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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 27 novembre 2006

68e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 389 à l’article 5, précédemment réservé.

Article 5 (précédemment réservé) (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement no 389.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous proposons de substituer, dans la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 5, les mots : « le président du centre d’action sociale » aux mots : « le maire ». À défaut de supprimer l’article 5, il convient de le réécrire afin de limiter le bénéfice de son dispositif aux maires qui ont décidé de mener une action sociale au profit de leurs administrés. En outre – et c’est un point essentiel –, il convient de mieux encadrer l’usage des données nominatives susceptibles d’être détenues et échangées par les professionnels, en ajoutant, sur le modèle de ce qui est prévu par la loi du 30 juin 2004, des garanties quant à l’usage de ces données.

Mme la présidente. J’indique d’ores et déjà à l’Assemblée que, sur le vote de l'amendement no 389, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 389.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration de la République. Cet amendement a été repoussé par la commission, car il s’agit d’un amendement de conséquence de l’amendement no 388, qui a été rejeté tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

Mme la présidente. Nous devons attendre que le délai réglementaire de cinq minutes soit écoulé avant de passer au vote.

……………………………………………………………..

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement no 389.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisie d’un amendement no 702.

J’indique d’ores et déjà à l’Assemblée que, sur le vote de cet amendement, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement no 702.

Mme Patricia Adam. Cet amendement vise à limiter les informations transmises à celles qui sont strictement nécessaires au suivi de la personne en difficulté. Il permet d’assurer le respect du secret professionnel et d’éviter toute confusion entre délinquance et situation sociale de la personne concernée.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable, mais je laisse la parole au président de la commission saisie pour avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission des affaires sociales a rejeté cet amendement. Ainsi que je l’ai déjà dit, l’alinéa 2 de l’article 5 me semble trop long et pas assez clair. Il est inutile d’apporter cette précision supplémentaire. Le travailleur social obéit à une déontologie très stricte qui lui permet de distinguer les informations qu’il doit utilement révéler au maire de celles qui doivent rester confidentielles. Nous pouvons lui faire confiance.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis que la commission des affaires sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les travailleurs sociaux se sont inquiétés des conditions de leurs interventions et du dialogue d’un type nouveau qu’ils auront avec le maire. Il paraît donc opportun de les rassurer, en définissant le cadre de ce dialogue. À cet égard, limiter la transmission des informations à celles qui sont « strictement nécessaires » au suivi de la personne en difficulté est sans nul doute le meilleur moyen d’apaiser les craintes qui se sont exprimées. Il est très important que le législateur encadre de manière un peu plus formelle et institutionnelle le dialogue entre le maire et les travailleurs sociaux, car il apporterait ainsi une garantie supplémentaire aux personnes concernées.

Par ailleurs, la formulation de cet article ne nous met pas à l’abri de critiques, de contestations, voire de contentieux, portant soit sur la manière dont le travailleur social appliquera la loi et sur le choix des informations qu’il transmettra au maire, soit sur les décisions que pourrait prendre ce dernier. C’est d’ailleurs sur ce second plan que le danger me semble le plus grand. L’acte pris par le maire pouvant faire l’objet de différents recours, les éléments sur lesquels il s’appuie doivent respecter certaines règles de publicité, notamment dans le cadre du contrôle de légalité. Si l’on ne précise pas le contenu exact des informations transmises, non seulement on expose la décision du maire à la contestation, mais on expose aussi le travailleur social, qui aura transmis ces éléments, à la critique. Si le législateur n’apporte pas cette précision, il prend un risque énorme.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin, précédemment annoncé, sur l’amendement no 702.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisie d’un amendement no 174.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Le projet de loi prévoit que la nomination du coordonnateur doit intervenir dans tous les cas où plusieurs professionnels interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille. Après avoir entendu des représentants de l’Association des maires de France et des travailleurs sociaux, nous avons considéré que le caractère systématique de cette nomination était discutable. Nous avons donc préféré assouplir le dispositif, en laissant le maire juge de la nécessité de nommer un coordonnateur si l’efficacité et la continuité de l’action sociale le rendaient nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. La position du groupe socialiste sur l’article 5 est connue. Nous estimons néanmoins que cet amendement contribue à clarifier le texte et qu’il va dans le bon sens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement no 174.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 92.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. L’alinéa 3 de l’article 5 prévoit qu’un coordonnateur est nommé par le maire parmi les professionnels intervenant auprès d’une même personne ou d’une même famille, après accord de l’autorité dont relève le professionnel désigné et consultation du président du conseil général. Il ne me paraît pas opportun d’avoir à attendre systématiquement l’accord du président du conseil général au sujet d’une décision qui relève de l’organisation pratique sur le terrain : compte tenu du grand nombre de cas qui risquent d’être concernés par cette disposition, cela risque de complexifier, donc de ralentir le processus et de provoquer des embouteillages. C’est pourquoi, dans un souci de souplesse et d’efficacité, je propose que le maire ait simplement à informer le président du conseil général, sans devoir forcément recourir à une demande d’accord préalable.

Il s’agit d’aller vite et le problème tient plutôt à l’organisation du territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Tout en comprenant la pertinence des observations de M. Cardo et sa louable intention d’éviter une perte de temps, la commission des lois a repoussé son amendement pour une raison essentiellement technique. Il est normal que l’on demande à l’autorité hiérarchique dont dépend l’intéressé son accord sur la désignation d’un travailleur social comme coordonnateur : dans la mesure où cette fonction est susceptible d’entraîner une importante charge de travail, l’autorité interrogée pourrait ne pas donner son accord. L’informer ne suffit pas. C’est la raison pour laquelle nous avons repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je comprends bien, moi aussi, les motifs de cet amendement, mais les communes n’employant que 4 % de tous les travailleurs sociaux, le maire sera souvent amené à désigner un travailleur social dépendant, non pas de la commune, mais du département ou de la caisse d’allocations familiales. Si l’on veut que le système fonctionne bien, il semble difficilement concevable que l’autorité hiérarchique de la personne désignée n’ait pas son mot à dire sur cette désignation.

À mon sens, il vaut mieux miser sur le fait que les communes et les services sociaux du département travailleront en bonne intelligence. De toute façon, en cas de désaccord, cet amendement ne résoudra rien : l’autorité hiérarchique dont dépend le travailleur social refusera qu’il assume la fonction.

Je vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur Cardo, car, contrairement à ce que vous espérez, celui-ci n’aura pas pour effet de mettre de l’huile dans les rouages.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Pour ce qui est de votre texte, il risque plutôt de mettre de l’huile sur le feu chez les travailleurs sociaux, monsieur le ministre ! (Sourires.) Ne jouez pas les pompiers pyromanes ! Ceux qui, parmi nous, exercent les fonctions de maire savent qu’à défaut d’une coordination volontaire et la plus harmonieuse possible entre le maire et les travailleurs sociaux du département, il n’y aura pas d’efficacité, ce dont les familles feront les frais. Vous démontrez, une fois de plus, que votre texte comporte des risques.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. J’ai quelque difficulté à comprendre l’argumentation de M. le rapporteur. Comment une autorité peut-elle charger d’une fonction un agent dépendant d’une autre autorité sans que cette dernière l’y autorise ?

Mme Patricia Adam. C’est impossible !

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est bien ce que je dis !

M. Michel Vaxès. Pas du tout ! Vous avez indiqué être d’accord sur le fond, votre refus n’étant motivé que pour des raisons « techniques ». En réalité, c’est tout simplement une question de légalité : il est impossible qu’un agent soit désigné par une autorité autre que la sienne sans que cette dernière le permette.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Nous sommes d’accord !

