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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 17 novembre 2006

56e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Loi de finances pour 2007

SECONDE PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007 (nos 3341, 3363).

enseignement scolaire (suite)

M. le président. Nous poursuivons l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le dernier budget de la mission « Enseignement scolaire » de cette législature. Comme les précédents, le groupe UDF jugera celui-ci selon deux critères essentiels : ce budget prépare-t-il bien l'avenir de nos enfants et assure-t-il ainsi l’avenir de notre pays ? L'argent public est-il utilisé de la manière la plus raisonnable ?

À notre sens, l'école républicaine repose, depuis Jules Ferry et les hussards noirs de la République, sur un pilier : l'égalité des chances, c'est-à-dire celle, donnée à chacun, qu’il soit issu d’un milieu social favorisé ou défavorisé, d’apprendre et de s'élever. Or nous retrouvons dans les priorités que vous assignez au budget pour 2007, monsieur le ministre, les valeurs et les principes qui sont les nôtres, mais aussi les vôtres : promouvoir l'égalité des chances, favoriser l'acquisition des savoirs fondamentaux, renforcer la qualité et la sérénité de la vie scolaire et garantir la place et le rôle des parents à l'école.

Sans m’attarder sur les chiffres, qui ont été rappelés ce matin, je tiens à préciser que nous souscrivons pleinement à votre objectif de faire en sorte que chaque euro dépensé soit un euro utile pour la réussite des élèves et l'avenir de notre pays. En effet, l'année dernière, ici même, j’ai rappelé que, s’il faut des moyens pour garantir la réussite scolaire, on ne saurait toutefois plus accepter une augmentation constante des crédits, d'autant que l'efficacité du système n'est pas nécessairement proportionnelle aux hausses enregistrées. Il n'est pas honnête de prétendre, d'une part, réduire les dépenses de personnel d'un ministère, certes important, comme l’est celui de l’éducation nationale et, d'autre part, de protester à la rentrée suivante contre les fermetures de classes. Les deux seules questions qui méritent d’être posées sont celles des objectifs que nous nous fixons et des moyens qui sont nécessaires pour les atteindre.

Plusieurs des dispositions prises à la rentrée 2006-2007 vont dans le bon sens : crédits pour la scolarisation des élèves handicapés et pour les emplois de vie scolaire, mesures en faveur des directeurs d'école et pour les réseaux « ambition réussite », création de 1 000 postes de professeurs des écoles et de 300 postes d’infirmières. Le développement des PPRE – programmes personnalisés de réussite éducative – pour les élèves en difficulté, grâce à la marge de manœuvre dégagée par une meilleure mobilisation des moyens de nos écoles, est une bonne chose.

Les efforts de gestion, auxquels votre ministère s'astreint et qui portent non seulement sur les disciplines où les professeurs demeurent en sureffectif mais également et surtout sur la modernisation du régime des décharges de service d'enseignement, sont également utiles. Je tiens toutefois à souligner, en ce qui concerne ce dernier point, qu'il existe des décharges utiles et justifiées qui doivent être conservées,…

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Tout à fait.

M. Yvan Lachaud. …tandis que c’est à juste titre que d'autres devront être supprimées. L'UDF tient à vous rappeler la nécessité de continuer à conduire cette réforme en concertation avec les syndicats, sans réduire le taux d'encadrement des élèves ni les horaires d'enseignement des différentes disciplines dispensées aux élèves.

Nous attendons en effet du budget de l'enseignement scolaire qu'il garantisse, voire améliore considérablement la qualité de la formation dispensée aux élèves, tout en respectant les principes de responsabilité budgétaire, afin de ne pas aggraver inutilement un déficit public déjà bien lourd. C'est pourquoi, avoir pris le parti d'augmenter les moyens là où cela se révélait nécessaire, c'est-à-dire dans l'enseignement primaire, et de mieux les utiliser là où des marges de manœuvre existaient, c'est-à-dire dans l'enseignement secondaire, relève d’une saine politique.

J’en viens à nos propositions. Tout d’abord, garantir à chaque élève, avant l’entrée en sixième, la maîtrise d'un ensemble de connaissances et d'aptitudes lui permettant d'accéder à la réussite scolaire et professionnelle doit constituer, à nos yeux, un axe essentiel de votre politique. Il s’agit ensuite de fixer à l'école l'objectif de diviser par deux l'échec scolaire et donc de multiplier par deux la réussite scolaire, pour tous les élèves, issus de tous les milieux sociaux, notamment les moins favorisés sur les plans culturel et social. Il convient également de résoudre la question de la violence au collège – vous vous y êtes déjà attelé, monsieur le ministre –, par des établissements adaptés, d’améliorer l'orientation, qui doit être considérée comme une mission à part entière de l'école, et de valoriser l'enseignement professionnel et technologique – la question a été évoquée ce matin –, grâce notamment aux DP3 et aux DP6. Enfin, il faut accompagner la croissance des effectifs dans les établissements d'enseignement privé sous contrat. M. le rapporteur spécial de la commission des finances a longuement abordé ce sujet ce matin et nous souscrivons totalement à cet objectif. En effet, sans vouloir, bien au contraire, rallumer la guerre scolaire, dans le respect de chacun et compte tenu de la mission de service public de l’enseignement privé sous contrat, nous devons prendre nos responsabilités et revoir le rapport – 80/20 – qui règle la dotation de l’enseignement privé par rapport à celle de l’enseignement public et qui, étant aujourd'hui largement dépassé, pénalise considérablement certains établissements dont le taux d’encadrement actuel est inacceptable.

Une attention toute particulière doit être par ailleurs apportée à la valorisation du métier d'enseignant : il faut à cette fin améliorer la formation des enseignants et prévoir une programmation pluriannuelle des recrutements.

La difficulté essentielle à laquelle est confronté tout budget de l'éducation nationale – c'est le bilan qu'on peut tirer de cinq années de législature – est de ne pas se contenter d'une vision comptable de l'éducation et d’élaborer une politique animée par le souffle de l’ambition en vue d’assurer l'égalité des chances et la qualité des enseignements et d’améliorer la vie des élèves et des enseignants.

L'UDF partage, monsieur le ministre, plusieurs de vos priorités : renforcer le soutien aux élèves en difficulté, aider les élèves méritants issus de familles modestes à poursuivre leurs études, améliorer l'apprentissage des langues vivantes et renforcer l'encadrement des élèves.

Parce que l'éducation, qui représente un investissement pour l’avenir de nos enfants, doit être réellement la première priorité du Gouvernement, le groupe UDF, monsieur le ministre, tout en vous félicitant pour le travail accompli, votera les crédits relatifs à la mission « Enseignement scolaire». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en dépit d’une forte amélioration de ses performances en matière d'éducation ces dernières décennies, la France voit s'aggraver son retard dans divers domaines. C'est ce qui ressort du rapport 2006 de l’OCDE, intitulé Regards sur l'éducation, qui compare les systèmes d'éducation en vigueur dans les pays membres et les résultats qu'ils produisent.

Ainsi, les titulaires d'un diplôme de fin d'études secondaires représentent, en France, 80 % d'une classe d'âge quand l'Allemagne, la Finlande ou la Corée du Sud atteignent ou dépassent les 90 %. Or la France affiche un taux de chômage des jeunes âgés de vingt à vingt-quatre ans non scolarisés et sans diplôme de 23,7 %, soit la plus forte proportion de l'OCDE après la Pologne et la République tchèque. En revanche, les progrès sont sensibles en ce qui concerne l'enseignement supérieur : en trente ans, la France est passée de la vingtième à la dixième place pour la proportion des 25-34 ans diplômés de l’enseignement supérieur – 38 % d'une classe d'âge. Toutefois, pour ce niveau d'enseignement, la France se distingue par une forte dichotomie entre les universités et les filières technologiques courtes – instituts universitaires de technologie, et sections de techniciens supérieurs –, qui sont très recherchées.

Bien que le budget de l'enseignement scolaire soit le poste budgétaire le plus important du ministère de l’éducation nationale et de l'État – 58,3 milliards d’euros –, il ne permettra pas cependant de rattraper le retard constaté par l'OCDE, d’autant qu’il est en baisse pour la cinquième année consécutive.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour l’enseignement scolaire. Bingo !

M. François Liberti. C’est ainsi que, de 2003 à 2007, 4 101 postes d’enseignants ont été créés pour une augmentation des effectifs de 184 901 élèves – soit, en moyenne, une création de poste pour quarante-cinq élèves supplémentaires – tandis que, sur la même période, 20 593 postes ont été supprimés pour une baisse des effectifs de 155 700 élèves – soit une suppression de poste pour huit élèves ! La simple confrontation de ces chiffres est suffisamment éloquente pour qu’il soit besoin de la commenter, d’autant que la réduction très forte des moyens vient s'ajouter aux restrictions des années précédentes, qui ont vu la disparition de près de 30 000 adultes dans les établissements depuis 2003.

La prétendue priorité que vous affichez est donc bien une illusion. Du reste, la part du budget de l'éducation nationale dans les richesses produites recule et des suppressions d'emplois sont également prévues parmi les administratifs des inspections académiques, des rectorats et du ministère, sans qu’il soit tenu compte des difficultés que de telles suppressions engendreront pour les personnels et les usagers.

Le second degré est frappé de plein fouet par les restrictions budgétaires et la suppression de 8 500 postes d'enseignants : les crédits baissent de 1,41 % en euros courants et les crédits pédagogiques des collèges de 35 %.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Bingo !

Mme Muguette Jacquaint. Cela vous fait rire ?

M. François Liberti. Même en tenant compte de la décentralisation des personnels TOS vers les départements et les régions, la baisse en euros constants est sans précédent, tandis que 2 880 emplois équivalents temps plein sont également supprimés au titre de la diminution des décharges statutaires, laquelle conduit les enseignants concernés à faire le choix entre être payés moins ou travailler plus.

Le pouvoir d'achat des jeunes professeurs représentait 2,07 SMIC en 1981, tandis que le salaire d'embauche d'un stagiaire est passé à 1,14 SMIC en 2006. Là aussi, les chiffres comparatifs sont significatifs.

La suppression de plus de 1 000 emplois de stagiaires confirme la baisse des recrutements, rendant impossible le remplacement des prochains départs à la retraite et annonçant par là même de nouvelles suppressions d'emplois pour l'année suivante. Enfin, 2 000 emplois sont supprimés au titre de la baisse démographique alors que, les effectifs des structures pédagogiques des établissements étant désormais tellement « tendues », l'économie de ces emplois se traduira forcément par une nouvelle disparition d'options et de dédoublements.

Pourtant, une étude de la direction de l’évaluation et de la prospective, datée de 2005, prévoyait, compte tenu des départs en retraite et de l’évolution démographique, un besoin en recrutements externes, pour le second degré, de 17 331 postes par an, sur la période 2006-2013. L’éducation nationale se retrouvera donc en concurrence avec le secteur privé, qui devra, lui aussi, renouveler ses effectifs. L'éducation nationale risque, dans ce contexte, une crise du recrutement sans précédent. Alors que la pause démographique aurait dû permettre de repenser les pratiques pédagogiques, d’abaisser le nombre d'élèves par classe, en particulier dans le domaine de l'éducation prioritaire – en un mot : d’améliorer les conditions de travail –, c'est l'inverse qui se produira, les inégalités s’accentuant.

Les conséquences de vos choix budgétaires seront malheureusement multiples : dégradation des conditions d'étude des élèves avec des classes surchargées ; options et filières supprimées ; redoublements rendus difficiles en terminale ; remplacements non effectués des sorties prématurées du système éducatif avec le développement de l'apprentissage junior ; augmentation des frais à la charge des familles ; promesses ministérielles non tenues telles que les dédoublements de classes de langues vivantes, la généralisation des programmes personnalisés de réussite éducative – les PPRE –, la diminution des horaires des collèges et des lycées – objectifs officiels des audits financiers commandés par le ministère du budget.

Pour rester dans le domaine de l'emploi, je tiens à dénoncer une nouvelle fois le scandaleux licenciement collectif, sans plan social, des enseignants non titulaires. Selon les associations, près de 15 000 personnes qui ont assuré un service public d'enseignement pendant des années seraient aujourd'hui au chômage, au RMI ou bénéficieraient de l'allocation spécifique de solidarité.

Mme Muguette Jacquaint. Certaines sont en contrat d’avenir !

M. François Liberti. D'autres sont parvenues à trouver un emploi précaire, assurant des vacations et subissant un temps partiel. De telles situations ne leur permettent pas de financer la totalité de leurs besoins quotidiens et sont parfois porteuses de graves conséquences sur leurs conditions de vie, qu’il s’agisse de dramatiques tensions familiales ou d’un endettement excessif.

Pourtant, ces personnels sont pour la plupart qualifiés : ils sont pour la grande majorité d'entre eux diplômés – et titulaires d’un bac plus trois, bac plus cinq, voire davantage –, ils possèdent une solide expérience professionnelle et leurs acquis sont reconnus par les personnels titulaires qu'ils côtoient, notamment grâce aux résultats positifs obtenus par leurs élèves aux examens.

Par ailleurs, on constate l'inquiétante poursuite des recrutements de nombreux vacataires dans certaines académies, ce qui revient à conduire de nouvelles personnes vers la précarité. Je souhaite, monsieur le ministre, quelques explications sur ce paradoxe.

Je me demande vraiment comment on peut parler de réussite éducative quand sont menacées toutes les structures d'aides spécialisées, quand ne sont prévus que des dispositifs parcellaires, individualisés, sans que soit respecté le principe d’égalité sur le territoire national. Le plus inquiétant, c'est que les PPRE ne pourront même pas être généralisés, faute de financements suffisants.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est inexact !

M. François Liberti. D'ailleurs, le décret relatif aux PPRE ne garantit pas le droit pour tous les élèves rencontrant des difficultés scolaires de bénéficier de soutien. En effet, avec le programme « personnalisé », c'est à chaque élève qu'est renvoyée la responsabilité de son échec ou de sa réussite. Si l'on y ajoute l'artifice qui consiste à attribuer 1 000 postes aux 250 collèges « ambition réussite » en supprimant une demi-heure d'enseignement à tous les élèves des classes de cinquième et de quatrième, on est bien loin de partager votre triomphalisme.

La lutte contre l’échec scolaire et l'existence d'un système d'orientation de qualité sont étroitement liées. Pourtant, la catégorie des conseillers d’orientation-psychologues est directement menacée par un rapport qui vient d'être remis au Premier ministre. Parmi 44 propositions concernant les « dysfonctionnements » de l'orientation, on peut relever la refonte totale du recrutement des conseillers d’orientation-psychologues – il n’est plus besoin d'être psychologue –, la suppression des centres de formation dès 2007 sans doute et la disparition des CIO tels qu'ils existent actuellement. Ces propositions reflètent une totale méconnaissance des réalités. L'enjeu est de faire disparaître l'unique corps des psychologues du second degré au profit du secteur privé, qui serait dès lors en mesure d'investir totalement le champ de l'information et de l'orientation. C’est inacceptable.

Monsieur le ministre, la façon dont ce système éducatif intègre les élèves handicapés constitue un bon repère pour évaluer ses capacités à s'adapter à la diversité des publics. Malheureusement, la réalité est encore en deçà des espoirs des familles et des jeunes. Les difficultés de recrutement des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, dont la mission est d'accompagner les élèves handicapés dans les établissements scolaires, sont un autre signe du manque d'ambition de votre politique éducative dans ce domaine. Les AVS sont recrutés par des « contrats d’avenir ». Ceux-ci se révélant très restrictifs, les candidats sont donc peu nombreux. En effet, le contrat d'avenir est un CDD de 26 heures par semaine, en moyenne, d'une durée de 24 mois, renouvelable pour un an. Le salarié doit suivre des actions de formation, mais se pose le problème du coût de la formation et des frais de déplacement.

Pour rester dans le domaine des régressions, nous déplorons une nouvelle fois le recul de la scolarisation des enfants de deux ans, dont le taux est passé de près de 36 % en 1990 à un peu plus de 21 % aujourd'hui. Quant à la scolarisation des enfants de trois ans, elle n'est pas partout assurée. De plus, les effectifs par classe sont de plus en plus lourds. Les plus petits font aussi les frais des restrictions budgétaires. Pourtant, le développement de la scolarisation en maternelle a joué un rôle incontestable dans l'amélioration des résultats du système éducatif. Toutes les études réalisées montrent que la scolarisation en maternelle, y compris dès l'âge de deux ans, est un facteur de réussite, notamment pour les enfants issus des milieux les plus défavorisés.

Je tiens aussi à réaffirmer mon attachement à la carte scolaire. Instituée en 1963, elle vise à rattacher un élève à un établissement donné en fonction de son lieu de résidence et contribue ainsi à lisser les inégalités sociales en assurant un équilibre entre les couches sociales et les quartiers. Aménager, voire supprimer ce dispositif conduirait à mettre en compétition les établissements scolaires et à faire disparaître en priorité ceux situés en zones rurales ou dans les secteurs les plus défavorisés. Même si, aujourd'hui, ce dispositif connaît des dérogations, il semble essentiel de le maintenir tant il permet d'atténuer les discriminations scolaires, favorise la mixité sociale et contribue à un maillage équilibré du territoire en termes d'établissements scolaires.

Enfin, je ne pourrai terminer cette intervention sans dénoncer cette réalité qui nous renvoie à des pratiques d'un autre âge : dans des écoles primaires et maternelles, dans des collèges et des lycées, des enfants de parents sans papiers sont arrêtés, mis en centre de rétention, expulsés !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce n’est pas vrai !

Mme Muguette Jacquaint. Si, c’est vrai !

M. François Liberti. De jeunes élèves étrangers âgés de dix-huit ans sont privés du droit de passer les examens après avoir poursuivi leur scolarité sur notre territoire. Les députés communistes et républicains s'insurgent contre ce système juridique d'exception, qui détruit le principe de l’obligation scolaire pour tous les enfants jusqu'à l’âge de seize ans et qui introduit un statut spécial d'élèves sans droits. J'affirme que tout élève scolarisé en France doit être régularisé.

Au terme de cette législature, vous nous proposez d'abandonner, au nom de la réduction de la dépense publique, l'ambition d'un solide niveau de scolarisation et de connaissances pour tous. Parce que notre objectif sera toujours la garantie d'un diplôme et d'une élévation générale du niveau de formation et de culture pour tous, et parce que toutes les conditions pour atteindre cet objectif sont loin d'être remplies, nous voterons contre ce budget.

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué.

Mme Chantal Bourragué. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme les rapporteurs – Jean-Yves Chamard et Irène Tharin –, je tiens à souligner l’importance, la rigueur et l’ambition de ce budget. Il représente – vous l’avez dit, monsieur le ministre – 22 % des dépenses totales de l'État, soit 3 % du produit intérieur brut.

C'est un budget presque exclusivement affecté aux dépenses de personnel. Votre objectif, monsieur le ministre, est la meilleure utilisation possible des moyens dans l'intérêt des élèves, en vue de la meilleure performance possible de notre système éducatif, dans le respect des enseignants et des équipes éducatives comme dans le respect des élèves et de leurs parents, tout en demeurant à l'écoute des élèves les plus en difficulté ou les plus fragiles.

Aussi le budget 2007, pour la seconde année, traduit-il cette volonté en concentrant les efforts financiers sur les catégories d'élèves qui en ont le plus besoin. Cette ambition scolaire, vous la traduisez, monsieur le ministre, par plusieurs mesures comme la prise en compte du mérite avec les bourses attribuées aux élèves ayant obtenu une mention au brevet. Cette mesure encourage les collégiens à poursuivre leurs efforts.

En outre, le développement du soutien aux élèves en difficulté sur l'ensemble du territoire avec les programmes personnalisés de réussite scolaire a bien démarré et, pour permettre leur renforcement, vous leur affectez 1 000 assistants pédagogiques dès le 1er janvier 2007. Le projet de loi prévoit aussi le financement, en année pleine, de 50 000 emplois de vie scolaire, très attendus par la communauté éducative – mes collègues en ont largement parlé.

Enfin, on note l'accompagnement renforcé des élèves handicapés, avec la création de 166 unités pédagogiques d'intégration, pour lesquelles 200 emplois d'enseignants et 166 emplois de d'auxiliaires de vie scolaire seront créés. Au total, 150 000 enfants handicapés ont été accueillis dans les établissements scolaires. Si ce chiffre est très encourageant, il convient d'aller plus loin encore, afin de réduire les écarts entre communes et de dissiper les réserves de certains enseignants ou de parents.

Reste que les seuls moyens financiers ne suffisent pas toujours à obtenir des résultats concluants. Les progrès effectués dans le domaine de l'orientation et dans le renforcement du rôle des parents illustrent votre volonté de mettre l'humain au centre du dispositif et vous formulez de nombreuses propositions pour améliorer l’orientation scolaire et universitaire. Pour continuer à progresser, il faudra permettre aux conseillers d'orientation de mieux appréhender le monde économique et le marché de l'emploi. À cet effet, le Gouvernement a nommé un délégué interministériel pour coordonner l'évolution du service public de l'orientation.

À cette recherche d'une plus grande efficacité et d'une amélioration des résultats scolaires de tous, vous avez raison d'associer les parents. Efforts et dialogues sont en effet encore nécessaires pour rapprocher l'école et les familles. L’amélioration de la relation des enseignants avec les parents passe par la formation de tous. Les enseignants sont trop souvent démunis face à des situations familiales conflictuelles, alors qu’ils doivent faciliter l’accueil de tous. Ainsi, pour faire face aux comportements violents de certains jeunes, voire de leurs parents, les enseignants peuvent désormais recevoir une formation.

Monsieur le ministre, vous avez demandé aux enseignants des efforts particuliers. Ils ont répondu dans leur très grande majorité à votre demande – je parle des remplacements de courte durée. Après beaucoup de discussions, votre proposition a été mise en œuvre à la satisfaction générale. Il vous a fallu convaincre et faire accepter cette nécessité. Les remplacements de maladies de courte période ont ainsi porté sur 500 000 heures,…

M. Yves Durand. Je n’ai vu cela nulle part !

Mme Chantal Bourragué. …et ce au bénéfice des élèves.

Permettez-moi d'insister sur le rapprochement des conjoints, question difficile sur laquelle vous avez la volonté d'avancer, comme vous l'avez fait sur d'autres points. Pour préserver la vie de famille, pour le bénéfice des enfants nés ou souhaités, il est en effet vraiment important de progresser.

Enfin, je m'associe à mes collègues pour vous rappeler les inquiétudes du secteur de l'enseignement privé des premier et second degrés. L'enseignement privé accueille 20 % des élèves alors que son taux d'encadrement est déjà inférieur à celui de l'enseignement public. On est fortement préoccupé, dans ce secteur, par l'annonce de la suppression d'emplois. Je sais, par ailleurs, que vous attribuez au secteur privé 34 postes, en plus de 166 postes au secteur public, pour assurer la parité public-privé en matière d’accueil des enfants handicapés. Je n’ignore pas non plus que vous avez toujours agi en faveur d’une plus grande justice pour tous les enseignants.

Tous ces moyens répondent à l'ambition de la réussite pour tous et de l’égalité des chances. Je voterai donc, bien sûr, votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du dernier budget de la législature est l’occasion de faire le bilan de la politique éducative que les gouvernements successifs ont menée depuis cinq ans.

J’aborderai la question avec une conception quelque peu différente de celle de M. Chamard sur ce qu’est « l’efficience du système éducatif » : il ne s’agit pas de savoir de combien nous allons réduire les coûts de l’éducation ou, pour reprendre son expression, les « valoriser ».

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Les optimiser.

M. Yves Durand. Pour nous, un système éducatif « efficient » est celui qui répond à la fois à l’exigence d’augmenter constamment la qualification des jeunes et à l’exigence, essentielle dans une république, de l’égalité des chances.

M. Jean Le Garrec. Très juste.

M. Yves Durand. C’est selon ces deux critères que je jugerai tant les chiffres de ce budget que l’ensemble de la politique menée depuis cinq ans.

Commençons par les chiffres. Depuis 2003, plus de 26 000 postes ont été supprimés. Cela correspond, nous objectez-vous, monsieur le ministre, à une baisse du nombre des élèves. Regardons-y de plus près : entre 2003 et 2007, le nombre des élèves du primaire a augmenté de 184 900 ; pour y répondre, vous avez créé 4 100 postes, soit une création pour 45 élèves supplémentaires. Dans le secondaire, où vous vous apprêtez à supprimer encore 2 400 postes en 2007, vous avez supprimé 20 593 postes pour une baisse de 155 000 élèves entre 2003 et 2007, soit une suppression de poste pour huit élèves en moins.

M. Jean Le Garrec. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

M. Yves Durand. Vous conviendrez, monsieur le ministre, que depuis cinq ans l’on supprime beaucoup plus facilement et massivement que l’on ne crée de postes !

On a sacrifié l’enseignement secondaire alors que vous reconnaissez vous-même que c’est au collège que les problèmes sont les plus importants et que c’est là que l’effort doit être porté en priorité.

Ajoutons à cela la suppression de 2 000 postes administratifs depuis 2004 et le transfert des TOS, dont tous les présidents de région et de conseil général s’accordent à dire qu’il a été nuisible à l’encadrement.

M. François Scellier. Pas du tout. C’est faux !

M. Yves Durand. Le taux d’encadrement, selon vous, ne se dégrade pas, et même s’améliore. M. le rapporteur spécial a consacré une part importante de son intervention de ce matin à ce thème. Dans l’absolu, c’est vrai : il y avait 26,2 élèves par classe en 1970, et moins de 24 en 2004. Mais l’on doit creuser un peu sous les chiffres : c’est une amélioration sur le long terme, qui ne permet pas de faire la part des différentes politiques menées. En outre, ces moyennes masquent la diversité des classes, dont les effectifs peuvent avoisiner, voire dépasser, trente élèves – j’en ai des exemples dans ma commune –, et ce à un niveau aussi important que le cours préparatoire, la classe où l’on apprend à lire.

Surtout, les subterfuges utilisés font que le prix à payer pour obtenir un tel taux est élevé. La suppression des TPE par votre prédécesseur devait permettre de financer le dédoublement de l’enseignement des langues étrangères en terminale, ce qui est loin d’être réalisé complètement. Or cette suppression a considérablement handicapé les élèves de première et de terminale, notamment ceux issus de milieux modestes, car les TPE étaient, de l’avis général, un outil pédagogique de préparation à la première année d’enseignement supérieur. Alors que l’on sait bien que les étudiants de milieux modestes éprouvent des difficultés à s’adapter aux méthodes du premier cycle universitaire, vous avez supprimé le moyen de faciliter leur adaptation !

Quant aux mille postes prévus pour les collèges dits d’« ambition réussite », leur contrepartie est la suppression d’une demi-heure de soutien en cinquième et en quatrième, alors que, précisément, la politique qu’il faut mener dans les collèges est l’individualisation de l’aide aux élèves. Vous consacrez de longs discours à ce sujet, mais vous préférez les redéploiements à la création de nouvelles possibilités : dans les faits, vous supprimez le soutien.

Derrière les chiffres, je le répète, il faut distinguer la réalité : depuis cinq ans – et votre budget pour 2007 n’y changera rien – l’égalité des chances entre les élèves recule, car vous avez remis en cause les trois principes sur lesquels on peut la construire.

Le premier est l’école maternelle. La Commission européenne, dans une communication de septembre 2006, souligne que « l’enseignement périscolaire produit les meilleurs résultats sur le plan des performances et de l’adaptation sociale des enfants » et que c’est « le moyen le plus efficace de jeter des bases pour un apprentissage ultérieur, la prévention des abandons scolaires, l’obtention de résultats plus équitables et le relèvement des niveaux généraux de compétence ». L’école maternelle en France est donnée en exemple dans le monde entier. Or elle est sacrifiée par votre politique, qui en fait une variable d’ajustement dans les budgets. Le taux de scolarisation des enfants de deux à trois ans a chuté de 37 % à 25 % depuis 2003.

Le deuxième principe est une scolarité longue et commune pour tous. La Commission européenne indique qu’il faut améliorer « l’enseignement de base pour tous » car les systèmes éducatifs qui comportent une orientation précoce des élèves « accentuent les différences de niveau d’études liées à l’origine sociale, ce qui rend les résultats obtenus par les élèves et les écoles encore plus inéquitables ». Nous n’avons pour notre part jamais cessé de condamner l’orientation précoce, tant lors de l’examen de la loi d’orientation sur l’école qu’à l’occasion des discussions budgétaires. Nous l’avons martelé avec l’ensemble des syndicats et des associations de parents d’élèves, ce qui ne vous a pas empêché de faire passer, sous prétexte de développer l’apprentissage, votre système d’« apprentissage junior » qui revient à exclure du système scolaire les élèves de quatorze ans les plus en difficulté.

M. Frédéric Reiss. C’est faux !

M. Yves Durand. Je vous l’ai répété à l’envi : il est illusoire de penser que c’est en sortant du collège un élève qui est en difficulté en quatrième on en troisième qu’il pourra y revenir avec de meilleures chances de réussir. Exclure du système scolaire, comme vous le faites, un certain nombre d’élèves dès quatorze, ce n’est pas autre chose que de l’orientation précoce, et c’est donc aller à l’encontre de l’égalité des chances.

Troisième principe : l’éducation prioritaire, mise en place en 1982 par Alain Savary. Vous vous en réclamez lorsque vous instituez vos deux cent cinquante collèges dits d’« ambition réussite », mais en fait vous la détruisez, puisque les postes que vous attribuez à ces établissements sont retirés à des collèges qui sont tout autant en difficulté, ou en passe de l’être.

Mme Muguette Jacquaint et M. Jean Le Garrec. Très juste !

M. Yves Durand. Pour obtenir un effet d’affichage dans deux cent cinquante collèges, vous plongez les autres dans des difficultés pires encore que celles que connaissent les ZEP aujourd'hui. L’éducation prioritaire consiste à donner encore plus à ceux qui en ont besoin ; vous, vous donnez toujours moins au plus grand nombre !

Mme Chantal Bourragué. Mais non !

M. Yves Durand. C’est tout le contraire de ce que nous avions conçu en 1982.

Certes, nous devons mener une réflexion collective sur l’éducation prioritaire et nous demander comment donner vraiment plus à ceux qui ont le moins, comment concentrer l’effort là où les difficultés existent effectivement – ce qui ne peut certainement se faire en retirant des moyens là où cela va à peu près bien !

Il est vrai que, depuis cinq ans, vos prédécesseurs et vous-même subissez le rabot de M. Copé et de M. Breton ou de leurs pareils, et que vous en êtes réduit à gratter les fonds de tiroir de façon attristante. Vous menez de petites actions, comme la récupération des décharges de service des enseignants du secondaire, avec des arguments parfois suspicieux. Non, monsieur le ministre, les enseignants ne travaillent pas que dix-huit heures !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. J’espère que Ségolène vous écoute ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Durand. Les heures de décharge servent à préparer des cours ou des expériences au profit des élèves. Les supprimer revient à détériorer encore les conditions de travail des enseignants, donc les conditions de réussite des élèves.

M. François Scellier. Il ne faut pas généraliser !

M. Yves Durand. Vous m’objecterez, monsieur le ministre, avec M. Chamard qui est un fin commentateur des rapports de la Cour des comptes, que le budget de l’éducation nationale ne cesse d’augmenter – et certains ajouteront : alors que les résultats stagnent…

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes et l’OCDE !

M. Yves Durand. Contrairement à vous, monsieur le rapporteur spécial, je ne souhaite pas que l’inspection générale de l’éducation nationale se transforme en une sorte de Cour des comptes.

Nous aurons ce débat, qui est noble et mérite d’être mené jusqu’au bout, lors de la campagne à venir, mon cher collègue. Mais regardons déjà les choses de plus près. Il est un élément dont personne ne porte la responsabilité dans l’évolution du budget de l’éducation nationale : la part des pensions y a terriblement augmenté, passant de 14 % en 1982 à 22 % aujourd'hui. Mécaniquement, les crédits pédagogiques, ceux qui servent l’intérêt des élèves, s’en trouvent affectés si l’on n’augmente pas le budget global.

Dans ces conditions, et compte tenu du taux d’inflation de 1,8 %, il faudrait 275 millions d’euros supplémentaires pour garder le même niveau d’actions pédagogiques.

M. Jean-Pierre Gorges. Ces sommes iraient aux salaires !

M. Yves Durand. Il faut arrêter de dire que l’école coûte cher, que c’est une charge qu’il faut à tout prix diminuer !

Mme Muguette Jacquaint. Malheureusement, on ne dit pas cela que de l’école !

M. Yves Durand. La France doit savoir ce qu’elle veut : dépenser autant que les pays que vous avez cités, monsieur le rapporteur spécial, ceux qui dépensent une part plus importante que nous de leur PIB et où les taux de qualification sont plus élevés – les pays scandinaves, les États-Unis…

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. J’ai parlé de la Finlande, et vous devez noter qu’il ne s’agit pas que de dépenses publiques !

M. Yves Durand. L’appauvrissement de l’école et le recul de l’égalité des chances auront donc été les caractéristiques majeures de la politique menée depuis cinq ans. Mais le pire est que vous transmettez ces handicaps à vos successeurs en organisant une crise du recrutement, même si cette année – élections obligent – vous mettez un frein à ce mouvement. Ainsi, en 2006, tous corps confondus, les recrutements ont diminué de 33 % dans le second degré, se limitant à 12 000 alors qu’il y a eu 18 000 départs en retraite. Vous prenez donc le parti de ne pas remplacer 5 000 postes par an. Or, sans effort immédiat et important de recrutement, nous connaîtrons dans deux ans ou trois ans une nouvelle crise qui obligera, une fois de plus, à faire appel à des personnels précaires, ce qui était une des plaies de la fonction publique, et notamment de l’éducation nationale.

Pour nous, il n’y a pas de droit à l’éducation sans une école qui donne sa chance à tous dans une égalité garantie par l’État républicain. Vous avez abandonné ce chemin. Nous souhaitons le reprendre dans quelques mois au profit des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, et une fois de plus, aborder la question de la parité de l'enseignement privé et de l’enseignement public. Vous n'avez pas ménagé vos efforts pour résoudre certains problèmes, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Pour autant, la France reste un pays gouverné par des a priori et des idéologies, qui ne se donne pas assez comme priorité la réussite des enfants, n'écoute pas assez les parents et refuse de se remettre en question.

Cette année, l'enseignement privé a dû refuser 30 000 inscriptions. Au nom de quel principe refuse-t-on aujourd'hui à certains parents de pouvoir librement choisir l'établissement scolaire de leurs enfants ? Pourquoi s'obstine-t-on à traiter inégalement les élèves du privé et du public ?

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. Étienne Pinte. Alors que le forfait communal est de 1 000 euros en moyenne pour un élève du public, il s’élève à 440 euros pour un élève du privé.

On s'obstine à appliquer la loi de 1985, qui ne correspond plus aux réalités d'aujourd'hui et aux attentes de nos concitoyens. Cette loi prévoit d’attribuer aux établissements sous contrat une dotation en moyens horaires au prorata des effectifs de l'enseignement public. Or ces derniers baissent depuis plusieurs années, et la suppression, parfois malheureuse, de postes qui en résulte touche également l’enseignement privé, dont pourtant les effectifs augmentent. Ainsi, plus l'enseignement privé a d'élèves, moins il a de postes ! Et il ne dispose d'aucune marge de manœuvre car, contrairement au public, tous les enseignants du privé doivent être présents devant les élèves. Dans mon département des Yvelines, la moyenne des élèves par classe est de 29 dans le privé alors qu'elle n'est que de 25 dans le public. Depuis dix ans, l'enseignement public y a perdu 21 000 élèves, tandis que les effectifs du privé ont augmenté de 1 300. D'ailleurs, de manière générale, l’académie de Versailles est la plus déficitaire de France.

Cessons de voir dans l'enseignement privé un concurrent du public. Soyons aussi ouverts que nous le sommes en matière d'hospitalisation publique et privée : elles ne se font pas la guerre et concourent toutes deux au service public de la santé. La complémentarité de ces deux services publics est une vraie chance pour les élèves. D'ailleurs, la présence d’établissements privés sous contrat de qualité dans les communes est très stimulante pour les établissements publics. Les innovations et les richesses des uns et des autres ne peuvent être que d’un grand profit pour notre service de l’éducation nationale. Ainsi, l'enseignement privé sous contrat accueille avec succès beaucoup d’enfants en échec scolaire, issus des banlieues ou des communautés de confession musulmane. L’enseignement public et l’enseignement privé doivent pouvoir s’enrichir mutuellement de leur complémentarité et même de leur différence.

C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement Charasse. D’ailleurs, depuis plus de vingt ans, à Versailles, nous accordons le même forfait aux parents qui choisissent de scolariser leurs enfants dans un établissement d’enseignement privé, que ce soit dans la commune ou en dehors. Nous permettons ainsi à nos concitoyens d’user de la liberté de choix de l’établissement.

Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention sur la santé des enseignants, dont on a parlé il y a quelques semaines. En 2002, j’ai déposé une proposition de loi visant à instaurer une visite médicale annuelle pour les personnels des établissements d'enseignement et d'éducation. L’article L. 192 du code de la santé publique dispose qu’ils sont soumis, tous les deux ans au moins, à un dépistage obligatoire de maladies contagieuses et que cet examen est organisé par les centres médico-sociaux scolaires. Ce texte a été complété par un décret du 28 mai 1982, modifié le 9 mai 1995, relatif à la médecine de prévention commune à toute la fonction publique, qui a pour objet de « prévenir toute altération de la santé des agents du fait de leur travail ». Cet examen médical tel qu'il ressort des dispositions légales n'a ni une régularité satisfaisante ni une étendue suffisante. Il est étonnant que l'éducation nationale ne mette pas en œuvre les moyens indispensables à l'application de ces textes peu contraignants alors que les salariés du secteur privé bénéficient d'une visite médicale régulière tous les deux ans. Une telle différence de traitement n’est pas justifiée, d’autant que les enseignants sont en contact permanent avec de nombreux enfants, qui peuvent les contaminer ou qu’ils peuvent eux-mêmes contaminer. Un suivi préventif tout au long de leur vie professionnelle permettrait peut-être de réduire les absences pour maladie.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yvan Lachaud. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol.

M. Pierre-André Périssol. Monsieur le ministre, vous avez engagé un certain nombre de chantiers en aval de la loi d'orientation sur l'école de 2005 et je vous en félicite. Pour ma part, je souhaite que l'action soit menée en profondeur, c'est-à-dire que les changements que nous avons voulus soient mis en œuvre concrètement, réellement.

Le socle fondamental commun est au premier rang de ces changements. J'adhère à la définition de son contenu, conforme aux recommandations du HCE et aux propositions de la mission d'information parlementaire. J'aurais certes souhaité que l’on mobilisât largement les acteurs autour de cette définition et que la nation s’engageât, comme cela s’était produit dans d’autres pays. Cela me paraissait très important pour que le socle soit largement partagé. C'est pourquoi j'avais proposé une validation parlementaire, qui aurait contribué à lui donner tout son souffle. Il doit permettre trois changements majeurs pour peu que l’on mette en place les conditions nécessaires.

D'abord, le socle définit des priorités, ce qui signifie que d’autres enseignements sont complémentaires. La loi le dit et le HCE l’a rappelé. Pour que le socle commun de fondamentaux existe pleinement, il faudra donc définir ces enseignements complémentaires. Ensuite, il impose de tenir compte des différentes formes d'intelligence, et non plus seulement de la forme abstraite, spéculative, par trop privilégiée dans notre pays. Cela suppose d’adapter les évaluations à tous les niveaux pour faire une place plus juste aux formes d'intelligence pratique, manuelle notamment. Dieu sait que cela imposera des modifications considérables. Enfin, la loi fixe l’objectif très ambitieux de parvenir à la maîtrise de ce socle par tous les élèves à l'issue du collège. Or chacun a ses talents, ses aptitudes et son rythme propres, lesquels pouvant d'ailleurs varier au cours de sa scolarité. Si l’on veut que cet objectif de 100 % de réussite dans l'acquisition du socle passe de la loi dans les faits, il n’y a pas d’autre solution que de personnaliser les temps d'apprentissage du socle commun. Il faudra donc donner aux enseignants la liberté de personnaliser les temps et les modes d'apprentissage. Ces chantiers, qui constituent de profondes novations, sont devant nous. Il faudra les ouvrir si nous voulons que les changements soient effectifs et que toute la communauté éducative et toute la société puissent en voir concrètement les effets sur la réussite des élèves.

Au cœur du socle, la lecture constitue pour nous tous une priorité. Vous avez défini un cadre d'apprentissage équilibré dans votre circulaire du mois de mars. Je crois fondamental d’en rester à cet équilibre et de se garder de propos et d'attitudes susceptibles d'entamer la confiance des parents envers les enseignants. Il est, au contraire, très important de conforter la confiance envers l’ensemble de notre école. Je crois ce souci aujourd'hui partagé et je ne pourrai que me réjouir si ce nouvel état d'esprit perdure, tant, dans ce domaine, la passion doit faire place à la raison.

Notre majorité a ouvert des pistes. Je suis convaincu qu'elles sont bonnes et que la réussite scolaire progressera dès lors que les conditions de leur mise en œuvre concrète seront réunies. C’est pourquoi, comme l’ensemble de mes collègues de la majorité, je soutiens pleinement votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de la mission « Enseignement scolaire » confirme que l'éducation nationale reste une priorité du Gouvernement. Je voterai en faveur des crédits de paiement prévus dans ce projet de loi de finances pour 2007.

Dans mon intervention, j’aborderai brièvement les savoirs fondamentaux et la formation des maîtres, l'accompagnement des élèves handicapés, l'articulation école-emploi et l'enseignement des langues.

L'école est le meilleur vecteur d'intégration dans la société. C'est un merveilleux outil de promotion sociale, dont il faut savoir tirer profit.

Aujourd'hui, les jeunes manquent cruellement de repères, voire de valeurs, dans des familles trop souvent déstructurées. La télévision, les jeux vidéo, Internet mais aussi le désœuvrement, les plongent dans le monde du zapping, du superficiel, de l'éphémère, parfois de la violence.

Grisée par l'utopie égalitaire, l'école a voulu trop bien faire, en relâchant l'éducation civique et en ajoutant en permanence de nouvelles couches dans les programmes sans jamais rien retirer. Ainsi les programmes sont-ils devenus illisibles ! Si on ne peut contester leur ouverture au développement durable ou aux langues étrangères, il est fondamental de revenir à des bases solides, avec une exigence de discipline et de rigueur.

Le socle des connaissances et compétences instauré par la loi sur l'avenir de l'école répond à ce besoin d'asseoir durablement les notions indispensables de lire, écrire, compter. Je souscris totalement aux propos tenus par M. Pierre-André Périssol.

L’enfant, tout en apprivoisant les technologies de l'information et de la communication – TIC –, doit apprendre l'effort, vertu constitutive du caractère.

Monsieur le ministre, vous êtes le premier à avoir eu le courage de vous attaquer à un problème majeur du système éducatif : celui des méthodes pédagogiques.

Votre combat pour l'apprentissage de la lecture est juste !

Je suis persuadé que la montée en puissance des PPRE mettra de nombreux enfants sur les bons rails qui les mèneront à l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences en fin de scolarité obligatoire.

Les comédies badines du professeur-animateur ou du professeur-copain ruinent chez l'enfant le principe d'autorité et avec lui le respect de la compétence et du savoir. « Avec ces gribouilles », disait déjà Molière, « on peut gâter un homme sans qu'il vous en coûte rien. »

Aussi, monsieur le ministre, faut-il réussir la réforme des IUFM. La loi du 23 avril 2005 en a posé le principe : plus de pratique et moins de théorie ; la didactique, point trop n'en faut ! Malgré un scepticisme initial de certains enseignants, je suis persuadé que ce virage à 90 degrés dans leur formation sera salutaire.

Mon deuxième point concerne le difficile sujet de l'intégration des élèves handicapés, notamment en milieu ordinaire. Dans ce domaine, d'énormes progrès ont été réalisés lors de cette législature. Même si des enseignants ont été déstabilisés, l'apprentissage du respect mutuel, de la solidarité et de l'entraide est essentiel dans une société de plus en plus individualiste ! La création de 166 unités pédagogiques d'intégration – UPI – assorties des emplois nécessaires est une des bonnes mesures de ce projet de loi de finances pour 2007.

Je proposerai tout à l'heure un amendement qui confortera notre volonté d'accompagner le mieux possible les élèves handicapés en consacrant deux millions d'euros supplémentaires à l'acquisition de matériel pédagogique adapté et à la formation des auxiliaires de vie scolaire – c'est d'ailleurs une demande des fédérations de parents d'élèves.

Mon troisième point concerne l'articulation du volet école-emploi. La classe de quatrième ou de troisième est le seul moment de la scolarité propice à un stage en entreprise. Malheureusement, et le rapport Hetzel l'a montré, ce contact avec les entreprises est quasi inexistant au lycée, ce qui a de fâcheuses conséquences à l'université. Si plus de 80 % des Français estiment que l'apprentissage ou le BTS, à un degré moindre les grandes écoles, préparent bien à l'emploi, ce n'est, de loin, pas le cas de l'université. Aussi est-il nécessaire de développer un véritable service d'orientation au lycée, avec les enseignants, pour éviter les échecs au premier cycle universitaire, notamment pour les titulaires d'un bac pro. L'information-orientation est indissociable de l'acte éducatif.

L'articulation du volet école-emploi se pose aussi avec les apprentis juniors. C'est une bonne initiative, pas facile à mettre en œuvre, mais appréciée, contrairement à ce qu’ont affirmé nos collègues de l’opposition.

Le statut scolaire la première année, avec la découverte de deux métiers, le financement, le rythme d'alternance, mais aussi la présence du jeune sur le chantier, la possibilité de l'intégrer dans des phases opérationnelles pour une réelle immersion dans le métier sont des questions dont les réponses doivent être affinées dans les années à venir, dans le respect, évidemment, du code du travail.

La gestion du temps, la formation des tuteurs et les problèmes de transport nécessiteront une collaboration étroite, facilitée par la LOLF, entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'emploi.

Dans un contexte de mondialisation, mais aussi de construction européenne, je terminerai par quelques remarques sur la pratique d'une langue étrangère, un des piliers du socle, ou d’une langue régionale.

Par la pratique régulière et par l'entraînement de la mémoire, la maîtrise d'une langue vivante permet également la connaissance et la compréhension d'autres cultures. Elle favorise la mobilité, la communication avec les étrangers, la découverte d'autres façons de penser et d'agir, et constitue un atout pour l'insertion sociale et professionnelle. La généralisation de l'enseignement des langues étrangères nécessite des moyens, notamment pour la formation de maîtres bivalents, évolution souhaitée par certains parents d'élèves.

En Alsace, une nouvelle convention sur la politique régionale des langues vivantes est en voie de finalisation pour la période 2006-2012. Il s'agira d'offrir à tous les élèves l'apprentissage de deux langues vivantes – l'allemand et l'anglais – dès l'entrée au collège, dans la continuité de l'apprentissage de l'allemand à l'école primaire. Mais à côté de cette filière « bilangue », il est, à mes yeux, indispensable de maintenir et de développer la filière bilingue qui démarre à l'école maternelle avec un enseignement de treize heures en français et treize heures en allemand. Ici, la formation des maîtres est déterminante en quantité et en qualité. À l'heure où le mérite doit être reconnu, il serait bon que les perspectives de carrière de ceux qui entrent dans la voie du bilinguisme soient plus attractives.

En Alsace, nous avons l'avantage de pouvoir développer la langue du voisin, l'allemand, qui est la forme écrite de notre langue régionale, l'alsacien. Mais je voudrais souligner le bon travail fait à l’Institut supérieur des langues de la République française dans le cadre de la formation pour maintenir l'enseignement des langues régionales de France. Il faut soutenir cette collaboration exemplaire et sympathique entre basque, breton, alsacien, occitan et catalan ; mais onze postes en 2006-2007, ce n'est pas beaucoup !

La demande des parents est réelle, les bonnes volontés sont là. Contribuer à la préservation de nos langues et cultures régionales, c'est aussi l'honneur de notre école. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai écouté avec attention les interventions des uns et des autres et les ai beaucoup appréciées. Elles étaient souvent positives, parfois, me semble-t-il, un peu idéologiques – je m’en expliquerai dans un instant. Je pense que, dans chaque intervention, il y a des éléments à prendre, mais aussi – vous n’en serez pas étonnés – d’autres à dénoncer, qui sont inacceptables car inexacts.

Le budget de l’éducation nationale est le premier budget de l’État, chacun l’a reconnu. L’enseignement scolaire en représente la plus grande partie – 59,8 milliards d’euros, sur un total de 77 milliards d’euros. C’est énorme ! Cela représente à peu près le montant de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Mme la rapporteure pour avis et M. le rapporteur spécial ont souligné – et je partage totalement cette approche du budget – que l’importance des chiffres ne se mesure pas simplement à la masse financière, certes considérable, la plus importante des pays de l’OCDE, comme beaucoup d’entre vous l’ont dit. M. Jean-Yves Chamard a fait remarquer que l’important était de savoir ce que l’on en faisait et si chaque euro était véritablement utilisé pour la réussite scolaire de nos jeunes et permettait de leur apporter, grâce à l’éducation nationale, le supplément de chances que certains, hélas ! de par leur milieu, leur environnement social ou leur retard scolaire, n’avaient pas. Le rôle de l’État républicain est de leur donner ce « plus », par rapport aux « moins » qu’ils subissent, compte tenu des hasards de la vie.

Elle se mesure avant tout aux responsabilités qu’elle induit.

D’abord, la responsabilité de former, de la maternelle au lycée, tous les jeunes de notre pays, mais en plus, ou surtout, de les faire réussir.

Ensuite, la responsabilité de garantir à notre pays sa place en Europe et dans le monde, grâce à la qualité des formations dispensées, ce qui rend notre pays attractif. Je vais partir tout à l’heure pour installer « La Sorbonne » au Moyen-Orient. C’est un symbole très fort. Je vais également poser la première pierre d’un lycée français à Dubaï. C’est cela aussi la réputation de la France, qu’il convient de maintenir et – pourquoi pas ? – de faire croître.

J’ai évoqué ces considérations un peu générales, parce que le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter a été conçu avec la volonté d’aider le plus efficacement possible les jeunes à réussir. J’ai été un peu triste de n’entendre évoquer que des chiffres et raisonner en termes de postes. Dans le même temps, des suggestions m’ont été faites ici, des encouragements prodigués. Je ne les ai pas pris pour moi, ou pour une très faible part, mais pour toute la communauté éducative.

La question : « Comment mieux faire réussir les jeunes ? » peut paraître simple. Mais les réponses sont extrêmement difficiles à apporter. Nous avons besoin des éclairages que chacun peut nous fournir.

Comment déterminer les besoins réels ? Tous les pays innovent ? Mais comment encourager les innovations, savoir quelles seront les meilleures pour atteindre l’objectif fixé ?

Je conçois l’école comme un immense pôle d’innovation, sans cesse en mouvement, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. C’est par l’école que notre société se bâtit chaque jour. L’école ne doit pas être prise pour cible lorsque notre société a parfois des ratés. Pendant des années – c’était agaçant – seule la question des moyens était évoquée.

Vous avez justement fait remarquer, madame Tharin, que ce n’était pas parce que l’on dépensait plus – même si c’était plus facile – que les résultats des élèves étaient meilleurs. M. Chamard a fait la même constatation.

Le coût annuel d’un lycéen a augmenté de 50 % en quinze ans. Les performances des élèves ont-elles progressé dans les mêmes proportions ? Évidemment non, hélas ! Ce regret est partagé sur l’ensemble de vos bancs.

Vous me confortez, monsieur Chamard, dans l’idée qu’il faut davantage réfléchir à l’utilisation des moyens. Et je vous remercie d’avoir noté que nous avons déjà, en quelques mois, apporté quelques réponses concrètes.

Mesdames, messieurs les députés, mes propos reflètent l’esprit et la traduction de la LOLF, à laquelle vous êtes tous profondément attachés. Il s’agit de passer d’une logique purement quantitative à une logique qualitative qui définit des objectifs, cible des moyens, responsabilise les acteurs et évalue ensuite les résultats. Il faut, en somme, rompre, mesdames, messieurs de l’opposition, avec cette espèce de fascination pour les seuls moyens, qui rétrécit parfois un peu le champ de vos réflexions. Vous ne vous posez jamais la question de l’utilisation des moyens.

Il faut être responsable jusqu’au bout et s’interroger, lors de la conception d’un budget, sur la manière la plus efficace de faire réussir les élèves. Nous avons ainsi inscrit d’emblée le budget dans l’esprit de la LOLF.

Dans l’enseignement supérieur et la recherche, la culture de la performance et du projet a trouvé sa traduction dans les pôles de compétitivité et les réseaux thématiques de recherche avancée. N’oublions pas que, pour l’enseignement scolaire, cette révolution est aussi en marche.

Avec du souffle, selon l’expression que vous avez employée, monsieur Lachaud – et cette formule me plaît – vous avez insisté sur les réseaux « ambition réussite » et sur l’égalité des chances. C’est la quête incessante du ministère de l’éducation nationale. Ces réseaux sont fondés sur un projet, présenté à l’initiative des établissements, qui responsabilise les acteurs et permet de concentrer les moyens sur des objectifs définis très précisément. L’utilisation pertinente des moyens, c’est aussi la logique qui préside aux programmes personnalisés de réussite – PPRE – que M. Reiss et beaucoup d’autres ont cités.

N’oublions pas non plus que l’allocation des moyens aux académies se fait, de plus en plus, maintenant sur la base d’une logique de contractualisation adossée à des indicateurs de performance. Qui aurait osé parler de « performances », d’« indicateurs », il y a encore cinq ou dix ans, à l’éducation nationale ?

La culture du résultat – n’ayons pas peur des mots – s’inscrit dans l’esprit du socle commun de connaissances et de compétences. Même s’il ne relève pas d’une logique comptable, le socle commun de connaissances et de compétences – voté par le Parlement et entré en vigueur – participe lui aussi de la même philosophie de politique publique. Déterminer ce que tout élève doit connaître à la fin de sa scolarité obligatoire, c’est également définir des objectifs clairs qui nous engagent – ce n’est pas rien un engagement de l’État, de l’éducation nationale – et qui appellent une évaluation régulière des performances des élèves.

Oui, monsieur Périssol, comme vous, je souhaite le changement et je vous assure qu’il est en marche. À cet égard, le socle commun de connaissances est capital. Tous les programmes du primaire et du collège sont en cours de révision et d’adaptation. Je les fais passer au crible des éléments contenus dans le socle commun. Voilà du concret ! Dès la rentrée 2007, l’enseignement dispensé au cours de la scolarité obligatoire sera rénové. Quant à la réforme des IUFM, elle va de pair avec la culture du socle commun de connaissances.

Dès cette année, des évaluations en CE1, CE2 et, progressivement, en sixième, ainsi que vous le souhaitiez, monsieur Lachaud, seront mises en œuvre. Notre objectif est de parvenir, dès 2007-2008, à trois évaluations : en CE1, CM2 et à la fin de la troisième au moment du brevet et de l’éventuelle sortie du système de la scolarité obligatoire.

Il y a exactement un mois, le 18 octobre, j’ai installé sept groupes d’experts chargés d’adapter les programmes en fonction des piliers du socle commun de connaissances et de compétences. Leurs conclusions seront connues dès le mois de janvier. Elles permettront d’entamer une réécriture des programmes, dans un souci de clarification, comme l’a souhaité M. Reiss, et de leur mise en cohérence avec le socle commun. Vous avez, en effet, monsieur Reiss, très justement relevé le caractère illisible de certains programmes, faute d’objectifs clairs et échelonnés dans le temps. Vous avez raison aussi s’agissant de l’apprentissage des fondamentaux, du bilinguisme.

Car que se passe-t-il lorsque l’on ne maîtrise pas pleinement la lecture, l’écriture, le calcul, le calcul mental, la grammaire ? Impossible d’aller au bout de ses capacités : on bâtit sur du sable, et l’atterrissage est rude quand, en sixième, en troisième ou en entrant à l’université, on prend conscience de ses lacunes.

La logique de clarification et de ciblage dans les finances publiques est aussi en marche à l’éducation nationale pour la définition de ses objectifs pédagogiques. Même s’il reste beaucoup à faire, le budget de l’éducation nationale montre qu’il est possible, contrairement à ce que certains prétendent, de concilier innovation économique et efficacité pédagogique. Une même logique est à l’œuvre : dans un cas comme dans l’autre, il y a bien symétrie dans les démarches. Soutenir leur absolue complémentarité, c’est s’engager avec confiance et détermination sur la voie de l’innovation.

Vous avez, madame Tharin, insisté sur la place des parents, ce dont je vous suis reconnaissant. Le décret du 29 juillet dernier a du reste confirmé cette place dans le processus éducatif. Les parents d’élèves comprennent que l’éducation nationale est progressivement en train de changer de visage, sans grand plan quinquennal, mais plus sûrement qu’elle ne l’a jamais fait.

Permettez-moi de citer un sondage – certes, tout sondage est un instantané, mais il n’en est pas moins un révélateur – indiquant que 92 % des parents d’élèves estimaient que la rentrée s’est bien passée. Ils s’intéressent à l’éducation nationale et suivent de près ce qui s’y passe.

C’est dans cet esprit que l’éducation nationale va créer les espaces numériques de travail pour que parents, enseignants, élèves – avec une entrée sécurisée pour chacun – puissent suivre l’évolution, le carnet de notes ou l’agenda de l’élève. C’est ainsi qu’une relation confiante entre l’éducation nationale et les parents pourra se renforcer, Internet abolissant les distances.

