadre dans des interventions extérieures.

Il ne faut pas oublier que les lancements de nouveaux satellites de communication ou d'observation qui ont déjà été réalisés ou qui doivent avoir lieu prochainement sont la conclusion de programmes engagés depuis les années 90. Il convient de souligner qu’ils ont permis à la France d’occuper la première place dans ce secteur en Europe. Les quelque 450 millions d'euros qu'elle consacre chaque année à l'espace la placent loin devant le Royaume-Uni, qui y consacre environ 200 millions d'euros par an. L'effort financier consenti par la France représente environ la moitié des crédits affectés au secteur spatial militaire en Europe. Grâce à cet effort, nos forces disposent d’un outil d'un très bon niveau, qui concerne essentiellement deux types de capacités : l'observation et les communications.

Si la France a vu ses capacités significativement améliorées depuis 2004, il n'en reste pas moins que son dispositif spatial continue de présenter des lacunes dans trois domaines : le renseignement d'origine électromagnétique, l'imagerie radar tout temps et l'alerte avancée.

Ces lacunes ne sont qu’imparfaitement comblées par une politique active de démonstrateurs technologiques, tout particulièrement en matière de renseignement électromagnétique. En ce qui concerne l'observation radar, on cherche à compléter les capacités existantes par le biais d'accords d'échanges avec des États disposant de systèmes complémentaires, l'Allemagne et l'Italie pour l’instant.

Au total, madame la ministre, les autorisations d'engagement consacrées à l'espace en 2007 augmentent de 0,9 %, tandis que les crédits de paiement baissent de 4,1 %. On ne peut tout de même pas passer sous silence le fait que les crédits votés en loi de finances initiales n'ont cessé de diminuer de 2002 à 2004, ce qui représente une baisse globale d’environ 10,3 %. La vérité oblige à préciser qu’ils ont amorcé une légère reprise en 2005 et en 2006. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Voisin. C’est difficile pour vous de le reconnaître !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis pour l’équipement des forces : espace, communications, dissuasion. Toutefois, le plus préoccupant est l'évolution de l'écart entre budgets votés et crédits consommés.

Le taux de consommation des crédits, qui était de 90 % en 2002, a été ramené à 79,7 % en 2005, ce qui représente une baisse de 10 %. Il serait nécessaire que le niveau des crédits soit davantage en accord avec les discours ministériels et avec l’intérêt que représente l’espace pour l’ensemble de la défense nationale. Je connais, madame le ministre, votre intérêt pour ce domaine, et il conviendrait donc que ces crédits puissent augmenter afin de garantir les investissements nécessaires pour préparer l’avenir de la nation.

La préparation de l’avenir en matière spatiale passe, à l’évidence, par la recherche de coopérations aussi étendues que possible, notamment par le biais de l’Agence européenne de défense, malgré les difficultés importantes créées par les différences de calendrier. Cela ne doit pas toutefois empêcher que les réflexions engagées sur les programmes futurs privilégient autant que possible les partenariats.

Il convient enfin d’insister sur la nécessité du développement d’une architecture et d’un segment sol communs à l’ensemble des utilisateurs, la dispersion actuelle en la matière étant source de surcoûts inutiles et de difficultés opérationnelles. Une réflexion est, cependant, déjà engagée dans ce sens.

J’avais demandé à mon collègue Viollet, qui me suppléait en commission, de s’en remettre à la sagesse de celle-ci. Sans doute est-ce par un effet de cette sagesse que la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits d’équipement des forces en matière de dissuasion, d’espace et de communications. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Le projet de budget de la mission « Défense » pour 2007 que nous sommes appelés à examiner ce soir est le dernier de la présente législature et correspond, surtout, à la cinquième annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008, qui touche presque à son terme.

Au terme des auditions conduites par la commission de la défense – la vôtre, madame le ministre, et celles de tous vos grands subordonnés et des syndicats du personnel de la défense – et après les rapports des rapporteurs spéciaux, je tiens à exprimer toute la satisfaction, et même la joie, que j’ai eue pendant presque cinq années à présider cette commission. Je tiens aussi à féliciter tous mes collègues rapporteurs pour l’excellent travail qu’ils ont accompli avec tant d’application. De tout cela se dégage donc un sentiment général de grande satisfaction.

Dire que les crédits prévus correspondent exactement à ce que nous avions voté à l’automne 2002 dans la loi de programmation militaire pourrait devenir un lieu commun. Il s’agit pourtant là d’une situation exceptionnelle. Cette persévérance – unique depuis plus de trente ans – à assurer à notre défense le niveau de crédits qu’elle requiert permet de poursuivre l’œuvre de rattrapage, de redressement et d’approvisionnement de nos moyens de défense en équipements neufs alors que nos finances publiques se trouvent encore dans une situation difficile.

La poursuite de l’effort financier est sensible dans tous les domaines du budget. Je veux en souligner les principaux.

Le respect de la LPM s’observe essentiellement au niveau des crédits de paiement pour l’équipement de nos armées. Ceux-ci atteignent en effet, répartis désormais entre les différents programmes, 15,7 milliards d’euros, en progression de près de 2 % par rapport à 2006 – ce qui, comme le prévoit la LPM, correspond à l’inflation. Il faut y ajouter le reliquat des reports de crédits des années précédentes, soit 1,2 milliard d’euros, conformément à l’engagement pris par le président de la République de mettre l’intégralité des ressources votées à la disposition du ministère de la défense avant la fin de 2007.

Pour atteindre les objectifs fixés, il faut évidemment dépasser l’aspect comptable pour observer les réalisations concrètes en termes d’infrastructures immobilières et de matériels. L’effort se poursuit en faveur de l’amélioration de la disponibilité opérationnelle des équipements. Les 3,4 milliards d’euros qui y sont consacrés en 2007 permettront à nos armées d’utiliser normalement leurs systèmes d’armes en OPEX. L’amélioration est aussi notoire sur notre territoire pour l’entraînement de nos forces et la préparation des missions. On sait toute l’importance de ce facteur sur le moral et l’efficacité de nos unités, comme j’ai pu le constater lors de mes déplacements en Côte d’Ivoire ou, plus récemment, au Liban.

Il faut aussi, après de longues années d’attente, que les matériels neufs arrivent en dotation. La mise en service cette année du premier escadron d’avions Rafale à Saint-Dizier en est une illustration emblématique. Le rythme d’arrivée de cet avion – avec treize appareils en 2007, dont six pour l’armée de l’air – permettra la constitution du deuxième escadron en 2008, conformément aux prévisions.

L’avenir de nos équipements est également assuré, comme l’a souligné le président de la République hier à Istres, par l’augmentation de l’effort de recherche, qui atteindra 638 millions d’euros en 2007 pour les études en amont, portant souvent sur des domaines à la fois civils et militaires. Il est crucial, pour préparer l’avenir, de rester au plus haut niveau technologique, gage d’efficacité pour nos armées, mais aussi de compétitivité pour notre industrie d’armement.

En revanche, les nouvelles contraintes imposées par le ministère des finances sur le niveau des autorisations d’engagement – la « norme d’engagement », dans le jargon de Bercy – fait peser un doute sur la production des équipements à venir. C’est sous l’effet de cette contrainte que vous avez dû réduire de 34 à 12 la commande des hélicoptères NH-90 pour l’armée de terre, la différence étant optionnelle et devant être affermie en 2008. Pour les finances de l’État, cela ne change a priori pas grand-chose, mais l’effet d’affichage est désastreux, aussi bien envers l’industriel qui les fabrique et ne peut manquer de ressentir une incertitude, qu’à l’égard de nos militaires qui doivent encore utiliser nos Puma hors d’âge.

J’ajouterai, à titre personnel, que c’est de la part des administrateurs de Bercy faire peu de cas des échéances électorales à venir. Je n’ose pas imaginer qu’ils espèrent profiter d’un changement de majorité pour faire l’économie de l’affermissement de la tranche optionnelle de vingt-deux hélicoptères. En tout état de cause, il y a dans cette contrainte forte sur les autorisations d’engagement un véritable risque pour les commandes globales à venir, sans parler même de systèmes d’armes majeurs d’un coût très élevé, comme le futur porte-avions. Alors que tout est fait pour garantir l’avenir de certains programmes, comme le sous-marin d’attaque Barracuda ou le missile de croisière naval, il est paradoxal d’accepter une telle contrainte.

Pour en finir avec ce qui se trouve dans le périmètre de la LPM, je tiens à souligner l’augmentation importante des crédits alloués pour faire face aux surcoûts liés aux OPEX. Le doublement de cette allocation, qui la porte à 375 millions d’euros, donne à la fois une plus grande sincérité à la loi de finances initiale et un caractère irréversible à cette démarche pour les années à venir.

Hors des dispositions de la LPM, je ne retiendrai qu’un élément, déterminant pour nos armées et qui me tient particulièrement à cœur : l’amélioration des conditions de vie et de service de nos militaires, qu’ils soient en opérations à l’extérieur ou sur notre territoire à l’entraînement. C’est une exigence morale, en contrepartie de la disponibilité et des contraintes qui leur sont imposées dans le service. C’est aussi un déterminant essentiel de la constitution et de l’efficacité des armées professionnelles, qui doivent être attractives pour s’assurer un recrutement satisfaisant, tant en quantité qu’en qualité. Les militaires et leur entourage proche sont plus que jamais soucieux de disposer de conditions de vie conformes aux standards de notre société. Ils veulent aussi, lorsqu’ils quittent le service actif, être accompagnés dans leur reconversion vers un emploi civil, démarche qui est également déterminante pour que l’image des armées soit celle d’un bon employeur.

Je me réjouis donc de la poursuite du bon déroulement du plan d’amélioration de la condition militaire, qui a dû être mis en place dans la précipitation au début de 2002, l’ancienne majorité n’ayant pas voulu prendre en compte cet important volet social dans la période de professionnalisation totale de nos armées. Ce plan arrivera à son terme à la fin de 2007, mais l’amélioration devra se poursuivre au-delà. Il faudra aussi préserver le Fonds de consolidation de la professionnalisation, destiné à attirer des spécialités rares.

Bien que le budget pour 2007 ne marque pas la fin de la programmation en cours, je souhaite rappeler à l’occasion de ce débat les grandes lignes de ce qui a déjà été réalisé depuis 2002.

Vous nous avez remis, madame le ministre, un rapport d’exécution qui retrace dans le détail les objectifs retenus et les résultats obtenus. J’ai pu aussi, tout au long des séances trimestrielles du contrôle de l’exécution du budget que j’ai instaurées avec votre accord, suivre au plus près le rattrapage voulu dans de nombreux domaines par l’actuelle LPM. Mes visites sur le terrain me permettent également de mesurer concrètement les progrès accomplis.

Chacun reconnaît le caractère exceptionnel de la mise en œuvre de la programmation, pour la première fois depuis la constitution de notre force de dissuasion. Nous le devons à la détermination du Président de la République, ainsi qu’à votre très grande fermeté dans les moments difficiles, madame le ministre. Je crois pouvoir dire, avec quelque humilité, que la représentation nationale aussi y a eu sa part. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les crédits prévus ont été mis à la disposition du ministère de la défense, qui a cessé d’être la variable d’ajustement. Les difficultés de la gestion et quelques restes de mauvaises habitudes ont pu entraîner encore des reports nets de crédits, comme l’a souligné tout à l’heure M. Michel. Nous espérons que les échéances électorales du printemps ne remettront pas en cause la prévision d’emploi de la totalité de ces reports, dont certains remontent à la LPM précédente.

Voulue comme une loi de rattrapage, la LPM 2003-2008 a mis sur de bons rails de grands programmes – je pense notamment au Rafale, au VBCI ou à l’hélicoptère Tigre. Le rythme de livraison des Rafale n’a sans doute pas été conforme aux attentes, mais l’étalement excessif de ces programmes explique largement les difficultés rencontrées par les industriels pour satisfaire les commandes.

Le MCO a fait l’objet d’une attention particulière, la disponibilité des matériels en service s’étant dégradée.