M. Michel Vaxès. Je vous remercie de cette précision.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. M. le rapporteur et M. le ministre ont raison. Permettre au maire de nommer un coordonnateur, quel que soit l’employeur de celui-ci, serait inapplicable. Je me félicite que l’on entende enfin la voix de la raison – dont l’absence a été à l’origine de nombreuses incompréhensions parmi nous jusqu’à présent – et que l’on s’en tienne à un dispositif à la fois réaliste et cohérent.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Après avoir écouté les uns et les autres, notamment M. le président de la commission des lois et M. le ministre, je retire l’amendement. Toutefois, si les termes employés par M. Houillon peuvent laisser penser que le président du conseil général est toujours l’employeur de la personne désignée comme coordonnateur,…

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’ai parlé de l’« autorité » hiérarchique !

M. Pierre Cardo. ...je rappelle que le texte prévoit de solliciter l’accord de l’autorité hiérarchique, d’une part, et du président du conseil général, d’autre part. Cela fait beaucoup !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. C’est souvent la même personne !

M. Pierre Cardo. Les conseils généraux se sont dotés d’une infrastructure lourde, comportant des hiérarchies intermédiaires. Ce sont elles, et non pas le président du conseil général, qui donneront leur avis. Or, chacun sait ce que sont leurs relations avec les agents sur le terrain. C’est pourquoi il me paraissait préférable de raccourcir un peu la procédure. Mais, me rangeant à l’avis du président de la commission, du ministre et de mes collègues, je retire l’amendement, et je vous souhaite bien du plaisir pour la mise en œuvre de la disposition.

M. Jean-Pierre Blazy. Sur ce point, M. Cardo n’a pas tort !

Mme la présidente. L’amendement no 92 est retiré.

Je suis saisie d’un amendement no 134.

La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le soutenir.

M. Jacques-Alain Bénisti. Cet amendement vise à rendre la décision du maire non opposable en la faisant valider par le conseil municipal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées au sujet de l’amendement précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement no 134 est retiré.

Je suis saisie d’un amendement no 391.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Par cohérence avec l’amendement que nous avons soutenu précédemment, l’amendement no 391 vise à substituer, à l’alinéa 4 de l’article 5, aux mots « le maire », les mots « le président du centre communal d’action sociale », afin de limiter le bénéfice du dispositif de cet article aux maires qui ont décidé d’avoir une action sociale clairement définie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que celles précédemment exprimées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo, étant précisé qu’en tout état de cause cet amendement tombe.

M. Pierre Cardo. Je voulais simplement dire qu’il serait dommage de limiter la compétence de désignation du coordonnateur au président du CCAS, ladite compétence appartenant également à celui qui s’occupe des cellules de veille ou de la réussite éducative.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 103 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Cet amendement adopté par la commission des affaires sociales vise à indiquer clairement que tous les professionnels de l’action sociale, et non pas seulement celles soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion, doivent participer au partage des informations à caractère secret.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je remercie le président Dubernard de cet amendement, qui améliore nettement le texte du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission saisie au fond ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 103 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 392.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement no 392 vise à compléter l’alinéa 6 de l’article 5 par les deux phrases suivantes : « Les données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents visés à l’article L. 116-3. La diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. »

Si l’on veut mettre en place un dispositif offrant toutes les garanties de protection du secret professionnel, indispensable pour le respect de la vie privée des familles, il faut installer un verrou solide, ce que ne semble pas faire le projet de loi.

Notre amendement a pour objet de garantir le secret professionnel en précisant l’usage des données nominatives auxquelles les professionnels sont susceptibles d’avoir accès. À défaut de garantir le secret professionnel, on ne donnera pas confiance, la coordination de l’action sociale fonctionnera mal et la loi ne jouera pas le rôle recherché.

Mme la présidente. J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de l’amendement no 392, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement 392 ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois n’a pas examiné cet amendement. Je n’ai pas entendu M. Blazy dire que le groupe socialiste voulait créer un fichier des familles en difficulté.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne l’ai pas dit, en effet !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Alors, le mieux serait de retirer votre amendement, monsieur Blazy, car vous y faites allusion aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal, qui s’appliquent aux atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques. Or, en l’occurrence, il n’y a pas de fichier. J’imagine que vous voulez probablement viser les dispositions de l’article 226-13 du code pénal sur le secret professionnel. Je me permets à cet égard de vous renvoyer à l’alinéa 7 de l’article 5, qui précise que « les informations ainsi transmises ne peuvent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal ».

Monsieur Blazy, ou bien vous souhaitez créer un fichier des familles en difficulté et vous maintenez votre amendement, ou bien vous ne voulez pas créer un tel fichier et cet amendement est juridiquement et radicalement inadapté. Par ailleurs, votre exigence de sanction en cas de non-respect du secret professionnel, au sens large, est satisfaite par la phrase du projet de loi que je viens de rappeler.

Madame la présidente, vous l’aurez compris, je suis défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. J’ajouterai un élément à l’excellent argumentaire de M. Houillon.

L’amendement no 392 prévoit de compléter l’alinéa 6 de l’article 5 notamment par la phrase suivante : « Les données nominatives ne peuvent être consultées que par les agents visés à l’article L. 116-3. » Or cet article concerne les dispositions relatives au plan canicule. On va donc ajouter à la confusion. Comme l’a suggéré M. Houillon, mieux vaudrait en effet retirer cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je partage totalement l’avis des deux rapporteurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Virtuellement, les réponses des deux rapporteurs pourraient se comprendre. Sauf que, et même s’il n’y a pas de fichier au sens strict du terme, le présent texte vise, sans le dire, à constituer un véritable fichier des personnes en difficulté.

M. Pierre Cardo. Mais non !

M. Philippe Houillon, rapporteur. M. Mamère ne manque pas d’air ! Après les équivalents-mariages, voici les équivalents-fichiers !

M. Noël Mamère. D’ailleurs, lorsque nous examinerons l’article 6, relatif au conseil pour les droits et devoirs des familles, nous constaterons que toute l’économie du projet consiste, non pas à ficher littéralement les familles, mais à les contrôler et donc à détenir un certain nombre d’informations confidentielles et personnelles. Or tout cela contrevient à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, comme vous l’a fait observer la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Si l’on s’en tient strictement à l’article 5, je peux comprendre les arguments des deux rapporteurs. Mais nous examinons un texte qui prévoit la nomination d’un coordonnateur de l’ensemble des informations transmises concernant la prévention de la délinquance des jeunes.

L’article 9 prévoit la création d’un fichier à destination du coordonnateur. Il s’agit, aux termes du texte, d’améliorer le suivi de l’obligation d’assiduité scolaire. Et il est précisé qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, déterminera les conditions d’application des mesures en question. Or, on ne peut nier qu’il existe un lien entre les professionnels de l’action médico-sociale et sociale qui interviennent auprès d’une famille, et le coordonnateur qui sera détenteur d’un certain nombre d’informations, dont celles provenant de l’éducation nationale. Donc il y aura bel et bien un fichier.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Madame Adam, l’amendement no 392 porte sur l’article 5 !

Mme Patricia Adam. Soyez cohérents !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Vous réclamez de la cohérence. Eh bien, je partage votre souci et je suis conforté dans l’idée qu’il faut repousser l’amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je rappelle qu’il est prévu de demander l’avis du président du conseil général et de l’autorité hiérarchique du coordonnateur avant de désigner ce dernier, qui est, en tout état de cause, un travailleur social soumis au secret professionnel. Apparemment, ces précautions ne suffisent pas à nos collègues, qui se méfient non seulement du texte, mais également du travailleur social lui-même, qui pourrait dispenser des informations qu’il n’aurait pas à communiquer à quelqu’un qui n’aurait pas le droit d’en disposer.