Un autre sondage réalisé en octobre montre une très nette progression, sur un an, de la perception de l’éducation nationale. À l’été 2006, 61 % des personnes interrogées estimaient que l’enseignement en France fonctionnait bien, contre 48 % en 2005.

Au mois d’octobre, un troisième sondage sur la capacité d’innovation du service public place l’éducation nationale en première place. À la question de savoir où doivent se développer les nouvelles technologies de l’information et de la communication – dans quelle administration, dans quel service public –, les Français ont placé l’éducation nationale au premier plan. C’est là qu’il faut le plus rapidement possible mettre en œuvre les fameuses NTIC.

Cela signifie, mesdames et messieurs les députés, que les efforts du Parlement, du Gouvernement et de la majorité portent leurs fruits. Cela veut dire que les Français, notamment les parents d’élèves, voient que l’éducation nationale bouge, qu’elle se modernise dans l’intérêt des élèves et des parents. Il est donc inutile de l’accabler, inutile de laisser entendre que les enseignants ne travaillent pas ou pas assez ! Inutile, frustrant et blessant !

Mme Muguette Jacquaint. Pourquoi, monsieur le ministre, regardez-vous vers nous ? Nous n’avons jamais rien dit de tel !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Si vous vous sentez visés, ce n’est pas de ma faute !

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas nous qui avons dit cela !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Permettez-moi de faire mon marché dans les réflexions des uns et des autres !

M. Yves Durand. Vous en faites votre miel ! De la gelée royale !...(Sourires.)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comment mieux utiliser les moyens pour mieux faire réussir les élèves et favoriser l’égalité des chances ? Pour y parvenir, il est nécessaire d’améliorer notre gestion. Et, ce n’est pas proférer une insulte que dire cela. Afin que les marges de manœuvre dégagées servent à l’innovation, chaque euro dépensé doit être utilisé pour la réussite de tous.

Si je comprends bien, monsieur Liberti, vous êtes, comme moi, convaincu qu’un effort est nécessaire en faveur de l’enseignement supérieur. Vous citez l’OCDE comme M. Chamard, mais vous oubliez que c’est précisément la baisse démographique dans l’enseignement scolaire qui permet de faire l’effort souhaité en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il serait en effet dommage de ne pas chercher de gisements nouveaux.

Ce budget répond aux trois impératifs que sont l’égalité des chances – M. Lachaud a beaucoup insisté sur cet objectif –, la qualité de la formation et l’efficacité de la dépense.

Avant d’en venir aux programmes déclinés par la LOLF, je voudrais parler des réductions d’effectifs de professeurs, afin de clarifier la situation. Le budget pour 2007 tient compte de l’existence de 3 900 emplois vacants. À cet égard, monsieur Durand, il faudrait que vous vérifiiez les chiffres que vous avancez, car ces 3 900 emplois vacants sont rayés du total des emplois inscrits au budget : il s’agit de 300 postes de contractuels et de 3 600 postes de professeurs stagiaires, qui résultent de la baisse du nombre de postes offerts aux concours d’enseignants en 2006.

Beaucoup d’enseignants ont en effet retardé leur départ en retraite et certaines disciplines sont en sureffectif – pourquoi s’en cacher ? L’année dernière, 820 professeurs d’éducation physique sportive n’avaient pas d’élèves. Nous pouvons mettre ces professeurs devant des élèves. Nous devons le faire avant d’en recruter de nouveaux. Ce n’est que de bonne gestion !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. En 2007, le nombre de postes offerts aux concours d’enseignant restera inchangé par rapport à 2006, et la suppression des 3 600 postes vacants de professeurs stagiaires n’a aucune conséquence sur le taux d’encadrement des élèves. Dans ces conditions, on peut toujours discuter de chiffres ; l’essentiel, c’est que le taux d’encadrement soit identique.

Mme Muguette Jacquaint. C’est pour cela qu’on rappelle ceux qui ont échoué !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sur ce point, je rassure M. Lachaud, qui, à juste titre, a souligné l’importance du maintien de ce taux : je partage totalement son souci. Le solde réel des créations et des suppressions d’emploi dans l’enseignement scolaire au budget pour 2007 s’établit à moins 4 600 postes, dont une partie s’explique par l’évolution de la démographie scolaire – les élèves sont moins nombreux –, à laquelle il faut s’adapter. Il serait irresponsable de ne pas le faire. À cet égard, je regrette que Mme David l’ait oublié en parlant de suppressions de postes. L’autre partie s’explique par une amélioration de la gestion. Je fais allusion à la remise en cause de certaines décharges.

Pour l’enseignement scolaire public du premier degré : 39 500 élèves supplémentaires sont attendus pour la rentrée 2007. Pour faire face à cette augmentation, nous créons 500 postes de professeur des écoles. Il n’est donc nullement question d’une réduction aveugle des effectifs. Ils augmentent là où c’est nécessaire, ce qui nous permet de maintenir le taux d’encadrement en dessous de dix-neuf élèves par professeur, en moyenne nationale, dans l’ensemble de l’enseignement primaire public.

À cet égard, M. Durand ne manque pas d’audace ! Mais cela ne nous surprend pas. Vous avez proféré, monsieur Durand, un certain nombre de contrevérités.

M. Yves Durand. Prouvez-le !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je n’en relève qu’une, mais elle est de taille ! Selon vous, je m’en prendrais à l’école maternelle. C’est faux, car près de 100 % des enfants de trois à cinq ans sont scolarisés. Les enseignants se dévouent pour les faire réussir. Les mesures que j’ai prises pour rendre l’apprentissage de la lecture plus efficace valorisent l’école maternelle, lieu privilégié de l’acquisition du vocabulaire qui servira aux enfants au cours préparatoire dans le processus d’apprentissage de la lecture. Là encore, il faut rendre hommage à nos enseignants.

Dans l’enseignement scolaire public du second degré, les enseignants partant à la retraite pourront ne pas être remplacés grâce à l’évolution démographique et à la modernisation de notre gestion. Les prévisions d’effectifs dans le second degré indiquent une baisse d’au moins 30 000 élèves, ce qui nous conduirait logiquement à supprimer 2 300 postes – si nous nous situions dans une seule logique mathématique – pour maintenir le taux d’encadrement. Or nous ne supprimons que 2 000 postes, et les 300 postes autres – c’est de la bonne gestion – renforceront l’enseignement donné aux élèves le plus en difficulté.

Mme Muguette Jacquaint. Tout va bien, alors ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mme Tharin a raison : il faut donner plus à ceux qui ont moins. C’est ce que fait notre majorité !

M. Yves Durand. En supprimant des moyens ailleurs !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par exemple, avec les études accompagnées dans les collèges « ambition réussite » quatre fois par semaine, assurées par des assistants pédagogiques recrutés à cet effet.

Je remercie aussi Mme Bourragué d’avoir souligné la cohérence et la force de ce budget : des moyens considérables sont utilisés de façon ciblée pour atteindre des objectifs prioritaires : les élèves en difficulté, les réseaux « ambition réussite », la politique des langues, la scolarisation des enfants handicapés.

Voilà l’utilisation des marges de manœuvre qu’une meilleure gestion des moyens peut nous offrir ! Sans elle, on ne pourrait mettre en œuvre ces soutiens supplémentaires, notamment les programmes personnalisés de réussite éducative, mis en place à la rentrée en sixième. Ils pourront être étendus à un nombre plus important d’élèves, à partir de la rentrée de 2007, notamment aux élèves de cinquième.

Des efforts de gestion vont permettre de mobiliser 2 780 équivalents temps plein, selon deux axes. Premièrement, dans les disciplines où il y a encore des professeurs en sureffectifs, environ 500 départs à la retraite ne seront pas remplacés. Deuxièmement, parmi les décharges de service, qui représentent l’équivalent de 23 000 emplois de professeurs qui ne sont pas devant les élèves, certaines ne se justifient plus, car le monde a changé depuis 1950, date à laquelle a été publié le décret qui les a créées : le monde de l’éducation nationale, la façon d’enseigner ne sont plus les mêmes. Suivant les préconisations de la Cour des comptes – une grande institution de la République, dont vous ne pouvez ignorer les avis, mesdames, messieurs de l’opposition – et les conclusions de l’audit de modernisation, 10 % des décharges seront supprimées dans le budget pour 2007, sans aucune incidence sur la qualité du service rendu, ce qui représente 2 300 emplois. Voilà encore un gisement !

M. François Liberti. Quelle expression s’agissant de suppressions !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Liberti, je comprends que vous réagissiez, mais je vous dois la vérité.

Ces suppressions d’emploi ne réduisent pas les horaires d’enseignement ; elles contribuent, en revanche, à une meilleure utilisation de la ressource enseignante. Je veux aussi souligner que ces efforts participent au renforcement de la politique d’égalité des chances, dont plusieurs orateurs ont souligné l’importance.

Tout à l’heure, au salon de l’éducation, deux personnes se sont gentiment approchées de moi pour me remercier d’avoir relancé l’éducation prioritaire. « Il était temps », m’ont-elles déclaré. Mais que ne l’avez-vous fait ? Vous l’avez créée et je vous en sais gré car c’est un projet que je partage entièrement et que je mets en œuvre dans la ville dont je suis élu local. Mais pourquoi l’avoir laissée se diluer jusqu’à perdre son sens ? Notre majorité a eu l’audace de relancer cette ambition, contre l’avis de ceux qui estimaient cela dangereux. Mais quand il s’agit de l’avenir de nos enfants, il n’y a pas de danger possible, les adultes, en situation de décider, doivent prendre des risques ; sinon, ce sont les plus jeunes qui en prennent trop. En plus des moyens réservés aux heures de soutien, nous avons inscrit au budget pour 2007 des crédits pour 1 000 nouveaux assistants pédagogiques, qui viendront s’ajouter aux 5 000 déjà recrutés en 2006. Ils seront d’abord affectés aux établissements d’éducation prioritaire.

Avec les réseaux « ambition réussite », c’est une nouvelle philosophie que nous avons promue, à l’opposé de la vôtre, monsieur Durand, puisqu’elle repose sur l’excellence. Nous tournons le dos à l’approche figée qui a prévalu sous les gouvernements que vous avez soutenus. Désormais, chaque réseau a un domaine d’excellence défini, avec des parrains choisis au sein de la société civile. L’actualité illustre tous les jours la vitalité du champ d’initiative ainsi ouvert. Allez dans l’un des 249 réseaux « ambition réussite » et vous verrez combien la qualité des projets conçus par les communautés éducatives est grande et comment elles ont su les faire partager puis les mettre en œuvre.

Dans le cadre de l’effort pour l’égalité des chances, il faut ajouter les 466 postes supplémentaires de professeur créés, d’une part, pour la scolarisation des élèves handicapés dans les nouvelles unités pédagogiques d’intégration et, d’autre part, pour les dispositifs relais, qui prennent en charge les élèves les plus difficiles.

Il y a enfin l’amélioration du remplacement des professeurs, certains d’entre vous l’ont souligné. Les crédits prévus s’élèvent désormais à 61 millions d’euros, soit une augmentation de 10 %. Cela représente 1 800 000 heures de remplacement, dont vont profiter nos élèves, car, sans budget, il n’y a pas de professeurs pour leur faire cours. Il y a deux ans, 500 000 heures étaient financées ; au cours du premier semestre 2006, nous avons atteint progressivement près d’1 million d’heures. La progression est bien réelle. Certains ont eu la gentillesse de dire qu’il s’agissait d’une première réussite. Je parlerai plus modestement – une fois n’est pas coutume – de « réussite partielle », car les remplacements ne sont pas assurés dans leur totalité.

Venons-en à l’enseignement privé sous contrat. Depuis de nombreuses années, l’État finance les emplois d’enseignants de ce secteur à hauteur de 20 % des crédits consacrés au public. Ce mode de calcul n’a pas été modifié dans le projet de budget pour 2007, conformément au principe de parité. Comme vous, monsieur Pinte, je souhaite que la question de la parité ne soit pas l’objet de polémiques et que nous puissions examiner, les uns et les autres, ce qu’elle recouvre, dans un esprit de responsabilité et sans parti pris idéologique. Ce dossier doit être mis à l’étude. Il faudra, par exemple, établir quelles charges sont prises en compte par l’État et quelles autres par les collectivités locales. Le mot de « parité » n’a de sens que si l’on sait clairement ce que l’on compare. Je souhaite que cette analyse se fasse dans la clarté et la concertation, dans une volonté de sincérité et d’équité.

Monsieur Durand, je m’adresse encore à vous, pardonnez-moi, mais, comme vous aviez un temps de parole supérieur à celui des autres, vous avez dit plus de choses mais aussi commis plus d’inexactitudes que d’autres. Permettez-moi de les relever. Il n’est pas correct de dire que 28 000 emplois seront supprimés

M. Yves Durand. 26 000 !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il n’est pas plus correct de dire que 26 000 emplois seront supprimés. En effet, vous y incluez les emplois jeunes sans prendre en compte les 50 000 personnes embauchées dans le cadre de contrats d’avenir ou de contrats d’accompagnement dans l’emploi.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Très juste !

M. Yves Durand. Si je suis votre raisonnement, il n’y a pas 26 000 emplois de moins mais 24 000 de plus à l’éducation nationale. Vous avez simplement voulu faire un effet de tribune.

M. Yves Durand. Nous y reviendrons !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. En outre, les personnes sous contrats aidés ont droit au même respect que les emplois-jeunes hier. Il ne faut pas avoir de mépris pour ce qu’elles font sur le terrain.

Par ailleurs, monsieur Durand, les 1 000 postes pour les réseaux « ambition réussite » ne sont pas une simple prévision mais une réalité. Je me souviens des propos qui ont été tenus cet été à propos de la relance de l’éducation prioritaire : des personnes de votre sensibilité politique prétendaient que je ne parviendrais jamais à remplir mes objectifs. Au mois de septembre : sur les 1 000 postes visés, 974 étaient d’ores et déjà créés dans les collèges des réseaux « ambition réussite ». Ne sous-estimez pas les capacités de l’éducation nationale !

M. Yves Durand. Mon propos était de savoir comment vous les financez !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par ailleurs, monsieur le député, l’apprentissage junior ne constitue pas une rupture avec l’école. Les régions qui l’ont expérimenté sont encore peu nombreuses – hélas, pour les enfants –, mais leurs résultats valent d’être cités. En Alsace, deux adolescents sont revenus par la suite dans l’enseignement général. Autrement dit, la rupture que vous dénonciez était un vrai mensonge.

M. Yves Durand. Quelle proportion cela représente-t-il ?

M. Frédéric Reiss. L’important est que cela est possible !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous laissez entendre que s’engager dans la voie de l’apprentissage junior est un processus irréversible, où l’on quitte à tout jamais l’école de la République. Non ! On y entre à quatorze ans pour découvrir des métiers pendant un an, à quinze ans on signe un contrat d’apprentissage et jusqu’à seize ans il est possible de revenir dans l’établissement où l’on est inscrit. Les retours sont possibles : en Corse, il y en a eu deux autres.

M. Yves Durand. Mais sur combien ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sur 165 en Alsace et sur une centaine en Corse, monsieur Durand.

M. Yves Durand. 98 % de non-retour, vous appelez ça une réussite !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce faible retour dans l’enseignement général est aussi la marque du succès de l’apprentissage junior.

Mesdames, messieurs les députés, nous avons apporté la même attention aux moyens des non-enseignants qu’à ceux dévolus aux enseignants. Comme je vous l’ai précisé tout à l’heure, l’innovation ne peut dissocier l’administratif du pédagogique. Les conclusions d’un audit de modernisation relatif à l’organisation des examens et concours ont permis d’envisager une meilleure maîtrise des moyens, sans affecter la qualité du service public. M. Jean-Yves Hugon a souligné à juste titre l’importance de ce rapport d’audit. Il a montré, par exemple, que des mesures d’amélioration administrative des concours et examens pourraient dégager plus de 400 postes administratifs sur toute la France. Nous appliquons ses préconisations : le budget 2007 tient ainsi compte de ses recommandations.

Les sujets de brevet vont désormais être élaborés non plus au niveau inter-académique, mais au plan national. Quant à ceux du CAP et du BEP, nous nous organiserons autrement pour n’en fabriquer que 5 000 au lieu de 20 000. Quant au baccalauréat, sa lourdeur administrative, qui pèse parfois au détriment du temps d’enseignement, et son coût sont bien connus. Il nécessite actuellement la rédaction de 4 000 sujets, dont 40 % de sujets de secours, près de 140 000 correcteurs et examinateurs pour 4 millions de copies et plus de 1 million d’épreuves orales, ce qui représente un coût total annuel de 40 millions d’euros. Sur son architecture même, j’ai bien pris note des suggestions de M. Hugon. Comme lui, je considère que sa valeur nationale, à laquelle nous sommes tous très attachés, sera d’autant mieux préservée que nous serons en mesure de simplifier l’organisation de cet examen.

M. Frédéric Reiss. Très juste !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’il s’agit d’un élément du patrimoine national et qu’il ne peut être réformé qu’avec un large consensus, au terme d’un travail de longue haleine.

Les efforts déjà réalisés dans l’esprit de l’audit de modernisation nous éviteront de remplacer 400 départs à la retraite dans l’administration centrale et dans les services académiques. En dépit de la baisse des effectifs, aucun poste administratif n’est toutefois supprimé dans les collèges et lycées. Sur ce point, j’ai voulu donner une suite favorable aux demandes tout à fait justifiées des chefs d’établissement. M. le rapporteur Jean-Yves Chamard a bien voulu relever ce progrès, et je l’en remercie.

Le nombre total des surveillants et assistants d’éducation reste identique, malgré la baisse des effectifs d’élèves. Il s’agit, vous l’avez bien compris, de garantir la présence d’adultes au sein des établissements scolaires, et donc la sérénité des études, au moment où le Gouvernement se mobilise contre la violence scolaire. Je pense en particulier aux mesures prises dans le cadre de la circulaire interministérielle de prévention de la violence.

Par ailleurs, j’ai voulu que l’éducation nationale fasse un effort particulier en faveur de la santé, rendu possible grâce à la réduction du nombre des emplois administratifs. Le plan de recrutement des infirmières sera poursuivi avec 300 postes supplémentaires en 2007, comme en 2006. Nous y ajouterons à la rentrée 2007 la création de 50 postes de médecin et d’assistante sociale.

Enfin, l’accueil des élèves handicapés sera encore amélioré. Sachez, monsieur Liberti, que j’ai entendu votre interpellation à ce sujet. Il aura fallu attendre que notre majorité vote une loi en 2005 pour que les enfants handicapés soient considérés comme les autres enfants et accueillis à l’école. Depuis, leur scolarisation, obligation républicaine, a fait un bond : je n’ai plus les chiffres exacts en mémoire, mais l’augmentation est de l’ordre de 70 % en deux ans. J’ai voulu que l’éducation nationale fasse des efforts en leur direction : les crédits pour 2 800 contrats aidés destinés à l’accompagnement individuel des élèves ont ainsi été délégués dès le mois d’octobre 2006. Ces moyens s’ajoutent à la poursuite de la création des dispositifs d’accueil que sont les unités pédagogiques d’intégration, les fameuses UPI. Chacun peut ainsi constater que, contrairement aux affirmations de Mme David, la loi en faveur des personnes handicapées est bien appliquée, même si, ici ou là, des ajustements sont nécessaires. Dans l’ensemble, la scolarisation des élèves handicapés s’est nettement améliorée.

En conclusion, j’insisterai sur le fait qu’un budget est fait de chiffres, de mesures techniques et de moyens, mais qui n’ont de valeur que s’ils sont au service d’une véritable vision d’ensemble des missions fondamentales de l’éducation et d’une ambition.

Comme l’ont rappelé Jean-Yves Chamard et Yvan Lachaud, on ne peut se satisfaire d’une simple vision comptable – c’est un discours réducteur –, celle-là même de ceux qui se contentent de réclamer toujours plus de postes.

Le projet de budget pour 2007 vise à construire une école plus responsable où les moyens publics sont mieux utilisés, donc mieux maîtrisés, pour profiter en priorité aux élèves, une école plus performante qui sait définir ses objectifs pédagogiques, élaborer un enseignement de qualité, s’adapter aux capacités de tous les élèves pour les faire tous réussir au mieux de leurs capacités, et une école plus juste, vraiment républicaine, où l’égalité des chances se traduit dans les faits par l’aide aux élèves handicapés et originaires de milieux défavorisés.

Je souhaite que notre école soit plus pragmatique, car notre éducation nationale a beaucoup souffert de certaines vieilles lunes idéologiques.

À cet égard, je pense à l’apprentissage de la lecture. On a décrété que telle ou telle méthode était rétrograde alors que la vraie question est de savoir ce qui marche et de le mettre en œuvre. Et c’est ce que nous faisons.

Je pense aussi et surtout à la formation des professeurs. Cette formation, évidemment déterminante pour tout le système éducatif, s’est beaucoup dispersée depuis des décennies. Nous sommes en train de la revoir de fond en comble pour lui donner un caractère plus pratique, plus efficace, plus proche du terrain et en même temps de haut niveau.

Mesdames, messieurs les députés, je ne doute pas que vous ayez, sur tous ces bancs, une très haute idée de la mission de service public de l’éducation nationale. Ceux qui veulent améliorer qualitativement, chaque jour, la réussite scolaire ont souligné les progrès qui ont été réalisés, même s’il y a encore des marges de progrès. Ils ont exprimé leurs attentes, et c’est normal, y compris d’ailleurs sur la santé des enseignants, et salué les innovations pédagogiques. Ils veulent utiliser le moindre euro pour œuvrer à la réussite éducative et à l’égalité des chances. Mais il y a aussi ceux qui, sans faire une seule proposition éducative – ce qui est un peu décevant de la part des grands spécialistes que vous êtes – se sont livrés à une comptabilisation des postes, suivant en cela une espèce de culture enracinée depuis très longtemps dans l’approche de la démarche éducative.

Oui, nous voulons une école plus responsable, plus efficace, plus juste, réformée dans un souci pratique. Telle est l’école qu’avec votre aide notre pays peut donner à ses enfants, et je remercie l’UMP et l’UDF qui se sont prononcées en faveur de ce budget. Cette école, ce n’est pas un rêve, c’est celle qui est en train de se construire, sous nos yeux, avec notre volonté commune, qui se renforce. Avec votre soutien, je souhaite conduire plus loin encore cette école sur la voie du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe UDF, la parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le ministre, un rapport d’audit montre que certaines décharges statutaires pourraient ne plus exister. Du reste, le projet de budget prévoit de supprimer 3 250 postes au titre des décharges. Compte tenu de la position exprimée par certaines organisations syndicales, quelques éclaircissements me semblent nécessaires.

S’agissant de la décharge « de première chaire », il paraît logique, le baccalauréat ayant évolué depuis 1950, que ne soient comptabilisées que les heures d’enseignement qui donneront lieu à une épreuve du baccalauréat, soit de première, soit de terminale – français, histoire et géographie, etc.

Qu’en est-il aujourd’hui des décharges qui concernent les heures de majoration ? Je rappelle qu’une heure de majoration était attribuée pour plus de huit heures d’enseignement avec moins de vingt élèves dans une classe. On a pu lire ça et là que ceci s’appliquerait à des groupes-classes, ce qui paraît aberrant car un groupe-classe a nécessairement moins de vingt élèves – sinon, la classe aurait plus de quarante élèves.

Qu’en est-il par ailleurs des décharges pour les professeurs d’histoire et de géographie et des décharges de laboratoires de sciences physiques et de biologie ?

Qu’en est-il, enfin, pour des décharges qui concernent l’enseignement en BTS, où une heure « vaut » une heure et quart ?

J’aimerais obtenir des réponses à ces questions que je vous ai déjà posées il y a quelques semaines. Cela permettrait de lever les ambiguïtés qui demeurent dans nombre de salles des professeurs et qui polluent un peu le débat.

M. le président. La parole est à M.  le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Lachaud, votre question va me permettre de clarifier la situation des décharges statutaires des enseignants du second degré qui sont régies par des décrets de 1950.

Outre la Cour des comptes, le Parlement, l’inspection générale des finances et l’inspection générale du ministère ont aussi souligné le coût et le volume de ces décharges de services, qui représentent 28 000 équivalents temps plein, soit tout de même un milliard d’euros pour l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat.

Nous travaillons actuellement à un projet de décret. J’ai engagé une grande concertation avec l’ensemble des syndicats, qui ont donné leur avis. S’ils sont très réservés sur le principe d’une reprise de ces décharges, ils admettent la nécessité de revoir les décrets de 1950. Les grands principes qui fondent ces décrets sont maintenus, en particulier la garantie statutaire d’obligation de service : dix-huit heures pour les professeurs certifiés, quinze heures pour les agrégés.

En pratique, il s’agit de revenir à l’esprit des décharges. En 1950, on considérait que s’il y avait décharge, c’était parce qu’elle était justifiée. S’agissant des décharges « de première chaire », seuls les professeurs enseignant dans une discipline qui donne lieu à évaluation au baccalauréat en fin d’année pourront bénéficier d’une heure de décharge. Rien n’est modifié pour le nombre des élèves dans les classes et pour les groupes.

Il faut aussi subordonner certaines décharges aux conditions d’exercice. Ainsi, les décharges de laboratoires se justifiaient et se justifient toujours par certains travaux pratiques et la préparation du laboratoire, mais elles ne se justifient plus lorsque cette préparation est assurée par d’autres que l’enseignant.

Avec cela, nous allons pouvoir donner aux recteurs les moyens de piloter la politique éducative académique en fonction des priorités pour la réussite des élèves. Les académies pourront disposer d’une enveloppe d’heures allouée à partir des demandes formulées par les établissements, et donc utilisée là où il existe de vrais besoins. Cela permettra de responsabiliser chacun.

Pour les BTS et les classes préparatoires, aucune modification n’est prévue.

J’ajoute que s’agissant de l’organisation des enseignants d’EPS – dix-sept heures d’enseignement et trois heures forfaitaires pour l’animation et l’entraînement sportif du type sport scolaire, associatif, UNSS, etc. – le système est maintenu, mais que la décharge sera désormais liée à l’exercice effectif des activités d’animation et d’entraînement sportif.

Telles sont, monsieur le député, les précisions que je souhaitais vous apporter.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe des député-e-s communistes et républicains.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, pour la septième année consécutive, les directeurs d'école sont en grève administrative pour non-reconnaissance salariale, insuffisance des heures consacrées à la tâche de directeur, problèmes de responsabilité, alors même qu'ils sont de plus en plus sollicités au quotidien pour gérer de nouvelles tâches.

Actuellement, 5 000 écoles sont dirigées, faute de candidats à ce métier, par des enseignants sans formation et sans expérience, alors que de nombreuses responsabilités leur sont confiées, comme la sécurité des personnes, la gestion des locaux scolaires ou l’organisation des sorties.

L'instauration d'une décharge de travail administratif pour les écoles de quatre classes et la mise en place des emplois de vie scolaire ne semblent pas être une réponse suffisante pour ces enseignants chargés de direction qui souhaitent être formés, reconnus et disposer du temps et des moyens nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

Une enquête récente nous apprend que 93 % des personnes interrogées se déclarent favorables à la création d'un statut non hiérarchique de la direction d'école venant reconnaître le métier de directeur d'école et définissant de manière claire et limitative leurs tâches et leurs responsabilités. Par ailleurs, 80 % estiment que les emplois de vie scolaire recrutés sans formation ni diplôme minimum requis ne pourront pas vraiment soulager la charge de travail du directeur. Quant à l'utilisation des étudiants en IUFM, 37 % estiment qu'elle améliorera sensiblement le régime des décharges.

En Languedoc-Roussillon, le dernier accord signé par un seul syndicat minoritaire est aujourd'hui utilisé par l'inspection académique pour exiger, sous forme d'ultimatum, l'envoi de l'état des effectifs sous peine de retenues sur salaire. C'est inacceptable !

Monsieur le ministre, ne serait-il pas temps de prendre de vraies dispositions pour donner un cadre légal financier et statutaire à ce métier ?

M. le président. La parole est à M.  le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Liberti, votre question me permet de faire le point sur une vieille affaire. Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai été quelque peu surpris et peiné de constater que cette grève administrative partielle durait depuis sept ans.

Ce sont sept ans de malheur pour les directeurs d’école, sept ans d’attente et d’inertie, alors que ce problème est un souci quotidien et qu’il ne facilite pas la gestion de cette grande et belle maison.

Le 11 mai 2006, j’ai signé un protocole d’accord avec l’Union nationale des syndicats autonomes, qui avait déclenché la grève. C’est donc une page de grève administrative qui se tourne, et chacun a pu constater dès cette rentrée une nette amélioration de la situation dans nombre d’écoles.

Un jour par semaine de décharge a été accordé aux directeurs d’école, pour toutes les écoles de quatre classes. Cela représente tout de même 1 700 équivalents temps plein. Jamais vous n’aviez réussi à trouver un tel accord, ce qui est désolant.

Comme M. Durand, vous avez quelque peu sous-évalué l’aide administrative apportée par les contrats aidés. Lorsque j’avais lancé cette idée, on m’avait répondu que tout le monde refuserait. Or, à ce jour, 27 000 directeurs d’école ont demandé un contrat aidé, et les recrutements se poursuivent. Au total, ce sont entre 29 000 et 30 000 contrats aidés qui auront été signés à la fin de l’année. Là encore, il ne faut pas négliger l’aide apportée par des hommes et des femmes qui s’engagent dans un contrat qui leur permet de mettre le pied à l’étrier.

La nouvelle phase de négociation qui s’ouvre avec les partenaires sociaux permettra d’aborder la question du statut des directeurs d’école, et l’on peut envisager l’avenir avec d’autant plus de sérénité que l’article 35 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école nous y aide.

Ce dossier a connu une longue période où tout a été figé, puis des améliorations. Les choses rentrent maintenant dans l’ordre grâce à la concertation avec les partenaires sociaux. Je suis donc tout à fait optimiste.

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour poser sa seconde question.

M. François Liberti. Monsieur le ministre, vous aviez décidé de supprimer la méthode globale au motif que vous déteniez la preuve scientifique qu’elle était nocive et qu’elle était l’une des causes fondamentales du mauvais apprentissage de la lecture. Pourtant, vous avez été contredit par un texte commun publié par les plus grands scientifiques en psychologie de la lecture et en neuropsychologie. Personnels, organisations syndicales, enseignants, élus vous ont opposé le suivi individualisé dans le respect des rythmes d’apprentissage, considérant, à juste titre, que ce n’est pas avec des méthodes autoritaires et arbitraires que l’on réussira à faire progresser les élèves. Vous avez dû faire machine arrière. (M. le ministre s’exclame.)

N’est-il pas temps, monsieur le ministre, de tirer toutes les leçons de cette polémique dont vous avez pris l’initiative, et de considérer que les questions pédagogiques qui ont des conséquences sur l’avenir de tous nos enfants, notamment d’origine populaire, méritent mieux qu’une régression par rapport aux travaux des chercheurs ainsi qu’à l’expérience des praticiens ? De considérer aussi que la pédagogie relève de nombreuses disciplines scientifiques, d’où sa complexité ? Ne convient-il pas, plutôt que de s’en tenir à des opinions approximatives, de prendre en compte le programme de recherche des organismes publics, afin de mieux connaître les mécanismes de l’échec et de la réussite scolaire ? Ne serait-il pas opportun d’inviter les organisations de personnels, les associations de parents et les chercheurs à rédiger une déclaration solennelle commune à propos des principes consensuels qui fondent les programmes de l’école primaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est un sujet qui mérite mieux que la polémique, monsieur le député, et il y a quelque incohérence à me reprocher de faire machine arrière tout en m’accusant de régression.

Aujourd’hui, les textes qui ont été pris sont très largement respectés. Je le répète : la méthode de la lecture relève non pas de l’idéologie, mais de la réussite scolaire. La circulaire du 3 janvier et le décret du 28 mars demandent aux maîtres de travailler systématiquement, dès le début du cours préparatoire, les correspondances entre les lettres et les sons, car c’est un passage obligé de l’apprentissage de la lecture ; il n’est d’ailleurs contesté par aucun spécialiste : Observatoire national de la lecture, inspection générale de l’éducation nationale.... Les enquêtes au sein du ministère montrent que les consignes sont appliquées. Dans le cadre ainsi fixé, la liberté pédagogique peut s’exercer.

Les choses étant désormais en place, il faut tourner la page de la lecture et passer à la suivante, c’est-à-dire à la grammaire et au calcul – l’apprentissage des quatre opérations, calcul mental compris. Ce sont là les enseignements fondamentaux que l’école de la République doit apprendre aux élèves dont elle a la charge.

La polémique et l’idéologie n’ont pas leur place ici, soyons pragmatiques ! D’ailleurs, tous les pays ont fait le même constat et pris les mêmes dispositions que nous. Pas plus tard qu’hier, au sommet franco-espagnol, j’ai demandé à ma collègue comment était enseignée la lecture et elle m’a répondu que cela faisait bien longtemps que l’Espagne en était revenue à la « méthode syllabique ». Nous sommes arrivés aux mêmes conclusions. C’est ainsi que le plus grand nombre, voire la totalité, des élèves apprendront à lire.

M. le président. Je devrais maintenant passer aux questions des députés du groupe UMP, mais, si ceux-ci sont d’accord, je vais donner la parole à Mme Muguette Jacquaint. J’espère que personne ne verra là une mesure de faveur envers une élue de mon département. (Sourires.)

Vous avez la parole, madame Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, bien que le rôle de la médecine scolaire soit unanimement reconnue dans cette assemblée, je me demande, à l’instar des professionnels de ce service de santé publique, qui ont manifesté pour sa défense le 19 octobre, si elle n’est pas menacée de disparition, car les faits pourraient le faire croire. En effet, il y a urgence pour ceux qui se soucient du bien-être de nos jeunes à l'école ! Le décalage grandit entre les missions et les moyens alloués à la médecine scolaire, alors que des besoins nouveaux devraient être pris en compte.

Les médecins scolaires, qu'ils soient titulaires ou vacataires, assurent des missions essentielles aussi variées que le bilan de santé des enfants dès leur sixième année ; le dépistage des troubles du langage ou de la motricité ; les examens périodiques, notamment au moment de l'orientation scolaire ; le contrôle des vaccinations ; la surveillance sanitaire et la mise en œuvre d'actions de prévention et d'éducation à la santé ; le contrôle des activités sportives ; l’aide aux jeunes en difficulté ; l’intégration des handicapés ; la protection de l'enfance en danger... Or, les syndicats relèvent qu'il y a un médecin scolaire pour 7 800 enfants, voire 10 000 et plus selon les départements, les zones rurales étant particulièrement défavorisées. Il n'y a plus de création de postes depuis 2004 et le nombre de vacataires a chuté.

Dans de telles conditions, comment voulez-vous que notre médecine scolaire joue pleinement son rôle ? Comment pourrait-elle prévenir le surpoids, la boulimie, l'anorexie ou le suicide, qui frappent tant de jeunes, et limiter les conséquences du développement de la pauvreté chez les parents, qui a évidemment des effets sur la santé des enfants ?

Monsieur le ministre, les déclarations volontaristes des pouvoirs publics prônant la prévention et le dépistage m’ont donné un peu d’espoir. Allez-vous nous annoncer que, pour répondre aux nouvelles missions de la médecine scolaire, il y aura davantage de médecins scolaires dans les établissements ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Jacquaint, vous avez raison : la question que vous posez est grave. Je souscris au constat que vous dressez et aux objectifs que vous avez énoncés.

Le présent budget porte une attention toute particulière au suivi médical, sanitaire et social des élèves. J’ai voulu poursuivre le plan lancé en 2006 en recrutant cette année encore 300 infirmières. S’y ajouteront cinquante postes de médecin et d’assistante sociale. Par ailleurs, nous ouvrirons cette année 111 postes au concours de recrutement des médecins, ce qui permettra de titulariser de nombreux vacataires. N’oubliez pas que nous rencontrons constamment des difficultés dans le recrutement, tant des infirmières que des médecins. Il faut le dire, ne serait-ce que pour susciter des vocations.

Comme l’année dernière, les moyens seront ciblés sur les établissements prioritaires, au premier rang desquels les réseaux « ambition réussite ».

M. le président. Madame Jacquaint, vous avez la parole, pour poser votre seconde question.

Mme Muguette Jacquaint. Cette question sera très courte, monsieur le président, car mon collègue François Liberti a évoqué le sujet dans son intervention.

Sur les quelque 270 000 enfants handicapés que compte la France, 150 000 sont scolarisés en milieu ordinaire ou en classe spéciale et 110 000 dans des instituts spécialisés. La loi du 11 février 2005 sur le handicap, en imposant qu'un enfant handicapé soit inscrit dans son école de proximité, a permis à 11 800 jeunes supplémentaires de rejoindre cette année les bancs de l'école. Mais chacun s’accorde à reconnaître que ces jeunes sont encore nombreux n’avoir pas trouvé de solution satisfaisante.

Les causes en sont multiples. Tout d'abord, de nombreux établissements scolaires – écoles primaires, collèges, lycées – ne sont toujours pas équipés pour recevoir des jeunes handicapés. Les parents des enfants concernés souhaiteraient que la situation s’améliore, et que l’accompagnement individuel, pourtant indispensable, continue à se développer. Ensuite, les auxiliaires de vie scolaire destinés à accueillir les élèves handicapés en milieu ordinaire se font de plus en plus rares, et, alors que leur recrutement se réalisait sur des critères rigoureux et qu'ils bénéficiaient d'une formation préalable et d'un suivi, vous voulez aujourd’hui recourir à des contrats aidés, notamment les contrats d’avenir. Il faudrait tout de même que les personnes recrutées de cette façon suivent une véritable formation et soient rémunérées en fonction de la responsabilité qu’elles assument.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez encore raison, madame Jacquaint. Nous sommes tous sur la même longueur d’onde. La scolarisation des enfants handicapés est bien une des priorités de mon action depuis le vote de la loi de 2005. L’effort sera poursuivi dans la loi de finances pour 2007.

Le nombre d’enfants handicapés scolarisés a progressé de 70 % depuis 2002 : il est ainsi passé de 89 000 à 151 000 en 2005-2006, et devrait encore augmenter nettement cette année. Dans le public, 166 unités pédagogiques d’intégration – les UPI – vont être créées, et 34 dans le privé. Cela suppose aussi du personnel : 200 emplois d’enseignement du second degré seront créés à la rentrée 2007, pour un coût de 9 millions d’euros, et 166 auxiliaires de vie scolaire seront embauchés dans les UPI de l’enseignement public.

La plupart des 50 000 emplois aidés inscrits au budget seront destinés à l’accompagnement des élèves handicapés et ils suivront des formations adaptées. Ce sont près de 130 millions d’euros qui sont prévus pour financer la part employeur de ces contrats. Au 1er janvier 2007, 500 emplois seront redéployés pour recruter des assistants de vie scolaire supplémentaires, chargés de l’accompagnement individuel des élèves handicapés, et qui viendront renforcer les 4 800 qui sont déjà en place.

En outre, 12 millions d’euros seront consacrés au matériel pédagogique.

Vous le voyez, madame la députée, l’éducation nationale finance des équipements collectifs et individuels pour la scolarisation des enfants handicapés.

Mme Muguette Jacquaint. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, vous-même ainsi que les auteurs d’autres questions, de m’avoir laissée m’exprimer dès maintenant.

M. le président. Je suis sûr, madame Jacquaint, que le groupe UMP sera sensible à vos propos. (Sourires.)

De tels remerciements sont assez rares pour être appréciés. (Sourires.)

Nous passons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Lucien Guichon.

M. Lucien Guichon. Monsieur le ministre, les effectifs d’élèves handicapés accueillis en milieu scolaire ont fortement progressé en trois ans, puisqu’ils ont atteint 150 000. C’est le résultat d’une politique volontariste dont nous ne pouvons que vous féliciter. Cependant, la loi du 11 février 2005 impose de nouvelles obligations pour assurer un meilleur accompagnement des élèves scolarisés en milieu ordinaire et leur permettre d’envisager un véritable parcours scolaire. Les UPI se révèlent des dispositifs bien adaptés à cet objectif. Vous avez annoncé l’année dernière la création de vingt unités pédagogiques d’intégration. Quelles ont été les réalisations dans ce domaine et comment l’effort en faveur de ces élèves, qui ont besoin d’un accompagnement renforcé, sera-t-il poursuivi en 2007 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Au nom de l’égalité des chances, la scolarisation des publics les plus fragiles est vraiment une des missions qui nous tiennent le plus à cœur. Et, même si les questions se succèdent, je n’hésite pas à le répéter parce que cet objectif nous touche particulièrement. Nous sommes constamment mobilisés pour appliquer la loi de 2005, pour que le meilleur accueil possible soit réservé aux élèves handicapés et que les meilleures chances leur soient offertes, de la maternelle au lycée.

C’est dans cet esprit que j’ai lancé le plan de création d’UPI sur cinq ans – principe de réalité oblige. Ces unités vont permettre des modalités de scolarisation souples, diversifiées sur le plan pédagogique, pour favoriser les liens de solidarité entre l’ensemble des élèves d’une classe d’âge. Aujourd’hui, il existe 1 000 UPI, dont plus de 700 au collège, 200 dans les lycées d’enseignement général et lycées professionnels. J’ai décidé de doubler la capacité des UPI d’ici à 2010, pour les porter à 2 000, soit une unité pour deux classes d’intégration scolaire du premier degré.

Pour ce faire, monsieur le député, 200 UPI ont été inscrites au budget pour 2006 et 200 autres sont programmées au titre du budget pour 2007. C’est un effort sans précédent en faveur des élèves handicapés. Nous le leur devons bien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. Dans le budget pour 2007, ce sont près de 750 postes qui devraient disparaître dans l'enseignement privé sous contrat, au titre du principe de parité avec les retraits envisagés dans l'enseignement public.

Le premier argument avancé pour justifier cette réduction d'effectifs est celui de la diminution du nombre d'élèves prévue dans l’enseignement public à la rentrée 2007. La baisse annoncée de 31 000 élèves va entraîner la suppression de 2 000 postes dans l'enseignement public du second degré et, par voie de conséquence, de 400 emplois dans l'enseignement privé. Or chacun sait que les effectifs de l'enseignement privé ne varient pas de la même façon que ceux de l'enseignement public. Globalement, ceux du premier sont stables, et pourraient même être plus importants compte tenu des demandes d’inscription toujours plus nombreuses : comme on l’a rappelé tout à l’heure, l’enseignement privé a refusé 30 000 élèves lors de la dernière rentrée. Comme seulement 100 emplois nouveaux sont accordés pour le premier degré, l'enseignement privé sous contrat devra donc accueillir au moins autant d'élèves avec 300 enseignants de moins.

Le deuxième argument mis en avant est celui de la réduction des charges statutaires de service du second degré. À ce titre, vous proposez de supprimer 2 780 postes dans l'enseignement public et 440 dans l'enseignement privé sous contrat. Comme vous le savez, il n'y a pas de parité dans la distribution des décharges de l'enseignement public, celui-ci étant proportionnellement mieux doté que l'enseignement privé sous contrat. Or les maîtres de l'enseignement privé sous contrat ne sont rémunérés que pour les heures d'enseignement qu'ils effectuent : il n’y a pas dans l’enseignement privé sous contrat d’enseignants rémunérés à temps plein n’exerçant qu’à temps partiel, voire pas du tout, devant les élèves.

La suppression des heures de décharge de service obligera donc les enseignants du privé à rechercher des compléments horaires pour conserver un temps plein. À défaut, ils subiront une baisse de rémunération, ce qui apparaît tout à fait injuste.

Monsieur le ministre, mon intervention n'a évidemment pas pour objet de comparer les mérites de l’enseignement public et de l'enseignement privé. Quel que soit l'établissement dans lequel ils exercent, les enseignants font un métier difficile et, dans leur très grande majorité, mettent tout en œuvre pour préparer les enfants à un avenir professionnel en constante évolution. II s'agit à mon sens de considérer à leur juste place les besoins et les apports de l'enseignement privé sous contrat au sein du système éducatif français.

Dans quelle mesure, monsieur le ministre, pouvez-vous donc prendre en considération ces arguments ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les moyens alloués à l’enseignement privé répondent évidemment, pour le budget de 2007, au fameux principe de parité que nous appliquons depuis vingt-trois ans.

Dans le premier degré, les prévisions pour la rentrée de 2007 font apparaître une hausse des effectifs – comprise entre 30 000 et 40 000 élèves – dans l’enseignement public. Nous y créons 500 postes de professeur des écoles. En application du principe de parité, 100 postes sont créés dans l’enseignement privé sous contrat.

Dans le second degré, toujours pour la rentrée de 2007, nous attendons 30 000 élèves de moins dans les collèges et les lycées, ce qui nous a conduits à ne pas remplacer 2 000 départs en retraite – au lieu de 2 300, soit un petit bonus, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. Dans l’enseignement privé sous contrat, 400 postes, soit 20 %, sont supprimés – au lieu de 450 postes, si l’on appliquait mathématiquement le principe de parité.

Pour l’accueil des élèves handicapés, nous créons, ne l’oublions pas, 166 UPI dans l’enseignement public, ce qui nécessite la création de 166 postes d’enseignants. Dans le privé, nous créons 34 UPI, et donc 34 postes d’enseignants, c’est-à-dire 20 % des postes, selon le principe de parité.

Quant à la réforme des décharges des enseignants du second degré, les maîtres du privé bénéficient aujourd’hui du même régime réglementaire que les enseignants du public. Il n’était donc pas envisageable que l’effort ne soit pas partagé. Nous avons donc appliqué à l’enseignement public et à l’enseignement privé le même taux de réduction des décharges, soit 10 % : 476 postes sont supprimés à ce titre dans l’enseignement privé sous contrat, mais récupérables sur les décharges dans la même proportion que dans l’enseignement public.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Ma question concerne les emplois « vie scolaire », mais j’aborderai le sujet sous un autre angle que M. Liberti.

Monsieur le ministre, vous avez déployé beaucoup d'énergie pour mettre fin à la grève administrative des directeurs, qui a trop longtemps handicapé le bon fonctionnement de nos écoles. Suite au protocole de mesures annoncé, j'ai eu des échos très favorables, notamment à propos des décharges de rentrée scolaire.

En revanche, la mesure 4, qui permet au directeur de bénéficier d'un emploi « vie scolaire » pour l'assister dans ses tâches matérielles, s'est heurtée au refus de certains principaux de collège, qui n’ont pas voulu en assumer le recrutement. Ce fut le cas dans l’académie de Strasbourg : je vous avais alerté sur le sujet, et vous avez donné la consigne – ce dont je vous remercie – de solliciter les chefs d’établissement volontaires pour débloquer la situation.

Toutefois, il faut bien l’avouer, la cohérence n’est pas au rendez-vous. Il est en effet difficile de recruter utilement quand on ne se sent pas directement concerné ! Comme les maires, eux, se sentent généralement très concernés par le bon fonctionnement de leurs écoles, ne serait-il pas envisageable de leur confier ce recrutement, au moins en milieu rural ou semi-urbain ?

Ce serait l'occasion de mettre en pratique une meilleure communication entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale. Évidemment, à l’exception du recrutement et de l'établissement des fiches de paie, cette disposition ne doit induire aucune charge financière supplémentaire pour les communes. L'obstacle administratif ne me semble pas insurmontable. Il est vrai que certains maires mettent déjà à disposition de leur école un emploi « vie scolaire », mais en finançant leur quote-part dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat d’accompagnement à l’emploi.

Quel est votre sentiment sur cette question, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez souligné, monsieur Reiss, une vraie difficulté pour l’emploi et le recrutement dans le cadre des contrats aidés. Elle dure d’ailleurs depuis plusieurs années. C’est pourquoi le Gouvernement a fait voter une loi permettant aux collèges et lycées d’assurer le recrutement des emplois « vie scolaire ».

Il y a des réticences, même si 27 000 emplois « vie scolaire » ont été recrutés. Vous proposez que certaines communes soient juridiquement responsables de l’emploi des contrats aidés, mais que l’État assure les charges financières qui incombent normalement à l’employeur. Cette question déborde le champ de compétences de mon ministère, puisqu’elle concerne les relations entre l’État et les collectivités locales. Je puis aujourd’hui m’engager auprès de vous et devant l’Assemblée nationale à examiner dans les plus brefs délais, et en concertation avec les ministères concernés, cette proposition, qui pourrait en effet apporter une solution au recrutement des contrats aidés dans les zones où celui-ci pose problème.

M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Ma première question porte sur l’enseignement public agricole.

Mon collègue Germinal Peiro a interpellé le ministre de l'agriculture le jeudi 9 novembre dernier, lors de la discussion relative au budget de l'agriculture, au sujet de l'enseignement public agricole. En effet, 62 % des élèves de l'enseignement agricole se trouvent dans l'enseignement privé, le reste est dans le public. La feuille de route tablait, elle, sur une autre répartition – 55 % contre 45 %. On en est loin. Pire, l'écart ne cesse de se creuser. Les moyens financiers et humains baissent depuis quatre ans.

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, d’évoquer à nouveau les suppressions de postes : entre 2000 et 2002, l'enseignement public agricole a enregistré au total 500 créations d'emplois. Depuis votre arrivée au pouvoir en 2002, ce sont 558 postes, dont 285 postes d’enseignant, qui ont été supprimés. C'est d’autant plus inacceptable que l’enseignement public agricole accueille de plus en plus d’élèves, comme l’a indiqué Mme le sénateur Françoise Férat dans le rapport qu’elle a consacré à cette question.

L’enseignement agricole, comme l’enseignement technique ou professionnel, accueille des élèves parfois en difficulté, auxquels il offre des méthodes pédagogiques permettant leur insertion professionnelle. Sa réussite est unanimement reconnue.

Aussi souhaiterais-je, monsieur le ministre, que vous me répondiez sur ce sujet, votre collègue de l’agriculture ne l’ayant malheureusement pas fait. Pardonnez-moi, une fois encore, d’avoir abordé la question des chiffres, mais ceux-ci traduisent la vie réelle des établissements, et ils sont incontestables : je pense par exemple à la suppression de 18 000 postes de MISE – maîtres d’internat et surveillants d’externat –, que j’avais omise tout à l’heure, et à la baisse de la scolarisation des enfants de deux à trois ans. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas la même interprétation de ces chiffres avérés, monsieur le ministre, que je suis dans le mensonge – c’est en tout cas un reproche que, pour ma part, je ne vous adresserai pas, par respect pour votre personne et votre fonction.

Quid, donc, des suppressions de postes dans l’enseignement public agricole ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je partage votre avis, monsieur Durand, sur l’excellence de l’enseignement agricole. Chacun s’accorde d’ailleurs à le reconnaître, ce à quoi je suis sensible, même si ce domaine ne relève pas directement de mon ministère.

L’an dernier, après discussion avec mon excellent collègue Dominique Bussereau, nous avons d’ailleurs fait un effort exceptionnel de 15 millions d’euros en faveur de l’enseignement agricole. C’est vous dire à quel point nous sommes totalement solidaires sur ce point. Si M. Bussereau me fait part de difficultés particulières dans le domaine de compétences qui est le sien, nous aurons évidemment une réponse commune.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour poser sa seconde question.

M. Yves Durand. Je suis en mesure, monsieur le ministre, de vous soumettre le cas de fonctionnaires de l’éducation nationale – enseignants, dont certains travaillant dans les RASED, inspecteurs, médecins scolaires, assistantes sociales – qui sont amenés, compte tenu de leur zone ou de leur établissement d’exercice, à parcourir beaucoup de kilomètres. Outre les complications pour leurs missions, cela implique évidemment des frais. Or, si j’ai bien interprété les choses, les crédits destinés aux frais de déplacement sont très insuffisants, ce qui a d’ailleurs provoqué certains remous, notamment chez les inspecteurs. Pour la première fois, ceux-ci ont lancé un mouvement de protestation, car ils doivent financer, sur leurs deniers personnels – lesquels ne sont guère élevés –, les déplacements liés à leur fonction. Certes, les inspecteurs ont une conscience profonde de leur mission, mais cette situation est anormale.

Quelle réponse pouvez-vous leur faire, et quels moyens supplémentaires êtes-vous prêt à engager ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez raison, monsieur Durand, de souligner que la mission de ces personnels est très importante. Les inspecteurs que j’ai rencontrés dernièrement – ils étaient 2 000 à la Sorbonne – m’ont confirmé qu’il y avait du retard dans le versement des frais de déplacement. J’essaie de résoudre ce problème-là, et je viens de débloquer 3 millions à cet effet.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « enseignement scolaire »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Enseignement scolaire », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 357.

La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il s’agit d’un amendement technique. Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances 2007, le ministre en charge du budget a procédé par amendements à des ajustements techniques des droits à compensation des transferts de compétences aux régions et aux départements.

Notre amendement a donc pour but d’ajuster ces chiffres qui se répartissent de la façon suivante : 800 000 euros sur le programme « Vie de l’élève » et 1 781 831 sur le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour donner l'avis de la commission sur l’amendement n° 357

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais il s’agit bien d’une disposition technique, les TOS ayant été recomptés. Il convient donc de le voter.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Tous ces amendements techniques que le Gouvernement va présenter concernent des redéploiements à l’intérieur d’un budget que nous considérons comme mauvais. Nous ne prendrons donc pas part au vote.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il n’y a qu’un seul amendement présenté par le Gouvernement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 295.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. J’ai accepté de cosigner cet amendement auxquels MM. Rouault, Christ, Fourgous, Giscard d’Estaing, Le Fur, Prévost et Richard, aujourd’hui retenus dans leurs circonscriptions, sont très attachés. Usant des possibilités offertes par la nouvelle loi organique, il pose le problème de l’évolution des postes d’enseignant rémunérés par l’État au sein de l’enseignement privé sous contrat d’association, c'est-à-dire de l’enseignement privé qui concourt au service public de l’éducation nationale.

On considère que les effectifs enseignants doivent évoluer de la même manière dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé sous contrat, dans une proportion de 20 %. Quand les effectifs de l’éducation nationale augmentent, ceux de l’enseignement privé sous contrat suivent donc à la hausse ; quand ils diminuent – ce qui est le cas cette année, compte tenu de la baisse démographique –, ceux de l’enseignement privé sous contrat subissent le même sort.

Ceci pose deux problèmes. Le premier, c’est que l’évolution démographique observée dans les collèges et les lycées publics n’est pas la même que dans l’enseignement privé sous contrat, où les effectifs ne décroissent pas et où le taux d’encadrement des élèves doit être maintenu. Le second, c’est que l’enseignement privé sous contrat bénéficie non de 20 %, mais de 11,5 % seulement des crédits engagés par la nation pour l'enseignement, ce différentiel s’expliquant sans doute par le fait que seuls sont pris en compte les enseignants, et non l’ensemble des personnels administratifs du privé – ce qui est d’ailleurs légitime.

Au travers de cet amendement, nous souhaitons donc que, compte tenu de l’évolution du nombre d’élèves scolarisés qu’il connaît, l’enseignement privé sous contrat ne subisse pas de diminution d’effectifs. Les rapports de la Cour des comptes montrent qu’il est possible de dégager des moyens en ressources humaines sans affecter les moyens de fonctionnement des collèges et lycées publics et qu’un redéploiement pourrait permettre le maintien des trois cents postes nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Je voudrais d’abord rappeler que le principe de proportionnalité est une tradition ; il n’est imposé par aucune loi ni aucun texte. C’est sur ce principe qu’a pu être fondé un certain consensus et, partant, que la « guerre scolaire » s’est éteinte. Il ne s’agit pas de la rallumer, et on ne doit toucher qu’avec des doigts de fée à ce principe.

Après quelques hésitations, je crois qu’en l'occurrence on peut faire évoluer les choses, pour trois raisons que tout le monde comprendra. D’abord, il n’est pas justifié de baisser le nombre d’enseignants dans le second cycle de l’enseignement privé alors que le nombre d’élèves a plutôt tendance à y augmenter, et que, en tout cas, il ne diminue pas. Ensuite, les effectifs par classe dans le privé sont actuellement supérieurs à ceux du public. Enfin, le coût de formation d’un élève dans le privé est fortement inférieur au coût de sa formation dans le public.

Rapportés aux centaines de milliers de postes du secteur, les quelques centaines de postes que concerne votre amendement ne sont pas de nature provoquer une rupture d’équilibre. En revanche, l’on doit bien comprendre que, si le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement privé était amené à diminuer tandis qu’augmenterait ou se stabiliserait le nombre d’élèves du public, il faudrait symétriquement diminuer le nombre de professeurs dans l’enseignement privé.

Pour ce qui me concerne, je voterai cet amendement, et je voterai également, dans un souci d’équilibre, celui que va défendre dans un instant Yves Durand et qui a pour but de supprimer l’amendement Charasse, lequel remet en cause une forme de consensus. Le sénateur Michel Charasse est certes socialiste, mais son groupe ne partage pas toujours ses vues.

M. Yves Durand. Il y a plusieurs demeures dans la maison du Seigneur !

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Oui, il y a plusieurs demeures dans la maison Royal… (Sourires.) Bref, il s’agit de montrer que nous ne sommes pas idéologues et que nous savons remédier à une situation lorsque cela se justifie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aborder ces questions devant la représentation nationale est une bonne chose, car cela permet un échange d’idées dont peuvent découler des améliorations. Je voudrais cependant apporter certaines précisions qui nuancent l’exposé des motifs de cet amendement.

