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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 9 novembre 2006

42e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Travail et emploi

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs au travail et à l’emploi.

La parole est à M. Yves Jego, suppléant M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Yves Jego, suppléant M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, mes chers collègues, en un an, le chômage a baissé de 10 % et, selon les dernières prévisions de l’INSEE, il pourrait s’établir à 8,6 % à la fin de l’année. Cette prévision nous semble aujourd’hui accessible, tant les chiffres ont montré de façon régulière, au cours de cette année et des mois qui l’ont précédée, leur capacité à décroître. C’est à coup sûr le meilleur indicateur de la politique menée en matière de travail et d’emploi en 2006.

Ces résultats sont dus incontestablement à une mobilisation accrue du service public de l’emploi, qui a poursuivi sans relâche sa mutation tout au long de cette année.

Le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d’emploi restera sans doute, à cet égard, l’une des dispositions phares de 2006. De même, les synergies accrues entre l’ANPE et l’Assedic auront eu des conséquences très heureuses en matière de simplification des démarches des demandeurs d’emploi. Parallèlement, le marché du placement s’est encore amélioré cette année, puisque les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se déclarer satisfaites des candidats qui leur sont adressés par l’ANPE. Les demandeurs d’emploi adressés à l’AFPA par l’ANPE accèdent également, dans des proportions accrues, à un parcours qualifiant, et ils sont plus nombreux à sortir durablement du chômage.

Il convient donc, avant d’entrer dans le détail de nos discussions à propos des crédits de la mission « Travail et emploi », de saluer l’engagement des acteurs du service public de l’emploi, qui, nous le savons, mènent une tâche difficile au service de ceux de nos compatriotes qui sont les plus démunis et qui connaissent les plus grandes difficultés.

En 2007, les dépenses inscrites dans le budget en faveur de l’emploi augmenteront de nouveau de manière très significative pour approcher au total 41,8 milliards d’euros, ce qui représente une progression de plus de 6 % par rapport aux crédits au service de la même ambition en 2006.

C’est dire si la politique de l’emploi pour l’année à venir se veut à la hauteur des besoins dans ce domaine. Quelle meilleure illustration de ce volontarisme que la hausse de 7,3 % de la subvention à l’ANPE, de la montée en puissance des services à la personne ou encore de la poursuite et de l’amplification du contrat de croissance pour les professions de l’hôtellerie et de la restauration ? Je pourrais encore citer le soutien à la création d’entreprise ou encore l’essor des nouveaux contrats aidés, mais il est inutile de répéter le rapport rédigé par M. Joyandet, qui est extrêmement complet sur toutes ces questions.

Chacun l’aura compris : la politique en faveur de l’emploi dépasse largement le cadre des crédits de la mission qui nous intéresse ce matin. À titre d’exemple, permettez-moi de citer l’allégement des cotisations patronales de sécurité sociale, dont la compensation n’est plus retranscrite dans les crédits de la mission « Travail et emploi », mais dont l’effet se ressent évidemment sur le chômage. Il en va de même de la prime pour l’emploi, qui échappe au champ de notre débat de ce jour, mais dont l’augmentation massive aura des conséquences bénéfiques sur le marché du travail.

Enfin, la subvention d’équilibre versée par l’État au fonds de solidarité, laquelle diminue légèrement dans le cadre strict de la mission, sera complétée par un apport extrabudgétaire de 550 millions d’euros payé sur la créance des 35 heures que possède l’État sur l’Unedic, et que le présent projet de loi de finances prévoit de transférer au fonds de solidarité.

On constate donc au total un effort supplémentaire de l’État en direction du travail et de l’emploi, effort qui, pour ce qui est du transfert vers le fonds de solidarité, a déjà été acté par notre assemblée lors de l’examen de l’article 31 de la première partie du projet de loi de finances.

Dans une démarche analogue, quoique pour des montants moins élevés, la diminution de la dotation de l’AFPA devrait être compensée par l’article 61. Toutefois, monsieur le ministre, en l’absence d’explications suffisamment complètes du Gouvernement sur ce point, la commission des finances a souhaité rejeter cet article, dans l’attente des informations que vous voudrez bien nous fournir ce matin.

En tout état de cause, l’examen détaillé des crédits de cette mission prouve, s’il en était besoin, la motivation sans faille du Gouvernement à poursuivre la lutte pour l’emploi par tous les moyens à sa disposition, la dotation proposée pour la seule mission qui nous intéresse aujourd’hui s’élevant à 12,64 milliards d’euros de crédits de paiement et 12,45 milliards d’euros en autorisations d’engagement.

Je veux souligner aussi l’intérêt des dispositions qui seront proposées à notre assemblée pour permettre l’expérimentation, dans un certain nombre de collectivités, des mesures qui pourraient faciliter ou accroître le retour des RMIstes vers le travail.

Lorsque, malheureusement, les résultats d’une politique de lutte contre le chômage – c’est arrivé hélas sous toutes les majorités – sont mis en cause comme étant inefficaces ou inadaptées, la qualité de cette politique est évidemment montrée du doigt. L’honnêteté devrait inciter chacun à reconnaître – a contrario –, lorsque le chômage diminue, comme c’est le cas aujourd’hui, que l’efficacité des politiques publiques en matière d’emploi est à la source de cette diminution. Le volontarisme politique dans ce domaine est une clé de la réussite. L’étendue et la diversité des dispositifs que nous serons amenés à financer ce matin en sont une illustration évidente.

C’est pourquoi, mes chers collègues, forts de ces résultats concrets en matière de lutte contre le chômage, si importants pour l’avenir de notre pays, je vous demande d’adopter les crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que les cinq articles qui lui sont rattachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour l’année 2007 s’élèvent à 12,64 milliards d’euros. Pour prendre en compte l’ensemble de l’effort de la nation en faveur de la politique pour l’emploi, il faut ajouter à ces crédits certains éléments supplémentaires : les allégements généraux de cotisations sociales patronales, la prime pour l’emploi ou la réduction d’impôt au titre de l’emploi, par les particuliers, d’un salarié à domicile. Au total, 41,8 milliards d’euros sont affectés au budget de l’emploi et du travail, soit une progression de presque 6 % par rapport à l’année 2006.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur la ventilation des crédits entre les cinq programmes de la mission. En tant que rapporteur pour avis, je préfère développer un thème, l’entreprise comme vecteur privilégié de l’insertion professionnelle des jeunes, à travers les exemples de l’apprentissage et du contrat « jeune en entreprise ».

Je rappelle néanmoins au préalable que la mission « Travail et emploi » s’inscrit dans la continuité de l’action qui a été engagée depuis 2002 par le Gouvernement, et plus particulièrement par vous, monsieur le ministre, et qui comprend également la mise en œuvre du plan de cohésion sociale par le développement des maisons de l’emploi, des contrats d’avenir, des contrats initiative emploi et des contrats d’accompagnement dans l’emploi, en plus des 640 millions d’euros consacrés à l’accompagnement des jeunes en difficulté vers l’emploi durable.

Le développement des services à la personne est une autre de nos priorités. Ce secteur bénéficie ainsi d’allégements de charges spécifiques et du versement d’une subvention de 26 millions d’euros à l’Agence nationale des services à la personne que vous avez mise en place, monsieur le ministre.

Pour favoriser le retour à l’emploi, vous menez également une véritable politique d’activation des minima sociaux, avec la création d’une prime de cohésion sociale au profit des demandeurs d’emploi de longue durée de plus de cinquante ans, qui, en 2007, devrait profiter à 50 000 bénéficiaires pour un total de 15 millions d’euros. Enfin, en application de la loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, une aide aux entreprises dites « adaptées » permettra de contribuer à l’emploi des travailleurs handicapés.

J’en viens au thème que j’ai choisi de développer dans mon intervention : l'entreprise comme vecteur privilégié de l'insertion professionnelle des jeunes. Il me paraît essentiel que nous puissions traiter ce sujet de manière apaisée et non polémique. Le chômage des jeunes est une question importante. Loin des clichés habituels sur la fracture morale entre les jeunes et le monde professionnel, un récent sondage révèle que 85 % des jeunes ont une bonne image de l’entreprise. Nous avons donc des raisons d’être optimistes. Certes, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a diminué de 11,6 % en un an, mais nous ne saurions nous contenter de cette baisse, car il s’élève encore à 21,6 %.

De nombreuses analyses portent sur la situation des jeunes, en particulier sur la diversité des types de chômage selon le niveau de formation, le diplôme, la discipline, l'environnement familial. Des études du Centre d'études et de recherche sur les qualifications – le CEREQ – ont montré la nécessité de se référer à l'entreprise pour mettre en évidence que les différences d'insertion entre les jeunes ne sont pas principalement ou, en tout cas, pas seulement de nature individuelle. Je partage évidemment ce point de vue. Les entreprises ont un rôle très important à jouer dans la mise au travail des jeunes et dans ce qui spécifie l'insertion, c’est-à-dire l'accès à une qualification professionnelle. Ce postulat établi, il reste à savoir si l'entreprise est à la hauteur de cette tâche. Il est vrai que, comme le reconnaît le ministère de l'emploi, certains jeunes peuvent avoir des lacunes ou des comportements discutables, qui empêchent les employeurs de repérer leurs capacités. Mais, selon moi, tous les jeunes ont des talents ; encore faut-il les reconnaître, les percevoir et les faire émerger.

L’entreprise est déjà, et c’est heureux, un vecteur de l’insertion professionnelle des jeunes dans un certain nombre de cas. Je pense notamment à l'apprentissage, voie par excellence du passage du statut de jeune débutant à celui de jeune expérimenté, et au contrat jeunes en entreprise, dit aussi « soutien à l'emploi des jeunes en entreprise », qui a été créé en 2002.

Les deux dispositifs ont en commun d'être de vrais contrats. Le contrat d'apprentissage est un contrat à durée déterminée spécifique, puisqu’il accorde à la formation une place de choix. Le rôle de l’entreprise y est déterminant, puisqu’elle choisit un maître d'apprentissage. J’ajoute que vous avez souhaité, monsieur le ministre, que le statut de l'apprenti soit amélioré et que les aides au maître d'apprentissage soient accrues. Quant au contrat « jeunes en entreprise », il s’agit d’un CDI comme un autre, qui permet à l'employeur de bénéficier d'un soutien de l'État. J'ai été, en 2002, rapporteur du texte créant ce contrat, lequel a depuis été perfectionné et étendu, puisqu’il s’adresse désormais à tout jeune de 16 à 25 ans dont le niveau de formation est inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel, à tout jeune résidant en zone urbaine sensible ou titulaire d'un contrat d’insertion dans la vie sociale.

Le jeune comme l'entreprise peuvent profiter des avantages de ces contrats : la logique est celle du « gagnant-gagnant ». Dans le cas de l'apprentissage, le jeune bénéficie d'une formation aboutissant à une qualification reconnue et à un statut renforcé. Quant à l’entreprise, elle n'est pas en reste, puisqu’elle bénéficie d'exonérations, d'une indemnité compensatrice forfaitaire, voire d'un crédit d'impôt. L'entreprise est très sollicitée dans le domaine de l’apprentissage et M. Jégo a exprimé à ce propos nos préoccupations concernant l'article 61 du projet de loi de finances, qui tend à affecter à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA – la fraction de la taxe d'apprentissage due par les entreprises de plus de 250 salariés qui ne comptent pas, dans leurs effectifs, un nombre suffisant de jeunes en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. Il faut que nous trouvions une solution, car cette mesure inquiète tant l’AFPA, qui s’interroge sur la pérennité des aides qui lui sont accordées, que les entreprises, qui pourraient estimer que ces crédits sont détournés de leur destination initiale, c’est-à-dire l’apprentissage. Mais nous sommes convaincus que vous nous apporterez une réponse sur ce point. Le contrat « jeunes en entreprise » offre les mêmes avantages que le contrat d’apprentissage, puisque le jeune bénéficiera d'un CDI et l'entreprise du soutien de l'État.

Au total, les résultats, tant quantitatifs que qualitatifs, sont plus qu'encourageants : il y avait 364 000 apprentis en 2004, 381 000 en 2005. Les flux d'entrée, en 2005 et en 2006, sont en augmentation de 9,5 % du premier semestre 2005 au premier semestre 2006. De même, le contrat jeunes en entreprise a connu un réel succès puisque, depuis 2002, on dénombre 293 843 entrées, et, au 30 juin 2006, 117 081 contrats jeunes en entreprise ont été recensés. Depuis 2002, plus de la moitié des salariés bénéficiant du dispositif SEJE sont employés dans des établissements de moins de dix salariés. Cette année encore, des crédits sont budgétés à hauteur de 318,13 millions d'euros, pour une base d'entrées prévisionnelle de 50 000 jeunes en entreprise.

Ces deux exemples montrent qu'il est possible d'assigner à l'entreprise un rôle décisif en matière d’insertion professionnelle des jeunes. Il convient toutefois d'aller au-delà et de déterminer les conditions dans lesquelles l'entreprise peut devenir cet acteur privilégié du « droit pour tous d'être accompagnés vers l'emploi » qu'a évoqué récemment le Président de la République devant le Conseil économique et social.

Attaché à cette conception d’une entreprise qui recrute, forme et accompagne le jeune, je ferai un certain nombre de propositions, qui rejoignent d’ailleurs certaines de celles que M. Hetzel a formulées dans son rapport. Tout d’abord, il me semble que l'on gagnerait à réformer véritablement le système d'orientation, en particulier les centres d'information et d'orientation. La question du rôle des CIO renvoie à celle de la prise en charge des jeunes par ces centres pendant l'année qui suit la fin de leur parcours scolaire, où l’accompagnement, pourtant vital, est parfois insuffisant. Il faut mieux accompagner nos jeunes à leur sortie du système scolaire.

En outre, de manière à assurer une meilleure adéquation entre formation des jeunes et besoins des entreprises, pourquoi ne pas créer un observatoire de l'insertion professionnelle et des débouchés, qui permettrait un état des lieux de ces besoins, filière par filière et région par région ? Les jeunes ont besoin de connaître la vérité et de savoir où ils vont lorsqu’ils s’engagent dans une formation.

Dans le même esprit, il est nécessaire de prévoir que la dernière année dans l'enseignement supérieur sera effectuée le plus souvent possible en alternance, avec conclusion d'un contrat de travail, afin de lier formation et vie dans l’entreprise. Il serait aussi essentiel de renforcer l'information, la formation et l'accompagnement des repreneurs d'entreprise, notamment en systématisant l'enseignement d'une véritable culture de l'entreprenariat dans les écoles. Par ailleurs, le plan de développement de la validation des acquis de l'expérience doit être poursuivi. De même, il est important d'évaluer avant le 31 décembre 2006 l'impact des premières mesures d’encadrement de la pratique des stages.

Pourquoi, enfin, ne pas élaborer une charte de l'entrepreneur solidaire, qui favoriserait une implication concrète des entreprises en prônant un certain nombre d'engagements en faveur du développement du recours à des référents, de la professionnalisation du tutorat ou encore de l'enrichissement des dispositifs de parrainage ?

Rappelons-nous que, dans son ouvrage majeur, Capitalisme, socialisme et démocratie, publié en 1942, l'économiste Joseph Schumpeter a démontré que l'entreprise est le lieu de « l'exécution de nouvelles combinaisons ». Exécuter de nouvelles combinaisons plutôt que créer systématiquement de nouveaux dispositifs au profit de la sécurité juridique, telle est, je crois, la vraie innovation. En tout cas, la plupart des personnes que j'ai interrogées me l'ont confirmé.

Les débats que nous avons eus en commission ont été fort riches et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a évidemment donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Travail et emploi ».