Enfin, avant l’entrée en vigueur de la LOLF, épisode majeur de la gestion de nos finances publiques, des réformes importantes avaient été entreprises pour améliorer l’emploi des ressources de la défense et assurer la pérennité de notre industrie d’armement. Un effort sans précédent de mutualisation et de réorganisation des services transversaux a été entrepris au sein du ministère pour éviter les doublons et rationaliser davantage l’emploi des crédits. Pour nos entreprises les plus fragilisées par leur origine, la mutation a été sans précédent. La DCN, en changeant de statut, se trouve aujourd’hui en bonne position pour participer aux restructurations de l’industrie navale en Europe. Grâce à une opération vérité, qui était sans doute aussi une opération de la dernière chance et a suscité un certain scepticisme, le groupe GIAT Industries, devenu Nexter depuis peu, semble enfin tiré d’affaire puisqu’il réalisera même un léger profit pour la première fois de sa longue histoire.

Tout bien considéré, l’effort accompli depuis cinq années n’est pas si important que certains voudraient le faire croire. Les dépenses d’investissement, qui sont les plus significatives, se retrouvent exactement, en euros courants, au même niveau que celles de 1991, à 15,7 milliards d’euros.

Ces ressources déterminent directement la place et le rôle que notre pays pourra jouer sur la scène internationale à l’avenir. Il faut donc bannir toute perspective de réduction des crédits au-delà de 2007. Au contraire, il me paraît pour le moins souhaitable et nécessaire de maintenir au moins les ressources dans l’immédiat, puis de se fixer un objectif de 2 % à 2,2 % du PIB pour les crédits consacrés à notre défense à moyen terme.

Serait-il acceptable en effet que notre pays rejoigne la cohorte de ces pays insouciants qui s’en remettent à d’autres pour leur sécurité et la préservation de la paix ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Serait-il tolérable de négliger aussi les graves conséquences économiques et sociales qu’aurait le retour du budget de notre défense à un rôle d’une variable d’ajustement ?

Le budget de la défense pour 2007 que vous proposez à notre vote, madame le ministre, est en totale opposition avec ces perspectives funestes. Je le soutiendrai donc avec le plus grand plaisir et la plus grande fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, premier orateur inscrit dans la discussion.

M. Philippe Folliot. Une fois n’est pas coutume : je ne monte pas à cette tribune, madame la ministre, pour parler de la gendarmerie nationale, mais pour aborder d’une manière plus générale toutes les questions relatives au budget de la défense. Ce n’est pas, certes, que je me désintéresse de la gendarmerie, mais parce que, dans le cadre de la LOLF, la gendarmerie relève désormais de la mission « Sécurité » – nous avons d’ailleurs eu l’occasion, à ce titre, de nous exprimer assez longuement hier à son propos.

J’ai été, comme nombre de mes collègues, sensible aux propos que vous avez tenus sur un point qui nous paraît essentiel : la militarité de la gendarmerie. Je crois que, même si aujourd’hui nous ne débattons pas des crédits relatifs à la gendarmerie, il est essentiel, important et fondamental de rappeler ces éléments au début de mon propos.

Encore une fois, nous allons examiner, madame la ministre, ce budget de la défense avec vous, et, une fois de plus, on peut dire que ce budget va dans le bon sens. Nombre d’entre nous sont satisfaits des perspectives qu’il trace dans le cadre de cette mission.

Le budget est en hausse. Il respecte dans les grandes lignes, pour la cinquième année consécutive, les objectifs de la loi de programmation militaire. Il accorde des crédits supplémentaires pour les OPEX, après une nouvelle augmentation l'an passé. Il permet pour l’essentiel le maintien en conditions opérationnelles des hommes et des machines. Les programmes sont en route. Ceux qui pensaient, hier encore, que les forces armées devaient restreindre leur format, imaginant que nous entrions dans une ère dépourvue de conflits majeurs, se sont lourdement trompés. La situation internationale ne nous permet pas d'envisager un recul des situations de crise, ni des conflits, ni du terrorisme.

Nous saluons encore une fois, au groupe UDF, les efforts consentis en matière d'équipement des forces. Les crédits sont stables mais les programmes avancent. Le contrat de commande des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda sera signé avant la fin de l'année 2006 ; c’est un élément positif. Le programme FREMM se déroule tout à fait normalement : malgré quelques difficultés avec les Italiens, le rythme de production et l'aspect financier n'en sont pas affectés. Ce programme est très important car il doit permettre de renforcer l'efficacité de notre marine tout en créant plus de 2000 emplois en France. Nous fondons aussi de grands espoirs sur le satellite Syracuse III-B. Six avions Rafale seront livrés à l’armée de l’air en 2007, huit en 2008, afin de permettre la constitution d'un deuxième escadron à la fin de 2008. Quant à l’A 400 M, il doit demeurer une priorité essentielle, eu égard à sa contribution à la capacité permanente de projection de nos forces. L’aéromobilité, avec l’arrivée d’hélicoptères nouvelle génération très attendus, est tout aussi essentielle.

Il faut également se féliciter des efforts concernant le maintien en condition opérationnelle de nos forces. Deux avions sur trois sont désormais disponibles dans l'armée de l'air et, dans la marine, le taux de disponibilité est passé à 70 % pour les bâtiments de surface.

Mais je tiens à exprimer une réserve et à vous faire part, madame la ministre, de nos interrogations quant au second porte-avions. En aucun cas la montée en charge financière de ce lourd programme ne doit se faire au détriment des investissements et des capacités de projection des autres armes en général, et de l'armée de terre en particulier. J’aimerais pouvoir être rassuré sur ce point. N’est-il pas envisageable, comme cela a été dit tout à l’heure, de mutualiser les moyens dans le cadre d’une politique européenne de défense plus ambitieuse ?

En outre, l'une des rares inquiétudes exprimée au sein de notre armée concerne les effectifs. Le processus de professionnalisation, achevée depuis quelques années, force l'admiration de nos alliés et nous a permis d'acquérir une véritable crédibilité, notamment dans les opérations multinationales. Toutefois, aujourd'hui, certains craignent que le manque de renouvellement des effectifs ne pose, à terme, un réel problème d'efficacité. On estime à plusieurs milliers le nombre d'hommes qui seraient susceptibles de manquer à brève échéance dans l'armée de terre. Vous avez fait malgré tout des efforts, madame la ministre, puisque les effectifs augmentent, particulièrement là où des besoins étaient tout à fait identifiés : dans le service de santé des armées, au sein de la DGSE et, j'ai eu l'occasion hier de m'en féliciter, dans la gendarmerie. Il faut continuer dans ce sens.

Globalement, vous parvenez une fois encore à maintenir votre budget à un excellent niveau, compte tenu des très lourdes contraintes financières qui pèsent sur les finances publiques. Nous vous en félicitons.

Un mot sur un sujet qui est particulièrement cher à l'UDF : le lien armée-nation. L'image de l'armée a considérablement changé car, depuis soixante ans, le territoire métropolitain n'a pas connu de conflits majeurs et nos forces armées interviennent de plus en plus souvent sous mandat international, plus particulièrement dans le cadre de l'ONU. Certes, les menaces sont réelles – je pense en particulier au terrorisme –, et nous nous devons de défendre les intérêts de la nation partout où nous avons des ressortissants.

À ce sujet, je souhaite évoquer, madame la ministre, l’implication des forces armées sur le territoire national, dans un département d’outre-mer que j’ai eu l’occasion de visiter il y a peu de temps, celui de la Guyane : il faut conduire une réflexion plus approfondie sur la nature de la capacité d’intervention de nos forces armées, en appui de la gendarmerie, dans l’action et dans les missions de souveraineté que nous devons mener dans ce département. Une partie de son territoire échappe en effet à l’autorité de la République, et de véritables mafias, par le biais de l’orpaillage clandestin, pillent nos ressources naturelles, ne respectent aucunement les lois de la République, portent atteinte à l’environnement. Cela justifie que les forces armées puissent venir davantage encore en appui de la gendarmerie pour que cette action de souveraineté, menée il est vrai dans un cadre particulier – en temps de paix et sur le territoire national – s’effectue avec plus de coordination et plus d’efficacité.

La donne a changé : l’antimilitarisme, répandu dans les années 70, n'est plus aujourd'hui qu'un phénomène marginal puisque plus de 80 % des Français ont une bonne ou une très bonne opinion des forces armées. Le défilé du 14 juillet symbolise bien, d'ailleurs, ce lien fort entre l'armée et la nation, qu'incarne également la gendarmerie grâce à sa présence quotidienne sur 96 % du territoire.

Le lien entre l'armée et la nation, c'est également l'autre bout de la chaîne, c'est-à-dire les jeunes et les moins jeunes qui s'engagent. Il faut les encourager à s'engager, et cet encouragement passe par une image positive de l'armée. Aujourd'hui, les journées d’appel de préparation à la défense sont un des éléments de base de ce lien entre l'armée et la nation. Malheureusement, force est de constater que ce système n'est pas toujours jugé satisfaisant. Les jeunes le disent eux-mêmes : la journée est trop courte, trop théorique. Au final, le système ne semble pas toujours pertinent et efficace. Lien concret entre l'armée et la jeunesse, la JAPD doit notamment contribuer à susciter des vocations, mais elle n’est pas toujours perçue comme elle devrait l’être, tant dans son fonctionnement que dans ses objectifs. Cette « vitrine » doit contribuer à donner une image plus dynamique et plus attrayante de notre armée, grâce à la participation de réservistes citoyens, à des rencontres moins formelles, à une présentation active, opérationnelle et interactive des différents métiers de l'armée. Vous aviez promis l'an passé de réfléchir sur une nouvelle organisation de la JAPD. Pourriez-vous nous faire le point sur la réalisation de cet objectif ?

Parallèlement à la JAPD, nous disposons d'un autre moyen de promouvoir les bienfaits d'une armée forte : il s'agit de l'enseignement. La loi de 1997 dispose que les cours d'histoire-géographie et d'éducation civique doivent dispenser un enseignement renvoyant aux fondements de la République et aux valeurs universelles qui l'animent. Malheureusement, il semble que ce texte soit peu ou mal appliqué. Cet enseignement, sans servir nécessairement à enrôler les jeunes ou à présenter une image idyllique de l'armée, doit au moins véhiculer l'idée selon laquelle la grandeur d'un pays, son indépendance ainsi que sa capacité d'intervention pour la paix dans le monde se mesurent aussi à l'efficacité de son armée. La place de la France dans le monde dépend étroitement de sa défense, et ce d'autant plus que le monde apparaît comme de moins en moins sûr, les risques de plus en plus nombreux et de plus en plus grands.

La réserve a également une contribution très importante à apporter, notamment dans la gendarmerie où elle est, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, particulièrement opérationnelle. La loi que nous avons votée allait dans le bon sens, celui d'une reconnaissance du statut si particulier des réservistes. Et cette étape importante se traduit, dans le budget, par l'ouverture de 19 millions d'euros supplémentaires. Le nombre d'engagements dans la réserve pourra ainsi être porté à 62 000.

Il est également nécessaire que les régiments s'ouvrent sur l'extérieur. Certains le font déjà, comme le 8e RPIMa qui a réussi, à Castres, à établir une réelle symbiose avec la ville, le bassin d'emploi et le département. Son action mérite d'être citée en exemple.

Enfin, toujours sur le thème du lien armée-nation, le dispositif « Défense, deuxième chance » ouvre un horizon nouveau à beaucoup de jeunes en difficulté, en échec scolaire, professionnel ou social. L'espoir est grand. Même si quelques voix s'élèvent pour pointer du doigt certaines difficultés, nous pensons que cette initiative est particulièrement positive et nous attendons beaucoup de l’ouverture de nouveaux centres.

Pour conclure, je voudrais dire que les questions relatives à la défense sont éminemment importantes, essentielles, et qu’elles devraient être consensuelles. Nous pensons, à l’UDF, qu’il serait important et fondamental pour l’avenir du pays de faire de telle sorte que nous puissions, sur tous les bancs, nous retrouver sur des enjeux majeurs pour l’avenir du pays. La politique de la défense fait partie de ces questions qui devraient sortir du champ politicien pour entrer dans le domaine de l’intérêt supérieur du pays.

Ces quelques suggestions et commentaires n'entament en rien notre sentiment très positif sur ce budget, que nous voterons avec conviction. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Bernard Deflesselles. Ça va être moins positif !

M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits militaires totalisent 47,7 milliards d'euros. Voilà donc un budget conséquent. Pour autant, est-ce forcément un bon budget ? Tout dépend des options stratégiques qui le sous-tendent, de la politique de sécurité qu'il entend servir. Sont-elles adaptées aux menaces du terrorisme, de la prolifération nucléaire et de la multiplication des crises régionales qui, c’est largement admis, mettent en cause la stabilité mondiale et pourraient affecter la sécurité nationale ?