Il s’agit d’abord d’un point technique. Les 11,5 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » alloués à l’enseignement privé, alors que les effectifs représentent 16,7 %, ne mesurent pas toute la réalité des moyens que le ministère de l’éducation nationale lui consacre. Le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale », qui retrace les crédits affectés aux examens et concours, est commun à l’enseignement public et à l’enseignement privé ; de même, les personnels administratifs qui gèrent les moyens et les personnels de l’enseignement privé dans les services académiques figurent dans ce programme et ne sont donc pas inclus dans les 11,5 %.

D’autre part, le taux de cotisations patronales au titre des retraites s’élève à 51,05 % pour les enseignants du public, contre 26,4 % pour les enseignants du privé, ce qui représente une différence de 6 milliards d’euros, soit 10 % du budget, qu’il faut neutraliser si l’on veut comparer les moyens effectivement consacrés au public et au privé.

L’enseignement public doit, par ailleurs, assumer une série dépenses qui ne pèsent pas sur l’enseignement privé : la formation continue des adultes, les services d’hébergement et de demi-pension ou certains dispositifs spécifiques comme les classes-relais ou l’école ouverte. J’ajoute encore que l’enseignement privé n’est pas assujetti à certaines contraintes, comme, par exemple, la continuité du service public sur l’ensemble du territoire.

Enfin, la mesure proposée n’est pas – et vous l’avez dit, monsieur Bouvard – conforme à ce fameux principe de parité, fixé par l’article L. 442-14 du code de l’éducation, et grâce auquel nous vivons en paix puisqu’il permet d’établir un équilibre entre enseignement public et enseignement privé.

Pour conclure, je voulais aussi souligner que l’enseignement privé a bénéficié ces dix dernières années d’une augmentation du nombre de postes d’enseignants supplémentaires correspondant à 2 297 équivalents temps plein, alors que, pendant cette même période, le nombre d’élèves accueillis diminuait de 35 000.

Pour l’ensemble de ces motifs, le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable à l’amendement que vous proposez. Cela étant, je propose avec beaucoup de sincérité…

M. Michel Bouvard. Avec sincérité, cela suffit !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, on est sincère ou on ne l’est pas !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Brard, que faites-vous donc sur les bancs de la droite ?

M. Jean-Pierre Brard. Je vous écoute mieux de cette oreille-là ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Il va finir par nous rejoindre ! (Sourires.)

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je propose de mettre sur pied un groupe de travail réunissant des membres du ministère et des parlementaires de toutes sensibilités pour mettre à plat, dans le même climat apaisé qu’aujourd’hui, les chiffres et les éléments techniques dont nous disposons, afin de savoir où nous en sommes.

M. le président. Je voudrais vous faire remarquer, monsieur le ministre, que votre budget bénéficie d’un microclimat étonnement favorable (Sourires) : Mme Jacquaint remercie ses collègues de l’UMP et M. Brard s’assoit sur les bancs de la droite, qu’il vitupère d’habitude comme une réserve à bourgeois ! (Sourires.)

Avant de donner la parole à M. Michel Bouvard, je prends note que M. Yvan Lachaud et M. Yves Durand souhaitent intervenir.

Vous avez la parole, monsieur Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le ministre, les informations que vous avez données concernant la ventilation des charges budgétaires sont des éléments précieux et montrent bien la complexité de la question qui nous occupe. Votre proposition me paraît donc judicieuse, car notre amendement n’avait en aucun cas pour but de créer de nouvelles crispations ni de rallumer la guerre scolaire.

Il faut aborder le problème avec toute l’objectivité requise, et vous avez d’ailleurs rappelé qu’il y a eu d’importantes créations de postes ces dernières années dans l’enseignement privé sous contrat, alors que le nombre d’élèves n’augmentait pas toujours. Avec un décalage, le constat fait pour l’enseignement public vaut donc ici aussi.

Au nom des signataires de l’amendement, j’accepte volontiers votre proposition de constituer un groupe de travail pour évaluer les besoins et établir des indicateurs – que la loi organique va nous permettre d’obtenir – sur le service rendu, dans le public comme dans le privé sous contrat.

Je retire donc cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 295 est retiré.

La parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Je voudrais évoquer un point qui n’a pas été abordé par M. le rapporteur ni par M. le ministre : depuis que les crédits alloués aux écoles de langue régionale sont prélevés sur la ligne « Établissements privés sous contrat », les difficultés de ces derniers se sont aggravées. Et, compte tenu du développement qu’ont connu ces écoles de langue régionale, l’enseignement privé a de plus en plus de mal à effectuer chaque année la rentrée des classes.

J’approuve le retrait de l’amendement et je fais confiance à M. le ministre pour constituer, dans les plus brefs délais, un groupe de travail. J’espère que celui-ci calculera précisément le nombre de postes qui ont été pris pour les langues régionales aux établissements privés sous contrat, car nous connaissons tous les difficultés auxquels ceux-ci seront confrontés lors de la prochaine rentrée.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Monsieur le président, pour contribuer au microclimat dont vous parliez tout à l’heure (Sourires), je tiens à dire que je suis entièrement d’accord avec ce qu’a dit M. le ministre sur cet amendement !

Après plusieurs décennies de lutte entre enseignement privé et enseignement public, nous sommes parvenus à un équilibre, qui, toujours fragile, ne doit pas être bouleversé. C’est un vrai problème, et un problème politique au sens noble du terme, que seul un débat démocratique peut régler. Je remercie Michel Bouvard d’avoir retiré cet amendement, qui aurait posé de graves problèmes et suscité de très vives réactions de notre part. Mais la solution ne peut pas être technique, monsieur le ministre ; elle est éminemment politique. Et aucune commission, aucun groupe de travail ne remplacera le débat politique à l’Assemblée nationale et dans le pays, devant le suffrage universel.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 283.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le soutenir.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre, cet amendement s’inscrit dans la continuité de vos réflexions sur l’égalité des chances et la scolarisation des enfants handicapés. Plusieurs de mes collègues sont d’ailleurs intervenus sur ce sujet, montrant ainsi l’intérêt qu’ils portent à la scolarisation des enfants handicapés et aux moyens de l’améliorer.

Cet amendement vise à transférer 2 millions de l’action n° 14 « Subventions globalisées aux EPLE » du programme « Enseignement scolaire public du second degré », vers l’action n° 3 « Accompagnement des élèves handicapés » du programme « Vie de l’élève », et à consacrer cette somme à l’acquisition de matériel pédagogique adapté pour les élèves handicapés ou à la formation des personnels remplissant les fonctions d’auxiliaires de vie scolaire. Il s’agit donc d’un amendement à budget constant.

L’effort de rationalisation des achats de l’État doit également concerner ses opérateurs. Dans le cas du ministère de l’éducation nationale, les établissements publics locaux d’enseignement sont susceptibles de contribuer à cet effort de rationalisation.

Figurent déjà dans le budget de 2006, 12 millions d’euros pour les matériels pédagogiques adaptés et 2 millions d’euros pour la formation des auxiliaires de vie. Avec un transfert de 2 millions d’euros, ces crédits s’élèveront au total à 16 millions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission, mais, à titre personnel, j’y suis favorable.

En effet, dès lors que la décision a été prise de renforcer l’aide à la scolarité des élèves handicapés, il ne paraît pas illogique d’augmenter le volume des crédits qui y sont consacrés. En outre, la réduction de 2 millions d’euros par rapport à un budget aussi considérable est « epsilonesque ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Également favorable.

Chacun connaît l’engagement du ministère en faveur de l’accueil des élèves handicapés. Avec cette mesure, nous allons disposer de moyens supplémentaires, et je remercie l’honorable parlementaire d’avoir fait cette proposition par voie d’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 296.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Avec cet amendement, nous abordons à nouveau la question de l’enseignement privé sous contrat, sous l’angle, cette fois, de l’enseignement agricole. Le problème posé est un peu différent puisqu’il concerne non pas le nombre de postes, mais les capacités de gestion des ressources humaines.

Lors du budget 2006, 240 postes du plafond équivalents temps pleins travaillés ont été transformés en heures supplémentaires années, ce qui crée de la rigidité dans la gestion du personnel. Cet amendement propose donc de rétablir 120 équivalents temps pleins travaillés, ce changement n’affectant pas la réalité du nombre d’enseignants devant les élèves. Le coût de cette mesure est de 1,2 million d’euros puisqu’elle tend à rémunérer des enseignants à l’année, et non en heures supplémentaires.

Dès lors que les heures supplémentaires correspondent en réalité à des postes d’enseignants à l’année, la logique de la loi organique veut, dans un souci d’évaluation, que ces postes apparaissent dans les équivalents temps pleins travaillés tels qu’ils figurent dans les plafonds d’autorisations d’emplois. Avec cet amendement, le plafond d’autorisations d’emplois passerait de 18 047 à 18 167. Ainsi, la gestion des ressources humaines y gagnerait en souplesse et les effectifs en transparence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement. Aussi m’exprimerai-je à titre personnel.

La loi de finances avait basculé 240 postes pour payer des heures supplémentaires, ce sur quoi l’amendement entend partiellement revenir, pour la moitié des postes. Si c’était à dépense constante, pourquoi pas ? Mais le dispositif proposé coûtant plus cher à cause des vacances, j’y suis, à titre personnel, défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. M. le rapporteur a parfaitement expliqué ce mécanisme. L’an dernier, en accord avec mon collègue de l’agriculture, Dominique Bussereau, nous avons fait pour ces établissements des efforts considérables, sur lesquels nous ne souhaitons pas revenir. Nous avons fait la chasse aux gaspillages, en réorientant les économies, à l’aune de rapports de la Cour des comptes et d’inspections générales, pour plus et mieux d’éducation. Vous ne pouvez pas nous demander de faire davantage.

Je me vois donc contraint de donner un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Vous venez de dire, monsieur le ministre, que vous aviez fait un effort considérable pour l’enseignement privé agricole. Je vous rappelle que je vous ai demandé tout à l’heure un effort similaire pour l’enseignement public agricole !

Mme Muguette Jacquaint. Très bien !

M. le président. Monsieur Bouvard, maintenez-vous l’amendement ?

M. Michel Bouvard. Oui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 284.

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le soutenir.

M. Yvan Lachaud. M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure, un effort important est accompli en matière de santé en milieu scolaire. Notre amendement permet d’accroître cet effort en prévoyant 10 ETP supplémentaires de médecins scolaires à la rentrée 2007. Ces créations sont assurées, à plafond d’emplois constant, en accroissant très légèrement les suppressions de postes d’enseignants du second degré, liées à l’amélioration de la gestion. Le montant de cette mesure s’élève à 151 303 euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis favorable. Le Gouvernement a choisi, à la demande de la majorité, élargie à l’UDF – peut-être même au parti socialiste, voire au parti communiste ! (Sourires) – de renforcer la politique sanitaire en milieu scolaire. Votre demande, monsieur Lachaud, semble donc tout à fait justifiée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Favorable.

Il s’agit, en fait, de transférer des crédits du programme « Enseignement scolaire public du second degré » vers le programme « Vie de l’élève ». Le Gouvernement a, je le répète, fait de la santé l’une de ses grandes priorités.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je citerai pour exemple le récent décret réglementant l’usage du tabac dans les lieux publics. Dans ces conditions, je ne peux que souscrire à une mesure qui contribuera à l’amélioration de la prise en charge sanitaire des élèves.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés par les amendements adoptés.

(Les crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous en venons à un amendement, n° 292, portant article additionnel après l’article 48 du projet de loi de finances.

Après l’article 48

M. le président. Pour soutenir l’amendement, n° 292, la parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Je serai bref, car nous avons beaucoup parlé de cet amendement, généré par une disposition votée par le Sénat dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales. Celle-ci pose, outre un problème de principe – qui pourra en son temps faire l’objet d’un débat –, de sérieux problèmes financiers aux communes.

Mme David avait proposé, en commission, de déposer un amendement tendant à supprimer cette disposition, mais sa proposition s’est heurtée à des difficultés réglementaires. C’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, nous avons déposé un amendement de repli qui permettra, à défaut de supprimer cette disposition, d’inscrire dans la loi l’obligation pour le Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur les conséquences de l’application de cette disposition. Je précise que cette requête émane de nombreuses associations d’élus, et notamment de maires.

Telle est la philosophie de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial. La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je m’exprimerai à titre personnel.

Tout à l’heure, je disais qu’il fallait avoir des « doigts de fée » pour aborder les questions d’éducation. De toute évidence, ce n’a pas été le cas de M. Charasse lorsqu’il a rédigé son amendement, qui apporte une mauvaise solution à un vrai problème – et qui fait d’ailleurs l’objet d’une contestation devant le Conseil d’État.

Ce problème ne se pose pas dans des grandes villes comme Versailles, qui comprennent aussi bien des établissements privés que publics, et où il est légitime que les uns comme les autres soient aidés par la commune. Mais, dans un canton rural ou périurbain qui comporte un seul établissement privé, celui-ci ne reçoit pas obligatoirement une contribution de la part des communes dont les enfants sont issus. Or, cet établissement a évidemment besoin d’être financé.

Mais la solution est mauvaise. Si, en effet, une famille souhaite envoyer son enfant dans une école publique d’une autre commune que la sienne alors qu’il existe des places dans l’établissement de la commune d’origine, le maire peut s’y opposer. Et le fait d’accepter l’oblige à payer. En revanche, avec l’amendement Charasse, si cette famille envoie son enfant dans une école privée, le maire est obligé de participer au financement de l’établissement d’accueil. Et, là, nous rallumons la guerre scolaire !

La réflexion dépasse le cadre de la commission. Je souhaite que les choses puissent évoluer intelligemment entre le public et le privé, que l’on puisse réfléchir à un mode de financement acceptable et qu’il soit possible d’apprécier l’évolution des effectifs.

Nous devons trouver une solution. Mais, à titre personnel, je suis favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les services du ministère sont à la disposition de l’Assemblée afin que celle-ci dispose, sur tous les éléments du débat, de la vision la plus claire possible. Je dois d’ailleurs nuancer les propos du rapporteur : cet amendement, qui a fait couler beaucoup d’encre, connaît déjà un début d’application. Un petit rapport d’étape serait donc envisageable.

Reste qu’un recours a été déposé par la FCPE et l’UNSA devant le Conseil d’État, dont nous ne connaissons pas encore les conclusions. Nous aurions donc peut-être intérêt à attendre.

Ces deux arguments étant contradictoires, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. Peut-être le mot « sagesse » est-il d’ailleurs celui qui qualifie le mieux les débats que nous avons depuis ce matin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 292.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

participations financières de l’État

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux participations financières de l’État.

Je rappelle que la discussion de ces crédits a eu lieu, à titre principal, en commission élargie. Le compte rendu de cette réunion est annexé à celui de la présente séance.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant de vous présenter plus précisément la situation globale des participations de l'État, je rappellerai brièvement le parcours accompli au cours de la législature.

L'année 2001 a été marquée par la dégradation des comptes des entreprises publiques, avec un déficit cumulé de plus de 10 milliards d’euros. Cette situation avait conduit le Gouvernement à charger M. Barbier de la Serre de mener une réflexion sur la redéfinition du rôle de l'État actionnaire, et votre assemblée, à l'initiative de MM. Pierre Méhaignerie, Patrick Ollier et Jacques Barrot, avait créé une commission d'enquête présidée par M. Douste-Blazy « sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision ».

Depuis lors, l'Agence des participations de l'État a été créée et la situation des entreprises publiques s'est considérablement redressée. Les comptes combinés de 2005 des entreprises publiques font apparaître, à périmètre comparable, une progression de 5,7 % du chiffre d'affaires, qui s'établit à 149 milliards d’euros et un quasi-doublement du résultat net, à 12,4 milliards. Cela entraîne une nette amélioration des ratios de solvabilité des entreprises publiques : la dette ne représentait plus que 1,9 fois les capitaux propres à fin 2005, contre huit fois en 2002. Il faut évidemment prendre ces chiffres avec un certain recul, compte tenu de leur forte dépendance aux résultats des quelques plus grosses entreprises, mais ils traduisent de façon incontestable une situation de notre portefeuille nettement meilleure que celle qui prévalait auparavant.

La bonne santé des entreprises publiques est aussi un gage de la qualité du service public rendu, pour celles d'entre elles qui remplissent de telles missions. Pour y parvenir aujourd'hui et sur la durée, les entreprises concernées doivent investir, ce qui implique une structure financière saine. Par conséquent, il ne faut pas opposer résultats et qualité du service public.

Enfin, les participations financières de l'État contribuent à l'effort de désendettement de l'État. En 2006, grâce essentiellement à la cession des sociétés d'autoroutes et au débouclage de l'opération Alstom, qui s'est traduite par une plus-value de près de 2 milliards d’euros, ce sont plus de 17 milliards d’euros de recettes qui auront été constatés sur le compte d'affectation spéciale et ces sommes auront été quasiment intégralement affectées au désendettement de la France ! Pour 2007, Le Gouvernement s'est fixé, comme vous le savez, un objectif de baisse supplémentaire de 1 % du PIB de l'endettement public. Au total, en deux ans, l'endettement public aura baissé de 3 % du PIB.

J'en viens, très rapidement, au compte des concours financiers. Conformément à la LOLF et en application de la décision du Conseil constitutionnel sur les missions mono-programmes, cette mission a été restructurée en trois programmes au lieu d'un seul. Sans entrer dans des détails extrêmement techniques, je rappelle que ces avances pilotées par l'Agence France Trésor permettent d'éviter le recours à l'emprunt bancaire avec la charge d'intérêt qui y est attachée et donc d'optimiser la gestion de notre dette, qui est – plus personne ne l'ignore – l'une de nos obsessions.

Comme pour les actifs immobiliers de l'État, nous avons optimisé la gestion de ses actifs financiers, et les résultats sont là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme dont nous discutons est placé, comme nous le savons, sous la responsabilité du directeur général de l'Agence des participations de l'État – l’APE – service à compétence nationale créé en septembre 2004 et rattaché à la Direction générale du Trésor et de la politique économique. La mission de l'Agence est de veiller aux intérêts patrimoniaux de l'État au sein des principales entreprises et des principaux organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement, par l'État. Sont ainsi concernées, à la fin de l’année 2005, 1 143 entreprises, pour un portefeuille de participations dont la valeur boursière dépasse aujourd'hui 120 milliards d'euros.

Dans ce contexte, on pourrait souhaiter que l'Agence des participations de l'État joue un rôle majeur. Dans le respect des contribuables et dans l'intérêt général, l’Agence devrait avoir pour objectifs de contribuer au développement économique harmonieux de notre pays, de s'assurer de la maîtrise publique de secteurs socialement et industriellement stratégiques et d'impulser au sein des entreprises détenues majoritairement par l'État une politique exemplaire, favorable à l'emploi, à la formation, à l'abri des intérêts spéculatifs. N'en déplaise à notre rapporteur, le premier défi n'est peut-être donc pas celui de la compétitivité – en tout cas, une compétitivité qui tournerait le dos à ces missions ne devrait pas avoir droit de cité.

Quel est votre bilan ? L’État a organisé son propre effacement, taillant dans les effectifs de ses entreprises et organisant des licenciements boursiers dans celles qu'il vend. C'est encore un État qui privatise à tour de bras, renonce à de moyens d'action et se prive de ressources budgétaires utiles.

À l’heure où l'industrie aéronautique traverse de violentes turbulences, le Premier ministre se voit obligé de tenter de rassurer les sous-traitants d'Airbus, sans autre moyen d'action qu'une politique de saupoudrage. Quelle hérésie de privatiser la SNECMA !

Il est vrai que vous n'êtes pas à une contradiction près. D’un côté, vous vous targuez, la main sur le cœur, d’être un apôtre du « patriotisme économique » mais, de l'autre, vous vous réjouissez que le secteur public ait perdu 200 entreprises et 53 000 salariés l'an passé. En cinq ans, vous avez battu les records historiques de privatisations : 50,7 milliards d'euros ! Ce chiffre seul vous suffit, car vous ne vous souciez guère de l'efficacité ou de la pertinence de votre politique en la matière.

Autre contradiction : vous privatisez sans discernement des entreprises qui, le plus souvent, étaient bénéficiaires et en excellente santé financière, tout en expliquant aux Français que la priorité doit être donnée à la réduction des déficits, que vous contribuez ainsi à aggraver de manière irrémédiable. Une seule constatation s'impose : faute d'une conception audacieuse du rôle de l'État et du secteur public, vous vous contentez d’appliquer des principes et des méthodes de gestion, certes inspirés par la gestion privée, mais inadaptés par là même aux exigences propres des participations financières de l'État.

Vous comprendrez que nous ne puissions, dans ce contexte, approuver vos conclusions. Nous voterons donc contre votre budget.

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il est un domaine dans lequel l'amélioration de la gestion publique a été spectaculaire au cours des cinq dernières années, c'est bien la conduite des entreprises publiques.

En moins de cinq ans, le déficit de 18 milliards d'euros est devenu un excédent de 12 milliards d'euros. La dette a été réduite d'un tiers. Les fonds propres ont presque doublé. Ce redressement ne s'est pas fait tout seul. Il résulte de la clarification des politiques menées par l'État et d’un réalisme qui a présidé à leur mise en œuvre. Il a été, en effet, admis que les entreprises publiques sont d'abord des entreprises, que l'actionnaire public est d'abord un actionnaire et que, par conséquent, la prise en compte des besoins du marché et de la gestion patrimoniale de l'État n'est pas une faute, mais une nécessité. La puissance publique a su faire preuve de réalisme, car il est désormais clair que le niveau des participations financières de l'État doit dépendre non pas d'a priori idéologiques – qu'ils soient interventionnistes ou libéraux –, mais des besoins concrets des entreprises.

Mme Muguette Jacquaint. Que faites-vous de l’emploi ?

M. Michel Diefenbacher. Il peut s’agir, selon les cas, d’une recapitalisation publique ou, au contraire, de partenariats privés, dans le cadre des alliances que doivent passer entre elles toutes les entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. Il faut donc savoir s'adapter à l'une et l'autre de ces deux exigences.

Dans la mise en œuvre de cette nouvelle politique, tout le monde a été gagnant : les entreprises peuvent, grâce au rétablissement de leur situation financière, affronter plus efficacement la concurrence. Mais l'État y a gagné aussi. Tout d’abord, les dividendes versés par les entreprises publiques sont allés croissant, passant de 2,4 milliards d'euros en 2002 à 4,3 milliards d'euros en 2006, avec une prévision de 7,6 milliards d'euros pour 2007. Sur l'ensemble de la législature, les dividendes auront représenté 20 milliards d'euros. Les recettes de privatisations ont, en outre, atteint des niveaux sans précédent : 50 milliards en cinq ans ! L’intérêt des cessions d’actifs, il faut le rappeler, n'est pas seulement qu’elles procurent des ressources à l’État, ce qui n'est pas illégitime en soi, mais aussi qu’elles permettent aux entreprises de nouer des alliances et de trouver les financements nécessaires à leur développement et en particulier à leur expansion sur le marché européen. C'est ainsi qu'ont été conçus les rapprochements entre Air France et KLM et, aujourd’hui, entre Gaz de France et Suez.

Dernier motif de satisfaction, les recettes de privatisations permettent à l’État de financer des actions prioritaires, notamment l’allégement de sa dette. Depuis le début de la législature, près des deux tiers des ressources de privatisations ont été affectés au remboursement de la dette. Cette part doit être portée à 72 % dans le projet de loi de finances pour 2007, ce dont il faut se féliciter.

Nos adversaires voudraient que cette politique soit ultralibérale. Je leur répondrai par trois questions. Si elle était ultra-libérale, le Gouvernement aurait-il décidé en 2004 d’intervenir en prenant 20 % du capital d’Alstom pour sauver l’entreprise ? Aurait-il consacré un tiers des recettes de privatisations à des interventions économiques, qu’il s’agisse du soutien aux entreprises publiques, notamment le GIAT et SNCF-Fret, ou du financement de la recherche, avec notamment la création de l’Agence de l’innovation industrielle ? Aurait-il créé en 2004 l’Agence des participations de l’État et lui aurait-il donné des moyens, en personnel et en crédits, substantiellement plus importants que ceux dont disposait précédemment le service des participations de l’État ?

La vérité, c’est que nous sommes dans un domaine où, fort heureusement, les idéologies commencent à reculer et le pragmatisme à progresser.

Tous les problèmes ne sont pas pour autant résolus. J’en vois essentiellement deux.

Le premier, c’est la compétitivité des entreprises. Des progrès incontestables ont été faits.

Mme Muguette Jacquaint. À quel prix !

M. Michel Diefenbacher. D’autres restent encore à faire, notamment pour maîtriser les charges de personnels. Celles-ci sont sensiblement plus élevées à La Poste, chez EDF et chez France Télécom que chez leurs concurrents européens.

Le second, c’est le financement des retraites des agents, qu’il s’agisse des régimes spéciaux, notamment de celui de la SNCF, ou du régime général, dont relèvent les fonctionnaires de La Poste. Ce qui est en cause, c’est l’équité entre les retraités des différents régimes, le coût budgétaire pour l’État, 3,5 milliards d’euros, et, enfin, la compatibilité de cette charge avec la capacité financière réelle des entreprises, en particulier de la SNCF. Ce sera l’un des grands chantiers du prochain quinquennat.

Dans l’immédiat, le groupe UMP votera les crédits du budget des participations financières et des avances aux services et organismes publics de l’État. J’ajoute, à titre plus personnel, monsieur le ministre, un satisfecit pour la qualité des relations de travail que nous avons entretenues au cours de ces cinq années avec vous et avec vos équipes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, je voudrais synthétiser les observations du groupe socialiste et présenter les amendements qui seront discutés tout à l’heure.

Le compte des participations est en réalité, sous cette majorité, un compte de privatisations. Ce sont en effet plus de 50 milliards d’euros de cessions qui ont été réalisées depuis 2002.

Je dénonce d’ailleurs le mauvais procès lancé ici même l’an dernier par le ministre des finances, qui avait mis le gouvernement précédent en tête du palmarès des privatisations. En réalité, moins de 30 milliards d’euros de recettes de privatisations avaient été comptabilisées entre 1997 et 2002, contre plus de 50 milliards depuis 2002, et cela a concerné des entreprises particulièrement importantes pour notre pays.

L’évolution de la nomenclature du compte spécial, qui contient deux programmes au lieu d’un, est positive, mais c’est parce que nous avons fait un recours devant le Conseil constitutionnel, qui nous a donné raison. Le Gouvernement a suivi nos préconisations. L’un des deux programmes est consacré aux opérations en capital, l’autre au désendettement de l’État et de ses établissements.

Reste que le Gouvernement refuse toujours de tirer les conséquences de l’amendement adopté l’an dernier à l’initiative de Didier Migaud, qui intégrait explicitement parmi les dépenses du compte spécial les dotations au fonds de réserve pour les retraites.

Ce fonds n’a pas été abondé depuis 2002, et le Gouvernement refuse même que soit explicitement prévue cette dépense, qui devrait selon nous constituer un programme particulier.

Comme l’a souligné le rapport dit Pébereau sur la dette publique, et contrairement à ce qu’affirme le rapporteur, on ne saurait en effet assimiler les engagements financiers de moyen et de long terme, comme ceux liés aux retraites, à la dette publique proprement dite. Les deux sujets sont bien sûr liés, mais pas identiques.

Se désendetter aujourd’hui, alors que la dette publique ne cesse d’augmenter, est une urgence, mais faire face à nos engagements financiers identifiés est une nécessité tout aussi forte. C’est pourquoi nous soutiendrons un amendement visant à identifier les dotations au fonds de réserve, et à le doter d’une part du produit des privatisations. Il appartient en effet au Parlement d’arbitrer entre désendettement à court terme et réponse aux engagements financiers à moyen terme.

Concernant le prétendu désendettement, l’examen du compte spécial permet de constater une réalité incontournable : la dette publique continue sur sa lancée, alimentée par les déficits de l’État et de la sécurité sociale. Sa stabilisation à 63,6 % du PIB, soit plus de 7 % au-dessus du chiffre atteint en 2001, n’est liée qu’à l’affectation de produits des privatisations.

À cet égard, on ne peut que s’interroger sur le bilan que vous avez fait des recettes de privatisations. En réalité, ce ne sont que 65 % d’entre elles, soit moins de 30 milliards d’euros, qui auront été affectées au désendettement. Or la dette a progressé de près de 137 milliards d’euros depuis la fin de 2001, ce qui illustre bien l’incapacité du Gouvernement à maîtriser la dynamique de la dette.

Rapidement, je voudrais revenir également sur la question de l’Agence des participations de l’État. Je renouvelle ici les observations faites par François Brottes et Jean-Pierre Balligand en commission élargie, concernant le rôle effectif que l’Agence a joué dans les derniers événements concernant EADS et Gaz de France, ou plutôt le rôle qu’elle n’a pas joué, puisqu’on peut se demander si elle existe encore et si elle sert à quelque chose.

Pour appréhender ses moyens, le « bleu » renvoie au programme « Stratégie économique et financière et réforme de l’État », mais il faut remarquer la faiblesse des informations disponibles dans ce document et s’interroger sur le fait qu’aucun indicateur de résultat ou de performance n’est associé à son activité. C’est une question essentielle dans la mesure où l’absence de prise de position publique, voire d’intervention, de cette agence dans les deux affaires que j’ai citées me paraît préjudiciable. Nous défendrons donc tout à l’heure un amendement pour qu’elle soit astreinte à des indicateurs de performance et de résultat.

En conclusion, le groupe socialiste votera contre les crédits des participations financières de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Je rappellerai tout d’abord que, ces dernières années, ce compte spécial a été utilisé pour toute une série de choses, dont des dépenses qui n’étaient en fait que des dépenses de fonctionnement : prise en charge d’intérêts dissimulés, sous-dotations en capital, dotations en capital, dissimulant et permettant de réduire sur le budget général des subventions de fonctionnement, tout cela pour faire croire que la croissance des masses budgétaires était plus faible qu’elle ne l’était.

Nous voudrions attirer l’attention du Gouvernement sur trois problèmes.

Tout d’abord, l’EPFR, c’est-à-dire la structure de cantonnement du Crédit lyonnais.

Il est de nouveau prévu en 2007, comme d’ailleurs en 2006, 500 millions d’euros. Monsieur le ministre, je suis de ceux qui défendent depuis plusieurs années la thèse qu’il faut supprimer l’EPFR et le CDR, c’est-à-dire les deux structures créées pour gérer la structure de cantonnement du Crédit lyonnais, puisqu’il reste 15 millions d’actifs nets au niveau du CDR. Si on les maintient, c’est parce que l’État ne veut pas rapatrier dans son endettement propre le solde de l’endettement, qui est de 4,6 milliards. Je rappelle que cette affaire a coûté à peu près 22 milliards d’euros aux contribuables : 11 milliards de pertes au niveau du CDR et environ 7,2 milliards correspondant aux coûts de portage de l’EPFR, auxquels il faut ajouter le solde de la dette dont je vous parlais, soit 4,6 milliards.

Nous sommes favorables à la suppression de ces deux structures et je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi, dans un but de clarté, on ne les supprime pas puisque les quelques actifs qui restent vont maintenant être gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ce sont donc de faux nez qui ne servent à rien.

Deuxième problème :l’AFITF. Quel est le lien, me direz-vous, avec ce compte d’avances ? C’est très simple.

On finance la quasi-totalité des investissements routiers et ferroviaires à travers une incroyable usine à gaz qui est un véritable détournement de la notion de fonds de concours. On a prélevé 4 milliards sur le produit de la privatisation des sociétés d’autoroutes et on les a donnés à l’AFITF, à la fin de décembre 2005, pour financer ces investissements en 2006 et en 2007. L’État vend ses actifs, dote un établissement public appelé AFITF, lequel lui ouvre des fonds de concours. C’est fou ! Là encore, si ce n’est pas en recettes et en dépenses au budget de l’État, c’est pour faire croire que les masses budgétaires augmentent faiblement. Pour 2007, cela concerne 1,6 milliard ou 1,7 milliard.

Tout cela est fondamentalement malsain.

Troisième problème, probablement le plus grave : les régimes spéciaux de retraite. L’UDF a une position simple et claire à ce sujet, et nous étions d’ailleurs les seuls à l’avoir lors du vote de la loi Fillon.

Comme l’indique le rapporteur dans son rapport, l’un des énormes problèmes qui demeurent pour la plupart des entreprises publiques, c’est leur incapacité à financer les retraites sur leurs ressources propres. Il est question de montants gigantesques, qui sont rappelés dans le rapport.

La première réponse du Gouvernement a concerné les industries électriques et gazières, et on a, hélas, maintenu les prestations telles qu’elles sont. L’UDF avait défendu des amendements lors de la discussion de la loi Fillon. Nous sommes pour la mise en extinction de tous les régimes spéciaux et la création d’un grand régime unique pour tous les salariés du public et du privé. En une génération, on rétablira ainsi l’égalité des Français salariés devant la retraite. C’est cela, le courage politique !

Pour les IEG, on a fait payer pour partie le différentiel au peuple français, puisque la fameuse soulte de 8 milliards a été prélevée sur les capitaux propres d’entreprises qui sont pour l’essentiel propriété du peuple français. Comme cela ne suffisait pas, on a créé un impôt qui va financer une partie de ces retraites. C’est donc le maintien de l’inégalité entre les Français ou, plutôt, le maintien de la croissance de l’inégalité entre les Français.

Quant à la SNCF, M. Copé nous a dit en commission que, pour les 8,2 milliards de provisions obligatoires qu’elle devra passer dans ses comptes de 2007 en application des normes IFRS, il ne voyait vraiment pas pourquoi il fallait un texte législatif pour avoir une contrepartie à l’actif du bilan, c’est-à-dire une garantie de l’État, et que le Gouvernement pensait le faire par de simples moyens réglementaires. Or il s’agit de 8,2 milliards, mes chers collègues. Ce n’est pas sérieux !

Je pourrais parler de la Banque de France, le plus beau régime français, pour lequel il faudrait passer environ 6,6 milliards de provisions. La Banque de France est propriété du peuple français. Si l’on maintient le régime en l’état, on le fait payer au peuple français.

Il y a donc une formidable inégalité, et une inégalité croissante, parce qu’on a réformé le régime général, mais pas les régimes spéciaux.

Voilà les trois raisons pour lesquelles le groupe UDF ne votera pas en faveur de ce compte.

mission « participations financières
de l’État »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Participations financière de l’État », inscrits à l’état D.

État D

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 91.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. J’ai déjà défendu cet amendement. Le groupe socialiste estime anormal qu’un programme spécifique « Abondement du fonds de réserve des retraites » n’apparaisse pas dans cette mission. Nous proposons donc de le créer et de lui affecter 1 milliard prélevé sur le programme « Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État ». Ainsi, il sera possible de bien distinguer entre, d’une part, le désendettement de l’État et, d’autre part, les engagements à moyen et long termes.

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La commission des finances a repoussé cet amendement.

La mission « Participations financières de l’État » compte deux programmes, consacrés respectivement aux opérations en capital intéressant l’État et au désendettement public. C’est au titre de ce second programme que les versements au Fonds de réserve pour les retraites sont inscrits, sans qu’il soit besoin de créer un programme spécifique.

Cet amendement a donc semblé inutile à la commission des finances, d’autant que le désendettement fait bien partie des priorités de l’État puisque les deux tiers des produits de privatisations y ont été affectés au cours des dernières années.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rends hommage à la constance de M. Bonrepaux, mais je regrette que, malgré le travail que nous avons accompli durant cette législature, nous ne l’ayons pas convaincu que la courageuse réforme des retraites que nous avons engagée en 2003 et qui donne lieu, comme vous le savez, à un rendez-vous en 2008, montre une voie tout à fait nouvelle et à tous égards beaucoup plus efficace que tout abondement à ce fonds de réserve pour les retraites que le gouvernement Jospin avait créé, comme cache-misère à une époque où il n’assumait pas que la réforme des retraites soit une réforme de structure. Je le regrette.

Pour le reste, l’objectif du Gouvernement ne saurait être de vider un dispositif de son efficacité. Il est de désendetter notre pays et, si nous affectons des recettes à autre chose qu’au désendettement, cela pèsera sur la charge financière. Or l’objectif est de réduire la dette et la charge financière, en dégageant ainsi des marges de manœuvre pour financer de grands programmes : la réforme des retraites vise à apporter une réponse essentielle au financement nécessaire. Ne venons pas perturber des équilibres auxquels nous tenons.

Si cet argument vous convainc, monsieur Bonrepaux, je vous inviterai volontiers à retirer cet amendement. Mais si, par malheur, tel n’était pas le cas, j’inviterai votre assemblée à le repousser avec conviction.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas convaincu en expliquant que votre réforme des retraites avait réglé tous les problèmes, car les problèmes, vous le savez bien, sont devant nous.

Je déplore ce manque de transparence. Dites clairement que vous ne voulez pas du tout abonder le Fonds de réserve pour les retraites. Si ce n’est pas le cas, il est indispensable que ces crédits soient identifiés, au lieu d’être noyés dans l’ensemble de la dette. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Participations financières de l’État ».

(Les crédits de la mission « Participations financières de l’État » sont adoptés.)

M. le président. Nous en venons à un amendement, n° 90, portant article additionnel après l’article 63 du projet de loi de finances.

Après l’article 63

M. le président. Pour soutenir l’amendement n° 90, la parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. L’effacement de l’Agence des participations de l’État a été notable lors de l’affaire EADS ou de la privatisation de Gaz de France. Il nous semble important qu’elle se voie, elle aussi, dotée d’un indicateur annuel de performance, et tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable. Comme pour l’amendement précédent, il s’agit d’une mesure inutile puisque les performances de l’Agence sont mesurées dans le projet annuel de performance de la mission « Participations financières de l’État » qui est joint en annexe au projet de loi de finances. Les indicateurs retenus sont extrêmement précis et devraient tout à fait répondre à la préoccupation des auteurs de l’amendement.

De plus, faire droit à leur demande aurait pour effet de surcharger le « jaune », qui deviendrait moins facilement exploitable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(L’amendement n’est pas adopté.)

mission « avances à divers services de l’État
ou organismes gérant des services publics »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », inscrits à l’état D.

État D

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics. »

(Les crédits de la mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux participations financières de l’État.

finances publiques

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux finances publiques.

Je rappelle que la discussion de ces crédits a eu lieu, à titre principal, en commission élargie. Le compte rendu de cette réunion est annexé à celui de la présente séance.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les missions dont il s’agit maintenant sont au cœur de notre politique des finances publiques, et totalisent, dans le projet de loi de finances pour 2007, 127,2 milliards d’euros, soit l’essentiel des crédits du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, ministère ô combien remarquable, ne serait-ce que par la taille de son budget.

La mission « Engagements financiers de l’État », avec ses 41 milliards d’euros, correspond pour l’essentiel au programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État ». Je n’ai évidemment pas besoin de souligner le poids que représente la charge de la dette pour notre pays et donc l’impérieuse nécessité de la maîtriser.

Trois éléments devraient caractériser la gestion de la charge de la dette en 2007 : la diminution du déficit budgétaire de l’État, la remontée progressive des taux de court terme, la stabilité des taux d’intérêt de moyen et de long terme, qui permet le refinancement de la dette dans des conditions encore favorables. La progression de la charge de la dette négociable reste ainsi contenue par rapport à la loi de finances pour 2006 du fait des efforts engagés par le Gouvernement pour réduire le niveau d’endettement de l’État et grâce à une politique de gestion active. Il s’agit de plus de 156 millions d’euros.

La stabilisation du niveau de la charge nette de la dette et de la trésorerie de l’État en 2007 est ainsi le fruit d’une politique volontariste d’assainissement des finances publiques. Le cap de cette politique sera maintenu en 2007 avec la poursuite de l’effort de désendettement engagé en 2006 et, pour la première fois, un objectif de réduction des dépenses de 1 % en volume.

Les missions « Gestion et contrôle des finances publiques » et « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » sont d’un autre ordre : elles regroupent la majeure partie des effectifs et des crédits des directions du ministère des finances. Elles illustrent l’ampleur de la dynamique de modernisation que nous mettons en œuvre.

C’est sur la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » qu’est financée notre politique de réforme de l’État, conçue comme une démarche globale et cohérente. Elle tend à déployer une culture de performance et de résultats, avec l’application de la LOLF, à développer l’administration électronique et, enfin, à placer l’usager au cœur du service public. C’est aussi une démarche orientée vers les attentes des Français, visant à rechercher un meilleur service public au meilleur coût : pour les citoyens, qui attendent des politiques publiques efficaces ; pour les usagers, demandeurs d’une qualité de service améliorée ; pour les contribuables enfin, qui souhaitent une utilisation optimale de leurs impôts ; pour des agents, enfin, qui souhaitent de la reconnaissance pour les actions conduites. En outre, les gestionnaires sont responsabilisés avec le développement des dispositifs contractuels de pilotage.

La mission « Gestion et contrôle des finances publiques », qui est au cœur de l’action régalienne du ministère liée au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses de l’État, mais qui comporte aussi les activités d’état-major, d’expertise et de soutien, illustre particulièrement cette démarche. La direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, qui constituent l’essentiel des 8,9 milliards d’euros de crédits de cette mission ont en effet été des précurseurs pour la conclusion de contrats pluriannuels de performance. Instruments puissants de réforme de l’État, ces contrats portent un projet stratégique clair, ils programment pour plusieurs années des réformes et des gains de productivité. Ils sont tous assortis d’un mécanisme d’intéressement collectif à la performance, ce qui est une innovation majeure.

Je souhaite dire un mot des 2 988 réductions de postes, en équivalent temps plein au ministère des finances. Elles signifient que deux départs à la retraite sur trois ne seront pas remplacés. Il ne s’agit pas d’un effort de circonstance ! C’est l’accentuation d’une dynamique engagée depuis le début du quinquennat. Au total, en cinq ans, Bercy aura réduit ses effectifs de 11 200 postes, tout en intensifiant son action en matière économique et financière. Voilà une vraie différence avec la période précédente où, malgré les considérables gains de productivité réalisés, il n’y avait pas eu de suppression de postes à Bercy pendant les cinq années du gouvernement Jospin !

Enfin, votre débat de ce soir porte également sur des missions plus techniques, « Accords monétaires internationaux », « Provisions », « Remboursements et dégrèvements d’impôts ». Sur ce programme évaluatif, nous vous proposons d’inscrire 76,481 milliards au titre des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État et locaux. Sous son apparence technique, cette mission recouvre des dispositifs auxquels les Français, et bien sûr leurs représentants, sont sensibles. Nous avons tenu le plus grand compte des observations qu’avait formulées Jean-Jacques Descamps, en particulier pour permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible. Je viens d’ailleurs de lancer un audit sur ce sujet afin de nous permettre de progresser dans la gestion de ces dispositifs.

Le chantier de la réforme de l’État, qui a eu besoin de plusieurs années pour trouver son rythme de croisière, fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus. Je suis persuadé que ce quinquennat restera celui d’une nouvelle approche de l’administration et de réalisations très concrètes en matière de réforme de l’État. Je suis donc persuadé qu’il fera date et que l’utilisation des audits, comme un outil majeur de modernisation de l’État, perdurera bien au-delà de cette mandature.

Je vous invite vivement à en être les avocats car les audits sont une bonne manière de radiographier l’État en permanence et ils doivent, comme j’ai eu l’occasion de le dire hier au directeur de l’administration centrale, à utiliser comme une hygiène de vie. Lancer des audits régulièrement comme on fait du sport, c’est une bonne manière de maintenir un État performant. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe UMP.

M. Gilles Carrez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits ayant été examinés en commission élargie, je me limiterai à quelques très brèves observations portant sur le problème budgétaire qu’ils représentent, problème qui ira en s’accentuant au cours des prochaines années, soyons-en certains.

Le service de la dette constitue le premier engagement financier avec 39 milliards en 2007 – chiffre au demeurant quasi miraculeux, puisqu’il est resté pratiquement constant depuis quelques années alors que le stock de dettes a fortement crû, mais qui représente presque les trois quarts de ce que rapporte l’impôt sur le revenu. C’est le résultat de vingt-cinq années de déficits constants du budget de l’État. Nous avons choisi, au cours de cette législature, de rétablir progressivement nos finances publiques, en s’appuyant sur des règles de comportement, en particulier celle de la stabilité de la dépense et en faisant preuve de prudence et de modération en matière de baisse d’impôts. En dépit de ces efforts engagés depuis 2004, le déficit prévisionnel sera de 42 milliards d’euros en 2007, ce qui est considérable.

Dans son programme pour la prochaine législature, la majorité a pris l’engagement de réduire l’endettement public à 60 % du PIB. Or, monsieur le ministre, si nous voulons atteindre cet objectif, il faut réduire le déficit du seul budget de l’État à zéro à l’horizon 2012. Il faut donc gagner 40 milliards d’euros en cinq ans. On ne pourra donc proposer de nouvelles dépenses que par redéploiement des dépenses existantes et il faudra être on ne peut plus modéré en matière de baisse d’impôts. Je pense qu’il était utile de le dire ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Très bien !

M. Gilles Carrez. S’agissant des crédits considérables en matière de dégrèvements, pour plus des deux tiers, ils sont constitués de remboursements, de dégrèvements d’impôts qui relèvent du fonctionnement normal de l’impôt – il s’agit, par exemple des crédits de remboursement de TVA. Mais figurent aussi dans ce chapitre tout un ensemble d’avantages, de dispositions fiscales, certaines auxquelles nous adhérons tous, même s’il faut les réformer, du type prime pour l’emploi, mais d’autres qui sont des avantages fiscaux, des « niches » telles que les crédits d’impôt pour l’acquisition d’un véhicule.

Monsieur le ministre, je renouvelle à ce sujet une demande constante de la commission des finances : que ces exonérations et dérogations fiscales soient évaluées dans un esprit aussi rigoureux que celui dont vous venez de faire preuve au sujet des dépenses et des audits.

La nécessité d’un audit consacré aux dérogations fiscales doit être affirmée sans aucune réserve.

Deuxièmement, on ne cesse de multiplier les exonérations fiscales par le biais de textes les plus divers et l’addition finale s’avère lourde. Nous ne pourrons pas assurer la cohérence de nos finances publiques si nous n’avons pas le courage de réserver aux lois de finances le monopole des dérogations fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ma troisième observation portera sur l’organisation de l’État.

En ce qui concerne la dette de l’État, sa gestion relève de l’Agence France Trésor, et la trésorerie de l’Agence comptable centrale du Trésor, deux organismes auquel je rends hommage pour leur qualité et leur professionnalisme. Ces deux opérateurs ne sont pas le fruit d’un démembrement de l’État : ce sont des services de l’État clairement identifiés, à qui sont assignés des objectifs, mesurés par des indicateurs, et qui sont évalués comme tels.

Nous nous sommes en revanche inquiétés, tout au long de nos débats sur la première partie de cette loi de finances, de la multiplication de nouveaux opérateurs qui sont, eux, des établissements publics dotés de l’autonomie juridique, auxquels on affecte une partie croissante des recettes de l’État. Comme certains députés, notamment Michel Bouvard et Georges Tron, l’ont souligné à plusieurs reprises, le Parlement doit pouvoir appliquer aux dépenses engagées par ces opérateurs les mêmes exigences de contrôle et d’évaluation qu’aux dépenses de l’État car elles sont de même nature. Je vous remercie à ce propos d’avoir accepté plusieurs de nos amendements qui vont dans le sens du contrôle par le Parlement de ces organismes.

Confier à des opérateurs certaines missions de service public ne contrevient certes pas à la loi organique. Ceux-ci peuvent cependant rester dans l’orbite de l’État. Si tel n’est pas le cas, le Parlement doit au moins continuer à exercer vis-à-vis d’eux sa mission de contrôle, d’évaluation et de mesure de la performance.

Au bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Bercy ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le groupe socialiste.

M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette partie importante du budget emblématique du ministère de l’économie et des finances appelle quelques observations de ma part au nom du groupe socialiste. L’examen de la première partie du budget nous a déjà donné l’opportunité de critiquer les choix du Gouvernement, mis en œuvre par cette grande maison.

Didier Migaud et Augustin Bonrepaux ont longuement commenté les clignotants de la dette publique qui sont au rouge, les transferts de charges de l’État vers les collectivités locales, l’allégement des impôts des plus fortunés parmi nos concitoyens, l’affaiblissement de la notion même d’impôt. Le passage de ce texte en commission des finances élargie le 7 novembre dernier a permis d’analyser plus précisément les cinq missions et onze programmes du budget du ministère, sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui.

J’ai eu l’occasion d’exprimer les craintes suscitées par les difficultés attachées à la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », qui représente à elle seule plus de 78 % des effectifs du ministère et mobilise plus de 8,9 milliards d’euros de crédits de paiement, soit près de 3,3 % du budget de notre pays. Je limiterai donc mon propos au thème de la réforme de l’État, sujet qui vous tient à cœur, monsieur le ministre.

Celle-ci a été conduite par les différents ministres qui se sont succédé depuis 2002 à la tête du ministère : derrière des slogans tels que « Bercy en mouvement » en 2002 ou « Bercy ensemble » en 2004, c’est toujours le même esprit qui a inspiré les différents ministres, jusqu’à l’adaptation du « Minefi » souhaitée par M. Breton lors du comité technique paritaire ministériel de 2005. Quatre objectifs principaux étaient assignés aux stratégies ministérielles de réforme : une meilleure qualité de service ; une gestion plus efficiente ; une culture de la performance ; une nouvelle ambition sociale pour les agents.

La réforme de l’État n’est donc pas le monopole de votre majorité. En 2001, le programme « Réforme et modernisation » était mis en œuvre et des contrats de performance signés par les grandes directions à réseaux du ministère. Dès 1998, la contractualisation était relancée dans l’objectif de mettre en place des programmes pluriannuels de modernisation des administrations. Le premier contrat d’objectifs et de moyens, pour la période 2000-2002, était signé en octobre 1999 par la direction générale des impôts et le directeur du budget. Il comportait déjà des objectifs d’efficacité, de qualité et de productivité ; les gains de productivité devaient être partiellement affectés à la réalisation des engagements du contrat. Il assurait à la DGI des moyens humains et des crédits globalisés exonérés de régulation dans la durée.

Le contrat signé pour la période 2003-2005, s’inscrivant déjà dans la perspective de la LOLF, prévoyait des suppressions d’emploi et un intéressement aux résultats. Il y a donc une continuité dans le fonctionnement de l’État, et c’est heureux.

Une politique ne saurait cependant se résumer à des suppressions d’emplois, comme vous venez de le faire. Nous partageons votre volonté de mettre l’usager au cœur du service public, dont la concrétisation suppose notamment le développement de l’administration électronique. Vous affirmez que « le client est roi », mais l’application au secteur public de recettes du secteur privé concurrentiel est la négation de la spécificité du service public. La conception régalienne d’une administration au service du citoyen diffère de celle d’une « administration-entreprise » au service de l’« usager-client ». Le citoyen n’achète pas un bien ou un service quand il accomplit son devoir civique et contribue en proportion de ses ressources au fonctionnement de l’État.

La baisse des effectifs ne peut pas être une fin en soi. Les grands projets informatiques initiés en 2001 devraient permettre au ministère de conduire une politique économique. Au-delà de leur montant, le ratio entre le coût de l’investissement et le gain de productivité devrait être apprécié en dehors de la simple suppression d’agents de catégorie C.

Si de nombreux indicateurs sont au vert, notamment celui de la qualité du service, il convient d’apprécier l’objectif de respect des obligations contributives et de contrôle fiscal des entreprises ou des particuliers, dont l’intérêt fiscal est le plus important. Je veux insister sur le respect de cette obligation.

La situation et les conditions de travail des personnels du ministère méritent enfin une attention particulière. L’absence de participation aux débats de la deuxième partie du dernier CTPM du 24 octobre 2006 comme les grèves qu’ont connues les différentes directions manifestent le malaise né de la mise en œuvre des réformes, d’autant que nous atteignons le cœur de la mise en œuvre des grands dispositifs informatiques Copernic et Helios. Vous aviez pourtant affirmé en commission élargie, monsieur le ministre, qu’aucune réforme ne pouvait faire l’économie de l’adhésion des agents. Il convient donc de mesurer très soigneusement le risque de cette période.

Pour les raisons déjà évoquées lors de l’examen de la première partie de la loi de finances ou en commission élargie, le groupe socialiste votera contre les crédits des cinq missions concernées et du compte spécial « Accords monétaires internationaux ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Je voudrais, mes chers collègues, faire trois observations générales.

La première porte sur les engagements financiers de l’État. Il convient de répéter, à temps et à contretemps, que, comparé aux collectivités locales ou même à la sécurité sociale, l’État est la structure publique la plus mal gérée si l’on considère le niveau du déficit. En effet, l’État est à l’origine de plus de 85 % la dette publique, qui approchera les 1 200 milliards à la fin de l’année prochaine et qui est constituée avant tout de l’accumulation des déficits depuis vingt-cinq ans.

Vous avez, monsieur Carrez, évoqué le miracle de la très faible croissance des frais financiers de l’État alors que sa dette explose. Il est vrai que le taux moyen pondéré est de 3,8 ou 3,9 %, en tout cas en deçà de 4 %. Mais il n’est dû qu’à une prise de risque accrue de l’État dans la gestion de sa dette, dont une part croissante est à taux variable. En cas d’inversion des courbes de taux, le coût supplémentaire s’élèvera à plusieurs milliards chaque année, un déficit de plus de 40 milliards entraînant mécaniquement une augmentation annuelle des intérêts de la dette d’1,6 milliard d’euros environ. Cette année est probablement l’avant-dernière, voire la dernière avant que l’on n’assiste à une remontée des taux, déjà observée presque partout dans le monde.

Ma deuxième observation concernera la stratégie économique et le pilotage des finances publiques. Si l’on observe l’évolution du déficit de l’État depuis 2005, on constate que sa réduction est extrêmement faible, puisqu’elle est d’environ 1,5 milliard sur les deux dernières années. Il est encore de 41,6 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2007, dont 23 milliards pour le fonctionnement. À ce rythme, il faudrait quinze ans pour résorber le seul déficit de fonctionnement, ce qui ne devrait quand même pas être un objectif si extraordinaire.

Il convient de considérer également que les excédents des organismes divers d’administration centrale, les ODAC, qui sont de faux nez de l’État, connaissent une baisse très forte et plus rapide que celle du déficit de l’État. Autrement dit, la part dans le produit intérieur brut de ce que la comptabilité nationale appelle les administrations centrales, c’est-à-dire l’État et les ODAC, ne se réduit pas.

Nous sommes donc loin du dream budget dont vous parliez en commission, monsieur le ministre. En effet, la dépense n’augmente pas de 0,8 %, comme le prétend le Gouvernement, mais, je le répète, de 2,9 % – et je tiens à votre disposition une note incontestable à ce sujet, notamment en ce qui concerne les remboursements et dégrèvements, dont je reparlerai, parmi bien d’autres opérations déjà évoquées par notre rapporteur général.

Ma dernière observation portera donc sur les remboursements et dégrèvements relatifs aux impôts locaux. Leur montant passera de 13,49 milliards d’euros à 14,09 milliards l’année prochaine, soit une augmentation de 600 millions. De plus, 90 % du coût de la prime pour l’emploi ne figurent pas dans le budget tel que vous nous le présentez, monsieur le ministre, puisque 90 % de ceux qui en bénéficient ne sont pas imposables. Ils sont donc imputés en remboursements et dégrèvements, qui passent de ce fait de 2,4 à 3,3 milliards d’euros, soit une différence de 900 millions. Bien qu’il s’agisse évidemment d’une dépense, le Gouvernement ne les intègre pas dans le déficit budgétaire. À cela s’ajoute la prise en charge des exonérations de redevance audiovisuelle, dont le coût passera de 440 à 510 millions d’euros la semaine dernière.

En additionnant ces trois postes de dépenses, sans même parler des impôts de l’État, on passe de 16,33 à 17,90 milliards, soit une augmentation de près de 10 %. C’est à peu près l’équivalent de l’augmentation de 2,2 avancée par le Gouvernement. On obtient déjà 1,6 milliard d’euros de dépenses supplémentaires.

Comme le groupe UDF n’a, mes chers collègues, cessé de le dire à temps et à contretemps, si l’on continue à gérer les finances publiques de cette manière, on conduit le pays dans le mur. Voilà pourquoi nous voterons contre.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, nous voudrions saisir l'occasion de ce débat sur les engagements financiers de l'État pour revenir sur l'épineuse question de la dette, dont vous êtes parvenus à faire un enjeu politique majeur à partir d'une présentation biaisée des enjeux.

Vos propos sur cette question sont en effet trompeurs. Certes, la situation financière des administrations publiques a de quoi inquiéter. Depuis 1995, la France est le pays de l'Union européenne à quinze qui a le plus accru sa dette publique : celle-ci a augmenté sur cette période de près de 400 milliards d'euros constants. Près de la moitié de cette augmentation s'est produite depuis 2002, c’est-à-dire sous votre gouvernement.

Mais nous ne dénonçons pas tant le fait que vous persistiez à vous satisfaire de la situation, malgré l’échec patent de votre politique budgétaire, que votre présentation purement idéologique des faits.

À propos de la dette, votre discours se veut de bon sens : à vous en croire, l’augmentation de la dette publique irait de soi et résulterait tout simplement d’une croissance excessive des dépenses publiques. Il ne vous reste plus alors qu’à greffer un discours simpliste, qui s’appuie sur le sens commun : on ne peut durablement dépenser plus qu’on ne gagne ; il faut donc dépenser moins et ajuster les dépenses aux recettes,…

M. Jean-Pierre Gorges. Bonne analyse !

Mme Muguette Jacquaint. …sous peine d’accumuler une dette qui pèsera sur les générations futures.