Une entreprise qui n’attendrait rien des jeunes n’aurait pas d’avenir, car ceux-ci sont l’outil même du développement de l’entreprise. N’oublions jamais que c’est le travail qui crée le travail, la productivité qui permet le développement de l’activité et les règles d’organisation du travail qui encouragent l’embauche. Je sais que nous sommes sur la bonne voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, premier orateur inscrit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, je veux tout d’abord vous parler d’un événement qui me perturbe beaucoup : aujourd’hui, un homme jeune, père de six enfants, a engagé une grève de la faim et risque de mourir. Son employeur lui a écrit qu’il avait apprécié son travail, mais qu’il ne renouvelait pas son contrat. Dans le privé, il aurait suffi de porter l’affaire devant les prud’hommes pour que cet employeur soit condamné. Mais que faire lorsqu’il s’agit de la région Picardie – laquelle devrait pourtant montrer l’exemple –, qui dispose de deux cents contrats temporaires ? On a proposé à cet homme le marché suivant : si tu quittes Maxime Gremetz et que tu rejoins Marie-George Buffet et les socialistes, on te renouvelle ton contrat. Si tu restes avec lui, on ne te le renouvellera pas. Cet homme a répondu, et j’en suis fier, qu’il avait sa dignité et ses convictions et qu’on ne l’achetait pas. De plus, le jour où il a entamé sa grève de la faim, on a fait venir trente policiers pour l’exclure manu militari du conseil régional et on l’a jeté sur le trottoir. J’ai déjà interpellé l’Assemblée à ce sujet.

Le drame de la précarité, des petits boulots, des petits contrats « tempo », ce n’est pas seulement le manque de travail, l’absence de toute perspective, l’interdiction d’obtenir un prêt ou d’accéder au logement – bref, l’impossibilité de concevoir le moindre projet –, c’est aussi la dignité humaine bafouée par ceux qui pensent disposer du pouvoir de tout vendre et tout acheter.

Le Président de la République sera mardi prochain à Amiens. Je lui parlerai de ce que nous vivons chaque jour dans notre région, de ce que peut ressentir un salarié prisonnier d’un contrat temporaire renouvelable autant de fois que le souhaite son patron, un salarié qui ne peut ni se syndiquer, ni faire aucun projet, et de ce que deviennent la liberté et la dignité d’un homme maintenu dans ces conditions.

Je n’ai pas voulu manquer la séance de ce matin parce qu’elle avait pour objet le budget de l’emploi, mais je retournerai à Amiens dès cet après-midi afin de me tenir aux côtés de cet homme. J’ai transmis hier le dossier à M. Hortefeux, comme il me l’avait demandé. J’attends maintenant des explications, notamment quant à la décision du préfet de mettre à la disposition du président du conseil régional de Picardie trente policiers pour se saisir de cet homme et le jeter sur le trottoir. Je trouve cela ignoble et il me semble que ces policiers auraient eu bien d’autres choses à faire, à un moment où l’on parle beaucoup de délinquance et d’insécurité.

Depuis plusieurs mois, à l’occasion d’une mise en scène médiatique bien rodée, le Gouvernement annonce la baisse continue du chômage. Cette affirmation gouvernementale mérite d’être décryptée à la lumière des chiffres, notamment ceux du budget « Travail et emploi » pour 2007.

Tout d’abord, comme en conviennent tous les observateurs, la baisse du chômage n’est réelle sur le plan statistique que depuis février 2006 et doit peu à la politique du pouvoir en place. Elle résulte surtout d’une démographie favorable – il arrive aujourd’hui beaucoup moins de jeunes sur le marché du travail – et de la multiplication des artifices conduisant à sortir les chômeurs des listes officielles : suivi mensuel des demandeurs d’emploi, diminution du montant des indemnités chômage, contrôle de la recherche d’emploi, déréglementation du droit du travail, instauration du contrat de travail jetable sans motifs – car si le CPE a été, au moins provisoirement, mis de côté, le CNE, lui, produit toujours ses effets nocifs –, autant de techniques visant d’abord à maquiller les statistiques.

Comment expliquer l’écart considérable entre le nombre de chômeurs en moins et le nombre de créations d’emplois ? Ce qui compte pour moi, ce n’est pas le nombre de chômeurs, car ce chiffre peut être facilement réduit en occupant tout le monde à n’importe quoi, comme cela a été le cas avec les TUC, par exemple, mais les créations d’emplois effectives.

Les gens n’admettent plus qu’on se moque d’eux en leur disant que le chômage diminue, alors que de nouveaux plans de licenciement sont annoncés chaque jour – notamment en Picardie, avec Valeo, Laperche, Flodor, Abélia Décors, Tréfimétaux. Certes, on crée quelques emplois d’un côté, mais on en supprime des milliers d’autres dans le même temps ! D’ailleurs en Picardie, en dépit de tous les artifices, le chômage ne diminue pas : regardez les chiffres, monsieur le ministre.

Comment se fait-il, alors que nous nous apprêtons à passer sous la barre des deux millions de chômeurs officiels, que le nombre d’allocataires de minima sociaux ne cesse de croître quasiment dans les mêmes proportions ? En France, on compte environ 1 110 000 allocataires du RMI, et plus de 3 millions d’allocataires d’un minimum social. Avec les ayants droit, conjoints et enfants, ce sont plus de six millions de personnes qui vivent d’un minimum social.

La politique du Gouvernement est marquée également du sceau de la multiplication des contrats aidés et précaires. Le nombre d’emplois aidés par l’État, déjà considérable, continue d’augmenter : plus de 210 000 CIVIS – contrats d’insertion dans la vie active –, 66 000 contrats d’avenir, 166 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi. Ces contrats précaires et largement subventionnés alimentent le chômage caché sans donner de perspectives sérieuses de retour durable dans l’emploi.

Selon deux études de l’INSEE et de l’ACOSS, en 2006, près de huit recrutements sur dix ont été effectués en CDD. Les CDD de moins d’un mois, qui concentraient 35 % des intentions d’embauche en 2000, en représentent désormais plus de 50 %.

Enfin, en ce qui concerne le CNE, jour après jour se vérifie ce que nous dénoncions au moment de sa création : les 400 000 CNE signés entre août 2005 et avril 2006 se sont substitués prioritairement à des recrutements qui auraient eu lieu de toute façon, mais en contrat à durée indéterminée. Quelle aubaine pour les patrons ! Voilà la réalité de votre prétendue bataille pour l’emploi !

Par ailleurs, moins de la moitié des chômeurs – 45 % pour être précis – sont indemnisés. Loin d’être généralisée et universelle, l’assurance chômage tend à exclure un nombre croissant de chômeurs de l’indemnisation. Il est de plus en plus difficile d’y entrer et on en sort de plus en plus rapidement. Dans ce contexte, certains chômeurs ne maintiennent pas leur inscription à l’ASSEDIC et à l’ANPE. Ils ne sont donc plus comptabilisés comme chômeurs !

Une fois exclus de l’indemnisation, ils deviennent allocataires de minima sociaux – revenu minimum d’insertion ou allocation de solidarité spécifique. Je vous conseille un excellent article intitulé : « La vérité sur les chiffres du chômage », qui explique très bien cette situation. En 2006, on enregistre 35 000 à 40 000 radiations mensuelles, contre 5 000 en 1995. Sur les six premiers mois de 2006, alors que seuls 100 000 emplois ont été créés, on dénombre 300 000 chômeurs de moins. Mystère ? Non, j’ai expliqué comment cela était possible.

Si la « bataille pour l’emploi » n’est pas gagnée, loin s’en faut, vous êtes en passe de remporter haut la main celle de la précarité et de l’exclusion. Le budget « Travail et emploi » pour 2007 est en baisse de 4 % : un comble pour un gouvernement qui a fait de l’emploi sa priorité ! Vous avez décidément été bien mal servi, monsieur Borloo, à moins que vous n’ayez mal défendu votre budget devant Bercy !

Le budget consacré à « l’indemnisation des demandeurs d’emploi » baisse de plus de 9 % entre 2006 et le projet pour 2007. S’il y a moins de chômeurs, cela peut se comprendre, mais reconnaissons que les conditions actuelles d’indemnisation ne sont pas satisfaisantes et que des crédits supplémentaires auraient pu les améliorer sensiblement.

De même, les crédits pour « la mise en situation d’emploi des publics fragiles » s’effondrent. Écoutez bien, monsieur Borloo, vous que l’on présente comme le « monsieur Social » du Gouvernement !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous écoute !

M. Maxime Gremetz. Les crédits pour l’emploi des publics fragiles s’effondrent de 18,5 % entre 2006 et 2007 ; sur la même période, l’accompagnement des publics en difficulté voit ses moyens diminuer de 23,6 %. Le Gouvernement peut toujours chanter à tue-tête sur l’air de « l’emploi, notre priorité », les chiffres sont là pour montrer que les actes et les engagements financiers ne suivent pas. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon, comme dit l’adage.

Ainsi, si l’on s’en tient à la stricte lecture des crédits de la mission « Travail et emploi », qui regroupe, comme nous l’avons vu, l’accompagnement des chômeurs, la formation professionnelle ou encore les contrats aidés, les crédits s’élèvent à 12,64 milliards d’euros contre 13,7 milliards d’euros l’année dernière, soit une baisse de 4 %. Essayez donc de me démontrer que ces chiffres sont faux !

Les moyens alloués au principal programme du ministère, qui regroupe les mesures de lutte contre le chômage – service public de l’emploi, suivi des chômeurs, orientation et accompagnement des jeunes et des seniors, contrats aidés – reculent même de 14 %, avec 6,1 milliards d’euros contre 7,1 milliards d’euros en 2006.

En revanche, en dépit des réserves émises par les rapports de nombreux experts quant à leur efficacité, le Gouvernement a, une nouvelle fois, engagé de nouvelles exonérations de cotisations sociales patronales. Celles-ci totaliseront à elles seules 20,2 milliards d’euros – dans lesquels le président de la Cour des comptes ne voit qu’un effet d’aubaine pour les entreprises – contre 18,9 milliards d'euros l’année précédente, soit plus 7 % de cadeaux supplémentaires au patronat.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Encore ne s’agit-il là que de la part des exonérations compensées, car le montant total de ces exonérations pour 2007 s’élève en réalité à 25,6 milliards d’euros. Le Gouvernement se permet en effet de ne pas compenser toutes les exonérations. Ainsi la majorité a-t-elle voté la semaine dernière, dans le PLFSS, un article permettant la non-compensation intégrale, ce qui va alourdir d’autant la charge pour la sécurité sociale. Sur les trois dernières années manqueraient ainsi quelque sept milliards d’euros, soit l’équivalent du déficit de la branche maladie. L’engagement du Premier ministre de supprimer totalement les cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC accentuera encore cette tendance, favorisant l’effet de trappe à bas salaires et la smicardisation du salariat. À ces exonérations générales s’ajoutent en outre des allègements spécifiques pour certains secteurs comme l’hôtellerie-restauration.

M. le président. Il faut conclure maintenant !

Voilà la triste réalité de votre budget. Il faut soulever en outre le problème de l’article 61 et du devenir de l’AFPA, service public. L’État va se défausser une nouvelle fois sur le financement des outils de proximité en faveur de l'emploi. En effet, avec cet article, une partie de la subvention de fonctionnement – 200 millions – est sortie des dépenses budgétaires de l'État pour être assurée par une source extrabudgétaire, par nature incertaine.

On peut donc comprendre que les syndicats de l’AFPA soient particulièrement inquiets. Nous sommes nous-mêmes très préoccupés par le sort de l’AFPA et nous approuvons les propositions avancées par les syndicats. Il faut absolument préserver et renforcer le service public de la formation professionnelle.

Monsieur le ministre, je tiens tous mes documents à votre disposition et nous pourrons comparer nos chiffres. Reconnaissez au moins qu’alors que vous affirmez que la lutte contre le chômage et la précarité est une priorité absolue – et il doit en être ainsi –, votre budget est en régression. Plus vous parlez et plus les crédits diminuent ! Vous comprendrez que, dans ces conditions, le groupe des député-e-s communistes et républicains ne pourra que voter contre ce budget.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe UMP.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens consacrés à la politique de l’emploi progressent de 6 %, ce qui montre bien que cette action est la priorité absolue du Gouvernement. Cet effort intervient au moment même où nous mesurons toute l’efficacité des mesures prises dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi. Nous assistons en effet, sur un an, à une baisse de l’ordre de 1 % du taux de chômage, que nous pouvons d’ailleurs constater sur l’ensemble du territoire national.

Mais certains essaient, bien sûr, de contester la réalité de cette évolution. Ils prétendent que c’est la conjoncture qui est favorable. Il est vrai que nous avons la chance de bénéficier d’une conjoncture plus favorable. Si l’on considère cependant l’ensemble des pays d’Europe occidentale, il apparaît que c’est la France qui réalise la meilleure performance en matière d’emploi. Ils invoquent aussi l’argument démographique. À tort, néanmoins. Le nombre total des emplois salariés a en effet continué à progresser en 2006, et l’impact de la démographie ne sera sensible qu’à partir de l’an prochain. Ils mettent encore en avant les radiations faites par l’ANPE ; et vous venez de le faire, monsieur Gremetz. Je suis moi-même allé vérifier localement avec l’ANPE : il n’y a aucune corrélation possible entre le chiffre des radiations et la baisse du nombre des demandeurs d’emploi.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Vous avez mal regardé !

M. Daniel Garrigue. Nous sommes dans deux réalités totalement différentes. Prétendre que les radiations expliqueraient, même marginalement, la baisse du chômage, c’est être profondément malhonnête.

M. Maxime Gremetz. Où sont vos documents ? Affirmation gratuite ! Cela ne vaut rien !

M. le président. Monsieur Gremetz, laissez l’orateur s’exprimer ! Personne ne vous a interrompu !

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison, monsieur le président. Et d’ailleurs, je vais sortir pour ne pas être tenté d’interrompre à nouveau M. Garrigue.

M. Daniel Garrigue. La réalité, monsieur le ministre, c’est que la donne est profondément changée. D’abord, parce que vous avez joué la croissance en vous appuyant sur le développement des entreprises et sur les nouveaux emplois liés aux services. Ensuite, parce que vous avez joué la souplesse, notamment à travers le contrat nouvelles embauches. Rappelons-le, 600 000 de ces contrats ont été signés, dont 200 000 correspondent à des emplois entièrement nouveaux. Bien sûr, il faut contrôler les conditions dans lesquelles sont utilisés les CNE. Mais il faut insister sur le fait que ceux-ci ont permis le développement de l’emploi dans les petites et même les très petites entreprises, c’est-à-dire précisément là où se trouve le plus fort potentiel de créations d’emplois dans notre pays.

Enfin, la donne a été changée aussi, et c’est l’essentiel des crédits inscrits dans votre budget, parce qu’on a joué l’accompagnement. On a beaucoup parlé de flexi-sécurité ces dernières années : la souplesse mais aussi l’accompagnement en sont les éléments principaux. On avait constaté qu’en matière d’accompagnement nous étions très loin de ce que faisaient certains pays, notamment d’Europe du Nord. Les efforts consentis depuis – rapprochement des Assedic et de l’ANPE, et fréquence des entretiens avec les demandeurs d’emploi, un par mois aujourd’hui – nous ont rapprochés des normes en vigueur dans les pays qui ont adopté la flexi-sécurité.

Je ferai deux observations pour conclure. Je veux tout d’abord souligner le succès relatif de la réactivation des crédits du RMI à travers les contrats d’avenir et les CI-RMA. Certains présidents de conseils généraux ont ouvert la polémique, considérant qu’on leur faisait financer la baisse du chômage. Dans ce domaine, on ne peut pas se contenter d’avoir une approche purement comptable. Vous proposez d’ailleurs, monsieur le ministre, un amendement qui répondra aux préoccupations de ces présidents de conseils généraux. Il faudrait cependant que ces élus aient conscience que la lutte pour l’emploi est l’affaire de tous : de l’État mais aussi de l’ensemble des acteurs de notre pays.