Quant au fichier, dont nous reparlerons à propos de l’absentéisme scolaire, il n’en est pas prévu s’agissant de l’action sociale. Bref, nous débattons d’une question qui ne se pose pas, sauf à remettre en cause la mission même, et le secret professionnel, du travailleur social qui joue le rôle de coordonnateur. Pour quelles raisons irait-il divulguer certaines informations ? Cette discussion est ésotérique !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Mme Adam a montré comment le fichier allait se mettre en place. Le ministère de l’éducation nationale est en train d’instaurer un nouveau fichier, extrêmement complet, qui comportera des informations sur le parcours des enfants, sur leurs familles. On nous a déjà fait le coup du progrès avec le fichier STIC ! Ce matin, à Élancourt, le ministre de l’intérieur a évoqué son grand plan de sécurité, qui passe par le développement de la vidéosurveillance et des fichiers biométriques ou informatiques. Que l’on croise ces fichiers entre eux, et il ne restera plus beaucoup d’espace de liberté !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je suis saisi d’étonnement, pour ne pas dire de stupéfaction, devant tant de confusion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Patricia Adam. C’est votre texte qui est confus !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Vous faites des procès d’intention au texte. Je pourrais croire que vous ne l’avez pas lu tant vos interventions sont éloignées de ce qu’il contient véritablement.

L’article 9 – mais je rappelle que nous en sommes à l’article 5 – porte en effet sur l’absentéisme scolaire. Il prévoit que le maire, dont c’est la charge depuis longtemps de lutter contre l’absentéisme scolaire, recevra les informations nécessaires en la matière. Effectivement, on établira la liste des enfants qui s’absentent régulièrement de l’école. Comment pourrait-on agir en faveur de ces enfants sans les connaître ? De là à parler de fichiers nationaux et de vidéosurveillance, il y a un pas que vous auriez dû ne pas franchir.

M. Noël Mamère. La politique n’est pas un saucisson qu’on coupe en tranches !

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Monsieur Cardo, et ce point est très important, tous les professionnels de l’action sociale ne sont pas tenus au secret professionnel. Ils le sont uniquement s’ils exercent un mandat de protection de l’enfance. Seules les assistantes sociales sont tenues au secret professionnel. Or le coordonnateur pourra être aussi un éducateur, ou un conseiller en économie sociale et familiale. D’autres métiers pourront même être concernés. Il faut attendre les décrets pour le savoir.

Notre amendement est donc essentiel. Si le problème porte uniquement sur le fichier, acceptez de le reprendre à l’article 9 !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, je ne peux pas laisser passer vos propos. Vous vous dites stupéfait devant tant de confusion : mais c’est le texte du Gouvernement qui est confus !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La rédaction et les intentions sont confuses !

M. Jean-Pierre Blazy. La confusion est dans le principe même de ce texte, qui prétend renforcer la prévention de la délinquance, mais qui brouille les rôles et les différents niveaux de compétence. S’agissant de l’action sociale, c’est le cas par exemple entre le maire et les travailleurs sociaux, ou entre le maire et le président du conseil général.

Juste avant l’alternance – mais vous n’en avez pas tenu compte –, nous avions mis en place des cellules de veille éducative. Celles-ci n’avaient pas pour objectif de faire travailler ensemble, de façon autoritaire et dans la confusion, les travailleurs sociaux. Oui, les travailleurs sociaux doivent travailler ensemble, mais pas n’importe comment ! Nous avions ainsi considéré qu’il fallait prévoir un poste de coordonnateur à partir d’un financement de la politique de la ville et dans le cadre d’une déontologie. Il n’y avait aucune contrainte.

Monsieur le ministre, ne parlez donc pas de confusion en nous regardant, alors précisément que nous essayons – en vain, je le crains – de limiter la confusion que vous allez instaurer avec ce texte, qui sera par ailleurs inefficace et sans doute même dangereux.

Notre amendement vise à apporter des garanties et à nous prémunir contre la confusion et le risque. Et, comme l’a dit Mme Adam, vous créez bel et bien un fichier à l’article 9. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu’il fallait établir une liste et qu’il reviendrait au maire de le faire. Mais, et c’est le droit commun, c’est à l’éducation nationale qu’il appartient d’abord, et depuis longtemps – de nombreuses instructions ont été données en ce sens –, de signaler l’absentéisme scolaire. Si cela avait été fait, nous ne connaîtrions pas, dans certains quartiers, ces situations de décrochage scolaire très préoccupantes et dont les maires se soucient, bien sûr, mais en respectant les compétences de chacun. Vous, vous préférez entretenir la confusion.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Ce n’est pas parce qu’on dressera la liste des enfants souvent absents à l’école que, pour autant, on établira un fichier nominatif qui comportera de nombreux renseignements. Je rappelle que des contrôles sont effectués sur les fichiers.

Mme Patricia Adam. Heureusement !

M. Pierre Cardo. C’est la loi et, a priori, elle est respectée. Du reste, ceux qui ne la respectent pas sont condamnés.

L’alinéa 6 de l’article 5 prévoit, je le rappelle, que les personnes soumises au secret professionnel ou à une obligation de réserve ou de discrétion et qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret, que le coordinateur a connaissance des informations ainsi transmises et que le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale.

Il me semble que ces précautions soient suffisantes pour éviter que l’on n’ait connaissance de renseignements qui ne sont pas nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous n’avons pas à nous plaindre, bien au contraire, du système des cellules de veille éducative, qui jouent un rôle très important, dans le respect des responsabilités de chacun, et M. Cardo ne me démentira pas sur l’utilité et l’efficacité de ces cellules, qui nous permettent en effet, comme l’a si bien souligné M. Blazy tout à l’heure, d’éviter le décrochage de certains élèves.

J’ai évoqué il y a quelques instants le changement de fichier à l’éducation nationale. Jusqu’à nouvel ordre, il s’agissait d’applications informatiques de gestion des établissements. Cela va être remplacé par un système unique, plus moderne, sous la technologie web, qui s’appelle Base-Élèves.

Toutes les données, familiales, sociales, scolaires, l’origine géographique des élèves seront transférées par les directeurs d’école à l’inspecteur de l’éducation nationale, à l’inspection académique puis au rectorat, pour terminer, via Internet, dans un fichier national partiellement accessible aux maires. Et à qui d’autre ?

Il n’est pas exagéré de penser que la tentation serait grande pour certains de tirer profit d’un tel fichier centralisé, pour recenser par exemple les populations étrangères, permettre une meilleure traque des sans-papiers dans les écoles, ce qui pourrait entraîner une déscolarisation de certains élèves. J’ajoute que ce fichier centralisé gardera des traces de tout. Or est-il utile de savoir ad vitam æternam que tel ou tel élève a été suivi par un « psy » dans sa jeunesse ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Henriette Martinez. Ce ne sera pas marqué !

M. Noël Mamère. Vous pouvez lever les bras au ciel, monsieur le président de la commission des lois, mais c’est une réalité. Un fichier web est en train de se mettre en place à l’éducation nationale, et il est centralisé. Ce n’est pas au juriste que vous êtes que je vais apprendre les dangers qu’il y a à constituer des fichiers centraux.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Rien à voir avec le texte que nous discutons !

M. Noël Mamère. Vous êtes président de la commission des lois, et vous savez très bien que la CNIL a émis un certain nombre d’avis critiques sur certaines dispositions de ce projet de loi. Cela ne vous a pas empêché d’enfumer la CNIL (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), comme dirait M. Marsaud, c’est-à-dire de ne pas tenir compte de ses avis.

