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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mercredi 15 novembre 2006

52e séance de la session ordinaire 2006-2007

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

Direction de l’action du gouvernement (programme
« coordinationdu travail gouvernemental »)

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la coordination du travail gouvernemental.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame la présidente, monsieur le ministre de la fonction publique, mes chers collègues, 383,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 358,3 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés en 2007 au programme « Coordination du travail gouvernemental ».

Compte tenu des changements de périmètre et des modifications de structure liés à la reconfiguration du budget annexe des Journaux officiels, ces moyens budgétaires sont globalement stables, s’agissant pour l’essentiel de crédits de fonctionnement destinés aux services rattachés au Premier ministre, qui représentent la continuité de l’État et dont les structures évoluent donc assez peu compte tenu de leurs fonctions principales.

Tout d’abord, le Premier ministre exerce une fonction d’état-major liée à la direction du Gouvernement. Le nouveau secrétaire général du Gouvernement, M. Serge Lasvignes, est aussi le responsable du programme. J’ai rencontré la secrétaire générale des affaires européennes, Mme Pascale Andréani, qui m’a démontré la très grande efficacité de ce service assez méconnu. Je tiens à le souligner, monsieur le ministre, puisque, l’année dernière, j’avais eu l’occasion d’être un peu critique. La critique était fort méritée, d’ailleurs, et la louange peut l’être tout autant dans d’autres circonstances.

Cela m’amène à poser la question, dans la perspective d’une nouvelle composition ministérielle, du rattachement direct auprès du Premier ministre du ministre chargé des affaires européennes, car il s’agit d’un travail de coordination proprement interministériel qui, vous en conviendrez, ne concerne pas uniquement les affaires étrangères.

Ensuite, le Premier ministre joue un rôle de coordination sectorielle, et il dispose pour cela notamment de la direction générale de l’administration et de la fonction publique ou de la commission d’indemnisation des victimes de spoliations. Sur ce point, la commission des finances a toujours considéré que les crédits de fonctionnement devaient être directement rattachés aux programmes correspondants, conformément à l’article 7 de la LOLF. La commission des finances a adopté un amendement sur ce sujet, et j’en ai déposé un en mon nom propre. Ils seront débattus ici vendredi, avec les crédits de la fonction publique.

Le Premier ministre doit en outre disposer d’un véritable outil de stratégie et de prospective afin de l’aider techniquement à préparer les décisions gouvernementales sans dépendre uniquement de l’expertise des différents services ministériels, notamment du ministère des finances. C’est pourquoi le Centre d’analyse stratégique a été créé en mars dernier, à la fois pour redynamiser le Commissariat général du Plan et pour mutualiser le fonctionnement des nombreuses instances qui gravitent autour de lui.

À ce sujet, d’ailleurs, je m’interroge sur l’évanescence, pour utiliser une litote, de certains des thèmes évoqués par le Conseil d’analyse de la société, et je considère qu’ils pourraient être traités directement par le Centre d’analyse stratégique. M. Giscard d’Estaing est en train d’expliquer à M. Piron ce qu’est que cet étrange conseil. C’est celui qui a été créé lorsque le Premier ministre de l’époque considéra que la présence de M. Luc Ferry n’était plus tout à fait indispensable au gouvernement. Je ne suis pas sûr qu’il faille une sorte d’ANPE de luxe, monsieur le ministre, et je vous demande d’en juger de façon très objective en regardant le travail qui a été accompli.

La directrice générale du centre, Mme Sophie Boissard, est consciente de la nécessité de garantir l’indépendance intellectuelle des chercheurs et de tenir compte des demandes du Parlement. À ce titre, on doit déplorer l’absence de saisine du centre par les présidents des deux assemblées, alors que cette saisine est rendue possible par les textes. Pour faciliter ces demandes, peut-être serait-il préférable, mais c’est une décision qui relève de notre assemblée, qu’elles émanent directement des commissions compétentes sur le fond, qui pourraient aussi procéder à des auditions du centre.

Figurent également dans le programme « Coordination du travail gouvernemental » les crédits destinés aux autorités administratives indépendantes que le législateur a entendu rattacher budgétairement au Premier ministre. Parmi elles, le médiateur de la République a mis en œuvre, dans l’esprit de la LOLF, une démarche de rationalisation de la gestion et de mesure de la performance interne de ses services. Le médiateur exploite jusqu’au bout les compétences que la loi lui confère, en usant même de son pouvoir d’injonction vis-à-vis des administrations. Nos commissions gagneraient à être régulièrement en contact avec M. Jean-Paul Delevoye, car il peut nous soumettre un certain nombre de propositions de réformes qui répondent à nombre de difficultés administratives et iniquités que subissent nos concitoyens, par exemple, en matière fiscale, en ce qui concerne la fiscalité des couples et des concubins.

La nomenclature budgétaire actuelle est fondée sur le principe du rattachement des autorités administratives indépendantes au programme dont relève leur domaine d’intervention, conformément à l’article 7 de la LOLF. Il traduit en effet la contribution croissante de ces différentes instances aux objectifs et indicateurs des politiques publiques. La commission des finances a toujours refusé de fonder une nomenclature budgétaire sur une structure administrative, fût-elle indépendante, et elle ne saurait donc soutenir la création d’une mission « Régulation et protection des libertés » regroupant toutes ces autorités, ou un programme par autorité administrative indépendante.

En revanche, j’estime possible et souhaitable de regrouper au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », sur un nouveau programme intitulé « Défense et protection des droits et des libertés », les crédits des instances indépendantes à caractère interministériel qui concourent à cet objectif de politique publique. Ces crédits sont actuellement dispersés sur trois actions du programme « Coordination du travail gouvernemental » alors qu’ils ne concourent pas à une telle politique publique. La taille réduite d’un tel programme, de l’ordre de 14 millions d’euros, 24 millions avec la CNIL, n’est pas dirimante car aucune fongibilité n’est envisageable entre services ministériels et autorités indépendantes. La garantie de leur indépendance tient justement au fait que les crédits mis à la disposition de ces instances ne sont pas soumis à arbitrage par les autorités ou services contrôlés par ces mêmes autorités.

De la même manière, la commission des finances a toujours souhaité le rattachement du CSA à la mission « Médias », sous la forme d’un programme autonome dénommé « Régulation de l’audiovisuel ». Nous aborderons tous ces sujets à l’occasion de la discussion des amendements, vendredi après-midi, et je crois ne pas trahir la pensée de M. Martin-Lalande en disant qu’il est d’accord avec moi.

J’en viens aux Journaux officiels et à la Documentation française. À partir de 2007, les moyens consacrés aux actions d’information et de renseignement administratifs sont regroupés avec ceux de la direction des Journaux officiels dans un nouveau budget annexe, qui constitue la mission « Publications officielles et information administrative ». Cette mission comprend deux programmes, comme la commission des finances l’avait demandé l’an dernier et conformément à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006. Elle sera dotée de 190,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 196,9 millions d’euros en crédits de paiement.

L’adaptation aux nouvelles technologies est le maître mot de la construction de ce budget annexe. Le rapprochement entre les deux directions doit permettre de garantir un niveau d’activité suffisant pour maintenir un service de qualité. Il faut à cet égard se féliciter des 15 millions d’euros d’investissement programmés pour poursuivre la mise à jour de l’outil de production, afin de l’adapter à la numérisation de la production de l’administration.

En ce qui concerne les personnels, un accord a été signé entre l’organisation syndicale et la direction des Journaux officiels au début du mois d’octobre, avec pour conséquence une réduction progressive des effectifs d’ici à 2010 dans le cadre de départs volontaires en préretraite. Je tiens à signaler les risques d’un départ dès cinquante ans, car cela peut avoir des conséquences humaines très lourdes, et les hommes n’ont pas à payer à ce prix le passage à l’ère numérique. Il faut espérer qu’un maximum d’accompagnement social et psychologique sera prévu pour ces personnes.

Ce sacrifice volontaire, pour faire vivre l’outil d’excellence que sont les Journaux officiels et la Documentation française, doit permettre de préparer l’avenir et non de le fermer comme à l’Imprimerie nationale. C’est pourquoi le Gouvernement doit faire vivre avec le plus de dynamisme possible ces deux directions, en leur garantissant une activité à la mesure de leur très haut potentiel technique et éditorial.

Pour conclure, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative ». Sur les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », nous nous prononcerons vendredi, ce qui n’est pas très cohérent en termes d’organisation des débats. J’espère qu’une solution plus satisfaisante sera trouvée sur ce point pour l’an prochain. Je ne suis pas certain, monsieur le ministre, que c’est vous qui serez là où vous êtes aujourd’hui,…

M. Michel Piron. Ce serait dommage !

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. …mais vous savez qu’il n’est point nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer – je parle évidemment de la majorité actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits.

La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le souligner le rapporteur spécial de la commission des finances, le programme « Coordination du travail gouvernemental » peut sembler, et c’est un euphémisme, – ce qui ne choquera pas M. Brard – hétéroclite de prime abord.

En effet, depuis l’année dernière, l’ensemble des organes rattachés aux services du Premier ministre sont réunis dans un seul programme, ce qui n’était pas le cas dans les précédentes lois de finances. Cependant, il est apparu cohérent de réunir ces organes institutionnels – qui étaient indépendants ou relevaient précédemment d’autres autorités – dans un souci de rationalisation et, surtout, d’unification de traitement autour du secrétariat général du Premier ministre.

Même si d’importants changements de périmètre sont intervenus à cette occasion – ce qui rend toujours difficile les comparaisons d’un exercice sur l’autre, notamment au titre de la loi organique sur les lois de finances – ce programme permettra, j’en suis certain, d’optimiser la gestion des services, notamment pour ce qui concerne les emplois budgétaires. C’était, je crois, monsieur le ministre, ce que vous souhaitiez obtenir.

Globalement, les crédits alloués à chaque organe restent stables, ce qui montre, s’il le fallait, la volonté du Gouvernement de continuer à développer les actions déjà entreprises les années précédentes, tant en matière de publications publiques que de services apportés aux administrés, notamment grâce au Médiateur de la République, au Conseil supérieur de l’audiovisuel ou aux autorités chargées de défendre les libertés.

Les crédits de paiement du programme sont, je tiens à le souligner, en sensible diminution puisqu’ils passent de 397 à 358 millions d’euros.

Au nom du groupe UMP, j’invite donc la représentation nationale, fortement mobilisée ce soir,…

M. Michel Piron. Le mot n’est pas trop fort !

M. Louis Giscard d’Estaing. Mais la qualité est au rendez-vous !

J’invite donc la représentation nationale à voter ce budget, qui permettra à ces organismes institutionnels de poursuivre leur action d’information, d’assistance aux administrés et de conseil auprès du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque le temps imparti au groupe que je représente ne dépasse pas cinq minutes, je ne m’attarderai pas sur mon propos liminaire, d’autant plus que j’en avais déjà fait état l’année dernière.

Alors que la LOLF est censée illustrer une nomenclature simplifiée du budget de l’État, le découpage des crédits gérés par les services du Premier ministre, entre quatre missions budgétaires, n’aide pas à leur bonne compréhension, les débats au sein même de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » étant saucissonnés. Ce ne sont pas moins de cinq rapporteurs spéciaux qui ont la tâche de présenter les crédits concernés, et ceux qui nous intéressent aujourd’hui sont relatifs à dix actions !

À défaut d’une réelle cohérence dans la présentation, – ce qui ne laisse pas augurer une unité dans l’action, comme l’observation immédiate de l’action politique du Gouvernement l’illustre assez bien – permettez-moi, monsieur le ministre, d’adresser aux services un satisfecit : le « bleu » budgétaire de cette année est beaucoup plus précis et mieux rédigé que celui de l’année dernière. Le Premier ministre connaît donc parfaitement l’organisation et la structure de ses services, ce qui est plutôt rassurant. Mais on ne peut pas en dire autant des documents retraçant la vérité budgétaire des autres missions du Gouvernement.

Je ne m’attarderai pas non plus sur la baisse globale des crédits, certes minime, mais réelle, rappelée par M. Giscard d’Estaing. À périmètre constant, les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » passent de 367 millions d’euros à un peu plus de 358 millions d’euros. En effet, les moyens consacrés à l’information administrative sont désormais regroupés avec ceux de la direction des Journaux officiels dans un nouveau budget annexe. Et pour ce qui est de l’analyse budgétaire des différents services du Premier ministre, – notamment en termes d’emplois – je renvoie au rapport spécial de notre excellent collègue Jean-Pierre Brard.

Je voudrais formuler quelques observations.

À l’action n° 1, les crédits d’équipement de la commission interministérielle de la politique immobilière de l’État n’apparaissent plus en dépenses d’investissement. Ils ont été transférés à un compte d’affectation spéciale et relèvent de dépenses de fonctionnement, ce qui est heureux puisque les opérations concernées sont pluriannuelles. Les opérations de mise en conformité, liées à la conservation du patrimoine, d’aménagements, d’extension ou de réhabilitation ne peuvent souffrir, comme c’est malheureusement le cas concernant les monuments historiques, des à-coups budgétaires liés à une régulation annuelle trop sévère. L’État a besoin d’une continuité ; la France doit continuer de vivre.

S’agissant de l’action n° 3, les dépenses de fonctionnement connaissent une augmentation impressionnante de 3 224 %. Outre les dépenses désormais obligatoires relatives aux frais d’interprétation des réunions des instances communautaires, pour 1 million d’euros, le secrétariat général des affaires européennes se voit ainsi doté, en 2007, de 250 000 euros afin de préparer la présidence française de l’Union européenne au cours du deuxième semestre 2008, dont 200 000 euros — excusez du peu — au seul titre de la phase de développement du site internet de cette présidence. Internet coûte cher et il ne reste pas grand-chose pour le reste – échanges, déplacements, séminaires. Cette apparente pingrerie à l’endroit du futur Président de la République – sachant que charité bien ordonnée commence par soi-même – est-elle la réponse à la question que certains d’entre vous se posent sur ce futur président ?

Par ailleurs, je regrette vivement la stagnation des crédits du CSA alors que l’année 2007 sera celle des élections présidentielles et législatives. On peut penser que le CSA sera très sollicité et qu’il serait prudent d’anticiper pour lui donner les moyens d’accomplir sa mission.

Pour conclure, je voudrais souligner la qualité du travail effectué par notre rapporteur spécial. Son rapport donne une vision budgétaire complète, une lecture exacte et exhaustive des missions assurées par les services placés sous l’autorité du Premier ministre. J’en reprendrai les conclusions, en particulier pour ce qui concerne le vote des crédits.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de vous présenter, au nom du Premier ministre, les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et de la mission « Publications officielles et information administrative ».

S’agissant tout d’abord du programme « Coordination du travail gouvernemental », les crédits soumis à votre approbation pour 2007 s’élèvent à 384 millions d’euros en autorisations d’engagement et 358 millions d’euros en crédits de paiement. Vous aurez remarqué que le périmètre du programme a notablement évolué par rapport à 2006, avec la sortie des moyens consacrés aux actions d’information et à la commission interministérielle de la politique immobilière et le regroupement des moyens consacrés à la stratégie et à la prospective.

Les crédits demandés pour 2007 doivent permettre aux services rattachés au Premier ministre de l’assister dans les fonctions suivantes : les fonctions d’état-major liées à la direction du Gouvernement – le secrétariat général du Gouvernement , le secrétariat général de la défense nationale, le secrétariat général des affaires européennes – les fonctions de stratégie et de prospective, – le centre d’analyse stratégique – et les fonctions de coordination sectorielle à la direction générale de l’administration de la fonction publique.

Les crédits du programme assurent également le financement des huit autorités administratives indépendantes et de certains organismes consultatifs.

S’agissant de la mission « Publications officielles et information administrative », qui intègre cette année les moyens consacrés à La Documentation française et aux renseignements administratifs, les crédits s’élèvent à 190 millions en autorisations d’engagement et à 197 millions en crédits de paiement, dont 142 millions en autorisations d’engagements et 149 millions en crédits de paiement, au titre des Journaux officiels.

Je remercie votre rapporteur spécial et les deux orateurs des groupes de leurs interventions. M. Brard s’est interrogé sur la pertinence des thèmes évoqués par le conseil d’analyse de la société. Je considère que le regroupement des différents organes d’analyse et de conseil dans un seul budget opérationnel favorisera la cohérence et la complémentarité des études des différents organismes. J’ai bien noté votre inquiétude, mais je pense que le fait d’aborder la question sous cet angle, avec un seul budget opérationnel, nous permettra d’éviter les doublons.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » seront mis aux voix à la suite de l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

mission « publications officielles
et information administrative »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative », inscrits à l’État C.

État C

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative ».

(Les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative » sont adoptés.)

Après l’article 62

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 304.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de la fonction publique. Cet amendement est destiné à permettre à La Documentation française de percevoir une redevance pour les services qu’elle rend, conformément au nouveau régime des budgets annexes instauré par la LOLF.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial. J’ai apprécié, monsieur le ministre, vos propos sur le conseil d’analyse de la société ; nous partageons le même souci d’efficacité de la dépense publique dans l’esprit de la LOLF. Ainsi que vous l’avez dit, il n’y aura qu’un seul budget opérationnel. Nous pouvons faire confiance à Mme Boissard pour y mettre un peu d’ordre.

S’agissant du CSA, je partage l’avis de M. Dufau. Il s’agit d’un vrai problème que nous ne réglerons pas cette année. Avec la TNT, les chaînes se sont multipliées et les agents du CSA passent leur temps à écouter, surveiller pour quantifier. Ils ont donc de plus en plus de travail mais ils n’ont pas plus de moyen, puisqu’en euros courants les crédits sont quasiment constants.

L’amendement du Gouvernement n’a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j’y suis favorable. Il s’agit en effet d’une mesure de cohérence avec l’intégration de La Documentation française dans le budget annexe des Journaux officiels. Cet amendement préserve l’avenir car il consolide les recettes du budget annexe. Enfin, il permet de respecter la LOLF. Je vous rappelle que nous avons adopté l’année dernière la même disposition pour les recettes des Journaux officiels, avec l’article 164 de la loi de finances pour 2006.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 304.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la coordination du travail gouvernemental.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures, est reprise à vingt-deux heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Culture, cinéma, audiovisuel
et expression radiophonique locale

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la culture, au cinéma, à l’audiovisuel et à l’expression radiophonique locale.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la création et pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la création et pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Madame la présidente, monsieur le ministre de la culture, mes chers collègues, contrairement aux apparences, un budget n'est pas un document comptable. Il s'agit plutôt d'un examen de santé : la radioscopie d'une politique. Puisque la Constitution de 1958 a fait du Parlement un spécialiste chargé d'ausculter les actions du Gouvernement pour en déceler les carences ou, au contraire, les excès, examinons donc ce soir l'état de santé de la politique culturelle de la France.

Grâce à une hausse sans précédent de ses crédits, la mission « Culture » disposera l'année prochaine de 3,2 milliards d'euros, puisqu’une vision d'ensemble suppose qu’on additionne les moyens dont on m'a confié l'analyse et ceux affectés au programme « Patrimoines », qui seront exposés par mon excellent collègue Nicolas Perruchot.

Pour les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » dont j'ai la mission de commenter les évolutions, les crédits demandés représentent 1 653 680 000 euros en crédits de paiement et 1 635 230 000 euros d'autorisations d'engagement.

Le programme « Création » est doté de 801 millions d'euros en crédits de paiement et de 794 millions d'euros en autorisations d'engagement. La baisse apparente des crédits de 15 % par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances pour 2006, que certains d'entre vous ont certainement notée, ne signifie pas une hémorragie des crédits de la culture, tout au plus une réorganisation des moyens de l'État ; elle résulte en réalité de trois transferts importants, qui seront réalisés à l'occasion de cette loi de finances : 169 millions d'euros, provenant de la dotation globale de décentralisation, la DGD, feront désormais l'objet, dès la loi de finances, d'une inscription au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », et c'est le ministère de l'intérieur qui en assumera la charge.

D'autre part, les crédits du Centre national de la cinématographie, qui s'élèvent à quelque 8 millions d'euros, sont transférés vers le programme « Transmission et démocratisation » dans le but de simplifier la gestion des crédits du centre.

Pour être complet, je signale enfin que des virements ont été faits au profit du programme « Création » au cours de la gestion 2006, afin de permettre une adaptation de la masse salariale : celle-ci n'avait pas été répartie avec assez de finesse lors de l'élaboration de la dernière loi de finances, comme nous l'avions souligné l'an dernier.

La commission des finances a conscience que ces ajustements ont été rendus nécessaires par les tâtonnements inévitables s’agissant de la première mise en œuvre de la LOLF. C'est la raison pour laquelle il nous faut considérer que, à structure constante et dans un contexte délicat, les crédits du programme « Création » progressent en fait de 3,3 %. Nous ne saurions raisonnablement afficher un quelconque mécontentement puisque c'est la direction que nous avions souhaitée, soutenue et encouragée.

Je voudrais, par quelques remarques complémentaires, entrer un instant dans les détails, afin de bien cerner les évolutions au sein du programme.

Nous devons en tout premier lieu nous réjouir de la restructuration de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la DMDTS. Un audit sur les aides aux compagnies, qui nous semblait urgent et nécessaire, a été lancé. À cet égard, il convient de préciser que si la mise en place de la LOLF et les gels de crédits ont entraîné en 2006 des difficultés dans le versement des subventions aux compagnies, ces problèmes ne devraient plus se reproduire en 2007.

Un effort particulier de 850 000 euros devrait être consenti cette année en faveur de la Comédie française, qui permettra notamment d’aménager sous les colonnes de Buren deux salles de répétitions pour les sociétaires.

Les grands projets d'investissement que vous nous avez présentés, monsieur le ministre, au titre du programme « Création », sont significatifs, qu'il s'agisse, entre autres, du lancement très attendu du chantier du Grand Auditorium de la ville de Paris, pour 3,15 millions d'euros, de la première tranche de travaux de la salle Favart de l'Opéra-comique, ou encore du lancement des travaux du futur Centre européen de création contemporaine de l'île Seguin, qui mobilisera un million d'euros.

Par ailleurs, 5 millions d’euros assureront le financement du fonds de professionnalisation et de solidarité prévu dans le cadre du protocole d’accord de 2006.

Il faut enfin évoquer rapidement la réforme de l’assiette de la taxe affectée au Centre national du livre, dont le produit devrait passer de 20 à 35 millions d’euros, permettant de stabiliser les recettes et d’apporter une réponse à l’évolution du secteur du livre et de l’édition. L’objectif est de renforcer ce secteur économique essentiel, en particulier au moment où il se trouve en première ligne pour le renouveau du lien social, mais aussi – ne le négligeons pas – d’éduquer les esprits et de les mettre en garde contre les dangers du monde d’aujourd’hui, en particulier contre ce cancer de l’intelligence que sont le piratage et la contrefaçon.