S’agissant ensuite des maisons de l’emploi, l’implantation de ces maisons se fait au rythme prévu et dans d’excellentes conditions. Monsieur le ministre, je tiens néanmoins à appeler votre attention sur les difficultés de mise en place localement : ingénierie, gestion programmée des effectifs et des compétences, GPEC. Quelle action envisagez-vous pour renforcer les possibilités dans un certain nombre de régions comptant plus particulièrement des zones rurales ou des villes moyennes ? La démarche y est en effet plus difficile que dans les grandes agglomérations.

Sous ces réserves, monsieur le ministre, je ne puis, au nom du groupe UMP, que vous apporter une totale approbation sur les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, une fois de plus, avec le talent qui vous est propre et que chacun reconnaît dans cet hémicycle, vous allez vous efforcer de faire passer le plomb de votre budget pour l’or de l’emploi. Par une tradition alchimique dont vous avez le secret, vous allez nous laisser penser que les moyens qui vous sont alloués vous permettent d’obtenir des résultats qui vont bien au-delà de ce que nos concitoyens peuvent constater sur le terrain. Il nous appartient, c’est le rôle de l’opposition, de ramener malheureusement ces chiffres aux réalités.

Premier constat : la politique conduite depuis quatre ans en matière d’emploi est une politique de montagnes russes. On passe très vite en effet d’une augmentation à une diminution de l’intérêt porté à telle ou telle mesure. Je ne parlerai même pas des crédits. Ainsi, un jour, M. Fillon, désormais conseiller écouté du président de l’UMP, nous explique que les contrats aidés non marchands sont inacceptables dans leur principe. Et, le lendemain, M. Borloo, sans doute mû par une nécessité à l’approche des échéances électorales, affirme au contraire que ces contrats sont plus que jamais nécessaires.

Cela s’est traduit par une évolution qui n’a pas été à l’aune des déclarations faites. Nous étions, en stock, à quelque 500 000 contrats aidés en 2002, lorsque l’alternance est intervenue. Nous sommes passés l’année suivante à moins de 400 000. Et nous en sommes aujourd’hui à moins de 300 000 en stock. Cela signifie que, au-delà des grands discours sur le traitement social et la mobilisation des crédits, qui n’est que ponctuelle, la situation, en termes budgétaires et de moyens, est loin de répondre à l’ambition affichée.

On retrouve cette politique des montagnes russes pour l’évolution des budgets, avec un paradoxe : on a, au cours des années écoulées, réduit le budget de l’emploi au fur et à mesure que le chômage augmentait. Il a ainsi diminué de 6 % pour la loi de finances 2003, puis de 3 %, et c’était encore vrai pour la loi de finances 2006. Et, aujourd’hui, on constate une diminution de 4 % des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Certes, je comprends que les rapporteurs aient le souci de rajouter au périmètre de cette mission les allégements de cotisations sociales, effectivement en augmentation régulière. Mais ces allégements sont-ils véritablement au service d’une politique de l’emploi dans la mesure où, s’ils continuent à croître, indépendamment d’ailleurs de la réduction du temps de travail – je renvoie les contempteurs des 35 heures à cette constatation –, ils ne sont plus liés en rien à des objectifs en matière d’emploi ? En effet, plus aucune contrepartie n’est aujourd’hui imposée ou négociée. On ne peut donc que s’interroger sur l’impact réel des sommes dépensées en la matière. Il ne s’agit pas de les remettre en cause. Mais il serait assez logique qu’on puisse vérifier si ces 25 milliards d’euros d’exonérations, dont certaines sont ciblées et d’autres – pour 20 milliards –, accordées de manière générale, sont réellement utilisés dans un sens favorable à l’emploi. De ce point de vue, un récent rapport de la Cour des comptes nous invite à une certaine circonspection

Les crédits ne se contentent pas de baisser de 4 % : il manque ainsi à peu près 500 millions dans le périmètre que j’indiquais. Il faut également s’interroger sur l’impasse de 200 millions concernant l’AFPA. Certes, on a promis à l’association des ressources extrabudgétaires mais on a du mal à voir quelle en est la réalité. Il faut aussi s’interroger sur le sens des 500 millions de crédits affectés au fonds de solidarité venant de la reprise par l’État de sa créance sur l’UNEDIC, qui ne peut évidemment être considérée comme une recette reconductible. Si nous ajoutons ces 500 millions aux 500 millions pour l’UNEDIC et aux 200 millions pour l’AFPA, il apparaît qu’il manque environ un milliard d’euros dans ce budget. Un milliard sur 12,4 milliards, ce n’est pas rien !

Au risque d’atténuer l’enthousiasme exprimé par mon collègue Garrigue avant moi, je dois souligner que ce constat est encore aggravé par l’observation de l’évolution des moyens directement accordés aux contrats aidés. Je suis d’ailleurs assez surpris de la logique dans laquelle vous vous êtes engagé.

Vous nous annoncez le maintien des contrats d’avenir à 100 000 entrées et, semble-t-il, une légère décélération des contrats initiative emploi. En ce qui concerne les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les nouvelles entrées, au nombre de 160 000, sont inférieures à celles constatées en 2006 soit 260 000. Les crédits correspondants sont d’ailleurs en quasi-stagnation, ceux qui étaient destinés l’an passé aux CES et CEC étant en voie d’extinction.

J’espère que l’avenir ne me donnera pas raison, mais cette quasi-stagnation risque d’obliger votre successeur, quel qu’il soit, à présenter au Parlement après les élections présidentielles un collectif budgétaire pour le deuxième semestre de l’année. Je fais le pari que les crédits que vous avez mobilisés pour le traitement social du chômage ne vont pas au-delà de l’élection présidentielle : vous nous inventez une loi de finances trimestrielle, qui n’a pas pour horizon le 31 décembre 2007 mais le 22 avril et le 6 mai ! Il faut que nous le sachions, parce que notre assemblée devra probablement en débattre après les élections.

Voilà le constat que l’on peut malheureusement dresser de votre politique et de la façon dont vous concrétisez les orientations annoncées.

Peut-être allez-vous nous objecter que, même si les moyens n’augmentent pas, les résultats sont là. Il est vrai que la récente amélioration de la situation du chômage, évoquée par notre collègue Gremetz, nous rappelle les belles années 2001-2002. Il vous a fallu cinq ans pour parvenir au même résultat que nous au moment de l’alternance électorale. Ce sont cinq années de perdues, néanmoins je me réjouis de la baisse du chômage, favorable à notre économie et à tous ceux qui retrouvent un emploi.

Ce qui nous préoccupe, ce sont les conditions dans lesquelles intervient cette baisse du chômage : relative ou réelle, elle repose sur quelques éléments que je voudrais souligner.

Notre collègue Garrigue a écarté d’un revers de main l’argument démographique. Pourtant, le retournement démographique explique cette baisse pour au moins un tiers : si, du fait de l’accroissement de la population active, 250 000 personnes entraient chaque année sur le marché du travail au début des années 2000, elles sont aujourd’hui 120 000 à 140 000. Ce sont donc 100 000 à 150 000 personnes du moins qui entrent chaque année sur le marché du travail. C’est moins bien que ce que l’on pouvait espérer, mais cela améliore les résultats en matière de chômage. Un autre tiers est dû à la politique de contrats aidés et à la frénésie qui s’est emparée du Gouvernement ces six derniers mois – frénésie qu’il ne montrera sûrement pas en 2007… Le dernier tiers tient sans doute à des créations nettes d’emplois, qui restent cependant extrêmement limitées : 76 000 l’an passé, un peu plus de 50 000 au premier semestre de cette année, peut-être un peu plus de 100 000 au total. Mais ces chiffres traduisent une réelle fragilité, car beaucoup de ces créations sont liées au développement des services à la personne, secteur où les emplois sont particulièrement fragiles.

Pour faire bonne mesure et rendre hommage à Marcel Pagnol, j’ajouterai un quatrième tiers, correspondant aux radiations administratives, qui ont augmenté de 33 % par rapport à la précédente législature. Voilà les quatre tiers du pastis de votre politique de l’emploi, parfait et totalement équilibré selon les règles de l’art, une politique liée à vos changements d’humeur, une politique de montagnes russes, dont les résultats en trompe-l’œil sont loin d’être rassurants.

Il conviendrait de définir une véritable stratégie, cohérente et offensive, en faveur de l’emploi. Ce n’est pas à cette tribune, dans le cadre du débat budgétaire, qu’on peut le faire, mais j’en dirai néanmoins quelques mots.

La priorité de cette stratégie devrait être l’ardente obligation, pour reprendre une expression chère aux gaullistes, de favoriser le retour à l’emploi de ceux qui en sont le plus éloignés. Cela pose à l’évidence la question du contrat unique en tant que moyen d’insertion, et implique de concentrer l’effort de formation sur les personnels les moins qualifiés –, par exemple à travers un plan sur trois ans.

Ensuite, il faut mener une politique du marché du travail que vous n’avez fait qu’esquisser et improviser. Il faut donner davantage de moyens aux agences pour l’emploi pour leur permettre d’accompagner les demandeurs dans leur démarche de retour à l’emploi. Il faut aussi dégager des moyens pour le pilotage des politiques de l’emploi, menées de manière chaotique sur le terrain par les maisons de l’emploi. En réalité, il n’y a pas de pilote dans votre petit avion de tourisme social !

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis. Quelle image !

M. Gaëtan Gorce. Il s’agit enfin de concrétiser la sécurité sociale professionnelle, ce que vous appelez la « sécurisation des parcours », créant une certaine confusion des termes. Cela implique d’assurer à ceux qui sont aujourd’hui en activité, avec les moyens de la formation professionnelle, un droit individuel à la formation, un véritable droit à élever son niveau de qualification, à construire de nouveaux projets professionnels, bref à se mettre dans une situation de mobilité professionnelle. Ainsi, ceux qui progressent libèrent les emplois pour les moins qualifiés. Il faut enfin créer, pour ceux qui perdent leur emploi, un droit de retour à l’emploi dans les six mois.

Voilà les orientations, sommairement esquissées, auxquelles il serait souhaitable que nous réfléchissions – le débat électoral nous en donnera certainement l’occasion – pour envisager une politique de l’emploi plus offensive. Nous ne pourrons le faire en dehors d’une politique de croissance et d’innovation ainsi que d’une véritable mobilisation autour de ces objectifs économiques et sociaux, ce qui suppose que notre pays reprenne confiance en lui, et, pour cela, qu’il commence par se séparer de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Travail et emploi » intervient alors qu’on nous a annoncé, il y a une semaine, la poursuite de ce qui nous est présenté comme une amélioration durable de la situation de l’emploi.

Avec un taux de chômage de 8,8 % au mois de septembre, le plan de cohésion sociale montrerait ses effets. Ayant trop longtemps connu un taux de chômage à deux chiffres, on ne peut que saluer cette baisse du nombre de demandeurs d’emploi. Toutefois, il convient de noter l’écart existant entre la réalité statistique et la réalité sociale ressentie par nos concitoyens.

Mme Anne-Marie Comparini. C’est vrai !

M. Francis Vercamer. Dans les zones urbaines sensibles – les ZUS –, la situation de l’emploi reste très dégradée : c’est là que l’on trouve le plus fort taux de jeunes au chômage. La baisse annoncée, d’ailleurs contrastée en fonction des villes, reste à confirmer. Cela vaut également pour les autres formes du retour à l’emploi. En outre, les problématiques du travail précaire, des travailleurs pauvres et de l’instabilité de l’accès au travail des jeunes demeurent vivaces. Enfin, la situation du marché du travail est différente dans chaque bassin d’emplois.

Dans un bassin d’emploi comme celui de Roubaix-Tourcoing, où le nombre de demandeurs d’emploi a légèrement diminué depuis un an, le risque de défaillances d’entreprises reste très élevé, dans un contexte de restructurations industrielles qui ont entraîné la suppression de 5 000 emplois au cours des cinq dernières années. Les salariés de ce bassin d’emplois ont donc besoin d’accompagnement, d’anticipation et de sécurisation des périodes de transition entre deux emplois, et c’est justement ce qu’est venu proposer le plan de cohésion sociale, que le groupe UDF a soutenu.

Si les crédits consacrés au plan de cohésion sociale sont constants par rapport à 2006, son volet emploi connaît des difficultés financières. Ainsi, les départements estiment insuffisante la compensation financière accordée par l’État pour la mise en œuvre des contrats d’avenir. La charge serait à ce point élevée qu’au mois de juillet le conseil général du Nord a décidé de ne plus signer de contrats de ce type.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis. C’est scandaleux !

M. Yves Jego, suppléant M. le rapporteur spécial. Quelle honte !

M. Francis Vercamer. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un amendement par lequel l’État devrait reprendre à sa charge une partie du coût des dépenses d’activation du RMI dans le cadre des contrats d’avenir. J’en attends l’examen avec intérêt.

Député de l’agglomération roubaisienne, je souhaite un déblocage rapide de la situation. Les demandeurs d’emploi comme les associations qui pourraient les embaucher dans le cadre de ce dispositif souhaitent recourir le plus rapidement possible à cet outil de retour à l’emploi.

J’insiste par ailleurs pour que, dans le cadre de l’allocation CIVIS, une meilleure coordination entre les directions départementales du travail et les missions locales dans la programmation des crédits permette de tenir compte de la spécificité des bassins d’emplois, de façon à éviter que certaines missions locales épuisent leurs crédits en milieu d’année.

Les maisons de l’emploi sont un élément de modernisation du dispositif local d’aide au retour ou d’accès à l’emploi, qui privilégie l’accompagnement et l’anticipation des besoins de main-d’œuvre. Il conviendrait toutefois de clarifier davantage les compétences de chaque acteur de ce dispositif en vue d’une meilleure coordination.

Au titre du programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques », 6,495 millions d’euros sont consacrés à l’expérimentation du contrat de transition professionnelle. Bien qu’un bilan de cette expérimentation soit prévu en mars 2007, il serait intéressant que le ministre nous précise dès à présent ses intentions sur l’avenir de ce dispositif, dont l’extension dans les territoires disposant d’une maison de l’emploi a été évoquée cet été.

En ce qui concerne la nécessaire sécurisation des phases de transition professionnelle, notamment pour les salariés des zones d’emploi les plus vulnérables, le plan de cohésion sociale a apporté des améliorations avec la convention de reclassement personnalisé. Mais l’expérimentation du contrat de transition professionnelle montre qu’il ne s’agit que d’une étape vers un parcours véritablement sécurisé pour le salarié ; l’entreprise doit pouvoir s’adapter aux évolutions du marché sans que cela s’opère aux dépens du salarié.

Le maintien dans l’emploi passe également par la formation professionnelle. Des inquiétudes se sont fait jour concernant certains éléments du budget de l’AFPA basés, pour 2007, sur des ressources extrabudgétaires de l’État : c’est le cas des 200 millions d’euros provenant de la surtaxe sur la taxe d’apprentissage pour les entreprises d’au moins 250 salariés. La commission des finances ayant supprimé l’article 61 du projet de loi, qui portait sur l’utilisation par l’État des fonds issus de cette surtaxe, nous souhaitons savoir comment le Gouvernement compte maintenir cette ressource dans le budget de l’AFPA.

Par ailleurs, étant attachés au dialogue social, au niveau tant des branches que des entreprises, nous sommes particulièrement attentifs aux inquiétudes des conseillers prud’homaux quant à leurs conditions d’exercice et à leur mode d’indemnisation. Il conviendrait qu’ils soient consultés sur la réforme que le Gouvernement a l’intention d’engager, car ils doivent pouvoir exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions pour préserver l’équilibre et la sérénité de leur jugement. L’amélioration de leurs conditions de travail passe, selon nous, par un renforcement des effectifs de l’inspection du travail, dont les missions doivent davantage être orientées vers le conseil aux entreprises et ne plus se limiter au contrôle.