Notre réponse, madame le ministre, est clairement non.

Le premier désaccord porte sur le choix de modernisation des armes nucléaires, auxquelles le budget consacre toujours 10 % des crédits totaux et près de 20 % des crédits d'équipements. Pourtant, chacun le sait, la puissance nucléaire ne peut dissuader le terrorisme international. Le fiasco des forces armées américaines et britanniques en Irak révèle également que les armes nucléaires ne sont d'aucune utilité dans les conflits régionaux. Reste le danger de la prolifération et du chantage nucléaire à l'égard de notre pays. Les essais nucléaires de l'Inde, du Pakistan, de la Corée du Nord, et peut-être demain de l'Iran, montrent clairement que la sauvegarde du monopole nucléaire entre les mains d'une poignée d'États, alors que cette arme est légitimée comme facteur de puissance et de sécurité nationale, est un leurre ! Comment interdire aux autres ce que l'on prône pour soi ? Sous prétexte qu'ils ont signé le traité de non-prolifération ? Or le TNP prévoit aussi, dans son article 6, la cessation de la course aux armements et des négociations de bonne foi de traités tendant vers le « désarmement général et complet ».

Pourtant, cet engagement n’est pas respecté par les puissances nucléaires, qui ne préconisent ni l’abolition ni le partage de l’arme nucléaire. Cette situation ne peut pas durer. N’oublions pas que ce traité prévoit une clause de retrait permanent, que la Corée du Nord a utilisée il y a trois ans. Son essai ne viole donc pas l’accord mais pourrait lui être fatal car, demain, l’Iran pourrait décider de suivre l’exemple nord-coréen.

C'est dire, madame le ministre, que la seule façon d'éradiquer définitivement la menace de prolifération et d’éviter que cette arme ne se retrouve aux mains des groupes terroristes, c'est le désarmement nucléaire, non pas unilatéral, mais concerté, global et vérifié. Dans ce contexte, il nous semble urgent que la France prenne des initiatives pour œuvrer vers cet objectif tout en maintenant en l'état son arsenal, ce qui implique l'arrêt de sa modernisation. Au lieu de cela, le Président de la République a accentué, dans son discours d'Île Longue en janvier 2006, la dérive dangereuse de la doctrine nucléaire française annoncée dès juin 2001. Il a élargi le concept d’« intérêts vitaux » en y incluant la garantie de nos approvisionnements stratégiques et la défense de nos alliés, éventuellement au-delà des limites du continent européen, puisque aucune précision ne suit ce dernier terme. Une telle sanctuarisation élargie implique inévitablement le renforcement de la stratégie de riposte flexible, c'est-à-dire d'emploi de l'arme nucléaire.

Par ailleurs, le Président de la République a précisé que la dissuasion s'appliquerait aux dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous ou qui envisageraient d'utiliser des armes de destruction massive. Cette formulation signifie-t-elle, madame le ministre, que si le scénario des odieux attentats terroristes des années 80 et 90 se répétait en France, nous irions frapper avec des armes nucléaires leurs commanditaires, si tant est qu'on puisse les identifier clairement ? Doit-on considérer que la France s'engage dans la logique des frappes préventives à l'instar des États-Unis ? Cette transformation de la logique de la dissuasion méritait qu'un débat national soit organisé. Il n'en a rien été, et le Parlement a été totalement mis à l'écart de cette question pourtant capitale pour notre sécurité.

Le deuxième pilier de notre politique de défense, ce sont les forces de projection, qui s'inscrivent dans une stratégie d'intervention sur les théâtres extérieurs. Aujourd'hui, 15 000 militaires sont engagés dans les OPEX, dans des conditions souvent très dangereuses. Un certain nombre d’entre eux ont payé de leur vie l'accomplissement de leur mission. Il est du devoir de la nation de leur rendre hommage. Les OPEX coûtent cher, et même très cher, tant en vies humaines que sur le plan financier, sans pour autant emporter la décision sur le terrain. Le chef d'état-major des armées, le général Georgelin, a déclaré devant notre commission : « tous les clignotants des OPEX sont à l'orange ». Il ajoutait que « sur la plupart des théâtres, la situation politico-militaire tend à se durcir ». C'est plutôt un euphémisme, quand on songe à la situation en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan !

Quant au chef d'état-major de l'armée de terre, il estime que, face aux modes d'action des adversaires, « les capacités de destruction françaises » – et de nos partenaires, ajouterai-je – « ne suffisent plus à elles seules à emporter la décision ». Il laisse entendre que des moyens civils, ainsi que l'action politique et diplomatique, sont tout aussi nécessaires pour neutraliser ou discréditer les groupes armés et offrir des perspectives aux populations. C'est une autre façon d'admettre ce que nous ne cessons de dire : une approche uniquement militaire est inadaptée à la nouvelle problématique sécuritaire que pose le désordre actuel du monde. Il nous faudrait une politique multidimensionnelle visant à lutter contre les racines des problèmes, au premier rang desquels figurent les inégalités planétaires et les ravages d'une mondialisation non maîtrisée, sans compter l'application sélective du droit international aux situations de crise.

Dans ce contexte, je voudrais aussi évoquer le problème de l'utilisation des bombes à sous-munitions, largement utilisées au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, au Sud-Liban, et responsables de nombreux blessés ou décès, notamment parmi la population infantile. Leur interdiction devient urgente, tout comme la mise en place d'un traité international sur les transferts d'armes, spécialement les armes légères et de petit calibre, qui font l'objet d'un groupe d'étude à l'Assemblée coprésidé par mon ami Jean-Claude Sandrier et le député de l’UMP Roland Blum. Une proposition britannique dans ce sens a été faite dans le cadre du G8. Quelles initiatives, madame le ministre, la France a-t-elle prises pour la promouvoir ?

S'agissant du budget pour 2007, je relève qu'une nouvelle fois, la priorité donnée aux équipements se fait au détriment de l'emploi et de l'activité des forces. Les dépenses de fonctionnement liées à ce dernier chapitre sont en baisse de 6,3 %, voire plus si l'on considère – ce qui est plus que probable – que la dotation supplémentaire pour le pétrole ne suffira pas à couvrir son enchérissement. Selon le rapporteur spécial, le plafond d'emplois pour l'ensemble du ministère, fixé à 436 994 équivalents temps plein, est inférieur de 8 754 au niveau requis par la loi de programmation, et 3 790 équivalents temps plein d'effectifs seront supprimés en 2007. Le personnel militaire subit de nouvelles réductions, alors que de fortes tensions sur les effectifs ont été dénoncées les années précédentes. Quant aux emplois civils, le quinquennat a été particulièrement dévastateur, avec 8 000 suppressions.

Cette diminution des effectifs entraîne des conséquences graves. Elle est en effet palliée par le recours de plus en plus poussé à l'externalisation – ce dont se sont félicités certains orateurs, qui oublient un aspect essentiel – et aux restructurations industrielles, entraînant des pertes de compétences et une dépendance accrue vis-à-vis des sociétés privées dans la réalisation de missions par essence régaliennes. Les représentants des syndicats des personnels civils de défense ont exprimé de fortes inquiétudes devant la commission de la défense à cet égard, déclarant que « l'appareil industriel est en effet devenu incapable par exemple de refaire un char Leclerc »,…

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Ce n’est pas externalisé !

M. Jacques Brunhes. …et que « la DCN aura les pires difficultés à mener à bien ses programmes, au point que l'on peut se demander où sera construit le deuxième porte-avions. »

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis pour l’équipement des forces. Vous êtes évidemment favorable à sa construction, n’est-ce pas ?

M. Jacques Brunhes. S'agissant de ces compétences perdues, vous me permettrez, madame le ministre, une brève parenthèse : je vous ai fait part, en vous adressant une question écrite, des préoccupations des salariés de la SNECMA Services de Châtellerault, qui craignent que leur centre ne soit transformé en un simple site de réparation de pièces du moteur CFM 56 et perde ainsi quarante années de savoir-faire dans le domaine de la maintenance et de la réparation des moteurs aéronautiques tant militaires que civils. Je souhaiterais avoir votre réponse quant à leurs propositions alternatives au cours de cette séance ou, à tout le moins, de façon écrite.

Pour terminer, je réitérerai mes critiques concernant le choix du désengagement de l'État, le démantèlement de nos entreprises étatiques et de nos sociétés nationales de pointe au nom d'une rentabilité exclusivement financière. Quant à la défense européenne, elle n'a d'autonome que le nom. Comme l’a dit le général Georgelin devant notre commission, « tous nos partenaires […] voient davantage les choses au travers de l'OTAN » et il n'y a pas de position commune dans le domaine de la politique étrangère, ce qui est pourtant une condition indispensable pour bâtir une défense commune. Quant à notre pays, non seulement il ne remet pas en cause la légitimité de l'OTAN en tant qu'organisation militaire « garante de la sécurité collective des alliés européens et nord-américains » – vous aurez reconnu vos propos, madame le ministre –, mais il a renforcé sa participation en son sein, au point de s’impliquer très activement dans sa force d'action rapide.

Autant de raisons pour lesquelles, comme vous l’aurez compris, nous ne voterons pas ce budget.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un contexte budgétaire contraint, selon la formule désormais rituelle, il faut reconnaître que les moyens dédiés à la défense seront en augmentation de plus de 2 % en 2007, pour un budget de 47,7 milliards d'euros, dont 35 milliards au titre de la mission « Défense ».

Je voudrais de nouveau souligner qu’au cours de cette législature, qu’on le veuille ou non, les crédits de la défense auront progressé de 7,2 % et, pour la cinquième année consécutive, la loi de programmation militaire aura été respectée.

M. Jean Michel, rapporteur pour avis. Si c’était vrai, cela vous changerait !

M. Michel Voisin. Monsieur Michel, reconnaissez les résultats : ils sont là ! La défense n'est plus considérée comme une variable d'ajustement du budget de l'État et nous nous en félicitons.

C'est l’affirmation de la volonté politique du chef de l'État, de notre majorité et surtout, madame le ministre, de votre détermination constante, parfois de votre force de dissuasion (Sourires), que le groupe de l’UMP tient à saluer. En son nom, je vous remercie aussi de votre action, à la tête de ce grand ministère, pour les femmes et les hommes qui composent nos armées, pour ceux qui sont directement ou indirectement liés à la défense, pour nos jeunes auxquels vous donnez des repères, pour la sécurité de notre pays et pour la préservation de la paix.

La défense s'est affirmée, elle a évolué. Depuis 2002, l'institution s'est résolument engagée dans un processus de modernisation et, à ce titre, d'importantes réformes ont été accomplies : la nouvelle répartition des attributions au sein de votre ministère, la mutualisation et le recentrage des moyens sur les missions essentielles pour un fonctionnement optimal des armées. Le plan stratégique des armées, signé le 8 juin dernier, s'inscrit dans cette démarche. Pourriez-vous, madame le ministre, nous en dire un peu plus sur la philosophie et le contenu de ce document ?

Les actions qui ont été menées ont permis la réalisation de 568 millions d'euros d'économies, tout en préservant la capacité opérationnelle des armées. L'effort de la nation en matière d'équipement des forces est à la hauteur des enjeux. Les objectifs de la loi de programmation militaire pour 2003-2008 sont tenus : ils permettront de poursuivre la réalisation du modèle « Armée 2015 ».

Malgré quelques retards dans la mise en œuvre de certains programmes d'équipement, il convient de souligner qu'aucun programme d'armement n'a été remis en cause. Les livraisons et les commandes pour 2007 correspondent bien aux besoins de nos forces armées. Le maintien en condition opérationnelle des matériels est une nécessité et les moyens alloués seront maintenus à un niveau satisfaisant.

Une préoccupation, cependant : le coût des carburants, en raison du renchérissement du prix du pétrole. La dotation est très élevée – 415 millions d'euros –, des mécanismes financiers visant à lisser l'effet de l'augmentation du prix de la matière première sont mis en place, mais les besoins sont croissants, en particulier au niveau des opérations extérieures. Ne faudrait-il donc pas, madame le ministre, que certains moyens budgétés soient redéployés vers ce poste ? J’ai vu que des amendements avaient été déposés en ce sens.