M. Philippe Houillon, rapporteur. On ne peut pas laisser dire ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je comprends parfaitement, monsieur Mamère, qu’un tel fichier national vous inquiète, mais vous ne pouvez pas prétendre que c’est grâce à lui que les maires pourraient, le cas échéant, recenser les élèves étrangers ou en situation irrégulière parce que, de fait, aujourd’hui, en tant que maire, vous connaissez ces éléments. Je sais exactement combien il y a dans ma commune de personnes en situation irrégulière, de personnes étrangères, de personnes qui gagnent de tant à tant…

M. Noël Mamère. Moi, je ne le sais pas !

M. Jean-Christophe Lagarde. Bien sûr que si puisque c’est vous qui faites les inscriptions scolaires. Vous demandez alors un certain nombre d’éléments. Vous n’avez donc pas besoin d’un fichier national.

M. Noël Mamère. Je ne compte pas !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il vous suffit de le faire si vous en avez envie. En tout cas, vous avez la base de données devant vous.

Par ailleurs, vous avez indiqué dans votre intervention que ce fichier ne serait que partiellement consultable par les maires. Faire porter ce soupçon permanent sur les maires alors qu’ils ont déjà les éléments en question dans les services des écoles, et de la même façon pour le handicap puisqu’ils s’occupent du transport des enfants, c’est tout de même un peu exagéré.

M. Noël Mamère. Monsieur Lagarde…

Mme la présidente. Monsieur Mamère, je crois que l’Assemblée est suffisamment informée.

M. Noël Mamère. C’est un vrai débat !

Mme la présidente. Oui, mais nous l’aurons encore à d’autres moments, d’après ce que j’ai compris.

M. Noël Mamère. Mon collègue a fait une erreur d’interprétation !

Mme la présidente. Je vous donne la parole, mais soyez bref.

M. Noël Mamère. Il ne s’agit pas du tout pour moi d’attaquer les maires. Je dis simplement que la centralisation d’un fichier a un caractère dangereux pour les libertés et que c’est toujours une menace.

Vous savez très bien qu’il n’y a pas aujourd’hui de fichier central qui rassemble toutes les informations que l’on prévoit d’inscrire dans le fichier qui est en train d’être constitué. Il gardera toujours trace de tout, comme le fait le fichier STIC. Ce n’est tout de même pas à vous que je vais apprendre qu’un certain nombre de gens n’ont pas pu trouver de travail parce qu’ils avaient été témoins d’un accident de la circulation et qu’ils figuraient sur le fichier STIC.

Arrêtez donc de nous expliquer que les fichiers, ce serait comme des tranches de saucisson et qu’il n’y aurait aucune possibilité de les relier. Ce fichier de l’éducation, centralisé, qui gardera trace de tout, peut permettre un certain nombre de dérives, et le rôle des députés que nous sommes, c’est de construire l’État de droit et de le protéger.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien, mais ça n’a rien à voir avec le maire !

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement no 392.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

M. Noël Mamère. Madame la présidente, je n’ai pas eu le temps d’appuyer sur le bouton.

Mme la présidente. Ce sera rectifié.

Je suis saisie d’un amendement no 703.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. C’est un amendement que nous avons déjà présenté à plusieurs reprises et qui prévoit la nécessité d’informer les personnes de la transmission d’informations les concernant. Mme Boutin avait déposé un amendement identique. Il est dommage qu’elle ne soit pas là pour le défendre avec nous.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. La commission n’a pas examiné cet amendement mais elle en a rejeté un identique déposé par Mme Boutin, pour une question de rédaction.

J’ai déposé un amendement no 498 sur le même objet. L’information préalable des familles faisant l’objet d’un partage d’informations des travailleurs sociaux est normale, mais le texte que vous présentez, madame Adam, mériterait d’être nuancé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Cet amendement pose une vraie question, mais il n’est nul besoin d’adopter un tel amendement pour que les travailleurs sociaux, s’ils le jugent utile et dans le cadre de la déontologie de leur profession, décident d’informer une famille ou un individu du fait qu’ils vont entrer dans une coordination. Ce n’est pas défendu.

Faisons confiance aux travailleurs sociaux et laissons-leur la responsabilité qui est la leur, dans le cadre de l’application de leurs règles déontologiques, de décider en fonction des situations s’il y a avantage pour les personnes ou au contraire inconvénient à les informer préalablement de cette coordination qui se mettra en œuvre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission saisie au fond ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Faisant confiance à la bonne volonté des travailleurs sociaux, qu’aucun d’entre nous ne conteste, vous considérez que, s’ils le veulent, ils peuvent informer une famille ou un individu. Vous vous exprimez avec des « si ». À l’exclusion des aspects judiciaires, la loi doit poser le principe que toute personne ou tout parent concerné par la démarche « doit » être informé. C’est le minimum.

Vous ne pouvez pas concevoir qu’une intervention des travailleurs sociaux se fasse à couvert, de façon dissimulée, à côté de celui que cela concerne. C’est un droit fondamental. Il me semble totalement inopérant d’essayer de faire converger des forces entre les mains d’un coordinateur, si c’est dans l’ignorance de celui pour lequel on essaie d’agir. Ce serait une aberration. Et ce que nous disons ne porte en rien préjudice ni à la pertinence des données mises en commun qui seront coordonnées ni à l’efficacité des dispositifs mis en place.

Une telle réticence n’est pas compréhensible, à moins d’introduire une dimension de contrainte que refusent tous les travailleurs sociaux et à laquelle, je pense, personne n’est favorable.

L’information, c’est l’élément qui fonde et qui légitime d’une certaine manière l’intervention du travailleur social. C’est pour cela, monsieur le ministre, que votre intervention était très révélatrice.

C’est la loi qui doit rappeler cet impératif nécessaire. Ce n’est pas suspicieux à l’égard des travailleurs sociaux, mais c’est légitime par rapport aux droits des citoyens que nous sommes aussi chargés de faire respecter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 703.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 175.

Cet amendement fait l’objet de deux sous-amendements, nos 724 et 727.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 175.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement réécrit le septième alinéa de l’article 5.

Il prévoit la situation, sans doute rare mais pas impossible, où un seul travailleur social interviendrait auprès d’une personne ou d’une famille, afin qu’il puisse aussi transmettre des informations. Il permet au maire de déléguer ses pouvoirs dans ce domaine à l’un de ses adjoints, et il précise le champ des informations transmises.

Nous n’avons pas repris la phrase concernant le secret professionnel car c’est juridiquement inutile. L’article 226-13 du code pénal prévoit en effet que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le maire est évidemment destinataire de ces informations en raison de sa fonction. Sa situation est donc déjà prévue et couverte par les dispositions pénales que je viens de rappeler et il n’était pas strictement nécessaire de les réécrire une fois de plus.

Cela dit, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que les choses soient claires et qu’il n’y ait pas de sous-entendu, je suis très favorable au sous-amendement du président de la commission des affaires culturelles, qui prévoit, avec sa sagacité habituelle, de rétablir la référence à l’article 226-13 du code pénal.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 175 et présenter le sous-amendement no 724.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement est naturellement tout à fait d’accord avec l’amendement présenté par M. Houillon au nom de la commission des lois. Il clarifie la rédaction du texte issu du Sénat et situe bien les responsabilités de chacun. Il présente aussi l’avantage d’apporter plus de souplesse en permettant notamment, comme le prévoyait le projet initial, que le maire puisse désigner un de ses représentants élus pour assumer la fonction de désignation du coordinateur.

Toutefois, le Gouvernement a présenté un sous-amendement visant à préciser que le représentant désigné par le maire ne doit pas être son adjoint aux finances, à l’urbanisme ou aux travaux publics, mais, bien sûr, le titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale.