Il s’agit également de financer le projet de bibliothèque numérique européenne, dont la Bibliothèque nationale de France a aujourd’hui la responsabilité. Nous vous soutenons, monsieur le ministre, dans cette démarche.

Une autre facette de l’action culturelle s’exprime dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » – puisque vous avez choisi de conserver cet intitulé un tantinet complexe. Avec 853 millions d’euros en crédits de paiement et 841 millions d’euros en autorisations d’engagement, vous comptez mener à bien un certain nombre de chantiers.

Relevons, par exemple, l’adaptation des établissements publics d’enseignement supérieur au nouveau système Licence-Mastère-Doctorat, ou LMD, pour 2,7 millions d’euros supplémentaires, la concrétisation de la numérisation ou la poursuite des travaux de rénovation menés par les écoles d’architecture et les écoles d’art.

Compte tenu des différents transferts opérés, dont celui qui vise au regroupement des crédits du CNC sur ce programme, et de la participation du ministère à l’expérimentation sur les loyers budgétaires à hauteur de 15 millions d’euros, les crédits du programme, vous en êtes conscient, diminuent d’un peu plus de 3 % à structure constante. Cette baisse concerne essentiellement les dépenses de personnel, qui diminuent de plus de 7 %, traduisant ainsi les efforts significatifs du ministère en faveur d’une meilleure gestion de ses effectifs.

Il n’est pas si fréquent qu’un rapporteur de la commission des finances puisse annoncer une baisse des dépenses. Nous l’avions appelée de nos vœux ; il convient donc de la saluer à sa juste mesure et de vous adresser, monsieur le ministre, nos chaleureuses félicitations. Sans publicité, vous avez su courageusement convaincre vos directions tout en expliquant vos projets. Vous démontrez ainsi qu’avec de la pédagogie et de la volonté, il n’est pas de politique réformatrice qui soit impossible, aussi ambitieuse soit-elle.

Comme le dit avec justesse le poète et ancien député Aimé Césaire, avec qui vous vous êtes d’ailleurs entretenu en septembre dernier dans sa maison de la Martinique, l’homme de culture doit être un « inventeur d’âmes ».

Vous avez montré votre détermination. Il n’y a pas de raison qu’elle faiblisse lorsqu’il s’agit d’accélérer l’entrée en fonction d’un secrétaire général au sein du ministère, que nous avions également appelée de nos vœux ardents et que vous aviez promise l’an dernier.

Je ne souhaite pas revenir ce soir sur le respect des engagements du ministère en matière immobilière.

M. Michel Bouvard. Et pourtant !

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création et la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Hier après-midi, en effet, vous avez tenté de rassurer la commission des finances : votre volonté garantit le calendrier des cessions des ensembles de bâtiments rendus vacants par le regroupement de vos services au sein de l’immeuble dit des Bons-Enfants.

La confiance que je vous fais, monsieur le ministre, n’a d’égale que la vigilance du contrôle auquel le Parlement soumettra votre administration. Au-delà de la mission de service de l’intérêt général et de l’État à laquelle ils se sont engagés, vos agents sont les artisans de notre rayonnement culturel et nous attendons d’eux un comportement des plus responsables. Nous continuerons à vous aider à affermir votre autorité légitime afin de les guider sur une voie d’évolution et de réforme au service de notre politique culturelle.

Je n’achèverai pas cette analyse sans évoquer le compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » ; ce sont là, vous le savez, des sujets me sont chers. Il s’agit ici d’accompagner et d’aider une filière professionnelle qui concourt non seulement à la diffusion de l’image de la France de manière directe, mais aussi au maintien d’un savoir-faire de qualité dans l’ensemble des métiers artistiques liés au cinéma. Dans un monde tourné vers l’image, le cinéma français reste un pôle d’excellence culturelle et intellectuelle, mais aussi d’attractivité économique. Je souhaite donc très vivement que les efforts engagés soient reconduits et démultipliés.

Sans entrer dans le détail, il faut remarquer que la dotation du programme « Industries cinématographiques » devrait passer de 264 millions d’euros en 2006 à 270 millions d’euros en 2007. Celle du programme « Industries audiovisuelles » progressera également, passant de 232 millions d’euros l’an dernier à 236 millions d’euros en 2007, soit 224,5 millions d’euros hors fonction support. Enfin, la dotation destinée au soutien à l’expression radiophonique locale, également en augmentation, atteindra 24,10 millions d’euros.

Notre politique culturelle est donc en assez bonne santé, puisqu’elle a les forces nécessaires pour relever les défis qui l’attendent. Elle le doit indéniablement au régime et aux exercices de musculation auxquels vous avez soumis votre département. Dans l’ensemble, des progrès sensibles ont été réalisés, malgré les quelques rhumatismes fâcheux et ankyloses d’un autre âge que l’on décèle encore dans certains de vos services et dont je ne doute pas que le traitement soit en bonne voie.

Nous savons cependant, grâce au Dr Knock de Jules Romains, que « tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ». J’ai dit que le pouls du ministère – entendez : son budget – était bon. Il me reste à examiner les progrès accomplis dans l’application des principes posés par la loi organique relative aux lois de finances, c’est-à-dire à vérifier la tension.

C’est le moment où il me faut, hélas, froncer le sourcil. En effet, malgré les observations formulées l’année dernière, les crédits relatifs aux personnels des services déconcentrés du ministère sont restés rattachés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». La commission des finances le déplore vivement, car c’est contraire à l’esprit de la loi organique, qui prône une présentation des crédits par finalité et une logique de coût complet.

Par ailleurs, le regroupement des crédits destinés au CNC, qui est demandé dans le projet de budget et que j’ai déjà évoqué, me semble répondre davantage à une logique de destinataire qu’à une logique de programme.

Enfin, il semble que la première année de mise en œuvre de la LOLF ait fait apparaître certaines pratiques qui ne sont pas conformes aux principes de souplesse de gestion et de responsabilité posés par la loi organique. Nous souhaiterions que les responsables de programmes retrouvent les prérogatives et les moyens nécessaires pour gérer les programmes dont ils ont la charge et agir sur la gestion de la masse salariale. Aujourd’hui, en effet, ils ne sont même pas convoqués aux réunions organisées à ce propos, où se plaident le maintien, la création ou la suppression d’emplois.

C’est là un point qu’il nous fallait signaler afin d’aider vos collaborateurs et les fonctionnaires et agents de vos services, qui furent, je le rappelle pour mieux les mettre en lumière, les précurseurs de l’expérimentation des dispositions de la LOLF grâce à l’impulsion ardente donnée par votre prédécesseur, M. Jean-Jacques Aillagon, et à votre engagement volontaire en la matière, monsieur le ministre.

Pour revenir enfin à une note plus optimiste, il nous reste à exprimer notre satisfaction de voir que des chantiers jugés prioritaires par le Parlement, et tout particulièrement par la majorité de cette assemblée, seront menés à bien cette année. Je pense notamment aux monuments historiques, qui seront dotés de 140 millions d’euros supplémentaires en 2007, soit 380 millions d’euros au total. Sont également au programme d’autres points sur lesquels nous insistions : le livre et la lecture, ainsi que le développement de grands établissements culturels hors de Paris, destinés à favoriser l’accès aux patrimoines. Nous avons donc été entendus.

Les moyens demandés par le ministère de la culture et de la communication, tout en contribuant de manière exemplaire à l’effort consenti par tous pour assainir notre situation budgétaire, témoignent de la volonté du Gouvernement de mettre les moyens publics au service d’une ambition culturelle pour la France.

Dans quelques jours, le 6 décembre exactement, notre dimension culturelle sera également visible partout dans le monde grâce aux émissions de France 24, la chaîne d’information internationale pour laquelle nous avons tant œuvré ensemble, monsieur le ministre.

Notre politique culturelle est claire, concrète, directe et compréhensible par tous. Elle met nos trésors au service de notre attractivité et de notre rayonnement.

Ces mots d’« attractivité » et de « rayonnement » reviennent souvent dans les discours du ministre de la culture – presque aussi souvent que dans les miens, me direz-vous, mes chers collègues ! Ce n’est pas le fruit du hasard : cette insistance exprime notre souhait de faire comprendre que la politique d’attractivité du territoire repose sur tous les talents de notre pays, pour faire triompher la culture. Je sais d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous souhaitez revenir devant notre commission pour exposer les buts et la finalité de cette politique qui lie l’attractivité de notre territoire à la culture.

« La culture, c’est ce qui fait l’humain. » En faisant récemment cette réponse à la question d’un journaliste, l’actrice Monica Bellucci donnait la preuve qu’elle avait sans nul doute eu connaissance de votre projet de budget. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande d’adopter les crédits soumis à votre examen, pour faire entrer le beau et l’intelligent dans la vie de chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour les patrimoines.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les patrimoines. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1,04 milliard d’euros en crédits de paiement et 1,13 milliard d’euros en autorisations d’engagement sont demandés dans le projet de loi de finances au titre du programme « Patrimoines ». Hors dépenses de personnel, les crédits de paiement, qui s’élèvent à 894 millions d’euros, progressent de 12,7 %, témoignant ainsi de l’effort consenti par le Gouvernement en faveur de notre patrimoine.

Cet effort est d’autant plus louable que les crédits budgétaires devraient être complétés en 2007 à hauteur de près de 140 millions d’euros grâce à l’affectation au Centre des monuments historiques d’une partie du produit des droits de mutation à titre onéreux d’immeubles et titres immobiliers – 25 %, dans la limite de 70 millions d’euros chaque année. Cette mesure, contestable sur le plan des principes budgétaires, permet néanmoins de diversifier les sources de financement de la politique en faveur du patrimoine monumental et d’augmenter les moyens qui y sont consacrés. Cette affectation de recettes accompagne la réforme du Centre des monuments nationaux, qui voit ses missions élargies à la maîtrise d’ouvrage sur les monuments nationaux, par voie de convention, sur les monuments appartenant à l’État.

Cette mesure d’affectation fait suite à une autre forme de diversification des sources de financement, mise en œuvre dans le cadre de la loi de finances pour 2006, mais difficilement reconductible cette année : l’engagement pris par le ministère de consacrer en 2006 100 millions d’euros issus des recettes de privatisation à des chantiers liés à la culture. Je me félicite que cet engagement ait été respecté.

Les crédits ont effectivement été versés, ainsi que me l’ont confirmé le président de l’EMOC et la présidente de l’établissement public de Versailles. Ils ont permis d’assurer la réalisation d’une série d’opérations telles que la construction de la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’achèvement des travaux de la Cinémathèque française ou la poursuite du schéma directeur du Grand Versailles.

75,6 millions d’euros ont ainsi été consacrés au programme « Patrimoines », tandis que 5,1 millions d’euros ont été affectés au programme « Création », notamment pour la rénovation du théâtre de l’Odéon, et 19,3 millions d’euros au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », au titre duquel 15 millions d’euros ont notamment été consacrés aux écoles d’architecture – mais également 3 millions d’euros à l’immeuble des Bons-Enfants, ce qui est plus contestable au regard des objectifs annoncés.

La mobilisation des moyens en faveur du patrimoine monumental était indispensable. En 2006, près de 300 chantiers ont en effet été interrompus ou différés faute de crédits. Associée au dégel, intervenu au mois de septembre, des crédits destinés aux monuments historiques, à hauteur de 24 millions d’euros, elle devrait permettre la relance de plus de 160 chantiers. Devraient ainsi être concernés plus de 70 cathédrales, une dizaine d’abbayes et plus de 60 châteaux.

Outre les chantiers dans les régions, plusieurs grands projets d’investissement sur des monuments historiques seront poursuivis en 2007 : le schéma directeur du Grand Versailles, qui recevra 20 millions d’euros en crédits de paiement et 15,5 millions d’euros en autorisations d’engagement, la rénovation des façades du Grand Palais, avec 13 millions d’euros en crédits de paiement et 16 millions d’euros en autorisations d’engagement, et le lancement de la restauration du Quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, auquel seront consacrés 4 millions d’euros.

Vous savez, monsieur le ministre, combien j’étais préoccupé l’an dernier par le sort de ce Quadrilatère. Je me réjouis donc que puisse être enfin débloqué le chantier de rénovation d’un site si important, qui abrite tant de trésors culturels français.

J’avais souligné l’an dernier l’urgence du lancement de ce chantier. Je veillerai donc cette année à ce que les engagements pris soient respectés, et en particulier à ce que les crédits demandés en loi de finances ne soient pas gelés. Par ailleurs, l’année 2007 verra la fin des travaux en vue de l’ouverture de la Cité de l’architecture et du patrimoine dès le début de l’année ; 13 millions d’euros en CP sont prévus à cet effet, et une subvention de 14,6 millions d’euros lui sera versée, correspondant aux besoins nécessaires à sa première année d’activité.

Autre grand chantier, celui relatif à la création du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, qui mobilisera en 2007 6 millions d’euros en crédits de paiement pour la restauration du Fort Saint-Jean et 15 millions d’euros en autorisations d’engagement dans la perspective de l’installation de l’établissement.

Les moyens consacrés aux musées devraient fortement progresser. Hors dépenses de personnel, les crédits inscrits pour l’action « Patrimoines des musées de France » augmentent de plus de 5 %, pour atteindre 340 millions d’euros. Le Louvre devrait de nouveau bénéficier d’une hausse de ses dotations, qui passent de 112 millions à 125 millions d’euros. Il s’agit ainsi de poursuivre les chantiers relatifs à la création du département des Arts de l’Islam, au schéma directeur incendie – là aussi nécessaire– et à l’aménagement des espaces d’accueil. L’établissement public devrait en outre bénéficier de transferts de personnels à hauteur de 1,6 million d’euros. Pour sa part, la hausse des subventions destinées au musée d’Orsay, qui passent de 12,7 millions d’euros à 16,1 millions d’euros, a pour objet de permettre la restauration de la façade est du musée ainsi que du pavillon amont. Ces travaux étaient très attendus par l’équipe dirigeante d’Orsay.

S’agissant plus particulièrement des personnels de surveillance des musées, je souhaiterais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur le fait que, tant au sein du château de Versailles qu’aux musées du Louvre et d’Orsay, le rythme de travail des gardiens de nuit pourrait être légèrement accru. Celui-ci est en effet de quatre-vingt-treize jours par an au musée d’Orsay et de quatre-vingt-quinze jours par an au Louvre ! Je crois qu’il y aurait matière à réfléchir à une évolution vers un peu plus de polyvalence de la part de ces agents : quatre-vingt-treize jours travaillés sur trois cent soixante-cinq, ça fait peu !

Je souhaiterais enfin connaître votre sentiment sur l’évolution, à mon avis plus que nécessaire, du rôle de la DMF et de la RMN. La DMF n’exerce pas véritablement sa mission de tutelle vis-à-vis des musées ayant le statut d’établissement public – leur contrat de performance est négocié avec la direction de l’administration générale –, et la répartition des compétences entre la RMN et ces musées gagnerait à être clarifiée.

Parmi les acteurs du programme « Patrimoines », ce sont principalement les grands musées qui ont connu l’évolution de leur statut et de leurs compétences la plus importante, le Louvre apparaissant comme un modèle en la matière. Toutefois, le projet de budget pour 2007 marque une nouvelle étape dans la modernisation de la gestion de ces établissements. En effet, la BNF se voit transférer la gestion de ses personnels, à hauteur de 1 659 ETPT, ce qui représente une masse salariale de 77 millions d’euros. Si je ne peux que me réjouir de ce type de transfert, à même de dynamiser la gestion des établissements publics, je regrette que la sortie de ces emplois du plafond d’autorisation d’emplois du ministère ne soit pas accompagnée de davantage de renseignements dans la partie du projet annuel de performances consacrée aux opérateurs.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Tout à fait !

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial pour les patrimoines. En effet, il est regrettable que dans ce document, qui constitue la principale source d’information du Parlement, le décompte des emplois des opérateurs comprenne toujours l’ensemble des personnels, qu’ils soient rémunérés à partir d’une subvention du ministère ou sur ressources propres. La logique qui a présidé, vous le savez, au vote de la loi organique du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique du 1er août 2001, voudrait en effet que soit indiqué le nombre d’emplois rémunérés par les opérateurs à partir d’une subvention pour charges de service public, cette donnée pouvant d’ailleurs être utilement rapportée au nombre d’emplois rémunérés à partir des ressources propres de l’opérateur.

Enfin, les crédits destinés à l’enrichissement des collections, après avoir connu une forte chute en 2006, sont consolidés à hauteur de 19 millions d’euros. Ils sont bien entendu très insuffisants au regard des prix du marché actuel de l’art. Il ressort des différentes auditions que j’ai menées, tant auprès des responsables de votre ministère que de ceux de Versailles, du Louvre, d’Orsay, de la RMN ou d’entreprises mécènes, que la loi du 1er août 2003 relative au mécénat constitue un levier efficace en faveur de l’enrichissement des collections. En particulier, la mesure en faveur de l’acquisition de trésors nationaux semble avoir porté ses fruits puisque d’une opération réalisée en 2002 pour 3,3 millions d’euros, on est passé à sept opérations en 2004 pour 29 millions d’euros, et à cinq opérations en 2005 pour près de 20 millions d’euros. Certes, nombre de grandes entreprises françaises ont intégré depuis longtemps le mécénat dans leurs stratégies propres sans que les mesures fiscales aient joué un rôle décisif dans leurs décisions, mais ces dispositions peuvent s’avérer incitatives lorsqu’il s’agit, pour un groupe comme LVMH, de passer à la vitesse supérieure en décidant la création d’une fondation.

Le dispositif actuel présente néanmoins quelques limites : le secteur des PME-PMI demeure encore trop souvent mal informé des avantages offerts par la législation, le développement du mécénat de proximité constituant pourtant une piste intéressante tant pour les institutions culturelles que les entreprises, notamment dans les régions ; compte tenu du nombre finalement assez restreint d’entreprises capables et désireuses d’investir dans des œuvres d’art, les musées, inégalement armés dans la recherche de partenariats – le Louvre dispose d’une équipe très performante d’une dizaine de personnes alors que certains musées mobilisent au mieux une personne –, sont contraints de se livrer à une certaine concurrence pour séduire les mécènes ; le caractère parfois limité des retombées médiatiques décourage certains chefs d’entreprise de se lancer dans des opérations de mécénat.

Par conséquent, il me semble que le recours au mécénat ne peut remplacer l’action de l’État en matière d’enrichissement des collections, et qu’il convient d’accorder davantage de retentissement aux opérations de mécénat culturel. Les mécanismes incitatifs actuels pourraient par ailleurs être complétés par de nouveaux dispositifs, inspirés d’exemples étrangers, comme celui des fonds de dotation américains.

Pour conclure, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné cette proposition de budget et lui a accordé un avis favorable, pour quatre raisons essentielles.

Première raison : il est en augmentation sensible, dans des pourcentages qui ont été excellemment rappelés par nos collègues Olivier Dassault et Nicolas Perruchot. Si, comme le président de la commission des finances, nous ne faisons pas généralement de l’augmentation des crédits une condition sine qua non de la qualité d’un budget, disons qu’ici, compte tenu des enjeux en cause et des retards qui avaient été pris en certains domaines, cette évolution budgétaire était nécessaire.

Deuxième raison : ce budget vient répondre à une préoccupation cruciale qui s’exprimait en crescendo constant depuis deux ou trois ans, et singulièrement depuis quelques mois, en apportant une réponse à la baisse des crédits qui affectait depuis quelques années le secteur de la sauvegarde du patrimoine. L’annonce que le Premier ministre est allé faire le 14 septembre à Amiens, tendant à affecter de façon pérenne 70 millions d’euros annuels au Centre des monuments nationaux pour conduire les opérations de sauvegarde, d’entretien, de restauration du patrimoine monumental, a constitué une véritable réponse aux légitimes inquiétudes qui s’exprimaient. Et, surtout, la pérennisation de ces crédits permettra enfin d’établir un programme cohérent de travaux de restauration pluriannuel, programme que la réforme du Centre des monuments nationaux, affectataire de cette nouvelle recette, devrait faciliter. Dans cette démarche, monsieur le ministre, vous savez pouvoir compter sur la vigilance des parlementaires. Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le rapport de la mission sénatoriale conduite par notre collègue Philippe Richert, et l’actuelle mission de notre commission, ici, à l’Assemblée, devraient constituer les fondements d’une nouvelle politique à conduire dans ce domaine si sensible du patrimoine.

Troisième raison : après les grandes polémiques liées à la question de l’intermittence du spectacle, ce budget affirme votre volonté de sauver ce régime d’assurance. Mais d’abord, il affirme votre volonté d’aider le spectacle vivant au travers du programme « Création » : 70 % de ce programme sont en effet consacrés au spectacle vivant. Les crédits qui y sont affectés augmentent de plus de 7 %, ce qui va notamment permettre de financer le fonds de professionnalisation et de solidarité des intermittents du spectacle, prévu dans le cadre du protocole d’accord du 18 avril : 5 millions d’euros sont consacrés à ce fonds.

Après le débat que nous avons eu ici même, et où certains ont pu faire craindre que les partenaires sociaux ne signeraient jamais cet accord, après qu’ils eurent tenté de laisser penser que la profession y était hostile, il y a probablement lieu de rectifier enfin le faux procès que l’on a voulu nous faire, à vous comme à nous, monsieur le ministre. Car, désormais, il ne s’agit plus d’aviver les querelles, il s’agit de répondre budgétairement aux exigences de l’accord. Et vous le faites, comme vous avez tenu votre engagement de tout tenter pour parvenir à la signature de cet accord. Le rapport de notre commission enregistre avec plaisir ces deux succès.

Enfin, le quatrième facteur de satisfaction, c’est l’effort de réorientation des crédits vers les régions. Bien que de grands chantiers parisiens soient confirmés – notamment la construction d’une salle de répétition à la Comédie-Française et le financement de la réouverture de la salle Pleyel, ils ne se feront pas au détriment des régions :…

M. Michel Françaix. Il faut le dire vite !

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. …42,46 % des crédits de paiement seront consacrés aux équipements de province contre seulement 40 % en 2004. Voilà qui permettra de contribuer à plusieurs projets d’investissement, comme le théâtre de l’Archipel à Perpignan, le théâtre national de Bretagne, l’Auditorium d’Aix-en-Provence ou encore celui de Bordeaux.