La dissuasion nucléaire reste l'axe central de notre politique de défense, comme l'a rappelé avec force le Président de la République le 19 janvier dernier à l'Île Longue. Elle s'inscrit dans une stratégie de prévention et tend à garantir nos intérêts vitaux contre toutes les menaces, intérêts vitaux, parmi lesquels figurent désormais très clairement nos intérêts stratégiques, comme l'approvisionnement énergétique et la défense des pays alliés. M. Brunhes s’en étonne, mais il s’agit seulement de l’application du Livre blanc rédigé il y a déjà douze ans !

Pour rester crédibles, nous devons poursuivre notre effort et permettre à la France de disposer d'un outil de dissuasion rénové, efficace et opérationnel. C'est encore plus vrai dans le contexte international actuel, marqué, comme vient de le rappeler Jacques Brunhes, par les événements nucléaires iraniens et nord-coréens.

Grâce à la dissuasion, grâce à des équipements performants, grâce à la compétence reconnue de nos militaires, la France est une puissance respectée. Les responsabilités qu’elle exerce au sein de la FINUL renforcée, de la FIAS ou de l'EUFOR, par exemple, en sont la preuve évidente.

Dans le cadre de l'opération Baliste, menée au Liban en juillet dernier, nos forces armées ont démontré leur réactivité, leur efficacité, leur humanité et leur professionnalisme. Cette opération a permis l'évacuation de 11 000 ressortissants français et l'acheminement de fret dans les meilleurs délais et les meilleures conditions possibles.

Les 14 500 militaires déployés sur les théâtres d'opérations extérieures effectuent un travail remarquable. Nous tenons à les en féliciter.

S'agissant du financement des surcoûts générés par les opérations extérieures, une nouvelle étape est franchie. La dotation inscrite en loi de finances est à un niveau particulièrement élevé : 375 millions d'euros. C'est un motif de satisfaction. Nous savons bien qu'en ce domaine les prévisions sont difficiles à effectuer et qu'il faudra, très certainement, prévoir des ajustements.

Les surcoûts des opérations intérieures – je pense à Vigipirate – font également l'objet d'une action spécifique. Toutefois, comme l'an passé, aucun crédit n'est inscrit sur cette ligne budgétaire. Peut-être le sont-ils dans la mission « Sécurité » ? Je souhaiterais, madame le ministre, que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur ce point.

Nos forces armées sont reconnues et appréciées parce que nous disposons de matériels de qualité et que nous sommes présents sur la scène internationale, mais aussi et avant tout parce que nous disposons de femmes et d'hommes, de militaires professionnels, qui ont pour ambition de servir la France. Ils participent au rayonnement de notre pays, assurent notre sécurité, défendent nos idéaux et œuvrent pour la préservation de la paix dans le monde. Ils sont au cœur de l'institution de défense, deuxième employeur de l'État, et la condition des personnels, militaires et civils, doit être au centre de notre action.

Le niveau des effectifs et la politique de recrutement répondent aux besoins. Au total, 1 012 postes seront créés en 2007. La création de 950 postes de gendarmes, de 47 emplois supplémentaires au titre du service de santé des armées, qui intervient de plus en plus en OPEX, et de 15 emplois au sein de la Direction générale de la sécurité extérieure est à la hauteur des enjeux.

L'effort particulier en faveur de la réserve est à souligner : 19 millions d'euros supplémentaires sont inscrits au budget, pour permettre la montée en puissance du nombre des réservistes ainsi que l'application de la loi que nous avons adoptée au printemps dernier modifiant profondément notre système de réserve.

Les moyens destinés à l'amélioration des conditions des personnels militaires sont satisfaisants : 66 millions d'euros au titre de l'année 2007. L'amélioration de leurs conditions de travail et de leurs conditions de vie est l'une de nos préoccupations majeures. À cet égard, l’excellent rapport de Bernadette Paix et Damien Meslot une attention toute particulière de la part du Gouvernement.

Un point me tient particulièrement à cœur, vous le savez : le retour à la vie civile des militaires. C'est un sujet important qui est intimement lié à la professionnalisation des armées, et je souhaiterais, madame le ministre, connaître vos réflexions et vos actions en ce domaine, pour les hommes du rang et les caporaux, bien sûr, mais aussi pour les sous-officiers et les officiers contractuels, confrontés quelquefois à des difficultés de réinsertion dans la vie civile.

L’effort pour la reconnaissance des personnels civils est poursuivi. Depuis 2002, 70 millions d'euros ont été mobilisés pour le plan de reconnaissance professionnelle de ce personnel.

La défense est également impliquée dans la politique de l'emploi des jeunes. Le dispositif « Défense deuxième chance », créé à votre initiative en 2005 pour favoriser l'insertion des jeunes en difficulté, remporte un franc succès. Sur les 3 000 jeunes qui ont bénéficié de ce programme, 90 % en sortent avec une formation et trouvent un emploi. Nous saluons votre action en ce domaine, madame le ministre, et souhaiterions que vous nous en dressiez un premier bilan. J’en profite pour vous remercier, en mon nom et en celui de Lucien Guichon, Étienne Blanc et Jean-Michel Bertrand, pour la création d’un centre « Défense deuxième chance » dans notre département.

La défense est aussi un acteur majeur de l'économie française et de la construction de l'Europe de la défense. Afin de préparer l'avenir, le ministère consacrera 3,5 milliards d'euros à la recherche et au développement. A ce titre, son implication au sein des pôles de compétitivité – 15 millions sont affectés à ces pôles – et son appui à la recherche militaire et civile – 700 millions d'euros sont destinés aux études amont – méritent d'être soulignés.

Les efforts doivent aussi être orientés vers la construction européenne de la défense et vers le développement de la recherche européenne. C'est une nécessité, si nous voulons disposer, dans le futur, de matériels performants au service de la sécurité et de la paix en Europe.

La France est très impliquée dans cette construction. Elle y joue un rôle de premier plan au travers de sa contribution au budget de l'Agence européenne de défense et dans le cadre de la coopération en matière d'armement, véritable moteur de la construction de l'Europe de la défense. De nombreux programmes sont en cours de réalisation, en partenariat avec nos voisins européens, comme le deuxième porte-avions ou les drones de combat Neuron, qui représentent un enjeu industriel majeur.

Une coopération accrue dans le domaine de la recherche permettra de renforcer notre industrie européenne de défense. Elle nécessite, par conséquent, la mobilisation de moyens importants. La création d'un fonds européen pour stimuler la recherche dans le domaine militaire s'inscrit dans cette démarche. Nous souhaiterions, madame le ministre, connaître l'avancement de ce projet.

Le budget pour 2007 est donc un excellent budget, nous en sommes fiers comme nous sommes fiers, au groupe UMP, de ce qui a été entrepris en faveur de la défense au cours de cette législature. Chacun, sur ces bancs, doit reconnaître qu’il y a plusieurs décennies que les décisions du Parlement en matière de défense n’avaient été à ce point respectées par un gouvernement. Je tenais à ce que cela soit souligné.

Un effort considérable a été réalisé depuis 2002 pour combler le retard dans l'exécution de la précédente loi de programmation militaire. Les engagements qui ont été pris dans le cadre de la LPM 2003-2008 sont tenus. Un nouveau statut général des militaires a été mis en place, l'organisation de la réserve a été aménagée et l'institution de défense modernisée.

Pour toutes ces raisons le groupe de l’UMP votera, avec enthousiasme, les crédits de la mission « Défense ».

À la veille d'échéances électorales importantes pour la défense et dans la perspective d’une nouvelle loi de programmation militaire, on entend ici ou là des murmures qui me rappellent la fin des années 90 et les « dividendes de la paix ». Je pense que l’effort consenti par la nation pour notre défense devra s'inscrire dans la durée et devra être accentué avec pour objectif d'atteindre 2 % de notre PIB. C’est le prix minimum à payer pour l’assurance que notre pays doit souscrire afin de garantir sa sécurité. C'est en tout cas ce que les Français attendent, comme en attestent les résultats d'une récente enquête d'opinion, et c'est ce que nous appelons de nos vœux.

Enfin, madame le ministre, mes chers collègues, je ne pouvais terminer sans tirer un grand coup de chapeau à ces femmes et à ces hommes qui, dans des situations difficiles, loin de chez nous – j’étais hier à Douchanbé –, effectuent un travail remarquable avec abnégation, dévouement et professionnalisme. Ils ont choisi ce métier, ils le font bien et ils font partie de ces acteurs qui permettent à la France de tenir la place qu’elle occupe sur l’échiquier mondial. Alors, même s’ils ne demandent rien, ils méritent bien que quelquefois la représentation nationale leur envoie un signal fort en leur disant son admiration et sa reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron.

M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le dernier budget d'une législature est autant l'heure des bilans que celle des projets.

Au plan du bilan, l'actif résidera indéniablement dans votre capacité, madame le ministre, de maintien des financements de votre ministère à un bon niveau, même si celui-ci n'est pas tout à fait celui que vous dites. Vous voulez ignorer les lois de règlement pour ne parler que des lois de finances initiales. Le résultat n'est évidemment pas le même, mais je passe sur cette dispute d'un niveau second.

A votre actif également, incontestablement, la réforme de l'état-major et de la Direction générale de l’armement, même si la première ne prendra son ampleur que petit à petit ; quant à la seconde, elle devra connaître d'autres étapes.

La tenue tant morale que technique des armées françaises a été bonne sur l'ensemble des opérations extérieures. Les problèmes rencontrés en Côte d'Ivoire auraient pu, compte tenu de la situation, être plus nombreux et encore plus graves. Globalement la mission que la nation confie à son armée a été correctement remplie sur votre période de responsabilité. Que l'ensemble des personnels en soit félicité.

Dans le passif se trouve curieusement la conséquence des moyens financiers importants dont vous avez disposé. Une attente est née et, bien évidemment, la réalité n'a pu la satisfaire.

Tout d'abord, le résultat très discutable de l'amélioration du maintien en condition opérationnelle de nos matériels. C'était votre priorité absolue, vous y avez mis beaucoup d'argent, mais les chiffres dont nous disposons concernant les matériels basés en métropole sont loin d'être au niveau de nos espérances. Les améliorations sont beaucoup moins importantes que prévu et, dans certains secteurs, presque marginales.

Mais le point incontestablement le plus faible de la gestion de votre gouvernement, même si je ne connais pas la part que l'on peut vous imputer personnellement, est celui de la restructuration européenne des industries de défense. Votre bilan est sur ce point très inférieur à celui de vos prédécesseurs, même si l'on doit admettre que sur certains dossiers vous n'avez jamais trouvé à Bercy ou à Matignon le partenaire indispensable pour mener de belles et grandes restructurations.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. C’est de la mauvaise foi ou de l’amnésie ?

M. Jean-Michel Boucheron. A ce stade, nous devons évoquer la situation industrielle. Votre gouvernement, madame le ministre a reçu de ses prédécesseurs un superbe héritage. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme le ministre de la défense. Giat ?

M. Jean-Michel Boucheron. Je veux parler d’EADS et de sa dynamique franco-allemande, du regroupement européen des industries d'hélicoptères, de missiles et de lanceurs spatiaux.

J'espère définitivement refermé le roman-feuilleton qui a terni l'image d'EADS : nomination rocambolesque à la tête du groupe ; Clearstream, ce mauvais polar d'un autre âge ; blocage de l’A380 ; confiance en l'entreprise mise à mal ; relations franco-allemande détériorées ; dégradation de l'image de l'État-actionnaire. Vous avez été, il est vrai, spectatrice et non actrice, mais quel champ de ruines ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Que dire du surplace de la fusion Thales-DCN ? Que dire du désordre chez Safran ? Que dire des faibles progrès du marché européen de défense, des difficultés de développement de l'Agence, de la politique d'exportation à faibles résultats ? C'est au gouvernement auquel vous appartenez que doivent être imputés ces échecs.

Il faut relancer une grande politique européenne de rapprochement industriel, de coordination d'investissements, de protection commune des secteurs stratégiques, d'aide planifiée à la recherche et au développement et, enfin, de lancement de vastes coopérations en Europe et, au-delà, vers la Russie et le Golfe.

Mais, puisque c'est le sujet de l'heure, il nous faut dire quelques mots de votre budget. Vous nous présentez un budget d'autant plus abondant que ce n'est pas vous qui allez ni le payer ni l'exécuter. Vous lancez, vous commandez sans avoir les financements de long terme ou tout juste de quoi payer les premiers acomptes. Je peux donc faire tout de suite le discours du responsable de l'opposition qui sera ici dans un an à ma place (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) pour se plaindre que l’on ne finance pas les programmes que vous avez lancés.