Le programme « Accès et retour à l’emploi » met également en œuvre les dispositions de la loi du 23 mars 2006 sur les droits et devoirs des titulaires de minima sociaux. 100 millions d’euros sont consacrés à la prime d’intéressement au retour à l’emploi des bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé, de l’allocation pour parent isolé et du RMI.

Aussi intéressant que soit ce dispositif, que le groupe UDF a voté, notre préférence va à une réforme globale des minima sociaux et des droits connexes, conformément aux préconisations du rapport de notre collègue sénatrice Valérie Létard. Il s’agit de faire en sorte que les droits complémentaires liés aux minima sociaux bénéficient à leur allocataire non plus en fonction du statut de bénéficiaire d’un minimum social, mais d’un niveau de revenu afin de limiter, voire de supprimer les effets de seuil.

Nous restons par ailleurs attachés à ce que le bénéficie d’une allocation d’insertion soit systématiquement lié à l’exercice d’une activité, y compris d’utilité sociale. Nous sommes également attentifs au souhait de certains conseils généraux d’expérimenter un contrat unique d’insertion, de façon à simplifier le recours aux contrats aidés.

Notre groupe s’interroge sur certains éléments de ce budget. L’impact de la prime pour l’emploi sur le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes ne nous paraît pas suffisant et nous doutons de son efficacité. Mieux vaudrait, selon nous, une politique salariale active dans les entreprises, négociée avec les partenaires sociaux, avec peut-être une incitation de l’État, qui correspondrait davantage à une vision moderne de l’entreprise et du dialogue social.

Par ailleurs, il faudra un jour évaluer avec précision l’utilité, en termes de créations d’emplois, des exonérations de charges sociales, qui coûtent – c’est considérable – 20 milliards à l’État chaque année. La Cour des comptes a émis de sérieuses réserves à ce sujet, et la tendance de l’État à ne pas compenser ces exonérations aggrave, à hauteur de 2,6 milliards d’euros, le déficit des caisses de la sécurité sociale. Les exonérations de charges peuvent être intéressantes si elles sont strictement ciblées, c’est pourquoi nous proposons d’exonérer de toutes charges, dans toutes les entreprises, deux embauches, sur une durée de cinq ans, et ce quel que soit le niveau de qualification du salarié recruté.

D’une manière générale, ce type de mesure doit s’accompagner d’une redéfinition du financement de notre protection sociale, en précisant ce qui doit être financé par le travail, la solidarité nationale et l’assurance individuelle. Nous regrettons à ce titre que la piste de la TVA sociale n’ait pas été mieux explorée.

Enfin, la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi reste, à notre sens, à l'état des bonnes intentions. L'accord national interprofessionnel sur la diversité, même s'il va dans le bon sens, est, aux dires même de l'une des organisations syndicales ayant participé à la négociation, « totalement creux ». Nous aborderons à nouveau ce point, demain, dans le cadre de la mission « solidarité et intégration ».

Pour conclure, le budget de cette mission nous apparaît comme une marche supplémentaire vers une plus grande cohésion sociale, même s'il convient d'être très attentif à la mise en œuvre effective des dispositifs qu'il soutient et qui peuvent parfois générer des aléas sérieux. Tous les objectifs affichés sont loin d'être atteints, tous les moyens ne sont pas mis en œuvre pour y parvenir, mais au moins la direction prise est intéressante. C'est pourquoi le groupe UDF votera les crédits de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons l’examen de la mission « Travail et emploi », le vrai problème étant de savoir ce que nous pouvons faire pour ceux qui n’en ont pas. Aux raisons qui ont déjà été invoquées pour expliquer la baisse relative du chômage, j’en ajoute une, dont M. Préel, qui n’est pas suspect de socialisme, a parlé en commission : le départ en retraite anticipé de plus de 300 000 salariés. En tant que parlementaire frontalier, j’évoquerai aussi les 60 000 Français qui vont travailler tous les jours au Luxembourg. Nous avons bien entendu le même taux de chômage que sur le plan national.

Sans revenir sur les éléments démographiques qui ont été exposés, je fais simplement remarquer que si, de 1997 à 2002, 2 millions d’emploi ont été créés, le nombre de chômeurs a seulement baissé de 1 million. Aujourd’hui, nous sommes dans la même configuration, sauf qu’il n’y a pas eu création de 2 millions d’emplois supplémentaires. La situation est donc beaucoup plus dramatique aujourd’hui qu’elle ne l’était au début de votre mandat, comme à la fin du mandat du précédent gouvernement.

Aujourd’hui encore, et nous en avons eu la démonstration avec l’intervention de M. Perrut, vous faites l’apologie de l’entreprise.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis. C’est l’entreprise qui crée l’emploi !

M. Michel Liebgott. Personne n’est contre les entreprises, bien au contraire. C’est l’entreprise qui crée les emplois, et nous en sommes tout à fait d’accord. Par contre, ce qui est beaucoup plus douteux est de savoir s’il faut accorder aux entreprises autant de réductions de charges sociales – 20,4 milliards dans le cadre de la loi Fillon – et si ces milliards distribués sont réellement créateurs d’emplois. En effet, c’est seulement depuis un an ou deux que le chômage diminue légèrement. Nous pouvons donc douter que les moyens massifs mis en œuvre dès 2003 aient été si utiles, alors même que, je l’ai dit, sous la précédente législature, 2 millions d’emplois ont été créés avec des aides et des diminutions de charges sociales bien moindres.

À côté du culte de l’entreprise, dont vous faites l’apologie permanente, je voudrais tout simplement ramener le débat au niveau de nos concitoyens, aux gens qui vivent dans nos communes, car beaucoup craignent de se retrouver au RMI. Certes, rassurons ceux dont vous pensez qu’ils ne rejoindront jamais le bataillon. Néanmoins, vous avez fait exploser le chiffre ces dernières années : 1 266 000 RMIstes aujourd’hui ! Vous battez tous les records !

Un sujet n’a pas été abordé : en 1995, 40 % des salariés touchaient entre un SMIC et 1,6 SMIC ; aujourd’hui, ils sont 50 %. Vous avez beaucoup parlé du SMIC ; en réalité, les gens constatent aujourd’hui une baisse de leur pouvoir d’achat.

Il est encore quelques éléments qui témoignent de la différence entre ce que pourrait être une politique volontariste de l’emploi de gauche et celle que vous menez.

Pour les emplois aidés, vous aviez tout abandonné : les emplois aidés n’avaient aucun intérêt pour vous, seuls comptaient les emplois créés dans l’entreprise. Puis, les élections se rapprochant, vous avez réalisé qu’il fallait à tout prix prendre des mesures en urgence, et vous avez multiplié les nouveaux dispositifs, les précédents n’ayant pas marché, en particulier le CIVIS. Néanmoins, dans votre budget, les crédits pour les emplois aidés sont en baisse de 16 %, ce qui laisse clairement supposer que le nombre de ces nouveaux emplois – CIE, CAE, CA – est inférieur au nombre des emplois jeunes, des CEC et des CES qui les précédaient. Ainsi, même dans l’urgence, vous ne réussirez pas à rattraper le retard que vous avez pris. Souvenez-vous du lièvre et de la tortue : il fallait partir à point…

J’en viens aux difficultés d’application sur le terrain. Certes, des conventions ont été signées entre l’ANPE et un certain nombre d’associations. Ce qui remonte du terrain me donne aujourd’hui le sentiment que les emplois aidés sont souvent de trois mois, six mois, certainement pas plus. D’une ANPE à l’autre, les stratégies sont différentes. Dans ma propre région, à Thionville, les jeunes obtiennent quelquefois un an, quelquefois deux ans. Ailleurs, ils sont obligés de batailler pour aller de six mois en six mois, quand ce n’est pas moins. Cette situation n’est pas sécurisante pour l’employeur et le jeune. Je vous interpelle sur ce problème, notamment s’agissant des ZUS, où les jeunes connaissent des difficultés supplémentaires : arrêtez de traumatiser les associations et les jeunes qui ne savent pas combien de temps va durer leur contrat aidé ! Nous ne vous demandons pas cinq ans – car, nous l’espérons, vous ne serez pas réélus –, mais de rassurer ceux qui bénéficient aujourd’hui de ces dispositifs.

Quant aux crédits pour les maisons de l’emploi, monsieur le ministre, des structures comparables existaient depuis longtemps : les APRE, ateliers permanents de recherche d’emploi. L’important est de ne pas diminuer les crédits de ce type. Pourtant, c’est ce que vous faites. Malheureusement, vous enlevez des crédits où cela marchait !

Enfin, vous faites à nouveau appel aux collectivités locales, mais elles donnent déjà beaucoup, et je crois d’ailleurs que ma collègue Marie-Renée Oget interviendra tout à l’heure sur les missions locales. Je suis inquiet car les collectivités locales peuvent aussi concourir au service public de l’emploi, de même que les missions locales et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation. Elles n’en peuvent plus et ne pourront pas aller au-delà. C’est à l’État de mettre en œuvre la solidarité nationale, et non aux collectivités locales. Elles font déjà beaucoup avec le RMI qui explose, de plus en plus de personnes dans nos quartiers et dans nos villes en étant titulaires.

En conclusion, je formule un souhait : rétablissons la relation de confiance entre les gouvernants, les entreprises et les jeunes. Mais, pour cela, encore faut-il envoyer des signes clairs en direction de ces jeunes pour qu’ils croient à nouveau en votre politique et en la politique tout court.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre, le Gouvernement a déployé un arsenal de moyens très importants pour mener sa bataille pour l’emploi. Je souhaite saluer vos efforts et ceux du Gouvernement. Je sais que la lutte contre le chômage est un travail de longue haleine, qui commence d’ailleurs à porter ses fruits puisque les chiffres sont toujours plus encourageants au fil des semaines.

Au total, les moyens affectés à la politique de l'emploi s'élèvent à 41,8 milliards d'euros, en progression de près de 6 % par rapport à 2006. Je note l’effort particulier affiché en faveur de la baisse des charges, qui est, à mes yeux, une solution très attendue des chefs d’entreprise. En cela, je me réjouis de l'engagement du Premier ministre de baisser le coût du travail et de la suppression, dans le PLFSS, des 2,1 points restants de cotisations patronales au niveau du SMIC pour les entreprises de moins de vingt salariés dès le 1er juillet prochain. À ces allégements s'ajouteront des exonérations accordées à des zones ou à des publics spécifiques, à hauteur de 1,3 milliard d’euros, notamment aux services à la personne et aux hôtels-cafés-restaurants.

Élu rural du département le moins peuplé de France, la Lozère, permettez-moi d’insister sur trois points, monsieur le ministre.

Le maillage des hôtels-cafés-restaurants procède du maintien du lien social dans ce département, et je ne saurais trop insister auprès de vous pour que les mesures les plus incitatives soient accordées à ce secteur aujourd'hui fragilisé. La plupart des établissements de mon département n'ouvrent pas toute l'année, à cause des charges, des frais généraux liés à des conditions climatiques difficiles et de difficultés de tous ordres, notamment en matière de recrutement de personnels. Vous savez qu'ils sont durement mis à contribution avec la hausse du tabac, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, l'échec des négociations sur la TVA à 5,5 %. Et c'est pourquoi je soutiens très fortement le contrat de croissance doté de 160 millions d'euros supplémentaires pour 2007. Je vous redis, monsieur le ministre, que la petite hôtellerie rurale a besoin de soutiens spécifiques. À cet égard, la création d'une aide pour l'emploi de salariés « extra », ainsi que l'augmentation des aides à l'emploi, qui passent de 114 euros à 180 euros par mois, quel que soit le niveau de salaire – et c’est important – vont dans le bon sens, de même que l'aide au conjoint collaborateur.

S'agissant des services à la personne, que vous qualifiez vous-même de « révolution », avec un succès qui ne se dément pas, je voudrais insister sur leur impact spécifique en milieu rural. C’est pourquoi je ne peux que saluer les efforts budgétaires que vous faites et la montée en puissance de l'Agence nationale des services à la personne. Là également, en milieu rural, une attention toute particulière doit être portée aux publics les plus fragiles notamment les personnes âgées et handicapées, pour lesquels la Lozère a toujours été reconnue comme un département innovant.

Enfin, toujours dans le milieu rural, permettez-moi d'insister sur le fabuleux travail réalisé par les entreprises intermédiaires, les associations d'insertion et le conseil général, chargé d'assurer la mise en place et le suivi des dispositifs. Le département de la Lozère, doté d'un budget très étroit, pourrait bénéficier d'un soutien exceptionnel afin d'assurer le mieux possible ses obligations en matière de contrats aidés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 185 contrats d'avenir, 400 CAE en 2006.

Monsieur le ministre, au-delà de ces considérations, je ne peux que saluer la montée en puissance du plan de cohésion sociale, et je note avec satisfaction l'effort supplémentaire, dans le cadre des contrats d'avenir, pour les allocataires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, avec la prime de 1 000 euros qui constitue une incitation de plus pour le retour à l'emploi.

Tout cela nécessite une mobilisation de tous, et je sais votre implication en la matière. À cet égard, je voudrais féliciter les agents de l'ANPE, largement mis à contribution en 2006 et qui seront chargés, en 2007, de consolider l'ensemble de ces réformes et de suivre les personnes à la recherche d'un emploi tous les mois, et non plus tous les deux mois comme auparavant.

Le suivi personnalisé mensuel est une réforme qui était attendue, mais sa mise en place est quelque peu freinée par des problèmes d'effectifs. Permettez-moi de plaider en faveur de moyens supplémentaires à allouer au service de l'emploi pour parvenir aux objectifs qui lui ont été fixés dans une logique de résultat.

D'une manière générale, si je salue les efforts déployés pour accompagner personnellement chaque demandeur d'emploi, j'attire votre attention sur la complexité, parfois, de l'application des dispositifs sur le terrain du fait de leur multiplicité, ce qui peut gêner ceux qui sont chargés de la mise en œuvre du plan, enlever une certaine lisibilité aux dispositifs et décourager certains. Je sais que vous êtes sensible à ce souci, puisque vous avez vous-même proposé de simplifier certains dispositifs d'aide à l'embauche.

Des améliorations peuvent encore être apportées, notamment en matière de communication au public. À cet égard, les maisons départementales de l'emploi sont une bonne chose. Il conviendrait cependant de faire un bilan de tous les dispositifs existants et de vérifier leur efficacité, afin d'avoir une plus grande cohérence dans l'affectation des crédits pour l'accès et le retour à l'emploi. Les maisons de l'emploi devraient être liées aux dispositifs de relais de services publics portés par le ministère de l'aménagement du territoire et la DIACT.

Voilà, monsieur le ministre, quelques observations très pratiques. Permettez-moi de vous dire que vous faites du bon travail et que je soutiens totalement votre budget et votre plan de cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Paillé, dernier orateur inscrit.

M. Dominique Paillé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe bien évidemment au soutien que mon collègue Pierre Morel-A-L’Huissier a apporté à la remarquable action du Gouvernement, dont chaque Français mesure les conséquences positives.