C’est, monsieur le ministre, votre programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » qui nous a fait choisir l’objectif de travail de ce rapport 2007.

Dans ces crédits, qui sont ceux de votre ministère, de vos DRAC, des services départementaux de l’architecture et du patrimoine, nous avons découvert que le soutien apporté à vos actions de politique internationale allait bénéficier d’une augmentation de 2 millions d’euros. Ces 2 millions nous ont intrigués… C’est donc cette action internationale que nous avons choisi de développer, et nous l’avons sous-titrée – je vous dirai tout à l’heure pourquoi – : « Répondre à un désir de France ».

Ces crédits passent de 16,57 millions d’euros en 2006 à 18,48 millions en 2007, soit une augmentation de 11, 5 %. Mais cette augmentation significative, pour louable qu’elle soit, ne permet pas à ce programme d’atteindre les 1 % du budget culture puisqu’il avoisine seulement les 0,70 %. Nous avons tenté de connaître les raisons de cette faiblesse, ainsi que l’articulation des crédits et des actions conduites entre votre ministère et celui des affaires étrangères. Si nous avons noté que l’habitude est de procéder à des abattements en cours d’exercice sur ces crédits pour aller abonder des actions parfois très éloignées, comme une exposition sur l’eau et le développement durable, nous avons en revanche remarqué que des crédits d’autres actions de la mission « Culture » participent à l’action culturelle internationale du ministère : je pense à Cultures France ou à l’Académie de France à Rome. Autant d’exemples qui augmentent la dotation, faisant probablement franchir aux crédits internationaux le seuil de 1 % des crédits affectés à l’international, mais qui confirment le sentiment selon lequel il faudrait disposer d’une vision exhaustive de l’ensemble de ces crédits pour mieux en évaluer l’impact et 1’évolution.

Cette sorte de légèreté budgétaire ne reflète donc pas la multiplicité des actions du ministère de la culture à l’international, actions qui se divisent en cinq axes de travail : la défense de la diversité culturelle, la diffusion des cultures étrangères en France, l’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France, la coopération technique et l’aide au développement dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine, la valorisation de l’expertise et du savoir faire culturels français.

Nous l’avons dit : il y a complémentarité entre les deux ministères dans la politique culturelle française. La répartition historique attribue au ministère de la culture l’accueil des cultures étrangères en France, et au ministère des affaires étrangères le rayonnement de la culture française à l’étranger. Si cette distinction conserve une pertinence budgétaire, elle tend à s’effacer dans les faits, et s’oriente vers une certaine réciprocité entre les deux objectifs. Réciprocité, mais aussi complémentarité qu’illustre très bien l’exemple de Cultures France, née de la fusion de deux associations il y a deux ans. Cultures France disposera d’un budget de 30 millions d’euros pour 2007 et devra développer également les échanges entre les régions françaises et l’étranger, et se garder des travers que certains de nos collègues sénateurs ont notés dans l’action des associations antérieures.

Notre exemple concret, car c’est la vocation de notre commission d’en proposer, nous sommes allés le chercher au Sénégal où s’exprime, selon la très belle formule du directeur de l’Institut culturel français Christian Saglio, écrivain, marin et philosophe, un « désir de France ».

Certes, après un séjour au Sénégal, on peut se demander s’il est bien opportun de parler de culture à des gens confrontés à la pauvreté, et à qui il manque parfois l’essentiel pour vivre. Or, dans ce pays dont Erik Orsenna a dit à juste titre que nous lui étions attachés par des liens si forts et si divers que la vie est trop courte pour les dénombrer, deux instituts français sont nés, l’un à Dakar et l’autre à Saint-Louis, seconde ville du pays. Si la tutelle en revient au ministère des affaires étrangères, les liens sont étroits avec celui de la culture.

S’il existe dans ce pays un tel « désir de France », un besoin d’entendre la voix de nos penseurs et de nos intellectuels, de la confronter à celle des universitaires, des journalistes et des écrivains sénégalais, c’est aussi grâce à nos deux instituts culturels, qui remplissent parfaitement leur mission. Lieux d’échange, de rencontre des cultures, ils servent aussi la musique, formidable vecteur culturel au Sénégal, où l’on compte 3 000 groupes de rap, et où un grand festival de jazz est organisé à Saint-Louis.

La France y participe, comme elle participe à des opérations de sauvegarde du patrimoine. À Saint-Louis, ville bâtie par des colons français au XVIIe siècle sur l’estuaire du fleuve Sénégal, un plan urbain régulier, un système de quais exemplaire et une architecture coloniale caractéristique font de cette ville un ensemble inscrit depuis 2000 au patrimoine mondial de l’UNESCO. En outre, grâce à un partenariat avec la communauté urbaine de Lille, des travaux ont pu être engagés : peu à peu, la ville se restaure et redécouvre son passé prestigieux. Voilà les fruits de la présence française et du « désir de France » que j’évoquais.

Avant de conclure, madame la présidente, je ne puis omettre un superbe projet qu’il nous faut peut-être accompagner : celui d’une Villa Médicis africaine, la Villa Senghor, sur la superbe île de Gorée. Ce projet a été présenté en mai 2006 par le Président Wade à notre ministre de la coopération Mme Girardin. Il s’agit d’abord de sauver de la ruine un bâtiment formidablement situé face à l’océan, sous le soleil, fouetté par le vent et prolongé d’une terrasse à la Fizzi-Contini : on peut en faire un endroit tout à fait magnifique.

Le coût du projet s’élève à 3 millions d’euros. Nul ne demande à la France de le financer, mais à notre ministère de la culture de jouer un rôle de conseil, dans le cadre d’un partenariat entre public et privé, et de déléguer une mission : notre pays pourrait ainsi prendre sa part à la construction de ce futur grand musée africain.

Enfin, des efforts restent à faire pour notre politique internationale relative à l’audiovisuel. Olivier Dassault a insisté sur le projet France 24 qui verra le jour d’ici à la fin de l’année. Dans ce pays éminemment francophone qu’est la Roumanie, nous avons failli perdre TV5 Monde qui, depuis quelques semaines, ne figure plus dans les bouquets satellitaires. Or ce pays, qui va bientôt entrer dans l’Union européenne, était habitué, pendant la longue nuit qu’il a traversée, à recevoir plusieurs chaînes françaises. Aujourd’hui, seul TV5 Monde – et encore, pas en ce moment – est en mesure d’y diffuser ses programmes. Alors que la Roumanie recevait France 2 et France 3 il y a seulement quelques années, elle a exprimé le souhait de recevoir à tout le moins France 5. Un effort reste donc à faire.

En conclusion, comme notre collègue Patrick Bloche – lui qui a visité les grandes écoles archéologiques françaises à l’étranger – dans son rapport pour avis relatif au rayonnement culturel et scientifique de la France dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, j’ai été sensible à ce « désir de France » qui s’exprime un peu partout dans le monde et auquel, monsieur le ministre, vous pouvez en partie répondre avec votre besace budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Vous nous avez donné envie d’aller à Gorée, monsieur Kert : avouez que c’est un peu paradoxal.

La parole est à M. Frédéric Dutoit, premier orateur inscrit.

M. Frédéric Dutoit. Si l’on s’en tient à vos annonces, monsieur le ministre, les moyens du ministère de la culture progressent, à périmètre constant, de 7,8 %, compte tenu des nouvelles taxes affectées. Ce serait là, je vous cite, « un effort considérable, jamais atteint en termes de progression et de niveau », avec 3,2 milliards d’euros. Et ce serait un effort pérenne.

Pourtant, et dans bien des domaines, votre politique s’illustre par des promesses non tenues et par des tours de passe-passe budgétaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La réalité est donc bien différente de ces effets d’annonce. Par exemple, la mise en place de la LOLF a entraîné de graves dysfonctionnements dans les établissements et compagnies artistiques et culturels. Le gel des crédits a non seulement retardé les notifications, mais aussi grevé considérablement les budgets par le versement d’agios conséquents aux organismes bancaires.

La première de vos trois priorités budgétaires sera donc pour les monuments historiques : en 2007, plus de 380 millions d’euros seront consacrés à la restauration et à l’entretien du patrimoine monumental. En réalité, cette somme correspond à peu près aux dépenses annuelles nécessaires pour ce secteur. De surcroît, ces mesures financières seront en partie le produit des droits de mutation à titre onéreux, ce qui interdit dans ce cas de parler de ressources budgétaires.

Vieilles maisons de France, association pourvue de 20 000 adhérents, a d’ailleurs pris ses distances face à vos récentes déclarations. En effet, vous aviez annoncé pour janvier 2006 une allocation de 100 millions d’euros. La réalité a révélé une baisse sensible de 30 % dans les régions. De même, vous aviez annoncé 300 millions d’euros de crédits pour la restauration, mais les sénateurs ont indiqué que ce sont moins de 200 millions qui ont concrètement été engagés.

Par ailleurs, en supprimant les crédits de report, de nombreux paiements ont été amputés et de nombreux chantiers immobilisés : les entreprises, les propriétaires et les collectivités ont été mis devant le fait accompli.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. C’est de l’histoire ancienne !

M. Frédéric Dutoit. Dans ce contexte, quel crédit faut-il accorder à votre triomphalisme ?

M. Michel Françaix. Aucun, car il n’y a plus de crédits !

M. Frédéric Dutoit. Quant à la deuxième priorité – le livre et la lecture –, elle est elle aussi financée par des mesures extrabudgétaires. En l’occurrence, le passage de 21 à 35 millions d’euros que va permettre la réforme de la taxe sur la reprographie affectée au Centre national du livre, issu de ressources extrabudgétaires, ne peut être considéré comme relevant du budget de l’État. (M. le ministre s’exclame.)

De même, vous semblez oublier la mobilisation des archéologues chargés de missions préventives sur le territoire. En sous-effectif, ils n’arrivent plus à assumer leurs missions et redoutent la destruction de centaines de sites inexplorés. Il faut dire que vous considérez les fouilles archéologiques comme une activité marchande, commerciale et concurrentielle. Vous avez ainsi supprimé la maîtrise d’ouvrage publique et le financement public par redevance des fouilles archéologiques préventives, et ouvert à la concurrence ce que vous appelez le « marché de l’archéologie préventive ». Les conséquences n’ont pas tardé à se faire sentir : d’après l’INRAP, 20 m2 de sols sont retournés chaque seconde en France par des pelleteuses, soit près de 70 000 hectares par an, pour permettre la construction de ponts, d’autoroutes, de lignes de TGV, de logements ou de centres commerciaux.

M. Dominique Richard. Et alors ?

M. Frédéric Dutoit. Le principe de l’archéologie préventive – sonder un terrain avant qu’il ne soit détruit pour en tirer des informations scientifiques sur l’occupation d’un territoire habité depuis au moins un demi million d’années – est aujourd’hui remis en cause par les difficultés que rencontre l’INRAP. Tandis que le nombre de projets d’aménagement explose, le nombre d’agents opérationnels stagne. Résultat : les projets d’aménagement prennent du retard. Les diagnostics prescrits en 2006 ont peu de chance d’être réalisés avant 2007 ou 2008 – s’ils le sont – car l’heure est à leur réduction. Il y va donc non seulement des conditions de travail des archéologues, mais aussi du patrimoine, sur lequel pèse désormais une menace. Des centaines de sites risquent de disparaître en silence, qui resteront inconnus parce que inexplorés.

Je tiens aussi à attirer votre attention sur la multiplication de rachats d’entreprises par des fonds financiers, via des opérations à effet de levier dénommées LBO – leverage buy out – ou « capital transmission ». De telles opérations s’accompagnent de restructurations synonymes de destructions d’emplois et de capacités, de dégradation des conditions d’embauche et de travail des salariés, voire d’abandon d’installations ou d’activités.

La situation préoccupante de Télédiffusion de France me conduit à vous alerter de nouveau sur ces méthodes spéculatives consistant, via une holding écran, à financer l’essentiel du coût d’achat par endettement, puis à en faire supporter le remboursement à la société cible, laquelle doit alors atteindre au plus vite un taux de profitabilité extrême dans la perspective d’une revente assortie d’une plus-value maximale. TDF, premier groupe diffuseur audiovisuel en France, acteur national stratégique dans la communication – secteur où l’intérêt général devrait primer sur les enrichissements particuliers –, est en proie à un deuxième LBO consécutif.

La valorisation supposée de TDF est passée de 1,9 milliard d’euros en 2002 à près de 5 milliards d’euros. Aujourd’hui, Charterhouse et la Caisse des dépôts et consignations n’ont d’autre ambition que de réaliser une copieuse plus-value en cédant une partie de leurs actifs à Texas Pacific Group et Axa Private Equity. Ce nouveau LBO va multiplier par deux l’endettement de TDF et renforcer les pressions négatives sur l’emploi, les salaires, la formation et la croissance interne de l’entreprise.

Il est de la responsabilité du Gouvernement d’agir pour mettre un terme à ces pratiques si néfastes, tant socialement qu’industriellement, et assurer la pérennité de nos entreprises par des modes de financement alternatifs aux marchés, reposant sur une assise durable. En ce sens, la Caisse des dépôts et consignations, établissement à caractère public, doit jouer un rôle actif pour faire valoir une autre utilisation de l’argent, au lieu de participer activement à ces dérives affairistes. J’aimerais connaître, monsieur le ministre, votre avis sur cet point.

Enfin, avec la question des intermittents, nous passons de la tartufferie à la trahison ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) L’épisode pitoyable du refus de voter une proposition de loi signée par 472 parlementaires, dont une centaine de députés UMP, demeure inacceptable.

Face à la mobilisation des intermittents du spectacle, qui ne désarment pas, et à cette menace d’une proposition de loi sur les annexes 8 et 10 du régime d’assurance-chômage que vous ne voulez pas, la troisième priorité est, paraît-il, le spectacle vivant. Évidemment, l’abrogation du protocole d’accord du 26 juin 2003 et la remise à plat du système d’indemnisation du chômage des professionnels du spectacle ne sont toujours pas à l’ordre du jour, alors que vous vous étiez engagé, au cas où les partenaires sociaux n’arriveraient pas à se mettre d’accord avant la fin de l’année 2005, à recourir à la loi.

Ce n’est pas la pérennisation du fonds de solidarité, abondé par 5 millions d’euros, qui va permettre de reposer les bases de la mutualisation interprofessionnelle de l’assurance-chômage. Cette mesure permettra de limiter les situations les plus désespérées, mais ne règlera rien sur le fond. Il faut bien le rappeler : en relevant leurs conditions d’accès à l’indemnisation chômage – 507 heures en dix mois pour les techniciens et en 10 mois et demi pour les artistes, au lieu de 12 mois – et en abaissant la durée d’indemnisation – 8 mois au lieu de 12 mois –,…

M. Jean-Pierre Gorges. Nous sommes censés parler de culture !

M. Frédéric Dutoit. …les partenaires sociaux « responsables » ont programmé la disparition d’un tiers des 102 000 professionnels de la culture qui ont perçu au moins une allocation chômage durant l’année 2002.

L’accord, dont les syndicats signataires ne représentent qu’une petite minorité des premiers concernés, a bien conduit au licenciement collectif de plus de 30 000 salariés, sans aucun plan social.

Monsieur le ministre, depuis trois ans, vous mettez en avant la discussion, la négociation, et vous saluez l’excellent travail que nous avons fourni dans le cadre du comité de suivi des intermittents du spectacle et lors de missions parlementaires qui furent, selon vos propos, d’une très grande qualité.

M. Patrick Bloche. C’est vrai !

M. Frédéric Dutoit. Allons-nous enfin sortir de cette impasse en votant notre proposition de loi ?

Pour finir, ce projet de budget semble bien ambitieux. Mais à qui fera-t-on croire qu’avec 26 emplois en plus pour l’ensemble du ministère, ses agents pourront assumer leur mission de service public culturel dans les meilleures conditions ?

Même si on ne considère que les 63 postes supplémentaires affectés aux établissements publics, qui peut croire sérieusement qu'avec 32 postes pour le Louvre, 22 pour la future Cité nationale de l'histoire de l'immigration et 4 pour renforcer la Cité de l'histoire et du patrimoine, vous financerez vos ambitions ?

Le patrimoine des arts et de la culture est considéré comme un puissant facteur de cohésion nationale, d'émancipation et d'identification. C'est pourquoi les pouvoirs publics ont la responsabilité de soutenir la culture.

Nous ne sommes pas dupes de la présentation en trompe-l'œil d'un budget d'attente électorale. C’est pour cette raison que nous ne le voterons pas.

M. Patrick Bloche et M. Michel Françaix. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'examen du budget de la culture est toujours un moment important pour tous ceux qui, comme nous, sont attachés à l'action culturelle. C'est en cet instant que l'on mesure concrètement l'ambition de la politique menée en faveur de la culture.

Au regard du budget présenté, je crois que nous pouvons d'emblée souligner que l'année 2007 s'annonce sous de bons auspices.

M. Patrick Bloche. Première couche !

M. Michel Herbillon. Mais, avant de préciser les motifs de satisfaction que contient ce projet de budget, et en tant que porte-parole du groupe UMP, je tiens à féliciter nos collègues rapporteurs de la commission des finances et dire à Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, que nous avons apprécié la qualité de son rapport sur l'action internationale du ministère de la culture, son enthousiasme communicatif pour le Sénégal et la pertinence de ses propositions concernant le nécessaire renforcement de la coopération interministérielle ou la recherche de nouvelles sources de financement.

Comme je vous le disais il y a un instant, l'année 2007 s'annonce pour la politique culturelle de façon favorable. La première illustration s'en trouve dans les chiffres. En effet, outre la hausse de plus de 2 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, la culture va bénéficier en 2007 d'un abondement très substantiel, grâce à l'affectation de nouvelles taxes, ce qui portera à près de 7,8 % la hausse des moyens alloués.

Cet effort important s'inscrit dans le prolongement de la politique menée depuis 2002 en faveur de la culture. En cinq ans, la majorité aura augmenté de 570 millions d'euros les crédits dédiés à la création et aux artistes, c'est-à-dire deux fois plus que ce qui s'est fait sous le gouvernement Jospin.

M. Patrick Bloche. Personne ne vous croit, monsieur Herbillon !

M. Michel Françaix. C’était pourtant bien tenté !

M. Michel Herbillon. Ces moyens nouveaux n'ont rien de superflu, ils sont au contraire nécessaires pour répondre à des priorités qui, j'ose l’espérer, devraient faire consensus au sein de notre assemblée.

Au premier rang de ces priorités, il y a le patrimoine et, plus spécialement, les monuments historiques. L'effort qui doit leur être consacré est aujourd'hui vital. Il est vital pour la sauvegarde des 44 000 monuments classés ou inscrits que compte notre pays, et dont beaucoup souffrent du manque d'entretien dont ils ont été victimes depuis des décennies ; il est vital également pour la survie de milliers d'entreprises et artisans d'art, au savoir-faire inestimable.

Aussi, nous ne pouvons que nous féliciter des mesures fortes que le Premier ministre et vous-même avez annoncées récemment concernant la création d'une recette pérenne de 70 millions d'euros supplémentaires, qui s'ajoute aux crédits budgétaires provenant des droits de mutation.

Ce sont 380 millions d'euros qui seront ainsi consacrés à la restauration des monuments historiques, permettant de relancer 160 chantiers en province – en particulier les travaux concernant 71 cathédrales – et de financer la poursuite de grands projets. Parmi ceux-ci, les travaux du Grand Palais, ceux de la Cité de l'architecture et du patrimoine, ou du théâtre de l'Odéon.

Mais cette action en faveur des monuments historiques doit s'inscrire dans la durée et être amplifiée. C'est pourquoi je pense qu’il serait utile d'élargir la loi sur le mécénat de 2003 pour en faire bénéficier les propriétaires privés de monuments historiques.

M. Patrick Bloche. Pour que l’État disparaisse un peu plus !

M. Michel Herbillon. Au titre de l'effort dévolu au patrimoine, je tiens à souligner également l'augmentation de plus de 7,5 % des crédits dédiés aux musées nationaux. Outre la mise en œuvre du contrat de performance du musée du Louvre, signé en avril dernier, qui comprend en particulier la rénovation du département des arts de l'Islam, cette hausse substantielle des crédits va permettre de poursuivre une politique de création, de rénovation et de modernisation de notre parc muséal dans les régions et en Île-de-France.

Si 2006 a été riche, notamment avec l'ouverture du musée des Arts premiers, quai Branly et du musée des Arts décoratifs, 2007 s'annonce tout aussi prometteuse, avec en particulier le lancement du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille, et le lancement des travaux de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, au palais de la Porte Dorée, près du bois de Vincennes.

En matière de création et de diffusion, trois points méritent d'être soulignés. D’abord, le plan d'action que vous avez lancé en faveur de l'art contemporain. Par la création d'événements et de lieux nouveaux – en particulier le centre européen et international de création contemporaine sur l'île Seguin –, mais également par diverses mesures de nature fiscale ou de relance du 1 % artistique, vous voulez conforter, monsieur le ministre, le renouveau de la création contemporaine dans notre pays et redonner à Paris les moyens de redevenir une place forte du marché de l'art. L'ambition que vous manifestez en ce domaine ne peut être qu'approuvée et soutenue.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Tout à fait !

M. Michel Herbillon. En second lieu, le spectacle vivant apparaît comme une priorité d'action du Gouvernement. Avec 3 % de hausse, le budget poursuit en effet la progression continue qui a été engagée depuis plusieurs années et qui s'élève entre 2002 et 2007 à près de 14 %. Ces chiffres illustrent très concrètement le soutien apporté par le Gouvernement au développement de la création et aux artistes.

Ces moyens nouveaux vont entre autres profiter aux établissements publics nationaux, notamment à la Comédie-Française, et permettront de financer de grands projets d'investissement, qu'il s'agisse du Théâtre National de Strasbourg ou de la construction des auditoriums d'Aix-en-Provence et de Bordeaux. L'auditorium de Paris, qui sera situé à la Villette et qui est désormais sur les fonts baptismaux, bénéficiera également de cet effort d'investissement.

Concernant la délicate question de l'assurance chômage des artistes et techniciens, vous avez eu raison, monsieur le ministre, d'inscrire lors de la préparation du budget 5 millions d'euros pour abonder le fonds de professionnalisation et de solidarité. L'annonce récente par 2 syndicats de salariés – la CFDT et la CFTC – de leur décision de signer le protocole d'accord qui redéfinit les annexes 8 et 10 prouve que nous avons eu raison avec vous, malgré toutes les difficultés, de donner jusqu’au bout toutes ses chances au dialogue social.