M. Michel Voisin. Quel culot !

M. Jean-Michel Boucheron. En fait, il se produit ce que nous avions prévu lors de la loi de programmation militaire. Malgré un budget de la défense bien doté, vous n'avez pas les financements pour équiper nos forces au niveau qui avait été programmé. La règle constante, c'est que l'évolution du coût de notre défense n'a pas été prévue au bon niveau. Les coûts réels des programmes engagés ont-ils été sciemment minorés ? Je n'irai pas jusque là, mais vous êtes obligée de trouver 250 millions d'euros en loi de finances rectificative pour couvrir le programme des frégates multimissions Le rôle d'une loi de finances rectificative n’est pas de financer autre chose que les dépenses imprévues.

C’est un point de détail, mais il est significatif de la panne sèche générale qui se prépare pour tous les grands programmes.

Madame le ministre, vous devriez rendre public le rapport 2020, réalisé il y a déjà deux ans, qui donne la projection des coûts des dépenses d'armement d'ici à 2020. Ces chiffres éclaireraient nos débats et sortiraient nos collègues de la majorité de la douce autosatisfaction dans laquelle ils se complaisent. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Le Bris. C’est vrai !

M. Michel Voisin. Que ne faut-il pas raconter pour voter contre un budget !

M. Jean-Michel Boucheron. Au plan des équilibres, on peut constater trois phénomènes : des crédits d'investissement conformes à la loi de programmation militaire, une diminution des effectifs et une trésorerie qui, par des opérations qui s’apparentent à de la cavalerie (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), permettent de retarder à la fin 2007 la confrontation à la réalité. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En outre, la question des reports reste centrale dans la problématique de l'exécution de votre budget. Cette année aurait du être celle de la résorption des reports accumulés tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme. Nous ne connaissons pas les montants exacts des reports, mais il est certain que l’année 2007 – c’est-à-dire quand vous ne serez plus aux affaires –…

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. C’est la méthode Coué !

M. Jean-Michel Boucheron. …est censée régler tous les problèmes d'exécution qui n'ont pu l'être aujourd’hui.

Les dépenses nécessaires à la réalisation du modèle 2015 sont hors de notre portée financière (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), quel que soit le futur Président de la République, quand bien même ce serait vous, madame le ministre.

En résumé, qu’il s’agisse d'investissements pour les grands programmes ou de trésorerie, toutes les décisions difficiles sont laissées à votre successeur. Je vous remercie de lui laisser une telle marge de décision. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je noterai quelques points qui méritent d'être signalés, et en premier lieu, les problèmes de personnels. En dépit de la baisse des effectifs annoncée – 1 500 postes –, les crédits de rémunération augmentent de 130 millions d’euros, alors que le ministère de la défense est le seul dont la majorité des agents travaille sous contrat pour conserver une population jeune. Il vous est donc plus facile qu’à d’autres administrations de maîtriser la masse salariale.

Il y a certainement une réforme à venir pour une meilleure gestion globale des compétences des personnels de défense. J'en profite pour exprimer notre satisfaction devant la création de 900 emplois dans la gendarmerie. En revanche, la création de quinze postes à la DGSE est très insuffisante,…

M. Michel Voisin. Encore faut-il trouver des spécialistes !

M. Jean-Michel Boucheron. …compte tenu de la montée en puissance nécessaire pour préserver l'avenir des capacités de ce service.

S’agissant des conséquences sur le moral des armées, diverses inquiétudes se font jour. L'armée de terre connaît un rythme d'utilisation élevé. Certes, les OPEX améliorent les revenus, mais les missions sont quelquefois très éloignées des métiers de base des hommes et, même si c'est la loi du genre, ils en ressentent une sorte de déqualification. L'état de disponibilité des matériels en métropole est aussi source de démotivation.

L'armée de l'air a un certain sentiment de pénurie. Le nombre de Transall en état de voler et le nombre d'avions de chasse en l'air créent des frustrations : il est maintenant évident que le plan Air 2010 devra être de plus grande ampleur que prévu. Il faut prendre garde à la disponibilité des matériels et à l'écart entre le discours officiel, trop optimiste, et une réalité en décalage.

S’agissant de l'équipement, le modèle 2015 est aujourd’hui unanimement considéré comme financièrement inaccessible et en décalage complet avec les besoins stratégiques de la période considérée. Il devra donc être totalement revu.

En termes de programmes majeurs, nous n’attendons pas moins de 700 VBCI pour 3 milliards d'euros, 31 500 Félin pour 1 milliard, 200 Tigre pour 6,6 milliards, 160 NH 90 pour 6,5 milliards, 300 Rafale pour 34,6 milliards, 50 A 400M pour 7 milliards, un deuxième porte-avions pour 2,6 milliards au minimum, dix-sept frégates pour 8,3 milliards, six Barracuda pour 6,7 milliards, sans parler de la dissuasion : les SNLE-NG attendus, les M51 et la simulation représentent 20 % de plus que le total précédent. Voudrait-on éviter cette réforme majeure qu'elle nous serait imposée par les contraintes financières, ce qui est finalement salutaire. En refusant des corrections progressives, on a abouti à la nécessité d'une réforme globale, et donc, à l'obligation de redéfinir notre pensée stratégique.

La marine doit acquérir de nombreux matériels neufs. Certains se posent la question de savoir si la commande des dix-sept frégates ne souffrira pas du financement du deuxième porte-avions. Personnellement, je ne souhaite pas que ces deux programmes soient en concurrence. Nous devons aussi envisager le danger que représenterait la concomitance d’une contraction des commandes de la DCN et de l'autonomisation souhaitée de celle-ci.

Quant à l'armée de terre, elle attend la réalisation de programmes relativement peu chers à volumes importants, mais elle craint que ceux-ci ne soient vulnérables. La prise en compte de la logistique doit être systématiquement et réellement intégrée lors de la passation des marchés. La dernière innovation consistant à différencier les parcs de matériels – OPEX, réserve, entraînement –, des régiments risquent de se trouver dépourvus de certains matériels. Or notre politique extérieure ne peut tolérer que notre armée de terre se trouve dans l’incapacité d’agir.

Pour ce qui est de l'avenir, la problématique est connue : nous sommes face à un modèle inaccessible, qu'il nous faut repenser. Évidemment, se pose la question de l’outil stratégique de programmation. J'ai déjà dit ici que les Livres blancs fossilisent la pensée et que leur rigidité est incompatible avec la vitesse de l'évolution stratégique dans le monde. Quant au plan prospectif à trente ans, c’est un document remarquable qui permet des évolutions permanentes, mais il a l'inconvénient de ne pas être public. Le débat est donc confiné, ce qui, vous en conviendrez, est un peu dérangeant pour la représentation parlementaire.

Reste, évidemment, la loi de programmation militaire, à condition qu'elle soit réaliste. Il est clair que la révision stratégique profonde, qui est urgente, s'opérera à l'occasion de la préparation de la prochaine loi de programmation. Rien de nouveau ne peut, évidemment, se faire avant la prochaine élection présidentielle. Il n'empêche que ce délai doit être mis à profit pour préparer le futur débat. C'est au chef d'état-major des armées, qui dirige l'organisme adéquat, que revient la préparation de cette réforme. À ce sujet, j'approuve la réforme de l’état-major, mais je souhaite qu’elle ne soit pas interprétée a minima. Dans notre esprit, le CEMA n'est pas un simple organisme de pilotage dont les compétences se définiraient par subsidiarité par rapport aux États-majors d’armées. Il a vocation à prendre petit à petit une taille plus ample et à reprendre en propre certaines compétences actuellement dévolues aux États-majors d'armées. L'enjeu est « l'interarmisation » et la cohérence. Je regrette, à cet égard, que la répartition des grandes missions de défense n'ait pas présidé au découpage de la LOLF.

Ce dimensionnement et la redéfinition du rôle du CEMA seront la première grande décision d'orientation qui devra être prise. Il est donc nécessaire que l'état-major des armées tienne prêtes plusieurs propositions de réorganisation des armées, de l'administration centrale et des relations avec la Direction générale de l'armement. Le point le plus urgent et le plus novateur de ce plan devra porter sur la préparation de l'avenir.

Oui, mes chers collègues, nous souhaitons une nouvelle politique de défense, et d’abord, une clarification de nos priorités. La logique de sécurité est d'abord une logique géographique. Notre avenir est lié au monde euroméditerranéen. L’Europe doit être capable de garantir les accords de paix et la stabilité autour de la Méditerranée. C'est à nous, avant toute autre puissance, d'être l'interlocuteur de référence, celui qui rassure, celui qui favorise le dialogue, celui vers lequel on se tourne pour la recherche de la paix. Les matériels à privilégier sont donc ceux qui permettent de réaliser cette mission politique.

Nous devons aussi être capables, sous mandat de l'ONU, de participer aux actions de paix lointaines, avec nos alliés. Mais nous ne devons pas emboîter le pas à l'unilatéralisme et aux menaces dangereuses. N'entrons pas demain, vis-à-vis de l'Iran, dans la logique dans laquelle s'est enfermé Tony Blair vis-à-vis de l'Irak. Oui à une Europe alliée, mais non alignée. Imposons le respect du traité de non-prolifération par les grandes puissances nucléaires avant de pointer du doigt telle ou telle nation qu'on accuserait de s’armer à l’heure où elle serait menacée d’invasion. Étendons ce traité aux vraies menaces, constituées par le trafic de matières fissiles et bactériologiques vers les groupes terroristes. Les vraies menaces du futur sont là.

Organisons la confiance internationale en ouvrant le ciel à la libre observation aérienne. Cet « Open Sky » permettrait d'anticiper les préparatifs de guerre, les génocides, la prolifération et les catastrophes écologiques. Construisons un modèle de défense où la mutualisation européenne soit la règle et non l'exception, où les matériels ne soient plus conçus pour d'improbables conflits à haute intensité, où nos armées et leurs moyens soient associés à la défense civile de nos populations, où la règle soit la capacité d'adaptation à l'imprévisible, grâce au renseignement.

La France doit avoir sa propre analyse des crises et refuser l’approche globale de la notion de terrorisme, qui appelle une réponse unique, globalisée, et donc américaine. Nous refusons une vision conservatrice du monde tendant à maintenir la richesse et la puissance des uns au détriment des autres, un monde divisé entre le bien et le mal. La division simplifiée du monde ne peut être la perception française. Nous devons apporter des réponses différenciées selon que les crises se produisent à Alger, Kaboul, Tel-Aviv ou Abidjan. Ce n'est que par cette approche différenciée que nous éviterons le choc des civilisations auquel aspirent conservateurs et intégristes de tous bords. C'est à la victoire contre ce péril que l'histoire jugera l'action de notre génération politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

(M. Jean-Luc Warsmann remplace M. Yves Bur au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LUC WARSMANN,
vice-président

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Païx.

Mme Bernadette Païx. Madame le ministre, mon intervention portera sur la politique sociale de votre ministère. Le projet de budget de la défense pour 2007 traduit la volonté de permettre à la direction de la fonction militaire et du personnel civil et à l'Institut de gestion sociale des armées de poursuivre l'effort engagé depuis 2002, dans le cadre du plan d'amélioration de la condition militaire et du fonds de consolidation de la professionnalisation.

En 2007, 88,87 millions d'euros sont prévus pour l'action sociale. De tels crédits donnent les moyens d'investir dans l'attractivité des métiers des personnels civils et militaires du ministère et de répondre aux besoins de solidarité à l'égard des familles, mais aussi des ressortissants de la défense touchés par les accidents de la vie. Je suis très sensible à l'attention que vous avez portée, madame le ministre, à la couverture des risques professionnels. L'effort consenti pour l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles des ouvriers de l'État et des contractuels, actifs ou retraités, augmente de 12 millions d’euros, pour être porté à 78 millions d’euros en 2007.