Cet argumentaire semble si bien ficelé qu’il ne reste plus, au fond, qu’à décider dans quel budget couper.

Pourtant, ce raisonnement apparemment irréfutable est un tissu de contresens. Tout d’abord, l’État dispose de la possibilité – assez rare chez les particuliers – de fixer lui-même ses recettes, et ses dépenses peuvent elles-mêmes engendrer des recettes. Quant aux intérêts de la dette, ils ne seront pas payés demain par nos enfants, mais le sont par les contribuables contemporains. Enfin, la montée de la dette de l’État est principalement liée à une baisse de ses recettes, ce qui permet de comprendre pourquoi un tel déficit public n’a pas la vertu keynésienne attendue.

Vous omettez sciemment de souligner que votre prétendue stratégie d’assainissement des finances publiques n’est qu’un prétexte pour réduire comme peau de chagrin les moyens budgétaires de l’État. Nous ne l’acceptons pas. S’il faut débattre de la dette publique, cela doit se faire en toute transparence et en toute honnêteté. Or tel n’est pas le cadre que vous posez.

Ce dont chacun d’entre nous peut aujourd’hui objectivement s’inquiéter n’est pas tant le niveau global des dépenses publiques que leur nature. Il est urgent de remédier à l’insuffisance des dépenses d’investissement, pour faire jouer à l’État un authentique rôle de levier économique et contrebalancer le poids excessif des dépenses de fonctionnement.

On ne peut aujourd’hui continuer à réduire, comme vous le faites, les finances publiques à d’étroites considérations comptables.

Pour tenir les engagements financiers de l’État, il faudrait aujourd’hui être porteurs d’une autre ambition que la vôtre : cesser de priver l’État de ses ressources par l’allocation de crédits et de réductions d’impôts inefficaces, que dénonce d’ailleurs la Cour des comptes, trouver des ressources nouvelles, adaptées aux mutations économiques, en recourant notamment à la taxation des plus-values financières, et cesser de croire que tout doit être dévolu au rôle prétendument régulateur du marché.

Réduire l’endettement suppose des dépenses utiles, propres à permettre un vrai retour à la croissance. Tout à sa foi libérale – ne vous en déplaise –, votre gouvernement a cru pendant cinq ans qu’une politique exclusivement fondée sur l’offre était la bonne réponse à l’atonie de la croissance et que la réduction des impôts sur les entreprises et les cotisations patronales ou les cadeaux fiscaux aux plus aisés étaient des facteurs de relance de l’économie. Le résultat est visible : c’est un échec cuisant. Non seulement vous n’avez pas réussi à gagner le pari de la croissance, seule à même d’offrir les vrais moyens d’une réduction de la dette, mais vous avez encore conduit nos concitoyens et nos entreprises au bord de la rupture.

Car l’État n’est pas seul à s’endetter : nos concitoyens le font aussi. La part du revenu qu’ils épargnent a diminué de 2 points en quatre ans, ce qui ne s’est jamais vu dans la société française. Aujourd’hui, seuls les créanciers s’enrichissent – ceux-là même à qui vous accordez par ailleurs tant de cadeaux.

Compte tenu de ces analyses, de notre désaccord de fond sur l’ensemble de vos orientations budgétaires et fiscales et de l’insécurité qu’elles font peser sur le budget, nous voterons contre les programmes qui nous sont présentés.

Mission « Engagements financiers de l’État »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ».

(Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont adoptés.)

Mission « Gestion et contrôle
des finances publiques »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », inscrits à l’État B.

État B

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Gestion est contrôle des finances publiques ».

(Les crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » sont adoptés.)

Mission « Provisions »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Provisions », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 140.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’amendement n° 140 tire les conséquences du vote en première partie d’une majoration de la dotation globale de fonctionnement au titre de la dotation versée aux communes situées dans un parc naturel.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Avis favorable. La commission regrette toutefois que ces crédits aient été prélevés sur le chapitre 37-95, consacré aux « provisions pour dépenses accidentelles », car nous nous félicitions jusqu’à présent de l’abandon d’une pratique ancienne consistant à opérer des prélèvements sur ce chapitre en cours de discussion budgétaire. Nous souhaitons donc qu’il ne s’agisse ici, précisément, que d’un… accident.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. C’est le charme des négociations internes !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Provisions », modifiés par l’amendement n° 140.

(Les crédits de la mission « Provisions », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Mission « Stratégie économique
et pilotage des finances publiques »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques ».

(Les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » sont adoptés.)

Mission « Remboursements et dégrèvements »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 105.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, pour le soutenir.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’amendement n° 105 tire les conséquences de l’amendement voté en première partie, qui vise à exclure du bénéfice de la prime pour l’emploi les personnes assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », modifiés par l’amendement n° 105.

(Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Mission
« Accords monétaires internationaux »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux », inscrits à l’état D.

État D

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux ».

(Les crédits de la mission « Accords monétaires internationaux » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux finances publiques.

Fonction publique

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

Je rappelle que la discussion de ces crédits a eu lieu, à titre principal, en commission élargie. Le compte rendu de cette réunion est annexé à celui de la présente séance.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Le budget que nous examinons est reconduit pour l’essentiel, avec une forte augmentation des crédits du volet social. Les accords signés le 25 janvier, qui ont permis, après huit années, de rétablir le dialogue avec les agents des trois fonctions publiques, se sont traduits par une évolution des grilles dans le volet statutaire et par une augmentation de 50 % du budget d’action sociale.

Nous verrons au fil de la discussion des amendements si d’autres éclaircissements sont nécessaires.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le ministre, à l’heure du vote des crédits relatifs à la fonction publique, il nous faut dresser le bilan de l’action de votre gouvernement – je ne m’attarderai pas, en effet, sur le budget que vous nous présentez cette année.

Je tiens tout d’abord à souligner que l’accord que vous venez d’évoquer est un accord minoritaire, portant sur le volet social et statutaire, et qu’il ne s’agit nullement d’un accord salarial.

Pour en revenir au budget, vous savez bien – et nous l’avons tous constaté – que l’augmentation des crédits de 26 % par rapport à 2006 est dans une large mesure cosmétique. L’augmentation de 50 % des crédits de l’action sociale interministérielle correspond, quant à elle, à un rattrapage des coupes importantes opérées dans les précédents budgets depuis 2002, et particulièrement l’année dernière. Ce renchérissement, devenu indispensable compte tenu de la misère dans laquelle était tombée l’action sociale, relativise beaucoup l’impact du protocole d’accord du 25 janvier 2006 dont vous venez une fois de plus de vous gargariser. À cela s’ajoute le fait que certaines augmentations fortes de crédits s’expliquent par la fin du recours aux ponctions opérées sur le fonds de roulement de la mutualité de la fonction publique.

Pour ce qui est de la formation des fonctionnaires, on peut douter que, compte tenu du nécessaire effort à fournir en la matière et des nouvelles évolutions contenues dans les deux projets de loi relatifs à la modernisation de la fonction publique et à la fonction publique territoriale, le retour à un niveau de crédits comparable à celui de 2005 soit suffisant et que le compte soit bon.

Selon la philosophie de votre gouvernement, monsieur le ministre, la modernisation de la fonction publique revêt une bien étrange nature : 15 000 suppressions d’emplois pour 2007, qui font suite aux 5 300 opérées en 2006, aux 6 800 de 2005 et aux 4 500 de 2004 !

Croyez bien, monsieur le ministre, que nous pensons comme vous que la fonction publique doit s’adapter aux nécessaires évolutions du service public. Vous ne nous apprenez tout de même pas que la terre tourne autour du soleil, mais nous ne faisons pas pour autant d’« adaptation » un synonyme de « productivité accrue ». Encore faudrait-il, d’ailleurs, nous expliquer ce que vous entendez par « augmentation de productivité des fonctionnaires » : l’administration, que je sache, n’applique pas encore les méthodes fordistes de l’organisation du travail !

Vous tentez, il est vrai, de rapprocher à marche forcée le secteur public du secteur privé. Une série de mesures statutaires adoptées sous la présente législature vise à faciliter le recours à des personnes issues du secteur privé, et c’est fort bien. Mais vous avez également installé au sein de la fonction publique le contrat à durée indéterminée – ce qui est moins bien ! Sous couvert de lutter contre la précarité dans la fonction publique et de transposer dans notre droit interne la directive du Conseil du 28 juin 1999, la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à notre fonction publique a introduit le CDI dans notre droit administratif. Malgré ce que vous prétendez, cependant, cette directive ne l’imposait nullement, comme l’avait démontré Bernard Derosier, rapporteur spécial, à qui la Cour de justice des Communautés européennes a d’ailleurs donné raison dans un arrêt du 4 juillet 2006.

D’une manière symétrique, le dispositif retenu ne limitera pas les abus car, pour qu’un contrat à durée déterminée soit transformé en CDI, la loi prévoit que l’agent doit avoir été employé pendant six ans, ce qui est très peu contraignant pour l’administration. Vous auriez été bien inspiré de vous souvenir que, pour le secteur privé, la durée maximale fixée par le code du travail est de dix-huit mois.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris que les députés socialistes, soucieux d’associer pleinement la fonction publique et ses millions d’agents à la réforme de l’État et du service public, votent contre les crédits que vous nous présentez.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais aborder deux points : la modernisation de la gestion de la fonction publique et une question qui, je l’espère, va vivement intéresser nos collègues : quelle est la réalité de l’évolution des effectifs en équivalents temps plein de l’État et de tous les opérateurs au sens de la LOLF, c’est-à-dire de tous les organismes publics qui en dépendent ?

S’agissant de la modernisation de la fonction publique, en 2006, le Parlement a examiné à plusieurs reprises les accords qui, signés avec les syndicats de la fonction publique – certes minoritaires –, permettent à notre pays d'engager la modernisation de la gouvernance de ses services publics, que ce soit par de nouvelles techniques de management ou par la mise en place d'une gestion des ressources humaines plus proche et plus individualisée.

Le budget de 2007 doit nous permettre de voir comment la modernisation de la fonction publique se prépare.

Tout d'abord, la reconnaissance de l'expérience et des résultats obtenus par chacun de nos fonctionnaires ne pourra se faire si les postes ne sont pas mieux définis, l'évolution des métiers mieux maîtrisée. Certes, le budget de 2007 prévoit qu'une des actions visera à mieux connaître l'emploi public, mais il reste beaucoup à faire pour que le schéma établi par chacun des ministères témoigne d'une bonne connaissance des effectifs et s'applique à définir les postes qui doivent évoluer en fonction des attentes nouvelles. À ce titre, un audit transversal consacré aux règles de rémunération sera-t-il demandé pour l'année 2007 ?

Je m'interroge aussi sur la place réservée aux autorités déconcentrées : sont-elles suffisamment associées à l'analyse et aux besoins futurs de leurs services ? Il semble en effet, à la lecture du rapport de mise en œuvre de la LOLF, que, dans la plupart des ministères, les principales décisions relatives aux personnels continuent de relever de l'administration centrale, en particulier pour les personnels de catégorie A.

Un mot sur les nouvelles règles qui modifient l'approche française de la formation des agents. Dorénavant, le parcours des fonctionnaires pourra se nourrir de formations tout au long de la vie. C'est la bonne voie, mais à une double condition : que les plans de formation ne soient pas uniquement décidés au niveau central, mais établis par les responsables de programme, et que l'encadrement soit engagé dans la mise en place d'un dispositif d'évaluation, qui fait aujourd'hui largement défaut.

Enfin, la valorisation des fonctionnaires et les conditions de leur travail pèchent par une gestion passive et une déconcentration trop limitée. Une fonction de direction des ressources humaines est à construire si l'on veut réussir la formation, la mobilité et la mise en place de vrais parcours.

J’en viens à la seconde question, qui me paraît extrêmement grave : celle de l'évolution des effectifs dans la fonction publique.

Nous avons essayé, avec la LOLF, de transposer un concept de gestion des ressources humaines courant dans le privé, celui des équivalents temps plein, pour pouvoir dénombrer les effectifs de la fonction publique, quel que soit leur statut – fonctionnaire, contractuel, et toutes les situations intermédiaires. Maintenant, nous connaissons ce nombre. Mais nous avons bien vu le danger : ce concept étant limité à l’État, celui-ci peut augmenter ses effectifs dans des opérateurs extérieurs tout en réduisant en apparence les siens. Nous avons donc demandé que les opérateurs au sens de la LOLF, c’est-à-dire tous les organismes divers et variés chargés de politiques publiques et alimentés par le budget de l’État, retiennent eux aussi le concept « lolfien » d’équivalent temps plein.

Chers collègues, savez-vous ce que donne, depuis plusieurs années, l’évolution, d’une part, des effectifs de l’État, et, d’autre part, de ceux des opérateurs ? Jusqu’à l’année 2004, les chiffres sont à peu près certains : en 2003, alors que 4 592 emplois, sur un total de 2,3 millions d’agents, étaient supprimés dans les administrations d’État, ce sont 10 461 emplois, soit deux fois plus, qui étaient créés pour les opérateurs ; en 2004, 5 796 emplois étaient supprimés pour l’État et 11 962 créés chez les opérateurs, soit un solde positif de 6 166. Le ministre vient nous expliquer qu’il fait des efforts, certes extrêmement timides puisque 4 592 suppressions d’emplois quand il y a 80 000 départs à la retraite, c’est presque rien, mais c’est tout de même un petit signe – 0,2 % de baisse. En 2007, enfin, 15 002 équivalents temps plein sont supprimés dans l’État, mais, s’agissant des opérateurs, notre collègue Georges Tron n’est pas certain du chiffre parce qu’il n’a pas pu les prendre tous en compte, une partie d’entre eux n’ayant pas encore appliqué le concept d’équivalent temps plein,…

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Tout à fait !

M. Charles de Courson. …mais il arrive à 10 793 créations d’emplois ! En supposant qu’il n’a pas pu en évaluer peut-être de 1 000 à 2000, que reste-il ? Un solde net de 4 200 emplois supprimés au maximum, et probablement plus près de 2000.

En une législature, les maigres efforts de réduction du nombre d’agents publics de l’État ont été plus que compensés par une croissance à un rythme double des emplois publics dans les opérateurs dépendant de l’État. Comment pouvons-nous dans ces conditions, mes chers collègues, escompter un redressement des finances publiques et du budget de l’État ? C’est impossible.

Aussi, mes chers collègues, bien qu’il y ait des efforts, qu’il faut saluer, de modernisation de la fonction publique, nous nous abstiendrons car nous ne pouvons pas accepter une politique de croissance des agents publics via les opérateurs qui compense les maigres efforts de réduction des effectifs de l’État.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le groupe UMP.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la seconde année consécutive, l'ensemble des organes rattachés aux services du Premier ministre sont réunis en un seul programme. Et c’est une bonne chose. Je vais rapidement faire un tour d’horizon des différentes missions qui le composent.

Tout d'abord s’agissant de la mission « Fonction publique », ce budget poursuit les efforts engagés les années précédentes, notamment en matière de gestion des agents publics, de formation professionnelle et d'évolution des carrières. Le projet de loi sur la modernisation de la fonction publique, que j’ai eu l’honneur de rapporter ici, en est l’incontestable reflet.

Je voudrais aussi saluer les résultats obtenus par le ministre de la fonction publique, qui, pour la première fois depuis de longues années, est parvenu à signer un accord sur le pouvoir d'achat avec trois organisations syndicales. Il faut rappeler que cette question du pouvoir d’achat est beaucoup plus importante pour les agents que celle de la réduction des effectifs dans certains ministères, réduction dont M. Dufau et M. de Courson nous parlent depuis tout à l’heure, et qui n’a – faut-il encore le rappeler ? – comme objectif essentiel que de mieux répartir nos fonctionnaires, là où ils sont les plus utiles et les plus efficaces. Cette gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs, mais aussi l'attractivité des carrières par la formation individuelle, la fin des seuils et des quotas comme le demandent au moins 90 % de nos agents, la diversification des recrutements, l'aide à l'installation des personnels, les prêts pour mobilité, les chèques emploi-service, etc., sont autant d’atouts pour anticiper et gérer les enjeux essentiels du tournant démographique auquel vont être confrontées nos trois fonctions publiques.

Concernant les corps, je salue le travail accompli par votre ministère, monsieur Jacob, car la fusion d'un quart de ces derniers est une avancée considérable, et je ne peux évidemment que vous inciter à continuer dans cette voie.

Cette année encore, le budget qui nous est présenté répond à ces défis, non seulement par l'augmentation importante de la dotation – 25 % – mais aussi par la répartition interne qui favorise largement, on l’a vu tout à l’heure, les actions sociales et la formation des agents. Ce budget va donc dans le bon sens et j'espère sincèrement que le prochain gouvernement persévérera dans cette voie.

Quant à la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », le budget qui nous est proposé est marqué par des avancées tout à fait exceptionnelles, qui montrent l'engagement du Gouvernement à mettre en place une gestion saine, mais surtout transparente et rationalisée, de son patrimoine, ce qui n'était pas le cas il y a peu de temps encore. Je m’étais d’ailleurs exprimé l’année dernière sur ce sujet.

Enfin, concernant la mission « Régimes sociaux et de retraite », il s'agit là aussi d'un sujet primordial à la veille des départs massifs en retraite que nous allons connaître, notamment pour nos entreprises de service public telles que la RATP ou la SNCF, qui vont devoir mettre en place de nouvelles règles comptables dictées par l'Union européenne. Le budget qui nous est présenté pour cette mission apporte des réponses courageuses et modernes car il anticipe et prépare le boom que nous allons avoir en 2008.

En conclusion, permettez-moi, au nom du groupe UMP, d'inviter la représentation nationale à voter ce budget novateur et courageux qui permettra à nos organismes institutionnels de poursuivre leur action de modernisation, et surtout de rationalisation, au service des fonctionnaires, ce qui apportera, j’en suis sûr, un meilleur service public à nos administrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mission « Direction de l’action
du Gouvernement »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour soutenir l’amendement no 247.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. M. Brard a déposé plusieurs amendements en tant que membre de la commission des finances, et je les défendrai au nom de cette commission. Ils ont principalement pour objet la nomenclature budgétaire et les affectations de crédits au sein de cette nomenclature.

L’amendement n247, qui a le soutien de Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la mission « Médias », a pour but de demander au Gouvernement de clarifier la nomenclature budgétaire, conformément d’ailleurs aux recommandations de la MILOLF et de la commission des finances. Les crédits des instances de régulation doivent en effet être budgétés avec les crédits d’intervention correspondants afin que le Parlement se prononce sur le coût réel et complet d’une politique publique, conformément à l’article 7 de la LOLF.

Ainsi, les crédits du CSA seraient transférés sur la mission « Médias », au sein d’un programme dédié qui pourrait s’intituler « Régulation de l’audiovisuel ». En effet, la régulation de l’audiovisuel, monsieur le ministre de la fonction publique, ne participe pas de la coordination du travail gouvernemental. De plus, cela permettrait de garantir l’indépendance du CSA par rapport au Gouvernement, certains craignant que le CSA puisse être victime de mesures de rétorsion budgétaire s’il venait à prendre des décisions ou à rendre un avis ne répondant pas tout à fait aux vœux du Gouvernement. Ce n’est bien évidemment pas le cas aujourd’hui, mais cela pourrait arriver. Tel est le sens de cet amendement.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est un amendement d’anticipation ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. le ministre de la fonction publique. Je voudrais dire que, sur le plan de l’orthodoxie budgétaire, et m’adressant à un expert tel que vous, monsieur Bouvard, je comprends votre argumentation. Vous savez que le Premier ministre a sollicité auprès de l’inspection des finances une mission d’expertise de façon à examiner les liens qui existent effectivement entre les autorités indépendantes et les responsables de programme. À la lumière de cette expertise, nous verrons la réponse qui pourra être apportée.

En outre, la fongibilité des crédits sur le titre 2 avait permis de doter le CSA d’environ 800 000 euros.

Pour ces deux raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. J’accepte volontiers le premier argument, qui plaide pour le travail engagé sur les autorités indépendantes, du fait que la commission des finances de l’Assemblée nationale a une position différente de celle de la commission des finances du Sénat et que nous souhaitons que les positions soient clarifiées. Je le répète : la commission des finances et la MILOLF sont totalement défavorables au regroupement dans une mission spécifique des autorités indépendantes. Toutefois, par-delà cette position de principe, nous acceptons d’attendre les conclusions de la réflexion engagée, et c’est la raison pour laquelle je retire l’amendement n° 247.

Le second argument, en revanche, me paraît ponctuel et ne concerne en rien une question d’arbitrage de nomenclature.

M. le président. L’amendement n° 247 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 246.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. L’amendement n° 246, comme le précédent, est un amendement de nomenclature qui met en œuvre les recommandations de la MILOLF et de la commission des finances : il vise à regrouper au sein d’un même programme, d’une part les crédits de fonctionnement et de soutien et, d’autre part, les crédits d’intervention correspondants, afin que le Parlement se prononce sur le coût réel d’une politique publique, conformément à l’article 7 de la LOLF.

En l’occurrence, les crédits d’intervention de la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France durant l’Occupation figuraient autrefois sur le budget des services généraux du Premier ministre. Nous avons demandé et obtenu qu’ils soient en toute logique intégrés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Toutefois, si les crédits d’intervention ont été transférés, les crédits de personnel et de fonctionnement de la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations n’ont pas suivi et ont continué de figurer sur le programme « Coordination du travail gouvernemental », ce qui est incohérent. Auparavant, tous les crédits avaient au moins le mérite de figurer sur le même programme !

L’amendement n° 246 de M. Brard, que soutient également M. Martin-Lalande, vise donc simplement à constituer un regroupement cohérent de tous les crédits relatifs à la Commission d’indemnisation, et j’ose espérer que le Gouvernement y sera favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Tout ce qui touche à la Commission d’indemnisation des victimes de spoliations, loin de relever seulement de l’orthodoxie budgétaire, constitue un sujet politique éminemment sensible. C’est pourquoi les questions qui la concernent remontent directement au Premier ministre, qui y répond personnellement – ses prédécesseurs faisaient de même. Le Gouvernement souhaite donc maintenir l’organisation actuelle, à savoir que les crédits de personnels et de fonctionnement continuent de figurer sur le programme « Coordination du travail gouvernemental ».

Si cet amendement était adopté, les crédits concernés seraient placés sous l’autorité du ministre de la défense, et non plus sous celle du Premier ministre. Je le répète : je comprends vos raisons, mais l’argument politique, compte tenu du caractère très sensible de la question, me paraît plus important que l’argument budgétaire. Du reste, ma remarque vaut pour tous les gouvernements, tous les Premiers ministres qui se sont succédé ayant, en la matière, agi de la même façon.

M. le président. Monsieur le vice-président de la commission des finances, êtes-vous sensible aux arguments de M. le ministre ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Si je comprends l’argument du ministre relatif au caractère particulièrement sensible de la question, je ne saurais un seul instant imaginer qu’un fonctionnaire de la République puisse ne pas relever de l’autorité du Premier ministre au prétexte qu’il ne serait pas directement rattaché à ses services, mais à ceux d’un autre ministre. Si, d’aventure, un tel problème se posait, j’ose espérer que l’autorité du Premier ministre permettrait de le régler, quel que soit le ministère ayant la compétence directe.

Je le répète : il règne en la matière une véritable incohérence budgétaire et si je ne méconnais pas le caractère sensible du sujet, ce serait une dérive fâcheuse que d’introduire du communautarisme dans l’organisation de la maquette budgétaire de l’État.

Telle est la raison pour laquelle, monsieur le président, je maintiens l’amendement n° 247 de M. Jean-Pierre Brard, au nom de la MILOLF.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. le ministre de la fonction publique. Je n’ai jamais affirmé que l’ensemble de la fonction publique n’était pas sous l’autorité du Premier ministre, mais on ne saurait oublier, en termes d’instruction des dossiers, l’effet de proximité des services qui lui sont directement attachés. C’est pourquoi il nous paraîtrait plus commode de conserver l’organisation actuelle, d’autant que, je le répète, c’est le Premier ministre qui répond directement aux personnes dont les dossiers sont traités par ses services. Voilà toute la différence ! Si, sur le plan de l’orthodoxie budgétaire, vous avez raison, il n’en reste pas moins que les personnes qui écrivent au Premier ministre sont sensibles au fait de recevoir une réponse émanant directement de lui.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Je ne souhaite pas prolonger ce débat avec le ministre, qui a, je le sais, un arbitrage à défendre. Mais rien n’interdira au Premier ministre de répondre directement aux personnes concernées, une fois la cohérence recouvrée en matière budgétaire. Cela ne posera aucun problème, les conventions de gestion permettant de régler ce genre de difficulté, d’autant que, monsieur le ministre, je vous le rappelle, il s’agit en l’occurrence d’une mission interministérielle. C’est pourquoi, monsieur le président, si vous le voulez bien, nous pouvons passer au vote sur l’amendement.

M. le ministre de la fonction publique. Je partage ce dernier point de vue. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 264 et 228.

La parole est à M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Ces amendements identiques, adoptés en commission des finances, visent à faire passer un message à la fois simple et fort à l’École nationale d’administration, en matière de réforme de l’État. Ils visaient dans un premier temps à réduire de 1 million d’euros la subvention que l’État verse à l’École, non qu’ils soient dirigés contre elle, mais parce que le Parlement doit rappeler toute l’attention qu’il porte à la réforme de l’État.

Il convient tout d’abord de souligner que, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, l’ENA avait déjà bénéficié des crédits supplémentaires qu’elle avait demandés en vue de couvrir les frais de son déménagement à Strasbourg. Nous avions accédé à cette requête, même si, depuis plusieurs années, les interventions de M. Giscard d’Estaing, d’autres parlementaires, dont certains sont présents, ainsi que les miennes, tendaient à soutenir qu’il serait de bon ton que l’ENA diminuât ses crédits.

Ensuite, les effectifs globaux de l’École – qui regroupent les personnels permanents, les élèves et les stagiaires – n’ont pas diminué, alors qu’elle s’était engagée en ce sens. Ils passeront même de 591 à 610, si j’en crois le projet annuel de performances pour 2007.

De plus, les subventions inscrites au budget de 2007 sont supérieures de 600 000 euros à celles inscrites au budget de 2006.

C’est pourquoi nous proposons finalement d’ajuster cette diminution des crédits à l’augmentation demandée – c'est-à-dire à 600 000 euros –, afin de rappeler notre vigilance, en matière de meilleure gestion des deniers publics, à une école qui, chacun le reconnaîtra, doit se montrer exemplaire en la matière.

J’ajoute que 3,3 millions d’euros supplémentaires ont été affectés à l’École nationale d’administration en 2006 à partir du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », à la suite de la cession de l’immeuble du 13, rue de l’Université, dont 880 000 euros uniquement pour le paiement des loyers à la Fondation nationale des sciences politiques. Du reste, je tiens à préciser que ce n’est pas cette opération immobilière que je conteste, même si d’aucuns ont pu, ici même, s’interroger sur son bien-fondé, mais il s’agit pour moi de souligner que ce « prélèvement » de 3,3 millions, ajouté à l’augmentation de la subvention, donne le sentiment que l’exemplarité vantée par l’École nationale d’administration s’applique aux autres, mais pas à elle.

Ces amendements identiques n’ont donc pour seul objectif que de rappeler notre vigilance à ce sujet. Ils me semblent mesurés, puisqu’ils ne visent finalement qu’à revenir à l’augmentation de 600 000 euros, demandée dans le projet de loi de finances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Favorable.

En effet, ces amendements identiques vont dans le bon sens puisqu’ils visent à rappeler à l’École nationale d’administration qu’elle doit être exemplaire en matière de bonne gestion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Georges Tron a rappelé à juste titre que l’ENA remplit sa mission, puisqu’elle a tenu les objectifs qui lui avaient été fixés : la réforme de la scolarité est effective depuis le 1er janvier 2006 ; le transfert à Strasbourg s’est finalement passé dans de bonnes conditions, en dépit des réticences initiales ; les concours d’entrée et de sortie ont été réformés ; la formation européenne a été renforcée, puisque l’École a intégré le Centre des études européennes de Strasbourg et que nous avons mis en place le MEGA – le mastère européen de gouvernance et d’administration – avec une université allemande. L’ENA a donc atteint tous ses objectifs.

Le Gouvernement n’aurait pas pu être favorable à des amendements visant à réduire la subvention de l’ENA de 1 million d’euros, parce que leur adoption aurait fait tomber les crédits affectés à l’École à un niveau inférieur à celui de 2006. Or, je le répète, on a demandé beaucoup à l’ENA, qui a atteint ses objectifs. La proposition de 600 000 euros finalement faite par Georges Tron créera assurément des contraintes budgétaires pour l’École : toutefois, j’ai été sensible aux arguments que le rapporteur spécial a avancés et j’émets un avis favorable. Nous demanderons à l’ENA de faire des efforts supplémentaires afin de se satisfaire d’une enveloppe budgétaire identique à celle qui lui a été affectée l’année dernière.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La commission des finances, après avoir entendu le ministre, donne son accord pour que les deux amendements identiques soient ainsi rectifiés.

M. Jean-Pierre Gorges. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 264 et 228, tels qu’ils viennent d’être rectifiés.

(Ces amendements, ainsi rectifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 248.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances, pour le défendre.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Cet amendement, présenté par Jean-Pierre Brard, concerne le Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics. La commission des finances rejoint le Premier président de la Cour des comptes dans son souhait justifié de voir ce comité rattaché budgétairement à la Cour des comptes, et non plus aux services du Premier ministre.

Ce transfert irait de pair avec l’évolution attendue dudit comité en un comité pour la performance des services publics, et s’inscrirait d’ailleurs, vous nous l’accorderez, monsieur le ministre, dans la logique de la LOLF. Une réflexion menée par le Premier président de la Cour des comptes est en cours sur le sujet. Elle vise à réorienter l’action du Comité vers l’audit des services publics afin de mesurer le suivi de ses recommandations et de réaliser des guides méthodologiques.

Je souhaite donc savoir si le Gouvernement soutient cette évolution nécessaire et s’il est prêt à la mettre en œuvre. En fonction de votre réponse, monsieur le ministre, nous aviserons sur la manière de statuer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Le Gouvernement partage le point de vue que vient d’exposer le vice-président de la commission des finances. Le Premier ministre a chargé son cabinet d’étudier cette proposition parallèlement aux travaux menés par le Premier président de la Cour des comptes. Un processus interministériel est donc engagé et une réunion devrait avoir lieu dans les tout prochains jours. Le Gouvernement travaille en étroite relation avec la Cour des comptes et ne manquera pas de vous tenir informés.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Les propos du ministre sont rassurants. S’il pouvait nous confirmer que cette réflexion sera achevée d’ici à la fin de la discussion budgétaire et que le Parlement sera informé des décisions éventuellement prises dans ce délai, nous pourrions retirer l’amendement sans difficulté.

M. Jean-Pierre Gorges. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. le ministre de la fonction publique. Je militerai favorablement en ce sens, mais je ne puis vous en dire plus. (Sourires.)

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur le vice-président de la commission des finances ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 248 est retiré.

J’attire votre attention sur le fait que certains de nos collègues souhaitent partir, et que d’autres veulent revenir pour la séance de nuit. Non seulement il nous reste un certain nombre d’amendements à examiner, mais nous devons ménager un délai d’une heure et demie entre deux séances. Or il est l’heure – vingt heures – à laquelle nous avions prévu de lever la présente séance.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous discutons de seulement 86 000 euros. Ce comité d’enquête siège à la Cour des comptes et s’appuie essentiellement sur le travail de rapporteurs de la Cour des comptes, certes, mais aussi de rapporteurs originaires du Conseil d’État et d’autres corps de l’État. Franchement, nous pourrions voter l’amendement, la somme en jeu ne représentant presque rien.

M. le président. Je vous rappelle, monsieur de Courson, que l’amendement vient d’être retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 245.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Cet amendement présenté par Jean-Pierre Brard concerne, lui aussi, des questions de nomenclature budgétaire. Afin de répondre aux préoccupations exprimées par les autorités administratives indépendantes, cet amendement vise à individualiser les crédits qui leur sont destinés au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Ces crédits sont actuellement répartis entre trois actions du programme « Coordination du travail gouvernemental ». Or M. Brard considère qu’ils ne concourent pas à une telle politique publique, mais plutôt à une politique de défense et de protection des droits et des libertés.

M. Brard précise que cet amendement est « conforme aux positions de la MILOLF » – vous apprécierez la nuance par rapport à la formule : « soutenu par la MILOLF » –, laquelle ne souhaite pas caler les missions et les programmes sur les structures administratives. Ainsi, l’amendement vise à identifier une véritable politique publique qui ait du sens pour nos concitoyens. Il devrait également garantir, selon Jean-Pierre Brard, l’indépendance d’autorités aussi indiscutables que le Médiateur ou la Commission nationale de déontologie – j’y ajouterai volontiers la CNIL –, car aucune fongibilité des crédits n’est envisageable entre elles et les services ministériels.

Je vais donc, monsieur le président, vous laisser interroger M. le ministre, même s’il est vrai que nous avons déjà abordé cette question avec l’amendement n° 247.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Je suis favorable au retrait de cet amendement dans la mesure où le Premier ministre a été informé de ces remarques de bon sens qui l’ont conduit à mettre en place cette mission d’inspection sur les liens entre les autorités administratives indépendantes et les responsables de programmes. À la lumière des conclusions de ladite mission, des propositions seront élaborées.

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur le vice-président de la commission des finances ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 245 est retiré.

Je pourrai témoigner à Jean-Pierre Brard de votre acharnement et de votre efficacité à défendre ses amendements, monsieur Bouvard. J’espère qu’il saura s’en souvenir au cours des prochaines séances. (Sourires.)

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Il s’en souviendra !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 263.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement que M. Brard et M. Bouvard pourraient défendre ensemble dans la mesure où il s’agit, là encore, de procéder à une réaffectation, en l’occurrence à celle des dépenses de la DGAFP et du programme « Coordination du travail gouvernemental » vers le programme « Fonction publique ».

L’action 4 – « Coordination sectorielle » – du programme « Coordination du travail gouvernemental » comprend les crédits de personnels, c’est-à-dire le titre 2, l’action 10 – « Soutien » – du même programme, comprenant les dépenses logistiques, cependant que le programme « Fonction publique » ne comprend que les crédits d’intervention mis à la disposition de la DGAFP en matière de formation et d’action sociale.

D’abord, cette situation me paraît, comme Michel Bouvard l’avait explicité, contraire à l’esprit et à la lettre de la LOLF, selon laquelle les missions et les programmes doivent présenter les politiques publiques à coût complet. Ensuite, cette nomenclature conduit à occulter une grande partie – c’est cela qui est important – de la présentation de la stratégie en matière de fonction publique dans le projet annuel de performances. Le programme « Fonction publique » comporte seulement deux actions – la « Formation des fonctionnaires » et l’« Action sociale interministérielle » –, alors que la mission première de la DGAFP est le pilotage de la fonction publique.

La logique, d’après nous, commanderait donc la création d’une action nouvelle du programme « Fonction publique » qui couvrirait le pilotage de la fonction publique. Le responsable de ce programme pourrait alors devenir le directeur général de l’administration et de la fonction publique. L’amendement propose donc de transférer les 9,74 millions d’euros correspondant au sous-plafond d’emplois de la DGAFP – soit 159,5 ETPT –, du programme « Coordination du travail gouvernemental » vers le programme « Fonction publique ».

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des finances, pour donner l’avis de la commission.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Je trouve l’argumentation de Georges Tron d’une indiscutable cohérence. Reste nous nous heurtons à la gestion au quotidien. En effet, les effectifs de la DGAFP – 159,5 équivalents temps plein –, n’atteignent pas une taille critique suffisante pour être gérés de manière individualisée.

En revanche, si l’on se situe dans le cadre de l’ensemble des services du Premier ministre, qui comptent environ 2 500 équivalents temps plein travaillé, nous disposons de beaucoup plus de souplesse dans la gestion du déroulement des carrières et en matière de fongibilité des crédits.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit retiré car il nous poserait une réelle difficulté de gestion s’il était adopté. Gérer de manière isolée 159 ou 160 personnes reste compliqué. Les possibilités offertes dans le cadre général des services du Premier ministre se révèlent bien meilleures.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je ne vais pas reprendre mon argumentation, mais je crois que nous sommes confrontés à une véritable contradiction. Dès lors, je souhaite connaître l’avis de M. le ministre sur l’opportunité d’une convention de gestion.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Cela réglerait le problème !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, auquel le rapporteur spécial vient de tendre une perche…

M. Jean-Pierre Dufau. Il s’agit plutôt d’un bâton !

M. le ministre de la fonction publique. Une telle convention nous donnerait en effet une certaine souplesse dans la gestion du personnel, mais pas forcément en ce qui concerne la fongibilité des crédits. Je reste malgré tout sensible à la cohérence de votre argumentation, monsieur Tron. Aussi ne suis-je pas opposé à ce que nous cherchions un accord sur ce point. Je suis prêt à m’engager sur la définition d’une convention de gestion si l’amendement est retiré.

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 263 est retiré.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », modifiés par les amendements adoptés.

(Les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous en venons à un amendement, n° 265, portant article additionnel après l’article 47 du projet de loi de finances.

Après l’article 47

M. le président. Pour défendre l’amendement n° 265, la parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Cet amendement se conçoit aisément. Il s’agit de demander au Gouvernement de présenter en annexe générale au projet de loi de finances – dans un « jaune » budgétaire – un rapport annuel sur l’état de la fonction publique et de ses effectifs. Nous disposons aujourd’hui, certes, de documents remarquables comme celui de l’Observatoire de l’emploi public, intitulé Faits et chiffres. Mais ils ne nous parviennent pas toujours en temps voulu. Il s’agirait donc de les présenter en annexe afin de disposer de tous les éléments nécessaires à une bonne discussion.

À cet égard, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger, en premier lieu, sur la mutuelle complémentaire des fonctionnaires.

Comme vous le savez, à la suite des recommandations de la Commission européenne de juillet 2005 et de l’arrêt du Conseil d’État de septembre 2005, qui remettaient en cause le système d’aides aux mutuelles des fonctionnaires, le dispositif objet de la contestation a été abrogé. Une disposition législative a été introduite dans le projet de loi de modernisation et donnera l’assise juridique nécessaire à une aide des employeurs publics. Le Gouvernement sera en effet en mesure de mettre en place en 2007 une participation à la protection sociale des fonctionnaires. Je souhaite savoir si les moyens nécessaires seront budgétés.

En second lieu, je souhaite savoir ce que le Gouvernement envisage pour remédier aux disparités de rémunérations dans la fonction publique et pour parvenir à davantage de transparence en la matière. En effet, on a constaté de longue date que ces disparités constituent de véritables freins à la mobilité, alors même que le Gouvernement fait de celle-ci un des axes majeurs de son action. Ces différences apparaissent par ailleurs pour de nombreux fonctionnaires comme profondément injustes. Je vous demande donc ce que le Gouvernement entend faire à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique. Voilà un excellent amendement ! Comme vous le relevez à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, les données fournies dans le rapport Fonction publique – Faits et chiffres ou dans celui de l’Observatoire de l’emploi public ne sont pas transmises à la représentation nationale. Or, étant donné la fréquence des débats sur ces sujets, il est important que le Parlement bénéficie d’informations sur les effectifs des trois fonctions publiques, les établissements administratifs, les rémunérations, l’évolution des pensions ou le temps de travail. L’avis du Gouvernement est donc tout à fait favorable.

S’agissant des mutuelles et de la protection sociale complémentaire, si l’arrêt du Conseil d’État et l’avis de la Commission européenne ne remettent pas en cause la participation de l’État employeur aux mutuelles, ils nous obligent en revanche à rebâtir un cadre juridique. Les mutuelles ont ainsi mis en place une comptabilité analytique stricte. Après plusieurs voyages à Bruxelles avec les représentants des mutuelles et des fonctionnaires, nous en sommes aujourd'hui à la phase de concrétisation des textes. Une première réunion s’est tenue hier avec les partenaires sociaux et les mutuelles. La rédaction avance bien et nous pouvons espérer en avoir terminé au tout début de l’année prochaine.

En ce qui concerne la transparence des rémunérations, vous avez parfaitement raison. J’ai institué au début de l’année, avec sept ministères volontaires, des conférences de gestion des ressources humaines réunissant chaque mois les DRH des départements concernés autour du directeur général de l’administration et de la fonction publique. Nous souhaitons aller plus loin. Des échanges de bonnes pratiques ont été mis en place. Dès le 1er janvier 2007, les conférences de GRH seront étendues à l’ensemble des ministères afin de mettre à plat aussi bien les progressions de carrière, le régime indemnitaire, sur lequel toute la transparence doit être faite, que la question de la fusion des corps, dans la perspective d’une amélioration de la mobilité. Au cours de la seule année 2006, deux cent trente-quatre corps ont été fusionnés, soit 25 % du total, contre cinq seulement en 2005.

Telles sont, monsieur le rapporteur spécial, les réponses que je voulais apporter à ces questions qui n’ont rien de subsidiaire.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Merci, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je trouve moi aussi cet amendement excellent, mais il vaut mieux parler des effectifs des agents publics, et non des effectifs des fonctions publiques : les fonctionnaires ne constituent qu’une catégorie d’agents publics, à côté des contractuels, des ouvriers d’État, etc. Je suggère donc de rectifier l’amendement en substituant aux mots : « des fonctions publiques territoriales, hospitalières et de l’État », les mots : « des agents publics territoriaux, hospitaliers et de l’État ».

M. le président. Acceptez-vous cette rectification, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président.

M. le président. Et vous, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la fonction publique. Tout à fait ! Quel perfectionnisme ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Mission
« gestion du patrimoine immobilier de l’état »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », inscrits à l’état D.

État D

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 266.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour le soutenir.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Cet amendement est une nouvelle illustration de l’intérêt que la commission des finances porte aux questions liées à l’immobilier de l’État. Beaucoup de progrès ont été effectués en ce domaine, ce qui fait d’autant mieux ressortir ce qui paraît ne pas aller dans le bon sens.

La règle générale veut que le produit des cessions immobilières de l’État soit affecté à hauteur de 15 % au désendettement de l’État et de 85 % aux dépenses immobilières des ministères qui ont procédé aux cessions. Or, à la fin de l’année dernière, l’ENA a cédé son immeuble du 13, rue de l’Université à la Fondation nationale des sciences politiques, laquelle a contracté un emprunt pour financer l’opération. La Fondation étant classée parmi les organismes divers d’administration centrale, sa dette est comptabilisée dans celle des administrations publiques au sens du traité de Maastricht.

Sur les 46,3 millions d’euros de la transaction, 6,95 millions, soit exactement 15 %, ont été affectés au désendettement de l’État, et 39,4 millions ont été inscrits sur le CAS.

M. Louis Giscard d’Estaing et moi-même avons constaté que 3,3 millions d’euros ont déjà été prélevés sur cette dernière somme et mis à la disposition des services du Premier ministre pour divers paiements, dont celui des loyers. Nous retrouvons donc les arguments que nous avons fait valoir en soutenant notre amendement visant à diminuer de 600 000 euros les crédits de l’ENA. Puisqu’il reste 36,1 millions sur le CAS, nous proposons par l’amendement n° 266 de les « sanctuariser » et de les affecter au désendettement, au lieu de les prélever petit à petit pour financer des dépenses.

Par ailleurs, les opérateurs de l’État qui mettent en œuvre certains volets des politiques publiques doivent tous conclure un contrat d’objectifs et de moyens avec le responsable de leur programme LOLF de rattachement. La DGAFP a conclu de tels contrats avec les IRA, mais pas avec l’ENA. Or, seul un tel contrat permettrait d’avoir une lisibilité pluriannuelle des évolutions en termes de crédits, d’effectifs et de besoins d’investissement. Le Gouvernement peut-il nous indiquer quand le contrat d’objectifs et de moyens pourra être signé avec l’ENA ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 266.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Votre analyse sur ce sujet est remarquable, monsieur le rapporteur spécial, et je vous remercie de la précieuse contribution que vous apportez à la réorganisation complète de la politique immobilière de l’État.

La cession de l’immeuble de l’ENA à la Fondation nationale des sciences politique est une excellente opération. La FNSP a en effet pris l’engagement vis-à-vis du Gouvernement de restructurer entièrement son immobilier : elle libère vingt-quatre de ses trente-trois sites parisiens, dont elle était locataire. Par ailleurs, elle a financé l’acquisition sur fonds propres à hauteur de 5 millions, et le remboursement de l’échéance de l’emprunt ne crée pas de dépense supplémentaire, puisqu’il est assuré grâce aux économies de loyer et de coût de fonctionnement induites.

Cela dit, vous avez raison : au sens « maastrichtien » du terme, cela alourdit la dette publique – un alourdissement correspondant à 0,003 % de son montant total. Certes, il n’y a pas de petites économies pour un ministre du budget, mais admettez que c’est ici, avant tout, une affaire de principe.

Le message étant reçu cinq sur cinq, je vous propose néanmoins de retirer votre amendement. Le Gouvernement doit en effet s’assurer que tous les relogements prévus s’inscrivent dans une démarche de modernisation et d’optimisation. En aucun cas, le produit de cette cession ne doit financer les dépenses courantes de l’ENA : j’en prends l’engagement devant vous et je serai intraitable sur ce point, car le contribuable doit y trouver son compte.

D’autre part, après nous être longuement concertés, mon collègue Christian Jacob et moi-même avons estimé qu’il était impensable que le directeur de l’ENA ne signe pas un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État dans les plus brefs délais et sur une base qui soit en parfaite cohérence avec le travail engagé avec moi par tous les autres ministères, notamment ceux des affaires étrangères et de l’équipement, mais aussi par la totalité des directions du ministère de l’économie et des finances. Le ministre de la fonction publique vient de me confirmer qu’il engagera dès lundi (Sourires) avec le directeur de l’École nationale d’administration la négociation d’un contrat d’objectifs et de moyens. Cela améliorera la visibilité dudit directeur – ce qui ne sera pas du luxe – et permettra aux élèves de se familiariser avec cette pratique qui sera demain, comme les audits, leur hygiène de vie quotidienne !

M. Charles de Courson. Des travaux pratiques, en somme !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous le voyez, monsieur le rapporteur spécial, M. Jacob et moi-même sommes extrêmement mobilisés sur ces sujets. Merci encore de nous avoir ainsi aiguillonnés au service de l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Vous nous avez parfaitement répondu sur la cession immobilière, monsieur le ministre, mais pas sur le problème de la dette. Au cours des derniers mois, vous n’avez cessé de nous expliquer que c’était grâce à des cessions d’actifs que nous maîtrisions l’évolution de notre endettement. Vous avez mis en exergue la nécessité absolue de mieux valoriser les actifs – participations de l’État ou immobilisations – pour maîtriser la dette. Or l’opération concernée, du fait de l’identité de l’acquéreur, augmente la dette de l’État. Ce problème appelle une réponse de votre part. On ne peut pas dire à certains moments que l’on utilise la vente d’actifs pour diminuer la dette et, à d’autres, que ces mêmes ventes peuvent la faire augmenter !

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Très juste !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si l’immeuble de l’ENA avait été acquis par un preneur privé, le problème ne se poserait pas !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous avez tout aussi raison que M. Tron, monsieur le rapporteur général, mais permettez-moi d’en appeler un instant à votre légendaire pragmatisme.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela commence mal ! (Sourires.)

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Le directeur de Sciences-Po, dont chacun connaît les grandes qualités, est venu me voir peu après ma prise de fonctions pour s’informer du programme de cessions immobilières de l’État que j’avais lancé. Étant locataire de vingt-quatre immeubles dans Paris, qui lui coûtaient une fortune, il m’a proposé d’acquérir l’immeuble de l’ENA en contractant un emprunt – comme l’aurait fait un acheteur privé – pour une partie et en finançant le reste sur fonds propres. Ce faisant, il rationalisait la gestion de son établissement. Cela contribue, certes, à l’endettement de l’État, mais, dans le cas d’espèce, l’opération m’a semblé pertinente et je lui ai donné mon agrément. La philosophie que nous mettons en application n’en est nullement modifiée. C’est une exception à la règle, mais elle me paraît fondée.

De plus, je le répète, il n’est pas question d’abonder ainsi le fonctionnement de l’ENA : ce serait tomber dans le grotesque !

La FNSP contribue à la dette au sens de Maastricht, mais fallait-il lui interdire de réduire ses dépenses de fonctionnement pour ce seul motif ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je suis sensible à ce que vient d’indiquer M. le ministre. Je ne remets pas en cause l’opportunité de l’opération, à laquelle j’ai d’ailleurs apporté ma modeste contribution,…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Importante contribution !

M. Georges Tron, rapporteur spécial. …même s’il est vrai qu’elle contribue à l’augmentation de la dette. Ce qui me gêne, c’est que les quelque 36 millions d’euros restants puissent être utilisés pour des dépenses courantes. Nous n’avons pas supprimé 600 000 euros de dotations d’État à l’ENA pour lui constituer une cassette dans laquelle elle puiserait à loisir. Vous m’avez convaincu, monsieur le ministre, que vous serez vigilant quant à l’utilisation de ces sommes, et puisque M. Jacob se penchera dès dimanche soir sur le contrat d’objectifs, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 266 est retiré.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

(Les crédits de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » sont adoptés.)

mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », inscrits à l’état D.

État D

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

(Les crédits de la mission « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » sont adoptés.)

mission « Régimes sociaux et de retraite »

^M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », inscrit à l’état B.

État B

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

(Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont adoptés.)

mission « Pensions »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Pensions », inscrits à l’état D.

État D

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Pensions ».

(Les crédits de la mission « Pensions » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007, n° 3341 :

Rapport, n° 3363, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Articles non rattachés : articles 38 à 40 ; articles 34 (et état B annexé), 35 (et état C annexé), 36 (et état C annexé), 37 (et état E annexé).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente.)

compte rendu de commissions Élargies


Commission des finances, de l’économie générale et du plan

Réunion du 2 novembre 2006
(en application de l’article 117 du règlement)

Mission « Participations financières
de l’État »
Mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics »

Sommaire

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. François Brottes.

M. Jean-Pierre Balligand.

M. Pierre Cohen.

M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Hériaud.

M. le rapporteur spécial.

M. le président de la commission des finances.

M. François Brottes.

Mme la ministre déléguée.

M. François Brottes.

Mme la ministre déléguée.

M. le président de la commission des finances.


Présidence de M. Pierre Méhaignerie

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous allons aborder l’examen en commission élargie des crédits des missions « Participations financières de l’État » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».

Mes chers collègues, avant de donner la parole à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur, je rappelle que la commission élargie est une formule qui demande souplesse et dynamisme dans les débats. Je souhaite que chacun se restreigne à des interventions courtes, de manière à éviter de reproduire ici des discussions générales et des monologues successifs. Je crois que le nombre restreint des participants nous le permettra…

Madame la ministre, vous avez la parole.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, avant de vous présenter de façon plus précise la situation globale des participations de l'État, je voudrais vous rappeler brièvement d'où nous venons et le chemin parcouru au cours de la législature, grâce en particulier à l'impulsion donnée par certains d'entre vous.

L'année 2001 a été marquée par la dégradation des comptes des entreprises publiques, avec un déficit cumulé de plus de 10 milliards d’euros, donc une baisse du même ordre des capitaux propres et une hausse de l'endettement de ces entreprises. Cette situation très dégradée avait conduit le Gouvernement à charger M. Barbier de La Serre d'une réflexion sur la redéfinition du rôle de l'État actionnaire, et votre Assemblée, à l'initiative de M. Patrick Ollier et de vous-même, monsieur le président, à créer une commission d'enquête, présidée par M. Douste-Blazy, « tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision ». Le rapport Barbier de La Serre a été rendu en février 2003, et le vôtre, monsieur Diefenbacher, en juillet 2003. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui et de vous rendre compte du chemin parcouru depuis lors, en particulier sur la base des recommandations qui étaient contenues dans ce rapport.

Le chemin parcouru peut être résumé au travers de trois séries de remarques.

En premier lieu, un constat s’impose : la situation des entreprises publiques s'est considérablement redressée, et particulièrement au cours des derniers mois.

La sixième édition du rapport relatif à l'État actionnaire, annexé au projet de loi de finances, présente la première édition des comptes combinés sous les normes IFRS, ainsi que les comptes 2004 pro forma, afin de permettre de mesurer les évolutions. Ces comptes font apparaître, à périmètre comparable, une progression de 5,7 % du chiffre d'affaires – qui s'établit ainsi à 149 milliards d’euros – et un quasi-doublement du résultat net, à 12,4 milliards d’euros.

Il s’ensuit une nette amélioration des ratios de solvabilité des entreprises publiques : alors que leur dette représentait plus de huit fois les capitaux propres en 2002, elle ne s’élevait plus qu’à 1,9 fois ceux-ci à la fin de l’exercice 2005.

Les indicateurs de performance qui vous sont soumis sont donc « au vert ». La rentabilité opérationnelle des capitaux employés est passée en un an de 10,8 % à 11,6 % ; la rentabilité financière des capitaux propres de 19,7 % à 24,4 %, la marge opérationnelle de 11,9 % à 12,3 %. Et la solvabilité s'améliore, puisque la dette est passée de 3,9 années d’EBITDA, c’est-à-dire de résultat avant impôt – earning before interest, taxes, depreciation and amortization –, à 3,2 années.

Il faut évidemment prendre ces chiffres avec un certain recul, notamment du fait qu’ils sont fortement tributaires des résultats de quelques-unes des plus grosses entreprises. Celles qui évoluent dans le secteur de l’énergie, en particulier, bénéficient de tendances de prix très favorables à l’augmentation de leur chiffre d’affaires. Il n’en reste pas moins qu’ils traduisent de façon incontestable une situation de notre portefeuille nettement meilleure que celle qui prévalait il y a trois ans.

La bonne santé des entreprises publiques est aussi un gage de la qualité du service public rendu, pour celles d'entre elles qui remplissent de telles missions. En effet, pour assurer la meilleure qualité du service rendu, aujourd'hui et plus encore demain, il faut que les entreprises qui l'assurent soient en mesure d’investir, que ce soit dans des infrastructures ou dans la technologie. Il faut donc que ces entreprises aient une structure financière saine. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’opposer les résultats financiers, qui seraient bons, à la qualité du service public, qui se serait dégradée. Au contraire, il existe un lien étroit entre de bons résultats financiers et un bon service public.

Ma deuxième série d’observations concerne la gouvernance.

L'un des principaux points relevés par les deux rapports de 2003 était la nécessité de clarifier et de formaliser le rôle de l'État actionnaire.

L'État, même quand il n’est pas actionnaire des entreprises, n’en a pas moins une responsabilité. De par sa vocation, il représente ceux qui ne sont pas représentés, c’est-à-dire les générations futures et l’intérêt général. Lors des projets d'OPA non sollicités, par exemple, il est parfaitement légitime que l'État intervienne et fasse valoir son point de vue en tant que partie prenante.

Mais l'État a aussi un deuxième type de responsabilité dans sa relation avec les entreprises. Lorsque l'exécution d'un service public est concernée, il doit fixer le cadre dans lequel ce service doit être rendu, tant pour la protection des bénéficiaires de ce service que pour celle des entreprises qui peuvent y prétendre. Il doit définir les obligations correspondant au service public, à la hauteur des exigences que nos concitoyens sont en droit d’avoir, et ce de façon aussi transparente que possible. Il doit aussi s'assurer de la bonne exécution de ce service. C'est par le cadre mis en place, c'est-à-dire essentiellement par le contrat de service public, par la Commission de régulation de l’énergie et par les tarifs réglementés, que nous garantissons à nos concitoyens un service public de l'énergie, gaz et électricité, de la manière la plus indépendante possible.

L'État a, enfin, une responsabilité en tant qu'actionnaire, pour les entreprises dans lesquelles il détient une participation, que celle-ci soit minoritaire, majoritaire ou exclusive. C'est de cette responsabilité, bien distincte des deux autres, qu'a été chargée l’Agence des participations de l’État lors de sa création, il y a maintenant trois ans.

L'exercice de cette responsabilité amène l'État, en tant qu'actionnaire, à s'exprimer au sein des instances de gouvernance des entreprises où il est représenté par des administrateurs, dans 1e plein respect des principes de bonne gouvernance. En particulier, les administrateurs représentant l'État y délibèrent, avec les autres administrateurs, sur les orientations proposées par la direction de l'entreprise, qui a la charge de définir les choix stratégiques, industriels et financiers. S'agissant de la gouvernance des entreprises publiques, le Gouvernement a pris un soin particulier, outre la création de l'Agence des participations de l’État, à mettre en œuvre les recommandations des deux rapports de 2003 que j'ai cités. La charte des relations entre l'agence et les entreprises a été définie, et l'agence approfondit la mise en place des bonnes pratiques, s'agissant en particulier de la compétence du conseil d'administration, de la création des comités, notamment du comité d’audit, et de la qualité du dialogue avec elle.

En troisième lieu, on constate que les participations financières de l'État contribuent largement à l'effort de désendettement de celui-ci. En 2006, grâce essentiellement à la cession des sociétés d'autoroutes et au débouclage de l'opération Alstom, qui s'est traduite par une plus-value de près de 2 milliards d’euros, ce sont plus de 17 milliards d’euros de recettes qui auront été constatées sur le compte d'affectation spéciale, et ces sommes auront été quasi intégralement affectées au désendettement de la France.

Pour 2007, le Gouvernement s'est fixé, comme vous le savez, l’objectif d’une baisse supplémentaire de l'endettement public d’un point du produit intérieur brut. Au total, en deux ans, si cet objectif est tenu, ce que nous espérons, l'endettement public aura baissé de trois points du PIB.