M. Patrick Bloche. Mais non ! Vous avez eu tort !

M. Michel Herbillon. Enfin, je tiens à mettre l’accent sur les moyens supplémentaires alloués au livre et à la lecture. L'élargissement de la taxe sur la reprographie va permettre d'apporter un soutien renforcé au secteur du livre, notamment aux libraires indépendants, et de financer le projet stratégique que représente la bibliothèque numérique européenne, projet qui a été voulu par la France et que nous avons soutenu auprès de nos partenaires européens.

Je terminerai par deux questions sur l'enseignement supérieur et l'éducation artistique. La première porte sur le processus d'intégration dans le cadre de l'espace européen de l'enseignement supérieur des diplômes de nos écoles d'architecture et écoles d'art, qui regroupent aujourd'hui 35 000 étudiants. Je souhaiterais en effet connaître l'état d'avancement de la mise en place du LMD dans ces écoles et les moyens qui y sont consacrés.

La seconde porte sur l'éducation artistique, à laquelle 40 millions d'euros seront dédiés l'an prochain. Vous aviez défini en 2005 un plan de relance ; je voudrais que vous nous indiquiez aujourd'hui son état d'avancement, notamment en termes de partenariat avec l'éducation nationale, et que vous précisiez vos priorités d'action pour 2007.

M. Patrick Bloche. C’est au point mort !

M. Michel Herbillon. Monsieur le ministre, de même, comme l’écrivait Jean Cocteau, qu’il n’y a pas d’amour mais que des preuves d’amour, la passion que nous avons tous pour la culture doit se traduire par des preuves, c'est-à-dire des actions fortes et des crédits inscrits au budget. C’est le cas avec le budget qui nous est présenté, car il reflète la politique ambitieuse que le Gouvernement a engagée depuis cinq ans en faveur du développement culturel, de la création, des artistes, de l’emploi dans le secteur culturel et en faveur de l’image de la France.

Aussi, en tant que porte-parole du groupe UMP, je peux vous assurer que vous pouvez compter sur le soutien actif des députés de notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs – j’adresse un salut tout particulier à Christian Kert, mon excellent collègue de commission –, mes chers collègues, comment d'abord ne pas regretter, monsieur le ministre, depuis le débat budgétaire de l'année dernière, que vous ayez été, à deux reprises, le ministre des occasions manquées ? Les députés socialistes font ce triste constat avec d'autant moins d'esprit partisan que, chaque fois, ils ont défendu des convictions partagées par des députés de tous les autres groupes et tout particulièrement de l'UMP.

Ainsi, nous aurions pu collectivement sortir par le haut, ici même, le 12 octobre dernier, de la grave crise de l'emploi culturel que connaît notre pays depuis juin 2003. Il y avait en effet une majorité dans cet hémicycle pour poser les nouvelles bases, au sein même de la solidarité interprofessionnelle, d'un système pérenne et équitable d'indemnisation chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel.

Les manœuvres procédurières du président du groupe UMP, que vous avez au mieux accompagnées, monsieur le ministre, ont privé la représentation nationale de cette opportunité législative. Et même si, depuis un mois, certains syndicats ont fait mouvement, comment ne pas réaffirmer avec force aujourd'hui que le mauvais protocole d'accord du 18 avril 2006 ne résout en rien les problèmes de fond qu'a fait émerger ce qu'on appelle communément le conflit des intermittents du spectacle ?

M. Frédéric Dutoit. C’est juste !

M. Patrick Bloche. Il y a eu par ailleurs l'interminable débat parlementaire sur le droit d'auteur à l'ère numérique. Une autre occasion ratée, un fiasco législatif même, avec une loi mort-née dont le volet répressif a même été durci par le juge constitutionnel !

M. le ministre de la culture et de la communication. Grâce aux socialistes !

M. Patrick Bloche. Comment ne pas constater amèrement que la ligne Maginot que vous avez vainement tenté d'édifier a déjà été enfoncée, tout particulièrement par les puissants lobbies industriels qui vous ont poussé à la faute ?

A l'heure d'aujourd'hui, les auteurs et les artistes-interprètes sont moins que jamais assurés de la légitime rémunération tirée de la diffusion de leurs œuvres sur internet. Et c'est une véritable épée de Damoclès qui continue à menacer la copie privée et le développement du logiciel libre dans notre pays.

J'en arrive à l'examen du budget de la culture pour 2007. Chaque année, au début de l'automne, nous assistons au même spectacle. Le ministre de la culture convoque les médias et présente son budget. Et invariablement, le ton est au triomphalisme et à l'autosatisfaction. A cet égard, le dernier budget de la législature, que nous examinons aujourd'hui, ne fait pas exception. Une fois de plus, il faut dissiper les apparences pour cerner la vérité des chiffres et la réalité de votre budget.

Vous annoncez ainsi une hausse de 7,8 % du budget de la culture en 2007, présentée dès lors comme exceptionnelle. Qu'en est-il au juste ? A partir du « bleu » de la mission ministérielle « Culture », document officiel transmis au Parlement, le budget de la culture, à périmètre constant, apparaît effectivement en hausse, mais seulement de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 2,6 % en crédits de paiement. Et si on tient compte de l'inflation, la conclusion est claire : le budget de la culture sera en quasi-stagnation en 2007 !

Pour faire apparaître un budget en hausse, vous avez en fait introduit dans la présentation de celui-ci des ressources extrabudgétaires : 140 millions d’euros pour les monuments historiques de l'État, par affectation d'une partie du produit des droits de mutation à titre onéreux, et 15 millions euros, par l'élargissement de l'assiette de la redevance sur la reprographie aux imprimantes et télécopieurs. Ces deux mesures sont du reste positives…

M. le ministre de la culture et de la communication. Ah ! Merci, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. …mais ne vous réjouissez pas si vite, car il convient aussitôt d'ajouter que le patrimoine a été tellement sacrifié ces dernières années qu'il ne s'agit que d'un rattrapage fort partiel des crédits précédemment perdus.

En outre, le chiffre de 140 millions d’euros affiché par le Gouvernement pour les monuments historiques de l’État n’est atteint que par le cumul de deux années : 70 millions d’euros en 2006 et 70 millions d’euros en 2007. C’est une première, en vérité, que de cumuler des exercices budgétaires distincts pour faire miroiter un semblant de hausse ! Si le Gouvernement peut néanmoins plaider que cette somme sera effectivement disponible en 2007 dans les caisses du Centre des monuments nationaux, alors, le budget 2008 sera d’emblée frappé d’une baisse automatique de 70 millions d’euros. Un vrai cadeau empoisonné pour le prochain ministre de la culture !

M. le ministre de la culture et de la communication. Rassurez-vous : ce sera sans doute moi ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Bloche. En outre, cette ressource nouvelle est présentée comme pérenne : en est-on si sûr ?

Enfin, ces mesures, soulignons-le, n’accroissent pas d’un centime le budget des autres secteurs du ministère – spectacle vivant, développement culturel, musées, arts plastiques – qui, en réalité, seront sacrifiés en 2007. Mais j’y reviendrai.

Il faut aussi observer une autre évolution négative, que le budget 2007 vient confirmer et accentuer. Malgré un budget pour le moins contraint, le ministère de la culture lance ou poursuit de grandes opérations à caractère national, toutes situées à Paris ou en région parisienne. Et c’est un député de Paris qui s’en émeut ! Seule exception : le musée de la civilisation de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille. Il ne s’agit pas pour nous de contester l’opportunité de telles opérations, pleinement justifiées et même indispensables du point de vue de la politique culturelle. Celles-ci, de plus, seront réalisées sur plusieurs années, permettant un relatif étalement de la dépense. Le problème est que, dès lors que le budget du ministère de la culture n’augmente pas, ou peu, de tels investissements vont inévitablement peser sur les autres interventions de l’État – en investissement d’abord, mais surtout en fonctionnement, plus tard – qui sera obligé, dans ces conditions, de se désengager de beaucoup d’autres actions, même s’il ne le dit pas. Ce mouvement se perçoit déjà clairement dans les choix budgétaires de 2007.

Qu’il me soit à présent permis d’évoquer le patrimoine monumental que vous présentez, monsieur le ministre, comme « la première des priorités du budget 2007 ». À vrai dire, c’est la seule, et encore peut-on ajouter que le sort qui lui est fait n’est pas aussi glorieux qu’annoncé.

Rappelons que ce secteur est dans une situation catastrophique, en raison notamment de la baisse considérable des crédits de restauration que lui a fait subir l’actuel gouvernement depuis 2002, suscitant la colère des professionnels du patrimoine, et en particulier des entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques. Confronté à l’évidence d’un désastre qu’il a pour partie provoqué, même s’il a tenté de le cacher pendant longtemps, le Gouvernement a réagi : le Premier ministre lui-même a annoncé l’affectation d’une partie de la taxe sur les droits de mutation à la restauration des seuls monuments historiques de l’État. Le Gouvernement affirme que le budget de l’État retrouve dès lors des marges de manœuvre pour financer la restauration des monuments des propriétaires privés ou des collectivités territoriales.

M. le ministre de la culture et de la communication. Oui.

M. Patrick Bloche. Qu’en est-il au juste ? Le projet de budget pour 2007 fait en effet apparaître une augmentation des dépenses d’intervention destinées à ces propriétaires, de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit plus 32 %. Mais, dans le même temps, ces dépenses d’intervention baissent, en crédits de paiement, de 23 millions d’euros, soit moins 23 %. La situation des crédits de paiement est, de fait, très préoccupante puisqu’elle a pour conséquence une incapacité de paiement effectif des travaux.

Je vais maintenant me livrer, faute de temps, à un inventaire budgétaire à la Prévert.

Sur l’archéologie préventive, notre collègue Frédéric Dutoit a tout dit, et nous partageons sa pertinente analyse.

M. Michel Herbillon. Serait-ce le retour de l’union de la gauche ?

M. Patrick Bloche. Les crédits de l’architecture, destinés aux espaces protégés et à la promotion de la qualité architecturale, urbaine et paysagère, connaissent une régression très sensible de 23 %, selon les chiffres mêmes du ministère.

En ce qui concerne les crédits des musées, les moyens destinés aux musées nationaux étant maintenus ou augmentés – nous ne le contestons pas –, ce sont de fait les dépenses d’intervention destinées aux actions dans les régions qui connaissent une chute de 30 % par rapport à 2006. À l’évidence, l’État se replie.

Si la création avait déjà été sacrifiée l’année dernière, elle l’est à nouveau cette année, mais avec une différence de taille : le spectacle vivant est frappé comme les autres secteurs, alors que, les années précédentes, pour des raisons politiques, il avait été davantage épargné, si l’on peut dire. En vérité, monsieur le ministre, vous n’avez même plus les moyens de faire semblant…

Le spectacle vivant est en danger. J’en veux pour preuve l’augmentation, de 1,2 % d’une année sur l’autre – c’est-à-dire une hausse inférieure à l’inflation –, des dépenses d’intervention de l’action « Spectacle vivant », hors subventions d’investissement.

M. Frédéric Dutoit. Eh oui !

M. Patrick Bloche. Les institutions culturelles comme les compagnies et les jeunes groupes de création verront en fait le soutien de l’État se réduire, et non augmenter, eu égard aux charges croissantes qui sont les leurs et à leurs besoins de développement.

Quant aux dépenses d’investissement, consacrées aux aides aux collectivités territoriales pour la construction de nouveaux équipements dans les régions, elles baissent de façon notable, et ce pour la deuxième année consécutive. L’État se désengage ainsi, sans le dire, au détriment des collectivités territoriales. En ce domaine, les crédits, en deux ans, auront baissé de presque 50 % !

M. Frédéric Dutoit. Un véritable tour de passe-passe !

M. Patrick Bloche. Contrairement aux annonces ministérielles, les arts plastiques n’apparaissent guère comme une priorité budgétaire, puisque les crédits baissent à nouveau.

Les aides destinées aux industries culturelles dans les domaines du spectacle vivant, du livre – y compris le droit de prêt en bibliothèque – et du cinéma, baissent de 2 millions d’euros entre 2006 et 2007, soit moins 12 %.

Pour ce qui est de la « Transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture », la présentation trompeuse du dossier de presse du ministère cache, hélas, une vraie chute, d’au moins 3 %, des crédits du ministère envers tout ce qui concerne le développement culturel, chute d’autant plus désolante qu’elle est continue depuis 2002. Ces actions sont en fait progressivement laminées, et cette dégradation est, hélas, encore peu connue et dénoncée, car ces actions de terrain, proches des citoyens, sont probablement moins médiatiques que d’autres. Il y va pourtant de l’initiative à long terme en faveur de la démocratie culturelle et de la lutte contre les inégalités.

M. Michel Françaix. Tout à fait !

M. Patrick Bloche. Pour l’éducation artistique et culturelle, les dépenses d’intervention augmentent de 1,8 %, c’est-à-dire juste au niveau de l’inflation. Comme on le sait, c’est surtout le ministère de l’éducation nationale qui a, depuis 2002, réduit ses interventions dans ce domaine, pourtant essentiel.

Pour le soutien à l’enseignement spécialisé, les crédits baissent, en autorisations d’engagement, de 5,3 %. Rappelons qu’il s’agit des subventions aux conservatoires et écoles de musique des communes. Cette baisse n’est pas fortuite : ces crédits sont en effet appelés à être décentralisés, en application de la loi et après adoption de schémas départementaux. Tout se passe comme si l’État programmait à l’avance une baisse du montant de ces crédits dont il n’aura plus la responsabilité, au détriment des collectivités territoriales.

Absentes, et pour cause, du dossier de presse du ministère, les actions spécifiques en faveur de la diversification des publics et de la mise en œuvre des politiques territoriales voient globalement leurs crédits s’effondrer de 20 % !

En conclusion, une évidence s’impose : vous ne pouvez plus agir, monsieur le ministre, qu’en prenant à Pierre pour donner à Paul. Il reviendra donc à une autre majorité, en 2007, d’avoir une volonté politique forte dans le domaine culturel pour redresser vraiment la barre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Culture » recouvre les actions engagées par l’État dans le cadre de trois programmes : « Patrimoine », « Création et transmission des savoirs », « Démocratisation de la culture ». Ce sont donc des politiques aux objectifs particulièrement variés, qui ont en commun la volonté de préserver et de développer l’accès de tous à la culture. N’oublions jamais qu’au-delà de ses aspects purement créatifs la culture représente une vraie richesse économique.

Votre première priorité, monsieur le ministre, ce sont les monuments historiques. Vous nous annoncez des dotations et des financements pérennes pour le Centre des monuments nationaux. Des moyens importants vont être mis à la disposition des collectivités locales et des propriétaires privés pour les chantiers de restauration. J’ai été maire, durant seize ans, d’une commune où le patrimoine monumental est particulièrement riche. Être propriétaire du château de Guillaume le Conquérant peut sembler être une chance. Mais, ayant été maintes fois confronté à l’intolérance véritablement sectaire de certains inspecteurs généraux, je suis souvent resté perplexe, pour ne pas dire désarmé. Ce n’est rien à côté de la lourdeur des charges que représentent l’entretien, l’investissement et le fonctionnement d’un tel site. Cette chance s’est donc souvent transformée en fardeau. Aussi, j’espère que les mesures que vous nous annoncez en faveur du patrimoine vont changer la vision qu’ont aujourd’hui les maires et les propriétaires privés de leurs monuments historiques.

Il faut préserver et embellir le patrimoine de notre pays, si ce n’est pour sa beauté et son témoignage de notre histoire, au moins pour sa valeur touristique. En outre, la restauration historique exige un savoir-faire, mais aussi beaucoup d’expérience et de talent. Nous avons la chance, en France, d’avoir encore ces talents au service de plus de 40 000 monuments historiques. Les chantiers que vos crédits vont permettre d’ouvrir ou de poursuivre vont aussi contribuer à conserver ce savoir-faire, qui est en lui-même un vrai patrimoine.

Toujours sur ce sujet, je souhaite vous demander ce qu’il est advenu de votre proposition de label européen du patrimoine. Nous souhaitons, à l’UDF, que ce label puisse aboutir. Attribué selon des critères définis dans une charte et soutenu par une fondation européenne du patrimoine qui réunirait les subventions publiques, le mécénat et les donations, il renforcerait les moyens financiers d’intervention pour les monuments l’ayant reçu. Puisque nous parlons de l’Europe, je m’interroge sur ce que nous pouvons attendre de l’éligibilité, dans le cadre de l’objectif "convergence" du FEDER – le fonds européen de développement régional –, des opérations de promotion et de préservation du patrimoine culturel.

Votre deuxième priorité, monsieur le ministre, est le livre et la lecture. Vous prévoyez notamment de nombreuses mesures en faveur de tous les acteurs de la chaîne du livre et une réforme de la dotation globale de décentralisation pour les bibliothèques. On ne saurait trop insister sur cet aspect de la culture. À l’heure où l’image est de plus en plus présente, l’écrit doit retrouver sa place dans la transmission des savoirs. Il doit aussi bénéficier d’une action forte en faveur de son utilisation sur les supports des nouvelles technologies. Nos concitoyens lisent peu. C’est, bien sûr, à l’école que se forment les rapports au livre et à la lecture, mais il est nécessaire de les maintenir à l’âge adulte. En termes de coût, le livre est sans doute le bien culturel le plus accessible à tous les publics, par le biais des bibliothèques. Il a donc tout son rôle à jouer dans une politique de cohésion sociale.

S’agissant du spectacle vivant, nous nous félicitons de l’augmentation des crédits et de la réorientation de l’investissement en faveur des régions. C’est une politique importante en termes d’accès à la culture, de cohésion sociale et d’animation des territoires. Avec la décentralisation culturelle en cours, qui permet de faire coïncider responsabilité administrative et aire de rayonnement des activités, une montée en puissance des régions dans le domaine culturel est indispensable. Elles devront aujourd’hui prendre leur part du travail déjà bien engagé par les départements et les communes qui, dans ce domaine, restent les principaux acteurs.

Je ne reviendrai pas sur l’épisode du fonds d’indemnisation, qui révèle un certain mépris du travail parlementaire. Je préfère faire preuve d’un esprit positif en vous parlant du spectacle vivant. Nous avions, à l’occasion du débat sur ce sujet en 2004, demandé une loi ambitieuse, comme celles qui existent sur les musées, les monuments historiques et les archives. Le spectacle vivant, qui constitue un des vecteurs majeurs de l’accès à la culture, doit être soutenu par un texte présentant une vision claire de la création et de la diversité culturelle. Une telle loi permettrait de bénéficier d’une base juridique solide pour l’intervention de l’État et des collectivités territoriales. Elle permettrait également, au travers de règles claires de conventionnement, d’assurer la liberté et l’indépendance des créateurs.

Dans ce domaine du spectacle vivant, il faut affirmer la nécessaire démocratisation culturelle, encourager la diversification des publics et développer l'éducation artistique, trop souvent sacrifiée. Notre réflexion doit aussi porter sur l'emploi culturel, afin de repenser l'entrée dans les métiers artistiques, l'évolution de la carrière et sa sortie. Par ailleurs, des dispositifs comme le crédit d'impôt pour le cinéma devraient s'appliquer également au spectacle vivant. En effet, si la question ne se pose pas pour le spectacle lui-même – qui ne peut être délocalisé –, elle vaut pour tout ce qui l'entoure, que ce soit avant le spectacle ou après, et je pense notamment aux produits dérivés.

S’il est un sujet qui nous préoccupe particulièrement, c’est bien celui du soutien aux radios associatives et de la diversité de l’offre radiophonique sur tout le territoire. Les radios associatives participent très largement à la démocratie locale et au pluralisme : il importe donc qu'elles disposent de moyens suffisants. Or, depuis 2002, le barème de l'aide publique réglementaire dont elles bénéficient est resté inchangé. À valeur nominale égale, les subventions ont perdu 11 % de leur valeur réelle.

Au nom du groupe UDF, mon collègue Jean Lassalle a déposé un amendement en première partie du projet de loi de finances tendant à inscrire une recette de 28 millions pour le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, au lieu des 24,1 millions budgétés. Pour des raisons de procédure, cet amendement a été écarté, mais nous le présenterons à nouveau au Sénat. Quel est, monsieur le ministre, votre position sur cette demande d’augmentation des crédits du FSER ciblée vers les radios associatives ?

Il nous semble par ailleurs important de moderniser le régime du mécénat d'entreprise. Les expositions d'art, actuellement en plein essor, contribuent largement à la création et à la diffusion artistique. Ne pourrait-on pas leur appliquer le régime du mécénat ? Notre collègue Anne-Marie Comparini, inspirée par le succès de la Biennale d'art contemporain de Lyon, est très attachée à cette idée.

L'action culturelle ne peut se limiter au seul cadre national. Au-delà de notre propre patrimoine culturel, entendu au sens le plus large, il y a celui de l'humanité tout entière. Notre pays a le devoir de défendre aussi les cultures qui ne sont pas les siennes, car elles ne peuvent que l’enrichir. À ce propos, je me réjouis des actions culturelles réalisées au Sénégal, auxquelles Christian Kert faisait allusion. Léopold Sédar Senghor a longtemps vécu en Normandie, et nous sommes attachés à sa mémoire.

Nous devons aussi tenir compte de la dimension européenne de la culture et promouvoir la diversité culturelle dans le monde. Nous souhaitons que le gouvernement français soutienne, au sein des instances internationales et européennes, la création d'un instrument juridique international contraignant sur la diversité et les échanges culturels. Enfin, il convient également de fixer des règles claires pour le commerce des biens et services culturels.

Même si nous voulons plus encore pour la culture – comme vous, sans doute, monsieur le ministre –, l'UDF votera ce budget. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix, dernier orateur inscrit.

M. Michel Françaix. La hausse du budget : Patrick Bloche a bien distingué, sur ce sujet, les apparences de la réalité. Je n’y reviendrai donc pas, mais j’aimerais que vous perceviez, monsieur le ministre, le décalage entre vos affirmations et le vécu quotidien des professionnels, sans doute collectivement frappés d’un trouble de la vision.

Félicitons-nous cependant du Musée du quai Branly, de la rénovation du Grand Palais, de la construction du Grand auditorium de Paris sur le site de la Villette ou du projet d’un centre européen de création contemporaine sur l’île Seguin.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. C’est déjà pas mal !