L'action sociale prend également en compte les contraintes spécifiques des agents du ministère de la défense. Cette année encore, des crédits seront mis à disposition pour compenser l'impact des contraintes de mobilité et de disponibilité sur leur vie sociale et familiale. Sont prévus 3 millions d'euros pour les nouvelles orientations de l'action sociale : 2 millions seront affectés à l'accroissement de la capacité d'accueil des jeunes enfants dans les crèches et haltes-garderies ; près de 1 million d'euros – 0,95 million exactement – sera consacré à la création d'un chèque emploi-service universel pour offrir des services à la personne adaptés aux familles des militaires qui sont séparées pendant de longues périodes, notamment lors d’opérations extérieures ; enfin, des postes de travail supplémentaires seront aménagés pour les personnels handicapés.

Ce budget consacre aussi des ressources destinées aux remboursements de prêts qui trouvent leur utilité en cas de difficulté sociale, de mobilité, de caution, d'accession à la propriété, de besoins personnels. Ces fonds, d'un montant de 39,43 millions d'euros en 2006, seront réaffectés à de nouveaux prêts et y seront exclusivement consacrés compte tenu du niveau croissant de la demande de prêts, notamment en matière d'accession à la propriété.

S'agissant de la question majeure du logement, à laquelle vous consacrez une enveloppe de 24 millions d’euros, répartis entre l'aide au logement et la compensation des sujétions imposées aux militaires, là encore, votre politique immobilière répond aux exigences de mobilité du personnel militaire et, plus encore, aux difficultés des personnels aux revenus les plus modestes. En effet, 63 470 logements du parc immobilier seront réservés par convention auprès de sociétés ou pris à bail pour loger le personnel civil et militaire hors gendarmerie. Ces crédits s’ajoutent aux 70 millions d'euros consacrés chaque année à la construction, à la réhabilitation et à l'entretien du parc immobilier des armées.

Des mesures spécifiques visent la région parisienne. Ce projet de budget prévoit une majoration de l'indemnité pour charges militaires et une enveloppe de 1,5 million d’euros pour soutenir l'aide au logement locatif. En outre, 400 logements de la caserne de Reuilly, à Paris, seront transformés ainsi que quarante logements de la caserne d'Artois à Versailles. Enfin, l'ensemble des logements de la gendarmerie de Satory sera restauré et le parc de logements sera externalisé.

Le renforcement de l'attractivité du métier militaire et la fidélisation du personnel est en marche. Trois millions d’euros seront consacrés en 2007 à étendre le bénéfice de la majoration de l'indemnité pour charges militaires aux partenaires d'un PACS. Cette mesure, qui est attendue, sera très appréciée.

Le réseau des cellules d'accompagnement vers l'emploi des conjoints sera dynamisé pour contribuer efficacement au soutien des familles de militaires.

S'agissant de la fidélisation du personnel militaire, le fonds de consolidation de la professionnalisation permettra une revalorisation indiciaire de 2,7 millions d’euros et 1,25 million d’euros sera affecté à la création du dernier contingent de 120 postes hors échelle lettre B, au profit des colonels et officiers de rang assimilé.

L'indemnité pour activités militaires spécifiques, qui constitue une innovation supplémentaire de ce projet de budget, vise à compenser l'absence de bonifications pour les militaires qui partent à la retraite sans droits. Grâce à une enveloppe de 5 millions d’euros, ils auront désormais droit à une pension militaire de retraite.

Pour ce qui est des militaires en poste à l'étranger, le fonds de consolidation pour la profession prévoit 9,35 millions d’euros pour revaloriser certains taux de l'indemnité de résidence à l'étranger et rehausser le niveau des soldes, qui n’a pas évolué depuis 1997.

Le développement de la rémunération à la performance et au mérite se poursuit. Trois millions d’euros supplémentaires, sur une enveloppe globale de 9 millions d’euros, seront destinés aux militaires de la gendarmerie et 0,64 million d’euros servira à récompenser le personnel civil.

Toutes ces mesures, qui favorisent l’amélioration des conditions de vie des personnels civils et militaires, reflètent votre reconnaissance mais aussi la nôtre pour ces femmes et ces hommes qui assurent au quotidien notre défense. Elles contribuent pour une grande part au moral et à l’efficacité de nos militaires.

Pour toutes ces raisons, madame le ministre, je soutiendrai avec grand plaisir votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lemière.

M. Jean Lemière. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de budget de la défense pour 2007 est l'occasion pour moi d'exprimer une double satisfaction.

Satisfaction tout d'abord concernant le budget lui-même. En effet, pour l'équipement de nos forces armées, il marque, pour la cinquième année consécutive, sa conformité avec les annuités budgétaires prévues par la loi de programmation militaire 2003-2008.

Les 15,96 milliards d’euros inscrits en crédits de paiement et les 15,65 milliards d’autorisations d'engagement qui s'y appliquent permettront notamment le renouvellement et la modernisation de la marine avec le démarrage, en 2007, de deux programmes majeurs pour les décennies à venir : d'une part, le lancement du chantier du second porte-avions, à même d'assurer, avec le Charles-de-Gaulle, la permanence à la mer du groupe aéronaval ; d'autre part, le début de la construction à Cherbourg d'une série de six sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération de type Barracuda, qui, par leurs missions multiformes – protection des porte-avions, lutte contre les bâtiments de surface, contre les sous-marins, frappes contre terre, recueil de renseignements, gestion de crise et opérations spéciales –, constituent un atout stratégique irremplaçable pour les quelques rares pays, qui, dans le monde, sont capables de s'en doter. En effet, grâce à ses ouvriers, ses techniciens et ses ingénieurs, qui maintiennent la chaîne de compétences, l'industrie de défense de notre pays est capable de construire, sans l'aide de personne, des sous-marins à propulsion nucléaire. Dans ce domaine de très haute technologie, une industrie de défense autonome permet une politique de défense indépendante, c'est-à-dire une politique étrangère souveraine.

À côté de ces deux programmes-phares concernant la marine, le budget pour 2007 permettra de poursuivre la modernisation de la force océanique stratégique avec la poursuite de la construction, par DCN Cherbourg, du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, Le Terrible, et les essais du missile mer-sol M. 51 devant équiper Le Terrible à partir de 2010, puis les trois premiers SNLE-NG, Le Triomphant, Le Téméraire et Le Vigilant, après leur refonte à Cherbourg.

Quand on allie les redoutables capacités de ces submersibles à l’excellence de leurs équipages, dont j’ai pu être un témoin direct pendant une plongée de trois jours sur Le Triomphant en décembre 2005, on mesure la fiabilité de cet outil indispensable à notre politique de dissuasion nucléaire. À ce sujet, étant donné les contraintes techniques de maintenance des submersibles et les limites humaines tolérables des équipages, on ne peut pas parler de réduction du nombre de SNLE ou de SNA.

La poursuite du programme de frégates européennes multimissions, les FREMM, et le démarrage de la fabrication du missile de croisière naval devant équiper les FREMM et les sous-marins Barracuda sont également inscrits dans ce budget.

Je le confirme, l’année 2007 sera un bon cru pour l'équipement de nos forces armées en général et pour la marine en particulier.

Ce budget, le dernier de la législature et l'avant-dernier de la loi de programmation militaire 2003-2008, constitue pour moi un second motif de satisfaction. En effet, à un an de l'expiration de l'actuelle loi de programmation militaire, il marque la volonté renouvelée du Gouvernement et de la représentation nationale de se conformer aux engagements financiers pris en 2002 lors du vote de cette loi de programmation.

Le respect de ces engagements pendant cinq ans est d'autant plus méritoire que le cadre budgétaire de ces dernières années a été extrêmement contraint. Il marque ainsi une rupture avec la précédente loi de programmation militaire 1997-2002 dont l'exécution était en décalage total avec ses propres prévisions…

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. Jean Lemière. …et avait abouti à un affaiblissement considérable de notre outil de défense.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. Jean Lemière. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le début de l'actuelle législature ait vu la création d'un dispositif parlementaire de contrôle de l'exécution des crédits militaires sous la forme d'une mission d'information déposant, chaque année, au nom de la commission de la défense, un rapport sur l’exécution du budget militaire de l’année précédente. À ce propos, je veux saluer l’excellente présidence de Guy Teissier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Au-delà de son objet propre, cette création contribue à restaurer les prérogatives du Parlement en matière de contrôle de l'action gouvernementale et marque, là aussi, une rupture avec les pratiques antérieures, empreintes d'indifférence ou de fatalisme face aux décisions gouvernementales.

L’intervention du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et celle de Jean-Michel Boucheron vont dans le même sens. Selon eux, il faut soit abandonner la dissuasion nucléaire et peut-être le deuxième porte-avions, soit montrer l’impossibilité de trouver les fonds nécessaires à la poursuite de ces programmes. Le résultat est le même : on nous annonce en fait une politique de réduction des crédits de défense. Nous saurons quoi dire sous les préaux quand la campagne commencera !

M. Jean-Michel Boucheron. Je ne suis pas sarkoziste !

M. Jean Lemière. En résumé, j'approuve totalement ce budget de renouvellement et de modernisation de nos forces armées, budget qui clôt une législature marquée, elle-même, par le renouveau de notre outil de défense à travers l'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008. J'adresse également tous mes remerciements à Mme le ministre pour la manière dont elle défend âprement les budgets successifs de la défense et valorise l'image de nos armées, oeuvrant ainsi pour la sécurité du pays, la place de la France dans le concert des nations et la paix dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Sainte-Marie.

M. Michel Sainte-Marie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce monde en pleine mutation et en désordre est marqué par de nouvelles menaces : le terrorisme, mais aussi les risques considérables de prolifération nucléaire. Celles-ci s'ajoutent aux risques plus traditionnels qui n'ont pas disparu, même si la construction européenne et son élargissement progressif à l'Est contribuent aux conditions d'une paix durable sur notre continent.

J’aborderai pour ma part la question de la dissuasion, qui me touche à double titre, d’abord comme citoyen, ensuite comme député d'une circonscription directement impliquée dans la dissuasion nucléaire, notamment du fait de l'implantation sur son territoire d'une filière de production des propulseurs des missiles M 51 : SPS-Safran, SME-SNPE, Astrium, CAEPE et les sous-traitants.

Récemment, certains ont prétendu que le renouvellement des matériels français constituerait une posture agressive et serait en contradiction avec les termes du traité de non-prolifération. À ce jour, les sujets de préoccupation de la communauté internationale trouvent leur origine dans les agissements de pays qui n'adhèrent pas au traité de non-prolifération ou qui s’en retirent lorsqu’ils le décident. En effet, la possession d'une force de dissuasion, ou la volonté de l'acquérir, ne revêt pas le même sens suivant que le pays considéré est un État démocratique ou non. Dans ce contexte, nous devons continuer à promouvoir une politique de défense clairement assumée au service de la démocratie et de la paix.

Sur cette question, les socialistes pensent que la politique de défense de la France passe par son inscription résolue dans une politique européenne de sécurité et de défense avec des coopérations fortes, en termes d'équipements, de développement technologique et d'industries d'armement, ce qui constitue une perspective d'avenir autrement plus cohérente que l'OTAN.

Cette Europe de la défense que nous appelons de tous nos vœux exige un nouveau modèle d'armée intégrant une reconfiguration de l'armée de terre et une rationalisation des programmes d'investissement.

Pour autant, il n'est pas question de désarmer, en une période où nos concitoyens, à juste titre, perçoivent le monde comme plus dangereux et plus menaçant. Notre dissuasion nucléaire doit rester dans une logique d'interdiction de l'agression contre la France. Elle doit continuer à reposer sur des procédures indépendantes.

Ainsi, loin de procéder à une relance de la prolifération nucléaire, la France fait, à juste titre, le choix de maintenir sa capacité d'intervention en déployant des matériels nouveaux capables de garantir sa défense.

La France est aussi un vieux pays dans l'histoire de l'atome. Le passé montre qu'elle ne fut jamais tentée d'utiliser ses forces stratégiques autrement que pour une frappe en second, c'est-à-dire autrement que comme riposte à une agression d'importance. Rappelons ainsi que seule une attaque contre les intérêts vitaux de notre pays pourrait déclencher l'utilisation des armes stratégiques : c’est la définition même de la dissuasion. C'est justement l'étendue de ces représailles qui doit amener l'agresseur à abandonner toute velléité d'attaque contre la France.

Cela dit, le cap reste le même : parvenir au désarmement généralisé et simultané. En la matière, la France a su accomplir les gestes nécessaires en son temps tout en conservant une capacité suffisante. Peu de pays finalement ont fourni un tel effort de désarmement.