Je voudrais simplement m’attarder sur la situation des lieux de vie et d’accueil. Il y a quelques années encore, ils opéraient dans un véritable désert réglementaire, mais, grâce à l’action de vos services, monsieur le ministre, ils ont réussi à se forger un cadre juridique qui les aide à mieux fonctionner et à bien remplir leurs missions. Ces structures, consacrées par la loi 2002-2, organisent leur travail en application du décret 2004-1444. La réglementation issue de ce décret ne permet cependant pas aux éducateurs d’accomplir toutes leurs missions, qui sont très variées, même en annualisant le temps de travail. C’est pour eux un handicap très lourd et je me fais devant vous leur porte-parole, car je suis convaincu du bien-fondé de leur demande. Une solution est envisageable, qui consisterait à leur permettre d’appliquer la réglementation en vigueur pour les éducateurs et aides familiaux exerçant leur activité au sein des associations gestionnaires des villages d’enfants. Je souhaiterais que ces dispositions soient étendues à ces lieux de vie et d’accueil, car, dans un département comme le mien, ils accomplissent un travail remarquable et méritent qu’on les aide.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je ne connais pas de ministre de l’emploi heureux. Certaines polémiques, en effet, sont indécentes : lorsque tant de gens qui cherchent activement un emploi sont dans la désespérance, il n’y a pas lieu d’afficher sa satisfaction ni de trafiquer les informations.

Il me faut dire un mot de la démographie. Comme j’ai constaté que tout le monde s’appuyait sur l’INSEE, je rappelle la position claire et argumentée qu’elle a formulée dans le numéro 1092 d’INSEE Première, en juillet 2006 : « À l’horizon 2015, selon le scénario tendanciel de projection », la population active « pourrait encore gagner près de 700 000 personnes, atteignant 28,3 millions. La population active se stabiliserait ensuite autour de ce niveau. Entre 2015 et 2050, elle se maintiendrait entre 28,2 et 28,5 millions de personnes. Jusqu’en 2007, la croissance annuelle de la population active devrait continuer sur le rythme observé en moyenne depuis 1970. » Telle est la situation démographique de notre pays.

Il est une deuxième réalité qui, je le sais, dérange certaines personnes : il y a bien 350 000 chômeurs de moins et 345 000 cotisants en plus aux caisses de sécurité sociale. Il est quand même terrible que cette évidence continue à être détournée.

Pour le reste, comment peut-on penser que je ne connaisse ni les drames que suppose la recherche d’un emploi ni la difficulté à recruter dans certains secteurs ? Comment peut-on imaginer que l’idée qu’on soit passé de 10,2 à 8,8 % de demandeurs d’emploi − alors qu’on était en route pour les 11 % − suffise à mon bonheur et me plonge dans l’euphorie ?

Ce budget a été établi de manière responsable, en tâchant de répondre à une question essentielle : comment passer d’une gestion administrative à une gestion des ressources humaines ? Comment répondre aux besoins de notre économie ? Comment permettre le retour à l’emploi, l’information, le suivi et un accueil de qualité ? Comment faire correspondre l’offre et la demande ? Tel est le grand défi que doit relever notre pays.

Cessons de parler des contrats aidés comme s’ils n’avaient pas changé. Monsieur Gorce, vous avez raison − et vous répondez en cela à M. Gremetz, qui critique les contrats aidés de Picardie −, on en comptait 600 000 en 2002. Il y en a beaucoup moins aujourd’hui, mais ils sont assortis d’une formation obligatoire. Dans ce cadre-là, j’appelle chacun au respect du partenariat. Oui, monsieur Liebgott, nous avons besoin d’une plus grande lisibilité. Mais ce n’est pas l’État qui y est opposé. J’appelle à ce que ces contrats soient mieux adaptés à un vrai retour à l’emploi et soient donc d’une plus grande durée. J’appelle à ce que la formation y soit plus affirmée et que la validation des acquis de l’expérience s’y développe.

Ce budget est essentiellement fondé sur ces principes : former, expérimenter, accueillir, mutualiser nos moyens d’information. Nous savons tous qu’il faudra en passer par les contrats d’apprentissage, par les contrats de professionnalisation, par l’alternance, par les contrats d’avenir formation, qu’il faudra informer sur les nouveaux métiers, accompagner et accueillir. Tous les pays qui sont revenus au plein-emploi, quels que soient leurs modèles économiques et sociaux, sont passés d’une gestion administrative ou assurantielle à la gestion des ressources humaines. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le taux de chômage est de 7 % dans certains territoires alors qu’il est de 40 % dans d’autres. Ce n’est pas une question de modèle social, c’est un phénomène de capacité. J’ai pu le constater l’autre jour dans le quartier des Pyramides, à Évry, en compagnie de la présidente de la SNCF, à l’occasion d’un forum de contact direct avec l’emploi qui a attiré 600 jeunes. C’était une France diverse, bien différente en apparence de votre noble assemblée. À voir les difficultés que rencontrent les recruteurs de la SNCF, le temps qu’ils passent à discuter avec chacun de ces jeunes, on comprend que ce sujet est crucial pour notre pays.

Je voudrais répondre rapidement et clairement sur quelques points particuliers. Le fonds de solidarité bénéficiera d’une recette extrabudgétaire. Je n’ai aucune raison de ne pas faire confiance à mes collègues de Bercy : le problème de la créance UNEDIC a été réglé et la parole donnée a été respectée.

Quant à l’AFPA, il s’agit d’un service public de l’emploi appelé à jouer un rôle de plus en plus important. Je suis convaincu que l’expérimentation de contrats de transition professionnelle pilotée par l’AFPA a un rôle primordial à jouer, sous cette forme ou avec d’éventuelles améliorations. Nos amis de Bercy nous ont promis une recette extrabudgétaire de 160 à 180 millions d’euros avant la lecture au Sénat : je ne céderai pas et j’obtiendrai cette recette extrabudgétaire, faute de quoi nous entrerions dans un conflit majeur. Je ne nourris aucune espèce de doute à cet égard. Six millions sont prévus pour les contrats de transition professionnelle, qui ont vocation à s’étendre, s’il se confirme que l’expérimentation réalisée dans sept sites est un succès. Il s’agit vraiment de passer d’un emploi, d’un métier à un autre sans rupture de revenu et avec un soutien de professionnalisation, notamment grâce à l’AFPA. Au-delà des échéances respectives de chacun, c’est un sujet capital et républicain. Sommes-nous capables de mettre en place un système qui permette les mutations professionnelles sans entraîner de rupture de vie ?

De la même manière et dans le même esprit, la garantie des risques locatifs permet, en cas de mutation, de favoriser la stabilité ou la mobilité sans risques.

Tel est le grand enjeu des années à venir pour notre pays. Pour le reste, on peut discuter du nombre de contrats d’avenir, de CAE, mais c’est beaucoup plus sur la durée des contrats que sur leur nombre qu’il importe de travailler. Le budget de ce ministère a ceci de particulier qu’il est à l’origine de politiques qui, peut-être, améliorent la situation, mais, en même temps, il finance les échecs − ou les succès − des politiques antérieures. C’est un peu comme en matière de logement. Certains dispositifs d’aide voient leurs dépenses se réduire, la diminution du chômage faisant qu’il y a moins de personnes à indemniser. La lecture de ce budget est donc toujours paradoxale. Pour le reste, la commission a largement répondu à toutes les questions, les points particuliers ou techniques ont été évoqués.

Nous avons recruté ou permis de recruter 3 500 personnes à l’ANPE, 2 100 personnes dans les missions locales. Rappelez-vous, il y a quelques années, sur tous les bancs de cette assemblée, les parlementaires de terrain faisaient la moue quand on leur parlait du service public de l’emploi. Qui n’avait une anecdote à raconter sur des formations inadaptées ? On disait qu’ils ne savaient pas faire, que l’accueil n’était pas de qualité, qu’il fallait du suivi personnalisé. Il est vrai qu’il faut se diriger vers le suivi et la discussion hebdomadaires, avec des bilans de compétences. J’assistais l’autre jour à l’inauguration de la maison de l’emploi de Nancy : des structures semblables existent déjà ailleurs en France, mais celle-ci est une maison de rêve, plus belle qu’une médiathèque, avec 2 600 mètres carrés et un très beau comptoir. Tout ce qui fait la richesse de notre pays y est accueilli dignement, notamment tous les prestataires − chambre de métiers, UNEDIC, AFPA, ANPE, chambre de commerce. On y délivre des informations sur les métiers du secteur, les métiers de demain, les possibilités de reconversion, avec des ordinateurs qui diffusent des films dans lesquels des salariés ou des entrepreneurs expliquent leur métier, qu’il s’agisse du bourrelier ou des nouvelles technologies. On y met en place un suivi personnalisé, des exercices de simulation sont pratiqués dans des plateformes de vocation, car nous avons d’autres talents que ceux issus de la formation académique − trop académique − de notre pays. Voilà ce qu’est la gestion des ressources humaines. Si nous bâtissons d’autres cathédrales comme celle-ci, qui tourneront chacun vers l’avenir, au moment où certains sont en très grande fragilité, le plein-emploi sera possible.

Pour conclure, je voudrais évoquer un dernier sujet, l’iniquité territoriale et culturelle. Au-delà des chiffres globaux, ce budget − ou ce que l’on en fera – permettra d’aller chercher les talents là où ils sont. Il y a aujourd’hui un malentendu entre les institutions et certains territoires, notamment en matière d’emploi. Certains pensent que ces emplois ne sont pas pour eux. Avec cet argent que vous allez nous confier, nous allons tout faire pour que tous les territoires retrouvent la même égalité des chances, car, pour rejoindre la République, il faut que chacun, quelle que soit son origine culturelle ou ethnique, pense qu’il a les mêmes chances de prendre pied sur le terrain du succès économique et moral. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

La première question est posée par M. François Asensi, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. François Asensi. Monsieur le ministre, vous avez l’ambition de promouvoir l'emploi dans les régions à faible attractivité économique. Qu'envisagez-vous de faire pour certains territoires situés en Île-de-France et singulièrement en Seine-Saint-Denis, dont je suis l’un des parlementaires ?

Nous vivons dans le département des paradoxes. En Seine-Saint-Denis, pas moins de 15 000 postes ont été créés entre 1995 et 2000, soit l'équivalent d'un « Toyota de Valenciennes » chaque année. Et nous restons, à ce jour, le deuxième département d'Île-de-France en termes de création d'emplois. Pourtant, les habitants de Seine-Saint-Denis, notamment les jeunes, ont les pires difficultés à trouver un travail et ceux qui y travaillent, notamment les cadres, n'y vivent pas, pour beaucoup d’entre eux, ou cherchent à en partir. Malgré son attractivité et ses créations d'emplois, le taux de chômage y reste de 14 %, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans inscrits à l'ANPE reste une fois et demie supérieur à la moyenne régionale et 18 % de la population départementale vit au-dessous du seuil de pauvreté ! Nous avons de plus en plus d'emplois pour des salariés qui, pour beaucoup, ne vivent pas dans nos villes et des emplois qui ne sont pas accessibles notamment aux jeunes des quartiers en difficulté.

Les raisons de cette situation sont connues : la faiblesse de la formation – 70 % des jeunes de Seine-Saint-Denis demandeurs d'emploi ont un niveau inférieur ou égal au CAP-BEP –, une offre de transports publics insuffisante pour accéder notamment aux 80 000 emplois de l'aéroport Charles-de-Gaulle, l'explosion des contrats précaires. À ces difficultés, le Gouvernement ajoute des discriminations à l'emploi avec le retrait, pour des raisons assez obscures, me semble-t-il, de badges d'accès à l'aéroport, dont on parle beaucoup.

Ce découplage persistant entre l'emploi et le lieu de résidence déforme le développement de ce département, installe son décrochage territorial et pénalise l'économie résidentielle. Surtout, il désespère toute une jeunesse en quête d'emplois stables, d'intégration sociale et d'avenir.

Monsieur le ministre, quelles sont les pistes de travail du Gouvernement pour combattre cette double fracture, sociale et territoriale, et pour permettre aux habitants de Seine-Saint-Denis d'avoir accès aux emplois qui se créent dans le département ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, dans mon intervention générale, j’englobais en fait la préoccupation que vous venez d’exprimer et qui est bien réelle. Il se trouve que, dans ce département, les chiffres d’« amélioration », de baisse du chômage sont supérieurs, sur l’année, à la moyenne nationale. Cela dit, la situation est contrastée parce qu’il y a à la fois une distorsion entre l’emploi et le logement, et des poches qui résistent, avec un très important problème de transport et d’accessibilité.

Nous avons commencé par la question qui me tient le plus à cœur, la résorption des poches d’emplois, notamment pour les jeunes – vous vous souvenez de cette phrase prononcée il y a quatorze mois : « Diplômé, mais de Seine-Saint-Denis, j’ai quatre fois moins de chances que… » Nous avons lancé des opérations dites de coaching, d’accompagnement personnalisé. Une première série de 5 000 a été organisée, puis une deuxième, de 5 000 également, et un appel d’offres est actuellement en cours pour 10 000 places complémentaires, le but étant que tous ces jeunes diplômés, sans exception, trouvent un emploi durable et de qualité.

Nous avons eu du mal avec la première opération, parce que, comme toujours, il faut que cela se rode : quel est le bon intervenant extérieur, comment on procède, comment on est au contact ? Nous avons eu beaucoup de difficultés à dépasser les 1 500 dossiers. Puis, la deuxième opération a parfaitement fonctionné. Maintenant, nous avons trouvé le bon rythme.

Nous menons des actions préparatoires au recrutement très ciblées sur des postes disponibles, avec des mises en relation directes. Nous disposons de l’ACCRE, l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprises, qui a été adaptée à ces quartiers. C’est, aujourd’hui, dans notre pays, le principal gisement de création d’entreprises. Et puis, nous avons les opérations de contrats de professionnalisation du PAVA, le parcours d’accès à la vie active, qui a d’ailleurs été confié à l’AFPA.

Bref, nous avons un ensemble de dispositifs pour mener cette bataille de l’équité territoriale, qui me paraît la plus importante. Rien ne serait pire en effet qu’une amélioration globale de l’emploi qui serait sans effets dans ces territoires. Pour ces quartiers, l’amélioration devrait même être chaque année deux à trois fois plus importante pour que, dans les quatre ou cinq ans qui viennent, la République redevienne une et indivisible.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Tout d’abord, monsieur le ministre, je vous prie de m’excuser de ne pas avoir été présent pendant votre intervention : je recevais les syndicats de l’AFPA. Les salariés de l’AFPA manifestent aujourd’hui pour exprimer leurs inquiétudes, qui sont grandes, en particulier sur le devenir de ce grand service public de la formation. Une piste avait été avancée concernant le complément de financement. Maintenant, il n’y a plus de piste, il n’y a plus rien du tout. Les salariés craignent qu’au nom de la décentralisation, l’État ne se désengage et ne demande aux collectivités, notamment les régions, de s’en occuper. Que devient le grand service public national qu’est la formation professionnelle si ce sont les collectivités qui la prennent en charge ? S’il n’y a plus d’unité, il n’y a plus rien.

J’aurais pu être là pour vous écouter, monsieur le ministre, si mes camarades François Asensi et André Chassaigne étaient arrivés plus tôt, car je les aurais envoyés à ma place. Mais comme ils arrivent juste quand ils doivent intervenir…

M. le président. C’est élégant de le faire remarquer.

M. François Asensi. Il est toujours gentil.

M. Maxime Gremetz. Il faut bien que j’explique pourquoi je n’étais là pour entendre le ministre.

M. François Asensi. Il est même charmant !

M. le président. C’est ce qu’on appelle la fraternité de groupe. (Sourires.)

Pouvez-vous poser votre question, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Notre assemblée, dans sa grande sagesse, a supprimé l'article 30 du projet de loi relatif au développement de la participation et de l'actionnariat salarié concernant la réforme des prud'hommes, cette justice qui est une grande originalité française et qu’on nous envie partout. Mais, pour la majorité, il s'agissait d'une manœuvre destinée à renvoyer à un autre texte législatif le vote de cette mesure. L'intention demeure donc, et avec elle, l'inquiétude des conseillers prud'homaux, qui dénoncent la réforme mise sur les rails.