M. Michel Françaix. Toutefois, ces projets restent très parisiens et vont inévitablement peser durablement sur les capacités d’intervention de l’État. C’est déjà le cas cette année s’agissant du patrimoine – la session de rattrapage est plutôt mal engagée –, du spectacle vivant, ou des arts plastiques, plus que jamais en danger. Mais ce sont surtout les actions en région et le soutien aux initiatives prises par les collectivités locales, plus proches des citoyens, qui seront compromises. Une augmentation importante du budget de la culture est donc indispensable pour les années à venir. Il incombera sans doute à la gauche de la décider. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Richard. Alors ce n’est pas pour demain !

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Michel Françaix. Cette perspective vous gêne ? Moi, elle me met de bonne humeur.

Il conviendra donc d’augmenter le budget si nous voulons éviter une administration culturelle repliée sur quelques grandes institutions nationales et délaissant ses responsabilités sur le reste du territoire.

Car les politiques culturelles doivent aussi s’inscrire dans des projets de territoire et faire partie intégrante des préoccupations sociales, éducatives et économiques. Encore faudrait-il une véritable volonté de l’État de combler les manques et de réduire les fractures. Cet indispensable coup de pouce pourrait prendre la forme d’une dotation de solidarité culturelle destinée aux territoires défavorisés, lesquels souffrent moins de pauvreté culturelle que de pauvreté économique.

M. Patrick Bloche. Absolument !

M. Michel Françaix. Avec l’émergence du fait territorial dans la culture, on assiste à une importante mutation du paysage culturel national. Nous ne pouvons nous contenter d’une fréquentation des lieux de culture à hauteur de 10 à 15 %, le reste de la population étant abandonné au petit écran. Décentralisation culturelle et exigence artistique peuvent faire bon ménage. Il faut irriguer le territoire, aller au bout du bout, afin de surmonter les inégalités sociales liées aux différences de revenus ou de niveau d’étude et à l’héritage socioculturel, qui éloignent encore trop de Français de la rencontre avec les œuvres et de la pratique culturelle.

L’éducation artistique à l’école, l’aménagement culturel du territoire, la promotion d’une politique culturelle dans l’audiovisuel, bref l’émergence d’une véritable démocratie culturelle restent donc plus que jamais des objectifs essentiels.

L’éducation et la pratique artistique dans les établissements scolaires et universitaires devraient constituer l’un des principaux chantiers des prochaines années et la voie la plus novatrice pour un accès du plus grand nombre à la culture. Le temps est venu de relancer cette action artistique en milieu scolaire, qui fait cruellement défaut depuis quatre ans. C’est en favorisant la présence de l’artiste dans les établissements que l’on y parviendra.

L’analyse des publics s’enrichit aujourd’hui de la pluralité des pratiques et des démarches individuelles. Comment faire fructifier ces nouveaux terrains d’analyse pour construire une politique culturelle ? Il se produit un constant mélange entre les pratiques socialement reconnues et les autres : songeons à la récente montée en puissance de la bande dessinée ou des « polars ». Il s’agit de partager quelque chose qui n’est pas de l’ordre de la consommation mais de la construction. Porter une ambition artistique et toucher au plus près les habitants des zones rurales n’a rien d’impossible. La scène de musique actuelle à Poligny, le festival « Jazz in Marciac » ou celui des « Petits riens » dans les Côtes d’Armor le prouvent : il se passe quelque chose en province !

M. Dominique Richard. Vous venez de le découvrir ?

M. Michel Françaix. De même, un enjeu majeur est de favoriser l’appropriation de l’offre culturelle par la population des villes et des banlieues, car la politique culturelle génère aussi du lien social.

Tout le monde s’accorde pour reconnaître aux artistes un rôle essentiel dans la vie culturelle. L’artiste, c’est le passeur qui nous aide à accéder à la richesse du monde sensible. Mais permettez-moi d’insister sur le fait que la présence de créateurs à Paris, dans les petites villes ou en milieu rural est une chance dont le pays ne peut se passer. Je sais que vous partagez ce point de vue, monsieur le ministre, ce qui rend votre attitude à l’égard du statut du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle d’autant plus incompréhensible et inacceptable.

Au-delà d’un affichage budgétaire trop optimiste pour être honnête, de cette non-assistance à patrimoine en danger, de la stagnation des crédits de programme destinés à la création et du compte d’affectation spécial « Cinéma et audiovisuel », de l’absence de prise en compte du rôle essentiel joué par les radios associatives, c’est la hiérarchisation systématique au bénéfice des institutions nationales que nous acceptons le moins.

Au cœur d’une société qui se fracture, le rôle de l’État est d’être, entre audace et action, aux avant-postes du lien avec la population. Il ne peut refuser d’investir dans la formation d’une citoyenneté éclairée. Soyez conscient, monsieur le ministre, de la pression qu’exerce la montée des populismes et des extrémismes.

M. le ministre de la culture et de la communication. Parlez-en à Mme Royal !

M. Michel Françaix. La conquête de la culture, c’est aussi une reconquête de la politique. Il vous revient – mais plus pour longtemps, je l’espère pour les artistes et les créateurs – de mettre en tension l’art et la vie, de mettre l’art à l’épreuve de la vie, et la vie à l’épreuve de l’art. Il reste du chemin à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Tout d'abord, je tiens à vous remercier, messieurs les rapporteurs, pour votre travail et vos observations. Ils font honneur non seulement à l'esprit de la loi organique, mais aussi à l'exercice du rôle législatif et de contrôle qui sont au cœur des missions du Parlement. Nos discussions sont parfois directes, mais elles ont le mérite de la franchise. Tout en ayant pris bonne note de vos remarques, auxquelles je reviendrai dans un instant, je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur spécial, d'avoir jugé au nom de la commission des finances que le projet de budget de la mission ministérielle « Culture » était « globalement satisfaisant ».

Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie d'avoir pris acte de la reconquête des marges de manœuvre dont témoigne le projet de budget qui vous est soumis. J'y vois un signe d'attachement de la représentation nationale à l'action de l'État dans ce domaine essentiel. Je tiens également à vous féliciter pour votre analyse, aussi juste que subtile et détaillée, de l'action internationale du ministère de la culture. Et je reprendrais volontiers à mon compte l'objectif que vous lui assignez : « répondre à un désir de France ». Cette définition me paraît aussi valoir, au fond, pour l'action menée par le ministère de la culture et de la communication, non seulement au-delà de nos frontières, afin d’assurer le rayonnement culturel international de la France, mais aussi, au sein même de notre pays, de nos territoires, afin de réussir l'alliance, que je crois féconde, du patrimoine et de la création, dans les domaines nombreux et divers de ses interventions.

Il y a en effet, au cœur de nos missions, ce sentiment largement partagé dans le monde, et souvent prouvé au cours de l'histoire – une histoire en marche –, ce sentiment exprimé par André Malraux que « la France n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle l'est pour les autres ». Et le ministre d'État du général de Gaulle, auquel M. le président de l'Assemblée nationale a rendu hier un très bel hommage et auquel je rendrai hommage à mon tour, rue de Valois, le 23 novembre, à l'occasion du trentième anniversaire de sa mort, ajoutait qu'il y a, au cœur de la culture, cette très belle mission de « faire prendre conscience aux hommes de la grandeur qu'ils ignorent en eux ».

Avant de répondre en détail aux observations des rapporteurs, puis aux questions précises des orateurs, je tenais à revenir ici, pour le dernier budget de cette législature, à cette ambition fondatrice. Non pour dresser un bilan, mais pour tracer les perspectives et le contexte d'une action que j'ai, avec votre concours, mesdames et messieurs les députés de la majorité, tenu à inscrire dans le cadre du décret qui a fixé, le 24 juillet 1959, les objectifs de l'action du ministère de la culture : « rendre accessible les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et favoriser la création des œuvres d'art et de l'esprit qui l'enrichissent...».

Oui, cette ambition demeure plus que jamais actuelle. Elle forme l'horizon de notre politique que les budgets traduisent en actes concrets.

En dépit des contraintes pesant sur nos finances publiques, le projet de budget est à la mesure de cette ambition, dans le cadre – favorisé par la LOLF, sous votre contrôle – d'un État moderne, soucieux d'efficacité, de bonne gestion et d’un meilleur service rendu à nos concitoyens. Voilà qui donne tout son sens à l'appréciation de votre rapporteur spécial sur son caractère « globalement satisfaisant » !

À périmètre constant et compte tenu des nouvelles taxes affectées, les moyens du ministère de la culture progressent de 7,8 % cette année. Peu de ministères peuvent se vanter d’une telle progression – 3,2 milliards d’euros – et d’une telle continuité budgétaire. C'est un effort considérable, un effort pérenne de surcroît, qui s'inscrit dans la continuité des deux précédents budgets que je vous ai présentés et que vous avez adoptés. Je le dis sincèrement, chaleureusement et solennellement à celles et ceux d'entre vous qui les ont votés et qui, je l'espère, voteront celui-ci : vous pouvez en être fiers. Le dire n’est en aucune manière faire acte de triomphalisme ou d’autosatisfaction, mais souligne tout simplement que nous progressons et essayons d’être à la hauteur des enjeux.

Depuis 2002, le budget de la culture n'a cessé d'augmenter, et cette augmentation s'est accélérée depuis 2004. Je tiens à rappeler cette vérité, au risque de déranger certains : entre 1997 et 2002, les moyens de la culture ont progressé de 300 millions d’euros ; entre 2002 et 2007 et, en vérité, entre 2004 et 2007, ils ont progressé de près de 600 millions d'euros !

M. Patrick Bloche. Vous oubliez de préciser que le périmètre a changé !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est dire si le slogan, le fantasme, l'antienne du prétendu désengagement de l'État, que j'entends parfois agiter ici ou là, ne se traduit ni dans les chiffres ni dans l'action !

M. Patrick Bloche. Donnez-nous plutôt les vrais chiffres !

M. le ministre de la culture et de la communication. Sur un sujet aussi stratégique, dans un climat de violences internationales et de violences dans notre pays, j’attendais de l’opposition, de la gauche républicaine, qu’elle sache se rassembler autour d’objectifs, au lieu de se lancer dans de vaines querelles politiciennes.

M. Patrick Bloche. C’est honteux ! C’est un procès d’intention ! Nous sommes dans l’opposition et vous nous présentez un mauvais budget !

M. le ministre de la culture et de la communication. Peut-être préparez-vous des jurys populaires chargés de mettre en cause les artistes !

M. Patrick Bloche. Allons, reprenez-vous, monsieur le ministre !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce ministère engage et prépare l'avenir, et c’est pourquoi il investit : 20 % de nos crédits sont consacrés à l'investissement, et vous avez justement noté que, cette année, les dépenses de fonctionnement de l'administration sont stabilisées.

Pour préciser l'évolution du périmètre de ce budget – je vous dois la sincérité, sinon les comparaisons d’une année à l’autre n’ont pas de sens –, j'ajoute aussitôt que le transfert de la dotation générale de décentralisation, qui est une simplification logique, fait sortir 179 millions d’euros du périmètre de la mission « Culture » pour les rattacher directement à la mission « Soutien aux collectivités locales » du ministère de l'intérieur, ce qui minore artificiellement le budget du ministère. La hausse que je vous annonce est une hausse réelle, calculée à périmètre constant.

J'ajoute que sont prises en compte deux nouvelles ressources fiscales : le produit de la taxe affectée au Centre des monuments nationaux – 140 millions d’euros – et l'augmentation de la redevance qui finance le Centre national du livre, à hauteur de 14 millions d’euros. Ces deux nouvelles sources de financement, n'en déplaise à certains esprits chagrins, viennent bien accroître les ressources du ministère de la culture en 2007.

Ce ministère, vous le savez, et le succès populaire des Journées européennes du patrimoine en apporte chaque année une nouvelle confirmation, se bat pour faire de l'extraordinaire richesse de notre patrimoine un atout essentiel de l'attractivité de notre pays.

Aussi, ma première priorité, ce sont les monuments historiques, et je sais que vous y serez sensibles.

L’idée française du label du patrimoine européen est en passe de devenir une idée européenne concrète et opérationnelle. Nous serons en mesure, pour les cinquante ans du traité de Rome, d’annoncer la première liste des éléments du patrimoine européen, destinée à devenir une sorte de guide du routard culturel de l’Europe, afin que les lieux les plus emblématiques – châteaux, lieux de culte, places de village, cafés emblématiques de la création littéraire ou politique, librairies indépendantes – soient mis en réseau et que cette Europe vivante devienne une réalité.

M. Michel Herbillon et M. Claude Leteurtre. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. L'an passé, au-delà des crédits budgétaires stricto sensu, une partie des recettes de privatisation avait été consacrée aux grands chantiers patrimoniaux. Cette année, c'est une nouvelle mesure pérenne que j'ai obtenue, afin que l'État reste le garant d'une politique nationale forte en faveur des monuments historiques. Il contribue ainsi, à hauteur de 320 millions d'euros, au financement de quelque 4 000 chantiers partout en France.

Le Premier ministre, et je l’en remercie, a annoncé à Amiens, le 14 septembre dernier, les décisions nouvelles qui permettront, entre la fin de cette année et le début de l'an prochain, d’affecter 140 millions d'euros supplémentaires aux chantiers de restauration : 70 millions pour 2006, 70 millions pour 2007 ; c’est bien une recette pérenne année après année.

Les chantiers des collectivités territoriales et des propriétaires privés bénéficieront pleinement de cet abondement, grâce aux redéploiements qu'il permettra.

Cette mesure s'accompagne, comme vous l'avez relevé, d'une réforme du Centre des monuments nationaux, qui va se voir confier la maîtrise d'ouvrage sur les édifices qui lui sont remis en dotation et sur d'autres monuments appartenant à l'État.

Ces moyens nouveaux permettront notamment d'affecter 10,7 millions d’euros à Versailles pour son schéma directeur ; 89,3 millions à l'EMOC, qui ont permis de solder les travaux de la Cinémathèque, des Arts déco et de l'Orangerie, établissements qui ont ouvert en 2006, ou encore de poursuivre les travaux pour le Palais de Chaillot ou le MUCEM à Marseille. Sur l’ensemble du territoire, 160 chantiers, qui avaient fait l’objet d’un certain nombre de mesures de régulation, seront ainsi relancés.

L'annonce, l'an dernier, du déblocage de 100 millions d’euros, issus des recettes de privatisations, a été immédiatement suivie d'effet, avant la fin de la gestion 2005. C’est un sujet qui doit rassembler l’ensemble de la communauté nationale.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial pour les patrimoines. Tout à fait !

M. le ministre de la culture et de la communication. Qui peut en effet ignorer aujourd’hui la nécessité politique de conforter dans leur identité et dans leur fierté tous nos concitoyens, quelles que soient la couleur de leur peau, leur religion éventuelle ou leur situation sociale ? Et si nous voulons un pays ouvert sur la création, acceptant toutes les diversités, il faut avoir à cœur de conforter le patrimoine, l’identité, l’expression historique et culturelle de notre pays.

M. Michel Françaix. C’est le minimum !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je crois vraiment que c’est un sujet sur lequel tous les républicains et tous les démocrates pourraient se rapprocher. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En 2006, les chantiers en région ont bénéficié en cours de gestion des 24 millions de dégel, ainsi que d'une dizaine de millions de reports de crédits. Pour les monuments appartenant à l'État, ces crédits ont permis la relance de 103 chantiers. Je tiens à préciser – car je suis, comme vous tous, convaincu du rôle majeur du patrimoine en matière d'équilibre et d'aménagement du territoire –, que 94 opérations concernées par cette relance sans précédent se situent en région, contre 9 en Île-de-France. Cela réfute les regrets exprimés sur les déséquilibres en la matière, et vous en ferez part à M. le président de la commission des finances dont je connais la passion légitime sur le sujet !

M. Michel Bouvard. C’est une passion partagée !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce sont les chantiers de monuments historiques en région qui font clairement l'objet de la priorité 2007.

En 2007, 140 millions seront débloqués au titre du plan de relance annoncé par le Premier ministre, et recouvrent 70 millions d'euros du produit de la taxe versée au Centre des monuments nationaux pour les deux années 2006 et 2007. La loi de finances rectificative qui vous sera prochainement soumise permettra la mobilisation de ces crédits.

L'engagement très fort de l'État est complété, de façon non négligeable, par le succès de la politique de mécénat et, en particulier, des fondations dans le domaine du patrimoine. Le mécénat ne doit pas se limiter à quelques individus ou à quelques groupes renommés de notre pays, mais doit aussi concerner chacun et chacune d’entre nous. Ce partenariat et cette addition des énergies sont essentiels.

Dans ce cadre, nous veillons à la bonne répartition sur le territoire des fruits du mécénat.

Pour répondre à une préoccupation exprimée par la commission des finances, je précise qu’il n'existe pas encore d'outil statistique permettant de chiffrer l'impact des mesures d'incitation fiscale concernant le patrimoine.

M. Michel Bouvard. Ce serait très intéressant !

M. le ministre de la culture et de la communication. En effet.

Mais je rappelle que les dépenses fiscales relatives au patrimoine ont été chiffrées comme suit dans le « bleu » budgétaire : déduction des charges foncières afférentes aux monuments historiques, 10 millions d’euros ; déduction des dépenses exposées dans les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager – dispositif Malraux –, 50 millions d’euros. Il apparaît que l'effet de levier de telles mesures en faveur du patrimoine est considérable, non seulement sur le tourisme, mais aussi sur l'économie, l'emploi, l'attractivité et le rayonnement de nos villes, de nos départements et de nos régions, dans l'ensemble de nos territoires.

Vous avez soulevé la question de la maîtrise d'ouvrage de l'État. Je rappelle que l'ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés affirme maintenant formellement que le propriétaire est maître d'ouvrage des travaux sur son monument et que, sous certaines conditions, l'État peut l'assister pour l'aider à assurer cette maîtrise d'ouvrage. Le décret d'application de cette réforme de l'État, réforme de simplification et de modernisation, est en cours d'élaboration.

Dans la majorité des DRAC, le nombre d'opérations en maîtrise d'ouvrage de l'État sur les monuments ne lui appartenant pas a été considérablement réduit et ne représente plus qu'un pourcentage marginal de leur programmation de travaux en titre V. L'année 2007 sera consacrée à réduire encore cette proportion et à mettre en place l'assistance à maîtrise d'ouvrage prévue par l'ordonnance.

Quant à l'application de la LOLF au ministère de la culture et de la communication, il est vrai qu’à l'examen du bilan de cette première année de mise en œuvre de la réforme budgétaire et comptable, tous les ministères ont encore des progrès à accomplir en ce domaine, dans un contexte difficile.

Le ministère a choisi de manière volontariste des périmètres de programme qui ne sont pas en phase avec l'organisation administrative dans le souci de respecter l'esprit de la réforme, mais cette difficulté a été surmontée grâce à l'existence d'un collège auprès de chaque responsable de programme permettant un pilotage cohérent des politiques publiques, tout en préservant la spécificité des métiers de chacun.

En février 2006, après validation des responsables de programme, une charte de gestion a été adoptée et vise à définir le rôle des acteurs lors de la préparation du budget comme en gestion. Les procédures qu'elle contient ont permis de préparer le projet de loi de finances pour 2007 avec une vision cohérente des programmes, validée par leurs responsables.

Dernier point, les crédits relatifs aux personnels des services déconcentrés sont effectivement rattachés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Ce choix a été validé par le comité interministériel d'audit des programmes en 2005 pour des motifs de bonne gestion, puis invalidé par le même organisme en 2006 pour des motifs de lisibilité ! Cette décision est-elle contraire à l’esprit de la LOLF ? Non, puisque l'analyse des coûts permet une réaffectation complète des personnels dans les actions des programmes auxquels ils concourent.

Je voudrais répondre à une question souvent entendue, et hier encore en commission des finances, sur l'équilibre Paris-Province de nos interventions. Il s’agit, là encore, de l’égalité d’accès à la culture.

Entre 2002 et 2007, la part des investissements de l'État en région s'est maintenue à un niveau légèrement supérieur à 50 % par rapport aux investissements en Île-de-France, ce qui traduit la priorité accordée par le ministère à l'aménagement culturel du territoire. Soyons précis sur les chiffres : 52 % en 2002, 55 % en 2007.

C'est ce gouvernement, grâce à cette majorité, et vous pouvez en être fiers, qui a décidé et lancé les chantiers du Louvre à Lens et du Centre Pompidou à Metz.

2007 est une année emblématique pour de grands projets régionaux, comme le MUCEM à Marseille : 15 millions d’euros d'autorisations d'engagement et 6 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés en 2007 à ce projet.

De nombreux projets d'équipements artistiques sont en cours dans le domaine du spectacle vivant, qui est mon autre grande priorité. À cet effet, 24 millions d’euros sont prévus en 2007 et concernent l'auditorium de Bordeaux, l'auditorium d'Aix-en-Provence, la restauration du Théâtre national de Bretagne ou encore le Centre dramatique national de Montluçon.

La politique que je mène en faveur de la diversité culturelle, de la création et de l'emploi se traduit également dans le budget du cinéma.

Dans le secteur dynamique et créateur d'emplois de la production et de la création cinématographique et audiovisuelle, notre politique de relocalisation des tournages, d'incitation et d'encouragement à l'emploi porte ses fruits, notamment grâce aux mesures de crédit d'impôt, élargies à l'audiovisuel, mais aussi à l'addition des énergies, aux partenariats, qui donnent, dans ces domaines en particulier, un fort effet de levier aux actions de l'État.

Vous aimez mesurer l’efficacité des dispositions législatives que vous adoptez − rien n’est plus normal. Sachez donc que, grâce à l’introduction du crédit d’impôt que vous avez votée, mesdames et messieurs de la majorité, le nombre de semaines de tournage en France a augmenté de 20 %, passant de 880 en 2003 à un millier en 2006.

Cette année, votre commission des affaires culturelles a décidé de porter son regard sur l’action culturelle internationale de la France et je tiens, monsieur le rapporteur pour avis, à vous féliciter pour la qualité de votre analyse. Vous pouvez être fiers, mesdames et messieurs les députés, de la bonne santé du cinéma français qui, pour la première fois de son histoire, a attiré encore plus de spectateurs à l’étranger qu’en France. C’est dire à quel point la promotion de la diversité culturelle est une réponse aux risques d’uniformisation de la mondialisation. C’est dire que la culture représente un atout de taille pour notre pays : la qualité et la visibilité internationale de notre création sont unanimement reconnues, au moment même où la diversité culturelle entre dans le droit international et où l’Union européenne a validé notre système d’aide au cinéma, ce dont je ne suis pas peu fier et ce qui est d’abord la reconnaissance des talents et du travail des créateurs, des artistes et des techniciens français.