Enfin, le Gouvernement a donné un avis favorable au sous-amendement n° 727 de M. Dubernard.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, pour soutenir le sous-amendement n° 727.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je n’ai rien à ajouter à ce qui a été dit, madame la présidente : il est évident qu’on ne peut divulguer à des tiers ce type d’information. Je suis très heureux que la commission des lois apprécie la collaboration de la commission des affaires sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je me réjouis de votre satisfaction, monsieur Dubernard, mais je constate que vous êtes en train, rapporteur et rapporteur pour avis, de réécrire le projet de loi.

M. Pierre Cardo. C’est le rôle du Parlement !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est dire à quel point ce texte, pourtant examiné par le Sénat, nous parvient dans un état de confusion et de mauvaise rédaction.

M. Pierre Cardo. Incroyable !

M. Jean-Pierre Blazy. Je me réjouis que la mention des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal ait été réintroduite. Si M. Dubernard comme M. Houillon ont éprouvé le besoin de le faire, c’est bien que nos soupçons sont fondés et que l’inquiétude des travailleurs sociaux est forte. Vous voulez vous prémunir ainsi contre les risques inhérents à un dispositif quelque peu bancal et dangereux.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je ne comprends pas très bien la signification de la précision apportée par le sous-amendement n° 724. Pourquoi le représentant du maire doit-il être « titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale » ? Cela restreint terriblement le champ d’application de la disposition. En outre, le domaine de l’action sociale reste encore à déterminer dans son ampleur. Je ne vois pas ce qu’une telle précision apporte, sauf des complications.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est ce que nous ne cessons de dire !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sous-amendement est source de confusion. Les maires adjoints ont des délégations de droit commun, prescrites par la loi ; ils sont par ailleurs officiers de police judiciaire au titre des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale.

Très peu nombreux sont les actes du maire qu’un adjoint ne peut accomplir. Ils sont déterminés par la loi. L’adjoint ne peut, par exemple, décider d’une l’hospitalisation d’office – le maire devra désigner le maire adjoint qui interviendra dans ce cadre. Il est exact qu’un maire adjoint doit être désigné pour l’action sociale, mais uniquement quand il exerce dans le cadre du CCAS.

La restriction introduite par le sous-amendement du Gouvernement me paraît totalement infondée, inutile et du même coup dangereuse. Aujourd’hui, selon les textes, un maire adjoint qui n’est pas titulaire d’une délégation dans le domaine de l’action sociale peut, en l’absence du maire, se substituer à lui. En apportant cette précision, vous placez cet enjeu dans le cadre exclusif du CCAS où, en effet, le maire adjoint doit être celui qui a reçu, dans le cadre de l’organisation du CCAS, la délégation du maire.

C’est totalement superfétatoire et cela montre dans quelle confusion on place l’intervention du maire. Le maire est officier de police judiciaire mais, comme ses maires adjoints, sous l’autorité exclusive du procureur de la République. Il est du même coup, – M. Houillon l’a d’ailleurs rappelé – tenu au secret professionnel dans le cadre de ce pouvoir. C’est ce que disent le code général des collectivités territoriales et le code de procédure pénale.

Cette précision n’a aucun intérêt et elle est même source de conflits. C’est la première fois que je vois apparaître une délégation spécifique impérativement dévolue à un maire adjoint, indépendamment des aspects institutionnels. C’est incompréhensible et cela ne peut que complexifier le dispositif qui est en train de se mettre en place.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement, s’estimant éclairé par les échanges qui ont eu lieu sur son sous-amendement, le retire en se réservant la possibilité, dans la suite du travail parlementaire, d’apporter les précisions nécessaires pour que cet élargissement des possibilités d’organiser la coordination, que prévoit l’amendement de M. Houillon, puisse se faire dans des conditions qui évitent de confier une délégation à un élu qui n’aurait pas, dans le domaine social, les compétences nécessaires.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 724 est retiré.

M. Jean-Pierre Blazy. La confusion gagne encore !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Lefranc.

M. Jean-Marc Lefranc. Je salue la sagesse de M. le ministre. Néanmoins, je m’interroge sur l’amendement n° 175, qui reprend les domaines de compétence de l’action sociale, alors qu’à l’alinéa 2 de l’article 5, nous avons adopté un amendement de la commission des affaires sociales tendant les supprimer. Cela n’est pas très cohérent...

Mme Patricia Adam. Je ne vous le fais pas dire !

M. Jean-Marc Lefranc. …et je me range donc à l’avis de M. Goasguen.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les propos du Gouvernement sont assez étonnants. Il ne revient pas à la loi de définir de quelle manière on doit déterminer les compétences de tel ou tel élu à assumer un mandat de maire adjoint. C’est inimaginable ! Même pour ceux qui ont des délégations détachées – je pense à l’hospitalisation d’office – on ne vérifie pas les compétences. Il est simplement fait obligation au maire de désigner le maire adjoint qui se substituera à lui dans le cadre d’une hospitalisation d’office.

Ce n’est absolument pas un problème de compétences. Les maires sont suffisamment attentifs aux conditions dans lesquelles ils exercent leur mandat pour s’assurer qu’en leur absence leurs collègues assumeront cette responsabilité. C’est un problème non de compétence, mais d’organisation de la collégialité du travail de la municipalité.

Au-delà de ce sous-amendement, il est un principe que nous devons respecter : la liberté pleine et entière du maire de déléguer les compétences que lui a conférées le suffrage universel.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Puis-je rappeler incidemment que l’amendement n° 391 du groupe socialiste prévoyait de substituer au maire le président du centre communal d’action sociale ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agissait précisément de rappeler – et vous le savez, monsieur Cardo, puisque vous êtes maire – que l’exercice des compétences du maire est une chose et que celui des compétences du président du CCAS en est une autre.

C’est si vrai que, dans l’exemple particulier que j’ai pris, lorsqu’un maire adjoint n’est pas délégué du président du CCAS pour l’ensemble des actes administratifs, il ne peut signer à la place du président du CCAS. Nous sommes d’accord, monsieur Cardo.

M. Pierre Cardo. Dans ce sens-là, oui.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La structure CCAS est détachée de la structure de la collectivité communale dans tous les domaines, qu’il s’agisse du budget ou du personnel.

En revanche, ce qui est certain, c’est que le maire peut déléguer ses compétences à n’importe lequel des maires adjoints, sauf si la loi le prohibe ou le limite, comme dans le cas des hospitalisations d’office, où l’on doit dénommer les personnes qui interviennent. Ce sont deux choses différentes.

Nous pensons que, pour agir dans le domaine de l’action sociale, il faut que le maire soit acteur de l’action sociale, et donc qu’il ait un CCAS.

M. Pierre Cardo. Vous avez oublié l’action éducative.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je ne me prononcerai pas sur le sous-amendement du Gouvernement, puisqu’il a été retiré.

En revanche, j’ai été sensible à l’observation de M. Lefranc qui nous a fait très justement observer que nous avions adopté un amendement de la commission des affaires sociales qui supprimait la mention « dans les domaines sanitaire, social et éducatif ». Je propose en conséquence de rectifier l’amendement n° 175 en y supprimant le même membre de phrase.

Mme la présidente. L’amendement n° 175 est donc ainsi rectifié.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 727.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 175 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 727.

(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous venons de vivre un extraordinaire moment de réécriture du texte, dans une grande confusion. Le Gouvernement a retiré un sous-amendement qu’il avait déposé – du moins peut-on l’imaginer – dans le but de clarifier l’amendement de la commission, et le rapporteur lui-même a rectifié son propre amendement. Les esprits ont besoin de repos, et en premier lieu ceux du Gouvernement et des commissions. Je demande donc, madame la présidente, une suspension de séance.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Si M. Blazy a besoin de se reposer, je ne ferai pas de commentaire.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous en avez besoin aussi !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Non, pour ce qui me concerne, ça va.