Comme en 2006, les produits de cession seront affectés autant que possible au désendettement. S'agissant des cessions, nous tablons forfaitairement sur 5 à 10 milliards d’euros de recettes de cessions d'actifs financiers non stratégiques de l'État en 2007, comme indiqué dans notre programme pluriannuel de désendettement.

Dans le contexte, que je viens de décrire, de nette embellie des comptes, de définition rigoureuse du métier d'actionnaire et de priorité au désendettement, le Gouvernement a inscrit pour l’année prochaine un montant de cessions forfaitaire de 5 milliards d’euros, défini comme les années précédentes – hormis 2006, compte tenu de la cession, alors en cours, des sociétés d'autoroutes, qui représentait un montant beaucoup plus important – en proportion du portefeuille total de participations de l’État. Ce montant sera affecté au désendettement, une fois provisionnées les opérations utiles à la bonne valorisation et à 1'« entretien » du portefeuille. Celles-ci représenteront a priori 1,4 milliard d’euros l'année prochaine, ce qui conduit à inscrire 3,6 milliards d’euros pour le désendettement.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les députés, les recettes et crédits de la mission « Participations de l'État ».

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord rappeler que la loi de finances pour 2006 prévoyait, pour la mission « Participations financières de l’État », un seul programme : « Opérations en capital intéressant les participations financières ». Cette année, outre ce programme, la mission en comporte un second, consacré exclusivement au désendettement de l’État et des entreprises publiques. Cela souligne l’importance accordée par le Gouvernement au désendettement, et le lien entre les privatisations et celui-ci.

Je ne reviendrai pas sur l’évolution de la situation financière des entreprises publiques, qui vient d’être présentée par Mme la ministre. Je soulignerai seulement que ce redressement remarquable a été opéré de deux manières : en premier lieu par une amélioration de la gestion des entreprises elles-mêmes, mais aussi par un changement profond de la politique de l’État à l’égard de ces entreprises publiques.

L’amélioration de la gestion des entreprises peut être illustrée à travers trois exemples. Le premier est le recentrage sur l’Europe de leur expansion internationale. Le cas le plus remarquable est celui d’Électricité de France, qui a cédé ses participations en Amérique latine et s’est recentrée sur le marché européen. Ainsi, alors que le résultat net de son activité internationale accusait un déficit de 2,7 milliards d’euros, il dégageait en 2005 un excédent de 1,7 milliard d’euros.

Le deuxième exemple de l’amélioration de la gestion des entreprises publiques est la maîtrise des dépenses de personnel. Elles ont été stables, en volume, en 2005 par rapport à 2004. Compte tenu de l’augmentation des rémunérations individuelles, ce résultat n’a pu être obtenu que par une maîtrise des effectifs, qui ont diminué de 11 500 dans les cinq principales entreprises publiques, les efforts les plus importants ayant été faits par La Poste et France Télécom, avec respectivement une baisse de 5 300 et de 4 000.

Par ailleurs, les efforts qui ont également été consentis en vue de l’amélioration de la rentabilité sont probablement la conséquence de l’ouverture à la concurrence.

Quand au profond changement de la politique de l’État, il peut être illustré de deux manières, et en premier lieu par la professionnalisation de l’État actionnaire. C’est le rôle désormais dévolu à l’Agence des participations de l’État, créée en 2004, et qui est désormais le partenaire incontournable des entreprises publiques. Sa mission est claire : défendre les intérêts patrimoniaux de l’État. Elle dispose de moyens renforcés, puisqu’elle compte au 1er septembre 2006, 57 agents, dont 12 contractuels, alors que l’ancien service des participations de l’État comptait environ 30 fonctionnaires.

En second lieu, la politique de l’État est désormais caractérisée par son pragmatisme. Elle est en effet libérée de tout a priori idéologique. Au cours des cinq années qui viennent de s’écouler, plusieurs opérations importantes ont été menées, à commencer par des ouvertures de capital sans cessions d’actifs, c’est-à-dire sans bénéfice immédiat pour le budget de l’État, ce qui reflète une politique industrielle de l’État pour ses entreprises publiques. Je pense en particulier à l’ouverture, en 2004 et 2005, du capital des sociétés autoroutières, de Gaz de France, de France Télécom, d’Électricité de France, et à celle, au cours de l’été 2006, du capital d’Aéroports de Paris.

Par ailleurs, certaines opérations ont été menées sous forme de cessions d’actifs, c’est-à-dire avec un retour pour le budget de l’État. Leur montant, au cours des quatre dernières années, a été particulièrement important : 50 milliards d’euros. Le bénéfice n’est pas seulement pour le budget de l’État. L’intérêt est également industriel : permettre aux entreprises de nouer des partenariats extérieurs. C’est le cas d’Air France avec KLM, ou, plus récemment, de Gaz de France avec Suez. Ces opérations permettent en outre de financer les investissements considérables que doivent réaliser les entreprises publiques. Le besoin de financement d’EDF entre 2006 et 2010 est de 40 milliards d’euros. Il est clair que des investissements de cette importance ne pourront pas être financés par les seuls apports en capital de l’État.

J’ajouterai toutefois que ce redressement, si important soit-il, ne suffit pas à régler l’ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les entreprises publiques. Deux problèmes majeurs subsistent. Le premier est celui de leur compétitivité, obérée par des charges de personnels qui sont plus importantes que celles de leurs concurrents. J’en citerai deux exemples. La masse salariale de La Poste représente aujourd’hui un peu plus de 60 % de son chiffre d’affaires, contre moins de 35 % pour ses concurrents allemands et néerlandais. S’agissant d’EDF, même si le constat est moins alarmant, sa masse salariale représente 18,6 % de son chiffre d’affaires. Cette proportion varie entre 8,1 % et 12,8 % pour ses concurrents allemands, britannique et espagnol.

Le second problème, qui commence seulement à trouver une solution, est celui du financement des retraites, que mes collègues aborderont certainement tout à l’heure.

Deux choses restent probablement à faire dans ce domaine. D’une part, la question se pose, et elle est particulièrement sensible, de l’alignement des droits des régimes spéciaux sur les autres régimes. D’autre part, nous n’avons pas, pour le moment, commencé à traiter le problème particulier de la SNCF.

Je voudrais en venir rapidement aux incidences de la gestion des entreprises publiques sur le budget de l’État.

La première est l’augmentation des dividendes qui ont été versés à l’État par les entreprises publiques. Ils s’élevaient à 2,4 milliards d’euros en 2002, et atteignent 4,3 milliards d’euros en 2006. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit 7,6 milliards d’euros, c’est-à-dire un triplement en cinq ans et une entrée de fonds pour l’État de 20 milliards d’euros sur l’ensemble de la législature, ce qui est loin d’être négligeable.

La deuxième conséquence est l’augmentation considérable des recettes tirées des cessions d’actifs, qui se sont élevées à 50 milliards d’euros sur la période 2002-2006, dont 17 milliards pour la seule année 2006. C’est le résultat de ce que l’on a appelé une gestion « décomplexée » des participations de l’État.

La troisième conséquence sur le budget de l’État est l’allégement de la dette. Il faut rappeler les trois grandes affectations des recettes des privatisations au cours des quatre dernières années. Il s’agit, en premier lieu, des dotations et avances à des entreprises publiques. C’est en effet grâce aux recettes des privatisations que l’on peut continuer à financer la restructuration du GIAT et la modernisation du fret de la SNCF. Ces dotations et avances ont représenté 14 % de la totalité des recettes de privatisation.

En deuxième lieu, ces recettes ont été affectées à des subventions destinées à financer certaines actions gouvernementales jugées prioritaires, en particulier le développement de la recherche, avec la création de l’Agence de l’innovation industrielle, et le financement des infrastructures, permettant à l’État de respecter ses engagements pris au titre des contrats de plan État-régions. Ces subventions ont représenté 21 % de la totalité des recettes de privatisation.

La troisième affectation de ces recettes, au cours des quatre dernières années, a été, à hauteur de 65 %, le désendettement.

Dans le projet de loi de finances pour 2007, les recettes des privatisations sont évaluées à 5 milliards d’euros. Il faut observer que ce chiffre est substantiellement inférieur à la moyenne des quatre dernières années, qui a été de 9 milliards d’euros. Il s’agit donc à la fois d’une prévision prudente et, probablement, d’un message adressé à l’opinion publique et aux partenaires sociaux : il ne devrait pas y avoir de grandes opérations de privatisation au cours de l’exercice 2007.

Concernant l’affectation des recettes de privatisation prévues pour 2007, on retrouve les trois grandes catégories que j’évoquais à l’instant, mais dans des proportions un peu différentes : 650 millions d’euros pour les dotations, avances et achats de titres, ce qui représente 13 % au lieu de 14 % au cours des quatre années précédentes ; 750 millions d’euros pour les subventions et autres dotations, soit 15 % des recettes au lieu de 21 %, cette somme devant servir intégralement à financer la soulte payée par l’État à la Caisse nationale d’assurance vieillesse pour l’adossement des retraites de la RATP ; 3,6 milliards d’euros, enfin, pour le désendettement, soit 72 % des recettes au lieu de 65 %, ce qui souligne une fois encore la priorité absolue réservée désormais au désendettement de l’État.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je constate que M. le rapporteur spécial s’est exprimé en des termes extrêmement feutrés. Il est le spécialiste de ce style, que j’ai pu apprécier lors des travaux de la commission d’enquête.

On pourrait s’étonner, madame la ministre, mais c’est là une remarque de pure forme, que ce soit la ministre chargée du commerce extérieur qui vienne nous parler des entreprises publiques chargées de missions de service public à l’intérieur de nos frontières. Mais après tout, le Gouvernement peut légitimement avoir pour objectif que les perspectives d’exportation de nos entreprises publiques soient aussi larges que possible. On ne saurait lui en faire le reproche.

Je remarque d’autre part, monsieur le rapporteur spécial, que vous avez omis de rappeler que si la mission « Participations financières de l’État » comporte cette année deux programmes et non plus un seul, c’est parce que le Conseil constitutionnel, saisi par un certain nombre de députés du groupe socialiste, a considéré que l’existence d’un seul programme au sein de cette mission n’était pas tout à fait recevable. J’ai toutefois bien compris que ce n’est pas à dessein que vous avez omis de préciser ce point, mais seulement parce que le temps qui vous était imparti était limité…

Madame la ministre, vous avez eu l’honnêteté de dire que vous nous proposiez des comparaisons à périmètre comparable. Dont acte, car le périmètre, de fait, n’est pas comparable. Les entreprises publiques de 2001 et celles d’aujourd’hui ne peuvent plus être comparées. Je veux le rappeler ici parce que M. Breton a laissé entendre à plusieurs reprises, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2007, qu’il y avait eu plus de privatisations à une époque qu’à une autre. Or, j’ai quelques chiffres qui montrent que, depuis le début de la présente législature, les recettes de privatisation ont été de 40,2 milliards d’euros, contre 27,4 milliards d’euros sous le gouvernement de Lionel Jospin. Le montant des privatisations est donc bien plus élevé aujourd’hui, et, surtout, le périmètre des entreprises publiques est loin d’être constant.

On peut se réjouir que Gaz de France, EDF et La Poste soient en meilleure santé financière parce qu’elles dégagent plus de résultats. Mais vous oubliez de nous dire à quel prix : à quel prix pour les consommateurs, à quel prix pour les usagers, à quel prix pour nos entreprises. C’est bien l’augmentation du tarif du gaz par Gaz de France, de l’électricité par EDF, du timbre par La Poste, qui permet à ces trois entreprises des rentrées d’argent plus importantes. Pourquoi pas ? Mais il faut mettre en regard de ces résultats le nombre d’entreprises – et le président Méhaignerie connaît bien ce dossier – qui sont contraintes d’arrêter leur activité parce qu’elles n’arrivent plus à acquitter leurs factures d’énergie. On peut donc se réjouir que les comptes des entreprises, et en particulier de celles que vous avez citées, se redressent, mais encore faut-il, quand on fait le bilan, mesurer le prix que paient les acteurs économiques de notre pays pour vous permettre d’afficher dans cette enceinte de meilleurs résultats.

S’agissant des privatisations, on a noté que les prix de cession ont été à chaque fois sensiblement inférieurs à ce qu’étaient les prix de marché un ou deux mois après la cession. C’est quelque peu dommageable du point de vue des recettes de l’État. Il semble que l’on ait choisi de céder les actifs à un prix extrêmement attractif. Je ne suis pas sûr que les Français – c’est-à-dire la nation – en aient tiré le meilleur parti.

M. le rapporteur spécial nous a dit que l’année 2007 serait une année calme en matière de privatisations. On comprend pourquoi. D’une part, le mal est fait, pourrait-on dire – mais ce n’est pas ainsi que je devrais m’exprimer –, et d’autre part, nous sommes à la veille d’une échéance électorale importante. Cela étant, M. le rapporteur spécial nous annonce des recettes de l’ordre de 3,5 milliards d’euros. Même si c’est peu, il serait intéressant que vous nous disiez de quelles opérations il s’agit. Nous sommes là pour avoir une vue prospective des engagements de l’État dans ce domaine, et il est important que vous dressiez pour nous la liste des cessions auxquelles correspondent ces 3,5 milliards d’euros.

Vous aviez suggéré, avec d’autres, monsieur le rapporteur spécial, la mise en place d’une Agence des participations de l’État. Elle devait être le remède magique aux maux qu’aurait entraînés une gestion parfois hasardeuse ou manquant de transparence. Je ne reprends pas là les termes précis de votre rapport, mais c’est le constat que vous faisiez. Or, je voudrais que vous nous disiez précisément, madame la ministre, quel rôle a joué l’agence dans les derniers événements relatifs à EADS, ainsi que dans ceux qui concernent Gaz de France et sa fusion avec Suez. Nous avons posé la question, mais nous ne savons même pas si cette agence existe encore. Très honnêtement, sur ces deux dossiers d’actualité, on peut difficilement imputer quoi que ce soit au gouvernement soutenu par la majorité précédente.

Je voudrais également, madame la ministre, que vous nous disiez quel est, pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, le manque à gagner lié à la privatisation des sociétés autoroutières, puisque cette agence était notamment alimentée par le produit des concessions.

Enfin, il est, nous semble-t-il, regrettable que, sous votre majorité, le Fonds de réserve des retraites ne soit plus, ou quasiment plus abondé, et qu’en tout état de cause aucun fonds lié aux privatisations ne l’abonde, alors que les générations futures auxquelles vous faisiez allusion, madame la ministre, comprennent des jeunes mais aussi des vieux, et sont concernées par la nécessité de gérer cette crête de la courbe du nombre de retraités dans les cinq à dix prochaines années. Nous déposerons un amendement tendant à ce qu’une partie exceptionnelle des recettes de privatisation puisse abonder le fonds de réserve des retraites. Nous considérons en effet que c’est extrêmement important, au moins autant que le désendettement de l’État.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue François Brottes a évoqué l’Agence des participations de l’État. Le rapporteur spécial et moi-même avons fait partie de la même commission. J’ai présidé la Caisse des dépôts pendant cinq ans, et j’en suis toujours membre, comme mon collègue Hériaud ici présent. C’est dire que nous avons une certaine expérience des entreprises publiques. M. Francis Mer, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, avait annoncé devant notre commission, comme d’ailleurs devant la presse, qu’on allait voir ce qu’on allait voir avec la création de l’Agence des participations de l’État, sous-entendant évidemment qu’un certain nombre de déficiences avaient été constatées dans le passé. Le seul problème, c’est que, depuis que cette agence a été créée – une agence sur le fonctionnement de laquelle le rapporteur spécial ne dit pas un mot dans sa note de synthèse, se contentant de mentionner des chiffres –, on ne nous dit strictement rien de la gouvernance des entreprises publiques gérées par l’État. Puisque vous êtes devant nous, madame la ministre, je souhaiterais que vous fassiez le point sur cette question, qui n’est pas neutre.

À l’heure où l’on parle d’une forme de crise de la gouvernance des entreprises privées, il faudrait au moins que l’État dise un mot de la gouvernance des entreprises publiques, lui qui s’est voulu innovant en créant cette agence, qui a annoncé qu’il allait rompre avec des pratiques antérieures. J’étais de ceux qui, à l’invitation des présidents Méhaignerie et Ollier, ont écouté l’ancien co-président d’EADS. Cette audition était assez surprenante. Nous qui avons l’habitude de travailler sur ces sujets, nous étions quelque peu étonnés par la nature de ses réponses. Il est donc souhaitable que nous fassions le point sur la manière dont fonctionne l’Agence des participations de l’État.

Pas plus s’agissant d’EADS, qui n’est pas une petite affaire sur le plan industriel, que s’agissant de Gaz de France et de ses rapports avec EDF et avec Suez, il n’y a eu, de la part de l’État, d’interrogation sur des questions essentielles, par exemple celle des conséquences qu’aura pour EDF la fusion entre Gaz de France et Suez.

Nous serions heureux, madame la ministre, que vous nous expliquiez le fonctionnement de l’État actionnaire et de la gouvernance des entreprises publiques.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mardi dernier, lors de la séance des questions au Gouvernement, j’ai interrogé M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie au sujet d’EADS. J’ai été scandalisé par le manque de crédibilité de sa réponse. Nous vivons des moments difficiles. Il peut y avoir des visions idéologiques différentes, en matière de gouvernance, de ce que doit être le rôle d’un gouvernement à l’égard non seulement des entreprises publiques – on l’a vu au sujet de Gaz de France, puisque nous en avons longuement débattu – mais aussi d’entreprises qui, sans être publiques, représentent un enjeu stratégique dans un secteur où l’État a un rôle à jouer. C’est le cas d’EADS. J’ai vécu de très près la privatisation d’EADS. Nos partenaires allemands nous ont presque contraints à ne conserver qu’une part minimale dans le capital. Ils ont même, à la limite, fait le forcing pour que l’État n’ait pas de participation dans le capital, mais le gouvernement de Lionel Jospin a résisté.

Je crois profondément à la nécessité que l’État participe au capital d’entreprises qui ont une valeur stratégique ou des missions de service public importantes. Or, je constate que, alors que les actuels gouvernements français et allemand ont une idéologie a priori équivalente, l’un – le gouvernement allemand – s’implique fortement dans l’avenir d’EADS, alors que l’autre – le nôtre – se cantonne dans une position d’observateur. M. Breton a d’ailleurs dit, devant l’Assemblée nationale, qu’il serait vigilant, attentif à ce que ferait le conseil d’administration. On sait pourtant le poids qui peut être celui d’un gouvernement. Le gouvernement américain, par exemple, intervient à longueur de journée, que ce soit à travers des avances remboursables, à travers la notion d’innovation ou de recherche, ou à travers la politique duale associant le civil et le militaire. Alors que, donc, dans des domaines comme l’aéronautique, l’énergie, les pays les plus libéraux pratiquent ce genre d’interventions, l’État français, lui, fait le choix d’un désengagement total, non seulement du point de vue du capital, mais encore en ce qui concerne la définition des objectifs et des grandes orientations.

Je cite ces deux exemples – la privatisation de Gaz de France et la crise d’EADS – pour montrer qu’il est important de savoir exactement où nous allons. Il est inadmissible qu’un ministre comme M. Breton agisse plus comme un membre de conseil d’administration – ce qui n’est pas péjoratif de ma part, car je crois savoir qu’il a excellé dans ce rôle – que comme un véritable ministre. Il est important, madame la ministre, que vous nous disiez ce que le Gouvernement entend faire, au-delà du désengagement au travers de privatisations qui, certes, créent des ressources qui vous aident à financer vos actions dans d’autres domaines et vous permettent de vous glorifier de votre budget. Même les libéraux ont une responsabilité quant au devenir des entreprises à haute valeur stratégique, à un moment où l’Europe, vous le savez très bien, madame la ministre, aura besoin d’une stratégie industrielle. Et elle ne pourra s’appuyer sur une stratégie industrielle que si des pays comme la France et l’Allemagne donnent le cap. Or, la politique actuelle de la France m’inspire de vives inquiétudes quant à l’avenir de l’Europe et sa stratégie industrielle dans la mondialisation.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je voudrais remercier notre rapporteur spécial, M. Diefenbacher, pour la qualité de son rapport et de son exposé, auxquels je souscris entièrement.

Je voudrais, madame la ministre, vous poser trois questions.

La première concerne l’Imprimerie nationale. Lorsque l’État lui a versé une subvention de 190 millions d’euros, la Commission européenne a exigé que soient délimitées ses compétences par rapport à ses concurrents du secteur privé. Or, une décision du Conseil d’État est intervenue, qui a non seulement maintenu son monopole – ce qui était justifié – mais l’a élargi à la partie électronique de son activité. Vis-à-vis de ses concurrents qui obtiennent des commandes sur le marché mondial, il est très difficile de comprendre que cette partie électronique soit réservée, à coût plus élevé, à l’Imprimerie nationale.

Ma deuxième question, qui rejoint ce qu’a dit M. Brottes, a trait aux relations d’EDF avec ses clients industriels. La commission des finances, à l’unanimité, s’était étonnée, lorsqu’elle avait reçu le président d’EDF, des conditions faites à ses clients industriels, avec des prix plus élevés que ceux proposés aux industriels allemands, alors que l’Allemagne a choisi le marché dérégulé. Le débat a eu lieu. La commission mixte paritaire se réunira lundi prochain, et l’examen en séance publique aura lieu mardi prochain. Vous avez défendu, et nous défendons tous avec vous, l’idée que la faiblesse de la France, ce sont ses moyennes et grosses PMI, et que les relations entre EDF et celles-ci imposaient un prix qui, certes, ne soit pas celui du marché régulé, mais n’en soit pas non plus trop éloigné, et qui justifie la rente nucléaire française, laquelle doit revenir aux citoyens et aux entreprises. M. Breton s’était engagé, au Sénat, à ce que le prix pratiqué pour les entreprises ne dépasse pas de plus de 25 % le prix du marché régulé. Si l’on ajoute le prix du transport, on arrive à 32 %. D’autre part, me méfiant de la forte influence, à sens unique, d’EDF sur l’administration, je voudrais être sûr que la décision sera applicable à la date de promulgation de la loi, et non plusieurs mois plus tard.

Ma dernière question concerne l’Agence française pour les investissements internationaux, que vous connaissez bien. Plusieurs membres de la commission des finances se sont étonnés du diagnostic qu’elle a rendu, car lorsque le diagnostic est partial, les remèdes sont inadaptés. L’AFII considère que la France est très attractive pour les investisseurs étrangers. Mais de quoi se composent les investissements comptabilisés ? Il y a la part, bien sûr faible, des emplois nouveaux créés, mais il y a aussi la part forte des investissements immobiliers, qui n’ont pas tous un intérêt manifeste, ainsi que celle des achats de PME françaises, qui se sont faits à un rythme très élevé, en particulier du fait de l’impôt de solidarité sur la fortune. Je pense donc, et le nouveau directeur de l’agence en est conscient, que celle-ci doit établir un nouveau diagnostic, afin de bien distinguer les investissements créateurs d’emplois et d’entreprises, de ceux qui correspondent à des achats, et se traduisent parfois, quelques années voire quelques mois plus tard, par des pertes d’emplois dans les services, dans la recherche ou au siège social. Une correction de trajectoire s’impose. On peut difficilement affirmer que nous sommes les plus attractifs, que notre compétitivité est la meilleure, car celle-ci s’est quelque peu dégradée, au moins par rapport à l’Allemagne, au cours des dernières années.

Enfin, je ferai observer à M. Brottes que la commission des finances tout entière était défavorable à ce qu’une mission ne comporte qu’un seul programme. Il ne faut donc pas en faire un élément partisan. Nous étions tous sur la même longueur d’onde.

M. François Brottes. À ceci près que certains ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel et d’autres pas.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous savez bien quelle est la tradition en la matière. Cela n’empêche pas que nous partagions sur ce point la même conviction.

La parole est à M. Pierre Hériaud.

M. Pierre Hériaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord féliciter M. Diefenbacher pour son rapport très structuré et très complet.

J’ai néanmoins quelques remarques et interrogations d’ordre technique à formuler.

Je m’interroge, en effet, sur la pertinence qu’il y a à rapporter les charges de personnels au chiffre d’affaires. Ce qui me semble, en effet, permettre une vraie comparaison entre les entreprises, c’est le ratio des charges de personnels sur la valeur ajoutée. Le rapporteur spécial l’a d’ailleurs souligné lui-même, quand il a indiqué qu’en fonction de la structure des entreprises et de leurs charges extérieures, on aboutit à des résultats qui ne sont plus comparables. C’est un point à garder à l’esprit lorsqu’on procède à des analyses comparatives.

Par ailleurs, s’il est vrai qu’on enregistre un redressement des résultats nets des entreprises publiques, puisqu’ils sont passés, globalement, de moins 20 milliards à plus 10 milliards au cours des quatre dernières années, il n’en demeure pas moins, d’une part, que ces résultats restent en fonds propres et, d’autre part, qu’on les retrouve en complémentarité avec les capitaux empruntés. Il est vrai, également, que le gearing, qui est le ratio de la dette nette sur les fonds propres, s’est réduit d’un point chaque année, passant de 8,2 en 2002 à 4,1 en 2003, à 3,1 en 2004 puis à 1,9 en 2005. Cela traduit une bonne évolution, mais un gearing de 1,9 signifie que les fonds propres ne représentent que le tiers des capitaux permanents, et ce n’est pas suffisant pour préparer l’avenir. La tendance est donc bonne, mais le ratio est encore beaucoup trop élevé, et c’est ce qui explique que la situation des entreprises reste fragile, comme l’a souligné le rapporteur spécial.

Le rapport donne par ailleurs le montant des dividendes versés par les entreprises et le produit des cessions de titre concourant au désendettement de l’État. Tout ce qui était prévu en 2006 n’a pas été réalisé. Dans le projet de loi de finances pour 2007, les crédits prévus s’élèvent à 12,6 milliards d’euros : 7,6 milliards d’euros de dividendes et 5 milliards d’euros de cessions de titre.

Le ratio ROE, return on equity, qui exprime le rendement des capitaux propres, est passé de 10,1 à 15,8 % entre 2003 et 2004. L’évaluation se faisant depuis 2005 selon les normes IFRS, ce ratio a été réévalué, pour 2004, à 19,7 %. En 2005, il a été de 24,4 %. Il faudra continuer encore quelque temps à donner les pourcentages dans la norme précédente pour mesurer la tendance.

Enfin, l’objectif retenu pour 2006 et 2007 est d’avoir un ratio EBITDA sur fonds propres de 30 %, l’EBITDA étant le résultat opérationnel avant impôt. Cela signifierait qu’en trois ans à peu près, on constituerait les fonds propres. Cela paraît quelque peu ambitieux, étant donné que ce même ratio était de 25,6 % en 2005.

Ces quelques remarques montrent qu’il reste encore, en dépit d’évolutions sensibles, encore un long chemin à parcourir pour parvenir à une situation financière solide, et que nous sommes toujours dans une période de convalescence.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Je vais répondre aux questions dans l’ordre dans lequel elles ont été posées.

Monsieur Brottes, je n’ai pas du tout oublié la décision du Conseil constitutionnel. Elle est d’ailleurs explicitée et commentée dans le rapport. Je n’en ai pas parlé dans mon exposé liminaire, mais elle figure bien dans le dossier.

Vous avez contesté la comparaison des résultats des entreprises publiques aujourd’hui et il y a quatre ans. Le périmètre est, il est vrai, plus étroit aujourd’hui, mais c’est justement ce qui rend le redressement encore plus remarquable. Faire passer les fonds propres de 26 milliards d’euros il y a quatre ans à 38 milliards d’euros aujourd’hui avec un périmètre plus restreint est une belle performance. Arriver aujourd’hui à un résultat net de 12,4 milliards d’euros alors qu’il était négatif de 10 milliards d’euros il y a quatre ans avec un périmètre restreint mérite d’être souligné.

Les tarifs font partie de la gestion des ressources des entreprises. Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse parler de bonne gestion quand ceux-ci n’augmentent pas. L’exemple le plus remarquable dans ce domaine est celui des tarifs postaux. Entre 1997 et 2002, ils n’ont pas bougé. Or je n’ai pas le sentiment que La Poste s’en soit mieux portée pour autant, car, parallèlement, le coût de l’activité augmentait. Lorsque des décisions administratives ne rendent pas compte de l’évolution des charges réelles, la conséquence ne peut être que préjudiciable aux entreprises. Cela étant, il faut, bien entendu, éviter l’envolée des tarifs. Je signale, notamment à l’intention de M. Brottes, l’engagement pris par EDF de ne pas augmenter ses tarifs publics, y compris pour les petits consommateurs.

M. François Brottes. Et Gaz de France ?

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Quant à l’Agence des participations de l’État, personne ne pense ni ne prétend qu’elle puisse être un remède magique.

A l’occasion de la commission d’enquête, nous avions mis le doigt cependant sur certains dysfonctionnements dans les rapports entre les entreprises publiques et l’État. Je me souviens, en particulier, que l’ancien président de France Télécom avait dit, en réponse à une question, que, quand un accord intervenait entre le président d’une entreprise nationale et le ministre, la messe était dite, selon sa propre expression. Cela signifiait que ni le service des participations de l’État, ni la direction du Trésor, ni le conseil d’administration des entreprises publiques n’avaient plus rien à dire. Nous étions, à l’évidence, en présence d’un dysfonctionnement majeur auquel il fallait mettre un terme.

Le rôle de l’Agence des participations de l’État, dans ce domaine, est important. Le fait qu’elle ait signé la charte des relations avec les entreprises publiques, qui assure désormais le respect des procédures permettant de vérifier la qualité des décisions, est tout à fait important.

Dans le rapport, et je réponds là à M. Balligand, une bonne dizaine de pages font le point sur les apports de l’Agence des participations de l’État. Il est, en particulier, un domaine, dont nous n’avons pas encore parlé depuis le début de cette réunion, où l’agence joue un rôle important : c’est le problème des retraites, qui est vital pour le développement de nos entreprises publiques, et que nous commençons juste à traiter alors que nous savions depuis quinze ans qu’il allait se poser. Sur ce point, l’adossement au régime général et le calcul des soultes et compensations sont incontestablement des avancées indispensables.

L’Agence de financement des infrastructures de transport de France, monsieur Brottes, a bénéficié, comme vous le savez, d’une partie des recettes de privatisation : 4 milliards d’euros. C’est à ce prix que l’État honore ses engagements notamment en infrastructures routières. C’est un arbitrage qu’il a fallu faire entre les dividendes versés chaque année par les sociétés autoroutières et la vente en une seule fois de ces sociétés. Nous en avons suffisamment parlé en séance publique pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir.

Le dernier point abordé par M. Brottes concernait le Fonds de réserve des retraites. Nous y reviendrons d’ailleurs lorsque nous examinerons l’amendement proposé. C’est au Gouvernement qu’il appartient d’apprécier quelle forme doit prendre son action en faveur du désendettement. S’agit-il d’abonder le Fonds de réserve pour les retraites ou la Caisse de la dette publique, ou encore de régler des dettes antérieures – je pense en particulier à celles de Charbonnages de France ou du Crédit lyonnais ? C’est un arbitrage qui incombe, me semble-t-il, à l’État.

M. Cohen a dit que même les « libéraux » ont une responsabilité quant au devenir des entreprises à haute valeur stratégique. À regarder la politique de l’État au cours des quatre dernières années à l’égard des entreprises publiques, je ne suis pas sûr qu’on puisse la qualifier de libérale. Lorsque l’État intervient, alors que rien ne l’y oblige, pour sauver Alstom ou France Télécom, il ne suit pas une logique strictement libérale. L’action qu’il a conduite n’est ni interventionniste, ni libérale : elle est simplement pragmatique. Elle vise, d’une part, à permettre aux entreprises de se développer et de nouer des partenariats et, d’autre part, à profiter d’opportunités pour le budget de l’État. Ce n’est pas secondaire quand on voit les charges qui pèsent sur l’endettement du pays. On peut toujours critiquer, mais c’est une politique qui se veut avant tout réaliste.

Monsieur le président Méhaignerie, je partage vos interrogations sur la décision qui a été prise par le Conseil d’État. On peut en effet se demander si les documents sécurisés par l’électronique relèvent véritablement du monopole. Mais je n’en dirai pas beaucoup plus. C’est un sujet sur lequel la haute juridiction s’est prononcée.

S’agissant des tarifs payés à EDF par ses clients industriels, il est vrai que l’entreprise a profité d’une sorte d’effet d’aubaine. Etait-ce bien le rôle d’une entreprise publique ? Personnellement, je ne le crois pas. La réflexion que l’on peut se faire, c’est qu’il n’y a pas de régulation plus objective que celle qui résulte du marché. Encore faudrait-il que le marché existe dans tous les domaines, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas.

S’agissant de l’Agence française des investissements internationaux, je partage tout à fait les observations que vous avez faites, monsieur le président.

Enfin, je partage également les analyses de M. Hériaud : le redressement des entreprises publiques est incontestable, mais leur situation reste encore profondément fragile.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. J’ai lu hier avec beaucoup d’intérêt le discours du président brésilien Lula : il parlait de la nécessité d’une politique néo-libérale sur le plan économique, qu’il considère comme la seule lui permettant d’avoir une politique sociale forte. L’association de ces deux termes ouvre la voie à des évolutions idéologiques face à certains archaïsmes…

M. François Brottes. Je me permets d’observer que son voisin bolivien, le président Evo Morales, a pris des initiatives intéressantes pour faire en sorte que l’État récupère 80 % de la richesse gazière, n’en laissant que 20 % aux entreprises qui l’exploitent. Vous avez raison : le « néo » peut être intéressant !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Les évolutions permettront de juger !

M. Jean-Pierre Balligand. Sur la question du gaz, Lula et Morales ne sont pas tout à fait d’accord. Mais c’est un autre problème…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur Brottes, je ne répondrai pas à votre remarque de forme, et je vous assure que je rapporterai au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie les observations que vous vouliez lui soumettre, sans aucun parti pris.

La provision de 5 milliards d’euros est un montant forfaitaire, calculé par rapport à la valeur totale du portefeuille des participations de l’État. Elle correspond à 5 % de cette valeur. Ce chiffre a été établi cette année comme il l’avait été au titre des exercices précédents, à l’exception de l’exercice 2005, au cours duquel avait été programmée la cession des autoroutes.

En fait, ce sont entre 5 et 10 milliards d’euros qui sont anticipés, et 5 milliards d’euros ont été provisionnés. Si cette somme était excédée, le Gouvernement reviendrait devant le Parlement pour indiquer de quelles opérations il s’agit, mais il n’y a, à ce stade, aucun projet spécifique de privatisation.

Vous affirmez que les prix de cession seraient systématiquement inférieurs aux prix de marché retrouvés quelques semaines après l’opération de cession des participations de l’État. Ce que je puis vous garantir, c’est que le prix de mise sur le marché est optimisé. Il doit être soit supérieur, soit égal à la valeur de l’entreprise telle qu’estimée par la commission des participations et des transferts, laquelle l’évalue de la manière la plus indépendante possible. L’État doit également se préoccuper, comme tout actionnaire, de l’évolution sur le long terme du cours de l’entreprise. Pour l’opération de privatisation des autoroutes, la commission des participations et des transferts a veillé au strict respect de l’intérêt patrimonial des Français. Le 27 septembre 2006, le Conseil d’État a rejeté les recours qui avaient été formés contre le décret de privatisation des sociétés d’autoroutes et a démontré, en utilisant les calculs mêmes qui avaient été produits à l’appui de ces recours, que le prix dont il était fait état aurait été inférieur au prix effectif auquel a eu lieu cette privatisation.

Vous vous interrogez, monsieur Balligand, sur le rôle exact joué par l’Agence des participations de l’État, en particulier dans les dossiers EADS et Gaz de France. Permettez-moi de regrouper votre question avec le commentaire de M. Cohen selon lequel le gouvernement français se désintéresserait d’EADS alors que le gouvernement allemand, lui, s’en soucierait. Il se trouve que j’étais présente au conseil franco-allemand et je puis témoigner que les interventions de M. Jacques Chirac, Président de la République française, et de Mme Angela Merkel, chancelière de la République fédérale d’Allemagne, se sont fait écho et ont exprimé, avec le même degré d’intensité, le même souci concernant l’avenir de cette société, la façon dont ils comptaient assurer sa compétitivité et son rang, notamment face à son concurrent principal, Boeing. J’observe également que la cession envisagée de la part détenue par DaimlerChrysler dans le capital d’EADS ne me semble plus être à l’ordre du jour des priorités du gouvernement allemand, soit directement, soit par l’intermédiaire des Länder. Par ailleurs, vous savez – c’est moins à vous qu’à tout autre que je l’apprendrai – que le rôle de l’État actionnaire dans le dossier EADS est défini de manière extrêmement stricte – Thierry Breton l’a indiqué à plusieurs reprises en réponse à des questions orales dans cette Assemblée – par le pacte d’actionnaires conclu en 1999 et en 2000 : l’État français n’est pas en situation d’actionnaire direct dans le capital d’EADS, encore moins dans le capital d’Airbus. C’est au niveau d’une sorte de super-holding, si vous me permettez l’expression, qu’il est présent dans le capital de ces sociétés. Je rappelle le rôle qui est conféré à l’État dans le cadre de ce pacte – qu’on le regrette ou non, c’est ainsi qu’il a été conclu : il n’a aucun pouvoir dans les décisions de gestion d’EADS et n’a de droit de vote que sur les propositions du partenaire industriel pour les nominations des administrateurs. C’est dans ce cadre que le Gouvernement a joué tout son rôle pour aider EADS dans la crise managériale qu’il traversait.

Vous avez parlé de désengagement de l’État français. Je m’inscris en faux contre cette affirmation. Les avances remboursables accordées à EADS, sur lesquelles je ne souhaite pas m’étendre car elles font l’objet de contentieux très importants au sein de l’Organisation mondiale du commerce – qui a constitué deux panels, l’un à la demande de Boeing et l’autre d’EADS –, sont des manifestations tangibles du soutien apporté à Airbus par l’État français et par d’autres États européens, de la même façon que l’État fédéral américain et un certain nombre d’États des États-Unis soutiennent leur grand opérateur avionique.

En ce qui concerne le rôle joué par l’Agence des participations de l’État dans le dossier Gaz de France, l’opération Suez-GDF est à ce point d’actualité, puisqu’une commission mixte paritaire va se prononcer très rapidement à ce sujet, que je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup plus. L’APE a été extrêmement engagée sur les propositions actuellement en discussion devant vos Assemblées.

Pour ce qui est de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, je suis en mesure de vous indiquer, en complément des informations données par le rapporteur spécial, que la perte des dividendes des sociétés d’autoroutes a été compensée par l’affectation de nouvelles recettes pérennes au financement des infrastructures de transport : la taxe d’aménagement du territoire, ainsi qu’une partie des amendes radar. C’est donc en plus de ces recettes pérennes que nous avons affecté 4 milliards d’euros de produits de privatisation, à la fin de l’année 2005, au financement des infrastructures de transport.

Vous avez, monsieur le président, posé la question de l’étendue du monopole de l’Imprimerie nationale, compte tenu de la biométrisation et de l’électronisation des passeports.

La loi de 1993 a confié à l’Imprimerie nationale la réalisation à titre exclusif – et le mot « réalisation » est important, puisque c’est lui qui a donné lieu à des commentaires – de certains documents d’identité. A la demande de la Commission européenne, le Gouvernement est en train de prendre un décret pour préciser l’étendue des documents concernés.

C’est intentionnellement que le législateur a écrit le mot « réalisation » et non pas le mot « impression ». L’utilisation de ce terme est d’autant plus significative que la loi de 1993 s’est, elle-même, substituée à un décret du 4 décembre 1961 qui chargeait l’Imprimerie nationale des « impressions nécessaires au fonctionnement des administrations publiques et établissements publics nationaux à caractère administratif ».

La biométrisation induit nécessairement une personnalisation du document d’identité. Elle consiste en particulier à inscrire le nom du titulaire du passeport et à insérer sa photo d’identité numérisée au moment de la fabrication industrielle du document. C’est cette méthode qui permettra, nous l’espérons en tout cas, d’éviter les fraudes que permettait l’ancien système, dans lequel, en fait, l’employé de l’administration inscrivait le nom du titulaire et collait la photo d’identité au moment de la délivrance du document.

La personnalisation centralisée sur le site de fabrication du passeport est une exigence posée par le règlement du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et de biométrie intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres.

On ne peut considérer que le monopole de l’Imprimerie nationale soit limité à l’impression des documents, puisque le mot « réalisation » est bien utilisé dans le texte.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dans la loi de 1993, qui est antérieure à la décision de la Commission européenne…

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Je vais faire vérifier la chose auprès de mes conseillers, mais je ne suis pas sûre que le versement de subventions soit de nature à remettre en cause le principe de la réalisation. Quand bien même on réduirait celle-ci à l’impression, le fait que la biométrie nécessite l’insertion numérique de la photo semble militer en faveur de la détention du monopole par celui qui procède à l’impression de la totalité des actes nécessaires à la production du document.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ce sera un point à préciser quand un texte sur la carte d’identité biométrique viendra devant le Parlement !

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Il sera également très important d’examiner la manière dont, en pratique, ces passeports biométriques seront non seulement émis mais également utilisés, quand ils seront mis en circulation, à des fins d’obtention de visas. Nous ne sommes qu’au début de constater les difficultés pratiques opérationnelles. C’est au titre de mes fonctions de ministre déléguée au commerce extérieur, monsieur Brottes, que je puis me permettre cette observation un peu hors sujet !

J’en viens à la question des tarifs d’EDF. Le Gouvernement – j’espère que cela a été assez clairement exprimé pour être bien perçu – est extrêmement sensible à la problématique des tarifs. Des débats très riches ont eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat. La commission mixte paritaire se réunit lundi. Quel que soit le dispositif qui sera retenu par le Parlement, le Gouvernement prendra toutes les dispositions nécessaires à sa mise en œuvre rapide et diligente.

Vous m’avez interrogée sur l’Agence française pour les investissements internationaux, et je vous en remercie. J’estime comme vous nécessaire – et le nouveau directeur de l’AFII en est, lui aussi, convaincu – de distinguer entre les investissements directs étrangers qui sont créateurs d’emplois ex nihilo et ceux qui sont en réalité des reprises d’établissements existants, parfois dans des situations financières difficiles, parfois aussi, tout simplement, parce que les propriétaires actuels de ces établissements, en particulier lorsqu’il s’agit de PME ou de PMI, souhaitent, pour des raisons fiscales diverses, céder leur entreprise plutôt que la transmettre à leurs héritiers ou à des personnes de leur entourage. Je considère aussi qu’il serait tout à fait opportun de distinguer, au sein de ces investissements étrangers directs, même s’ils sont recensés par la Banque de France, ceux qui sont strictement immobiliers.

J’observe cependant que les uns ne sont pas, en soi, plus vertueux que les autres. Ce n’est pas, me semble-t-il, parce qu’un investisseur étranger reprend une entreprise existante et y concourt en apportant des fonds ou en créant une activité complémentaire, que cet investissement serait moins vertueux que celui qui permet la création d’activité ex nihilo, et que l’on appelle investissement « green field ». En revanche, les investissements directs à moyen et long terme de ces investisseurs étrangers sont, eux, tout à fait pertinents et nécessitent, y compris dans le cadre de l’Agence française pour les investissements internationaux, un suivi régulier, consistant à anticiper, à travailler avec les investisseurs, à comprendre éventuellement leurs réticences à poursuivre leur mise de fonds ou, dans le pire des cas, à liquider l’activité ou à la relocaliser à l’extérieur du pays, conformément à la juste définition de délocalisation-relocalisation.

Il reste une dernière question de M. Balligand concernant la gouvernance, et je regrette que celui-ci ait n’ait pu rester parmi nous, mais vous lui transmettrez, j’en suis sûr, ma réponse, qui est la suivante.

La taille du rapport d’activité de l’APE me semble parler d’elle-même. Le fait qu’un certain nombre de pages concernent directement et exclusivement la gouvernance milite également en faveur des efforts accomplis au cours des dernières années.

M. le rapporteur spécial a parlé de la charte des relations entre les entreprises et l’Agence des participations de l’État. Je tiens à insister sur le fait cette charte comporte des dispositions relatives au fonctionnement et à la compétence du conseil d’administration, ainsi que d’autres relatives au comité d’audit, au comité stratégique, au comité des nominations au sein du conseil d’administration. Le rapport d’activité de l’agence montre bien qu’il existe une gouvernance interne et une obligation de transparence : il n’est que de voir le nombre de consultations du site Internet spécifique qu’elle a mis en place. Il s’agit bien à la fois de gouvernance dans l’organisation des comités et de transparence à l’égard des citoyens français qui sont, eux-mêmes, d’une certaine manière, propriétaires d’une partie de ces entreprises partiellement détenues par l’État.

Je terminerai sur le fonctionnement de l’APE. Elle fonctionne un peu comme une task force, un groupe de travail composé de professionnels venant d’horizons tout à fait divers : fonctionnaires, commissaires aux comptes, financiers, avocats, mais aussi d’autres personnalités riches d’une expérience extérieure. Ces professionnels suivent au quotidien les entreprises publiques sous l’angle non seulement financier, mais aussi juridique, stratégique et décisionnel.

Les méthodes de travail de l’agence sont transparentes, et négociées contractuellement avec les entreprises, ce qui a entraîné une rénovation totale des pratiques.

Contrairement à ce qui se passait précédemment situation antérieure, l’agence rend compte de ses activités au Parlement. Son rapport est riche d’informations, tant de manière générale – dans la première partie – que sous forme de fiches techniques spécifiques sur chacune des entreprises dont l’État est actionnaire. Pour la première fois, en 2004, à la suite d’une demande fortement exprimée par le Parlement, nous sommes en mesure – à grand renfort, je le suppose, de matière grise de commissaires aux comptes – de publier les comptes consolidés de l’État actionnaire, afin que les Français, au travers de leur représentation nationale, puissent avoir une image précise et sincère des actifs détenus par l’État.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Puis-je me permettre, monsieur le président, une question un peu anecdotique, pour laquelle je n’en voudrais pas à Mme la ministre si elle ne pouvait me répondre aujourd’hui ?

Nous sommes préoccupés, dans le secteur de la nanotechnologie, par l’avenir de l’ « Alliance Crolles 2 » qui associe, dans l’Isère, ST Microelectronics, Motorola et Philips, après le rachat de ces deux dernières entreprises par des fonds de pension. ST Microelectronics est une entreprise franco-italienne dans laquelle les États sont parties prenantes. Vous nous avez expliqué que l’État français ne se désengageait pas de ses entreprises. Il me serait agréable d’en avoir confirmation au sujet de cette alliance, née, je le rappelle, grâce à l’apport d’investissements étrangers et à la délocalisation d’un laboratoire du Texas en France. C’est dire son importance pour l’Europe et pour le secteur des nanotechnologies.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme la ministre déléguée au commerce extérieur. Je ne suis pas en mesure de vous répondre maintenant. Je connais assez bien ce dossier, pour l’avoir suivi dans une vie antérieure… (Sourires.) Compte tenu de l’intérêt que représente le secteur des nanotechnologies, intérêt qui s’est manifesté par la constitution d’un pôle de compétitivité non loin de Crolles, je reviendrai devant votre commission, si vous le permettez, monsieur le président, pour vous donner une réponse précise quant à l’engagement de l’État français au sein de cette ancienne joint venture.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Madame la ministre, nous vous remercions.

(La séance de la commission élargie est levée à seize heures vingt-cinq.)

Commission des finances, de l’économie générale et du plan

Réunion du 7 novembre 2006
(en application de l’article 117 du règlement)

Mission Engagements financiers de l’État
Mission Provisions
Mission Gestion et contrôle des finances publiques
Mission Remboursements et dégrèvements
Mission Stratégie économique et pilotage des finances publiques
Compte de concours financier Accords monétaires internationaux

Sommaire

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. le ministre délégué.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances.

(M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances.)

M. le ministre délégué.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances.

M. le ministre délégué.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. le ministre délégué.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances.

M. le ministre délégué.

(M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances.)


Présidence de M. Michel Bouvard,
vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, mes chers collègues, nous allons aborder aujourd’hui l’examen en commission élargie des crédits des missions « Engagements financiers de l’État », « Provisions », « Gestion et contrôle des finances publiques », « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », ainsi que du programme « Remboursements d’impôts d’État » de la mission « Remboursements et dégrèvements » et du compte de concours financier « Accords monétaires internationaux ».

Je vais donner la parole successivement à M. le ministre délégué, puis à nos quatre rapporteurs spéciaux : Daniel Garrigue, Thierry Carcenac, Jean-Jacques Descamps et Camille de Rocca Serra.

Je rappelle que la formule de la commission élargie implique plus de souplesse et de dynamisme dans les débats. Il est donc souhaitable que chacun s’en tienne à l’essentiel et évite les longs monologues, sans hésiter, en revanche, à poser au ministre toutes les questions nécessaires. Il ne manquera pas d’y répondre avec sa précision habituelle.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Et avec enthousiasme !

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Je vous rappelle que les amendements éventuels ainsi que les crédits seront examinés en séance publique le 17 novembre.

La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de me trouver avec vous pour évoquer les missions et programmes du ministère du budget. Je tenterai de faire mentir l’adage selon lequel les cordonniers sont les plus mal chaussés, en montrant que notre ministère est le premier à appliquer les orientations qu’il s’efforce de promouvoir avec votre précieux concours, qu’il s’agisse de la modernisation de l’État ou de l’utilisation optimale de l’argent public.

Nous aborderons ainsi ce matin cinq missions et onze programmes, sur les trente-huit programmes rattachés au ministère. Ils correspondent au « cœur historique » de celui-ci, avec l’essentiel des effectifs et des crédits.

En tant que ministre de la réforme de l'État, je ferai un point sur les chantiers de réforme entrepris par le Gouvernement – dont le projet de loi de finances pour 2007 permet d’apprécier les résultats – et détaillerai les objectifs de performance et les crédits de chacune des cinq missions.

La démarche de modernisation de l'État est engagée par le Gouvernement depuis le début de la législature, et j’en ai la charge depuis deux ans et demi. Nous avons à relever des défis considérables, le premier étant la situation des finances publiques. Le déficit et la dette restent en effet trop élevés, même si les choses s'améliorent en ce domaine : la « copie budgétaire » de cette année démontre que nous réduisons non seulement le déficit et la dette, mais aussi les dépenses de l'État et les impôts, ce qui nous place dans une tout autre dynamique qu’à la fin des années 1990.

Le deuxième défi est la démographie de la fonction publique : nous devons profiter du départ à la retraite des générations du baby boom pour réaliser des redéploiements en adéquation avec les priorités de l'État.

Troisièmement, l'État doit contribuer à la compétitivité globale du pays dans une économie mondialisée. Nous pouvons notamment compter sur les nouvelles technologies : je rappelle ainsi que 97 % du territoire national est couvert par le haut débit, un facteur essentiel de la modernisation.

Dernier défi – mais non le moindre –, la nécessité de tenir compte des évolutions de la société et des attentes des citoyens. Le rapport de ces derniers avec l’administration a beaucoup changé. Je considère pour ma part qu’un contribuable doit avoir avec l’administration une relation de client, au sens noble du terme. Nous devons donc faire tendre la qualité du service public vers le « zéro défaut ».

C'est pourquoi nous avons engagé une démarche de modernisation novatrice et ambitieuse. Le regroupement du budget et de la réforme de l'État, que beaucoup appelaient de leurs vœux depuis de nombreuses années, a constitué à cet égard un grand progrès. La direction générale de la modernisation de l’État – la plus jeune direction de Bercy – a donc été constituée à effectifs constants, en regroupant tous les agents publics qui travaillaient à la réforme de l’État. Certains s’occupaient de l’administration électronique, d’autres de la simplification législative ou de la réforme budgétaire, d’autres encore de la relation avec les usagers. C’est leur regroupement qui a permis la cohérence de notre démarche de modernisation de l’État, laquelle s’appuie sur plusieurs outils.

D’abord, nous avons déployé une culture de performance et de résultats. La LOLF nous a montré le chemin. Elle constitue même un exemple pour d’autres pays, puisque nous ne cessons d’accueillir des missions intéressées par le nouveau cadre budgétaire et par la procédure d’audit et d’évaluation.

Ensuite, je suis très attentif au développement de l'administration électronique. Nous avons la chance, dans ce domaine, de bénéficier d’un savoir-faire dont ne disposent pas toujours les autres pays, ainsi que des capacités technologiques nécessaires. Il faut donc aller le plus loin possible dans cette direction. Je note d’ailleurs que les Français sont toujours très enthousiastes lorsqu’on leur propose de recourir à l’Internet pour leurs démarches administratives.

Enfin, nous voulons mettre l'usager au cœur du service public. En ce domaine, « le client est roi », et doit bénéficier d’un service de la meilleure qualité possible. Dans ce but, nous gardons les yeux rivés sur l’étranger, avec le souci de s’inspirer des meilleures pratiques internationales.

Une caractéristique de notre démarche est d’être orientée vers les attentes des Français, ce qui est évidemment essentiel. La politique de modernisation de l'État repose sur quatre piliers : les citoyens, qui attendent des politiques publiques plus efficaces ; les usagers, demandeurs d'une qualité de service à « zéro défaut » ; les contribuables, qui souhaitent une utilisation optimale des deniers publics, produit de leur travail ; les agents, enfin, sans qui rien ne serait possible, et je m’inscris en faux contre ceux qui laissent entendre le contraire. Les fonctionnaires doivent être intéressés à la modernisation de l’État, et y être associés à tous les niveaux. Il faut avoir recours à des techniques de management participatif, comme cela se pratique dans le secteur privé, et faire en sorte que les fonctionnaires soient eux-mêmes porteurs du projet « d’entreprise » – entre guillemets – de l’administration dans laquelle ils travaillent.

C’est pourquoi notre démarche doit être responsabilisante. Avec la LOLF, les moyens de l'État sont fixés par politique, avec des objectifs et des indicateurs mesurant l'action du Gouvernement. Chaque responsable de programme dispose donc de crédits globalisés qu'il peut redéployer. La responsabilisation des gestionnaires est donc un point essentiel.

Enfin, nous cherchons à promouvoir la transparence. Les sites Internet que nous avons créés afin d’alimenter le débat public – modernisation.gouv.fr et performance-publique.gouv.fr – sont d’ailleurs très souvent consultés.

Bien entendu, ce sont les résultats obtenus qui comptent. De ce point de vue, nous disposons d’un certain nombre de critères précis, qui nous permettent de sortir des débats idéologiques d’un autre temps ainsi que du clivage traditionnel entre droite et gauche. C’est tout l’intérêt des audits de modernisation. Depuis octobre 2005, 127 audits ont permis de radiographier près de 120 milliards d’euros de dépenses publiques – sur un total de 270 milliards d’euros. Les premières études ont ainsi permis d’identifier 3 milliards d’euros de gains de productivité potentiels sur trois ans : c’est dire si l’enjeu est considérable. Naturellement, de tels audits seront réalisés en permanence à l’avenir.

Les résultats sont également sensibles en matière d’amélioration de la qualité de service et de simplification. La qualité de service fait ainsi l’objet d’une labellisation. Par ailleurs, des mesures sont prises pour réduire les charges administratives pesant sur les usagers. Nous avons ainsi identifié 112 procédures représentant une charge de 1,1 milliard d'euros pour les entreprises. En matière de simplification, 45 mesures concrètes ont été prises, 130 lois obsolètes ont été abrogées. Les conditions me semblent d’ailleurs réunies pour réfléchir à ce qui serait, pour le travail législatif, l’équivalent de ce qu’est la LOLF pour la procédure budgétaire. Nous disposons d’un recul et d’une maturité suffisants pour élaborer de nouvelles règles du jeu en matière d’élaboration de la norme de droit. C’est un immense territoire qui reste à défricher.

J'en viens maintenant à la présentation des cinq missions examinées ce matin par votre commission.

Mon ambition est simple : il s’agit de montrer que la réforme de l'État est possible en France, c'est-à-dire que l'on peut à la fois améliorer le service public et coûter moins cher à la collectivité nationale. À mon sens, l’objectif de la réforme de l’État est d’apporter le meilleur service, non au moindre, mais au meilleur coût. Même si, de très nombreux domaines, cela signifie réaliser des économies ou des gains de productivité, cette dernière préoccupation ne constitue, bien entendu, pas une fin en soi.

Les crédits de paiements des trois missions dites « de moyens » – c'est-à-dire qui portent des emplois – sont stables en valeur par rapport à 2006. Elles diminuent donc, en volume, à la hauteur du niveau de l’inflation, soit plus fortement que le budget dans son ensemble.

Un mot sur les réductions d’effectifs au ministère des finances. Environ deux départs à la retraite sur trois ne seront pas remplacés, ce qui représente 2 988 suppressions de postes. Il ne s’agit pas d’un effort de circonstance, mais de l’accentuation d’une dynamique engagée depuis le début de la législature. Au total, en cinq ans, Bercy aura réduit ses effectifs de 11 200 postes, soit 7 % du total, tout en intensifiant son action en matière économique et financière. C’est une différence importante avec la période précédente, celle du gouvernement Jospin, pendant laquelle aucune suppression significative de postes n’avait eu lieu à Bercy.

Bien entendu, ces résultats ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un travail de fond réalisé à l’aide d’un outil que je recommande à tous les responsables publics : les contrats pluriannuels de performances. De tels contrats ont été signés, pour la période 2006-2008, par les directions générales des impôts, de la comptabilité publique, des douanes, de la concurrence et, pour son réseau international, du Trésor. L’INSEE s'apprête à en signer un pour la période 2007-2009. Voilà un instrument puissant de réforme de l'État ! Certains de mes collègues se sont d’ailleurs pliés à l’exercice, puisque des contrats ont été signés avec le ministère des affaires étrangères ou avec celui de l’équipement.