Comme vous le savez, la convention sur la diversité des expressions culturelles doit entrer en vigueur le 19 décembre prochain − autant dire demain. La diversité est essentielle dans tous les domaines, notamment celui de la radio : on dénombre désormais 600 radios associatives qui reçoivent un concours de l’État et nous avons récemment adapté diverses règles pour coller le plus possible à la réalité.

C’est dans cette perspective que doit s’apprécier la progression de 2 % des crédits destinés au cinéma et à l’audiovisuel au sein du projet de budget du Centre national de la cinématographie pour 2007.

Vous pouvez être fiers aussi, mesdames et messieurs les députés de la majorité, des ouvertures de nouveaux lieux culturels, répartis sur l’ensemble du territoire et qu’ont permises les budgets que vous avez votés. Ainsi, dans les domaines de la musique et de la danse, on note l’ouverture du Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence, en octobre 2006, avec une participation de l’État de 2,7 millions d’euros, soit 45 % ; celle du Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, en juin 2006, avec un investissement de l’État de 1,2 million d’euros ; la réouverture de la Salle Pleyel, en septembre 2006 ; la transformation de l’Opéra-Comique en établissement public et le lancement d’une importante campagne de travaux ; l’extension des travaux de Radio France et la modernisation de l’auditorium Olivier Messiaen ; l’ouverture du Centre national du costume de scène à Moulins, avec une participation de l’État de 18 millions d’euros, soit la totalité de la réhabilitation ; l’ouverture, enfin, du Centre national de la danse à Pantin.

Vous pouvez être fiers, mesdames et messieurs les députés de la majorité, que les budgets que vous avez votés aient permis, partout en France, l’ouverture de nouveaux lieux emblématiques de la richesse de notre patrimoine. Je souhaite fixer une règle simple : dès lors qu’il bénéficie d’un euro de l’État, tout lieu, qu’il s’agisse d’un monument historique, d’un musée ou d’une salle de spectacle, doit représenter une chance supplémentaire pour le tournage de films, pour la réalisation d’émissions de télévision et pour toutes les formes de spectacle vivant. C’est une manière de permettre la démocratisation de la culture, à laquelle, les uns et les autres, nous sommes tant attachés.

Ainsi, après dix ans de fermeture et de travaux, le Grand Palais, entièrement restauré, a été rouvert au public et rendu à sa vocation culturelle et artistique. Pour celles et ceux qui n’ont pas pu − ou pas voulu − y assister, je signalerai le moment très symbolique que nous avons vécu, il y a trois semaines, lorsque le Grand Palais s’est ouvert aux cultures urbaines, au cours de trois après-midi et de trois soirées qui ont vu affluer 50 000 personnes, dont certaines n’étaient peut-être jamais venues au cœur de la capitale. C’était une main tendue, une volonté de diversité concrète.

De même, la Cinémathèque française s’est installée dans ses nouveaux locaux, au 51, rue de Bercy. Le musée Granet d’Aix-en-Provence a également rouvert cette année, après un chantier de près de dix ans, avec une magnifique exposition organisée par la Réunion des musées nationaux. Certains d’entre vous se sont interrogés sur les liens entre la DMF et la RMN : en augmentant ses perspectives de rayonnement, ces chantiers permettent à la Réunion des musées nationaux de porter avec panache, dans nos régions comme à l’étranger et au plan européen, le drapeau de notre pays.

Le musée national de l’Orangerie a été inauguré cette année, après six ans de travaux. Le musée du Quai Branly a ouvert ses portes, le musée des Arts décoratifs a rouvert dans une aile du Louvre.

En outre, le musée Fabre de Montpellier, le musée de Sarran ou le musée de l’Évêché de Limoges font partie des grands projets en cours.

Dans le domaine des arts plastiques, les travaux sont lancés pour la cité du design à Saint-Étienne et l’investissement dans les FRAC de deuxième génération se poursuit, en Auvergne, en Bretagne, en Franche-Comté, en Picardie ou en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

L’estimation du coût de fonctionnement des structures en cours de création est une préoccupation constante du ministère. Quelques exemples récents en témoignent : la Cité de l’architecture et du patrimoine, que j’aurai le plaisir d’inaugurer au printemps prochain, et où je vous invite à visiter le pavillon d’about, d’ores et déjà ouvert ; le Grand Palais, pour lequel une mission de préfiguration étudie actuellement toutes les hypothèses de financement avant le lancement des indispensables travaux d’aménagement intérieur ; la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, autre magnifique exemple de la contribution de la culture et de la mémoire à la cohésion sociale. Je n’oublie pas, de ce point de vue, celui de notre histoire, de notre passé qui fait notre fierté, le projet de Centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine en Seine-Saint-Denis.

Pour répondre à vos inquiétudes concernant les baisses de certaines actions, je veux préciser qu’il s’agit principalement de changements de périmètre. Ainsi, les crédits de l’action « Architecture » sont corrigés d’un transfert de 7 millions d’euros au profit de l’action « Patrimoine monumental », ce qui explique leur diminution apparente. Le nouveau périmètre ne reflète donc en aucune manière une baisse des crédits consacrés à la politique en matière d’architecture, bien au contraire, puisque l’augmentation de l’action « Architecture », après corrections des divers effets de périmètre, s’élève à 1 %. Moi aussi, je me situe dans la perspective européenne et souhaite que les étudiants puissent passer d’une école à une autre, d’un pays à un autre : c’est d’ailleurs pourquoi la réforme du LMD est entrée en vigueur.

De même, l’action « Patrimoine cinématographique » est corrigée d’un transfert de 2,5 millions d’euros en autorisations de paiement au titre du regroupement des crédits du CNC sur le programme « Transmission des savoirs ». La même raison explique la baisse apparente des crédits de l’action « Industries culturelles », car 7,8 millions d’euros gérés par le CNC sur cette action passent au programme « Transmission ».

À périmètre constant, l’action « Industries culturelles » est en reconduction. C’est un domaine essentiel de mon action.

Les crédits de l’action « Éducation artistique » sont en hausse de 500 000 euros, hors masse salariale, soit une progression de 1,7 %, destinée à la poursuite du plan de relance de l’éducation artistique. La baisse apparente ne concerne que les crédits de personnel en raison du recalibrage des programmes de la mission. Avec mon collègue de l’éducation nationale, nous avons fixé un principe simple : chaque lieu géré par l’éducation nationale a vocation à nouer un partenariat culturel et artistique, qu’il s’agisse de l’école primaire, des collèges ou des lycées.

Je voudrais aborder à présent la question de l’emploi, qui, depuis 2004, est au cœur de ma politique culturelle, notamment celle de l’emploi dans le spectacle, à laquelle je me suis attelé dès le jour de ma prise de fonctions.

Le Gouvernement a pris acte que les confédérations d’employeurs et plusieurs confédérations de salariés avaient déclaré leur intention de signer le protocole d’accord relatif au dispositif spécifique d’assurance chômage des artistes et des techniciens.

Ce texte, qui sera examiné dans le cadre de la demande d’agrément de l’État, représente un résultat positif, d’abord parce qu’il est issu des négociations entre les partenaires sociaux, mais surtout parce qu’il tourne la page de la crise ouverte en 2003, dans la mesure où il est cohérent avec une politique de l’emploi dans le spectacle − dont il constitue l’un des éléments, mais qu’il ne structure plus à lui tout seul, comme naguère − et où il corrige les plus graves défauts du protocole de 2003.

L’ensemble des travaux conduits dans le cadre de la politique d’emploi, les expertises confiées à Jean-Paul Guillot, les travaux de la mission d’information de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et le rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat, les propositions émanant de différentes organisations, en particulier du comité de suivi, ont éclairé les négociations entre les confédérations comme les décisions du Gouvernement…

M. Patrick Bloche. C’est faux ! Elles ne sont pas prises en compte !

M. le ministre de la culture et de la communication. …en vue de parvenir à un système pérenne, articulant la solidarité interprofessionnelle et la solidarité nationale.

M. Patrick Bloche. La solidarité nationale se substitue à la solidarité interprofessionnelle !

M. le ministre de la culture et de la communication. Le nouveau système est constitué du projet de protocole du 18 avril 2006, négocié par les partenaires sociaux, et du fonds de professionnalisation et de solidarité, mis en place et financé par l’État. Même s’il ne reprend pas toutes les propositions qui avaient été émises, il est cohérent avec la politique de l’emploi dans le spectacle et assure une protection sociale et professionnelle pour les artistes et les techniciens, à un niveau qu’aucun autre système n’avait atteint auparavant.

M. Michel Bouvard. C’est certain !

M. le ministre de la culture et de la communication. Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur Bloche, il ne sape pas la solidarité interprofessionnelle.

M. Patrick Bloche. Si !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il la conforte, concrètement. En effet, il garantit, par la décision des confédérations, le maintien du régime spécifique d’assurance chômage des artistes et techniciens au sein de la solidarité interprofessionnelle,…

M. Patrick Bloche. Ce n’est pas garanti !

M. le ministre de la culture et de la communication. …ce qui est essentiel, car c’est la condition de leur activité professionnelle. Sans cela, mesdames et messieurs les députés, vous auriez à délibérer sur le financement du milliard d’euros de déficit des annexes 8 et 10.

M. Frédéric Dutoit. C’est faux !

M. le ministre de la culture et de la communication. Faire prendre ce déficit en charge par le budget du ministère de la culture, ce serait une politique de gribouille.

Ce nouveau système articulé prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité spécifiques au secteur du spectacle, qui permettent aux artistes et aux techniciens de retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence annuelle, qui correspond au rythme de l’immense majorité d’entre eux, même si c’est au terme d’un mécanisme peut-être un peu complexe.

M. Patrick Bloche. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il maintient un niveau d’indemnisation élevé, de 51 euros en moyenne par jour pour les artistes et de 60 euros pour les techniciens, quand, dans le régime général, ce niveau est de 33 euros en moyenne.

Il maintient − et il faut le répéter à l’extérieur pour contrecarrer la désinformation − un seuil de 507 heures sur douze mois tout au long de l’année 2007, soit pendant un an après la conclusion des premières conventions collectives.

M. Patrick Bloche. Et en 2008 ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Il permet la déclaration, à l’intérieur des 507 heures, de 120 heures au maximum de formation dispensée par les artistes et les techniciens, pour encourager le développement de l’enseignement artistique et pour permettre aux artistes et aux techniciens de transmettre leur savoir et leur expérience. Ces mesures nouvelles, mesdames et messieurs de la majorité, c’est vous qui les rendrez possibles, car ceux qui refuseront ce financement ne donneront pas à l’État les moyens d’intervenir.

M. Patrick Bloche. Ça, c’est carrément nul !

M. le ministre de la culture et de la communication. Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées et, avec la nouvelle formule de calcul de l’allocation et l’abandon du salaire journalier de référence − qui, comme vous le savez, faisait l’objet de nombreuses revendications −, il prévoit des montants d’indemnisation proportionnels à la fois à la rémunération et à la durée du travail effectué et déclaré. Bref, c’est un mécanisme vertueux.

Il incite à choisir des contrats plus longs. Ainsi, un artiste ou un technicien aura toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout son travail, plutôt que d’être indemnisé par l’assurance chômage. Ce n’était le cas ni dans le système de 2003 ni dans ceux qui l’ont précédé, messieurs les députés de l’opposition.

Il prend en compte les congés de maternité, les congés liés à des maladies dont le traitement est remboursé à 100 % par l’assurance maladie ou ceux dont la durée dépasse trois mois, ainsi que les congés liés aux accidents du travail. Il garantit le maintien de leurs allocations jusqu’à l’âge de la retraite aux artistes et techniciens qui ont dépassé soixante ans et demi.

Enfin, il est certain que vous ne parlerez pas de son dernier avantage, messieurs de l’opposition, et ce sera d’autant plus malhonnête que ce serait utile pour l’information des artistes et des techniciens, puisque cette revendication très ancienne n’avait jamais été satisfaite.

M. Patrick Bloche. C’est vous qui êtes malhonnête, depuis le début de votre intervention !

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce nouveau système prévoit en effet une allocation de fin de droits de 30 euros par jour lorsque les artistes et techniciens arrivent au terme de leurs droits à indemnisation et qu’ils ne peuvent pas bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité parce que leurs pratiques d’emploi spécifiques ne leur permettent pas d’en remplir les conditions.

M. Patrick Bloche. Après, ils sont RMIstes et c’est l’État qui paie !

M. le ministre de la culture et de la communication. La durée de cette allocation, d’un montant de 30 euros par jour, est modulable en fonction de l’ancienneté : deux mois pour ceux qui ont moins de cinq ans d’ancienneté ; trois mois, qui peuvent être versés jusqu’à deux fois, pour ceux qui ont entre cinq et dix ans d’ancienneté ; six mois, qui peuvent être versés jusqu’à trois fois, pour ceux qui ont plus de dix ans d’ancienneté. Ainsi, un artiste ou un technicien pourra bénéficier de cette allocation de fin de droits jusqu’à six fois dans son parcours − et le versement de cette allocation sera accompagné d’un soutien professionnel adapté à la situation et aux aspirations de chacun d’entre eux.

M. Patrick Bloche. C’est trop compliqué ! Personne n’y comprend rien, pas même ceux qui signent les accords !

M. le ministre de la culture et de la communication. Bref, bien loin de trahir nos engagements, nous respectons la parole donnée. Il n’empêche que la vie d’artiste ou de technicien du spectacle est difficile, et ce ne sont pas ces dispositions qui les mettront à l’abri des difficultés – lesquelles font aussi la beauté de leur métier.

Mais une page est définitivement tournée : nous engageons enfin une politique nécessaire et ambitieuse pour l'emploi dans le spectacle.

La culture, dans le monde d'aujourd'hui, est un capital porteur d'avenir, et c'est pourquoi le budget que je vous présente traduit un engagement fort de l'État, que j'ai tenu à replacer dans le cadre d'une politique dédiée à l'emploi culturel, à la diversité culturelle, au patrimoine et à la création.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en vous présentant ce budget, j'ai d'abord voulu traduire ma conviction que la politique culturelle, au-delà même de la place sans cesse croissante que les activités liées à la culture et à la communication tiennent dans la vie quotidienne de nos concitoyens, est l'une des clés de l'avenir. Et puisque l'Assemblée nationale a rendu hommage hier à la grande voix d'André Malraux, qui s'est tue il y a bientôt trente ans, permettez-moi de souligner combien l'ambition du fondateur de ce ministère demeure intacte et continue à inspirer mon action. Oui, à l'ère numérique, la « mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des œuvres d'art et de l'esprit qui l'enrichissent », demeure plus que jamais nécessaire et urgente.

Faire en sorte que chacun dispose des moyens de construire son propre musée imaginaire, d'ouvrir sa propre maison de la culture pour créer et partager ses rêves et ses projets, pour puiser dans ses racines la force d'inventer des voies nouvelles, est une mission certes difficile, mais exaltante. C'est une passion exigeante, mais féconde – je n'en connais pas de plus belle. Je remercie toutes celles et tous ceux qui partagent cette conviction et cet engagement et qui, en adoptant ce budget, nous donneront les moyens de les mener à bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par le groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le ministre, les médias associatifs, et en particulier les radios de catégorie A, font face à une baisse drastique des subventions et des diverses aides à l'emploi, ce qui fragilise terriblement ce secteur. Les radios réclament donc un doublement du fonds de soutien à l'expression radiophonique. Dans quelle mesure et dans quel délai allez-vous procéder à une augmentation significative de ce fonds et des subventions qui y sont attachées ?

Pour ce qui est des autres médias du tiers secteur, aucune politique d'aide n'a sérieusement été mise en place. Le fonds de soutien aux télévisions associatives, pourtant promis aux opérateurs, n'a toujours pas vu le jour. Quant aux autres médias associatifs et indépendants, ils ne bénéficient d'aucun soutien, ni même d’aucune promesse à cet égard. Dans le domaine de la démocratie, de la culture, de la création artistique, de l'information indépendante, le marché ne peut tout régler seul. L’exécutif doit avoir une politique volontariste si l’on veut que les médias indépendants puissent rendre compte de la richesse des idées, exprimer les beautés de la création et faire vivre le débat démocratique.

La TNT devait donner la possibilité aux télévisions de proximité de prospérer. Or, qu'elles soient publiques, commerciales ou associatives, elles n'ont pratiquement pas bénéficié de cette ouverture. Pourtant, sans médias de proximité, il n’est pas de télévisions participatives, pas d'encouragement aux jeunes talents et à la création artistique, pas de démocratie locale.

Les médias associatifs et indépendants, qui sont aussi la plupart du temps des médias de proximité – qu’il s’agisse de la radio, de la télévision, de la presse ou d’Internet –, sont un élément incontournable du pluralisme des médias et de la diversité des opérateurs. Tout gouvernement démocratique doit faire en sorte que ce tiers secteur ait les moyens d'exister et de remplir ses missions. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour assumer cette responsabilité ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, j’aime la liberté de ton des radios associatives. Je prendrai à cet égard un seul exemple tiré de l’histoire maintenant ancienne puisqu’il date de 1981. Après le congrès de Valence, on tenait les propos suivants sur Radio Zinzine – la voix de Longo Maï –, radio associative implantée dans les Alpes-de-Haute-Provence : « Ce Donnedieu de Vabres, pas la peine de le guillotiner, on ne sait même pas s’il a une tête ! » J’aime la vivacité, la liberté d’expression, le pluralisme des radios associatives, qu’il nous faut encourager tant leur rôle, après plus de vingt-cinq ans de présence au sein de notre paysage audiovisuel, est primordial.

Seuls médias de proximité couvrant l’ensemble du territoire, elles s’adressent en priorité à des populations isolées et interviennent comme un élément unificateur, animant la vie locale, réservant une large part de leur programmation à des cultures minoritaires et à de nouveaux talents, et relayant des campagnes d’intérêt général. Leur nombre et la qualité de leurs programmes en font un élément clef du pluralisme de notre paysage radiophonique qui doit demeurer équilibré et diversifié afin que chaque citoyen puisse disposer d’une grande liberté de choix. Il convient donc de les soutenir et de leur permettre d’évoluer dans des conditions économiques et réglementaires satisfaisantes.

L’aide publique nationale accordée aux radios associatives dans le cadre du FSER constitue en moyenne un tiers de leurs ressources. Ce fonds accompagne depuis plus de vingt ans leur développement, et ses dépenses n’ont cessé de croître en raison de l’augmentation du nombre des radios éligibles, qui est passé de 442 en 1993 à 562 en 2005. Le total des subventions versées est ainsi passé sur la même période de 14 millions à 24 millions d’euros, soit une augmentation de 72 % : ne voyez pas là d’autosatisfaction, mais le simple constat de la réalité.

Pour équilibrer les comptes du FSER, il fallait donc augmenter le rendement de la taxe : six nouveaux paliers ont été ajoutés au barème en 2005. Cette mesure a permis de mettre les recettes du fonds en adéquation avec ses dépenses. Sur cette base revalorisée, le montant prévisionnel des crédits ouverts au titre du FSER dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007 a été revu à la hausse en étant porté à 24,1 millions contre 23,75 en 2006. Dans l’hypothèse où le montant des recettes réelles du compte spécial alimentant le fonds viendrait à dépasser en cours d’exercice celui de l’inscription budgétaire initiale, nous ouvririons des crédits complémentaires, comme en 2005. De surcroît, le succès des chaînes de la TNT devrait permettre d’anticiper une croissance progressive du produit de cette taxe.

J’ai engagé par ailleurs une réforme du FSER afin de consolider son fonctionnement et d’optimiser l’utilisation de ses ressources tout en en maintenant l’équilibre général. Certains ont craint des aides à la tête du client, mais pour m’être moi-même rendu au congrès des radios associatives à Rochefort-sur-Mer, je puis assurer que cette polémique sur le fait du prince est derrière nous.

Le décret relatif à cette réforme, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le début de l’année prochaine, a été publié le 25 août dernier après avoir fait l’objet d’une concertation approfondie avec les organisations professionnelles des radios associatives. Je demeure attentif à ce qu’elles puissent remplir dans les meilleures conditions leurs missions tant culturelles que sociales.

Quant aux problèmes de versement des crédits, ils ont été réglés.

M. le présidente. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour une deuxième question.

M. Frédéric Dutoit. Permettez-moi d’abord, monsieur le ministre, de me réjouir comme vous de la création du MUCEM à Marseille. J’ai déjà, en ma qualité de maire d’arrondissement, engagé un partenariat avec la mission de préfiguration pour qu’il devienne un véritable musée vivant et citoyen. Nous sommes donc bien d’accord pour que ce projet soit réalisé au plus tôt.

M. le ministre de la culture et de la communication. L’unanimité existe !

M. Frédéric Dutoit. J’en viens à ma question.

D'après une récente enquête, la moitié des visiteurs de musées ne se sont rendus que dans des lieux qui exposent des peintures et des sculptures allant de l'Antiquité au début du XXe siècle. Un quart seulement d’entre eux a visité un musée d'art moderne ou contemporain.

Le public de l'art contemporain est divers, et cette diversité tient d'abord à l'inégale répartition géographique de l'offre culturelle. Même si la concentration parisienne s'estompe en faveur des métropoles régionales, des déséquilibres subsistent au détriment des périphéries ou des villes environnant ces nouveaux pôles. Or une exposition peut être aussi un lieu de rencontres et de partage. Pour moi, la culture est en effet un moyen d'émancipation, et l'art, un puissant facteur de démocratie. Il convient donc de permettre à tous d'accéder à la diversité et à la richesse de notre patrimoine culturel.

Selon le code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur les sociétés, les versements effectués au profit « d’organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale l'organisation de festivals ayant pour objet la présentation au public d'œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque...», ce qui exclue du mécénat des événements comme les expositions d'art. Or il existe en France de nombreux organismes publics et privés dont la gestion est désintéressée et qui organisent des expositions contribuant de manière significative à la création et à la diffusion artistique. La biennale nationale d'art contemporain de Lyon, dont Claude Leteurtre rappelait le succès, en est un parfait exemple.

Le contexte international très concurrentiel dans lequel se tiennent ces expositions exige des acteurs publics et privés un soutien et un accompagnement sans faille pour assurer la pérennité de ces événements. À cet égard, la participation des entreprises au développement des expositions d'art serait sans nul doute favorisée si celles-ci étaient incluses dans le champ d'éligibilité du régime du mécénat. Envisagez-vous, monsieur le ministre, cette modification du code général des impôts ?

M. le présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement a pris de nombreuses dispositions pour soutenir la création contemporaine. Je les rappelle rapidement, non par volonté d’autosatisfaction mais par souci de les voir utilisées.