Je vous ferai observer, monsieur Blazy, que, si le Gouvernement, ayant déposé un sous-amendement, entend les arguments qui lui sont opposés et le retire,…

M. Jean-Marc Lefranc. On ne peut pas le lui reprocher.

M. Philippe Houillon, rapporteur. …et que, si le rapporteur entend un argument qui le convainc et rectifie une erreur matérielle, cela s’appelle le travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement n° 498.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je vous répéterai, madame Adam, ce que j’ai dit en commission à propos de l’opportunité d’informer préalablement les familles qu’elles font l’objet d’un partage d’information entre travailleurs sociaux, comme le propose l’amendement n° 704, dont vous êtes l’auteur avec Mme Boutin. Si je ne remets pas en cause le bien-fondé de cette obligation d’information, je voudrais, par l’amendement n° 498, nuancer votre proposition, en supprimant cette obligation dans les cas où cette information préalable risque de mettre en danger un membre de la famille – je pense notamment aux situations de violence familiale.

Hormis cette réserve, ma proposition est conforme à l’esprit de votre amendement : cette obligation d’information préalable vise à préserver les relations de confiance que les travailleurs sociaux ont su établir avec la famille. C’est pourquoi je vous propose de vous rallier à mon amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Les deux commissions travaillent habituellement de conserve. Mais, pour une fois, nous allons peut-être devoir nuancer cette entente.

L’amendement n° 498 est certes plus acceptable que le précédent, trop général, sauf qu’il est déjà satisfait puisque rien dans le texte n’interdit l’information des familles. Mais la difficulté essentielle de l’amendement réside dans le fait qu’on ne voit pas qui sera habilité à juger qu’une information risque de nuire à l’efficacité de l’action sociale. S’agissant de considérations d’ordre public, le respect de la règle ne doit pas être suspendu à un jugement préalable. C’est la raison pour laquelle, même s’il a, par rapport au précédent, l’avantage substantiel de prévoir une exception, je serais plutôt défavorable à l’amendement n° 498, dans l’attente de prendre connaissance de l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. J’ai eu tout à l’heure l’occasion de m’exprimer sur cette question, à propos de laquelle Gouvernement a longuement pesé le pour et le contre.

Monsieur Dubernard, dans son état actuel, le texte de l’article n’interdit pas l’information préalable des familles : il laisse simplement au travailleur social la liberté d’informer ou non la famille, et je pense que celui-ci usera de cette liberté exactement comme vous le souhaitez, c’est-à-dire avec discernement, en fonction de sa déontologie propre.

Dans ces conditions, je ne crois pas que le texte que vous proposez soit susceptible de régler le cas de conscience que le travailleur social devra résoudre. Nous devons faire confiance en ses capacités de faire face à des questions extrêmement difficiles. C’est la raison pour laquelle je préfère que le texte ne précise pas qu’il informe la famille, sauf dans le cas où cela pourrait nuire à l’efficacité de l’action sociale. Il faut, en toute confiance, le laisser juge de ce qu’il doit faire.

Je serais tenté, monsieur le président, de vous demander de retirer votre amendement sous le bénéfice de l’explication que je viens de vous proposer et que je verse à nos débats.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Permettez-moi, monsieur le ministre, d’exprimer ma surprise, car les textes relatifs à la protection de l’enfance comportent des dispositions similaires ou, à tout le moins, parallèles.

M’étant engagé envers plusieurs députés de la commission, je ne retire pas l’amendement n° 498 et réitère à Mme Adam ma proposition de s’y rallier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Je me réjouis de cette discussion, car depuis le début de l’examen de l’article 5 je propose régulièrement, bien qu’avec un libellé légèrement différent, des dispositions identiques, et on m’a opposé tous les arguments possibles pour refuser les amendements que Mme Boutin – qui n’est pas là – et moi-même avons proposés.

Je soutiendrai donc l’amendement n° 498 proposé par M. Dubernard et Mme Pecresse, qui précise que la réussite de l’accompagnement social et l’évolution de la famille concernée supposent le consentement de cette famille. En effet, sans le consentement et la confiance de celle-ci, l’action du travailleur social ne sera pas efficace. L’action d’autorité, quant à elle, relève du juge. Il existe déjà des règles de protection de l’enfance dans ce domaine. Je ne peux donc être que d’accord.

Vous ajoutez que la famille doit être informée de l’action engagée « sauf si cette information risque de nuire à l’efficacité de l’action sociale ou à la sécurité des personnes ». Je rappelle toutefois – car la répétition est un bon exercice pédagogique – que les textes relatifs à la protection de l’enfance prévoient également, dans un article que je ne saurais malheureusement citer de mémoire, qu’en cas de danger pour l’enfant il n’y a pas lieu de communiquer aux parents les informations dont on dispose.

Il n’est pas mauvais que ce texte sur la prévention de la délinquance le réaffirme, tant du point de vue de la sécurité des personnes, qui se rapproche de l’objet de la protection de l’enfance, que pour l’efficacité de l’action sociale. Je pense que le groupe socialiste votera cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Le groupe des députés communistes soutiendra lui aussi cet amendement, qui a le mérite de traduire l’esprit de celui de Mme Boutin et de Mme Adam, que nous avons défendu tout à l’heure. Pour éviter le risque d’un vote négatif, je ne présenterai pas de sous-amendement. L’amendement proposé par M. Dubernard souligne judicieusement – et on reconnaît là la sagesse du médecin – que les relations de confiance sont indispensables à l’action dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Je tiens, quant à moi, à soutenir la position M. le ministre en apportant un argument supplémentaire. Il arrive parfois, en effet, que les familles, lorsqu’elles se sentent suivies, optent pour la fuite et déménagent pour un autre département. Faute de fichier permettant de les retrouver, on perd leur trace et celle de l’enfant à protéger ou du mineur à sortir de la délinquance. L’information des familles peut aussi avoir pour effet la fuite du jeune délinquant, s’il est en âge de s’enfuir de sa famille. Je crains donc que trop d’information n’aille à l’encontre de l’objectif que nous poursuivons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement est très clair : tant qu’on se situe hors du champ judiciaire, le dispositif s’applique sans difficultés. Dans le cas, évoqué par Mme Martinez, où une famille déménage par refus de l’intervention du travailleur social, faisant ainsi apparaître des situations de danger pour les enfants, on entre dans un autre champ d’intervention : ce n’est plus le travailleur social qui intervient, mais une procédure d’assistance éducative, voire des décisions du juge pour enfant.

Le cadre de l’action sociale, c’est-à-dire de l’intervention du travailleur social, ne peut reposer que sur la confiance que la famille entretient avec le travailleur social. Dans de nombreux domaines, cette confiance a été menacée, et avec elle l’efficacité de l’intervention sociale.

Comme l’a dit Mme Adam, le groupe socialiste soutiendra donc l’amendement n° 498.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Au nom de la composante « verte » des non-inscrits, je soutiens cet amendement.

Je tiens aussi à souligner les contradictions que nous observons dans le débat que nous menons depuis quelques jours, tant de la part du Gouvernement que de celle des rapporteurs. En effet, plusieurs amendements proposés par Mme Adam sur le même thème ont été refusés.