Ces contrats, issus d’une expérimentation réalisée avec la direction générale des impôts, portent un projet stratégique clair. En programmant, sur plusieurs années, des réformes et des gains de productivité, ils s’inscrivent dans la philosophie du rapport Migaud-Lambert sur la pluriannualité. Ils sont aussi un outil d'animation managériale et un élément de dialogue social, en facilitant l'appropriation des grandes options stratégiques. Assortis d'engagements précis, mesurables et « auditables », ils offrent aux gestionnaires, en contrepartie, une visibilité budgétaire sur toute la durée du contrat et un mécanisme d'intéressement collectif à la performance.

Quelques mots maintenant sur les différentes missions. Avec la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », nous sommes au cœur de l'action régalienne du ministère, liée au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses de l'État, ainsi qu’aux activités d'état-major, d'expertise et de soutien. Elle réunit ainsi, à travers les deux programmes qui la constituent, plus des trois quarts des effectifs – plus de 134 000 équivalents temps plein travaillé – et une partie importante du budget de moyens – 9 milliards d'euros.

Commençons par le programme « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ». Dans le domaine fiscal, nous sommes engagés dans une dynamique de modernisation sans précédent : déclaration préremplie, déclaration et paiement sur l’Internet, charte du contribuable, guichet fiscal unique… Tous ces services commencent à être bien connus des contribuables, qu’il s’agisse de ménages ou d’entreprises. Nous essayons de répondre le mieux possible aux attentes des Français, qui sont fortes.

La déclaration préremplie, en particulier, est un grand succès technique et populaire, et un bel exemple de modernisation de l’administration. En effet, 84 % des contribuables n'ont pas eu besoin de rectifier les montants préremplis. En outre, les sondages d’opinion que nous avons fait réaliser montrent que 88 % d’entre eux sont satisfaits de cette innovation ! Et nous n’en resterons pas là : dès 2007, la rémunération des personnes payées par chèque emploi service sera intégrée, et un système simplifié de validation des déclarations sera mis en place.

La déclaration d'impôt sur l’Internet est également un formidable succès : on compte cette année 5,7 millions de télédéclarants, contre 1,2 million il y a deux ans ! Cette procédure est sur le point d’entrer dans les mœurs.

Autre innovation importante, le guichet fiscal unique va devenir une réalité pour 7 millions de contribuables, c'est-à-dire un sur cinq en 2007.

J’insiste sur le travail que cela représente en amont, et je veux saluer le dynamisme d’une administration que l’on accuse trop souvent d’avoir un train de retard, alors même que les lourdeurs du statut de la fonction publique ne permettent pas aisément d’autres marques de considération.

Enfin, la qualité de service fait également l'objet d'engagements précis dans la Charte du contribuable. Consultable sur l’Internet et dans tous les centres des impôts, celle-ci rappelle les droits et devoirs de chacun dans la relation entre l’administration et le contribuable. Parmi les dispositions innovantes, notons que le taux d’intérêt de retard est désormais toujours le même, que l’État soit créancier ou débiteur.

Dans le cadre du même programme, plusieurs chantiers majeurs concernent les comptes publics, à commencer par la préparation de la certification des comptes de l'État, qui interviendra pour la première fois l'an prochain. La direction générale de la comptabilité publique effectue sur ce point un travail considérable, dont j'aurai prochainement l'occasion de vous parler. Je veux souligner à quel point la certification des comptes constitue pour nous un nouveau métier. En effet, la Cour des comptes a en charge une part importante du dispositif, mais certifier n’est pas la même chose que juger. Sur ce sujet, peu familier à l’opinion publique, il nous faudra faire œuvre de pédagogie. J’invite d’ailleurs à lire ou à relire le rapport rédigé par MM. Lambert et Migaud, qui livre quelques pistes utiles pour garantir l’impartialité en ce domaine.

L'amélioration de la qualité des comptes des collectivités locales est un autre chantier important, de même que la réduction des délais de paiement des dépenses de l'État, lesquels ne sont pas sans conséquences sur la trésorerie des PME. Notre objectif est de parvenir en 2007 à un délai moyen inférieur à trente jours.

Enfin, il est proposé de renforcer les moyens du service des pensions afin de faire face à l'augmentation du nombre de départs à la retraite dans la fonction publique.

Le second programme de la mission, « Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle », vise à rationaliser la gestion des moyens de fonctionnement de l'administration centrale du ministère – dont les crédits diminuent globalement de 0,8 %. Il contribue également à dynamiser la gestion du patrimoine immobilier. Sur ce sujet, je me réjouis du travail que nous avons réalisé ensemble, et je salue la contribution de la Mission d’évaluation et de contrôle. Les résultats sont au-dessus de nos espérances. Ce programme tend enfin à réaliser l'ambition sociale du ministère, accompagnement indispensable des réformes que nous mettons en œuvre. Dans ce domaine, l'accent reste mis sur la restauration collective et sur une politique de réservation accrue de logements en régions.

La mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » reprend tous les instruments de la politique économique publique. Elle représente plus de 7 800 emplois et 800 millions d'euros de crédits.

Un premier programme – « Stratégie économique et financière et réforme de l'État » – regroupe la direction du budget, les services centraux de la direction générale du trésor et de la politique économique, la direction de la législation fiscale, la DGME et l'Agence pour l'informatique financière de l'État. Il est doté de moyens globalement stables : 369 millions d’euros en autorisations d'engagement et 414 millions en crédits de paiement, plus de 1 500 emplois.

Ce programme porte, en 2007, deux importantes réformes d'organisation. Ainsi la direction de la législation fiscale vient-elle de réorganiser ses structures afin d'offrir à ses interlocuteurs un « guichet » unifié, avec la création de pôles dédiés par type de contribuable, professionnels ou particuliers. Je m’étonne au passage qu’une réforme aussi utile n’ait pas été réalisée plus tôt.

De son côté, la direction du budget conduit un très important chantier de transformation qui la conduit à revoir ses missions en profondeur et à se réorganiser conformément aux recommandations de la mission d’information sur la LOLF. Ce travail était indispensable pour tirer les conséquences du rapprochement entre le budget et la réforme de l'État.

Le deuxième programme de la mission, « Statistiques et études économiques », est entièrement tourné vers la production de données statistiques à l'intention des acteurs institutionnels, économiques et du grand public. Ces prévisions sont toujours très attendues et donnent parfois lieu à des débats, voire des polémiques, ce qui est normal dans une grande démocratie comme la nôtre. Nous poursuivrons en 2007 un double effort de rationalisation de la statistique publique et de promotion de la qualité statistique selon les meilleurs standards internationaux.

J'en viens à la mission « Engagements financiers de l'État ». Nous entrons là dans une autre dimension de l'action du ministère et dans des ordres de grandeur également très différents puisque les crédits de cette mission s'élèvent à 41 milliards d'euros, dont 96 % pour le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État ». Je n'ai évidemment pas besoin de souligner le poids que représente la charge de la dette pour notre pays : nous en avons déjà longuement parlé. Ce constat est à l’origine de la mission confiée par M. Breton à M. Pébereau.

Trois éléments devraient caractériser la gestion de la charge de la dette en 2007 : la diminution du déficit budgétaire de l'État, la remontée progressive des taux à court terme, et la stabilité des taux d'intérêt à moyen et long terme, qui permet le refinancement de la dette dans des conditions encore favorables.

La progression de la charge de la dette négociable reste contenue par rapport à la loi de finances pour 2006 du fait des efforts engagés par le Gouvernement pour réduire le niveau d'endettement de l'État, ainsi que d’une politique de gestion active.

S'agissant enfin de la mission « Remboursements et dégrèvements d'impôts », nous ne verrons ce matin que le programme relatif aux impôts d'État, la discussion du programme relatif aux impôts locaux étant groupée avec l'examen des crédits du ministère de l'intérieur. Vous aborderez donc cet aspect avec mon collègue Brice Hortefeux – mais je suis prêt à répondre à d’éventuelles questions sur le sujet.

À ce programme évaluatif, nous vous proposons d'inscrire 62,393 milliards d'euros. Nous avons tenu le plus grand compte des observations formulées par M. Jean-Jacques Descamps sur la nécessité pour les usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible. Nous vous avons déjà apporté des réponses sur ce point – notamment à travers les améliorations apportées aux objectifs et aux indicateurs de la mission – mais je suis évidemment tout prêt à y revenir si vous le souhaitez.

Pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais ces missions représentent le cœur de l’action du ministère des finances, voire du fonctionnement de l’État. Je ne voudrais pas terminer sans insister sur la qualité exceptionnelle de l’équipe de direction en place au ministère. Certains, en effet, semblent assimiler le mot « Bercy » à un gros mot. (Sourires.) Après ces deux années à la tête du ministère du budget et de la réforme de l’État, je mesure à quel point ses fonctionnaires sont indispensables pour faire tourner la maison, et pour la faire tourner de façon innovante. Derrière les ministres qui se présentent devant vous se trouvent des équipes d’une grande compétence qui, lorsqu’elles bénéficient d’orientations claires, sont capables de petits, voire de grands miracles. Je salue notamment le rythme et l’ampleur des actions menées par la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique en faveur de la modernisation de la relation avec les contribuables. Si je tenais à souligner tout cela, c’est que, dès lors que l’on est solidaire dans l’épreuve, il faut être également attentif à partager les fruits du succès lorsque les résultats sont bons – et en ce domaine, j’ai plutôt l’esprit de famille.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Personne, monsieur le ministre, ne doute de la compétence de ceux qui vous entourent – du moins pas ici.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour les engagements financiers de l’État et les provisions.

M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour les missions « Engagements financiers de l’État » et « Provisions ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État » correspond partiellement à l’ancien budget des charges communes. Il regroupe un certain nombre de passifs figurant au bilan de l’État, à commencer par le plus important d’entre eux, la charge de la dette, à laquelle il faut ajouter les appels en garantie de l’État – notamment pour la COFACE –, les dépenses budgétaires liées à l’épargne logement et les majorations de rentes, ces dernières concernant toutefois un dispositif en voie d’extinction.

Le compte spécial « Provisions » a, dans ce budget, un caractère extrêmement limité. La provision relative aux rémunérations publiques a en effet déjà été intégrée dans les crédits de chaque programme pour tenir compte de l’augmentation de 0,5 % de la valeur du point « fonction publique » au 1er février 2007. Quant à la provision « Dépenses accidentelles et imprévisibles », elle est dotée d’environ 80 millions d’euros en crédits de paiement.

Le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État » est donc, de loin, le plus important. Rappelons que la politique de l’État, en ce domaine, est fondée sur certains principes généraux tels que la simplicité de l’offre de titres, la liquidité du marché et la transparence des procédures de vente des titres. L’objectif est de faire en sorte que le compte de l’État à la Banque de France soit toujours créditeur.

Les objectifs et indicateurs associés au programme montrent une performance globalement satisfaisante. Seuls certains résultats sont un peu en deçà des attentes. Ainsi, le solde moyen de l’État à la Banque de France en fin de journée s’est établi à 105 millions d’euros en 2005, pour une prévision de 100 millions. Par ailleurs, le taux d’annonce par les collectivités territoriales de leurs opérations financières affectant le compte du Trésor n’atteint pas le niveau espéré. Il est vrai qu’une grande partie de ces indicateurs dépend moins de l’action de Bercy ou de l’Agence France Trésor que du comportement de leurs correspondants ou partenaires.

Je souhaite toutefois vous interroger, monsieur le ministre, sur la durée de vie moyenne de la dette. L’objectif était de la limiter à six ans, mais on évolue plutôt vers une durée de sept ans. Cependant, à mon sens, ce résultat ne s’explique pas par une mauvaise gestion, mais plutôt par le fait que le calcul est effectué après swaps, alors que le programme swaps a été suspendu en 2002. Dès lors, la pertinence de l’indicateur apparaît limitée. Est-il vraiment nécessaire de le maintenir ?

En ce qui concerne la charge de la dette publique, le contexte est très positif, puisque le projet de loi de finances prévoit une réduction du déficit et la poursuite du désendettement. Après des années de dérive, nous sommes enfin tout près d’atteindre le solde stabilisant le poids de la dette de l’État dans la richesse nationale, c'est-à-dire un déficit d’environ 40 milliards d’euros.

Il faut y voir la conséquence de trois choix politiques : D’abord, l’affectation systématique des surplus de recettes fiscales à la réduction du déficit budgétaire. Ensuite, l’affectation des recettes de cessions d’actifs, qui se sont élevées à près de 17 milliards d’euros entre 2006 et 2007. Je note à ce sujet que le rachat de titres est effectué soit par la Caisse de la dette publique, soit directement par l’Agence France Trésor. Je voudrais savoir quel est l’intérêt de cette double démarche.

Enfin, la troisième cause de ces bons résultats est une plus grande mobilisation de la trésorerie de l’État, qui a permis de constituer une ressource de financement de l’ordre de 30 milliards d’euros. Mais on ne peut renouveler cette opération chaque année. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu’il subsiste des marges de manœuvre en ce domaine ? La difficulté provient de la remontée des taux d’intérêt, qui pourrait s’accentuer à partir de 2007. Cette donnée a-t-elle été suffisamment prise en compte lors de l’évaluation des dotations ?

Enfin, je souhaite vous poser deux questions au sujet de la gestion de la dette. D’abord, quel est votre sentiment sur les conclusions du rapport de MM. Lambert et Migaud, qui propose d’élaborer un document unique pour le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Quel impact une telle décision pourrait-elle notamment avoir sur la gestion de la dette ?

Ensuite, nous voyons ces temps-ci fleurir toute une littérature catastrophiste concernant l’évolution de la dette publique, et notamment la notion de dette implicite. Sans doute faut-il y voir une retombée inattendue du rapport Pébereau. Or la loi de règlement, en particulier, comprend certains indicateurs susceptibles d’apprécier le montant de cette dette implicite. Ne serait-elle pas l’occasion d’en dresser un bilan approfondi ? Cela permettrait non seulement de mieux cerner la notion et donner plus de valeur à un débat qui passe généralement inaperçu, mais aussi de rassurer nos compatriotes, ou du moins de leur expliquer la véritable nature des enjeux.

Je serai plus bref sur les garanties et les autres programmes. Je souhaite cependant vous demander quel est votre sentiment sur le mouvement massif de décollecte qui affecte l’épargne logement depuis la fin de 2005, et quel est son impact sur le calibrage de votre budget.

Enfin, où en est le Gouvernement sur l’évaluation des effets des dépenses fiscales associées au programme « Épargne » ?

En conclusion, je proposerai naturellement à la commission d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission et des programmes qui lui sont liés.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je commencerai par la question la plus générale, celle du rapprochement entre PLF et PLFSS. Elle me donne l’occasion de réagir publiquement au rapport, extrêmement intéressant et riche de propositions audacieuses, que Didier Migaud et Alain Lambert ont remis la semaine dernière au Premier ministre. C’est la deuxième fois que ces parlementaires sont parlementaires en mission. Je n’y vois que des avantages, d’autant plus qu’ils connaissent particulièrement bien la LOLF, pour en être, avec d’autres – en particulier Michel Bouvard –, les inspirateurs. Parmi les dizaines de propositions innovantes contenues dans ce rapport, trois ont retenu tout particulièrement notre attention : la pluriannualité, la certification, et l’intégration du PLF et du PLFSS. Je trouve cette dernière piste extrêmement intéressante, même s’il ne faut pas en sous-estimer les difficultés techniques. L’avantage est que l’on irait vers une plus grande transparence des flux financiers entre les différents comptes publics. Cela permettrait d’éviter certains malentendus, comme la tentation, dès lors que l’État gère mieux ses comptes, de transférer sur d’autres secteurs ses résultats positifs. L’objectif est la maîtrise globale des finances publiques, finances sociales et locales comprises. Avec un rapprochement entre les deux budgets, chaque acteur public pourrait contribuer à l’atteindre dans le cadre de ses compétences. La conférence des finances publiques, instance idoine pour travailler à cette question, va l’inscrire à son ordre du jour dans quelques semaines. À titre personnel, je compte m’investir sur ce projet, car j’y crois beaucoup.

En ce qui concerne la durée de vie moyenne de la dette, je rappelle que son augmentation est une conséquence mécanique de l’évolution des taux d’intérêt. L’Agence France Trésor a en effet pour instruction de réduire sa durée de vie quand les taux sont élevés et de l’allonger quand ils sont bas. Cela relève d’une gestion de bon père de famille. Or, les taux d’intérêt sont très bas depuis 2002. L’exemple emblématique est l’émission, pour plus de 11 milliards d’euros, d’obligations à cinquante ans à un taux fixe moyen de 4 %. L’optimisation de la gestion de la dette a donc conduit faire passer sa durée de vie de cinq ans et huit mois en décembre 2003 à six ans et neuf mois en août 2006. Les taux à dix ans ont, eux, chuté de 5,75 % à 3,77 % entre 1994 et 2002. Cette gestion est source d’économies importantes. Ainsi, la politique de swaps a rapporté près de 1,7 milliard d’euros au budget de l’État entre 2002 et 2006.

On pourrait sans doute faire évoluer l’indicateur afin qu’il reflète mieux la flexibilité de la gestion de la dette. Si vous avez des propositions à nous faire sur ce point, je suis tout à fait prêt à les entendre.

En ce qui concerne l’articulation entre l’Agence France Trésor et la Caisse de la dette publique, la seconde est affectataire de recettes de privatisations destinées au désendettement, tandis que la première conduit toutes les opérations de gestion active de la dette, soit en direct via le programme d’émissions et de rachats, soit de manière indirecte, par le biais de la Caisse de la dette publique. La répartition des tâches est donc tout à fait claire.

Quant au solde du compte du Trésor à la Banque de France, il résulte du choix, effectué dans l’intérêt financier du contribuable, de laisser l’argent sur les comptes de la Banque de France lorsque les conditions de placement ne sont pas favorables.

Pour résumer, notre stratégie de gestion de la dette repose sur trois piliers : la maîtrise des finances publiques et la réduction du déficit, l’affectation de toute cession d’actifs au désendettement, l’optimisation de la gestion de trésorerie. Quant aux plus-values de recettes, elles ne sauraient être consacrées à de nouvelles dépenses. Un père de famille dont le compte est à découvert et dont le salaire est exceptionnellement augmenté de 1 % va-t-il dilapider ce gain par de nouveaux achats ? Non, pas s’il agit en personne responsable. Or c’est, mutatis mutandis, le cas de figure dans lequel nous nous trouvons cette année.

Ces actions ont déjà porté leur fruit dans la mesure où l’AFT a réduit de 14 milliards d’euros l’encours de la dette à court terme de l’État – les fameux BTF – entre le 1er janvier et le 31 août 2006. Plus de la moitié de l’objectif de désendettement a été réalisée au 30 juin : la dette publique a baissé, selon l’INSEE, de 1,1 point de PIB au premier semestre, alors que l’objectif annuel est d’atteindre deux points. Bien entendu, l’effort de désendettement sera prolongé en 2007.

S’agissant de l’épargne logement, les récentes réformes du PEL ont visé à recentrer le dispositif sur sa mission originelle : accumuler l’épargne pour l’investissement immobilier. Depuis l’annonce, en décembre 2005, des nouvelles mesures fiscales et sociales, on observe une accélération importante du rythme de fermeture des plans, et donc de la dépense budgétaire liée aux primes d’État inscrites dans l’action « Épargne logement ».

Je note d’ailleurs que cette mesure avait été adoptée par les sénateurs socialistes. Si, sur ce sujet, M. Migaud m’a volé dans les plumes, c’était sans doute pour faire passer indirectement un message au groupe socialiste du Sénat… (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je persiste, et je signe : ce mouvement de décollecte prouve incontestablement qu’une grande partie des PEL ouverts avaient une autre destination que l’investissement immobilier : leur finalité était détournée pour en faire un simple produit de placement. Ainsi, entre le 31 décembre 2005 et le 30 juin 2006, l’encours est passé de 227 à 211 milliards d’euros, et 800 000 plans ont été fermés en six mois. Les prévisions de dépenses budgétaires en 2007 ne sont toutefois pas affectées par cette situation.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la gestion et le contrôle des finances publiques.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ». Je vous dirai d’entrée de jeu, monsieur le ministre, que j’ai été très sensible aux propos que vous avez tenus à l’égard des fonctionnaires qui vous entourent. Leurs qualités ne sont pas pour moi une découverte, mais il est bon que l’on en prenne conscience. Nous avons une administration qui fonctionne bien, ainsi que j’ai déjà pu l’apprécier en tant que rapporteur spécial pour les charges communes sous la précédente législature. En tout cas, s’agissant du point que vous venez d’évoquer, il suffit de relire les rapports pour constater que les rapporteurs font aussi des suggestions – en l’occurrence, je n’aurais peut-être pas été sur la même longueur d’ondes que Didier Migaud...

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai toujours été frappé de constater que, lorsqu’au ministère des finances un ministre propose une mesure qui choque quelque peu, les parlementaires de sa majorité ne rejettent jamais la faute sur lui, mais sur Bercy. Une telle dissociation entre le ministre et le ministère me paraît toujours quelque peu décalée par rapport à la réalité des efforts de chacun.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. La mission « Gestion et contrôle des finances publiques » se compose de deux programmes : « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » – n° 156 – et « Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle » – n° 157.

Ces deux programmes sont très déséquilibrés puisque le premier représentera en 2007 plus de 91 % des crédits de paiement et près de 96 % des moyens en personnels alors que le second mobilisera un peu moins de 9 % des crédits de paiement et près de 4 % des personnels de la mission. Celle-ci mobilise 134 276 équivalents temps plein travaillé sur un total de 170 977 pour le ministère, soit un peu plus de 78 % des agents du ministère. Cependant, elle devrait restituer 2 627 fonctionnaires sur les 2 982 que le ministère doit perdre entre les exercices 2006 et 2007, soit 83 % des efforts de réduction d’effectifs du ministère.

La mission comprend les deux grandes directions à réseau du ministère, c’est-à-dire la DGI et la DGCP, ainsi qu’une partie de la direction générale des douanes. Elle représente, comme en 2006, environ 3,3 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement et 5,8 % des effectifs ETPT.

L’augmentation de la dépense envisagée est inférieure à la progression de 1,4 % des dépenses en euros constants annoncée par le Gouvernement, et le nombre des ETPT est en baisse de 1,8 %, alors que les charges de personnel connaissent une augmentation limitée à 1 %.

La mission a pour principales orientations de promouvoir le civisme fiscal et de renforcer la lutte contre la fraude, d’améliorer la qualité de service et de rendre les services au meilleur coût.

Les deux directions à réseau – les autres devant suivre – ayant signé des contrats de performance pluriannuels, l’articulation entre cette pluriannualité et l’annualité qui caractérise notre propre examen peut être source de difficulté, puisque les crédits contractualisés dans les contrats pluriannuels de performance représentent près de 97 % de la demande de crédits pour 2007.

Le programme n° 156 comporte huit objectifs et neuf actions, contre cinq objectifs et cinq actions pour le programme n° 157. Je limiterai mon propos aux moyens en personnels et aux moyens informatiques, avant de présenter quelques observations concernant les douanes, la direction des grandes entreprises, la déclaration préremplie et les buralistes.

S’agissant des moyens en personnel, ceux de la catégorie C assument, pour 140 %, la réduction d’effectifs. Une telle baisse est-elle raisonnable ? Comment peut-on en effet la concilier avec la volonté d’intégrer des jeunes dans le premier grade, sans concours, dans le cadre du PAP 2006, par exemple, ou des auxiliaires jeunes issus de milieux défavorisés ? C'est pourtant sur cette seule catégorie C qu’a portée la diminution d’effectifs, même si l’on note une promotion des agents de catégorie C en catégorie B. Et qu’en est-il, dans ces conditions, de la lutte contre la fraude fiscale – à laquelle je reviendrai à propos de la direction des grandes entreprises ?

Par ailleurs, en matière de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, la situation n'est pas toujours très claire. Entre les départs à la retraite, les recrutements et les promotions à l’ancienneté, le ministère doit s’appliquer à clarifier les outils permettant de s’y retrouver, en particulier si l’on veut respecter les plafonds fixés.

Dans le même ordre d’idées, je n’ai pas trouvé non plus d’indicateurs retraçant quelque mouvement que ce soit en matière de fongibilité asymétrique – pourtant l’un des grands objectifs de la LOLF. Personne, apparemment, n’a essayé de mettre en œuvre la possibilité ainsi offerte.

Je relève par ailleurs une multiplication des primes. Vous parliez pour votre part, monsieur le ministre, d’intéressement : prime collective d’intéressement ou encore rémunération au mérite de la seule catégorie des agents de la catégorie A+. Or ces primes semblent n’intervenir, en outre, que dans le cas où de très grosses difficultés sont apparues, comme cela a été le cas, en matière informatique, avec le programme Hélios. Il ne faudrait pas que la prime devienne un outil simplement destiné à aider à résoudre les difficultés de tel ou tel programme.

Concernant toujours les plafonds de personnels, le bilan social de 2005 fait apparaître des écarts très importants dans le nombre des agents selon les régions. Celles où la densité des agents est la plus faible sont la Picardie, le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine avec respectivement 2,18, 2,32 et 2,35 agents pour 1 000 habitants. Quand on sait que d’autres régions comptent beaucoup plus d’agents, on se demande vraiment quelle a été la logique de gestion des personnels suivie en la matière.

Le ministère, il est vrai, s’est engagé sur la voie d’une réduction importante des effectifs puisque, sur la base des différents contrats de performance, ce sont près de 7 500 réductions d’emplois qui seront réalisées sur la période 2006-2008, et cela uniquement sur la catégorie C, comme je le soulignais tout à l’heure.

Pour ce qui est des moyens informatiques, ainsi que je l’écris dans mon rapport, « tout va bien puisqu’on vous le dit »… Or, la presse spécialisée et les communiqués des organisations syndicales ont fait part de « remous » au ministère autour des grands programmes informatiques et souligné que « Bercy ne s’inquiète pas malgré les retards des grands projets majeurs ». Comme je constate également le départ de certains responsables de ces programmes, je me permettrai donc de poser quelques questions concernant ces trois grands chantiers que constituent Copernic, Hélios et Accord 2.

L’état d’avancement de ces différents projets informatiques conditionne une partie de la réalisation des objectifs de performance et contribue à la modernisation de l’administration, en particulier à la mise en place d’une e-administration. Leur mise en place exige des investissements financiers considérables, sachant toutefois que des gains de productivité sont attendus. Aussi convient-il d’examiner d’un peu plus près la politique informatique suivie par l’État, car, qu’il s’agisse du ministère de l’économie et des finances ou de l’ensemble des autres ministères, les programmes engagés en la matière sont très importants.

Pour ma part, je m’émerveille du fait que, sur neuf ans, le coût des différents projets soit toujours stable et n’évolue pas… Alors que l’on a évalué le coût total du programme Copernic à 911,5 millions d’euros sur la période 2001-2009, et que soixante-dix projets sont en cours d’élaboration – il s’agit de toutes ces « briques » dont l’assemblage doit permettre d’aboutir à l’interlocuteur fiscal unique et à la mise en place d’une informatique desservant les deux directions à réseau –, je m’étonne vraiment qu’il n’y ait pas de dérive en matière de coût, sachant que le plan d’action opérationnel dans sa version 4 a été validé en mai 2005 et que son actualisation est en cours d’élaboration.

Des précisions sont donc nécessaires concernant le développement du programme Copernic, d’autant que l’on trouve peu d’explications concernant les reports de crédits d’un exercice sur l’autre. Il y a eu un premier pic, l’an dernier, en matière d’autorisations d’engagement, et l’on assiste à un second, à l’heure actuelle, en matière de crédits de paiement. Ne voudrait-on pas se servir de la LOLF pour permettre le rattrapage des crédits reportés ?

La rénovation du système d’information de la DGI et de la DGCP prévoit la cohabitation, durant quelques années, des applications informatiques existantes et des applications nouvelles. En outre, l’impact du coût de reprise sur les budgets informatiques de la DGI et de la DGCP dépasse les 280 millions d’euros sur la période 2006-2008, sachant que la gestion des composants développés est assurée par ces directions l’année suivant celle de mise en exploitation. Une clarification est également nécessaire sur ce point. J’avais d’ailleurs noté, lors de l’audition des trois inspecteurs généraux, dont l’un du ministère de la défense, qui ont travaillé sur la mission de modernisation, que tous s’étonnaient du fait qu’il n’y a eu, depuis 2001, aucun dérapage en matière de crédits.

Pour en venir au programme Hélios – estimé à 100 millions d’euros –, le coût total actualisé du projet est à l’heure actuelle chiffré à 138,8 millions d’euros. Par rapport à celui du programme Copernic, l’échéancier distingue, d’un côté, le coût du projet et, de l’autre, la logique d’exploitation. Il serait bon de connaître le coût futur des applications et avec quelle périodicité leur renouvellement se fera. On nous explique, par exemple, que, pour Hélios, la logique d’exploitation reviendra à 8,3 millions d’euros par an à compter de 2007. Nous attendons la même précision s’agissant de Copernic.

Nous aimerions en tout cas savoir, même s’il ressort de nos informations que les équipes sont efficaces, qui gère ces programmes depuis le départ de leurs responsables, et ce qu’il en est des retards et des difficultés de déploiement constatés sur le programme Hélios ? Il s’agit en effet d’une opération importante, ne serait-ce que du point de vue des primes accordées aux agents qui l’ont mise en œuvre, puisque la prime d’intéressement que chacun a touchée a été de 350 euros.

J’en viens à la direction des grandes entreprises. Celle-ci correspond à 802 ETPT, son plan de charge est estimé à 35 000 entreprises pour l’horizon 2006-2007, et ce qu’elle a recouvré au titre de la TVA, soit près de 51 milliards d’euros, représente un tiers du total national. Elle dispose de 312 agents, sachant que l’on en compte 500 à la direction des vérifications nationales et internationales, la DVNI. Leur coût revient à 54,5 millions d’euros, ce qui représente 0,69 % des crédits de paiement du titre II. Ils ont traité, en 2005, 15 000 demandes de remboursement de crédits de TVA, pour 15 milliards d’euros.

La direction a réalisé, au cours de l’exercice 2005, 2 980 contrôles sur pièces qui ont donné lieu à des rectifications portant sur plus de 117 millions d’euros. Selon la Cour des comptes, cette montée en puissance pourrait – ce qui est également mon avis – être plus forte, ne serait-ce qu’en raison du rendement attendu. La DVNI a effectué pour sa part 1 350 contrôles l’an dernier, pour 2,5 milliards d’euros de droits. Comparé à l’effectif de la DGE, on ne peut que souligner la productivité des agents de cette dernière.

Si l’on veut une administration qui ne soit pas simplement une administration de services, mais également une administration de contrôle, il conviendrait qu’il n’y ait pas deux poids et deux mesures entre, d’une part, le contrôle sur pièces des entreprises et, d’autre part, les vérifications entreprises au niveau des particuliers où, avec la déclaration préremplie et la télédéclaration, le contrôle est quasi permanent. On a compté à cet égard 22 % de relances amiables dans le cadre de l’expérimentation en Ille-et-Vilaine, pourcentage qui devrait être similaire en 2006. Compte tenu des moyens mis en œuvre en matière de fiscalité des particuliers – soit 36 546 ETPT –, il doit être possible, en jouant sur son organisation, de renforcer les contrôles sur pièces effectués par la DGE.

Un effort a été fait s’agissant de la fiscalité des particuliers puisque de plus en plus de contribuables – 5,7 millions – télédéclarent, sachant que l’outil dont nous disposons est capable d’accepter près de dix millions de télédéclarants. Un emploi ETP étant économisé pour 16 000 télédéclarations, l’économie par rapport à l’investissement réalisé n’est donc que d’environ 3,125 millions d’euros en moyenne. La question du retour sur investissement mérite donc d’être posée.

En effet, si nos concitoyens se tournent de plus en plus vers la télédéclaration et l’e-administration, n’a-t-on pas cependant surdimensionné les équipements, notamment pour pouvoir accepter un flux journalier beaucoup plus important ? N’aurait-on pas dû étaler l’effort un peu plus dans le temps, ce qui aurait eu un coût moindre ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, la déclaration préremplie, voire la télédéclaration, ne pourraient-elles permettre d’aboutir à la retenue à la source ?

Nous avons voté, en première partie du projet de loi de finances, un amendement portant sur la réduction de vingt euros offerte aux télédéclarants. Il faut savoir en effet qu’à la question : « Auriez-vous effectué votre déclaration des revenus par l’Internet si aucune réduction d’impôt n’avait été accordée ? », seuls 10 % des télédéclarants ont répondu par la négative. Le vote de cet amendement est donc utile, car le coût de la réduction n'est pas neutre : on l’évalue entre 80 millions d’euros en 2006 et 110 millions d’euros en 2007, sachant en outre que le dispositif ne bénéficie qu’à ceux qui disposent d’un ordinateur.

L’action « Fiscalité des marchandises et des moyens de transport » représente 784 ETPT. Si j’y fais allusion, c’est pour demander quel appui peuvent apporter les douanes en matière de TVA intracommunautaire.

À cet égard, la restructuration de la direction générale et des droits indirects suscite quelques inquiétudes. Certes, celle-ci ne dépend pas de cette seule mission, mais des problèmes se posent notamment en matière de contrôle des marchandises dans les aéroports et les ports, en particulier celui du Havre, même si j’apprécie à cet égard le regroupement des deux laboratoires, celui de la DGCCRF et celui des douanes.

S’agissant des débitants de tabac, une convention a été signée entre le Trésor public à propos de la possibilité de paiement par timbre électronique. L’expérimentation reste pour l’instant à un niveau modeste puisque 60 débitants sont concernés, sachant que le dispositif devrait en concerner à terme 3 000 sur plus de 30 000. Ne pourrait-on accélérer la mise en œuvre des conclusions des audits, s’agissant notamment du paiement des amendes par timbre électronique ?

D’une façon générale, les audits de modernisation constituent des outils très intéressants. Aussi conviendrait-il de mettre en œuvre plus rapidement les conclusions de leurs rapporteurs. Leurs remarques sont en effet souvent très pertinentes, mais elles manquent malheureusement de suivi – j’en veux pour preuve leur suggestion concernant les vingt euros.

Qu'il me soit permis en conclusion, monsieur le ministre, de vous rappeler que vous n’êtes pas le P–DG d’une entreprise, que nous ne sommes pas un conseil d’administration et que nos concitoyens ne sont pas seulement des clients. Aussi devons-nous faire très attention à ce que nous faisons en la matière. Certes, il nous faut une administration qui réponde au moindre coût à nos concitoyens, mais sans qu’il soit besoin forcément de lui donner le statut d’entreprise.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. M. Carcenac est intervenu longuement, mais il est vrai que le sujet le méritait. En tout cas il aura, comme M. Garrigue, accompli dans le détail son travail de rapporteur spécial.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Votre conclusion, monsieur Carcenac, tend à relancer l’un de ces débats qui, dans notre beau pays, peuvent passionner les uns et les autres pendant des heures. Permettez-moi cependant de vous faire remarquer que nous avons changé de siècle, et il ne me paraît ni grossier, ni médiocre, d’avoir un débat de fond sur la vocation de notre administration et sur son rapport au contribuable et à l’usager. De ce point de vue, une approche strictement régalienne consistant, pour l’administration, à n’accepter ni d’être évaluée ni de vouloir réfléchir à une modernisation de sa relation avec le contribuable et l’usager, est d’un autre temps.

Je n’ai jamais prétendu par ailleurs que le ministre soit un P-DG. C'est de votre part un abus de langage, même si j’ai bien compris que vous n’aviez versé dans la caricature que pour donner du sens à notre débat. Ce que j’ai souligné, c’est que lorsqu’un contribuable paye ses impôts, il est en droit d’attendre que l’administration tende au « zéro défaut » comme n’importe laquelle des autres grandes structures auxquelles il a affaire. Il n’y a rien de choquant, bien au contraire, à ce que l’administration s’efforce d’y parvenir, dès lors qu’elle est rémunérée pour cela par le produit des impôts. C'est un point sur lequel nous devrions, les uns et les autres, nous retrouver aisément.

Vous avez bien entendu toute latitude pour qualifier mon poste. Cependant, si j’ai beaucoup travaillé depuis que je suis tout petit, c’était pour pouvoir m’engager en politique. Aussi pouvez-vous imaginer quelle peut être ma fierté d’être ministre – et non pas P–DG. Dans mon esprit, il n’y a jamais eu d’ambiguïté sur ce point.

Les sujets sur lesquels vous êtes intervenus sont tous très intéressants. Aussi essaierai-je d’y répondre de la manière la plus précise possible.

Pour ce qui est des suppressions d’emplois, vous vous êtes demandé pourquoi celles-ci concernaient plutôt la catégorie C. La réponse est simple. D’où proviennent aujourd’hui les gains de productivité ? De la réorganisation des services, d’actions systématiques de rationalisation et d’un recours croissant à l’informatisation et à la dématérialisation. Or, cette automatisation de masse porte sur des opérations qui, pour l’essentiel, sont traitées par des agents de catégorie C. L’exemple de la télédéclaration de l’impôt sur le revenu est à cet égard typique, mais il en va de même pour l’informatisation des paiements, pour la dématérialisation des échanges ou bien encore, avec le progiciel Hélios, pour la comptabilité des collectivités locales.

C'est d’ailleurs là un grand défi qu’il nous est donné de relever en termes de gestion des ressources humaines, celui du parcours professionnel de ceux qui, relevant aujourd’hui de la catégorie C, veulent progresser. Le secrétaire général du ministère a reçu sur ce point, de la part de Thierry Breton et de moi-même, une feuille de route très précise à ce sujet.

Je reviendrai à cet égard sur la question de la prime, car vous avez semblé dire que celle-ci était une manière de faire «passer la pilule » – même si ce n’est pas le terme que vous avez employé. Les choses doivent être claires sur ce point, car ce que nous avons fait pour le ministère de l’économie et des finances a vocation à se faire pour tous les services de l’État.

Une prime qui vient récompenser un effort de modernisation n'est pas une douceur anesthésiante. C’est une marque de reconnaissance et de considération pour l’effort accompli. Il est normal que les fonctionnaires qui participent à des actions de modernisation aussi majeures que la déclaration préremplie, la télédéclaration, la modernisation des relations avec les collectivités locales ou, s’agissant des douanes, la lutte contre la contrefaçon, puissent faire l’objet d’une marque de considération. Non seulement c’est tout à fait moderne, mais cette reconnaissance du travail accompli par les agents de l’État devrait également, monsieur Carcenac, dépasser les clivages politiques.

Vous avez posé une question sur la fongibilité asymétrique, qui porte d’ailleurs plus sur l’avenir que sur le présent, puisque la LOLF n’en est qu’à ses débuts. En tout cas, je souhaite que votre commission se penche sur cette question, car il s’agit là – je parle sous le regard amusé du président – d’un outil formidable, et je regretterais que les ministres ne l’utilisent pas – oserai-je dire qu’elle s’use si l’on ne s’en sert pas ?

Qu’il s’agisse de la DGI ou de la DGCP, l’objectif est de faire en sorte que les redéploiements de crédits de titre II vers les crédits hors dépenses de personnel, c’est-à-dire les titres relatifs aux moyens de fonctionnement et d’investissement, se matérialisent en fin d’année. Ce que je souhaite, c'est qu’après chaque examen du collectif budgétaire, vous aiguillonniez les autres ministres afin qu’ils utilisent, à l’instar d’autres pays, cette technique très moderne qu’a instaurée chez nous la LOLF.

Pour ce qui est des programmes informatiques, vous avez d’abord souligné combien la stabilité du budget du programme Copernic vous émerveillait – même si j’ai bien compris que votre émerveillement ne tenait pas à tout ce qui était figé, car vous êtes, comme nous tous, moderne, réformateur et attentif à la meilleure utilisation possible des deniers publics !

Comme dans tout projet, surtout de cette ampleur, il y a des aléas. Il n’en demeure pas moins que si nous tenons le budget, c'est parce que les aléas sont faits pour être gérés, sans que cela se traduise automatiquement par des augmentations de crédits. Si l’on ne peut prévoir les aléas, on peut en revanche s’en tenir, comme c’est notre cas, à l’enveloppe votée en procédant au fur et à mesure aux arbitrages nécessaires, afin d’éviter tout dérapage. Certes, il s’agit encore d’investissement, et nous sommes bien conscients qu’avec les applications apparaîtront des coûts de fonctionnement, de maintenance et d’évolution. Cependant, comme cela a d’ailleurs été prévu lors du lancement du programme, il appartient à la DGI et à la DGCP de prendre en charge ces aléas dans leurs budgets globaux de fonctionnement. C’est ce qui explique que nous tenions l’enveloppe d’un peu plus de 910 millions d’euros qui est prévue sur dix ans, jusqu’en 2009.

Concernant le programme Hélios, vous évoquez les difficultés de déploiement. Les coûts imputables au projet représentent 97 millions d’euros en autorisations d’engagement jusqu’à fin 2007, montant à comparer au coût total évalué au départ à 100 millions d’euros. Bien entendu, comme pour toute application, la phase de développement et de déploiement est suivie d’une phase d’exploitation et de maintenance qui relève des structures et des moyens habituels du Trésor public. Toutefois, les gains de productivité pourraient atteindre 15 % dans les postes comptables de plus de cinq personnes, ce qui est considérable.

Pour ce qui est des retards du programme, le calendrier initial prévoyait un terme de déploiement fin 2007. Certaines difficultés nous conduisent maintenant à parler de 2008, ce qui ne me réjouit pas, mais c'est là un aléa qui peut toujours se produire sur des programmes de cette ampleur. Ces difficultés sont de deux ordres : d’une part, sur le plan technique et fonctionnel, avec l’évolution de l’application vers des versions offrant un nombre croissant de fonctions et, d’autre part, sur le plan humain, car le besoin d’accompagnement des utilisateurs s’est révélé plus important que prévu du fait de la transformation profonde des méthodes de travail, ce qui conduit à mobiliser dans chaque département des équipes importantes.

J’ai demandé que des mesures soient prises pour fiabiliser le logiciel et pour tenir, cette fois, le calendrier. Comme pour les autres programmes, je serai extrêmement vigilant sur ce dernier point. Il est compréhensible que des retards puissent apparaître sur un programme de cette importance, mais il est alors essentiel de recaler très vite les calendriers afin de tenir les délais le mieux possible.

S’agissant des effectifs de la direction des grandes entreprises, les augmentations d’emplois à son profit se font, dans le contexte général de réduction des effectifs, par redéploiement sur les autres services de la DGI, dont l’effort de rationalisation est ainsi accru. Cependant, nous pourrons toujours, si nécessaire, reconsidérer la question au titre de 2008 pour la DGE.

Pour ce qui est du contrôle des demandes de remboursement des crédits de TVA, le contrat de performance 2006-2008 prévoit que la DGI traitera 80 % des demandes de remboursement de crédits TVA – je m’y étais engagé l’année dernière – dans un délai inférieur ou égal trente jours.

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial. L’administration de services ne doit pas faire oublier la fonction de contrôle.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vais y venir.

La DGI se montre soucieuse de sécuriser les remboursements pour préserver les intérêts du Trésor, ce qui explique que l’on ait lancé trois chantiers : affiner la grille d’analyse des risques, sur le fondement de laquelle les demandes de remboursement de crédits sont formulées, afin de distinguer un circuit court et un circuit plus long en cas de risque un peu plus élevé ; actualiser les guides méthodologiques utilisés pour le traitement des demandes en circuit long ; enfin, développer un guide de contrôle interne portant sur le respect des procédures de traitement des demandes.

J’ai, pour ma part, assez mal vécu l’affaire dite « carrousel TVA ». Aussi est-il prévu dans le collectif d’instaurer une plus grande sévérité envers cette technique de fraude.

Le regard que je porte sur la fraude fiscale est d’ailleurs pragmatique : autant il faut, selon moi, alléger les contrôles lourds pesant sur les 97 % des contribuables que l’on pourrait appeler « du quotidien » – entreprises ou ménages –, autant il convient d’être très sévères à l’encontre des récidivistes et des gros fraudeurs. Il faut bien marquer la différence.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Pour avoir eu l’occasion de représenter, au mois de mai dernier, Pierre Méhaignerie à une réunion des commissions des finances des différents parlements de l’Union européenne sur la fraude à la TVA intracommunautaire, j’ai été impressionné par les chiffres avancés. Il y a là un problème majeur, et il serait intéressant de savoir comment l’évasion en la matière évolue et quels sont les moyens déployés pour la combattre non seulement à notre niveau, mais également en liaison avec nos partenaires.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous proposerai, lors de l’examen du collectif budgétaire, un amendement sur cette question de la lutte contre la fraude. Je pourrai alors vous faire un point précis sur la situation. Certes, la discussion d’un collectif est parfois un peu terne, surtout lorsque l’on veille à éviter tout dérapage de dépenses, ainsi que je m’y emploie, conformément d’ailleurs à la demande de votre commission. Cependant, c'est aussi l’occasion de débattre de problèmes qui peuvent ne pas apparaître comme étant considérables aux yeux de la nation, mais qui peuvent être particulièrement irritants pour ceux qui surveillent la bonne utilisation des deniers publics.

Concernant la télédéclaration de l’impôt sur le revenu, son succès n’a pas seulement conduit à des économies de personnel, mais aussi à la sécurisation des rentrées fiscales. Quant aux fameux vingt euros, cette remise est liée au choix d’un moyen moderne de paiement – le prélèvement automatique – combiné à la télédéclaration. Il est normal, lorsque chacun participe à la modernisation, qu’il y trouve un intérêt, et c'est dans cet esprit qu’a été instaurée cette réduction d’impôt de vingt euros sur la période 2005-2007.

Je suis très regardant sur le fait de tenir ses engagements, et je n’aimerais pas être pris la main dans le sac, si j’ose dire, en ne les tenant pas. À cet égard, j’ai toujours été très clair sur le fait que cette remise de vingt euros serait maintenue jusqu’en 2007. C’est pourquoi je n’accepterai pas, sous prétexte qu’elle donne de bons résultats, d’y renoncer pour l’année prochaine, comme on m’y incite. Revenir sur cet engagement ne serait d’ailleurs pas très malin : outre que les mauvais esprits s’en serviraient de manière désobligeante, les bons esprits ne pourraient objectivement en comprendre la raison. Rien ne sera donc changé en la matière, sachant que l’on continue par ailleurs à moderniser le pays à grande vitesse – il nous faudra d’ailleurs nous mobiliser durant le premier semestre pour en convaincre les Français. En tout cas, ces vingt euros constituent une mesure sympathique que je ne vois aucune raison de supprimer pour 2007. Pour 2008, elle a déjà été votée pour les primo-déclarants. La question est donc réglée, à moins que la prochaine majorité y revienne – mais ce sera peut-être la même…

La modernisation des opérations commerciales de la douane a pu susciter ici ou là des inquiétudes et je tiens donc à rassurer. Nous avons en fait tiré les conclusions d’un audit sur le traitement douanier des grands opérateurs du commerce international, selon lequel, si nous ne faisons rien, nous perdrons encore de notre compétitivité par rapport à d’autres ports européens.

Nous avons mené depuis dix-huit mois une réflexion collective approfondie sur ce point et procéderons à une expérimentation à partir de l’année prochaine sur 20 % du territoire. Nous en tirerons les conséquences à la fin 2007, sachant que nous discutons d’un plan d’accompagnement – dans le cadre d’un contrat d’avenir – avec les partenaires sociaux.

Enfin, s’agissant du paiement des amendes chez les buralistes, la convention de projet signée le 4 janvier 2006 par la Confédération des débitants de tabac de France et, en particulier, la DGCP, envisageait le déploiement du matériel nécessaire auprès de 1 500 débitants de tabac avant le 30 novembre 2006 et de 1 500 supplémentaires en 2007, l’objectif étant d’équiper 10 000 points de vente à l’horizon de trois ans. Je vous confirme que notre souhait est d’avancer aussi rapidement que possible. Je suis d’ailleurs en liaison très régulière avec le président de la confédération, s’agissant notamment de la nouvelle étape du contrat d’avenir.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la mission « Remboursements et dégrèvements ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » a cette double particularité d’être la plus importante du budget de l’État et d’être constituée exclusivement de crédits à caractère évaluatif.

J’ai eu l’occasion, il y a quelques jours, de présenter à la commission des finances le programme « Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux » pour 2007. Je vous parlerai aujourd’hui des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État. Ces deux programmes justifient d’ailleurs des remarques communes : d’abord, les crédits regroupés sont très composites. Certains sont « automatiques », comme la régularisation d’acomptes d’impôt sur les sociétés ou de TVA. D’autres correspondent à des mises en œuvre de politiques publiques actives de soutien aux ménages et aux entreprises.

Mon objectif n’est pas de porter des jugements sur ces politiques publiques, mais de vérifier la bonne évaluation de ces dépenses.

Au sein de cette mission, le programme relatif aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État regroupe 62,4 milliards d’impôts de crédits.

Les remboursements de crédits de TVA constituent de loin le plus gros poste, avec 41,3 milliards d’euros. Ils sont en augmentation relativement importante en raison des perspectives favorables de croissance économique, de progression des exportations et d’investissements de nos entreprises pour 2006. Mais cette augmentation ne signifie pas grand-chose en termes de solde budgétaire puisqu’il s’agit d’abord, pour celles-ci, d’améliorer leur trésorerie.

Une part importante des remboursements concerne l’impôt sur les sociétés. Ces restitutions sont évaluées à 9,3 milliards d’euros. Pour l’essentiel, il s’agit de la régularisation d’acomptes déjà acquittés ; de remboursements de la créance de report en arrière des déficits, également dite carry back ; de crédits d’impôts destinés à encourager, soit l’investissement des entreprises comme le crédit d’impôt recherche, le crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage ou celui consacré aux dépenses permettant aux salariés de mieux concilier leurs charges de famille avec leur travail.

Pour 2007, 2,2 milliards d’euros seront mobilisés au titre des restitutions d’impôt sur le revenu. L’augmentation de 200 millions d’euros d’explique par : le relèvement du taux du crédit d’impôt pour frais de garde des enfants de moins de six ans ; la montée en charge du crédit d’impôt pour les jeunes qui prennent un emploi dans un secteur en difficulté de recrutement ; la mise en place du dispositif de plafonnement de certains impôts, dénommé « bouclier fiscal » et institué par l’article 74 de la loi de finances pour 2006.

Le montant des restitutions au titre de ce dernier mécanisme est évalué pour 2007 à 400 millions d’euros, lesquels bénéficient à 126 000 foyers. Neuf foyers bénéficiaires sur dix ont un revenu fiscal de référence annuel inférieur à 3 802 euros. La mesure est donc favorable prioritairement aux revenus modestes, ainsi qu’aux contribuables dont les revenus d’activité ont fortement baissé d’une année sur l’autre. Elle contribue également à réduire les risques de délocalisation des bases taxables à l’étranger en raffermissant l’attractivité fiscale de notre pays.

Il serait intéressant de connaître la part des 400 millions d’euros qui sera prélevée sur la DGF. En effet, lorsque le bouclier fiscal intervient parce que le total des impôts dépasse la base fixée à cause de l’imposition locale, un prélèvement est effectué sur la DGF globale. On nous a parlé d’une somme de l’ordre de 40 millions d’euros, mais j’aimerais en avoir confirmation.

Enfin, la prime pour l’emploi constitue une action à part entière. Le projet de loi de finances pour 2007 opère une majoration sans précédent de cette prime, dont le montant peut désormais atteindre 948 euros. Entre 2002 et 2007, la prime pour l’emploi aura plus que doublé et bénéficie désormais à pas moins de 9,1 millions de foyers fiscaux. Au total, les restitutions à ce titre sont prévues pour 3,28 milliards d’euros, pour des dépenses fiscales attendues à 3,7 milliards d’euros. Ce poste apparaît pour une faible part à un autre endroit du budget, et pour 80 % dans cette mission. Un amendement de régularisation a été présenté par le Gouvernement ; une mesure avait en effet votée en première partie, selon laquelle la prime pour l’emploi ne serait pas due aux contribuables payant l’impôt sur la fortune. Il convenait donc de réduire d’un million d’euros la part de la restitution prévue au titre de notre mission.

Cette mission appelle de ma part plusieurs observations.

En premier lieu, elle regroupe des dépenses « automatiques » sur lesquelles il est délicat de porter un jugement. Ce sont approximativement les deux tiers des crédits de la mission. En revanche, les autres dépenses participent de diverses politiques publiques. Or la contrainte technique liée au caractère évaluatif de ces crédits a conduit à inscrire dans des missions distinctes des crédits qui concourent pourtant à la réalisation d’une même politique publique, ce qui est contraire à l’esprit de la LOLF.

En second lieu, les dépenses fiscales qui sont recensées dans l’annexe « Évaluation des voies et moyens » sont déjà répertoriées au niveau de chaque mission concernée et présentées dans les projets annuels de performance. Pourquoi n’en est-il pas de même des crédits d’impôts ? Ainsi la prime pour l’emploi figure-t-elle dans la présente mission pour 80 % de la dépense, celle qui correspond à une restitution. Les 20 % manquants sont retracés dans la mission « Travail et emploi ». Il en va de même du crédit d’impôt recherche dont la partie émergée est bien dans cette mission « Remboursements et dégrèvements ». Mais, pour en voir la partie immergée, il faut se référer à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je pourrais multiplier les exemples. Il faudrait améliorer la lisibilité de ces différentes politiques publiques, pour la partie qui concerne la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Je préconise que cette mission soit recentrée sur l’essentiel, c’est-à-dire autour des dépenses « automatiques ». On ne peut pas techniquement reporter les autres dépenses dans les missions où les politiques publiques sont définies. Mais on pourrait peut-être, dans la présentation de cette mission, obtenir une meilleure lisibilité en séparant bien ces crédits.

Concernant l’analyse de la performance, le programme ne compte que deux indicateurs, qui concernent les délais de réponse aux réclamations contentieuses. Peut-être serait-il judicieux de réfléchir aux améliorations que l’on pourrait leur apporter.

Enfin, la mission ne comporte pas de crédits de personnel. Nous avons évoqué cette question avec M. le directeur général des impôts. Il serait intéressant que nous disposions au moins d’une évaluation, en tout cas pour les principales actions.

Je terminerai mon propos, monsieur le ministre, en remerciant vos collaborateurs, et en m’associant à ce qui a été dit à leur propos. J’ai eu l’occasion de les rencontrer pour la partie qui concerne ma mission. Nous avons reçu des réponses à notre questionnaire, qu’il nous faudra sans doute analyser avec davantage d’attention lorsque nous en aurons le temps. Je voudrais aussi parler de la « base » de votre ministère. Je suis le maire d’un chef-lieu d’arrondissement qui a été un des premiers à procéder à un regroupement, sous forme d’un hôtel des finances, de l’ensemble des services de votre ministère. Cela s’est fait sans bruit et avec beaucoup d’efficacité. Autant je dois féliciter les hauts niveaux de responsabilité de votre ministère, autant il me faut rendre hommage à tous ceux qui, à la base, participent à cette organisation.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Ces regroupements se passent bien et à un rythme satisfaisant. Je vais jeudi à Parthenay, dans les Deux-Sèvres, pour inaugurer un nouvel hôtel des finances. Les choses progressent convenablement, sans polémiques inutiles, dans le seul souci de l’amélioration du service public.

Vous vous interrogez sur ces programmes dont vous avez la charge. Le débat est ancien. Mais il ne faut pas hésiter : la LOLF est un produit vivant, qui croît et embellit. Le but est d’être en permanence réactif sur la manière de le moderniser. On a d’ailleurs commencé à le faire en supprimant certaines missions et certains programmes.

Les sommes consacrées aux remboursements et dégrèvements d’impôts sont des crédits évaluatifs. Ils ne peuvent donc pas figurer dans des programmes distincts. Mais je suis ouvert à des propositions concrètes dans ce domaine, sachant toutefois que le Parlement doit pouvoir retrouver, rassemblées dans des programmes sectoriels, les principales mesures des missions auxquelles elles répondent.

On peut toujours aussi perfectionner les indicateurs. Je suis très ouvert sur ce point.

Je voudrais vous remercier d’avoir très aimablement souligné le bon travail de l’administration. S’agissant du délai de remboursement de la TVA, j’ai déjà répondu tout à l’heure. Je serai toutefois très prudent sur la manière de procéder. Il faut faire la part des choses entre les différents points et les différents contribuables. S’agissant du traitement des réclamations, dans l’économie de ces programmes, je maintiens que les indicateurs choisis sont parmi les plus pertinents, ce qui n’interdit pas que nous continuions néanmoins d’y travailler.

Concernant le bouclier fiscal, je rappellerai que le montant des restitutions est de l’ordre de 400 millions d’euros, et que les bénéficiaires sont, dans neuf cas sur dix, des foyers modestes. Pourtant, que n’ai-je entendu l’année dernière sur le sujet ! A en croire certains, toute réforme fiscale menée par la droite serait faite pour les riches… C’est pourquoi il fallait rappeler qu’il s’agit bien d’une mesure sociale.

Concernant l’imputation sur la DGF, il est encore un peu tôt pour se prononcer, mais l’estimation est actuellement comprise entre 40 et 60 millions d’euros.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. La parole est à M. le rapporteur spécial pour la stratégie économique et le pilotage des finances publiques.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne détaillerai pas le contenu du projet de budget des deux programmes de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques ». Il se trouve dans mon rapport et je suis naturellement favorable à son adoption. Je me concentrerai sur deux points principaux : les améliorations apportées à la recherche de la performance et la poursuite des audits de modernisation.