Voilà pourquoi nous ne pensons pas que la modernisation des matériels constitue une rupture avec ce cycle de désarmement partiel. Elle participe simplement à maintenir la crédibilité de notre outil de dissuasion. Je ne crois pas non plus que l'évolution des matériels marque une évolution de la doctrine vers une logique d'emploi. À ce sujet, je regrette que certains passages du discours prononcé par le Président de la République le 19 janvier 2006, à l’Île Longue, puissent le laisser entendre, notamment lorsqu'il évoque une menace ou un chantage à l'égard de la France. Aussi, je maintiens que la France doit en rester à une doctrine de frappe en second.

Pourtant, je crois légitime de poser ici la question du non-emploi. Cette thématique existe dans l'opinion, mais elle n’est pas efficace. Elle est contreproductive par sa non-crédibilité.

La logique de dissuasion implique le maintien de l'outil stratégique « en état », suivant une expression passée de mode mais claire dans sa signification. Cette notion de crédibilité me paraît d'autant plus essentielle qu'à ce jour aucun autre dispositif ne permet de garantir les intérêts vitaux de la France, dans un monde dont l'instabilité croît. Au contraire, dans un paradoxe apparent, la dissuasion reste la meilleure garantie face à la prolifération.

Je l'ai déjà souligné, la menace aujourd'hui est diverse et difficile à anticiper. L'abandon de la dissuasion aurait plusieurs conséquences négatives que je n’énumérerai pas ici.

Il me paraît donc impossible d’envisager unilatéralement l’abandon des programmes en cours. Cependant, nos perspectives s’étendent au mieux sur les dix prochaines années. C’est certes une faiblesse, mais qui pourrait se transformer en chance si nous préparons dès maintenant l’Europe de la défense en matière d’armement.

En conclusion, la reprise des négociations sur l’application des clauses du traité de non-prolifération est urgente, même si elle n’est pas sans risque avec, en toile de fond, l’objectif du désarmement concerté et des zones d’influence en pleine évolution – je pense en particulier à la zone Pacifique et à l’émergence de la Chine et de l’Inde. L’Europe de la défense doit dès maintenant s’affirmer : nous restons dans l’attente d’initiatives majeures qu’il convient de prendre sans délai.

M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce budget, qui clôture notre législature, traduit pour la cinquième année consécutive la volonté du Président de la République, du Gouvernement et de la représentation nationale de restaurer notre défense. Ce budget est donc celui de la fidélité aux engagements de notre majorité et celui de nos ambitions : ambition pour la France d'honorer les engagements que lui dicte son histoire, ambition de tenir notre rang dans le concert des nations qui défendent la paix, en Europe et dans le monde.

Cette mission, madame le ministre, vous vous en êtes acquittée avec succès. Il est juste et mérité que la représentation nationale rende aujourd'hui hommage à votre réussite qui est triple : doctrinale, capacitaire et budgétaire.

C’est d’abord une réussite doctrinale : la nation a fait l’effort de s’adapter à des menaces de plus en plus polymorphes, asymétriques et diffuses.

La pérennisation de notre dissuasion – dissuasion qui reste, je le rappelle, la pierre angulaire de notre sécurité – est aujourd'hui acquise, grâce à une flexibilité accrue de notre outil nucléaire.

Notre politique industrielle de défense et les concepts opérationnels de nos armées sont désormais fondés sur une culture de partage et de multiplication des forces entre Européens aussi bien dans le cadre de l'Union que dans celui de l'Alliance atlantique. Cette culture est la seule à même de nous doter d'un outil de défense crédible au début du xxie siècle.

Au cours de la législature, nous avons multiplié les initiatives, au premier rang desquelles la création de l'Agence européenne de défense. Sans un engagement énergique et déterminé de la France et de vous-même, madame le ministre, elle n'aurait jamais vu le jour.

Par ailleurs, nous avons structuré notre politique dans le domaine de l'intelligence économique, et plus particulièrement dans le but de protéger nos entreprises stratégiques contre des prises de participations hostiles, du type de celles qui ont été observées en Europe.

C’est aussi une réussite capacitaire. Nos efforts se traduisent par les rattrapages que nous avons entrepris : espace, capacités de projection, capacité de commandement et maîtrise de l'information sur les plans stratégique et opératif, rationalisation du maintien en conditions opérationnelles, activité des forces. Certes, plusieurs grands programmes nécessaires aux armées n'ont pu avancer comme nous le souhaitions, notamment en matière d’aéromobilité et de rythme d’acquisition d'équipements majeurs. Cependant, la cohérence de notre système de défense a été préservée, ce qui a permis la transition entre une armée d'attente et une force d'emploi.

Les multiples chantiers prioritaires, entrepris simultanément, étaient trop souvent destinés à combler le passif de la programmation socialiste entre 1997 et 2002. En cinq ans, notre défense a été amputée de 20 % de ses ressources, soit 13 milliards d'euros, contrairement aux promesses qui avaient été faites par la gauche.

M. Jean-Michel Boucheron. C’était la programmation de Léotard !

M. Bernard Deflesselles. M. Michel nous a appelés à faire un effort de vérité ! La vérité, elle est simple : ceux qui dénoncent aujourd'hui les retards de certains programmes étaient hier les thuriféraires d'un budget de la défense ravalé au rang de variable d'ajustement des finances de l’État. La voilà, la vérité ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles Cova. Ils ont tout oublié !

M. Bernard Deflesselles. Ce sont les mêmes qui, pour justifier leur renoncement, ont usé et abusé du concept des « dividendes de la paix ».

J’ai moi aussi, monsieur Cornut-Gentille, écouté le débat d’hier soir et je n’en suis pas sorti rassuré. Derrière les poncifs du type « il faut assurer la sécurité des Français », se cachait un souci d’économies. Or nous savons bien ce qu’économies veut dire en matière de défense. Nous risquons de retomber dans les errements du passé !

M. Gilbert Le Bris. Vous n’avez pas bien écouté !

M. Bernard Deflesselles. Mais si !

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Ils n’ont aucune ambition pour la France !

M. Bernard Deflesselles. Et les bien pâles observations que nous adresse l'opposition portent sur des expériences dont elle n'a pas tiré les enseignements lorsqu'elle était responsable de notre défense. Un exemple, un seul suffira : celui de l'aéromobilité, qu'elle soit tactique avec le NH 90 ou stratégique avec l'A 400M. La première guerre du Golfe et les opérations du Kosovo ont souligné nos limites, limites induites par le gel et le report de ces programmes.

À cette insuffisance, nous opposons une réalité concrète : nous avons donné à la communauté de défense de notre pays les ressources attendues. Je peux, comme M. Boucheron, prédire le discours de la prochaine majorité – la nôtre : « Nous avons respecté la programmation. Les opérations extérieures ont été prises en charge par des financements ad hoc qui n'hypothèquent pas les crédits destinés aux équipements. Les reports budgétaires ont été effectivement consommés et adaptés à la maturité des programmes. » Pour ce qui est de ce dernier point, il s’agit d’une méthode comptable qui nous permet d'utiliser des crédits que la complexité des programmes ne permet pas de concevoir dans le cadre strict d'un budget annualisé.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Bernard Deflesselles. Ainsi, les sous-marins Barracuda et le second porte-avions ont pu être lancés dès cette année.

Pour conclure, je souhaiterais exprimer ma fierté devant l'effort consenti en faveur du monde combattant au cours de cette législature. La décristallisation fondée sur le pouvoir d'achat en fonction du pays d’origine de nos grands anciens a été réalisée dès 2003. Elle franchira cette année une nouvelle étape en respectant la parité en euros, quel que soit le pays d’origine. Les 110 millions que coûtera cette mesure ne seront pas à la seule charge du ministère de la défense, ce qui traduira un effort de solidarité nationale. Cette ultime reconnaissance de ceux qui ont servi avec honneur et dignité les armes de la France est aussi l’accomplissement du nécessaire devoir de mémoire de la nation. Elle fait notre fierté dans cet hémicycle et devant l'histoire.

Je vous invite avec force, mes chers collègues, à voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’interviens dans le débat à un double titre : d’une part, en qualité de membre de la commission des finances puisqu’il s’agit d’un débat budgétaire ; d’autre part, en raison d’un intérêt prononcé pour les questions de défense nationale, que traduit mon engagement personnel, vieux de vingt-cinq ans, dans la réserve active dans laquelle j’ai l’honneur de continuer à servir sous contrat ESR, y compris depuis que je siège au sein de cette assemblée – ce que certains collègues savent pour l’avoir constaté de visu. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai déjà eu l’occasion d’aborder les questions budgétaires le 20 juin dernier au cours du débat sur la loi de règlement pour 2005 puisque je suppléais notre excellent rapporteur spécial de la commission des finances, François Cornut-Gentille à propos du programme « Équipement des forces ».

Le projet de loi de finance pour 2007 que vous présentez, madame le ministre, a un double mérite. Tout d'abord, il respecte strictement la loi de programmation militaire pour la cinquième année consécutive – comme l’a rappelé avec force et pertinence Bernard Deflesselles –, ce qui contraste avec ce que faisait la majorité précédente. De plus, il procède à une estimation de plus en plus réaliste du coût des opérations extérieures, ce qui traduit la volonté du Gouvernement de présenter plus clairement la manière dont la France respecte et finance ses engagements internationaux en matière de diplomatie et de défense. Cet effort de clarté et de lisibilité, qui est conforme à l’esprit de la LOLF et aux vœux du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget, doit être bien entendu poursuivi.

En effet, nous savons tous que le coût réel des opérations extérieures, les OPEX, dépasse de très loin les prévisions, comme le prouvent les interventions de l'armée française au cours de l'année 2006. Notre présence au Liban nous aurait déjà coûté à elle seule plus de 400 millions d'euros. Par ailleurs, nous maintenons une présence très significative, et nécessaire, sur quatre autres théâtres essentiels : la Côte d'Ivoire, l’Afghanistan, les Balkans et la République démocratique du Congo. À ce titre, 15 000 de nos hommes sont déployés dans le monde entier. Le coût probable des opérations extérieures pour 2007 devrait donc dépasser 650 millions d'euros. Nous ne pouvons que nous féliciter que la France se donne les moyens d'une diplomatie ambitieuse, qu'elle s'appuie plus que jamais sur une armée très réactive en toute situation, mais les besoins opérationnels ne doivent pas être sous-évalués pour autant.

Madame le ministre, je tiens aujourd'hui à attirer votre attention sur quelques points précis relatifs à notre capacité opérationnelle.

Vous le savez mieux que quiconque, nous maintenons les conditions de gestion des infrastructures et du matériel militaire à leur niveau critique puisque les sommes allouées à leur entretien sont confinées au strict minimum. C’est évidemment souhaitable sur le plan du contrôle de la dépense publique, mais cela doit être examiné au regard précisément de la forte contribution demandée à nos forces, en particulier à leur composante terrestre. À cet égard, le budget pour l'année 2007 prévoit qu'un effort supplémentaire sera demandé à nos unités de l'armée de terre, à hauteur de 7 millions d’euros. Cette réduction est équivalente aux frais de fonctionnement de cinq régiments. Or chacun sait que les économies réalisées sur les infrastructures de casernement risquent de nuire à l’entretien de bâtiments et d'entraîner à terme des dégradations nécessitant alors de lourds travaux de remise en état.

Par ailleurs, s'agissant de la disponibilité technique opérationnelle – la DTO –, nous devons être bien conscients de la capacité réelle de notre matériel à servir sur le terrain. Par exemple, les projets de rénovation des véhicules blindés légers sont essentiels. Ils n’apparaissent pas de prime abord comme une ressource stratégique de premier plan, et pourtant, en situation, ils sont déterminants. L’AMX 10 P, qui équipe plusieurs de nos unités projetées sur les théâtres d’opérations extérieures, dont le 92e régiment d'infanterie de Clermont-Ferrand, ou l'AMX 10 RC, véhicule blindé léger, doivent être fiabilisés. Il est donc essentiel que les « deux grands projets » concernant ces véhicules permettent de maintenir leur capacité opérationnelle jusqu'en 2015-2020, dans l’attente des matériels de nouvelle génération.