En effet, les décrets d'application déjà prêts sont dénoncés par tous les syndicats comme une atteinte grave à l'exercice de la juridiction prud'homale. Vous le savez, monsieur le ministre, ils ont été sévèrement condamnés par toutes les organisations syndicales de salariés lors de leur présentation au Conseil supérieur de la prud'homie au mois de mai dernier.

La première atteinte porte sur le régime indemnitaire. Le projet de décret entend fixer le nombre maximal d'heures indemnisables à une heure pour la rédaction d'une ordonnance de référé, à trois heures pour celle d'un jugement et à trente minutes pour celle d'un procès-verbal. Il faut faire vite ! Ces durées sont unanimement jugées comme nettement insuffisantes pour effectuer un travail normal, régulier, et assurer la qualité des jugements rendus comme de leur préparation.

Limiter le temps de rédaction du jugement aurait pour conséquence une motivation moins étayée, et donc la pénalisation des justiciables, à savoir, pour l'essentiel, des salariés. Cela risquerait d'amener les conseillers à effectuer bénévolement un travail supplémentaire pour mener à bien et sérieusement leurs dossiers. C’est un grand travail, le conseil des prud’hommes...

La deuxième inquiétude porte sur la responsabilité du contrôle des actes. S'il est de la responsabilité des greffiers en chef de vérifier les relevés d'activité prud'homale et de signaler d'éventuelles anomalies, on ne peut accepter un système aboutissant à la rectification autoritaire des relevés par ce dernier. Ce sont les responsables de la juridiction, président et vice-président, chacun pour son collège, qui doivent être saisis par le greffe et qui doivent examiner le problème avec le conseiller concerné. Ce contrôle doit avoir pour objectif non la sanction financière, mais l'aide à surmonter les difficultés éventuellement rencontrées par le conseiller, ou encore les mesures collectives à prendre pour faire face à des dossiers d'une particulière complexité.

Enfin, s'agissant des frais de déplacement, de transports et de repas, l'alignement sur la situation des fonctionnaires n'est acceptable que si on prend en compte la spécificité des conseillers salariés : contrairement aux magistrats professionnels, pour lesquels deux lieux sont en cause – domicile et siège du tribunal –, ceux-ci ont à gérer les déplacements entre leur domicile, leur lieu de travail et le siège du conseil. Par ailleurs, la limitation au remboursement des trajets entre le conseil et « la commune la plus éloignée dans le ressort du conseil ou d'un conseil limitrophe » doit être levée pour les habitants des grandes métropoles et en cas de mobilité professionnelle imposée en cours de mandat.

Aussi, monsieur le ministre, j’ai failli dire monsieur le Premier ministre…

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Ce n’est pas la première fois, vous l’avez déjà fait quand j’étais ministre du logement.

M. Maxime Gremetz. C’est vrai ? J’en rêve alors ? (Sourires.)

Je souhaiterais savoir quelles sont vos intentions et celles du Gouvernement vis-à-vis des inquiétudes, que nous partageons, exprimées par l’ensemble des conseillers prud'homaux et des organisations syndicales.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il est vrai que le conseil des prud’hommes est une institution bien française, qui est inscrite dans notre paysage et à laquelle nous sommes tous très attachés. Non seulement c’est une institution professionnelle…

M. Maxime Gremetz. Remarquable !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. …dont le taux d’infirmation n’a rien à envier à celui des autres juridictions, mais c’est également, implicitement, un lieu de connaissance, et même de compréhension mutuelle parfois. Cette grande juridiction a donc toute sa place dans la société française.

Le garde des sceaux avait demandé au procureur général, M. Desclaux, de rédiger un rapport, les dernières modalités de fonctionnement datant de 1982. Ce rapport a été examiné par la Chancellerie et par Gérard Larcher. Chemin faisant, la concertation sert à cela, le Conseil supérieur de la prud’homie a fait part d’un certain nombre d’inquiétudes, de divergences ou de demandes de précisions. C’est ainsi que dans le texte relatif à la participation qui est en discussion aujourd’hui et demain au Sénat, M. Larcher doit débattre pour l’essentiel du déplafonnement des heures et de la fixation des indemnités, qui passeraient, par un décret en Conseil d’État, de 6,05 euros à 6,96 euros de l’heure, tout cela intervenant dans le cadre d’améliorations qui intègrent les remarques du Conseil supérieur de la prud’homie.

M. Maxime Gremetz. C’est donc satisfaisant.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, avec le prix de camaraderie. (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Oui, il le mérite : il regarde de loin et il me laisse faire. C’est la solidarité à distance !

M. André Chassaigne. Merci, monsieur Gremetz.

Monsieur le ministre, ma question concerne les modalités de mise en œuvre des actions de réactivation des bassins d'emploi.

L'article 118 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a créé l’obligation pour les entreprises de signer avec l'État une convention prévoyant des actions de réactivation dès lors qu'elles procèdent à une fermeture totale ou partielle ayant, par son ampleur, des conséquences sur l'équilibre du bassin d'emploi.

La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a repris cette obligation : sauf lorsqu'elles font l'objet d'une procédure de dépôt de bilan, les entreprises doivent contribuer à la création d'activités et au développement des emplois. Le montant de leur contribution ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé, soit environ 2 500 euros. Toutefois, le représentant de l'État peut fixer un montant inférieur lorsque l'entreprise est dans l'incapacité d’assumer la charge financière de cette contribution.

Or les licenciements qui affectent par leur ampleur l'équilibre des bassins d'emploi résultent le plus souvent de la fermeture de sites spécifiques appartenant à des groupes industriels et financiers, qui procèdent à ces fermetures au moyen de procédures morcelées individualisées par site et conduisant à des dépôts de bilan successifs.

Parallèlement, le ministère de l'industrie intervient régulièrement, via le Comité interministériel de restructuration, le CIRI, pour accompagner des procédures de mandat ad hoc assorties de moratoires destinés à aider ces groupes à effectuer leur restructuration économique, mais sans aborder le volet industriel et social des bassins concernés.

En cas de dépôt de bilan, ces groupes, dont les actionnaires accumulent par ailleurs des profits gigantesques, sont artificiellement exonérés de la contribution financière prévue par votre loi de cohésion sociale destinée à soutenir la création d’activités et le développement des emplois.

Par exemple, le groupe de décolletage EURODEC, détenu par l’actionnaire UBS – Union des banques suisses –, a déposé à plusieurs reprises le bilan de filiales : en 2005, liquidation des sociétés Camus dans le Rhône et Briffaz en Haute-Savoie, 140 emplois supprimés ; en 2006, dans ma circonscription, à Thiers, liquidation de DAPTA SAS, avec 190 emplois supprimés et seulement 250 salariés repris par le cessionnaire. Avant les vagues successives de suppressions d’emplois, l’effectif initial, en 2003, était de 570 salariés !

Ce groupe EURODEC, qui a signé un moratoire avec le CIRI en juillet 2005, continue d’envisager la fermeture ou la vente de nouveaux sites, par exemple dans la Loire au Chambon-Feugerolles, en étant finalement exonéré de la contribution financière prévue par la loi de cohésion sociale.

Avec le concours du ministère de l’industrie et du CIRI, l’État aide ces groupes à se réorganiser économiquement en participant parfois financièrement à leur restructuration. Dans ce contexte, monsieur le ministre, comment pouvez-vous les obliger à acquitter la contribution financière prévue par la loi de cohésion sociale, même en cas de dépôt de bilan de sites particuliers ? Car ces dépôts de bilan remettent bien en cause, par leur ampleur, l’équilibre de nos bassins d’emploi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Chassaigne, Je vous remercie de me demander l’application d’une loi de cohésion sociale que vous n’avez pas votée !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas une réponse digne d’un ministre ! La loi de modernisation sociale de 2002 prévoyait déjà une telle disposition. Je trouve votre réponse indécente ! Lorsqu’une décision est prise, elle doit être appliquée !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons prévu un texte pour revitaliser les bassins industriels. C’est un texte difficile, compliqué…

M. André Chassaigne. Qui reprend la loi de 2002 !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il est différent et il la « renforce », selon le terme même que vous avez utilisé dans votre question, monsieur Chassaigne.

La vraie question que vous posez est celle de la limite de la personne morale, ce qui ne justifie pas de vous mettre dans un tel état. Ce texte donne aux préfets, qui exercent l’ensemble des compétences de l’État sur un territoire donné et qui disposent des capacités techniques et morales leur permettant d’agir – ils président des réunions auxquelles participent les services fiscaux, sociaux, industriels, ou du moins de revitalisation industrielle –, le pouvoir de gérer ce délicat problème. Il faut en effet une autorité unique pour assurer la cohérence de ces interventions interministérielles et parfois même de partenaires extérieurs, en particulier pour mettre en place les moratoires de cotisations sociales.

Je vous répondrai franchement : le guide pratique idéal n’existe pas, même si la loi nous donne des capacités d’intervention et de négociation. Dans la plupart des cas, l’État gagne, mais pas systématiquement, comme on a pu le constater malheureusement, malgré les efforts du procureur, dans un bassin minier que M. Gremetz connaît bien.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le ministre, dans le cadre de la loi de programmation de cohésion sociale du 18 janvier 2005, puis de la loi du 26 juillet 2005, vous avez pris des engagements pluriannuels, notamment concernant les services à la personne. Le chèque emploi universel s’est inscrit dans cette démarche et les premiers résultats observés montrent le succès rencontré par cette formule : 65 000 emplois créés au premier semestre 2006. C’est un très beau succès qui répond à une attente forte de nos concitoyens. De son côté, l’Agence des services à la personne œuvre pour professionnaliser et valoriser ces emplois indispensables à la vie quotidienne.

La mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2007 prévoit un programme « Développement de l’emploi », qui regroupe divers dispositifs destinés à stimuler la création d’emplois, via l’allégement de cotisations patronales de sécurité sociale, et ciblés sur certains secteurs, notamment, là encore, les services à la personne.

Monsieur le ministre, quelles mesures proposez-vous pour intensifier cet effort en faveur de la création d’emplois dans ce domaine qui représente un gisement d’emplois particulièrement utiles et dont l’efficacité est d’ores et déjà reconnue ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Aurillac, le plan de services à la personne est entré dans sa phase opérationnelle, notamment en ce qui concerne la professionnalisation. Des assises de la professionnalisation se tiennent actuellement dans chaque région. C’est là que se gagnera la bataille !

Il faut en effet intensifier le développement de l’emploi dans ce secteur. Pour cela, le budget de l’Agence permet de réaliser les adaptations nécessaires de manière à organiser un soutien quasiment interministériel, et ce de façon permanente. J’ajoute qu’un certain nombre d’amendements, dont certains présentés par M. Jego, permettront aussi d’amplifier ce programme.

M. le président. La parole est à M. Robert Diat.

M. Robert Diat. Le développement d’un tissu économique varié et dynamique est bien difficile dans certains territoires du fait de leur isolement ou de leurs particularités géographiques. Je pense bien entendu aux territoires ruraux dont je suis l’élu. Ces villes et villages, qui souffrent parfois de la proximité et de la concurrence de grandes agglomérations, mais dont le cadre de vie pourrait être fortement amélioré par la présence de nouveaux services, attendent des mesures concrètes pour ne pas devenir des villes ou villages dortoirs.

Désormais, dans ces communes rurales, les seules activités économiques encore présentes sont bien souvent le café-restaurant et l’épicerie. En l’absence de mesures fortes, même ces petits commerces se trouvent aujourd’hui menacés de disparition. Or, ce sont des lieux de vie et de communication entre les habitants.

Dans un souci d’aménagement harmonieux du territoire, il est donc indispensable de préserver ou de développer un tissu d’entreprises de proximité, qui ont un rôle important à jouer du point de vue tant de l’emploi que des services rendus aux populations rurales. Paradoxalement, cette problématique est également présente dans certaines zones urbaines qui concentrent une forte population et un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour favoriser le développement de l’emploi dans ces territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. L’équité territoriale en matière de formation et d’emploi est cruciale. Nous l’avons vu dans le cadre du redéploiement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation : si, par exemple, vous voulez faire de la plasturgie et que vous habitez à Millau, le premier centre de formation est extrêmement éloigné. Il n’en va pas de même dans les grandes agglomérations où il est beaucoup plus facile de trouver une formation à distance raisonnable. Mais la cristallisation des difficultés économiques et sociales dans certains quartiers rend également l’accès à l’emploi plus complexe. Des dispositifs de financement ont donc été mis en place pour que nous puissions travailler selon ces deux axes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, les maisons de l’emploi sont un élément clé de votre plan, non seulement parce qu’elles constituent un guichet unique, mais parce qu’elles témoignent de la volonté gouvernementale de mener des actions d’anticipation et d’accompagnement, notamment à travers la GPEC.

Néanmoins, dans beaucoup de régions, des structures telles que les maisons ou les espaces de l’économie et de l’emploi préfiguraient l’actuel dispositif. Or il est souvent plus difficile de passer d’une formule à une autre parce qu’il est plus simple de faire du neuf que de partir de l’existant et de le reconfigurer.

En outre, il ne faudrait pas que les structures pionnières soient pénalisées alors qu’elles avaient anticipé en accomplissant de nombreux et substantiels efforts. Il me paraîtrait donc logique que ces efforts soient entièrement assimilés aux actions nouvelles exigées des maisons de l’emploi pour obtenir le soutien public. Monsieur le ministre, pourriez-vous rassurer les collectivités qui ont pris un peu d’avance ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Garrigue, je sais que ce sujet vous tient particulièrement à cœur, et pour cause puisque vous êtes un pionnier en la matière.

À terme, ce sont 300 maisons de l’emploi qui seront créées en cinq ans, soit à peu près une par bassin d’emploi. Le rythme de ces créations est normal. Actuellement, 194 maisons de l’emploi sont labellisées et on peut espérer atteindre le chiffre de 300 d’ici à trois ou quatre mois. Mais la labellisation ne signifie pas pour autant que la réussite soit totale.

Je vous rappelle que le financement de l’État, sur lequel vous m’interrogez, a pour vocation d’inciter ceux qui ne travaillent pas totalement en réseau à le faire. Il s’agit d’aider les différents acteurs, car ce n’est pas une compétence de l’État. La rigueur voudrait donc que je vous dise qu’il n’est pas possible de financer les structures existantes. En même temps, il faut savoir que les maisons de l’emploi ne sont jamais achevées, qu’elles participent à un processus continu : c’est en travaillant ensemble, en mettant en commun toutes les informations, en unifiant tous les guichets, en connectant tous les ordinateurs, que l’on gagnera la bataille des ressources humaines. Nous tiendrons donc compte de votre observation et nous soutiendrons aussi les pionniers, mais peut-être dans une moindre proportion.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Michel Liebgott, pour poser la question de M. Christian Paul.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, M. Christian Paul, qui ne peut être ici ce matin, m’a demandé de vous poser la question suivante.

D’abord, il tient à rappeler que les crédits de la mission « Travail et emploi » sont malheureusement en diminution et que ceux destinés aux publics en difficulté chutent de 8 %. Il souligne également que les objectifs fixés en matière de contrats aidés ne sont pas atteints. Certes, les crédits augmentent mais le nombre de contrats prévus diminue. Il s’interroge enfin, non sans humour, sur le contrat d’avenir de ce gouvernement qui, pour ces dossiers, ne semble pas pouvoir atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

La question qui intéresse les élus locaux comme les parlementaires est relativement simple. Partant du constat que l’efficacité n’est pas tout à fait au rendez-vous, que certains dispositifs existants n’ont pas encore démontré leur parfaite adéquation aux problèmes posés, et que nombre de jeunes restent encore sur le bord de la route, ne faudrait-il pas finalement rassembler toutes les énergies de façon différente, sans se renvoyer les uns les autres les responsabilités ? Je pense notamment aux collectivités locales, auxquelles on demande de prendre le relais alors qu’il n’y a pas eu de véritables négociations avec elles. Elles jugent nécessaire l’organisation d’une sorte de Grenelle à ce sujet. L’Association des départements de France, en particulier, souhaiterait que soit remise à plat la politique de cohésion sociale. Et je ne parle même pas des régions, qui se voient transférer la formation.