Je soulignerai également, comme vient de le faire notre collègue Le Bouillonnec, que nous ne nous situons pas ici dans le champ judiciaire, mais dans celui de l’action sociale. Je tiens à rappeler, à cet égard, que la commission du barreau de l’Essonne, qui rassemble cinquante-cinq avocats spécialisés dans la justice des mineurs, a décidé de cesser pendant dix jours toute activité concernant ces derniers, pour protester contre ce projet. Ces avocats estiment en effet que ce projet démantèle la justice des mineurs et ouvre une brèche supplémentaire dans les principes affirmés par l’ordonnance de 1945, et qu’il limite le pouvoir du juge des enfants, qu’évoquait à l’instant notre collègue Le Bouillonnec. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette décision des avocats spécialisés dans la défense des mineurs et sur le recul manifeste du juge des enfants dans ce projet de loi qui, loin de favoriser la prévention de la délinquance, ne fait que réduire les pouvoirs de ceux qui sont chargés de combattre celle-ci.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 498.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. J’indique d’ores et déjà à l’Assemblée que, sur le vote de l'article 5, le groupe socialiste a demandé un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisie d’un amendement n° 104 deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 634.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement n° 104 deuxième rectification.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Je pense que M. le ministre ne sera pas insensible à la signification de cet amendement, qui vise à assurer la coordination avec le projet de loi sur la protection de l’enfance.

Si le coordinateur constate qu’il existe dans la famille suivie un mineur en danger ou risquant de l’être, il saisit le président du conseil général, au titre de sa compétence spécifique en matière de protection de l’enfance. Je sais, madame Adam, que vous êtes très départementaliste, et que cela vous ira droit au cœur.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 634.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Merci, monsieur le président Dubernard, de cet amendement de coordination. Si, à l’occasion du travail social accompli dans le cadre de coordination prévu par le texte de prévention de la délinquance, un problème de protection de l’enfance est détecté, il conviendra de se replacer immédiatement, pour éviter toute confusion, dans le cadre de la protection de l’enfance, dont la réforme sera soumise à votre examen dans les prochaines semaines.

Ainsi, comme la loi le prévoit déjà, le président du conseil général doit être saisi chaque fois que se pose un problème de protection de l’enfance.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien ! C’est déjà dans la loi !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement est donc très favorable à l’amendement n° 104 deuxième rectification, mais souhaite le compléter par le sous-amendement n° 634, qui précise que ce n’est pas seulement lorsque l’enfant est en danger qu’il faut saisir le président du conseil général, mais aussi en cas de menace de danger, ce qui couvre toutes les attributions du président du conseil général. Dès lors, ce sont les services de l’aide sociale à l’enfance qui interviennent, car eux seuls ont les moyens de faire face efficacement aux difficultés.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 104 deuxième rectification et sur le sous-amendement n° 634 ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Favorable aux deux.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. La commission des affaires culturelles est également favorable au sous-amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Les bras m’en tombent ! Vous faites preuve d’une méconnaissance totale des textes ! Dans les textes existants sur la protection de l’enfance – je précise bien qu’il ne s’agit pas du texte que vous vous apprêtez à présenter, monsieur le ministre –,…

M. Pierre Cardo. C’est la loi de 1991 !

Mme Patricia Adam. …il est déjà prévu que toute personne, qu’il s’agisse d’un voisin, d’un commerçant, ou même d’un passant, ayant connaissance d’un fait pouvant lui laisser supposer que l’enfant est en danger ou, comme vous l’avez rappelé, susceptible d’être en danger, a l’obligation d’informer le procureur ou le président du conseil général. Puisque la loi le prévoit déjà, il n’y a donc pas lieu de le préciser dans ce texte.

Il est étonnant qu’une telle proposition soit formulée à la fois par le ministre et par les deux présidents et rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous pourrons bientôt qualifier ce texte de « superfétatoire », car il rajoute des dispositions qui existent déjà. Comme l’a très justement observé Mme Adam, l’obligation de saisir le président du conseil général en présence d’un enfant en danger ou susceptible de l’être s’impose à tous, et plus encore à ceux qui sont acteurs de l’accompagnement des enfants dans tous les domaines de leur responsabilité – c’est en effet une circonstance aggravante de mise en cause de la responsabilité du professionnel que de ne pas avoir satisfait à cette obligation.

L’amendement n° 104 deuxième rectification ajoute au dispositif de prévention de la délinquance un principe inscrit depuis le début dans l’ensemble des dispositifs de protection de l’enfance, et qui procède d’ailleurs de l’article 375 du code civil. Il n’y a donc aucun intérêt à ajouter cette disposition, qui ne produit rien de plus dans le dispositif législatif, n’accentue aucune responsabilité, ne provoque aucune mise en œuvre supplémentaire et, en fait, n’ajoute rien.

Il est de plus en plus clair, au fil des articles que nous examinons, que ce projet de loi n’est qu’un ramassis de dispositions qui existent déjà et qui n’ont jamais posé de problème. Nous considérons donc que cet amendement n’a aucun sens.

M. Lilian Zanchi. Le problème, c’est l’application, pas le texte !

M. Pierre Cardo. Pas tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je souscris aux propos de M. Le Bouillonnec : on ne comprend pas ce que cet amendement vient faire ici. Il est d’autant plus étonnant de le voir apparaître sous la plume du président Dubernard et du Gouvernement que nous avons été remis à notre place à plusieurs reprises sur plusieurs amendements que nous proposions, au motif que les dispositions envisagées figuraient déjà dans la loi et que nous ne connaissions rien au droit.

Cet amendement n’a rien de technique : il est en fait très politique et traduit une volonté bien tardive de procéder à des aménagements sur un texte qu’une partie de votre majorité, très divisée sur ce sujet, trouvait trop dur et allant trop loin. Pour donner le change et donner le sentiment que vous n’êtes pas aussi durs que vous le paraissez, vous proposez ce type d’amendement. On atteint non les sommets, mais des profondeurs qui m’étonnent.

M. Jean-Pierre Blazy. Abyssales !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Monsieur le ministre, il est vrai que, pour avoir été vice-président de conseil général, je me rappelle de la réforme de l’enfance, il y a quelques années, et je constate que cette disposition était déjà dans la loi. N’importe quel acteur du social qui est informé d’une mise en danger potentiel d’un enfant doit immédiatement en alerter le président du conseil général.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est évident !

M. Pierre Cardo. Cela a été d’ailleurs très dur à mettre en œuvre parce que tout le monde n’avait pas obligatoirement cette conception : certains parlaient de délation à l’époque. On croit rêver ! Aujourd’hui, c’est tout de même passé dans les mœurs. Je comprends que vous ayez envie de renforcer le dispositif existant, mais la seule chose qui me paraisse importante, c’est que le maire, étant dorénavant censé, en amont, mettre en œuvre des actions de protection, soit informé de cette transmission. Mais ajouter que le coordonnateur doit informer sans délai le président du conseil général est redondant avec la législation existante – la loi de 1991.

Mme la présidente. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. La notion d’enfant en danger existe déjà dans la loi. Elle a été très explicitement reconnue par la loi Jacob relative à la protection de l’enfance, qui a créé l’Observatoire national de l’enfance en danger.

J’ajoute que cet observatoire, ainsi que l’ODAS – Observatoire national de l’action sociale décentralisée –, recensent chaque année non seulement les enfants maltraités mais aussi les enfants en danger. Ceux-ci sont donc véritablement pris en compte aujourd’hui. L’obligation légale de signaler les enfants maltraités concerne également les enfants en danger, et s’applique aux professionnels de l’enfance et à toute personne confrontée à une telle situation.