Au-delà des améliorations apportées cette année au projet annuel de performances, je souhaiterais attirer votre attention sur les résultats obtenus en terme de performance. L’évolution de ceux-ci atteste d’un certain progrès.

S’agissant du programme « Stratégie économique », le taux de documentation des indicateurs de performance des PAP est notamment passé de 76 % en 2005 à 90 % en 2006, avec une prévision de 95 % en 2007. Quant au taux de directives communautaires non transposées et nécessitant une mesure législative, qui était de 40 % en 2005, il devrait atteindre 25 % en 2006 et 14 % en 2007, avec une valeur cible de zéro en 2008.

D’autres résultats, en revanche, ne révèlent guère d’amélioration. Ainsi, s’agissant du programme « Stratégie économique », l’indice de satisfaction des bénéficiaires des prestations de l’Agence pour l’informatique financière de l’État stagnerait toujours, selon les prévisions, au-dessous de 70 % : 66 % en 2006 et 68 % en 2007, avec une valeur cible identique en 2008. Pour le programme « Statistiques et études économiques », le ratio du volume de l’information collectée par rapport au coût global des enquêtes réalisées auprès des ménages resterait stable entre 2006 et 2008.

D’autres résultats affichent même une évolution dégradée. Concernant le programme « Stratégie économique », l’écart de prévision de croissance du Gouvernement par rapport à la réalisation passerait de 1,2 point en 2005 à 2, voire 2,5 points selon les prévisions en 2006 ; quant à l’écart avec les prévisions des instituts de conjoncture, il augmenterait – 1,8 point en 2006 contre 1,2 point en 2005. Le pourcentage des personnels d’encadrement de l’État estimant que la direction générale de la modernisation de l’État apporte un appui efficace à la modernisation de l’État passerait, selon les prévisions, de 58 % en 2005 à 50 % en 2006 et 52 % en 2007. Au sujet du programme « Statistiques et études économiques », l’écart entre les dates de diffusion des indices sectoriels mensuels et les dates prévues dans les engagements européens serait, selon les prévisions, de douze jours en 2006 et 2007, avec une valeur cible de dix jours en 2008, contre seulement trois jours en 2005.

Enfin, certains indicateurs ne sont toujours pas renseignés, comme ceux relatifs à la fiabilité des prévisions de recettes fiscales dans le programme « Stratégie économique ».

Comment, monsieur le ministre, entendez-vous accélérer les améliorations apportées à la recherche de la performance de la mission ?

Par ailleurs, les audits de modernisation apparaissent aujourd’hui comme une démarche ambitieuse et pragmatique, qui porte déjà ses fruits.

Il faut rappeler que, depuis octobre 2005, 127 audits de modernisation ont été lancés, portant sur plus de 120 milliards d’euros. Ils couvrent les principaux enjeux de modernisation de l’État et associent tous les ministères.

L’approche retenue vaut beaucoup pour son pragmatisme. C’est ainsi que la réforme de l’État et le budget ont été rapprochés et placés sous l’autorité d’un même ministre, ce dont l’ensemble de la commission ne peut que se réjouir. Les corps d’inspection de l’État, internes et externes aux administrations, sont mobilisés pour la conduite des audits. Des consultants du secteur privé sont associés à certains d’entre eux. Les ministères sont eux-mêmes responsables de la mise en œuvre des recommandations. Enfin, le processus est transparent et fait l’objet d’une information publique actualisée.

Les rapports d’audit déjà rendus ont permis, selon le Gouvernement, d’identifier un gisement total d’économies dû à des gains de productivité d’au moins 3 milliards d’euros sur trois ans. 60 % des gains de productivité identifiés résulteraient de la mise en œuvre de travaux transversaux touchant l’ensemble de l’État. Les seuls achats courants de l’État, qui représentent 15 milliards d’euros par an, pourraient donner lieu à terme à une économie d’environ 1,5 milliard d’euros. À ces économies s’ajoutent naturellement tous les gains qualitatifs tant en termes de qualité de service, d’efficacité, que de meilleures conditions de travail pour les agents de l’État. Mais ce processus n’en est qu’à ses débuts. Il devra être conforté dans les années à venir pour être à la hauteur des ambitions affichées. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, y parvenir ? Un audit a été notamment lancé concernant le projet Chorus. Auriez-vous des informations à nous apporter à ce sujet ?

Je conclurai en disant que plusieurs mesures me paraîtraient souhaitables.

Les économies budgétaires et les gains qualitatifs identifiés par les audits pourraient être mieux distingués et précisés. À cet égard, la décomposition des 3 milliards d’euros d’économies prévues reste à affiner.

L’écart entre les prévisions et les résultats effectifs de la mise en œuvre des recommandations de chaque audit gagnerait à être rendu public et actualisé dans un tableau de bord général, qui pourrait figurer sur le site Internet du Forum de la performance.

Ces audits pourraient être plus largement étendus aux dépenses de sécurité sociale, des collectivités territoriales et des entreprises publiques.

Il serait enfin utile, dans le cadre des prochains projets de lois de finances, d’indiquer précisément la contribution de la mise en œuvre des recommandations des audits dans la maîtrise de la dépense publique et la réduction des déficits.

Quelles suites, monsieur le ministre, envisagez-vous de donner à ces suggestions ? Faudrait-il par ailleurs associer davantage les consultants du secteur privé ?

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. J’insisterai de mon côté sur le droit de suite : il est très important, lorsqu’un travail a été effectué, qu’on ait la quantification et la mesure des résultats obtenus et que, lorsque les objectifs n’ont pas été atteints, on sache pourquoi.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. La question des audits est la plus importante de celles que M. le rapporteur spécial a évoquées. Ils sont en effet un des éléments clés de l’action que je conduis en termes d’évaluation de l’efficacité publique. Concrètement, ces audits n’auraient aucun sens s’ils n’étaient pas accompagnés d’un suivi extrêmement précis des conséquences qui en sont tirées. C’est la raison pour laquelle je réunis tous les mois les chefs des trois principaux corps d’inspection : inspection générale des finances, inspection générale de l’administration, inspection générale des affaires sociales. Ils ont pour mission de piloter le suivi des conclusions de l’ensemble des audits avec les différents secrétaires généraux des ministères. Il est capital que les ministres disent ce qu’ils en font. C’est la raison pour laquelle ces audits sont rendus publics et mis en ligne sitôt terminés, c’est-à-dire une fois le contradictoire achevé. Certains ont affirmé qu’on ne voulait pas publier tel ou tel audit. Il n’en est rien, et lorsque l’on fait l’effort de mener un travail d’évaluation majeure, de tels procès d’intention n’ont pas lieu d’être.

Autre remarque : le suivi est capital. À chaque fois, nous tirons les conséquences des audits précédents. J’indique d’ailleurs régulièrement, lors de points de presse, les conséquences opérationnelles tirées par les ministres à la suite de ces audits.

L’audit relatif à Chorus sera rendu public cette semaine. Cet audit préconise une réorganisation forte des structures financières et comptables et donne des éléments très intéressants pour la modernisation à venir.

Sept rapports d’audits seront mis en ligne cette semaine, dont certains sont très importants, qu’il s’agisse de Chorus, des pensions outre-mer, de la modernisation des paies, ou des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

Vous avez souhaité que des améliorations soient apportées aux indicateurs, et c’est une chose dont on peut discuter.

L’indicateur INSEE relatif au rapport coût-qualité des enquêtes auprès des ménages fait apparaître une certaine stabilité. C’est plutôt satisfaisant en soi, dans la mesure où nous rencontrons des difficultés croissantes pour réaliser ces enquêtes.

Quant à l’indicateur de fiabilité des prévisions macro économiques, on peut en effet observer, en comparant la réalisation 2005 et la prévision 2006, une dégradation, car les deux termes ne sont pas homogènes : nous sommes plutôt plus prudents en matière de prévision, et plutôt meilleurs pour la réalisation. Mais je reconnais que la construction de cet indicateur n’est pas très satisfaisante. J’observerai toutefois que, lorsque les réalisations sont conformes aux prévisions, on félicite les économistes, et que, lorsque le résultat n’est pas bon, on tance les politiques. Cela me permet de rester modeste, ce qui représente pour moi un effort… (Sourires.)

S’agissant des indicateurs non renseignés, et comme en témoigne l’indicateur numéro 7 du programme « Stratégie économique et financière et réforme de l’État », on a plutôt progressé, puisqu’on est passé d’un taux de renseignement de 76 % en 2005 à 95 % en 2007. Mais il nous faudra continuer le combat.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Je ferai deux brèves observations, monsieur le ministre. Vous avez évoqué les délais de paiement de l’État. Vous vous situez à partir du moment où l’ordre de mandatement est décidé. Il faudrait travailler notamment sur le délai dans lequel les subventions sont versées aux collectivités locales. Le cheminement du dossier qui aboutit au paiement de la subvention dépasse fréquemment les trente jours. Que le délai de trente jours soit tenu à partir du moment où l’ordre de paiement est donné, soit. Mais il faudrait aussi s’intéresser à ce qui se passe avant.

Ma seconde observation portera sur le bilan de l’État, évoqué à la suite de l’intervention de M. Garrigue. Il serait intéressant de savoir où l’on en est s’agissant de l’inventaire patrimonial.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous avons rendez-vous sur ce sujet tout à fait majeur.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances. Merci, monsieur le ministre. Nous nous retrouverons le 22 novembre en commission des finances à propos de la comptabilité de l’État.

(La séance de la commission élargie est levée à 11 heures 30.)

Commission des finances, de l’économie générale et du plan, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Réunion du 14 novembre 2006
(en application de l’article 117 du règlement)

Mission Direction de l’action du Gouvernement, programme Fonction
publique

Mission Régimes sociaux et de retraite

Mission Pensions

Mission Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Sommaire

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

M. Georges Tron, rapporteur spécial.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis.

M. le ministre de la fonction publique.

M. Georges Tron, rapporteur spécial.

M. le ministre de la fonction publique.

(M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence.)

M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jean-Pierre Dufau.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances.

M. Gilbert Meyer.

M. le ministre de la fonction publique.

M. le secrétaire de la commission des finances.

M. le ministre de la fonction publique.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Georges Tron, rapporteur spécial.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le secrétaire de la commission des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le secrétaire de la commission des finances.

M. Georges Tron, rapporteur spécial.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le secrétaire de la commission des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le secrétaire de la commission des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. le secrétaire de la commission des finances.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

Présidence de M. Pierre Méhaignerie
et de M. Guy Geoffroy

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence du président Philippe Houillon, retenu par la Conférence des présidents et par la préparation du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, dont il est le rapporteur.

Monsieur le ministre de la fonction publique, la commission des lois a le plaisir de vous retrouver aujourd’hui en commission élargie et de poursuivre le dialogue que nous avons engagé avec vous lors de la discussion des deux projets de loi sur la modernisation de la fonction publique et sur la fonction publique territoriale. Avec ces deux textes, le Gouvernement s’est engagé hardiment dans une politique de dynamisation de la gestion des agents publics, précisément en ce qui concerne leur formation professionnelle et leur évolution de carrière. De nouveaux dispositifs ont été prévus et je serais désireux que vous indiquiez comment ils seront mis en œuvre et, s’agissant des agents de l’État, comment sera organisé et financé, à partir de 2007, le droit individuel à la formation, au niveau central ou déconcentré.

Il serait également utile que vous fassiez le point sur le chèque emploi service universel, mis en place cette année dans le cadre des missions d’action sociale ayant fait l’objet du protocole d’accord du 25 janvier 2006.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Avant de présenter mon projet de budget pour 2007, je souhaite revenir sur les moments forts de l’année 2006.

Le 25 janvier, un accord sur le pouvoir d’achat a été signé avec trois organisations syndicales – CFDT, CFTC et UNSA. C’était une grande première, puisqu’il n’y avait pas eu d’accord dans la fonction publique depuis huit ans. Cet accord comporte un volet social et un volet statutaire, et un certain nombre de mesures en ont ensuite découlé.

Nous avons par ailleurs mis en place une véritable politique des ressources humaines dans la fonction publique. J’ai demandé en début d’année à chacun des ministères de nous faire des propositions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs, permettant de prendre en compte l’évolution des départs à la retraite, des recrutements prévisibles, des profils de postes, mais aussi les formations et la mobilité. Dans le même temps, sept ministères volontaires ont constitué, autour du directeur général de la fonction publique, un groupe sur la gestion des ressources humaines. Tous les mois, les sept DRH de ces sept ministères se sont réunis pour élaborer un code de bonnes pratiques de gestion des effectifs, qui pourra être généralisé dès l’an prochain à l’ensemble des ministères.

Nous avons également voulu rendre les carrières plus attractives et plus motivantes. Cela s’est traduit par une amélioration des rémunérations : la grille de traitement de la catégorie C a été totalement restructurée ; celle de la catégorie B a commencé à l’être, à partir du bas de la grille ; celle de la catégorie A devra suivre. Afin d’offrir des déroulements de carrière plus favorables, les possibilités de promotion ont été doublées : elles sont passées de 20 à 40 % de la catégorie C à la catégorie B, et de 15 à 30 % de la catégorie B à la catégorie A.

La mobilité a été favorisée par la mise en place d’un répertoire interministériel des métiers de la fonction publique d’État : 230 fiches métiers, identifiées en liaison avec les partenaires sociaux, permettent une approche beaucoup plus concrète tant pour les fonctionnaires que pour ceux qui sortent d’école ou pour les candidats aux concours.

Une impulsion tout à fait décisive a été donnée à la fusion des corps. Alors que nous nous étions fixé, avec les partenaires sociaux, un objectif de 10 %, nous en sommes aujourd’hui à 25 %. Alors que, l’an dernier, cinq d’entre eux avaient été fusionnés, il y en a eu 234 cette année, dans un climat constructif et détendu avec les partenaires sociaux comme avec les représentants des ministères.

À ces dispositions s’ajoute l’institution de la mise à disposition et du détachement dans pratiquement tout les corps de la fonction publique. Nous avons mis en place le prêt mobilité, qui permet de couvrir les frais de cautionnement des loyers en cas de changement de logement.

En matière de formation, outre l’application effective du droit individuel à la formation, nous nous sommes engagés résolument dans la validation des acquis de l’expérience.

Les recrutements seront plus diversifiés. Pour la première fois, nous prenons en compte, pour les candidats aux concours de la fonction publique, l’expérience acquise dans le privé au cours des sept années antérieures.

La suppression des limites d’âge est désormais effective.

Enfin, le PACTE – parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique d’État – a permis d’ouvrir 15 % des recrutements en catégorie C à des jeunes sans qualification, qui peuvent ainsi être intégrés dans la fonction publique et jouir d’un véritable déroulement de carrière.

Tels ont été les événements importants de l’année 2006.

J’en viens au projet de budget pour 2007. En croissance de 25 %, le programme « Fonction publique » est doté de 175 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 174 millions d’euros en crédits de paiement. Les actions de formation des fonctionnaires bénéficient de 72 millions d’euros, soit une augmentation de 2,5 %, et les actions sociales de 102 millions d’euros, soit une augmentation de 50 % en crédits de paiement et de 52 % en autorisations d’engagement, qui vient après une hausse de 25 % l’an dernier. C’est ainsi que se traduit dans le budget notre engagement très fort en faveur de l’action sociale.

Celle-ci passe par différentes mesures faisant suite à l’accord du 25 janvier. Le chèque emploi service universel sera mis en place pour les gardes de jeunes enfants. Les droits sont ouverts depuis septembre 2006 et les premiers chèques ont été distribués la semaine dernière à Versailles à des fonctionnaires d’État de la préfecture des Yvelines. 18 millions d’euros sont consacrés au CESU.

Un effort important a été accompli en faveur des restaurants administratifs. Nous avions beaucoup de retard dans ce domaine et nombre d’entre eux n’étaient pas aux normes. J’ai souhaité qu’on mette en place un plan quinquennal de rattrapage, car l’État se doit d’être exemplaire. C’est ainsi que les crédits consacrés aux restaurants administratifs sont passés de 2 à 9 millions d’euros.

L’aide à l’installation des personnels, qui a été élargie par l’accord du 25 janvier, bénéficie quant à elle de 7 millions d’euros. Cette prime passe ainsi de 609 à 700 euros pour les agents d’Île-de-France et de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, régions où le coût du logement est le plus élevé. Et dans les vingt autres régions, où il n’y avait rien jusqu’ici, nous avons créé une AIP de 350 euros.

Par ailleurs, 2,5 millions d’euros sont consacrés au prêt mobilité, qui est l’équivalent du système Locapass dans le privé. Il s’agit d’un prêt à 0 %, remboursable sur trois ans, pour couvrir la caution de loyer en cas de mobilité.

Enfin, les prestations interministérielles existantes, comme les chèques vacances ou l’aide ménagère à domicile, sont poursuivies.

Dans un souci de transparence, il n’est plus procédé à un prélèvement sur le fonds de roulement de la Mutuelle de la fonction publique. L’ensemble du financement est maintenant inscrit en loi de finances. Jusqu’à présent, l’État ne versait pas la totalité des prestations et en prélevait une partie sur ce fonds de roulement. Ce dernier ayant été apuré, ce qui est voté par les assemblées correspond désormais aux prestations versées.

Les crédits de formation permettront de financer l’École nationale d’administration et les instituts régionaux d’administration et de poursuivre les actions de formation interministérielles.

Les dépenses de personnel pour la fonction publique d’État atteignent 119 milliards d’euros, soit une augmentation de 0,8 % et représentent 44 % du budget général de l’État. 75 milliards d’euros sont consacrés aux rémunérations, 43 milliards aux contributions sociales et un milliard environ aux prestations sociales et allocations diverses.

L’ouverture à la fonction publique du droit individuel à formation est une avancée importante. Les agents peuvent ainsi bénéficier chaque année de 20 heures, cumulables sur six ans. La formation est rémunérée comme l’activité lorsqu’elle est effectuée sur le temps de travail, et moitié plus, par rapport au traitement net, lorsqu’elle est effectuée en dehors du temps de travail.

Le CESU est une déclinaison de l’accord du 25 janvier. Pour l’instant, il est réservé à la garde des enfants de zéro à trois ans. Mais je pense que son champ sera élargi, comme c’est le cas dans le secteur privé. Je l’ai dit, les droits ont été ouverts le 1er septembre et les premiers chèques ont été remis jeudi dernier.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Et le chèque transport ?

M. le ministre de la fonction publique. Les expérimentations lancées à Lyon, à Lille et à Nantes à la suite de l’accord du 25 janvier ont donné entière satisfaction et le dispositif sera élargi à l’ensemble du territoire le 1er janvier prochain. Ainsi, tous les agents pourront bénéficier d’une participation à hauteur de 50 % du coût des transports en commun.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour le programme « Fonction publique » et les comptes d’affectation spéciale « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Messieurs les présidents, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai quelques remarques générales et me permettrai d’insister plus précisément sur les points relatifs à la politique du personnel de la fonction publique et des effectifs.

Monsieur le ministre, je note comme vous l’augmentation importante des crédits consacrés au programme « Fonction publique », tant au titre de la formation des fonctionnaires que de l’action sociale interministérielle.

Dans la logique des années précédentes, l’action sociale est développée de manière équilibrée, notamment en poursuivant l’individualisation des prestations, qui correspond à l’attente des agents, et en accomplissant un effort particulier en faveur des restaurants administratifs – outre le prêt mobilité et le CESU.

Le soutien à l’installation des personnels est également poursuivi avec l’ambition, élevée, de quintupler le nombre de dossiers, grâce au relèvement du plafond, à l’extension des zones géographiques concernées et à l’assouplissement des conditions d’octroi. On est là encore dans la logique des prestations individuelles que je viens de souligner.

Je voudrais évoquer la recommandation que la Commission européenne a adressée à la France sur les aides versées aux mutuelles. La Commission a en effet estimé que les mesures prises en faveur des mutuelles de fonctionnaires de l’État constituaient des aides incompatibles avec le marché commun et entraînaient des distorsions de concurrence. La base réglementaire du versement de subventions directes a ainsi disparu et la question des aides indirectes reste pendante. Les mutuelles nous ont fait part de leur inquiétude et je souhaiterais que vous fassiez le point sur la situation.

En ce qui concerne la formation, les crédits consacrés aux IRA et à l’ENA augmentent. L’ENA a demandé 600 000 euros supplémentaires afin de porter ses effectifs de 591 à 610 élèves. Certes, cela est lié à l’intégration du Centre des études européennes de Strasbourg et à la création d’un Centre d’expertise et de recherches administratives. Mais nous avons, dans les premières années de cette législature, indiqué que nous serions très vigilants s’agissant des crédits alloués à l’ENA. Or nous sommes devant une logique d’augmentation de crédits sans que les promesses aient été tenues. J’ai déjà eu l’occasion de dire que l’acquisition de l’immeuble de l’ENA par la Fondation nationale des sciences politiques avait montré que l’ENA avait parfois le sentiment d’être dans une situation dérogatoire par rapport aux règles générales de l’administration. Pensez-vous que cette augmentation de crédits soit indispensable ? Pour ma part, je suis sceptique.

Les crédits consacrés à la formation ministérielle continue sont extrêmement importants puisqu’ils atteignent 1,9 milliard d’euros pour 6 millions de journées de formation dispensées. Quel est votre sentiment quant à la conclusion de l’accord sur la formation, qui est aujourd’hui pendant ?

Je ferai maintenant quelques remarques plus générales sur la maîtrise des dépenses en personnel. Le rapport est assez exhaustif en la matière – et j’en profite pour remercier vos collaborateurs.

Premièrement, j’observe, comme les années précédentes, qu’il conviendrait que nous ayons une vision plus claire des rémunérations réelles des fonctionnaires, qu’il s’agisse du point d’indice, du glissement vieillesse technicité, ou des mesures catégorielles. Nous ne pouvons véritablement apprécier qui bénéficie des augmentations de rémunération et à quelle hauteur. Le GVT laisse de côté des catégories entières de fonctionnaires et il serait bon que nous disposions d’éléments plus précis. Est-il prévu de nous doter d’outils plus compatibles avec les obligations de la LOLF ?

La rémunération moyenne des personnels sur place, la RMPP, prévue en 2006 étant de l’ordre de 4 %, l’augmentation du pouvoir d’achat sera, compte tenu de l’inflation, de l’ordre de 2,2 %. En tenant compte des effets reports liés aux mesures prises en 2006 et à celles annoncées pour février 2007, ainsi que des mesures catégorielles déjà inscrites dans ce projet de loi de finances, la RMPP devrait progresser de 3,5 % en 2007. Cela nous donne une idée de la politique salariale actuelle, même s’il conviendrait, je le répète, de mieux apprécier les évolutions du GVT.

Dans le rapport, comme chaque année, nous nous sommes interrogés sur l’évolution des pensions. On dénombrait, au 31 décembre 2005, 2,9 millions de pensionnés pour les trois fonctions publiques, dont 2,1 millions pour la seule fonction publique d’État. De 1990 à 2005, l’augmentation du nombre des pensionnés a été de 45 %. Dans le projet de budget pour 2007, l’augmentation de 1,6 milliard d’euros des dépenses de pensions représente 75 % de l’augmentation totale des dépenses à périmètre constant. On mesure bien que les marges de manœuvre sont extrêmement réduites.

Le débat sur l’application à la fonction publique de la réforme de 2003 va sans doute s’ouvrir à l’occasion des prochaines échéances électorales. Avant cette réforme, l’évolution des besoins de financement des régimes de retraite de la fonction publique était évaluée à 26,2 milliards d’euros. À la suite de cette réforme, la réduction des besoins de financement a été estimée, à l’horizon 2020, à 8,3 milliards d’euros pour l’État et à 3,9 milliards d’euros pour la CNRACL. À l’horizon 2050, les projections sont de moins 19,7 milliards d’euros pour l’État et de moins 7,9 milliards d’euros pour les collectivités locales.

Je souhaite également insister sur la question des non-titulaires. S’ils représentent 7 % des effectifs totaux du ministère, ils représentent 61 % de ceux des établissements publics nationaux, soit 137 000 personnes sur 223 000 ! Nous avions déjà observé, à l’occasion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle consacrés à la situation immobilière de l’État, que ces établissements étaient de véritables structures de cantonnement dans le domaine immobilier. À l’évidence, la situation est la même en ce qui concerne les effectifs. Voilà pourquoi je voudrais savoir ce que cela vous inspire et si nous devons exercer un contrôle beaucoup plus rigoureux sur les effectifs de ces établissements.

Je ne reviens pas, monsieur le ministre, sur ce que vous avez dit de l’important travail accompli en matière de modernisation de la fonction publique, en particulier concernant la gestion des ressources humaines.

Je m’interroge en revanche sur les résultats obtenus en matière d’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique. Les femmes représentent un peu moins de 60 % des effectifs des trois fonctions publiques, mais on s’aperçoit que la proportion de femmes diminue au fur et à mesure que le niveau de responsabilité s’élève. Elles ne sont plus que 42,7 % des agents de catégorie A hors enseignement, et ne représentent que 34 % des recrutements dans les grands corps. Des efforts ont déjà été accomplis, notamment par le secrétariat général de l’administration, qui a placé sous l’autorité directe du Premier ministre un service compétent dans le domaine de l’égalité entre hommes et femmes. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait aller plus loin ? De son côté, la direction générale de l’administration et de la fonction publique assure le suivi du plan pluriannuel d’amélioration de l’accès des femmes. Mais ne devrait-on pas, sans pour autant instaurer de quotas, donner une véritable orientation politique afin d’assurer une répartition beaucoup plus équitable des emplois entre les hommes et les femmes ?

Je souhaite vous interroger sur les actions menées en faveur d’une plus grande diversité sociale. Vous avez mis en œuvre le PACTE, institué par l’ordonnance d’août 2005 et grâce auquel 15 % des recrutements dans la catégorie C bénéficient aujourd’hui à des jeunes qui intègrent ainsi la fonction publique sans concours.

On s’aperçoit aujourd’hui que dans tous les concours, mais en particulier dans les concours de catégorie C et B, et dans une moindre mesure dans les concours de catégorie A, les postulants sont surqualifiés, avec trois ou quatre années de plus que le diplôme demandé. C’est une des raisons qui font que l’ascenseur social est en panne dans la fonction publique. Au-delà des mesures que vous avez déjà prises, ne serait-il pas possible que de façon expérimentale, pour quelques concours administratifs, on réserve le concours à ceux qui disposent du diplôme requis et pas au-delà ? Cela permettrait de corriger cette situation, qui va à l’encontre du principe de diversité sociale qui doit guider la fonction publique.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. La parole est à M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République pour le programme « Fonction publique ». Je veux tout d’abord remercier vos services, monsieur le ministre : même s’ils n’ont répondu dans les délais prévus par les textes qu’à la moitié du questionnaire que je leur avais adressé, pratiquement toutes les réponses, à l’exception de cinq ou six sur cent deux questions, nous sont ensuite parvenues.

La fonction publique est un enjeu essentiel, d’abord parce qu’elle représente un emploi sur cinq et parce que les employeurs publics jouent un rôle important sur le marché de l’emploi et dans le développement économique, mais aussi parce que les perspectives obligent les pouvoirs publics, état, collectivités territoriales et hôpitaux, à imaginer des solutions pour faire face à des départs en retraite massifs.

De mes rencontres avec les représentants des personnels, il ressort clairement que la politique que vous conduisez n’est pas à la hauteur de ces défis. Les suppressions de postes ne sont pas la réponse à ces problèmes, et la réduction de l’emploi n’est pas synonyme de modernisation de la fonction publique ! Je rappelle pour mémoire les chiffres : 15 000 suppressions d’emplois annoncées pour 2007, venant après 5300 en 2006, 6800 en 2005 et 4500 en 2004. Il est temps de stopper cette hémorragie à laquelle vous ne donnez aucune justification !

Le manque d’attractivité de la fonction publique est une des causes des problèmes auxquels sont confrontés les services publics. Il tient essentiellement au fait que le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui a diminué de 7 % depuis 2000, n’est absolument pas garanti. J’aimerais donc savoir comment, au cours des six mois qui lui restent, le Gouvernement entend répondre à ce qui constitue la première, et unanime, revendication des fonctionnaires. Or, le protocole de janvier 2006 auxquels vous avez fait référence n’apporte pas de réponse à cette question du pouvoir d’achat.

Lorsque l’on lit la note adressée le 25 juillet dernier par le directeur du budget lui-même aux différents contrôleurs budgétaires des ministères, aux termes de laquelle « les ministères devront réaliser un effort en gestion à travers les différents instruments dont ils disposent, notamment la limitation des recrutements, la mise en œuvre différée de certaines mesures catégorielles ministérielles non affectées ou la limitation du GVT », vous comprendrez qu’il y ait lieu d’être interrogatif, voire inquiet. Cette circulaire contrarie votre protocole d’accord sur la revalorisation de la catégorie C ? Celle-ci n’a d’ailleurs pas pris effet au 1er novembre comme vous l’aviez annoncé. Quand interviendra-t-elle ?

Vous affirmez que la diminution du pouvoir d’achat est compensée par les mesures sociales et statutaires. Les secondes consistent notamment en la revalorisation de la catégorie C. Quant aux crédits d’action sociale, vous vous félicitez de leur hausse, ils demeurent, avec 102 millions d’euros, bien inférieurs aux 122,8 millions d’euros qui leur étaient consacrés en 2002.

M. le Ministre de la fonction publique. Le périmètre n’est pas le même !

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Les chiffres figurent pages 12 et 13 de mon rapport. L’augmentation de 50,5 % des crédits n’est qu’apparente : à périmètre constant, elle n’est que de 12,6 %, ce qui ne serait pas si mal si on ne la comparait pas aux crédits engagés en 2000. Certes, une augmentation de 10,5 % était intervenue en 2006, mais elle faisait suite à une diminution de 12,4 millions d’euros en 2005. Il faut donc rester modeste.

Le transfert de certains crédits au niveau interministériel explique la progression enregistrée cette année. Vous nous avez dit également que vous n’aviez plus l’attention de procéder à un prélèvement sur le fonds de roulement de la Mutualité fonction publique. Heureusement, car cette dernière n’a plus qu’un mois de trésorerie d’avance, et serait bien en difficulté si vous continuiez à la ponctionner ! À ce propos, j’aimerais, comme Georges Tron, que nous indiquiez si des dispositions en faveur des mutuelles pourront être adoptées dans les prochains mois pour tenir compte des contraintes européennes et des observations du Conseil d'État.

Je veux aussi exprimer une nouvelle fois mes réserves, mes interrogations, mes craintes quant à la remise en cause progressive des garanties du statut de la fonction publique. Le PACTE représente certes une ouverture non négligeable pour les jeunes, mais il remet en cause les règles d’accès à la fonction publique, en particulier le concours, garantie de neutralité du recrutement et protection contre le clientélisme. En outre, le statut des tuteurs de ces jeunes n’est pas pour l’instant défini de manière satisfaisante.

Par ailleurs, le CDI que vous avez institué par la loi du 26 juillet 2005 en invoquant le prétexte fallacieux de la nécessité de transposer une directive européenne, ouvre une voie parallèle de recrutement qui risque d’entraîner des abus et qui ne saurait satisfaire ceux qui sont attachés à la neutralité de la fonction publique. Qui plus est, les fonctionnaires contractuels qui bénéficieraient de ce CDI n’auraient aucune perspective d’évolution de carrière.

S’agissant de la gestion des ressources humaines, l’indicateur 1-1 « Transparence de l’emploi public pour les administrations de l’État » se traduit par un indice peu transparent, censé évaluer le niveau de connaissances de leurs effectifs par les ministères en fonction des résultats d’une enquête de l’Observatoire de l’emploi public. Compte tenu du nombre de départs à la retraite et des recrutements qui seront nécessaires, une connaissance précise des effectifs et des missions exercées est indispensable au contrôle parlementaire et, partant, à l’information des citoyens. Je souhaite donc que l’on élabore un indicateur plus clair, plus transparent permettant d’apprécier plus aisément la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.

Telles sont, monsieur le ministre, mes observations et mes questions, qui appellent des réponses précises.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je suis, moi aussi, fort attaché à la fonction publique, dans la quelle j’ai d’ailleurs commencé ma vie professionnelle, mais nous avons, monsieur Derosier, un devoir de vérité dans les comparaisons européennes.

S’agissant des réductions d’emploi, je rappelle que l’interpénétration des fonction publiques territoriales et de la fonction publique d’État a entraîné, au cours du présent quinquennat, une progression de 130 000 emplois publics, sans parler de la fonction publique hospitalière. Quel autre pays européen peut se targuer d’une telle hausse ?

Par ailleurs, même si nous devons améliorer le pouvoir d’achat des fonctionnaires, car l’évolution affichée ne correspond pas à ce qui est ressenti par les intéressés, je ne pense pas que la fonction publique manque d’attractivité aux yeux de nos compatriotes.

En revanche, l’empilement des structures et la complexité des procédures rend illisible à beaucoup de nos compatriotes l’action publique. Aussi trouvé-je stupéfiant que l’on parle des suppressions d’emplois sans évoquer en même temps les recrutements dans la fonction publique territoriale.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je retire de mes rencontres avec les syndicats de fonctionnaires le sentiment que ces derniers sont beaucoup plus intéressés par la question du pouvoir d’achat que par celle des effectifs.

Entre 1990 et 2005, les effectifs de l’État, malgré la décentralisation, ont augmenté de 9% – de 6% dans les ministères et de 62% dans les établissements publics administratifs. Sur la même période, les effectifs de la fonction publique territoriale ont crû de 33% – et de 90% dans les établissements publics rattachés aux collectivités.

En revanche, entre 2003 et 2004, 58 000 personnes supplémentaires sont venues enrichir les effectifs des trois fonctions publiques, hors emplois aidés, soit une augmentation de plus de 1,2%. Ces chiffres démentent la présentation qui vient d’être faite.

Sur cette courte période, donc, les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté de 3,4%, tandis que ceux de la fonction publique d’État ont baissé de 0,7%.

Je partage par conséquent les réserves du président et je m’inquiète de l’inflation des effectifs dans les établissements publics administratifs, qui sont hors contrôle.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Je souhaite, monsieur le président, que notre débat retrouve la sérénité nécessaire. Au moins sommes-nous d’accord sur la nécessité de se pencher sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Espérons que le Gouvernement nous entende…

Pour ce qui est des effectifs, il est exact que l’État a transféré des personnels aux collectivités territoriales, mais en nombre insuffisant. Vous n’exercez plus de responsabilité première dans votre département, Monsieur Méhaignerie, mais si vous vous rapprochez de votre successeur, il vous dira ce qu’il en est.

Ce débat est révélateur des divergences entre la majorité et l’opposition sur le rôle de la fonction publique dans un État moderne.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je ne répondrai pas, car mes termes seraient trop durs…

M. le Ministre de la fonction publique. S’agissant des mutuelles de fonctionnaires, suite aux recommandations de la Commission européenne en juillet 2005 et à l’arrêt du Conseil d’État de septembre 2005, j’ai mis en place un groupe de travail avec les partenaires sociaux au début du mois de février 2006, et les dispositions antérieures contestées ont été abrogées au mois de juin dernier.

Nous avons pris des dispositions législatives dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de la fonction publique afin de donner une assise juridique à une aide des employeurs publics, et de valider ainsi cette aide qui avait posé problème à la Commission et au Conseil d’État sur la forme, non sur le principe.

Les mutuelles se sont parallèlement dotées d’une comptabilité analytique précise pour répondre aux inquiétudes de la Commission comme à celles du Conseil d’État.

Par ailleurs, les projets de décret et de cahier des charges seront soumis aux partenaires sociaux dès cette semaine.

Nous nous sommes attachés à travailler dans la plus grande transparence, les partenaires sociaux et les représentants des mutuelles ayant été témoins – c’est une première – de nos rencontres avec la Commission, afin que chacun entende le même message au même moment. Nous aurons donc, dès le début de l’année prochaine, un système répondant aux exigences de la Commission et du Conseil d’État.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Que comptez-vous faire, compte tenu de ce calendrier, pour les mutuelles contre lesquelles sont engagées des procédures de remboursement qui fragilisent grandement leur situation financière ? Plusieurs mutuelles du ministère de l’intérieur, en particulier, sont dans ce cas. Pouvez-vous les rassurer ?

M. le Ministre de la fonction publique. Le prochain cadre juridique devrait régler les problèmes de trésorerie auxquels sont confrontées certaines mutuelles. En dehors de quelques situations particulières, il n’y a pas de problème, mais nous examinerons tout de même individuellement chaque cas, car nous devons maintenir le système de garantie de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires, conformément à l’engagement du Président de la République.

S’agissant de l’ENA, le fait qu’elle compte 22 élèves supplémentaires cette année nous a conduits à augmenter le budget de 600 000 euros, soit 1,94 %, mais nous serons attentifs aux demandes de la représentation nationale et nous examinerons la situation de plus près si vous le souhaitez.

Concernant l’accord sur la formation, nous sommes en discussion avec les partenaires sociaux – je rappelle que le dernier accord sur ce sujet été signé en 1996. Nous sommes aujourd’hui en négociation sur les différents outils de formation existants, car nous souhaitons favoriser le déroulement de carrière et renforcer l’attractivité de la fonction publique. Il importe de déterminer ce qui relève de la formation initiale, de la formation professionnelle, voire de la formation personnelle. La mise en application du droit individuel à la formation est, dans ce cadre, un élément important. Nous sommes partis de l’idée d’un cumul possible sur six ans, permettant de porter à 120 heures le temps de formation. Mais faudra-t-il attendre six ans, ou sera-t-il possible d’anticiper ? Nous réfléchissons à toutes ces questions avec les partenaires sociaux.

Ce volet formation est essentiel, car parallèlement à la mise en œuvre du DIF, nous favorisons les déroulements de carrière et les promotions.

Concernant les rémunérations, je me permettrai, monsieur Derosier, de vous répondre globalement. Il ne vous aura pas échappé que ce Gouvernement est le premier depuis huit ans à boucler un accord sur le pouvoir d’achat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), signé, même si je conçois que vous le regrettiez, par trois syndicats – la CFDT, la CFTC et l’UNSA. Nous pourrons ainsi refondre la grille des agents de catégorie C. Le salaire d’un fonctionnaire de catégorie C pourra augmenter jusqu’à 18 euros par mois en bas de grille, et jusqu’à 100 euros en haut de grille. Celui d’un fonctionnaire de catégorie B en bas de grille pourra augmenter jusqu’à 72 euros par mois, et une prime de 400 euros sera versée au mois de décembre aux agents qui plafonnaient depuis cinq ans ou plus au dernier échelon du dernier grade. Cette même prime s’élèvera à 700 euros pour les fonctionnaires de catégorie A, avec une augmentation de salaire pouvant atteindre 72 euros par mois pour ceux du bas de la grille.

Sur l’action sociale, à périmètre constant, nous passons de 85 à 102 millions d’euros, et nous avons pris des mesures concrètes. Ainsi, un agent qui paiera par CESU les frais de garde de ses enfants pourra bénéficier d’une réduction de 40 à 60%. De même, nous instaurons une AIP de 350 euros dans les régions qui n’en bénéficiaient pas encore, et nous la réévaluons de 20 % là où elle existait déjà.

Nous avons donc pris des mesures significatives en matière d’action sociale et de déroulement de carrière, et l’ensemble des agents nous en sait gré.

Pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, nous disposons aujourd’hui d’outils de mesure nettement plus affinés qu’il y a quatre ou cinq ans, permettant d’avoir un état très précis des effectifs, des départs à la retraite et des recrutements.

Concernant les retraites, je partage le point de vue exprimé par M. Tron.

S’agissant des établissements publics administratifs, la forte augmentation des effectifs est essentiellement due – pour 97 000 sur 130 000 – au transfert des assistants d’éducation – qu’on appelait précédemment maîtres d’externat, ou, plus familièrement, « pions » – du budget de l’éducation nationale à ceux des établissements publics locaux d’enseignement. En dehors de ces établissements publics locaux d’enseignement, les effectifs des établissements publics administratifs baissent.

J’en viens à la question de la parité. Le Premier ministre a créé un poste de secrétaire général de l’administration, qui veillera aux affectations aux postes à haute responsabilité, en étroite collaboration avec la DGAFP. Cela étant, le problème est plus profond. A qualification égale, il arrive qu’au cours de la carrière, du fait de l’existence de contraintes familiales, certaines promotions soient plus ouvertes aux hommes qu’aux femmes, ce qui bloque ensuite l’accès de ces dernières aux plus hauts postes. Nous devons améliorer notre politique familiale – garde d’enfants, crèches, etc. Nous allons travailler en priorité sur cette question dans le cadre des conférences DRH mises sur pied dans sept ministères pilotes, et qui vont être généralisées aux autres ministères.

S’agissant des candidats surdiplômés, je suis ouvert à toute expérimentation, mais le PACTE, qui permet d’accueillir des jeunes non qualifiés et de les former, me semble une bonne piste, qu’il conviendrait d’approfondir. Il est exact que quelque 65% des agents de catégorie C sont surdiplômés, mais prenons garde que la fermeture des concours de catégorie C ne décourage les gens de faire des études, de peur de ne pouvoir ensuite entrer dans la fonction publique. Des mesures incitatives me semblent préférables.

Je ne reviens pas sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires, monsieur Derosier. Les traitements ont augmenté de 0,5 % au 1er juillet dernier, augmenteront de 0,5 % aussi au 1er février prochain, et un point d’indice supplémentaire vient d’être accordé à tous les agents au 1er novembre.

Vous avez par ailleurs affirmé que la réduction du nombre de postes n’était pas synonyme de modernisation de la fonction publique. Je vous répondrai que son augmentation non plus… Ce qu’il faut, c’est avoir une approche en termes de service rendu. Il est des cas où nous pouvons rendre un service de même qualité avec moins d’effectifs – grâce la télédéclaration de l’impôt par exemple -, d’autres où nous devons au contraire renforcer le personnel – justice, sécurité… Le critère essentiel, c’est donc le service, et la fonction publique est jugée sur la performance du service qu’elle rend. L’objectif n’est pas d’augmenter ou de réduire les effectifs, mais d’abord d’améliorer la qualité du service. Dans certains cas, on le fait avec moins d’agents, dans d’autres avec plus.

Vous avez souligné que la fonction publique manquait d’attractivité. Je le répète, avec l’accord signé, nous la renforçons pour la première fois, en doublant les promotions de catégorie C en catégorie B et de catégorie B en catégorie A, en refondant la grille de catégorie C et en amorçant le processus pour les catégories B et A.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Quand celle-ci sera-elle effective ?

M. le ministre de la fonction publique. J’y viens. Contrairement à ce que vous avez prétendu, c’est effectif depuis le 1er novembre et les décrets non publiés à cette date seront rétroactifs.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Dont acte.

M. le ministre de la fonction publique. Sur le budget, j’ai déjà répondu.

Transposer la directive européenne sur les CDI ne saurait être un acte fallacieux, monsieur Derosier.

M. Charles de Courson. C’est plutôt une obligation !

M. le ministre de la fonction publique. La DGAFP fournit des indicateurs a posteriori. Cela étant, si vous le souhaitez, nous pourrons vous donner une information plus précise à propos de l’indicateur 1-1,…

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. C’est exactement ce que je vous demandais.

M. le ministre de la fonction publique. …dont la clarté ne saute effectivement pas aux yeux, je suis le premier à le reconnaître ! (Rires.) Sur ce sujet, les partenaires sociaux protestent toujours et nous devons indiscutablement faire des progrès : pour que les débats à propos du pouvoir d’achat soient sains et sereins, il faut que tout le monde soit d’accord sur les critères.

Je crois vous avoir répondu mais je suis prêt à me soumettre à d’autres questions.

(M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, remplace M. Pierre Méhaignerie à la présidence.)

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Rassurez-vous, monsieur le ministre, contrairement à M. Derosier, je ne poserai pas cent deux questions mais seulement trois, à mon avis importantes. J’informe au passage ceux à qui cela aurait éventuellement échappé qu’il existe un projet de loi sur la modernisation de la fonction publique, lequel aura des incidences financières et débouchera sur des mesures répondant véritablement à des demandes d’un certain nombre de fonctionnaires ainsi qu’à une volonté de réformer et surtout de moderniser notre fonction publique.

Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que trois syndicats avaient signé l’accord et que les autres avaient été consultés. Plusieurs amendements au texte sur la modernisation de la fonction publique, dont je suis le rapporteur, ayant été acceptés par le Gouvernement, certains syndicats ont évolué. Les avez-vous de nouveau consultés ? Outre cette considération de fond, les crédits de l’action sociale progressent de 50 %, et, j’y insiste, progressent réellement, à périmètre constant, l’honnêteté intellectuelle impose de le reconnaître. Le pouvoir d’achat connaît de surcroît une hausse tout aussi réelle, avec les dispositions que vous avez énumérées tout à l’heure et que je ne répéterai pas ; elles étaient attendues par l’ensemble des syndicats de la fonction publique, qui me les demandaient à longueur d’auditions, et vous les avez acceptées. Évidemment, les syndicats réclament maintenant beaucoup plus, et certains voudraient que l’évolution du pouvoir d’achat soit calculée en fonction de celle des traitements de base, ce qui est spécieux, chaque fonctionnaire percevant des primes. Comment vos relations avec les syndicats évoluent-elles alors que vous avez répondu à leurs demandes ?

Où en est le plan de redéploiement des effectifs de fonctionnaires d’État entre ministères ? Le groupe UMP avait accueilli très favorablement la réduction d’effectifs dans certains ministères et l’augmentation dans d’autres, en fonction des grands enjeux de notre société, dans l’optique d’améliorer le service à la population. Contrairement à ce que craignaient certains syndicats de fonctionnaires, la panoplie de mesures votée dernièrement s’appliquera immédiatement, même si les décrets d’application tardent à être publiés, auquel cas la rétroactivité jouera. La restructuration des grilles, que vous avez annoncée, constitue une évolution extrêmement importante, qui était elle aussi réclamée par bon nombre de fonctionnaires. En ce qui concerne les promotions, le progrès ne sera pas négligeable, puisque les taux passeront de 30 à 40 % pour le passage en catégorie B et surtout de 15 à 30 % pour le passage en catégorie A. J’ai également appris tout à l’heure avec satisfaction que, grâce aux fusions, le nombre de corps avait été réduit de près d’un quart alors que l’objectif initial de 10 à 15 % semblait difficile à atteindre. Enfin, en matière de mobilité, un ensemble de mesures ont été adoptées en faveur du droit à la formation et de la reconnaissance de l’expérience acquise.

J’aurais aimé poser ma troisième question à Pierre Méhaignerie. Sur les 130 000 emplois supplémentaires de la fonction publique territoriale, 97 000 emplois sont dus au plan de redéploiement des fonctionnaires d’État vers la fonction publique territoriale, mis en œuvre dans le cadre de la décentralisation. Je suis heureux de découvrir que Bernard Derosier approuve la décentralisation ; dommage que le groupe socialiste n’ait pas voté son acte II, qui allait dans le sens de la proximité du service public vis-à-vis de nos compatriotes. Le solde de ces 130 000 emplois supplémentaires correspond à 30 000 recrutements dans les communautés d’agglomération, dont nous ne portons pas la responsabilité puisqu’ils résultent d’un grand projet du parti socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. J’essaierai d’être bref.

Personne ne met en doute, monsieur le ministre, votre attachement à la fonction publique ni la pugnacité avec laquelle vous vous êtes attelé à ce dossier. Mais, puisque vous aimez aussi la vérité et la clarté, quelques points méritent d’être précisés.

L’accord minoritaire dont vous vous targuez à juste raison comporte un volet social et un volet statutaire aux incidences financières évidentes. Vous ne pouvez donc le qualifier d’« accord salarial ».

M. le ministre de la fonction publique. Je n’ai jamais parlé d’« accord salarial » mais de « pouvoir d’achat ».

M. Jean-Pierre Dufau. Les mots ont un sens.

M. le ministre de la fonction publique. Justement !

M. Jean-Pierre Dufau. Cet accord minoritaire a été signé avec trois syndicats représentant environ un tiers des fonctionnaires. Le débat est intéressant : dans la fonction publique comme dans les entreprises, n’est-il pas plus démocratique de rechercher des accords majoritaires ? Souvenez-vous que, pendant la Révolution française, la grande controverse portait sur le vote par ordre ou par tête ; depuis, nous n’avons guère évolué.

S’agissant de la progression du point d’indice et par conséquent du pouvoir d’achat, force est de constater que le compte, cette année, n’y est pas plus que les années précédentes. Pourriez-vous nous communiquer un tableau simple – chacun pourrait d’ailleurs l’élaborer tout seul – retraçant l’évolution de l’indice des prix et du point d’indice depuis 2002 ? L’évolution des prix, paraît-il, a été calée à 1,2 % pour 2006 – c’est le chiffre officiel. Mais comment les dépenses d’énergie, pétrole, gaz et autres, ont-elles été comptabilisées ? Encore une vaste question si l’on veut clarté et vérité.

L’outil de gestion prévisionnelle des effectifs dont vous vous êtes doté, et que pratiquent les grandes entreprises depuis longtemps, est effectivement intéressant. Toutefois, pour qu’il soit performant, encore faut-il bien définir les missions ; ce qui importe, c’est l’adéquation entre les effectifs et les missions, les premiers ne présentant d’intérêt que par rapport aux secondes. Définir les missions nous permettrait d’éclairer le débat lancé tout à l’heure sur la réduction du nombre de fonctionnaires et de trancher entre les deux arguments différents que nous avons entendus : M. le ministre dit que la réduction des effectifs n’est pas une fin en soi, tandis que le président Méhaignerie compare la situation française à celle des autres pays européens, où il y a beaucoup moins de fonctionnaires qu’en France, ce qui montre que, pour lui, c’est un objectif ! Il n’est plus parmi nous, et je ne veux pas parler à sa place, mais il serait intéressant de tenir compte des missions dévolues au service public selon les pays. Comparons ce qui est comparable, sans quoi nous entrons dans un dialogue de sourds qui n’aboutira jamais ! Nous ne sommes pas obligés de nous aligner sur les État qui ont pris l’option de réduire la fonction publique à son minimum. Quel rôle voulons-nous conférer aux différentes fonctions publiques dans notre pays et qu’y représentent-elles ? Qui fait quoi ? C’est la seule question qui vaille. Et la fonction publique doit être la plus performante possible, c’est une évidence pour tout le monde.

Je ne méconnais pas les mesures intéressantes, qui viennent d’être rappelées, prises dans les domaines de l’action sociale ou de la prévention, souvent à la demande des syndicats, vous en avez donné acte, monsieur le ministre ; elles constituent des avancées significatives et il convient de persévérer dans cette voie.

Concernant la formation, je suis très attaché à ce que les agents de catégorie C puissent progresser au maximum. L’on a parfois trop tendance à penser aux cadres A, très formés, et aux cadres B. Ils sont certes nécessaires mais les catégories ne doivent pas être appréhendées les unes contre les autres ; dans une République qui prône la solidarité, il faut aussi se préoccuper des agents de catégorie C et essayer de les faire progresser grâce à la formation. S’agissant de la validation des acquis, je reconnais avec beaucoup de plaisir que la loi de Nicole Péry commence à prendre sa place dans le paysage français.

M. Derosier est déjà intervenu sur la modernisation de la fonction publique, que certains, au vu de l’importance du recrutement dans le privé, qualifient avec excès de « démantèlement ». Avec les lois de modernisation, la France se dirige manifestement vers une évolution très sensible de la fonction publique qui ne constitue pas forcément un progrès. La situation des non-titulaires, évoquée par M. Tron, est très préoccupante. Quelle politique entendez-vous mener dans ce domaine, monsieur le ministre ? Allez-vous continuer à résorber les effectifs non-fonctionnaires, auxiliaires et autres vacataires, comme la France l’a fait pendant des décennies ? Ces personnes qui servent l’État pendant des années sans acquérir le statut et les garanties auxquels elles peuvent prétendre méritent, je crois, le respect.

Je m’arrête là, pour ne pas être trop long.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Je poserai trois questions très brèves, monsieur le ministre.

Je constate, dans le rapport, que l’indicateur 1-1, « Transparence de l’emploi public pour les administrations de l’État », est non disponible pour 2004 et 2005. Une note de 12 sur 20 est espérée pour 2007, si 60 % des administrations répondent au questionnaire de l’Observatoire de l’emploi public, d’où ma première question. Des débats naissent partout à propos du nombre de fonctionnaires d’État. Avez-vous une idée de l’évolution, à périmètre constant, des effectifs consolidés, c’est-à-dire de la somme des emplois de fonctionnaires de l’État et de non-fonctionnaires, contractuels ou autres, des administrations publiques et de tous les établissements qui en dépendent ? Ces effectifs augmentent-ils ou baissent-ils ?

Deuxièmement, il est souvent question, en commission des finances, du problème de la majoration des pensions des fonctionnaires prenant leur retraite dans les DOM-TOM, fondée sur un texte datant de 1952, complètement obsolète – c’est notre année de naissance à tous deux, monsieur Bénisti… (Sourires.) Leur nombre explose, à tel point que cela revient à plus de 370 millions d’euros, je crois. M. Laffineur, à la demande de la commission des finances, a rendu il y a deux ans un très intéressant rapport sur le sujet. Nous y imaginions plusieurs schémas possibles pour sortir de cette situation devenue injustifiée, notamment un gel de la mesure : elle s’appliquerait toujours aux personnes déjà installées mais plus aux nouveaux retraités. Mais nos propositions ont bien entendu été remisées au placard. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des initiatives sur cette question ? Et pourquoi ne pas poser la question à l’opposition ?

M. Bernard Derosier. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ! N’est-ce pas ?

M. Charles de Courson. Même les royalistes peuvent évoluer, mon cher collègue ! (Sourires.)

Troisièmement, dans le cadre de la loi Fillon, nous avions ouvert à tous les salariés ayant débuté leur carrière tardivement – afin de poursuivre leur formation ou du fait de leur situation de famille –, y compris aux fonctionnaires, la possibilité de racheter un à trois ans d’études. Pourriez-vous faire le point sur le rachat d’années d’études par les fonctionnaires ?

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. La parole est à M. Gilbert Meyer.

M. Gilbert Meyer. Je souhaite revenir sur la pertinence de certains stages professionnels imposés au sein de la fonction publique territoriale. La majorité des fonctionnaires territoriaux recrutés après concours ou bénéficiant d’une promotion au sein de leur collectivité ou établissement public doivent suivre un stage obligatoire. Pour un fonctionnaire lauréat d’un concours ou un jeune diplômé n’ayant jamais connu la fonction publique territoriale, un tel stage peut être nécessaire. Par contre, pour un collaborateur promu rédacteur, je le considère comme totalement superflu. Cette promotion traduit en effet la reconnaissance par l’employeur des compétences et de l’expérience professionnelle de l’agent. L’apport théorique et pratique du stage n’est alors pas avéré. Par ailleurs, neuf fois sur dix, l’agent en question est déjà opérationnel dans son nouveau grade et a par conséquent démontré qu’il est capable d’assumer ses fonctions. Alors pourquoi lui imposer un stage, qui coûte du temps et de l’argent ? C’est totalement superfétatoire.

Ma deuxième question porte sur le recrutement d’un collaborateur non titulaire à la suite d’un défaut de candidats titulaires lors de la consultation de vacance de poste. Une collectivité qui n’arrive pas à trouver de collaborateur remplissant les conditions à remplir par les titulaires ne peut recruter un non-titulaire que pour une durée d’un an, après quoi elle est obligée de procéder à une nouvelle consultation. Elle échappe néanmoins à cette contrainte en faisant appel au centre de gestion, qui peut mettre un collaborateur à sa disposition sans limitation de durée. Pourquoi le centre de gestion est-il autorisé à faire ce qui est interdit aux communes et aux établissements publics ? Il convient de mettre un terme à ce système hypocrite en permettant aux collectivités territoriales de faire appel à du personnel non titulaire pendant une durée plus longue, au terme de laquelle elle pourra relancer un appel d’offres et ainsi vérifier sur le marché s’il existe des candidats.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. La parole est à M. le ministre de la fonction publique.

M. le ministre de la fonction publique. M. Bénisti a souhaité connaître la position de l’ensemble des organisations syndicales, sachant que seules trois d’entre elles avaient signé l’accord. Je note seulement qu’elles sont toutes très pressées de le voir entrer en application ; c’est donc qu’il leur donne plutôt satisfaction… Il ne se passe pas de jour sans que l’une d’elles ne demande quand telle ou telle mesure entrera en vigueur. J’ajoute que le calendrier arrêté avec les signataires est rigoureusement respecté, pratiquement à la semaine près. Et le fait que les non-signataires soient aussi pressés que les signataires me paraît plutôt bon signe. Je vous indique à ce propos que je recevrai l’ensemble des organisations syndicales d’ici à la fin de l’année, sinon au tout début de l’année prochaine pour procéder ensemble à un tour d’horizon sur l’évolution du pouvoir d’achat, mais également sur le reste.

S’agissant de l’évolution des effectifs, le non-renouvellement des départs à la retraite de 15 000 agents correspond en fait 19 000 non-renouvellements et 4 000 créations, qui résultent d’une démarche pragmatique, service par service, sinon poste par poste, visant à garantir la même qualité de service. La question des effectifs ne doit pas être un sujet tabou, et si je conçois qu’une telle approche est toujours délicate pour les organisations syndicales, je la crois largement comprise par l’opinion publique et par l’ensemble des agents.