On évoque la possibilité d’une action unique d’insertion pilotée par le ministère. De manière plus générale, compte tenu de l’absence d’équité entre les territoires, ne faudrait-il pas ouvrir un grand débat associant toutes les collectivités concernées ? Il ne s’agirait pas de faire pression sur les collectivités locales, de se défausser sur elles au risque d’aggraver leur fiscalité, mais d’examiner avec elles comment conduire ces actions uniques partout dans le pays, ce qui permettrait de ne plus laisser personne sur le bord du chemin.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, le plan de cohésion sociale a fait l’objet d’une concertation très approfondie avec l’Association des maires de France, l’Association des départements de France et l’Association des régions de France. Le Conseil économique et social a également, à ma demande, été saisi de ce plan. Son rapport a d’ailleurs permis de faire évoluer le texte lors de son examen au Parlement par le biais d’amendements émanant de tous les bancs. Mais il ne me semble pas inconcevable d’organiser un débat complémentaire.

J’ai mis en place un comité d’évaluation et de suivi du plan, où toutes les sensibilités sont représentées. Dans le même esprit, nous examinerons tout à l’heure des amendements qui portent sur diverses expérimentations, car je considère qu’en la matière il faut faire preuve de pragmatisme. Mais je ne suis pas du tout fermé à votre proposition.

souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis très heureux de saluer, en votre nom, la présence dans nos tribunes d’une délégation du Burundi conduite par le Président de la République. (Mmes et MM. les députés ainsi que M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement se lèvent et applaudissent.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Reprise de la discussion d’un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

travail et emploi (suite)

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à Mme Marie-Renée Oget.

Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le ministre, en cette fin d'année, faute d'éléments pour élaborer leur budget prévisionnel 2007, les missions locales sont très inquiètes. Elles connaissent des difficultés financières qui, dans de nombreux cas, pourraient les conduire, à court terme, à devoir licencier. Ainsi, la relative stabilité du budget que vous présentez pour le financement étatique des missions locales est à mettre en perspective avec la diminution des crédits européens du FSE. Annoncée avant l’été, cette baisse de crédits est évaluée à 31 % pour la Bretagne, alors que ces fonds représentent 35 % des ressources de certaines missions locales, dont celle du Centre Ouest Bretagne que je préside.

Bien que M. Larcher ait déclaré partager ces inquiétudes sur la pérennité des fonds européens, comme en témoigne la réponse qu’il a faite le 5 avril dernier à M. Lépinay, président de l'Union nationale des missions locales, les services de l'État, interrogés plus récemment, ne garantissent pas de solution alternative, comme cela apparaît dans une réponse en date du 2 octobre dernier du directeur régional de la DRTEFP de Bretagne.

Or, sans compensation de l'État, les missions locales ne pourront pas poursuivre leur activité tournée vers l’insertion des jeunes dans l’emploi, et notamment de ceux qui connaissent les plus grandes difficultés à accéder durablement au monde du travail.

Le manque de garanties sur le financement du fonctionnement des structures pour l’année à venir et l’absence d’une solution rapide risquent de conduire de nombreuses missions locales à des situations de cessation de paiement, et donc à licencier les conseillers les plus récemment recrutés en CIVIS. Certaines, dont celle que je préside, ont d’ailleurs engagé une procédure de sauvegarde.

Face à l'urgence de la situation, envisagez-vous, monsieur le ministre, de compenser la baisse des crédits du FSE et, dans l'affirmative, sous quel délai ? Quelles garanties pouvez-vous donner aux missions locales quant à la pérennité de leur financement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la députée, la meilleure garantie que nous pouvons donner aux missions locales, c’est que nous avons besoin d’elles, que nous comptons sur elles, que nous apprécions leur travail et que nous leur en avons déjà apporté la preuve. En effet, nous leur avons confié la gestion des CIVIS – à ce jour, 145 000 contrats ont été signés –, les opérations ponctuelles de réception et de retour – on constate une amélioration de 22 % – et nous avons financé directement 2 100 recrutements dans les quatorze derniers mois.

Mme Marie-Renée Oget. Oh !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Oget, c’est la première fois dans l’histoire des missions locales que de telles mesures ont été intégralement financées par l’État !

Pour ce qui est des fonds européens, vous avez raison : nous devons anticiper leur évolution. Je vous confirme que nous procédons actuellement à une nouvelle ventilation et à une redistribution des crédits du FSE. J’adresserai la semaine prochaine un courrier aux missions locales et aux conseils régionaux, pour leur assurer que les financements seront bien les mêmes en 2007 qu’en 2006.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, après le drame de Saussignac, après les états généraux de l’inspection du travail, après les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’amiante qui ont mis en lumière le déficit en personnels de contrôle, vous avez annoncé un plan de recrutement de 700 agents sur quatre ans, dont 240 inspecteurs du travail, 420 contrôleurs et 40 ingénieurs de sécurité. Cette annonce, en fin de législature, de recrutements financés sur les exercices budgétaires à venir, 2007-2010, n’a aucun caractère contraignant dès lors qu’ils ne s’inscrivent pas dans une loi de programmation.

Ce plan résonne comme un aveu tardif de votre défaillance à répondre pendant quatre ans aux besoins de l’inspection du travail. Votre seul engagement réel est de créer, en 2007, 70 postes d’inspecteurs, 120 postes de contrôleurs et 10 postes de médecins et ingénieurs de sécurité, soit seulement 106 équivalents temps plein. L’absence de toute création d’emploi de secrétaire montre bien que vous souhaitez concentrer les effectifs nouveaux sur des missions spécifiques, et non renforcer et développer les moyens des sections territoriales. Vous avez d’ailleurs déjà lancé un appel à projets auprès des directions régionales pour l’utilisation spécifique des moyens nouveaux. Cette politique ne correspond ni aux besoins réels de l’inspection du travail ni aux attentes des salariés.

Monsieur le ministre, quelle place reconnaissez-vous aux sections territoriales dans l’action de l’inspection du travail, et quels moyens nouveaux entendez-vous leur affecter ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Vidalies, le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, qui a fait l’objet d’une large consultation et est actuellement piloté par Gérard Larcher, permet de répondre à plusieurs préoccupations.

Il vise d’abord à renforcer les effectifs de l’inspection du travail avec la création de 650 emplois d’inspecteurs et de contrôleurs dans un cadre pluriannuel. Dès 2007, 204 agents seront affectés dans les douze régions pilotes volontaires.

La mise en œuvre du plan santé au travail 2005-2009 s’accompagnera de la généralisation de cellules pluridisciplinaires d’appui, composées de médecins du travail et d’ingénieurs de sécurité, pour faciliter les actions de prévention des risques professionnels.

Ce plan permet de conduire une véritable politique du travail en lien avec la politique de l’emploi, grâce à la création de la direction générale du travail, chargée d’animer et de soutenir l’action des services sur le terrain et d’exercer les fonctions d’autorité centrale de l’inspection du travail dans le sens donné par les conventions internationales.

Nous avons également créé un Conseil national de l’inspection du travail, de façon à encore mieux garantir les missions de l’inspection du travail, dans le sens des conventions 81 et 189 de l’OIT.

L’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, centre de formation du ministère du travail, sera, quant à lui, transformé en établissement public afin d’enrichir le contenu des formations des agents recrutés et de mieux tenir compte de l’évolution de l’environnement et de l’organisation du travail dans un contexte européen et mondial.

Nous envisageons enfin de diversifier les modes de recrutement en ouvrant une troisième voie d’accès aux cadres expérimentés du secteur privé ou du monde syndical.

M. le président. Nous en arrivons aux questions du groupe UDF.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Nombreux sont les plus de cinquante ans à la recherche d’un emploi qui veulent continuer à faire bénéficier notre pays de leurs connaissances et de leur expérience. Pourtant, depuis vingt ans, leur taux d’activité est, en France, l’un des plus faibles d’Europe. Vous avez donc eu raison, monsieur le ministre, de lancer en juin dernier le plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors, qui prévoit en particulier une aide dégressive à l’employeur.

Malheureusement, la pratique ne suit pas toujours. Ainsi, à Lyon, de nombreuses personnes m’ont fait part de leur découragement : lorsqu’elles avaient trouvé une entreprise prête à les embaucher, l’ANPE, où elles se rendaient pour ouvrir un dossier, les éconduisait au motif que les budgets de l’ASSEDIC ne le permettaient pas. Le directeur des ASSEDIC-Vallées du Rhône et de la Loire me l’a confirmé par courrier. Vous me répondrez que le dispositif fonctionne bien puisque l’enveloppe annuelle de cet organisme était entièrement consommée dès le mois de juillet.

Toutefois, pour vous comme pour nous, l’enjeu est d’importance et je vous serais reconnaissante de nous expliquer comment vous entendez rétablir la situation et éviter que le problème ne se reproduise l’année prochaine car l’emploi des seniors est un des éléments de la France de toutes les chances.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame la députée, ce que vous dites est juste. Il ne s’agit heureusement pas d’un dysfonctionnement massif mais le problème que vous soulevez existe bel et bien.

L’emploi des seniors est crucial, au point de faire l’objet d’un plan sur lequel les partenaires sociaux se sont mis d’accord et que l’État accompagne sur le plan législatif et financier et à l’aide de campagnes de communication. L’aide dégressive à l’employeur est l’un des outils essentiels de ce plan. Dans ce domaine, nous nous heurtons à l’obstacle de la budgétisation. L’ASSEDIC a fait ses prévisions et fixé, comme il se doit, une enveloppe en début d’année. Mais il ne faudrait pas qu’une erreur d’appréciation compromette une politique qui marche !

J’ai donc vu avec nos partenaires de l’ASSEDIC comment remédier à ce problème, afin de poursuivre une politique voulue par les partenaires sociaux en accord avec l’État, et qui fonctionne particulièrement bien en Rhône-Alpes. Ce serait dommage de s’arrêter là.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations figurent parmi les premières priorités affichées par le Gouvernement.

Les pratiques discriminatoires sont bien connues, elles ont été mises en évidence notamment par le testing effectué par l'observatoire des discriminations de l'université Paris I. Le rapport de la HALDE pour l’année 2005 présente des chiffres éclairants : 45 % des réclamations enregistrées par ses services concernent l'emploi. Ce type de discrimination a fait l'objet l'année dernière d'un rapport rendu par une commission présidée par l'ancien ministre de l'industrie Roger Fauroux. Ce document préconisait plusieurs mesures pour engager une politique active de lutte contre les discriminations à l'embauche, parmi lesquelles figure le fameux CV anonyme.

Vous le savez, monsieur le ministre, je suis particulièrement attaché à cette disposition. Je l'avais d’ailleurs proposée dès le débat sur le projet de loi de cohésion sociale, débat à la suite duquel vous avez demandé son rapport à M. Fauroux. L'UDF a enfin obtenu que le CV anonyme soit inscrit dans la loi, lors de l'examen au Sénat du projet de loi pour l'égalité des chances.

Le débat sur le CV anonyme tourne aujourd'hui autour d'une question principale : faut-il, pour en généraliser l’application, recourir à la loi ou à la négociation collective ? Vous avez choisi la deuxième solution et M. Larcher a suspendu la publication du décret d’application. Résultat : un accord national interprofessionnel qui a le mérite d’exister, mais dont il faut bien reconnaître qu’il est fort peu contraignant pour les entreprises. Il y a quelques jours encore, dans la presse, une des organisations syndicales l’a déclaré « totalement creux ». Alors de deux choses l'une : soit le dialogue social fait ses preuves et les partenaires sociaux gagnent notre confiance, ou bien il échoue et c’est au législateur de prendre ses responsabilités, encore qu’il les ait déjà prises en votant l’article 24 de la loi relative à l'égalité des chances.

On pourra m’objecter que le CV anonyme ne peut être mis en œuvre dans de nombreuses PME, et cela peut se comprendre. Sans doute le décret d’application permettrait-il des aménagements. Cela étant, 51 % des salariés français estimeraient que leur entreprise pratique la discrimination à l'embauche, et 84 % d’entre eux considèrent qu'il faut encourager les actions en faveur de la diversité sociale. Il faut toujours manier les chiffres avec prudence, ils mettent cependant en évidence que le phénomène est mieux perçu, tant les facteurs de discrimination sont nombreux : âge – les plus de quarante-cinq ans ont de plus en plus de mal à trouver un emploi, comme le prouve la question précédente –, sexe, origine, handicap, apparence, domiciliation...

Vous connaissez l'importance de la question de l'emploi dans les quartiers sensibles, monsieur le ministre. Vous savez aussi que la réaffirmation des principes de la République et de l'égalité des chances doit se traduire par des mesures fortes, immédiatement visibles, à côté d’actions de plus long terme. Devant l'insuffisance du résultat de la négociation collective, et alors que la représentation nationale s'est déjà prononcée, êtes-vous prêt à faire entrer en vigueur le CV anonyme en publiant le décret d'application ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Enfin ! Enfin notre pays a pris à bras-le-corps le problème de la discrimination. Il aura fallu trente ans ! C’est l’âge des lois canadiennes et américaines. Enfin la Haute autorité, enfin des chartes de la diversité, enfin un débat sur le CV anonyme ! Nous sortons enfin d’une période de déni farouche, de tabous et d’hypocrisie.

Pour en venir plus directement à votre question, je suis un partisan du CV anonyme. Nous en avons parlé dans le débat sur la loi de programmation pour la cohésion sociale. Je suis également un partisan du dialogue social. À partir du moment où les partenaires sociaux nous donnent un accord de principe tout en nous demandant un délai pour procéder à des expérimentations dans quelques branches, il paraît raisonnable de leur dire OK et de les laisser faire, mais en leur demandant d’aller vite ! Il ne peut s’agir que d’une expérimentation en grandeur réelle. À défaut d’aboutir, il faudra faire autrement.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Dominique Paillé.

M. Dominique Paillé. Monsieur le ministre, mon intervention en début de séance posait en elle-même une question simple sur la réglementation applicable au temps de travail des éducateurs dans les lieux de vie et d’accueil. Un de vos collaborateurs m’ayant dit que vous alliez me donner satisfaction, je meurs d’envie de vous entendre.

M. le président. Merci d’avoir respecté le temps qui vous était imparti, monsieur Paillé.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La réponse est simple car le travail préparatoire a été fait. Un amendement au projet de loi réformant la protection de l’enfance devrait introduire un dispositif de décompte de la durée du travail spécifique, adapté à la fonction exercée par les responsables et les personnes qui les aident ou les remplacent, selon des modalités de présence identiques, auprès des personnes accueillies.

La question a été étudiée par un groupe de travail réunissant les différents ministères concernés, des représentants des conseils généraux et la Fédération des lieux de vie.

M. Dominique Paillé. Merci, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Robert Diat.

M. Robert Diat. Chacun reconnaît le rôle fondamental des chantiers d’insertion et des associations intermédiaires pour accompagner le retour à l’emploi durable de nos concitoyens en difficulté. En effet, le secteur de l’insertion par l’activité économique a montré toute la pertinence qu’il y avait à mettre en situation de travail les personnes les plus éloignées de l’emploi. En outre, le plan de cohésion sociale reconnaît les ateliers et chantiers d’insertion comme des outils de socialisation indispensables. Il est donc important que le taux de prise en charge des contrats d’accompagnement dans l’emploi soit maintenu durablement au niveau pratiqué, c’est-à-dire 105 % du SMIC. Dans le même temps, compte tenu des succès rencontrés par les professionnels de l’insertion, il est indispensable d’augmenter le nombre de personnes bénéficiaires de ces dispositifs d’aide.