L'année 2006 aura été une année charnière pour le ministère de la défense : mise en place de la LOLF, application du décret du 21 mai 2005 fixant les nouvelles attributions du chef d'état-major des armées, processus d’« interarmisation » notamment. Tous ces sujets importants ne doivent pas nous faire oublier que la professionnalisation de nos armées doit être parachevée, en renforçant notamment la composante « réserve », comme l’a rappelé notre collègue Michel Voisin. À ce propos, il est prévu, au titre des frais de personnel de l'armée de terre, le transfert de 82 millions d'euros en diminution de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense, la DIRISI, ce qui permettra une très légère augmentation, de l’ordre de 3,5 millions d’euros, des dotations consacrées aux réserves. Or, compte tenu des arbitrages effectués ces dernières années, ce montant strictement nécessaire ne semble pas suffisant et il devra être complété pour renforcer l’attractivité de la réserve – qui figure dans vos objectifs prioritaires, madame le ministre – et pallier les conséquences de la fin du service militaire obligatoire.

En conclusion, la gestion des crédits d'équipement de la défense en 2005 a permis une réduction significative des reports de crédits dans le cadre de la loi de programmation militaire, ce dont la commission des finances vous félicite, madame le ministre car le principe de sincérité budgétaire y a gagné.

Je termine, mes chers collègues en vous invitant, à l'instar de nos rapporteurs, à voter, à l'issue de nos débats, les crédits concourant à l'effort de défense indispensable au maintien du rôle de la France dans le monde. Et je vous demande, madame le ministre, de veiller à leur utilisation optimale en faveur de la disponibilité opérationnelle de nos forces d'active et de réserve, dont l’engagement fait la fierté des Français. Le soutien sans faille qu’elles auront reçu pendant cinq ans du Gouvernement et de sa majorité, monsieur Boucheron, est l’honneur d’une politique qui est au service de la défense de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le président, madame le ministre, le budget pour 2007 étant le dernier de la douzième législature, son examen est donc l’occasion des bilans mais aussi des projections sur l’avenir, d’autant que la loi de programmation militaire s’achève. Chacun fourbit ses armes, ne serait-ce qu’intellectuelles, pour définir ce que devrait être la défense française dans les prochaines années.

J’ai noté avec plaisir, contrairement à certains, qu’aucun des trois candidats à la candidature socialiste ne semble remettre en cause le volume global du budget de la défense.

M. Bernard Deflesselles. C’était flou !

M. Jean-Louis Léonard. C’était tellement peu clair !

M. Gilbert Le Bris. J’ai écouté avec attention, moi, et non pas d’une oreille distraite, car j’étais intéressé ! Et ce que je dis est avéré !

Si le prix à payer pour notre sécurité collective fait l’objet d’un consensus national, on ne peut que s’en réjouir.

L’année dernière, j’avais souligné la sous-estimation des crédits nécessaires pour tenir les prévisions en matière d’équipements, j’insisterai donc cette année sur d’autres points.

On ne pourra pas continuer à l’avenir de dépenser trop pour des listes pléthoriques de programmes. Il faudra faire preuve de volonté politique et concentrer notre action sur des pôles d’excellence.

Ces décisions politiques sont inévitables à moyen terme si nous voulons garder des forces armées suffisamment bien équipées et entraînées pour intervenir sur les théâtres actuels d’opération, particulièrement complexes du fait non seulement de la nature des affrontements, mais également de la composition des coalitions, les opérations étant conduites sous l’égide tantôt de l’ONU, tantôt de l’Europe, tantôt de l’OTAN. Nous ne pourrons pas conserver indéfiniment une armée généraliste alors même que le métier des militaires approche de plus en plus celui des techniciens : des choix s’imposent.

Du reste, aujourd'hui, les militaires s’inquiètent du déploiement trop important de nos forces dans le monde. Jamais en effet les armées françaises n’ont été présentes sur autant de théâtres d’opérations extérieures – vingt-six mobilisant quelque 15 000 hommes.

Toutefois, alors que des pays comme la Chine ou les États-Unis d’Amérique prennent une part de plus en plus importante dans l’économie de l’Afrique, la France, quant à elle, a du mal à tirer son épingle du jeu, bien que nos forces soient très présentes sur ce continent, dans le respect des accords de défense, conclus avec certains pays, qui se révèlent aujourd'hui trop souvent obsolètes.

Force en effet est de constater que l’opération Licorne en Côte-d’Ivoire s’enlise et qu’ailleurs le rôle de nos détachements est d’un flou embarrassant. Tout cela provoque une dispersion des moyens et coûte cher tout en pesant sur la disponibilité de nos forces. Des choix cohérents en liaison avec l’Europe devront également être faits dans ce domaine, ainsi que dans bien d’autres secteurs : notamment, le modèle d’armée 2015, issu du Livre blanc de 1994, ne correspond plus au contexte stratégique actuel.

Oui, il nous faut un deuxième porte-avions, et ce choix doit avoir, et a, je l’espère, atteint son point d’irréversibilité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, il nous faut maintenir une dissuasion nucléaire,…

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Gilbert Le Bris. …mais sa doctrine, que nous devons bien définir, doit tenir compte des progrès technologiques apportés par le futur missile M 51 pour décider du maintien en l’état de la composante aérienne.

Oui, il nous faut, dans une perspective européenne, mieux maîtriser nos efforts en matière d’applications spatiales et ne pas laisser les États-Unis creuser l’écart dans ce domaine.

Oui, il nous faut continuer à privilégier et structurer le renseignement, mais tout en menant à son terme la création d’une délégation parlementaire permanente, chargée du suivi des activités de renseignement et du secret défense. Cette délégation devrait pouvoir contrôler les fonds alloués aux divers services de renseignement de la République et enquêter sur leur fonctionnement, dans un souci de représentation pluraliste.

Oui, il nous faut une stratégie de politique industrielle en matière de défense, mais elle devra éviter la cacophonie, comme celle qui entoure l’éventuel mariage de DCN avec Thales, mariage sur lequel flottent encore bien des zones d’ombre, tant en ce qui concerne la gouvernance que le prix estimé pour DCN, alors même que nous pouvons demander à l’État actionnaire, présent au capital des deux sociétés, de faire preuve de clarté !

Oui, nous sommes devant des choix militaires cruciaux, qui devront toujours considérer comme prioritaire la progressive intégration des moyens militaires au plan européen car vouloir l’Europe de l’armement, c’est vouloir l’Europe militaire, vouloir l’Europe militaire, c’est vouloir l’Europe de la défense, vouloir l’Europe de la défense, c’est vouloir l’Europe de la diplomatie et vouloir l’Europe de la diplomatie, c’est vouloir l’Europe politique.

Tels sont les chantiers qui nous attendent et bien que certains d’entre eux demeurent en friche, tous, néanmoins, sont impératifs. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilbert Meyer. Venez donc siéger sur les bancs de l’UMP !

M. le président. La parole est à Mme Marguerite Lamour.

Mme Marguerite Lamour. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il y a quatre ans presque jour pour jour – c’était le 28 novembre 2002 –, la majorité de notre assemblée a voté la loi de programmation militaire 2003-2008. Ce fut un acte fort, notamment pour les parlementaires siégeant à la commission de la défense nationale et des forces armées. Chaque année, madame le ministre, vous avez tenu à ce que l’annuité inscrite au budget soit respectée et nous vous en sommes reconnaissants.

Cela étant, alors que nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur les crédits « Défense » pour l'année 2007, je me contenterai d’évoquer les crédits dédiés à la marine. Chacun ici peut le comprendre : en tant que député élu à Brest, c'est le domaine que je connais le plus en détail, ce qui n'ôte évidemment rien à l'intérêt que je porte aux armées de terre et de l'air et à la gendarmerie.

Tout d'abord, je note avec satisfaction la progression de près de 20 % des moyens consacrés au maintien en condition opérationnelle – MCO –, puisque les sommes qui lui sont dédiées atteignent 1,1 milliard d'euros, et sont principalement dues à deux IPER, celle, actuellement en cours, du sous-marin nucléaire lanceur d'engins Le Téméraire et celle, programmée, du porte-avions Charles-de-Gaulle.

En termes de disponibilité des équipements, la progression annoncée est à souligner. Vous avez permis, madame le ministre, grâce aux efforts accomplis chaque année, de remonter le taux d'opérabilité de nos matériels militaires qui avoisinait, pour une grande partie des matériels, les 50 % au début de cette législature. J’ai encore en mémoire l’annonce de ce chiffre : il m’avait alors profondément marquée.

Le renouvellement des équipements, les BPC – bâtiments de projection et de commandement –, les frégates multimissions ou la commande attendue de six sous-marins nucléaires d’attaque ne doivent pas nous faire oublier la condition des personnels qui servent nos armées, ces milliers d’hommes et de femmes auxquels nous devons porter toute notre attention. Les armées évoluent, elles se féminisent. Afin de répondre aux attentes des militaires et de leurs familles, il est de notre devoir de leur assurer de bonnes conditions de logement et des structures d'accueil pour leurs enfants – cette volonté devant évidemment valoir pour toutes les armées et non seulement pour la marine.

Le projet de second porte-avions est, quant à lui, celui d’un bâtiment indispensable pour assurer la permanence des capacités opérationnelles de la force d'action navale : 700 millions d'euros sont inscrits dans le projet de budget 2007 pour le début de sa réalisation, en coopération avec les Britanniques. Les choix d'aujourd'hui sont décisifs pour demain.

Au-delà des engagements financiers, que je n’ignore pas, il existe un réel enjeu industriel. Parlementaire élue dans une circonscription où sont implantés DCN – plus de 3 000 salariés – et Thales – plus de 1 500 –, je pense être bien placée pour affirmer l'importance des industries de défense dans l'économie de notre pays.

Madame le ministre, vous avez déclaré, à l’ouverture du salon Euronaval qui s'est tenu récemment, que vous entendiez « rendre le projet franco-britannique de porte-avions aussi irréversible que possible ». J'adhère évidemment à vos propos. Lors de la rédaction d'un rapport sur le mode de propulsion, il m'a été donné de procéder à de nombreuses auditions : j’ai alors pu mesurer l'importance que revêt ce programme, et l’attente qu’il suscite auprès des militaires comme des industriels.

L'an prochain, les Français seront appelés à se prononcer lors de consultations électorales. J’ai lu ce matin dans un quotidien du Finistère – mais je ne lis manifestement pas le même que Gilbert Le Bris –, que certains candidats affirment leur volonté de diminuer les crédits de la défense (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et de les calculer « au plus juste », comme si nous, qui sommes soucieux des deniers publics, ne les calculions pas déjà au plus juste ! Le principe de la construction du second porte-avions pourrait même être remis en cause, ce qui me laisse perplexe. Tous ceux qui servent la défense ou en vivent doivent, à mon sens, partager la même réaction.

Je souhaite évoquer un dernier point : l'armée est, en France, le premier recruteur : 33 000 embauches annoncées pour 2006. Si l'attrait des différents métiers proposés, en raison notamment de l'évolution des technologies, doit être souligné, l'atout majeur de la défense réside dans le fait qu'elle propose des emplois de tous les niveaux, du CAP à Bac + 5. S'engager dans l'armée, c’est une aventure humaine, et les jeunes que nous rencontrons au cours des cérémonies sur le terrain nous disent leur passion et leur fierté de servir leur pays. À cet égard, comment ne pas conclure à l'intérêt que présente le plan « Défense deuxième chance » quand on sait – cela a déjà été souligné – que 90 % des jeunes y ayant participé trouvent ensuite une insertion ?

Nous sommes nombreux à penser que notre pays doit disposer en permanence d'une défense forte et crédible en Europe comme dans le monde. Nous avons tout au long de cette législature redonné espoir aux hommes et aux femmes qui servent dans nos armées. Je formule le souhait sincère que la prochaine loi de programmation militaire poursuive les efforts engagés.

Madame le ministre, je tiens à vous exprimer nos remerciements et notre reconnaissance pour votre opiniâtreté et votre efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Défense (suite) :

Rapports spéciaux, n° 3363, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan : annexe 9 de M. Bernard Carayon, annexe 10 de M. François Cornut-Gentille,

Avis, n° 3366, tome V, de M. Paul Quilès au nom de la commission des affaires étrangères,

Avis, n° 3367, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées : tome II de M. Yves Fromion, tome III de M. Antoine Carré, tome IV de M. Joël Hart, tome V de M. Philippe Vitel, tome VI de M. Jean-Louis Bernard, tome VII de M. Jean-Claude Beaulieu, tome VIII de M. Jérôme Rivière, tome IX de M. Jean Michel.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)