M. Dufau m’a interrogé sur les éléments de rémunération. Je me risque à une boutade dans laquelle il ne doit voir aucune provocation : nous ne sommes plus à l’époque socialiste… Nous disposons maintenant d’éléments précis sur les effectifs : vous trouverez à la page 207 du rapport tous les éléments retraçant l’évolution du point, de l’inflation, du salaire moyen par tête, etc. Toutes ces données sont publiques et à votre entière disposition. Et si vous avez besoin de compléments d’information, l’administration se tient à votre disposition pour vous apporter tous les éléments de réponse que vous souhaitez.

M. Jean-Pierre Dufau. Y compris pour 2002 ?

M. le ministre de la fonction publique. Jusqu’à 1995.

Venons-en au pouvoir d’achat. J’ai l’impression que cela vous fait mal au cœur qu’il y ait eu un accord là-dessus…

M. Jean-Pierre Dufau. Mais non…

M. le ministre de la fonction publique. Mais si ! La CFDT, l’UNSA et la CFTC sont tout de même trois organisations qui méritent d’être reconnues pour ce qu’elles sont, et de surcroît tout à fait représentatives… Vous vous plaisez à rappeler en permanence qu’elles sont minoritaires ; reste que trois organisations ont accepté de signer alors qu’il n’y en avait eu aucune durant huit années de suite, lorsque vous étiez au Gouvernement. C’est tout de même un progrès… Au demeurant, entendons-nous bien sur la notion elle-même : je n’ai jamais parlé d’accord salarial, mais d’accord sur le pouvoir d’achat. Or trois éléments entrent en ligne de compte : le salaire en tant que tel, c’est-à-dire la valeur du point d’indice, mais également les promotions – lorsqu’un agent de catégorie C en haut de grille a 100 euros de plus par mois, cela mérite d’être pris en compte –, ainsi que tout ce qui peut intervenir du côté des dépenses : ne plus avoir à verser deux mois de loyer pour la caution ou à supporter le coût des gardes d’enfant chaque mois, désormais pris en charge grâce aux mesures que nous mettons en place, voilà autant d’éléments objectifs, tout à fait concrets et très appréciés des fonctionnaires… Je vous invite à mener auprès d’eux une enquête de satisfaction : vous serez surpris des résultats. Il ne se passe pas une semaine sans que je sois en déplacement sur le terrain ou que j’accueille, en plus des organisations syndicales, des délégations de fonctionnaires au ministère : j’ai pu constater à quel point ces mesures suscitaient la satisfaction générale.

Pour ce qui est du calcul de l’indice des prix, sans vouloir dégager en touche, je vous invite à poser la question à M. Breton. En revanche, vous avez tout à fait raison d’appeler à un renforcement de la formation en catégorie C : je partage largement votre point de vue.

S’agissant des non-titulaires, il faut d’abord rappeler que, dans le cadre de la loi de 2001, le Gouvernement a procédé à 37 000 titularisations – ce n’est pas rien –, alors que, parallèlement, la reconnaissance de l’expérience professionnelle et la validation des acquis de l’expérience permettent à des non-titulaires d’accéder à la fonction publique. Dès lors qu’il s’agit d’un corps d’emplois préexistant, les règles obligent à recruter en priorité des agents de la fonction publique avant de faire appel aux candidatures de non-titulaires. Toutefois, il n’est de règle qui ne souffre quelques exceptions : d’où les mesures visant à prendre en compte l’expérience acquise dans le privé, à ouvrir les concours internes à la REP et à la VAE, bref, à faciliter l’accès à la fonction publique.

J’en viens aux questions posées par M. de Courson. Sur les effectifs, les éléments précis figurent aux pages 9 et 23 où sont détaillés les effectifs dans les fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière, pour les établissements publics, les ministères, etc. Sans doute est-il possible d’aller davantage dans le détail…

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. S’il y a tout un débat en France sur cette question, il n’existe aucun indicateur sur lequel tout le monde puisse se mettre d’accord pour apprécier – libre à chacun d’y porter ensuite son commentaire – l’évolution des effectifs, depuis la fonction publique de l’État jusqu’à tous les organismes périphériques, associations comprises, qu’il s’agisse des fonctionnaires proprement dits ou de non-fonctionnaires qui se subdivisent en X catégories. Certains prétendent que le nombre des fonctionnaires aurait légèrement baissé à périmètre constant, mais que cette baisse serait compensée par une augmentation des autres catégories, si bien que, globalement, la force de travail consacrée au service public de l’État continuerait à croître. Est-ce vrai ou faux ?

M. le ministre de la fonction publique. L’observatoire de l’emploi public a précisément été créé pour répondre à cette question.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Par la gauche !

M. le ministre de la fonction publique. Oui, et amélioré par nos soins. L’initiative était bonne, mais notre action encore meilleure ! Il faut y voir une illustration de la continuité de l’État…

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis. Ah ! Quand une action marche bien, c’est la continuité de l’État !

M. le ministre de la fonction publique. Ce document, amélioré chaque année, donne de plus en plus satisfaction. Peut-être conviendrait-il de l’affiner encore davantage ; je vous invite à nous faire des propositions dans ce sens. Il est soumis chaque année aux partenaires sociaux, aux représentants des différentes collectivités comme du Sénat et de l’Assemblée, dont les remarques nous aident à progresser chaque année. Je suis totalement ouvert à toute suggestion qui nous permettrait d’accentuer encore la précision, comme nous le faisons pour retracer l’évolution du pouvoir d’achat – où les chiffres offrent pourtant davantage matière à interprétation. Quoi qu’il en soit, et même si cela ne répond pas à votre question précise, on peut remarquer qu’entre 1984 et 2004, la population française s’est accrue de 10 %, les effectifs de la fonction publique d’État de 11 %, ceux de la fonction publique territoriale de 43 % et ceux de la fonction publique hospitalière de 26 %. Ce ne sont que des chiffres en masse, mais qui permettent de se faire une idée de l’évolution générale. Ajoutons que la croissance des effectifs de la FPT n’est pas liée aux seuls transferts, mais également à la demande de services nouveaux – les maires et présidents de collectivités ici présents le savent aussi bien que moi – qui ne cesse de se développer, surtout dans le domaine des services à la personne, crèches et autres. Nos concitoyens exigeant davantage de services, il est normal que ceux-ci mobilisent davantage d’effectifs. On notera du reste que c’est dans les mairies qu’ils augmentent le plus, c’est-à-dire précisément là où les élus ont la meilleure cote de popularité auprès de l’opinion publique… Autrement dit, le problème de fond ne porte pas sur les effectifs, mais sur le service attendu, dont il faut s’attacher à ce qu’il soit rendu dans de bonnes conditions.

Pour ce qui est des fonctionnaires prenant leur retraite dans les DOM, une étude est en cours sous le pilotage de François Baroin. Il a saisi l’INSEE et nous avons mis l’ensemble des services de la DGAFP à sa disposition. Je ne peux vous apporter davantage de précisions sur cette opération dont je ne suis pas le pilote.

Pour ce qui est des rachats de cotisations, une clause de rendez-vous est prévue en 2008. J’ai fait savoir aux organisations syndicales que nous étions disposés à accepter des aménagements à la marge, mais en aucun cas à rouvrir le débat avant la date prévue. Je n’ai pas d’éléments plus précis à vous apporter sur cette question, en tout cas pour l’instant.

M. Gilbert Meyer a posé la question de l’utilité de certaines formations. Il a été prévu dans le cadre de la loi relative à la fonction publique territoriale – domaine qui relève plutôt de la compétence de Brice Hortefeux – d’assouplir les durées de formation initiale au moment des prises de postes, afin d’éviter de voir celui que l’on vient de nommer partir pour plusieurs semaines de formation au moment précisément où l’on en a besoin… Autre élément important de nature à changer la nature des choses : la REP, qui permettra d’éviter certaines formations grâce à la prise en compte de l’expérience réelle des agents, alors même que les connaissances exigées dans certains concours, par trop académiques, ne correspondaient pas nécessairement à la réalité de l’emploi concerné. Le temps ainsi passé, pour ne pas dire perdu par l’agent dans ces formations pourrait être utilisé…

M. Gilbert Meyer. Autrement.

M. le ministre de la fonction publique. … dans de meilleures conditions au sein de la collectivité.

M. Gilbert Meyer. Et sur les recrutements ?

M. le ministre de la fonction publique. La suppression des quotas devrait changer la nature des choses. Non seulement la collectivité aura, même si l’emploi concerné n’est pas vacant, la possibilité de nommer un agent dès lors qu’il est sur place, mais il sera également possible, grâce à la REP ou à la VAE, de faciliter l’accès d’un non-titulaire à la fonction publique. Rappelons enfin que 37 000 agents ont été titularisés grâce à la loi de 2001. J’ai conscience de ne pas répondre totalement au cas précis que vous évoquez, mais je vous assure que la suppression des quotas et la mise en place de la REP et de la VAE ont fondamentalement changé la donne dans nos collectivités.

M. Gilbert Meyer. C’est un début de réponse…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Monsieur le ministre, il ne nous reste plus qu’à vous remercier et à vous libérer, avant de passer à la seconde partie de notre réunion, c’est-à-dire à l’audition de votre collègue Jean-François Copé.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission pour évoquer ces deux sujets en insistant tout particulièrement sur celui la modernisation de la gestion de l’immobilier de l’État ; celui des retraites et pensions, tout aussi intéressant, vous est davantage connu.

Nous avons en effet engagé dans le domaine de la gestion immobilière une politique très nouvelle traduisant, sinon une rupture, en tout cas un changement majeur par rapport au passé. C’est tout d’abord la belle illustration d’une collaboration tout à la fois étroite et efficace entre le Parlement et le Gouvernement ; vous savez le fort impact qu’a eu dans les instances gouvernementales le rapport présenté par M. Georges Tron au nom de la mission d’évaluation et de contrôle. C’est ensuite un chantier que j’ai souhaité pilote, et révélateur de la réussite du rapprochement du ministère du budget et de celui de la réforme de l’État. On peut d’ores et déjà estimer que notre objectif a été atteint. Certes, rien n’est jamais parfait, mais nous partions de très loin, si j’en crois les conclusions du rapport de M. Tron. Enfin, cette politique s’est appuyée sur une démarche d’audits désormais systématisée et unanimement saluée, sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l’opposition.

Regardons d’abord quatre ans en arrière. Trois constats factuels suffisent à résumer la situation de retard de l’époque.

Premièrement, une méconnaissance totale du parc immobilier : l’État ne savait pas combien il possédait de mètres carrés…

Deuxièmement, très peu de ventes : tout au plus une centaine de millions d’euros une certaine année.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Grâce à la vente d’une caserne située dans le quinzième arrondissement et connue de tous les planqués de France…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. N’ayant pas été moi-même dans ce cas, je n’avais pas fait le lien… (Sourires.)

Troisièmement, il n’y avait « pas de pilote dans l’avion » pour organiser cette politique immobilière.

À partir de 2003, les choses ont changé, grâce à deux initiatives du Gouvernement, qui a entrepris de se fixer des objectifs annuels de cession et de procéder au recensement du patrimoine immobilier. Selon la dernière actualisation, en date du 1er janvier 2006, sa valeur s’élève à 38 milliards d’euros – non compris, évidemment, les monuments tels que le château de Versailles ou d’autres.

Jusqu’en 2004, le rythme des cessions restait médiocre : 170 millions d’euros, très en dessous de ce que l’on aurait pu faire. À l’été 2005, les conditions étaient réunies pour accélérer le mouvement, grâce d’abord à l’action de la mission d’évaluation et de contrôle : le travail de Georges Tron, présenté le 6 juillet 2005, prouve qu’un rapport parlementaire peut avoir un impact concret. Non seulement il était tout à la fois très critique et largement justifié, mais il comportait des propositions très opérationnelles, que je me suis évidemment attaché à mettre en œuvre.

La première priorité était de passer à la vitesse supérieure sur les ventes. Les résultats sont là : en 2005, pour la première fois, l’État a dépassé ses engagements avec 634 millions d’euros de recettes contre 600 millions prévus. En 2006, l’objectif de 480 millions d’euros que vous avez fixé sera atteint, tout porte en tout cas à le croire. L’objectif de 500 millions d’euros, pour 2007, devrait également être tenu puisqu’il participe du même esprit.

L’exemple phare en 2005 fut, on s’en souvient, la vente de l’immeuble des douanes de la rue du Bac ; 2006 verra celle des hôtels Kunski et Vigny-Croisilles, très emblématique dans la mesure où l’engagement avait été pris en 1995, date à laquelle il avait été décidé de construire un immeuble pour regrouper les services de la culture aux Bons-Enfants. Dix ans après, la vente est enfin en cours.

Ces progrès ont impulsé un mouvement de fond. Ils ont conduit l’État à professionnaliser la fonction de vente en opérant les cessions aux standards du marché, et à engager la modernisation du parc. Il était grand temps. Ainsi, la vente du siège des douanes de la rue du Bac, pour 165 millions d’euros, et son transfert à Montreuil, avec une économie de plus de 30 % au total. Je me suis tout récemment rendu dans l’immeuble en cours de construction, accueilli par le maire de Montreuil, M. Brard.

Deuxième priorité : donner à l’État les instruments d’une gestion performante, ce que nous avons fait en suivant scrupuleusement les recommandations du rapport Tron. Premier élément, le compte d’affectation spéciale de la gestion immobilière de l’État, créé en loi de finances pour 200, garantit que 15 % au moins des produits sont économisés et affectés au désendettement, les ministères pouvant utiliser le reste afin de reloger les services. Deuxièmement, le cadre juridique a été totalement rénové grâce au code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur le 1er juillet 2006. L’intérêt est double : professionnaliser les gestionnaires d’immobilier public, au sein de l’État et des collectivités ; lever une série de verrous juridiques afin d’aller plus vite.

Le troisième élément, c’est la restructuration complète du vieux service des domaines, devenu France Domaine, un service extraordinairement performant et moderne, opérateur immobilier de l’État sur tout le territoire, qui a vocation à donner une nouvelle impulsion en recourant à des conseils en commercialisation, benchmarking avec le privé, publicités dans la presse, visite des sites à toute heure du jour et de la nuit, usage systématique de l’Internet – bref, en utilisant des procédés modernes très largement inspirés des exemples étrangers. Nous aurions commis une réelle erreur à vouloir sans arrêt nous comparer à nous-mêmes alors que chaque jour voit des innovations apparaître un peu partout, dont je m’attache à tirer concrètement parti.

Le Président de la République qui a donné l’impulsion décisive, en décidant le 6 janvier 2006 à Metz, lors de ses vœux aux agents de l’État, de donner à France Domaine en quelque sorte la fonction d’un véritable propriétaire, pour le compte de l’ensemble de l’État. Nous nous sommes inspirés de plusieurs pratiques usitées à l’étranger pour mettre en place un plan d’action.

Premièrement, l’occupation des immeubles de l’État sera désormais inscrite dans le cadre d’un contrat analogue à un bail privé, d’une durée limitée à neuf ans, précisant les droits et obligations du ministère occupant d’une part et de France Domaine de l’autre. C’est est fini de cette conception selon laquelle le ministère serait propriétaire de son domaine immobilier. Cela n’a l’air de rien, mais cela change beaucoup de choses, bon nombre de ministères et de leurs administrations se croyant jusqu’alors propriétaires des bâtiments sans être responsabilisées sur leur gestion patrimoniale, ce qui « plombait » totalement le système.

Deuxième conséquence : en application de ces conventions, les ministères paieront des loyers réels pour les biens de l’État qu’ils occupent, selon une technique que nous avons empruntée à nos amis canadiens. Désormais, l’occupation d’un certain nombre de mètres carrés se traduit par le paiement d’un loyer budgétaire, et il est possible de conserver tout ou partie de la somme correspondante en déménageant dans un endroit moins cher.

Une expérimentation a été réalisée sur dix-sept immeubles, dont j’ai tiré deux conclusions.

D’abord, ce système permet de responsabiliser les gestionnaires sur les coûts immobiliers. C’est très important, car les gens savent compter également sur leurs mètres carrés occupés. J’ai donc décidé de vous proposer son extension en 2007 à toutes les administrations centrales, soit 257 immeubles et la moitié du parc de bureaux de l’État en valeur, soit 5,6 milliards d’euros sur 12,3 milliards d’euros, en attendant de l’étendre en 2008 à une partie ou à la totalité des services déconcentrés ;

Ensuite, il est temps d’évoluer vers des loyers conformes à ceux du privé, pour inciter les ministères à procéder à des arbitrages, ce que n’a pas vraiment permis le dispositif expérimental de 2006. En 2007, leur montant sera porté à 5,4 % de la valeur vénale des immeubles, au regard du marché parisien et compte tenu du fait que tout l’entretien reste encore à la charge de l’occupant. Les gestionnaires publics auront donc une vue précise des situations des immeubles qu’ils occupent.

Du coup, l’État prendra ses responsabilités de propriétaire en matière d’entretien. Ne nous y trompons pas, c’est désormais la partie la plus délicate du chantier. À partir de l’audit de modernisation que j’ai lancé, qui a été publié le 17 octobre 2006, j’ai décidé d’engager deux chantiers : en 2007, des expérimentations viseront à définir les meilleurs dispositifs opérationnels pour améliorer l’entretien du parc. Nous utiliserons notamment des prestataires de service, comme c’est déjà le cas pour les prisons ; deuxièmement, un dispositif au niveau du budget permettra de retracer les dépenses d’entretien de tout l’État.

La vente des hôtels Vigny-Croisilles et Kunski n’a pas été sans créer une certaine émotion au ministère de la culture, ce que je comprends très bien, et ce qui me permet de rendre hommage au courage de mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres : s’engager dans ce processus aurait été impossible sans l’engagement personnel du ministre de la culture, dans un contexte très particulier et face à des fonctionnaires inquiets de devoir déménager brutalement d’un hôtel particulier prestigieux, à la hauteur de leur mission – j’ai la faiblesse de penser que toutes les missions de l’État sont prestigieuses, mais je peux comprendre que chacun puisse avoir le sentiment que la sienne le soit plus que celle des autres… Reste que si les hôtels Vigny-Croisilles et Kunski sont de très beaux bâtiments, l’État n’a pas les moyens de les entretenir : il y fait froid l’hiver et chaud l’été, et il vaut tout de même mieux travailler dans des immeubles modernes et dans des conditions plus confortables. Ainsi, celui qui nous construisons à Montreuil pour les douaniers sera beaucoup plus fonctionnel que leur vieille bâtisse de la rue du Bac : j’ai beaucoup de respect pour le baron Haussmann, mais les techniques de construction modernes permettent de faire mieux, plus fonctionnel et surtout moins cher au mètre carré… Nous pouvons donc aller beaucoup plus loin dans ce domaine.

La démarche de modernisation doit également porter sur le parc immobilier des opérateurs de l’État, en cohérence avec l’audit que j’ai lancé le 17 octobre dernier. Le travail que j’ai engagé en 2006 pour le recensement et la valorisation de leurs immeubles sera achevé pour les cinquante opérateurs plus importants dès la fin de cette année, et pour deux cents autres en 2007 sur un total de 800. Le champ du compte d’affectation spéciale sera par ailleurs étendu aux immeubles que l’État a mis à la disposition d’un établissement public. Enfin, le succès de l’expérience de la société de valorisation foncière et immobilière chargée de valoriser le patrimoine de Réseau ferré de France, et qui devrait porter le niveau des cessions d’une centaine de millions d’euros d’actifs en moyenne les années précédentes à plus de 350 millions d’euros en 2006, me laisse à penser que nous avons eu collectivement raison de nous engager l’an dernier dans cette démarche ; je veux à ce propos rendre hommage aux équipes de RFF et de l’État, qui ont su inventer un instrument qui n’existait pas auparavant.

Nous avons désormais ainsi dessiné une stratégie immobilière innovante, déclinée sur trois niveaux.

Premier niveau, la fixation d’un cadre, élaboré par France Domaine, sur la base de critères plus rationnels ; ainsi, l’État sera amené à aménager beaucoup plus de bureaux paysagers.

Deuxième niveau, les schémas pluriannuels de stratégie ministériels ; tous les ministres et ministères sont désormais intéressés aux résultats.

Troisième niveau : au plan local, les préfets sont responsables de la stratégie de l’État, avec autorité à cet effet sur France Domaine. J’inciterai les collectivités locales à se livrer au même exercice, en partenariat avec leur trésorier payeur général.

Un mot sur le Conseil de l’immobilier de l’État, qui résulte aussi de vos recommandations et qui occupe une place centrale dans le dispositif. Sa mission est de faire des recommandations sur les orientations de la politique de modernisation de l’immobilier de l’État. Son président est Georges Tron ; il était légitime qu’il puisse nous faire bénéficier de son expérience. Je suis de très près les travaux du conseil qui, d’ores et déjà, est sollicité sur le sur le sujet difficile de l’entretien. Autrement dit, le partenariat qui s’est instauré se poursuit, et je ne peux terminer mon propos sans vous remercier à nouveau vous pour votre contribution. Vous avez réellement aidé, et de manière très significative, le Gouvernement à avoir les idées au clair sur la politique immobilière de l’État ; mon souhait est que cette démarche fasse école dans les autres grandes missions de l’État – je pense notamment aux achats, aux missions transversales et aux audits, autant de domaines dans lesquels la représentation nationale a beaucoup de choses à faire et à dire.

Je souhaite à ce propos que cette affaire interpelle aussi bien la majorité que l’opposition. En cette période de préparation à l’élection présidentielle, il est normal que chacun fourbisse ses armes et élabore ses projets. J’aimerais que cette question des audits de la gestion performante de l’État fasse consensus. Après tout, il n’y a pas d’un côté les gentils qui dépensent et les méchants qui font des économies, et pas davantage ceux qui prétendent bien gérer et ceux qui n’auraient pas cette préoccupation. Nous l’avons tous ; la LOLF est une maison de verre et il n’est plus possible de cacher quoi que ce soit sous le tapis comme auparavant. Toutes tendances politiques confondues, nous devons nous approprier les audits : il y a derrière cela une opération « vérité des prix » à l’égard des Français, et c’est là un bon exemple d’une gestion moderne de la dépense publique. Nos concitoyens, toutes tendances politiques confondues, y sont très attentifs.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. La parole est à M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la gestion de l’immobilier de l’État.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. En réalité, le travail réalisé dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle était par essence collectif et le rapport que j’ai présenté le fruit d’une parfaite collaboration entre majorité et opposition, qui du reste se prolonge aujourd’hui : la participation de Jean-Louis Dumont et de Jean de Gaulle aux travaux du Conseil de l’immobilier de l’État prouve que nous sommes rigoureusement sur la même longueur d’onde sur ce sujet.

J’ai d’autant moins raison de m’étendre longuement que, très objectivement, le ministre a tout dit et que nous travaillons, comme il l’a indiqué lui-même, en parfaite osmose. Le Conseil de l’immobilier de l’État n’a d’autre objet que d’essayer, grâce à des compétences très diverses, mais très riches, de donner quelques orientations, lesquelles me semblent aller dans un sens qui ne fait pas débat entre nous. Aussi me bornerai-je à quatre brèves remarques, que j’agrémenterai de trois ou quatre questions rapides.

Premièrement, la cession ne saurait être pour nous l’alpha et l’oméga de la politique de l’immobilier de l’État. Il faut savoir rester prudent tout en maintenir un niveau de cession assez haut pour bien montrer qu’il ne s’agit pas d’une simple déclaration d’intention. Le ministre vient de fixer un objectif de 500 millions d’euros pour 2007 ; je note que les objectifs 2006 et 2005 ont été plus qu’atteints.

Deuxièmement, l’extension du champ d’application du compte d’affectation spéciale aux fonds de concours, et surtout aux établissements publics administratifs occupant un immeuble domanial, va dans la bonne direction. J’ai eu l’occasion d’indiquer à votre collègue en charge de la fonction publique, monsieur le ministre, à quel point les établissements publics me paraissaient appeler un examen attentif de la part de la commission des finances, dans le domaine de l’immobilier comme dans celui des personnels, où l’on note des augmentations extraordinairement importantes alors même que les effectifs diminuent. Je me réjouis que vous soyez en mesure d’avoir d’ici à la fin 2007 une estimation du parc immobilier concerné ; la MEC avait été très surprise l’année dernière de découvrir qu’aucune évaluation sérieuse n’avait été faite, et je dois rendre hommage à vos services pour les corrections apportées, les estimations de 30 milliards d’euros en février 2005 ayant été finalement affinées à 38 milliards en fin d’année.

Troisièmement, les règles de fonctionnement du compte d’affectation spéciale réservant 15 % au moins des produits des cessions au désendettement de l’État et 85 % aux ministères, n’appellent pas d’observations particulières de ma part, à une question près : beaucoup de ministères se voient appliquer des règles dérogatoires à cette ligne de conduite. Si France Domaine devra évidemment tenir une comptabilité précise des dépenses, et si les décisions devront être conformes aux orientations de la nouvelle politique immobilière, la multiplication des dérogations n’est pas des plus heureuses. Le ministère de la défense, notamment, bénéficie d’un statut dérogatoire sur lequel on pourrait s’interroger. Et je suis un peu moins optimiste que vous sur la qualité de la coopération avec le ministère de la culture… J’admire votre sens de la solidarité gouvernementale, mais la façon dont le ministère de la culture s’est comporté dans cette affaire appellerait pour le moins quelques questions précises – mais chaque chose en son temps…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Vous noterez que j’ai cité le ministre, et non le ministère.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Et moi le ministère et non le ministre… Ce qui, une fois de plus, démontre notre totale complémentarité !

Quatrièmement, si la partie diagnostique des schémas pluriannuels de stratégie immobilière est tout à fait précise, et l’on ne peut que s’en réjouir, il nous a semblé au sein du conseil de l’immobilier de l’État que la partie prospective manquait souvent de précision. Quelles orientations souhaitez-vous dégager des STSI ?

Cinquièmement, nous avions émis le souhait que l’État ne s’octroie pas de règles dérogatoires dans le domaine des loyers comme il le fait dans beaucoup d’autres… Le montant des loyers résultait initialement de calculs très compliqués, dans lesquels intervenaient nombre de paramètres, parmi lesquels la dette de l’État ; le Conseil a finalement considéré qu’un alignement sur les taux du marché étaient nettement préférable, et vous avez suivi notre requête. Le montant retenu, soit 5,4 % de la valeur vénale des immeubles – 6 % moins 0,6 % au titre des charges d’entretien – nous paraît tout à fait raisonnable ; nous vous suggérerons d’ici à la fin de l’année des pistes possibles pour ce qui touche à l’entretien. Je suis totalement convaincu que l’instauration de ces loyers est une innovation majeure, dont on aurait tort de sous-estimer l’impact. Les gestionnaires publics seront enfin réellement sensibilisés, au niveau déconcentré, sur ce que coûte effectivement l’occupation d’un immeuble, avec toutes les conséquences qui en découleront logiquement dans les arbitrages. Sur tous ces points, nous sommes en parfaite osmose et je veux vous remercier pour votre sens de l’écoute et le travail remarquable que vous avez conduit. Vous me permettrez toutefois deux questions complémentaires dans lesquelles il ne faut voir aucune critique, mais seulement des interrogations.

Je ne voudrais pas avoir l’air de remettre systématiquement sur le tapis une affaire dont nous nous sommes déjà entretenus, mais je reste quelque peu interrogatif sur le Meccano interne du ministère de l’économie et des finances, qui a consisté à détacher les domaines de la direction générale des impôts pour les rattacher à la comptabilité publique, et sur l’appréciation que peuvent en avoir les personnels. Certes, toute cette opération s’effectue d’une manière très prudente et progressive mais, dans la mesure où vous avez pris la double casquette de ministre du budget et de la réforme de l’État pour piloter l’immobilier, tout en vous adjoignant un Conseil de l’immobilier, peut-être aurait-il été plus efficace de vous doter d’un bras séculier, en l’occurrence France Domaine, directement rattaché au ministre. Je m’interroge d’autant plus que les échos que j’en ai reçus des personnels semblent quelque peu contradictoires.

Vous avez évidemment pris à bras-le-corps toutes les questions réglementaires et administratives liées à l’immobilier de l’État – vous-même avez évoqué l’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques. Nous avions estimé dans le rapport qu’il n’était pas totalement inopportun de s’adosser à quelques compétences complémentaires, issues notamment du secteur privé. France Domaine, avais-je cru comprendre, devait signer prochainement une trentaine de contrats avec des personnalités du secteur privé ; nous-mêmes nous étions aperçus que le point de vue de ces opérateurs ou investisseurs nous avait, à bien des égards, fait avancer très substantiellement dans notre regard critique comme dans nos propositions. Est-ce toujours d’actualité ? Le directeur de France Domaine nous a laissé entendre que vous auriez abandonné cette idée des contrats pour vous orienter vers une autre solution. Qu’en est-il ?

En conclusion, nous sommes là dans un des rares domaines où législatif et exécutif, mais également majorité et opposition au sein du Parlement, avancent dans le même sens. Je veux encore vous remercier, monsieur le ministre, pour le suivi que vous apportez à cette question, ainsi que mes collègues Jean-Louis Dumont et Jean de Gaulle : ensemble, nous avons fait du bon travail.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. La parole est à M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances pour les régimes sociaux et de retraite et les pensions.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour les missions « Régimes sociaux et de retraite » et « Pensions ». J’ai sur M. Tron l’avantage de rapporter sur un domaine qui n’a fait l’objet d’aucune investigation, ce qui me rendra la tâche plus facile. Le rapport que je suis amené à vous présenter concerne les crédits affectés aux régimes sociaux et de retraite, et aux pensions des fonctionnaires, ce qui m’amènera à évoquer le cas de certains régimes spéciaux et principalement ceux de la SNCF et de la RATP.

Le contexte actuel est marqué par deux faits importants sur lesquels j’aimerais appeler l’attention.

Le premier concerne l’évolution des retraites des fonctionnaires, qui ont été concernées par la loi du 21 août 2003, dont l’objectif principal était l’allongement de la durée effective de cotisation. Trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, peut-on dresser un premier bilan de cette réforme ?

Le second a trait à l’application des nouvelles normes comptables européennes, qui va en effet conduire les entreprises à évaluer et provisionner leurs engagements au titre des retraites, alors qu’ils figuraient jusqu’ici dans les comptes hors bilan. Cette nouveauté explique les réformes en cours ou envisagées de certains régimes spéciaux, qui prévoient à terme leur adossement au régime général.

Ces deux éléments peuvent servir de fil directeur à mon exposé.

S’agissant de la mission « Régimes sociaux et de retraite », les régimes concernés ont pour point commun d’être des régimes de cessation anticipée d’activité ou des régimes spéciaux en rapide déclin démographique, voire quasiment éteints. Cette situation conduit l’État à verser des subventions d’équilibre à ces régimes, en contrepartie d’un effort d’efficacité demandé aux organismes tiers gestionnaires. Sont ici en cause les régimes sociaux des transports terrestre, celui des marins et celui des mines et de la SEITA, trois régimes d’importance très différentes.

Les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres regroupent 66 % des crédits de la mission, soit 3,29 milliards d’euros pour 2007. Avec, en 2005, 165 000 cotisants pour 306 000 pensionnés, le régime de retraite de la SNCF bénéficie d’une subvention d’équilibre versée par l’État, qui progresse de 12,7 %. Or, avec l’application des normes comptables européennes, la société pourrait être amenée à provisionner 9 milliards d’euros au titre des retraites ! Pour éviter la faillite virtuelle de l’entreprise en 2007, une issue doit donc être trouvée rapidement.

Concernant la RATP, son adossement au régime général est en voie de finalisation, et a d’ailleurs donné lieu à la création d’une nouvelle caisse de retraite du personnel, laquelle se trouve déjà en difficulté, puisque son déficit atteindra 407 millions d’euros en 2007 alors que la couverture par l’État n’est plus que de 354 millions d’euros et que la dégradation des comptes du régime se confirme.

Par ailleurs, en vue de l’adossement au régime général, une soulte, évaluée à 700 millions d’euros, devrait être versée par l’État à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, mais les discussions n’ont toujours pas abouti.

Le reste des crédits de la mission sont répartis entre le régime d’aide aux transporteurs routiers et les garanties de retraite des anciens agents des services publics d’Afrique du Nord et d’outre-mer, ce qui ne nous emmène pas très loin.

Le programme « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » est pour sa part exclusivement tourné vers le financement de l’Établissement national des invalides de la marine, institution dont l’impact politique n’est pas négligeable, particulièrement dans l’Ouest de la France.

Au sein du programme « Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers », on trouve d’abord la Caisse nationale de sécurité sociale des mines, caractérisée par la quasi-disparition des actifs : le régime comptait 13 309 cotisants pour 373 067 pensionnés au 31 décembre 2005…

Lors de la privatisation de la SEITA en 1993, l’État s’est également engagé à assurer l’équilibre de son régime de retraite. Or, si les résultats du régime sont pour l’instant équilibrés, et même légèrement excédentaires, la disparition progressive, mais certaine, des cotisants, conduira à une augmentation corollaire de la subvention de l’État.

Enfin, le programme finance des régimes qui ont pour particularité d’être quasiment éteints et de ne regrouper que quelques dizaines, voire quelques centaines de retraité : la caisse des retraites de l’Imprimerie nationale, la caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer et enfin, les versements liés à la liquidation de l’ORTF. Ce qui amène à penser que dans notre société, les gouvernements et les majorités ont beau se succéder, les institutions tiennent bon ! (Sourires.)

S’agissant du compte d’affectation spéciale « Pensions », l’objectif assigné par la LOLF est de retracer dans un compte unique toutes les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires servis par l’État, afin de mettre les recettes en relation directe avec les dépenses. Il permet donc de développer une logique de révélation de « coût complet ». La LOLF a réuni l’unanimité des avis des experts sur ce point.

Le nombre des pensionnés civils s’élève à plus de 1,528 million et celui des pensionnés militaires à près de 566 000 en 2006.

Force est de constater, sans aucun esprit polémique, que l’impact réel de la réforme des retraites de 2003 n’est pas encore perceptible ; il serait utile de savoir si le ministère a préparé des projections.

Mes questions, monsieur le ministre, ne sont pas nombreuses, mais les réponses que vous y apporterez peuvent avoir une importance considérable.

Premièrement, s’agissant de la réforme du financement de la RATP, où en sont les négociations avec la CNAVTS, qui doivent déterminer le montant de la soulte, initialement estimé à 700 millions d’euros ?

Deuxièmement, quelles sont les modalités prévues de couverture du déficit de la nouvelle caisse de retraites du personnel de la RATP, dont le montant initialement prévu s’avère d’ores et déjà insuffisant ?

Troisièmement, la réforme du régime de retraite de La Poste sera-t-elle engagée avant la fin de l’année 2006 ? Le montant prévu de la soulte à la charge de La Poste, à hauteur de 2 milliards d’euros, est-il définitif ? La réforme passera-t-elle par un adossement au régime général ?

Quatrièmement, quelles sont les pistes actuellement à l’étude concernant la réforme du régime de retraite de la SNCF ? La perspective qu’elle soit lancée au premier semestre 2007 est-elle un vœu pieux ?

Je vous remercie, monsieur le ministre, de l’attention que vous voudrez bien réserver à ces questions.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Je rejoins naturellement M. Tron sur l’essentiel de ses observations. L’idée de mieux arrimer les opérateurs de l’État au budget ministériel vaut évidemment pour les crédits, mais également pour les personnels comme pour l’immobilier. La LOLF a incontestablement besoin d’être améliorée sur ce point – nous en avons déjà parlé avec M. Bouvard. Actuellement, les immeubles de l’État mis à disposition des établissements publics entrent dans le champ du compte d’affectation spéciale ; sans doute faudra-t-il aller plus loin et intégrer la question du personnel. Je suis en tout cas d’avis de poursuivre la réflexion sur ce sujet.

Une chose est certaine : maintenant que nous avons un compte d’affectation spéciale, il n’est plus question de tourner autour du pot. Tout est là : d’un côté les cessions, de l’autre une sécurisation, 15 % des produits allant au désendettement ; nous avons de quoi fixer des orientations claire. Le taux de retour aux ministères est en général plafonné à 85 % du produit perçu et à 50 % pour les terrains inoccupés ne donnant pas lieu à relogement. Certains ministères, sur la base du contrat de modernisation, peuvent prétendre à un taux plus élevé : c’est le cas notamment des affaires étrangères, mais celui-ci est confronté au défi de la restructuration de son réseau à l’étranger. Le ministère de l’équipement bénéficie pour sa part d’un taux de 95 % en raison de la refonte de son réseau déconcentré du fait de la décentralisation.

S’agissant du schéma directeur immobilier, il faut continuer d’en améliorer le champ et la qualité. France Domaine travaille avec un professionnel à élaborer un cahier des charges précis qui intégrera naturellement les normes du privé – c’est pour moi aussi un point absolument majeur.

Faut-il aligner totalement les loyers sur ceux du privé ? L’objectif en tout cas est de tendre vers les taux du marché. J’attends beaucoup sur ce point des orientations que vous donnerez dans le cadre du Conseil de l’immobilier de l’État. Le taux retenu pour l’heure de 5,4 % de la valeur du bien me paraît déjà un bon début pour placer le curseur.

Vous vous interrogez sur le rattachement de France Domaine à la DGCP. Au risque d’être un peu en désaccord avec vous, j’y vois un intérêt majeur. Aurait-on pu le rattacher directement au ministre ? On peut tout imaginer… Mais moi, j’ai besoin que France Domaine soit intégré dans un réseau territorial. Quel était le meilleur ? Compte tenu de l’évolution de la DGI qui voit depuis ces dernières années sa charge s’accroître dans des proportions considérables avec le concept d’interlocuteur fiscal unique, les regroupements de gestion sur un certain nombre d’impôts, l’idée que le réseau des comptables publics, dont le métier devrait évoluer dans les prochaines années, puisse prendre en charge la gestion de l’immobilier de l’État, me paraît tout à fait en cohérence, notamment entre les TPG et les préfets. On l’a vu notamment dans l’expérience de Montreuil.

Je conçois que cela puisse, sur le plan social, donner lieu à quelques interrogations bien légitimes. Mais je peux témoigner, pour commencer à bien connaître ce ministère, que cette opération, quand bien même elle suscite quelques inquiétudes, se passe socialement bien et que les gens se comportent de façon très responsable. L’idée que la direction générale de la comptabilité publique s’empare de ce sujet pour en faire un chantier pilote de la modernisation va tout à fait dans ce sens. Je suis plutôt confiant sur ce point.

Pour ce qui est de l’adossement à des compétences complémentaires dans le privé, rappelons que, en 2005, France Domaine a contracté pour 3 millions d’euros avec des privés, dans tous les domaines, et lancé un appel d’offres sur la place afin d’assister l’État d’un opérateur de commercialisation. Ne croyez pas un instant que j’aie renoncé à cette idée à laquelle je tiens beaucoup : je suis très attentif à ce que France Domaine puisse s’appuyer sur l’expérience du secteur privé. Cela n’a rien de choquant : les murs de Berlin tombent les uns après les autres et cette espèce de paroi étanche entre public et privé n’a aucune justification particulière.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’exposé très précis de M. Dreyfus. Chaque régime de retraite ayant sa propre histoire, et plutôt que de chercher à décrire ce véritable patchwork, j’ai jugé préférable d’écouter d’abord ses questions afin d’y répondre et d’apporter un éclairage complémentaire – conformément, du reste, à la philosophie de vos commissions élargies, qu’a rappelée M. de Courson.

Pour ce qui est du régime spécial des retraites des agents de la RATP, dans le but d’assurer une déconsolidation des engagements de retraite, une caisse spécifiquement dédiée a été créée en décembre dernier : la caisse de retraite du personnel de la RATP, conçue pour assurer le versement direct de la totalité de leur pension aux agents retraités tout maintenant les droits inchangés ; elle a le statut d’un organisme de la sécurité sociale. Une négociation est en cours pour l’adosser au régime de droit commun, c’est-à-dire au régime général géré par la CNAVTS et au régime complémentaire AGIRC-ARRCO. L’ensemble du dispositif est soumis à l’approbation de la Commission. La négociation n’a pas encore abouti ; nous suivons naturellement cette affaire de très près, l’objectif étant de respecter le principe de neutralité financière pour la sécurité sociale.

Je tiens cependant à vous rassurer sur le fait que le besoin de financement du régime est et sera couvert. Le législateur a posé le principe d’un adossement au régime de droit commun en contrepartie du versement d’une soulte, pour ce qui concerne les droits équivalents à ceux des salariés du privé, et prévu une subvention d’équilibre de l’État à la nouvelle caisse de retraite qui correspond aux droits spécifiques. Les hypothèses retenues dans le PLF 2007 permettent de couvrir l’intégralité des charges du régime : c’est là un engagement formel du Gouvernement.

S’agissant de La Poste, la réforme proposée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006 repose sur les principes suivants : premièrement, les droits des fonctionnaires sont inchangés ; deuxièmement, une cotisation libératoire pour La Poste sera mise en place, ce qui permettra d’éviter l’inscription au passif des 70 milliards d’engagements actuellement portés dans le hors bilan lors du passage de l’entreprise aux normes IFRS en 2007 ; troisièmement, dans le cadre de cette réforme, La Poste versera en 2006 une contribution exceptionnelle de 2 milliards d’euros à l’établissement public qui contribuera à partir de 2007, aux côtés de l’État, au financement des retraites des postiers. Reste à déterminer les modalités de financement à long terme de cet établissement public ; ce sera l’objet des prochaines négociations. L’article prévu dans le collectif prévoit en outre la possibilité de conclure des conventions d’adossement – mais ce n’est qu’une possibilité et je ne peux préjuger des résultats de la négociation. Comme pour la RATP, il faudra en outre obtenir l’approbation de la Commission européenne.

Le financement des retraites de la SNCF est assuré en grande partie par la SNCF elle-même, mais le déséquilibre démographique a conduit l’État à prendre en charge un poids que l’entreprise ne peut pas supporter tout en restant compétitive. La réforme du financement de son régime de retraite repose sur de multiples paramètres dans la mesure où il faut prendre en compte les effets de l’application des normes IFRS tout en restant compatible avec le droit communautaire. Je suis évidemment très attentif, dans une affaire particulièrement sensible sur le plan tant politique et psychologique que budgétaire, à ce que tout soit fait dans les règles. Nous avons commencé à y travailler très sérieusement, en liaison avec le ministère des transports, mais également avec la SNCF.

S’agissant du calendrier, l’objectif est de prendre en compte le temps de consultation du conseil d’administration de la SNCF comme des autorités communautaires. Cela explique que vous ne trouviez pas dans le projet de loi de finances pour 2007 des éléments que nous ne sommes pas encore en mesure de vous apporter. Il n’est pas question d’aller plus vite que la concertation ; sinon vous ne manqueriez pas, monsieur Dreyfus, de reprendre votre casquette d’opposant et de reprocher au Gouvernement de n’y être pas attentif… Or j’entends rester attentif à vos observations, en tant que rapporteur spécial comme en tant qu’opposant.

J’ai lu tout comme vous certains articles de presse sur le sujet. Vous savez ce que sont les articles de presse : à vouloir aller vite et en peu de mots, on emploie des termes parfois spectaculaires, amplement repris et qui deviennent anxiogènes. J’ai ainsi entendu parler de « faillite », ce qui a amené la présidente de la SNCF à remettre, avec beaucoup de sagesse, les choses à leur place en rappelant à quel point certains mots peuvent excessivement inquiéter.

Reprenons les choses dans l’ordre. Le groupe SNCF se verra appliquer les normes IFRS courant 2007 et la préparation de cette échéance suppose de traiter divers sujets comptables et en particulier de clarifier les règles de financement des engagements de retraite en inscrivant notamment au bilan de l’entreprise des éléments qui auparavant figuraient dans les annexes. Mais il s’agit en l’occurrence d’éléments parfaitement connus, formulés d’une manière explicite dans les annexes, et non de quelque chose de nouveau. Autrement dit, l’impact de la prise en compte des nouvelles normes IFRS ne modifie en rien les comptes sociaux ni le résultat opérationnel de l’entreprise ; rappelons d’ailleurs que la SNCF est bénéficiaire depuis six semestres consécutifs. Autrement dit, cela n’a rien à voir avec une « faillite virtuelle » comme on l’a affirmé. Je tenais à le dire, car de tels termes poussent à dramatiser les choses en donnant le sentiment que l’on dissimulerait une réalité parfaitement connue et sur laquelle nous travaillons très activement, comme c’est notre responsabilité.

S’agissant enfin l’évolution des besoins de financement des régimes de fonctionnaires à moyen et long terme, les projections réalisées par le Conseil d’orientation pour les retraites prévoient que l’impact de la réforme d’août 2003 sur la situation financière des principaux régimes de base pour 2020 sera conforme aux hypothèses avancées lors de la préparation de la loi. Autrement dit, nous sommes en ligne avec ce qui était prévu. Pour ce qui est des retraites des fonctionnaires de l’État, les différentes mesures mises en œuvre réduiraient de 8,3 milliards d’euros le besoin de financement d’ici à 2020 – 3,9 milliards d’euros pour le régime des fonctionnaires des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière –, amortissant d’un tiers environ les effets défavorables du choc démographique.

Les projections du COR n’en montrent pas moins que des besoins importants de financement subsistent – nous l’avions d’ailleurs dit au moment où nous avions débattu du projet de loi et l’examen de quelque cinq mille amendements, dont une bonne part présentés par le seul Maxime Gremetz, nous avait donné l’occasion d’y revenir en long et en large… À taux de cotisation inchangé, le besoin de financement du régime des fonctionnaires de l’État pourrait s’aggraver de 14 milliards d’euros entre 2000 et 2020, et de 2 milliards d’euros pour la CNRACL. C’est tout l’enjeu du rendez-vous de 2008, dont personne n’a jamais nié l’importance. Tout ce qui peut être dit dès à présent est intéressant du point de vue du débat, mais doit surtout permettre de préparer les esprits pour 2008. J’émets le vœu que l’on puisse laisser de côté les approches strictement idéologiques et que l’on essaie d’aborder la question des retraites de façon moderne. Le débat de 2008 devra être l’occasion de profiter de celui de 2003 pour apporter des réponses courageuses, dans la même veine, et ainsi de présenter une solution complète et de nature à rassurer pleinement les Français.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Monsieur le ministre, j’ai deux questions à vous poser sur la partie « retraites » et, au nom du président Méhaignerie, quelques questions très précises qui touchent à l’immobilier de l’État.

Le taux patronal implicite, désormais explicité depuis que les pensions sont individualisées dans un compte d’affectation spéciale, est de 50,7 % de la masse salariale, et dérive depuis des années d’à peu près 1,2 point par an. Trouvez-vous normal que toute cette dérive soit, du fait du mécanisme actuel, supportée par les contribuables et qu’il n’y pas partage entre les fonctionnaires et l’État-patron, autrement dit le contribuable, comme c’est le cas dans le régime général, où l’on en est désormais à 45 % pour les salariés et 55 % pour les employeurs ? Rappelons que la répartition était voilà dix ans de 40 %-60 % et que la gauche, avec beaucoup de sagesse – pour une fois ! – avait bloqué en 1983 l’augmentation des taux de cotisation patronale. Il n’est pas normal d’en rester à un taux de retenue pour pension de 7,85 % et un taux de cotisation patronale de 51,7 %, soit grosso modo 58 % au total, ce qui nous fait 15 % à la charge des fonctionnaires et 85 % à la charge des contribuables alors que l’on en est à 45 %-55 % dans le régime général. Il n’y a eu à ce sujet aucune discussion avec les partenaires sociaux pour leur expliquer à quel point il se posait un problème d’équité.

S’agissant de la SNCF, nous avons été plusieurs à être très étonné lors de la rencontre entre le bureau de la commission des finances et la présidente de la SNCF, lorsque celle-ci nous a expliqué qu’en application des nouvelles normes IFRS, il lui fallait inscrire au passif 8,2 à 9 milliards d’euros alors qu’elle n’avait plus que 4,8 milliards en capitaux propres, ce qui, à défaut d’une contrepartie sous la forme d’un engagement de l’État, déséquilibrerait totalement sa structure financière. Et de nous indiquer qu’elle négociait avec l’État français et la Commission un accord qui lui permettrait d’inscrire à son actif un engagement dudit État à couvrir le passif en question.

Nous avons été nombreux à considérer qu’une telle disposition, si elle devait être prise, ne pourrait que relever de la loi. Aussi avons-nous été étonnés de certaines réponses ministérielles – pas très claires, il est vrai – laissant à penser qu’une simple lettre pourrait suffire. En tant que ministre chargé du budget, estimez-vous qu’il faille ou non une disposition législative pour inscrire une telle contrepartie ?

J’en viens à la série de questions très précises que le président Méhaignerie entendait vous poser sur un certain nombre d’opérations immobilières – vous avez d’ores et déjà répondu à quelques-unes d’entre elles.

Où en est la vente des hôtels de Vigny et de Croisilles, estimés à 22 millions d’euros, qui devaient, selon le schéma pluriannuel du ministère de la Culture, être cédés « avant la fin 2006 » et qui hébergent la Fondation Lartigue ?

Qu’en est-il du 19, rue du Renard, qui aurait dû être vendu lors de l’opération Bons-Enfants, et qui abrite une salle de sports et une salle de danse ?

L’immeuble sis 12, rue de Louvois, d’une surface de 1 130 mères carrés est loué 400 000 euros par an et abrite trente-quatre permanents syndicaux… Soit presque quarante mètres carrés par permanent syndical !

Place de Valois, un immeuble de 1 200 mètres carrés est loué pour un montant de 440 000 euros pour l’inspection générale et le comité d’histoire du ministère, soit soixante-dix personnes en tout… Où en est-on ?

Que deviendront les 145 personnes de la direction de la musique et de la danse ? Elles devaient aller Rue des Bons-Enfants. Si une location intervient, quel en sera le coût ? L’immeuble des Bons-Enfants présente une surface utile de 20 700 mètres carrés. Vous en avez libéré 18 500 hors hôtels de Vigny et de Croisilles. Si la direction de la musique loue un autre site, l’opération, d’un coût de 200 millions d’euros, aura comme incidence l’accroissement des surfaces occupées par le ministère de la culture !

J’ajoute à titre personnel, monsieur le ministre, que je ne vous fais pas souvent de compliments, c’est le moins que l’on puisse dire…

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Et même jamais !

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Mais je dois reconnaître l’immobilier de l’État est un des rares domaines où vous avez fait un pas dans la bonne direction. Il est vrai que la commission des finances, toutes tendances confondues, vous y a grandement aidé, vous-même l’avez reconnu. Ce qui montre que nous sommes largement inutiles, à ces quelques exceptions près !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Un compliment de Charles de Courson doit être salué comme il se doit… Je suis très sensible à cet encouragement à poursuivre ! Cela dit, je regrette beaucoup que vous ne m’ayez pas informé à l’avance de ces questions sur l’état d’avancement des cessions de ces différents immeubles ; j’aurais été heureux de vous donner des réponses précises, ce que je me propose de vous faire par écrit. Je vous invite du reste à les poser à mon collègue de la culture, qui vient vous voir cet après-midi.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Je ne suis pas sûr que nous aurons forcément des éléments de réponse…

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Il serait intéressant de les comparer !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Monsieur Tron, vous n’avez pas manqué, avec votre humour légendaire, d’épingler mon collègue de la culture mais, même si ne suis pas un adepte de la modestie spontanée, je dois reconnaître qu’il est beaucoup plus facile pour le ministre du budget de venir vous parler de la gestion rigoureuse de l’immobilier de l’État. La tâche n’est pas évidente pour mes collègues qui doivent convaincre leurs collaborateurs que demain, ce sera mieux qu’aujourd’hui, lorsqu’ils iront travailler dans ma petite couronne et non plus en plein centre de Paris, dans un bâtiment moderne plutôt que dans un hôtel certes vieux et mal entretenu, mais avec des dorures… Je ne saurais donc trop vous encourager… à encourager mon collègue de la culture, qui a osé prendre ce dossier à bras-le-corps alors que ses prédécesseurs n’avaient rien fait.

M. Georges Tron, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je suis flatté que mon humour ait été apprécié à sa juste valeur : le but était surtout d’orienter notre discussion de cet après-midi… Reste que ma mansuétude, à supposer qu’elle soit aussi développée, pourrait légèrement être écornée à cette occasion : si Charles de Courson a relayé les questions du président Méhaignerie, c’est qu’il est arrivé à la commission des finances de songer à se pencher directement sur la problématique du ministère de la culture. Loin de nous l’idée de le prendre pour cible pour le seul besoin d’en trouver une : nous avons été surpris, par exemple, que l’immeuble des Bons-Enfants, d’une superficie de l’ordre de 30 000 mètres carrés en plein cœur de Paris, soit resté inoccupé entre douze ou treize ans… Où en serions-nous s’il avait fallu rembourser tous les loyers en ponctionnant sur le budget du ministère de la culture ! Tous les ministères sont confrontés à cette problématique ; certains accompagnent, d’autres un peu moins bien et celui de la culture en serait une image emblématique, s’il fallait en choisir une… Au-delà des questions que ne manquerons pas de poser à M. Donnedieu de Vabres, nous voudrions appeler l’attention sur le fait qu’on a toujours de bonnes raisons de prétendre à un régime dérogatoire. Certains ministères ont toujours droit à des retours de cessions de 100 %, d’autres de 90 %. J’ai tendance à penser qu’il faut fixer une ligne et qu’il serait bon de voir le ministère de la culture s’y conformer.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. L’affaire des Bons-Enfants est effectivement scandaleuse. Je m’y suis beaucoup énervé et je suis très heureux que mon collègue de la culture ait pris ce problème à bras-le-corps alors que ses prédécesseurs ne l’avaient pas fait. Pour le reste, il y a d’autres sujets sur lesquels vous êtes parfaitement dans votre rôle, et qui plus est des alliés objectifs du ministre du budget, ce dont je ne saurais me plaindre !

Cela étant, tout cela ne pourra plus arriver. L’affaire des Bons-Enfants n’aura eu lieu qu’une fois : grâce à la technique des loyers budgétaires, le problème ne pourra plus se poser. Désormais, chaque ministère saura précisément combien les mètres carrés qu’il occupe coûtent au budget de l’État. Il sera donc très facile de rappeler à tel ministre qu’il dispose de locaux qu’il ne remplit pas, qui ne répondent à aucune mission définie et que cela coûte tant. Cela sautera aux yeux de tout le monde, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Redites-le à mes collègues, car cela participe de la bonne gestion.

Quant aux dérogations, elles restent très exceptionnelles et ne font que correspondre à des situations très spécifiques. Le ministère de la culture n’est pas concerné ; il est au taux de tout le monde. Le cas du ministère des affaires étrangères s’explique par le fait qu’il est en train de restructurer tout son réseau.

Vous estimez, monsieur de Courson, que la dérive du régime de retraite des fonctionnaires est finalement payée par le contribuable. Je ne partage pas totalement cet avis dans la mesure où un pas essentiel a été franchi en 2003 avec l’instauration de la décote et de la surcote, système qui incite à travailler plus longtemps. C’est un élément de réponse…

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Pas sur le mode de financement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si, puisque la surcote incite à payer davantage.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Le problème tient au mode de financement : est-il normal que la répartition soit de 15-85 dans le régime de retraite des fonctionnaires d’État et de 45-65 en moyenne dans le régime privé plus complémentaire ? Qui plus est, la part financée par le fonctionnaire continue à baisser par le fait que l’on a bloqué la retenue pour pension à 7,85 %.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Si vous me demandez s’il y a homothétie complète, ma réponse est non. En revanche, vous reconnaîtrez avec moi qu’un effort très significatif a été accompli : non seulement nous avons aligné la durée de cotisation, ce qui, dans un contexte difficile, aura tout de même été un acte de courage politique majeur, mais nous avons prévu un rendez-vous en 2008 pour aller plus loin.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. À côté du problème des prestations se pose celui du mode de financement. Pas plus que vos prédécesseurs vous ne touchez au taux de la retenue pour pension et vous laissez une part croissante du régime des fonctionnaires se financer par la solidarité nationale.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. J’ai bien compris. Y a-t-il homothétie parfaite ? La réponse est non. N’avons-nous rien fait ? La réponse est si, premièrement en allongeant la durée de cotisation des fonctionnaires et en l’alignant sur celle du régime général, deuxièmement en mettant en place un système de décote-surcote.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. L’éventuelle contrepartie que l’État pourrait apporter à la SNCF fera-t-elle l’objet d’un dispositif législatif ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Nous n’en sommes encore qu’au stade des expertises. Dans tous les cas, ne doutez pas de notre détermination à respecter scrupuleusement l’ensemble des règles et préconisations découlant de l’application des normes comptables IFRS et de nos engagements européens. Il est de fait que ce qu’il était possible de faire par décret dans le cas de la RATP devra passer par la loi dans celui de la SNCF. Mais tout cela devra être expertisé.

M. Charles de Courson, secrétaire de la commission des finances. Il n’y aura donc rien dans la loi de finances initiale ni dans la loi de finances rectificative ?

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Non. À ce stade, ce n’est pas prévu.

M. Charles de Courson, vice-président de la commission des finances. Puisqu’il n’y a plus d’autres questions, il me reste à remercier M. le ministre de la précision de la plupart de ses réponses (Sourires), en particulier sur le premier point auquel le président Méhaignerie tient tout particulièrement.

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Il a raison. Encore faut-il que j’en aie connaissance suffisamment à l’avance pour préparer une réponse…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

(La séance de la commission élargie est levée à douze heures quarante-cinq.)

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