Le Gouvernement a fait part de sa volonté de conforter la place des associations dans le dialogue civil en la fondant sur des relations contractuelles entre les pouvoirs publics et ces associations, ainsi que sur la reconnaissance de l’activité bénévole. Il a indiqué que des mesures seraient prises pour assurer la trésorerie du secteur en versant au plus tôt les subventions dues au titre de conventions, notamment pluriannuelles.

Quelles sont, monsieur le ministre, les mesures budgétaires qui permettront de faciliter le travail remarquable accompli par ces associations qui œuvrent au quotidien auprès de nos concitoyens en très grande difficulté ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, le plan de cohésion social a prévu un soutien massif à ce secteur décisif, auquel je tiens à rendre hommage ainsi qu’à ceux qui le représentent dans l’ombre et qui nous alertent, je pense notamment au président Alphandéry.

Le plan comportait des mesures complémentaires, notamment pour adapter la durée des contrats et le financement des structures, indépendamment du taux de prise en charge qui a été ensuite fixé à 105 % du SMIC. Je vous confirme qu’il sera maintenu l’année prochaine, en attendant de faire le point courant 2007 et de passer à une nouvelle étape.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, la situation de l’emploi à Mayotte défie toute comparaison, avec un taux de chômage qui plastronne à plus de 35 %, et qui est plus élevé encore chez les jeunes, et une couverture sociale encore balbutiante. Ce sont là les principaux éléments qui ont conduit l'Assemblée nationale à créer une mission d'information confiée à la commission des affaires sociales pour examiner la problématique des minima sociaux sur le territoire. Le rapport qui en est issu, adopté à l'unanimité, propose au Gouvernement diverses mesures pour encourager le développement de l'emploi.

Il s'agit notamment d'étendre à Mayotte l'exonération de charges prévue dans la loi Girardin ; d’étendre le dispositif « enveloppe régionale unique » qui offre aux préfets de larges facilités de modulation et d'adaptation des contrats aidés aux publics visés ; enfin, de mettre en place un dispositif adapté du RMA en lien avec la lutte contre le travail non déclaré.

Ces propositions émanent d'abord des hauts fonctionnaires du ministère de l'emploi et du ministère de l'outre-mer ; ensuite des ministres auditionnés par la mission, notamment de votre collègue de l'outre-mer qui reconnaît, face à l'ampleur de l'inactivité de la population, qu'un système de revenu minimum d'activité pourrait représenter une alternative intéressante. Il concluait que ce dispositif permettrait de diminuer le coût du travail déclaré, mais devrait être adapté à la situation locale de l'emploi et au droit du travail mahorais.

Ma question est donc simple mais grave, car elle intéresse des hommes et des femmes qui demandent à travailler pour donner à manger à leur famille : le Gouvernement entend-il tirer les conséquences de ce rapport afin de développer l'emploi à Mayotte et va-t-il opter pour l'introduction d'un dispositif de RMA dès le 1er janvier prochain ?

Je le répète, monsieur le ministre, la situation est grave, et je vous ai déjà invité à venir nous voir pour prendre vous-même la mesure du problème. C’est la troisième fois que je profite de la discussion budgétaire pour attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés de l’emploi. Je souhaite du fond du cœur arriver à des mesures concrètes, car ce que nous refuserons de donner par le travail, nous finirons par le donner sous la pression de la rue. Je préférerais que Mayotte n’en arrive pas là et j’attends de vous une réponse positive.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Kamardine, le Gouvernement, en vertu de la loi du 23 mars 2006, s’est attaché au dispositif d’intéressement au retour à l’emploi. Toutefois, comme ces mesures fonctionnent selon le principe du contrat d’insertion-RMA et qu’il n’y a pas de minimum social aujourd'hui à Mayotte, leur application ne peut y être envisagée, hormis celle de l’allocation aux adultes handicapés. Je le répète : l’activation d’un minimum social est techniquement impossible à Mayotte.

La mission que vous avez menée pour faire face à cette situation a souligné la nécessité de développer des dispositifs aidés propres au secteur marchand, notamment pour le développement de l’emploi féminin. En l’absence de contrat aidé pour le secteur marchand, une mission conjointe du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement et de celui de l’outre-mer a travaillé sur la base de votre rapport en vue de permettre la mise en place à Mayotte d’un tel dispositif : contact sera donc pris avec vous dans les semaines qui viennent pour les modalités de mise en œuvre.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe socialiste.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conséquences de l'annulation par le Conseil d'État des textes validant l'accord relatif à l’application des 35 heures dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration.

Un amendement de l’UMP, préparé, je l’imagine, en accord avec le Gouvernement, a rétabli à titre provisoire les clauses de l’accord de 2004 que le Conseil d’État a supprimées en application de la loi sur les 35 heures : une semaine de congé supplémentaire pour les salariés ainsi qu’un jour férié supplémentaire à partir du 1er juillet 2006. Toutefois, cet amendement, qui est arrivé comme un cavalier dans la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui fixe comme date butoir le 31 janvier 2007 pour la conclusion par les partenaires sociaux d'un nouvel accord de branche dans ce secteur, est à l’évidence inconstitutionnel et devrait donc être censuré.

Or nous avons appris durant l’examen de cet amendement non seulement que ce secteur a reçu des aides très importantes les années passées, mais que celles-ci seraient encore accrues, sans même que les résultats en termes d’emplois soient au rendez-vous. C’est ainsi qu’en juillet 2004, une aide à l'emploi de 500 millions d'euros octroyée avec une perspective de 1,5 milliard d'euros pour 2005 – il s’agissait de l’article 10 de la loi Sarkozy du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et l'investissement – n'a pas eu de traduction en termes de créations d'emplois. De même, au printemps 2006, le Gouvernement s'est engagé sur l'application d'un plan de croissance et d'allégement de charges sociales et fiscales devant permettre 40 000 créations d'emplois par an dans ce secteur. Qu’en est-il aujourd'hui, après les exonérations des cotisations sociales sur les avantages en nature et les aides forfaitaires à l'emploi, qui ont coûté, en 2006, 530 millions d'euros, et alors même que le projet de loi de finances pour 2007, dans le cadre du programme « Développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », prévoit un nouvel engagement de 697 millions d’euros ? Sans oublier l’amendement que vous allez nous présenter, visant – comme s’il en était besoin – à précariser davantage encore l’emploi dans les entreprises de moins de vingt salariés, au seul bénéfice de celles-ci.

Vous souhaitez des accords de branche, ce qui suppose que soit trouvé un équilibre, l’accord devant être gagnant-gagnant. Les aides nombreuses que vous avez fournies à ce secteur ont déjà coûté beaucoup d’argent public : quelles demandes allez-vous formuler, monsieur le ministre, pour que la négociation collective aboutisse à un accord de branche qui soit aussi gagnant pour les salariés, c’est-à-dire respectueux de leurs intérêts en termes de créations d’emplois et de rémunération ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, il ne vous a pas échappé que, de manière générale, les négociations collectives étaient en panne depuis une dizaine d’années. Il ne vous a pas échappé non plus que certaines branches professionnelles avaient des conventions encore rédigées en francs – c’est dire le retard ! – et qu’en conséquence Gérard Larcher a mené une politique très active pour inviter les branches professionnelles à négocier. Enfin, il ne vous a pas échappé que, dans le secteur des hôtels-cafés-restaurants, le temps de travail était très supérieur aux 40 heures, que le nombre de semaines de congés payés était inférieur à celui en vigueur dans presque toutes les autres branches professionnelles et qu’il existait encore ce qu’on appelle pudiquement le SMIC hôtelier, un salaire très en dessous du SMIC horaire national. Il était donc absolument nécessaire d’améliorer la situation afin que, comme vous l’avez fait justement remarquer, chacun dans ce secteur puisse être gagnant.

Or nous ne connaissons pas de meilleure manière d’atteindre un tel résultat que d’inciter les partenaires sociaux à négocier. Les négociations se sont déroulées dans les règles et un accord majoritaire est intervenu. Même si plusieurs organisations syndicales n’y étaient pas favorables, une seule a porté le différend devant le Conseil d’État, si bien qu’après l’annulation, des millions de personnes se retrouvent dans une situation de trouble. L’amendement que vous évoquez a eu pour objet d’y remédier et nous demandons en même temps que la négociation reprenne – c’est la position du Gouvernement affirmée par Gérard Larcher –, dans le cadre d’une commission mixte paritaire visant à faire avancer le dossier.

Chacun sait que les métiers de l’hôtellerie et de la restauration sont des métiers difficiles, aux astreintes horaires pénibles et dans lesquels la fidélisation est faible : le taux de départ en cours d’année des apprentis y est le plus élevé. Les salariés connaissent donc un vrai problème de conditions de travail, mais il faut aussi prendre en compte les difficultés professionnelles des commerçants. Il appartient donc aux partenaires sociaux de trouver le meilleur point d’équilibre. Le Gouvernement est en tout cas très attaché à ce que l’accord soit effectivement gagnant-gagnant parce que, je le répète, il y va des conditions de travail et de la fidélisation des salariés ainsi que du développement de ce secteur.

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, en 2005, le rapporteur pour avis du budget de la formation professionnelle vous alertait déjà sur les risques de démantèlement de l'AFPA à travers la remise en cause des dotations de l'État et une tentative à peine dissimulée, – du moins la redoutons-nous – de privatisation du service public de la formation professionnelle des adultes.

Une fois de plus, le budget 2007 – je l’ai dit dans mon intervention – traduit le désengagement de l'État, puisqu’il manque entre 150 et 200 millions d’euros pour assurer l’équilibre du budget de l’AFPA et qu’une partie de ces ressources manquantes devrait provenir d’une surtaxe de la taxe d’apprentissage, qui a été contestée dans son principe et, surtout, dans son affectation par l’ensemble des parlementaires. Le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Joyandet, ici présent, a avoué que, s’agissant des crédits manquants – les ressources extrabudgétaires qui devaient être affectées à l’AFPA –, il n’avait pu obtenir les renseignements nécessaires. Il a également précisé que l’affectation d’une fraction de la taxe sur l’apprentissage, qui devrait contribuer pour partie seulement à ce financement, posait un problème dans la mesure où « ce n'est pas la destination première de cette taxe que de financer la formation professionnelle des adultes. » Élargissant sa critique – celle-ci ne provient donc pas seulement de l’opposition –, il ajoute que « de manière générale, le recours voilé à des ressources extrabudgétaires paraît peu scrupuleux des droits du Parlement puisqu'il altère la portée de vote des crédits. Sous l'empire de la nouvelle loi organique, ces derniers doivent former des ensembles cohérents au service de fins déterminées. En considérer seulement une partie ne peut qu'en altérer la bonne appréciation. »

C'est dire, monsieur le ministre, si le Gouvernement dans cette action est critiqué, en raison à la fois de l’insuffisance des moyens qu’il attribue à l’AFPA et de la méthode qu’il utilise pour tenter de trouver des ressources extrabudgétaires.

Ajoutons que les régions ne savent toujours pas comment et sur quelle base sera garantie la compensation du transfert de la compétence de formation professionnelle – une compétence récente pour elles. Je rappelle que la loi du 13 août 2004 dispose que les compétences nouvellement attribuées aux régions en matière de formation professionnelle et « donnant lieu à l'organisation et au financement, par l'État, de stages de l'AFPA leur seront transférées au plus tard le 31 décembre 2008 ». Toutefois, « ce n'est que sous réserve de la conclusion d'une convention entre le représentant de l'État dans la région, la région et l'AFPA définissant le schéma régional des formations et le programme d'activité régional de l'AFPA, que sera effectuée la compensation financière par l'attribution de ressources équivalentes aux subventions versées par l'État à l'AFPA pour l'exercice de ses compétences. »

Or non seulement le transfert de la part de recettes de la taxe d'apprentissage prévue à l'article 61 a été supprimé par un amendement en commission – ce qui a au moins le mérite de rappeler que telle n'était pas sa destination initiale –, mais, de plus, en raison de votre action, l'AFPA est confrontée à la concurrence d’entreprises privées de formation professionnelle sans garantie pour l'avenir.

Ma question sera donc double : direz-vous aux salariés de l'AFPA qui manifestent aujourd'hui leur inquiétude et leur mécontentement que vous allez faire reposer l'avenir du service public de la formation professionnelle des adultes sur une ressource incertaine et opaque ou répondrez-vous à leurs inquiétudes en acceptant la modification que nous proposerons par voie d’amendement visant à abonder les crédits de fonctionnement de l'AFPA ?

Votre réponse sera un signal envoyé à la fois aux millions de salariés concernés par l'avenir de la formation professionnelle et aux agents de ce grand service public qu’est l’AFPA.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je vous remercie de votre question, monsieur Gorce, parce qu’elle me permet de vous répondre très clairement sur le sujet.

Premièrement, l’AFPA est un instrument essentiel. Deuxièmement, un problème d’équilibre existe : il n’est pas admissible en effet que des compétences transférées après des négociations globales ne soient pas exercées. Or un grave dysfonctionnement s’est produit en la matière l’an dernier : alors que les « stages AFPA » leur avaient été transférés, certaines régions ont traîné les pieds pour les assurer. Cette situation était suffisamment grave pour que nous mettions en place un financement exceptionnel destiné à relancer les stages AFPA – tout à fait remarquables – qui avaient été interrompus dans de nombreuses régions. Il faut donc poursuivre l’expérience et j’invite sincèrement les régions à assumer leur part de responsabilité, comme ce fut le cas pour les contrats d’avenir.

Le financement est un point que j’ai déjà évoqué. Vous savez que trois organismes me sont chers : l’ANPE, les missions locales et l’AFPA. Pour simplifier, grâce à une affectation du FUP, je disposais de moyens pour l’AFPA. Pour un certain nombre de raisons que je peux comprendre – vous les avancez aussi –, il semblerait que ce prélèvement ne reçoive pas un écho positif. C’est pourquoi j’attends l’affectation d’une recette complémentaire extra-budgétaire – donc pérenne –, pour un montant équivalent. J’en ai reçu l’engagement de la part de Bercy et c’est l’engagement qu’à mon tour je prends à votre égard, tout devant s’effectuer sous le contrôle du Parlement, et vis-à-vis du personnel de l’AFPA.

M. Yves Jego, suppléant M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances. Très bien !

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 3080, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la construction d’un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l’État de l’Amapá :

Rapport, n° 3358, de M. Jacques Remiller, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d’examen simplifiée en application de l’article 107)

Discussion du projet de loi, no 3191, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l’article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d’un Office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention :

Rapport, n° 3386, de M. Yves Nicolin, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d’examen simplifiée en application de l’article 107)

Discussion du projet de loi, no 3196, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la propriété commune d’un système de sauvetage sous-marin :

Rapport, n° 3403, de M. Jean-Pierre Kucheida, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d’examen simplifiée en application de l’article 107)

Discussion du projet de loi, no 3400, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif au raccordement de l’autoroute A 35 à la route nationale N 2 entre Bâle et Saint-Louis :

Rapport, n° 3402, de Mme Martine Aurillac, au nom de la commission des affaires étrangères.

(Procédure d’examen simplifiée en application de l’article 107)

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Travail et emploi ; articles 57, 58, 59, 60 et 61 (suite) :

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural (compte spécial) ; article 41 :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 4, de M. Alain Marleix, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Avis, n° 3365, tome I, de MM. Antoine Herth et Aimé Kergueris, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)