Les droits de donation et de succession, ainsi que le paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune, peuvent désormais être acquittés grâce à des œuvres d’artistes vivants. Cette nouvelle possibilité de soutien à la création et aux artistes est un formidable encouragement aux initiatives privées contribuant à la sauvegarde de notre patrimoine d’art contemporain.

Le mécénat d’entreprise peut se développer pleinement grâce à la possibilité d’acquérir des œuvres, quel que soit leur prix, avec pour seule obligation de les exposer dans les espaces publics de l’entreprise. Afin d’éviter tout contentieux, une circulaire du ministère des finances clarifie les modalités de cette exposition des œuvres.

Pour protéger le caractère protéiforme de la création contemporaine et son ouverture à de nouvelles formes d’expression artistique, la TVA concernant les installations audiovisuelles ainsi que les œuvres vidéo et sur support multimédia est ramenée au taux général concernant les œuvres originales, passant ainsi de 19,6 % à 5,5 %, ce qui contribue à la reconnaissance de la qualité artistique de ces œuvres.

Enfin, les créateurs dans le domaine des arts plastiques débutant leur activité ou s’installant en France bénéficient, dans la limite d’un plafond de 50 000 euros au titre de leurs cinq premières déclarations fiscales, d’un abattement de 50 % de leur bénéfice imposable. Ces mesures favorisent à la fois l’installation professionnelle des jeunes créateurs et l’installation de créateurs étrangers, renforçant ainsi l’attractivité culturelle de la France.

M. Frédéric Dutoit. Tel n’était pas l’objet de ma question.

M. le ministre de la culture et de la communication. Bref, nous avons progressé même si d’autres avancées sont à réaliser.

Vous évoquez, monsieur Dutoit, l’extension du champ du mécénat : c’est un projet qui n’a pas encore abouti. Comme vous le savez, face à ses collègues de Bercy, le ministre de la culture et de la communication est un éternel mendiant.

Notre soutien à la création contemporaine n’en demeure pas moins très important. Permettez-moi à cet égard de rappeler l’exposition « La force de l’art » que nous avons organisée au Grand Palais. Cette initiative, très décriée à l’époque, avait pour objet de présenter l’ensemble de nos créateurs avec une périodicité de trois ans. Je viens de mettre en place la nouvelle équipe. Personne aujourd’hui ne remet plus en cause cet événement qui apparaît comme un soutien légitime à la création contemporaine.

Tout ne doit pas cependant être concentré sur la capitale. Tous les FRAC sont également concernés, et vous avez vous-même parlé de la Biennale de Lyon. Nous devons donc étudier de nouvelles initiatives. Le mécénat est une piste à explorer.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l’UMP.

La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Monsieur le ministre, les rapporteurs l’ont souligné, votre ministère est engagé depuis de nombreuses années dans la protection et la rénovation des édifices classés ou inscrits : 28 245 inscrits et près de 40 000 classés ou inscrits au total. Non seulement ils représentent un patrimoine monumental exceptionnel, mais ils contribuent également au développement économique sur l’ensemble du territoire grâce à leur attractivité touristique et à la pérennisation d’un artisanat du bâtiment avec son savoir-faire traditionnel. Vous y êtes attaché et je vous fais confiance à cet égard.

Mais si ce budget confirme votre volonté politique d’engagement important des crédits pour le patrimoine en faveur de cette sauvegarde, force est de constater que les priorités données aux rénovations dans le cadre des grands projets des villes décalent très fortement les petits chantiers régionaux des champs, qui souffrent des reports de crédits. De nombreux propriétaires, gens souvent passionnés et qui consacrent l’essentiel de leurs revenus et de leurs loisirs à ces rénovations, ont déjà vu leurs subventions se réduire de 50 à 20 %. Ils se trouvent ainsi dans l’incapacité de financer des travaux de rénovation et de réhabilitation de leur patrimoine ou subissent de longs délais de suspension des travaux, avec toutes les conséquences négatives que cela implique pour les entreprises.

Saisi du dossier par une douzaine de propriétaires placés dans cette situation en Vendée, je vous ai contacté. Votre réponse, en date du 18 juin, faisait état de solutions favorables espérées dans le cadre du PLF 2007. Nous y voici. Les crédits déconcentrés dans les régions sont inscrits au titre des dépenses d’intervention. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment ces crédits évolueront en 2007 au profit des DRAC, et tout particulièrement de la DRAC des Pays-de-la-Loire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, dans votre région, les Pays-de-la-Loire, le château de Saumur présentait un risque majeur d’effondrement. Nous avons dû faire face dans l’urgence et concentrer l’action de tous les services de l’État et les crédits vers cette tâche prioritaire.

Cependant, d’autres grands chantiers, notamment celui de la cathédrale de Nantes, à propos duquel j’avais été interpellé à de très nombreuses reprises, pour des raisons évidentes tenant à la présidence du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, ou encore de la cathédrale d’Angers…

M. Marc Le Fur. De Quimper !

M. Dominique Caillaud. De Tours !

M. le ministre de la culture et de la communication. …bref, toutes sortes de grands chantiers sur des sites propriétés de l’État ont redémarré grâce aux crédits supplémentaires débloqués à la suite des décisions du Premier ministre. Cela permettra de détendre la situation pour les crédits déconcentrés, notamment vis-à-vis des propriétaires privés de monuments historiques, dont je salue comme vous le courage, la détermination, la passion, voire l’abnégation, pour certains d’entre eux qui sont prêts à sacrifier leurs loisirs pour pouvoir financer des travaux.

J’ai ainsi le plaisir de vous annoncer que des opérations qui vous tiennent particulièrement à cœur dans le département de la Vendée vont pouvoir être financées. En effet, les annonces budgétaires pour 2007 ainsi que le déblocage des crédits en fin d’exercice 2006 ont permis de prendre les arrêtés de subvention attendus pour neuf d’entre elles, permettant ainsi leur reprise à brève échéance. Je vais les citer parce qu’elles concernent des lieux aux noms très poétiques. Les travaux vont pouvoir reprendre sur des propriétés privées, notamment les châteaux de l’Audardière, de l’Hermenault, de Sainte-Hermine, du Fief-Milon, de Brétignolles-sur-Mer, de la Flocellière, ainsi qu’à Puyravault dans le domaine dit Les Grands Greniers et sur l’enceinte fortifiée de Vouvant.

Les deux opérations restantes, dont le montage n’est pas encore totalement achevé, seront financées en 2007. Il s’agit de La Baugisière à Saint-Michel-le-Cloucq et de La Chevillonnière à Saint-Hilaire-le-Vouhis.

Enfin, pour être tout à fait complet, je vous informe de la prise en compte également sur 2007, au titre de l’achèvement du contrat de plan État-région, de deux dossiers concernant des propriétés du département de la Vendée, le château de Tiffauges et l’abbaye de Maillezais, qui avaient été reportés en accord avec le propriétaire du fait du retard dans l’avancement du chantier.

Comme vous le voyez, cette relance concernera les propriétés de l’État, les propriétés des collectivités territoriales et les propriétés privées. Je souhaite que chaque lieu de patrimoine, qu’il soit public ou privé, renforce l’attractivité de notre pays, pour le cinéma, pour la télévision, pour le spectacle vivant, comme je l’ai dit tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Roques.

M. Serge Roques. Le 15 septembre dernier, lors des journées du patrimoine, le Premier ministre a annoncé l’affectation de 140 millions d’euros supplémentaires destinés au patrimoine, en particulier aux travaux de restauration des monuments historiques. Cette annonce a été très bien reçue, non seulement par les professionnels du secteur et les élus, mais également, je crois, par tous les Français. Nous sommes tous convaincus que les quelque 40 000 monuments protégés sont pour notre pays une fabuleuse image identitaire et un atout maître pour maintenir la France comme première destination touristique au monde.

En outre, le patrimoine fait vivre un secteur économique puissant et d’avenir puisqu’il fournit quelque 500 000 emplois en France, non délocalisables et de grande valeur ajoutée, notamment dans tous les métiers d’art.

Mais ce témoignage inestimable du génie français est fragile et sa restauration est rendue difficile par la lourdeur des procédures administratives et la pénurie budgétaire.

À titre d’exemple, dans la commune dont je suis le maire, Villefranche-de-Rouergue, j’ai beaucoup de mal, malgré une forte implication municipale et personnelle, à faire bouger les choses. Nous travaillons depuis près de cinq ans à la mise en valeur de la place centrale, la place Notre-Dame, qui est entièrement classée. L’architecte des monuments historiques a terminé son étude depuis 2001. Après de gros efforts et de multiples réunions, nous sommes enfin arrivés à obtenir l’enveloppe budgétaire nécessaire pour restaurer simplement un des quatre couverts moyenâgeux de la place. Mais j’apprends qu’il va falloir attendre encore sept mois avant d’entreprendre les travaux, à la demande de l’architecte des monuments historiques qui a besoin de ce délai pour constituer le dossier de consultation des entreprises.

Nous avons aussi, comme vous l’avez vu lors de votre trop bref passage dans notre ville durant l’hiver 2004, une magnifique chartreuse du XVe siècle, très bien conservée, la seule de Midi-Pyrénées et une des rares en France comportant deux cloîtres absolument intacts. Depuis le début de notre mandat municipal, nous essayons d’y intéresser l’État mais ses représentants nous disent que rien en dehors du strict entretien ne pourra y être entrepris tant que la place Notre-Dame ne sera pas terminée. À ce rythme, il faudra attendre encore plus de quinze ans pour y réaliser quoi que ce soit de significatif.

Grâce aux nouvelles mesures que vous venez d’annoncer, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que nous pouvons espérer sur le plan financier mais également procédural pour pouvoir mieux répondre à la fois à nos attentes, à nos besoins et à notre devoir vis-à-vis des générations à venir ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, il est certain que, dans une aussi belle ville que Villefranche-de-Rouergue, on aurait envie de rester plus longtemps. Mais, en trente mois, j’ai effectué, hors mon département et hors étranger, 342 déplacements, pour soutenir une initiative, voir un spectacle, visiter un chantier… Parfois, c’est vrai, on va un peu trop vite, mais cela ne nous empêche pas d’apprécier la beauté des sites, notamment ceux de votre ville. Villefranche compte seize monuments protégés au titre des monuments historiques, tous propriétaires confondus. Vous mettez en valeur et en lumière deux chantiers prioritaires, la place Notre-Dame et la restitution du jardin du cloître de la chartreuse.

On peut certes crier comme Antigone : je veux tout tout de suite, ou alors je refuse – et je comprends que vous puissiez parfois avoir le sentiment que les choses prennent trop de temps. Mais je voudrais rendre hommage, et je suis sûr que vous serez d’accord avec moi, à tous les services techniques de l’État, à tous ces fonctionnaires très réputés, dont la qualité scientifique est exceptionnelle et qui permettent de mettre en œuvre des restaurations exigeantes. La restauration que vous êtes en train de réaliser, et qui est nécessaire, prendra du temps et doit être mûrement réfléchie. Je mesure l’impatience face aux retards de chantiers. Maintenant que les crédits sont débloqués, j’espère que l’expertise va pouvoir s’exercer. Le délai de sept mois pour monter un dossier est long mais après tout pas tellement plus long que celui qui est nécessaire pour une construction neuve. En tout cas, je pense que l’addition des énergies, les crédits et votre passion personnelle permettront à ces chantiers de voir le jour et, s’il le faut, je suis prêt à revenir. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Juliana Rimane.

Mme Juliana Rimane. Monsieur le ministre, nous avons évoqué tout à l’heure l’investissement à Paris et en province. Nous allons maintenant évoquer l’investissement outre-mer.

La Guyane possède un patrimoine artistique et culturel important et très mal connu, transmis notamment par les Amérindiens et les Bushinengués. Cependant, les moyens financiers mis en place pour assurer sa conservation, sa restauration et sa mise en valeur sont très insuffisants. De nombreux sites, bâtiments et monuments à caractère culturel et historique sont très mal entretenus et peu valorisés. Leur dégradation s’accélère gravement de jour en jour sous le climat équatorial.

Votre ministère n’a retenu, dans les négociations du contrat de projets 2007-2013, que deux projets parmi les dizaines présentés par la DRAC de la Guyane et les collectivités locales, dont les réalisations sont plus que nécessaires. Ces deux projets représentent une participation de 6 650 000 euros dont 6 500 000 sont destinés à la construction d’une nouvelle DRAC, et 150 000 à un projet local à Saint-Laurent-du-Maroni. Dans le budget pour 2004, le ministre avait réservé une somme substantielle pour un projet ambitieux sur le site classé de l’hôpital Jean Martial. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les dossiers les plus urgents et les plus importants pour le département n’ont pas été retenus, notamment le nouveau centre d’archives départementales de la Guyane, lieu de mémoire pour la région, demandé depuis de nombreuses années. Pour le réaliser, 23 à 25 millions d’euros sont nécessaires. Actuellement, un accord semble avoir été trouvé pour mettre en place un crédit de seulement 10 millions d’euros – 6 millions de l’État et 4 millions du conseil général –, ce qui ne permet pas de rendre viable l’opération. Ce projet date de plus de dix ans, il est bouclé et peut enfin entrer dans sa phase de réalisation. Il serait fâcheux que les Guyanais constatent que l’État ne fait aucun effort dans le cadre du contrat de projets 2007-2013, qui représenterait le plus petit contrat de projet de France, puisqu’il se bornerait à ne retenir comme grand projet que la construction de la DRAC.

Par ailleurs, à l’heure où les arts premiers sont enfin reconnus à leur juste valeur, grâce à l’engagement et à l’action du Président de la République, par la réalisation d’un musée qui leur est consacré à Paris, les très nombreuses richesses, tant archéologiques qu’artisanales et culturelles, laissées notamment par les Amérindiens et les Bushinengués justifient légitimement la création d’un musée digne de ce nom en Guyane. Celui-ci permettrait non seulement de mieux faire connaître leur histoire et leur culture aux Guyanais, mais également de faire découvrir aux touristes une région, qui, au-delà de ses atouts naturels et des activités spatiales, a un passé d’une grande richesse.

La Guyane, très souvent délaissée, doit maintenant combler de manière urgente son très important retard au plan culturel. Je vous demande, monsieur le ministre, d’indiquer les moyens que l’État compte mettre rapidement en place pour résorber ce retard.

M. Frédéric Dutoit. Excellente question !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, je sais que la Guyane possède un patrimoine magnifique. Je me suis rendu récemment en Martinique et en Guadeloupe. Il faut maintenant que j’aille en Guyane pour constater sur place l’ampleur des besoins que vous exprimez avec une juste passion, parce qu’il doit y avoir une égalité sur l’ensemble du territoire national, et c’est la fierté de notre pays que l’unité de la République permette la présence de la culture française dans sa diversité, partout dans le monde.

Tous les dispositifs financiers seront bien évidemment mobilisés : les crédits du contrat de projets État-région et les crédits européens, quand on peut les flécher sur des opérations culturelles.

Le patrimoine archéologique fera l’objet d’opérations prioritaires de conservation et d’inventaire, associant une recherche sur les vestiges matériels des civilisations autochtones et sur des legs de la période coloniale.

L’avenir des collections du dépôt archéologique passera par une dévolution à un musée local en accord avec les partenaires locaux et par une mise en valeur des pièces remarquables dans des salles d’exposition communales ou dans les établissements scolaires et médiathèques.

Je souhaite par ailleurs qu’un partenariat fécond s’instaure avec le musée du quai Branly – parce que je crois qu’il peut y avoir un enrichissement réciproque – et que des expositions temporaires soient montées par le musée.

Le patrimoine ethnologique et linguistique fait l’objet d’un important travail de recensement. Le patrimoine immatériel reste un des points forts des missions d’étude et de valorisation conduites par la DRAC. La convention sur le patrimoine immatériel, récemment adoptée par l’Unesco, offre de riches perspectives de ce point de vue pour les départements d’outre-mer et notamment pour la Guyane.

Enfin, le patrimoine industriel très riche, qui est dans un état préoccupant, fera l’objet d’une politique de restauration et de mise en valeur, notamment celui lié à l’exploitation de la canne à sucre, qui a également une dimension immatérielle tant du point de vue des savoir-faire techniques qu’au regard de la mémoire douloureuse des esclaves employés en Guyane. Comme vous le savez, parce que vous vous y intéressez avec passion, le Président de la République m’a confié la mission de lancer un concours pour la construction d’un monument rappelant la mémoire du drame que fut l’esclavage et de son abolition.

Le bagne de Cayenne a, lui aussi, généré un patrimoine spécifique avec notamment des décors d’églises dus aux bagnards au-delà de la mémoire du bagne lui-même.

Par ailleurs, plusieurs opérations, certes en nombre insuffisant, sont inscrites dans le contrat de projet État-région pour une part État de 6,65 millions d’euros. La DRAC de Guyane elle-même est un monument historique, dont la restauration s’impose. D’autres projets existent, auxquels mon ministère travaille. Je veillerai en tout cas à ce que le centre des archives de Guyane fasse l’objet d’une étude précise afin de trouver la solution au problème que vous avez évoqué. J’ai bien compris que les financements prévus vous paraissaient insuffisants. Nous essaierons ensemble de faire en sorte de satisfaire l’ensemble des besoins.

J’ai découvert dimanche soir, en voyant un très beau film qui va être diffusé par France Télévisions, cette phrase extraordinaire qu’André Malraux écrivit un jour au Premier ministre : « Votre réponse me déplaît. M’en envoyer une autre. » Ce n’est pas mon attitude à l’égard de Dominique de Villepin parce qu’il rend de très bons arbitrages en matière de culture et de patrimoine. Pour autant, l’on ne peut pas toujours répondre assez vite aux sollicitations. Nous reprendrons donc ensemble notre bâton de pèlerin.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe Union pour la démocratie française.

La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Je donne acte à M. le ministre des efforts consentis en faveur du patrimoine monumental, mais il conviendrait de trouver de nouvelles sources de financement. Dans les contrats de projets État-région, qui remplacent les contrats de plan, le Gouvernement a, dans un premier temps, exprimé son souhait que ne figurent pas d’actions concernant le patrimoine. Puis, dans un second temps, le Premier ministre a laissé entendre qu’une ouverture serait possible au travers du volet territorial des contrats. Or, pour la Basse-Normandie, le président du conseil régional envisage de ne consacrer que 10 % des engagements au volet territorial. Autant dire que rien, ou presque, ne pourra être fait en faveur du patrimoine !

Puisque le FEDER s’ouvre sur le patrimoine, ne serait-il pas justifié qu’il en aille de même pour les contrats de projets, hors volet territorial, ce qui donnerait beaucoup plus de souplesse ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Dans toutes les politiques contractuelles de l’État, le volet culturel doit être important, soutenu et défendu. Qu’il s’agisse de la rénovation urbaine, du logement ou des contrats de projets, des actions culturelles avaient tendance à disparaître. J’ai donc réuni, il y a quelques mois, l’ensemble des préfets de région et je leur ai donné des instructions très précises en la matière. Si les actions en faveur du patrimoine ne figuraient pas, aux premiers stades de leur élaboration, dans les contrats de projets, non plus qu’aucune autre action relevant de la mission « Culture », elles y ont été immédiatement introduites dans le cadre de l’objectif d’attractivité. Avant même qu’il ait été envisagé d’ouvrir à ces actions le volet territorial des contrats de projets, le Gouvernement avait prévu de mobiliser 188,7 millions d’euros au titre du seul programme « Patrimoines » et en dehors du volet territorial. À la suite des premières discussions avec les conseils régionaux, j’ai décidé de porter cette première enveloppe, qui représentait près de 17 % des crédits d’investissement du programme « Patrimoines » en région, à 212,5 millions d’euros, soit près de 19 %, afin de permettre la souplesse que je souhaite comme vous. Cette augmentation est une bonne étape. Permettra-t-elle de mener à bien immédiatement tous les projets ? Évidemment non !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour une seconde question.

M. Claude Leteurtre. Lisieux a été totalement détruite en août 1944. Elle était composée de maisons à pans de bois et l’un des rares vestiges de l’habitat lexovien ayant échappé aux destructions est le manoir Desmares, qui date de la fin du XVe siècle, et dont les façades et toitures ont été inscrites à l’inventaire supplémentaire en 2003. Au-delà de sa stricte valeur historique, ce manoir est en quelque sorte la mémoire de Lisieux et sa réhabilitation est en même temps un sauvetage, eu égard à son état de vétusté. Or la ville de Lisieux, comme beaucoup d’autres, n’a malheureusement que des moyens limités. Peut-elle compter, monsieur le ministre, sur l’aide de l’État, s’agissant d’une opération exceptionnelle de sauvegarde de l’un des derniers vestiges de son histoire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, votre ville de Lisieux comporte en effet, en son centre, un magnifique manoir que vous souhaitez restaurer. Vous avez fait réaliser une étude préalable à cette restauration et à la réalisation d’une petite extension contemporaine qui accueillerait les associations de votre ville oeuvrant à la défense du patrimoine. Cette étude a été réalisée par un architecte du patrimoine, sans financement de la direction régionale des affaires culturelles, mais en concertation avec le conservateur régional des monuments historiques et l’architecte des bâtiments de France. Le projet est maintenant quasiment achevé. La DRAC avait réservé une somme représentant 30 % du montant des travaux, soit 120 000 euros, dans sa programmation 2006 de travaux de restauration subventionnables au titre des monuments historiques. Ce taux est celui habituel pour les monuments inscrits, et je vous confirme que les services de l’État ont bien l’intention de soutenir ce projet.

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Dominique Richard.

M. Dominique Richard. Monsieur le ministre, je ne souhaiterais pas vous décevoir en ne vous interrogeant pas sur la restauration du clocher d’une commune de ma circonscription. (Sourires.) Mais ma question porte sur l’édition indépendante.

Il y a deux ans, lors d’un déplacement en Haute-Vienne, vous avez affirmé votre souhait de veiller « aux équilibres du secteur économique du livre, avec une attention toute particulière à l’égard de l’édition indépendante et de l’édition en région ».

Cette année, vous mettez l’accent sur le soutien aux éditeurs qui font des choix exigeants sur le plan culturel, mais dont la rentabilité est aléatoire ou attendue sur un terme plus long que celui des opérateurs principaux du marché, et c’est heureux. En même temps, le Centre national du livre permet de poursuivre ce travail au moyen des aides aux éditeurs : prêts aidés, soutien à la prise de risque, à la trésorerie, aides pour la traduction, la numérisation.

Cependant, le secteur du livre, et de l’édition en particulier, subit aujourd’hui un effet de ciseau : le chiffre d’affaires total a augmenté de 30 % en dix ans, quand le nombre de titres édités augmentait de 71 %. Une baisse moyenne des tirages en résulte alors que, parallèlement, on assiste à une polarisation autour de quelques grands succès, au détriment d’une diversité quelque peu mise à mal par la puissance des grands groupes d’édition. Il faut rappeler que deux groupes rassemblent à eux seuls près de 70 % du chiffre d’affaires du secteur. A l’autre extrémité, 2 800 éditeurs indépendants n’en pèsent financièrement que 0,7 %. Ces maisons d’édition manquent de capitaux propres et éprouvent de grandes difficultés à promouvoir leurs publications.

Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour soutenir l’édition indépendante ? Je suggère, pour ma part, trois pistes :

La mise en place de coopératives de lecteurs permettant aux auteurs et aux lecteurs d’entrer dans le capital des maisons d’édition au moyen d’avantages fiscaux incitatifs ;

La constitution d’un fonds d’aide aux écrivains d’aujourd’hui, alimenté par un modeste pourcentage sur les ventes réalisées par les œuvres tombées dans le domaine public ;

La mise en place d’une plate-forme publique d’édition permettant à tout auteur qui se trouve absent de l’offre commerciale de mettre ses oeuvres à la disposition du public et d’en obtenir une juste rémunération, comme cela est prévu dans la loi sur le droit d’auteur du 1er août 2006.

Ce ne sont là, monsieur le ministre, que des propositions parmi d’autres en vue de réfléchir plus profondément à la question de la diversité dans l’édition littéraire, dans la droite ligne de l’action que vous menez rue de Valois. La représentation nationale aimerait connaître vos intentions dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. L’édition indépendante et de création est naturellement au cœur de la politique que conduit le ministère de la culture dans le secteur du livre.

Afin de maintenir sa vitalité, le Gouvernement entend développer ses aides non seulement aux éditeurs, mais également aux auteurs et aux libraires, à travers la réforme d’une des taxes alimentant le Centre national du livre, inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006. Grâce à des moyens accrus, le CNL développera notamment ses aides en direction des auteurs comme des traducteurs.

Par ailleurs, et en étroite concertation avec le Syndicat national de l’édition et le Syndicat de la librairie française, le ministère entend favoriser la mise en place, à l’initiative des professionnels du secteur, d’un système tout à fait novateur de regroupement des commandes de livres auprès des petits éditeurs afin de favoriser la présence de ces derniers en librairie et de développer ainsi leur activité.

Je crois en effet qu’avant même de renforcer les capacités d’investissement, et donc le nombre de publications des petites maisons d’édition, par exemple par la création de coopératives de lecteurs que vous suggérez, il convient de s’assurer que leurs livres pourront être présentés au public et ainsi générer des revenus qui font effectivement aujourd’hui cruellement défaut à ces éditeurs.

Enfin, dans un pays qui publie 55 000 nouveaux titres par an – c’est sa richesse ! –, il ne me paraît pas être de la responsabilité de la puissance publique d’accroître encore cette production en mettant en place une plate-forme publique d’édition. Une telle plate-forme pourrait inutilement troubler les équilibres déjà fragiles du monde de l’édition, dans lequel l’initiative privée doit jouer le premier rôle au service de la liberté et de la diversité culturelle, le problème étant moins celui de la production éditoriale que celui de sa diffusion et de la durée de présence des ouvrages en librairie.

Toutes ces questions sont actuellement examinées, sans tabous, dans le cadre de la mission « Livre 2010 » confiée à la direction du livre et de la lecture. Au moyen de tables rondes qui rassemblent tous les acteurs concernés, tant publics que privés, cette mission est chargée de faire des propositions sur les adaptations de la politique du livre rendues nécessaires notamment par le développement du numérique. Notre projet de bibliothèque numérique européenne vise non seulement à mettre en réseau les bibliothèques de l’Union européenne, mais à associer à ce travail de réflexion les auteurs et les éditeurs.

Dans le domaine du livre, il convient enfin de prêter la plus grande attention à la cohérence des décisions. Ainsi, la gratuité des ouvrages scolaires a, dans certaines régions, détruit la diversité du réseau des libraires et des éditeurs. Des décisions généreuses se retournent parfois contre ceux qu’elles sont censées aider !

M. Dominique Richard. Ce sont des dégâts collatéraux !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Beaugendre.

M. Joël Beaugendre. Monsieur le ministre, la loi du 26 octobre 1946 qui a créé le Centre national cinématographique ne s’applique pas dans les départements et régions d’outre-mer. Ainsi les exploitants-distributeurs n’y sont-ils pas assujettis à la taxe spéciale additionnelle perçue sur les billets d’entrée dans les salles de cinéma, taxe qui représente environ 12 % du prix du billet. Cette mesure a pour conséquence de priver la production, la distribution et l’exploitation cinématographiques d’aides financières au développement et à la modernisation des équipements et structures, notamment celles appartenant aux exploitants indépendants. Le vide juridique conforte des situations de monopole, pourtant dénoncées par le médiateur du cinéma et le Conseil de la concurrence, et pénalise les structures indépendantes, notamment les salles municipales des communes rurales qui souhaitent mettre le septième art à la portée de tous.

Par ailleurs, le fonds d’aide au cinéma d’outre-mer, créé en 2004, ne dispose pas d’une dotation significative pour favoriser la production cinématographique outre-mer. Il importe que celle-ci trouve sa place pleine et entière dans le cinéma français, afin qu’y soit exprimée toute la diversité culturelle de la France d’aujourd’hui. L’outre-mer doit par conséquent être doté de moyens financiers suffisants pour favoriser production et distribution.

Ainsi, monsieur le ministre, trois questions se posent à nous. Quelles actions entendez-vous mener pour assurer une égalité de traitement, en matière de production et distribution cinématographiques, entre l’outre-mer et la métropole ? L’exploitation des salles indépendantes fera-t-elle l’objet d’une attention plus soutenue de la part de l’État ? Enfin, le fonds d’aide au cinéma d’outre-mer disposera-t-il de moyens supplémentaires ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, les choses évoluent parfois dans le bon sens. J’étais il y a peu en Guadeloupe, où j’ai signé avec le président de la région un accord permettant de déclencher automatiquement le soutien de l’État, dès lors que la région s’engage dans une politique de soutien à la création et à la production cinématographique.

D’autre part, nous avons récemment pris des décisions concrètes, à la demande expresse du Président de la République, pour mettre sur pied un véritable plan concernant les images de la diversité. Le CNC pourra le soutenir grâce à d’importants crédits, qui s’élèvent à 10 millions d’euros. Ils ont plusieurs origines, mais un objectif unique : soutenir concrètement la diversité. À cette commission spécifique, vient d’être nommé un président : M. Alexandre Michelin. Le groupe de travail se mettra rapidement en place afin de prendre des décisions.

Vous m’interrogez sur l’opportunité d’étendre aux départements d’outre-mer une taxe qui n’est actuellement perçue que sur le territoire métropolitain. À l’origine, en 1963, c’est pourtant à la demande expresse de ces départements que l’État en avait exonéré les exploitants cinématographiques des DOM. Il faut donc mener une réflexion sur le sujet, en vue d’examiner la possibilité de revenir sur cette exonération et d’ouvrir aux exploitants l’accès aux aides du compte de soutien, puisque c’est cette contrepartie, je l’ai compris, qui fonde très légitimement votre demande.

Préalablement à toute décision, il convient de procéder à une étude d’impact visant à mesurer le rendement de la taxe : il s’agit d’abord de vérifier que son rendement sera supérieur aux coûts de gestion induits par sa perception dans ces départements, sans quoi cette extension n’aurait pas de sens.

Il convient aussi et surtout de s’assurer qu’elle ne se traduira pas par une hausse importante des tarifs pratiqués par les salles de cinéma de ces départements, une fois la taxe entrée en vigueur. Son taux est en effet fixé à 10,72 % du chiffre d’affaires hors taxes des entrées dans les salles de cinéma. Il est donc clair que, si la taxe était intégralement répercutée sur le prix des places, elle pourrait avoir des effets négatifs sur la fréquentation des salles et nuire à l’objectif de démocratisation de l’accès de tous à la culture cinématographique.

Il convient enfin de vérifier si le soutien généré serait suffisant pour permettre aux exploitants de financer leurs projets d’investissement, et notamment d’évaluer si ce financement serait au moins égal à celui qui leur est aujourd’hui ouvert sur les crédits budgétaires de l’État. Je rappelle en effet que le ministère de la culture, via le CNC, apporte déjà un financement sur crédits budgétaires aux projets de tournage de films dans les départements d’outre-mer, ainsi qu’aux travaux d’aménagement et d’extension des salles de cinéma de ces départements. Ce soutien varie entre 100 000 et 600 000 euros par an, en fonction des projets présentés.

Les directions régionales des affaires culturelles, via le CNC, sont chargées de conduire cette étude d’impact, dont j’attends les résultats pour le début de l’année 2007. Je vous les soumettrai, afin que nous prenions une décision définitive. Quoi qu’il en soit, l’égalité des talents doit être assurée sur l’ensemble du territoire de la République française. Vous savez que le Président de la République vient de nommer un grand acteur de cinéma et de théâtre à la tête de l’important établissement public français de la Villette. Il s’agit d’un de vos compatriotes de la Guadeloupe : Jacques Martial.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing.

M. Louis Giscard d’Estaing. Monsieur le ministre, nous possédons en Auvergne un patrimoine culturel remarquable ; mais tel n’est pas l’objet de ma question.

Nous nous réjouissons du lancement de la TNT en France et du succès qu’elle connaît. Pour compléter l’offre actuelle, conformément à vos engagements, il convient de permettre aux stations de télévision locales d’accéder à ce mode de diffusion.

Dans la mesure où le multiplex R1 apparaît comme le plus adapté à la diffusion de tels services, une solution serait de tirer profit des gains en ressources permis par l’utilisation de la norme MPEG-4 pour les services payants de la TNT, et de transférer une chaîne de service public nationale sur l’un des autres multiplex diffusant déjà des services de télévision à vocation nationale. Le canal ainsi rendu disponible pourrait, quant à lui, être utilisé pour des stations de télévision locales, à l’exception des sites de diffusion de la TNT, pour lesquelles une double diffusion de France 3 est nécessaire. Dans l’hypothèse où la ressource ainsi dégagée sur le multiplex R1 s’avérerait insuffisante sur certains sites, une fréquence supplémentaire susceptible de diffuser des programmes locaux pourrait alors être recherchée.

En tant que rapporteur de la mission « Politique des territoires » et vice-président du groupe d’étude de l’Assemblée nationale sur la presse, je suis particulièrement sensibilisé à l’accès aux stations locales grâce à la TNT sur l’ensemble des territoires qu’elles concernent.

Associant à mon intervention mes collègues Emmanuel Hamelin, Dominique Richard, ici présent, et Patrice Martin-Lalande, qui effectuent tous trois un travail remarquable sur ces sujets, je souhaiterais savoir si vous pouvez annoncer ce soir à la représentation nationale…

M. Frédéric Dutoit. Quelle question piège !

M. Louis Giscard d’Estaing. …que nos compatriotes seront prochainement en mesure de recevoir les programmes de ces stations locales sur un canal multiplex de la TNT, et à quelle date. En outre, quelles sont les dispositions budgétaires envisagées pour que cette mise en place soit compatible avec les équilibres économiques de France Télévisions et des opérateurs de ces stations ?

M. Frédéric Dutoit. On donnera une chaîne de plus à TF1 !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je commence par répondre à la question que vous ne m’avez pas posée (Sourires) : pour la cathédrale de Clermont, le montant des crédits supplémentaires débloqués par décision du Premier ministre s’élève à un million d’euros, ce qui permettra de relancer fortement les travaux.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Celle de Beauvais a reçu beaucoup moins ! (Sourires.)

M. le ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement, attaché au développement rapide des télévisions locales en télévision numérique terrestre, a pris toutes les dispositions nécessaires pour que les chaînes locales soient rapidement disponibles sur la TNT.

J’ai donné mon accord au CSA, dès le 19 janvier dernier, pour la mise en œuvre d’une solution permettant de lancer, sur l’ensemble du territoire national, des télévisions locales en TNT. Le CSA est donc aujourd’hui en mesure de finaliser la recomposition des multiplex nécessaires pour les chaînes privées concernées. En outre, je vais lui confirmer mon accord s’agissant de l’impact de cette solution sur le service public.

J’ai ainsi accepté qu’une chaîne de service public soit déplacée du multiplex R1, dont les caractéristiques techniques sont plus adaptées à la diffusion de chaînes locales, vers un autre multiplex. Cette solution permet de libérer un canal par site, qui pourra être utilisé par des chaînes locales ou par France Ô, notamment en Île-de-France ou, dans certains cas, par France 3, lorsqu’il sera nécessaire d’assurer une bonne adéquation du décrochage local reçu au bassin de population. Aujourd’hui, en effet, plusieurs centaines de milliers de personnes ne peuvent pas recevoir, si elles optent pour la TNT, le bon décrochage de France 3. Cette solution résoudra le problème et fera rayonner concrètement la passion de tous ceux qui travaillent à France 3 et à France Télévisions.

Par ailleurs, le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui sera discuté au Sénat dès lundi prochain, prévoit que ces services bénéficient d’un droit de diffusion intégrale et simultanée en mode numérique de leur programme analogique à tout moment et, à l’inverse de ce que prévoit le cadre juridique actuel, hors appel aux candidatures. Ils disposeront, de plus, d’une garantie de diffusion numérique jusqu’à la fin de leur autorisation et au moins jusqu’au 31 mars 2015.

Vous le voyez, tout est fait pour parvenir à une diffusion rapide des chaînes locales en TNT et, de mon point de vue, tous les éléments semblent réunis pour qu’elle intervienne effectivement avant le printemps. Vous aurez l’occasion d’en débattre à l’Assemblée nationale au mois de janvier.

M. Louis Giscard d’Estaing. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, qui posera la dernière question.

M. Marc Le Fur. Tout d’abord, monsieur le ministre, je vous adresse un satisfecit pour une politique que vous avez initiée et qui s’identifie à votre personne : la création de liens entre le patrimoine et le cinéma. Notre patrimoine offre en effet des décors extraordinaires, véritable mine jusqu’alors négligée, puisque nos réalisateurs allaient chercher des décors ailleurs, notamment en Europe de l’Est.

Cette époque est heureusement révolue, grâce à votre initiative. J’en veux pour preuve le feuilleton diffusé hier soir sur France 2, Petits Meurtres en famille, où joue Robert Hossein et qui est tourné dans des villes de ma circonscription – Moncontour, Quintin – et au château de Beaumanoir.

M. le ministre de la culture et de la communication. Rien à voir avec l’UMP, j’espère ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Non, ce feuilleton ne doit rien à la politique, puisqu’il adapte un roman d’Agatha Christie. Mais nous espérons qu’il permettra de valoriser nos sites, et nous en attendons des retombées positives, puisque le patrimoine n’est pas seulement un devoir sacré, mais aussi une opportunité économique majeure.

C’est précisément sur le patrimoine non classé que porte ma question. Car si la situation est compliquée quand le patrimoine est classé, elle devient, quand il ne l’est pas, quasiment insoluble en termes financiers. Bien des églises paroissiales créent ainsi de réels soucis à nos maires, confrontés à des travaux parfois urgents qu’ils sont incapables de financer.

Ainsi, dans ma circonscription, la commune de La Ferrière – 448 habitants – possède une église non classée, qui abrite paradoxalement des joyaux classés, particulièrement mobiliers. Cette petite commune se voit pratiquement imposer des travaux de l’ordre de 860 000 euros, ce qui est considérable, d’autant que les subventions auxquelles elle peut prétendre ne représentent presque rien. Sur le plan général, que peut-on faire devant un tel problème ? Et puisqu’un problème particulier se cache derrière toute considération générale, que peut-on faire pour l’église de La Ferrière ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous insistez à juste titre sur la diversité et la richesse du patrimoine de notre pays, et sur l’importance de le préserver. Je rappelle que, sur l’ensemble du territoire national, 40 000 monuments font l’objet d’une décision de protection.

Ce n’est pas le cas de l’église de La Ferrière, dans les Côtes-d’Armor, mais vous pourriez utilement faire une demande de classement auprès des services de la direction régionale des affaires culturelles. Il n’est pas certain, en effet, que ses qualités remarquables ne soient pas reconnues. Et si elle devient monument historique, vous bénéficierez automatiquement d’aides de l’État, avec la programmation nécessaire.

La question que vous posez est importante. Elle est partiellement réglée par les politiques parfois très ambitieuses que mènent certains conseils généraux ou régionaux vis-à-vis du patrimoine non protégé. La situation dépend alors de la région. D’autres soutiens peuvent être attribués par la Fondation du patrimoine, créée en 1996. Celle-ci recueille les successions vacantes, faute d’héritiers, qui permettent de financer certains travaux.

Bref, il faut chaque fois vérifier qu’un lieu mérite le classement et tenter d’établir une opération de partenariat avec les collectivités territoriales.

Peut-être l’État devra-t-il s’engager dans une nouvelle étape de son action en faveur du patrimoine non protégé. Actuellement, j’ai du mal à faire face aux obligations concernant le patrimoine protégé et cette nouvelle politique exigerait donc de nouveaux crédits et de nouveaux budgets.

Cependant, vous avez raison de souligner que ce patrimoine contribue au soutien de l’emploi et de l’activité, et le tournage du téléfilm que vous avez évoqué l’illustre parfaitement. Ainsi que je l’indiquais tout à l’heure, tout élément de patrimoine doit être une chance pour l’activité culturelle et artistique. Par ailleurs, entretenir le patrimoine dans sa diversité, c’est ce que j’appelle être « en tenue d’attractivité ». Si l’on veut que la France reste la première destination touristique mondiale, il faut que, sur l’ensemble du territoire national, nos monuments soient restaurés et que soient, par exemple, enfouies les lignes électriques et téléphoniques dans les quartiers de nos villes comme dans certaines communes rurales.

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.

mission « culture »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Culture », inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. Sut l’état B, je suis saisie d’un amendement n° 262 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la culture et de la communication. Cet amendement a pour objet de diminuer les crédits du programme « Transmission des savoirs » de 2,270 millions d’euros pour compenser les charges assumées désormais par les collectivités locales au titre du transfert de l’inventaire. Il s’agit d’un amendement technique, qui vise à ajuster précisément le montant initialement prévu dans le projet de loi de finances.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Cet amendement n’a pas été examiné en commission, mais j’y suis favorable à titre personnel.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 200.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Cet amendement, qui a été adopté par la commission des finances, a trait à la Maison des cultures du monde, qui œuvre de manière très pertinente dans le secteur culturel, en assurant l’organisation de manifestations, une offre documentaire importante ou la publication d’ouvrages en liaison avec Actes-Sud. Le ministère envisage de réduire les crédits destinés à l’association de 400 000 euros, pour les ramener à 1,83 million d’euros. Cette baisse de 46 % signerait l’arrêt de mort de l’association. La commission propose donc de rétablir le niveau initial de la subvention qui lui est versée.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Je prends devant vous l’engagement solennel que les 400 000 euros qui faisaient défaut à la Maison des cultures du monde lui seront octroyés. Les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs » seront ainsi répartis de la manière suivante : les crédits de l’action 07 « Fonction de soutien » diminueront de 400 000 euros et ceux de l’action 06 « Action culturelle internationale » augmenteront de 400 000 euros. N’ayez donc aucune crainte concernant les moyens de fonctionnement de cette grande institution, chère au président de la commission des finances, puisqu’elle situe notamment son action à Vitré.

Compte tenu de cet engagement, je demande à la commission de retirer son amendement, car je ne voudrais pas que ce financement se fasse au détriment du spectacle vivant. J’ai beaucoup de besoins en ce domaine, et un euro est un euro.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Compte tenu de l’engagement du Gouvernement de maintenir ces 400 000 euros et des précisions que M. le ministre nous a apportées sur la manière dont ils seront financés, j’accepte, madame la présidente, de retirer l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 200 est retiré.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture », modifiés par l’amendement n° 262.

(Les crédits de la mission « Culture », ainsi modifiés, sont adoptés.)

mission « cinéma, audiovisuel
et expression radiophonique locale »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Cinéma, audiovisuel et création radiophonique locale », inscrits à l’état D.

État D

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de cette mission.

(Les crédits de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » sont adoptés.)

Après l’article 62

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 224, portant article additionnel après l’article 62 du projet de loi de finances.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Cet amendement vise à formaliser l’attachement que M. le ministre a témoigné à l’expression radiophonique locale, puisqu’il s’agit de majorer les crédits affectés au soutien aux radios associatives en augmentant de 20 % la taxe sur les publicités, qui constitue la recette principale – et unique, en 2007 – du programme.

Les taux de cette taxe n’ont pas été modifiés depuis 2002, ce qui entraîne une réduction de l’ordre de 11 % des crédits disponibles pour soutenir les radios associatives, dont chacun sait qu’elles jouent un rôle majeur dans la communication sociale, le pluralisme et la diversité de l’expression radiophonique dans les territoires.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial pour la création. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Nous y sommes d’autant plus défavorables que la loi de finances 2005 a instauré un nouveau barème, qui a déjà permis d’améliorer le rendement de la taxe fiscale auprès des régies publicitaires de télévision pour les radios associatives. L’augmentation proposée n’est donc pas nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la culture et de la communication. Ainsi que je l’ai indiqué dans mon intervention, nous avons procédé à l’actualisation des taux et nous veillons à ce que les crédits soient distribués de la manière la plus rapide et la plus efficace possible. Je ne vois donc pas l’utilité de procéder à cette augmentation et j’émets un avis défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la culture.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Justice ; article 49 :

Rapport spécial, n° 3363, annexe XVIII, de M. Pierre Albertini, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, n° 3368, tome III, de M. Jean-Paul Garraud, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République,

Avis, n° 3368, tome IV, de Mme Michèle Tabarot, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Pouvoirs publics ; Conseil et contrôle de l’État :

Rapport spécial, n° 3363, annexe XXIII, de M. Pierre Bourguignon, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Ville et logement ; article 62 :

Rapport spécial, n° 3363, annexe 40, de M. François Grosdidier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Rapport spécial, n° 3363, annexe 41, de M. François Scellier, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,

Avis, n° 3365, tome XV, de M. Philippe Pemezec, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,

Avis, n° 3365, tome XVI, de M. Jean-Pierre Abelin, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure vingt.)