Il me semble donc que tout cela est déjà reconnu par la loi et que le repréciser aurait pour effet d’amoindrir la portée de la loi actuelle qui vise un principe très général : l’obligation de signaler tout enfant maltraité ou en danger.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Au contraire de certains, je crois indispensable de préciser les choses, car, avec ce projet de loi, nous créons une institution nouvelle, celle du coordonnateur désigné par le maire. Nous avons eu de nombreux débats au cours de cet après-midi et de cette soirée à propos de la compétence respective du maire et du président du conseil général. Il va de soi qu’avec ce texte, nous renforçons le rôle du maire. Il ne faudrait pas en tirer la conséquence qu’en matière de protection de l’enfance, les nouvelles attributions du maire remettent en cause la règle selon laquelle le président du conseil général est l’autorité responsable des services de l’aide sociale à l’enfance. Il est donc utile, pour que personne ne puisse en douter, d’inscrire dans le texte sur la prévention de la délinquance, à l’article qui fixe les compétences et l’organisation de la coordination, que, en matière de protection de l’enfance, s’il y a menace ou danger immédiat, le président du conseil général doit être saisi, ou même, dans le cas de danger grave et imminent, la justice.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, selon vous, c’est parce qu’on crée l’institution du coordonnateur qu’il faudrait préciser sa place dans les dispositifs généraux. Mais le fait de créer un dispositif nouveau ne déroge pas en soi aux règles générales. Vous avez d’ailleurs bien précisé qu’il était choisi parmi les professionnels. Il est donc astreint à l’ensemble de leurs obligations. Pourquoi voulez-vous, s’il fait partie de ces professionnels, qu’il faille préciser les responsabilités qui lui incombent et qui ont été rappelées sur tous les bancs de cet hémicycle ? C’est totalement superfétatoire.

Vous avez tort de croire, monsieur le ministre, qu’un principe est affirmé par la loi quand il est réitéré dans plusieurs dispositifs. Ce n’est pas vrai : un principe légal est créé lorsqu’il existe dans un texte auquel aucun autre ne déroge, et auquel on fait toujours référence. La solidité du dispositif législatif suppose que ce principe soit tellement fort dans l’intention du législateur que tout élément construit ultérieurement pour amender les textes, modifier, tenir compte de l’évolution des situations, s’appuie sur lui ou y fait référence, mais sans jamais le réitérer parce qu’il n’y a pas besoin de réitérer un principe qui est inscrit dans la loi.

Mme Henriette Martinez. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est pourquoi la technique que vous utilisez est mauvaise. Je répète que les observations qui viennent d’être faites sur tous les bancs me paraissent marquées au coin du bon sens.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 634.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 104 deuxième rectification.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’article 5, modifié par les amendements adoptés.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale a adopté.

M. Claude Goasguen. On progresse !

Après l’article 5
(amendement précédemment réservé)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 700, portant article additionnel après l’article 5.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir cet amendement.

Mme Patricia Adam. Cet amendement vise à supprimer le contrat de responsabilité parental inscrit aux articles 48 et 49 de la loi du 31 mars 2006. Nous reprenons dans l’exposé sommaire les arguments qui avaient été développés lors de l’examen de ce texte : ce contrat fait peser sur les seuls parents la responsabilité des difficultés qu’ils rencontrent alors que l’on sait pertinemment que, dans la quasi-totalité des cas, ce sont les conditions sociales de vie de ces familles qui sont en cause ; il transforme les allocations familiales en certificats, en primes de bonne conduite, et, loin de responsabiliser les familles, il les stigmatise.

Je précise également que beaucoup d’associations se sont prononcées ouvertement contre. C’est le cas de l’UNAF, l’Union nationale des associations familiales, qui est particulièrement inquiète, estime ce contrat dangereux et parle de dérives, d’autant que la décision de suspension des prestations, qui, aujourd’hui, appartient au seul juge pour enfants, va être transférée à une autorité administrative, ce qui est vraiment contradictoire avec le droit des familles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable, évidemment !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis. Même avis que la commission saisie au fond.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Pour conforter l’amendement qui vient d’être présenté par ma collègue Mme Patricia Adam, je souligne qu’il prouve, comme on le démontre depuis le début de cette discussion, qu’il ne faut jamais oublier de faire le lien entre ce projet de loi et les autres textes qui ont été votés – je pense notamment, pour ce qui est du maire et de son rôle, à la troisième loi du ministre de l’intérieur, celle sur l’immigration. Et nous voyons qu’il y a aussi un lien entre la loi sur l’égalité des chances et ce que nous examinons aujourd’hui puisque ce contrat de responsabilité parentale, contre lequel nous nous étions battus, comme de nombreuses associations familiales, est une dérive dangereuse : il substitue des autorités administratives au juge pour enfants, ouvrant donc la porte à l’arbitraire et à la stigmatisation à l’encontre de certaines familles qui, parce qu’elles sont en difficulté, sont supposées déjà délinquantes.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Je ne pense pas que ce dispositif ne serve à rien et qu’il n’aboutisse qu’à stigmatiser les familles. Par contre, je suis d’accord sur un point avec mes deux collègues : ce n’est pas à l’autorité administrative de prendre ce type de décision, qui relèvent effectivement du juge pour enfants.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 700.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article 6 (précédemment réservé)

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 6.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous devrions examiner ensemble les articles 6 et 7 puisqu’ils se complètent et traitent du même sujet : la création d’un conseil pour les droits et devoirs des familles, création qui sera obligatoire dans les villes de plus de 10 000 habitants. Sa composition sera déterminée par décret, et l’on peut déjà critiquer cet article pour son absence de précision, notamment sur le mode de fonctionnement interne de ce conseil. Le conseil pour les droits et devoirs des familles sera donc un véritable organisme de tutelle des familles. Or toute action à mener contre l’insécurité ne saurait légitimer des mesures de répression d’ordre moral.

D’autre part, on constatera ainsi un accroissement inutile de contrôles sur le plus grand nombre, ce qui ne fera certainement pas progresser la sécurité, mais aboutira à priver les individus des garanties qui leur sont dues au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’article 6 décrit les situations dans lesquelles le maire peut réunir le conseil pour les droits et devoirs des familles, mais sa rédaction est vague et laisse une grande place à l’arbitraire de l’élu. L’expression « droits et devoirs » est d’ailleurs significative, puisque ledit conseil est purement et simplement un organisme de contrôle des familles défavorisées.

De plus, comme je viens de l’indiquer, l’article 6 laisse une grande marge de manœuvre aux maires. On peut à cet égard s’interroger sur l’expression « défaut de surveillance » : quels en sont les fondements et le périmètre ? À quelles situations précises s’appliquera-t-elle ?

En tout état de cause, l’un des effets pervers de cette loi est d’inciter des fonctionnaires et des particuliers à la dénonciation de familles, puisque le maire réagira à la lumière d’informations portées à sa connaissance. Hormis les travailleurs sociaux, qui sont invités à partager toutes leurs informations, cette disposition de l’article 6 sous-entend également que tout citoyen résidant dans la commune sera le bienvenu pour informer le maire : cela contredit tout à fait l’obligation d’informer le procureur ou le président du conseil général – et en aucun cas le maire – qu’évoquaient nos collègues Patricia Adam et Jean-Yves Le Bouillonnec.

Outre le but officiellement poursuivi – la prévention de la délinquance –, cette implication légale des travailleurs sociaux participe d’un climat encouragé par un discours sécuritaire omniprésent : M. le ministre de l’intérieur vient encore d’en apporter la preuve ce matin lors de son déplacement à Élancourt, où il a inauguré un poste de surveillance, évoqué le développement des caméras de vidéosurveillance et indiqué qu’au nom de la modernité, il fallait renforcer les fichiers informatiques, biométriques et cryptologiques. Bref, nos libertés publiques et individuelles sont prises dans un maillage très dangereux.

Un tel discours sécuritaire peut se révéler particulièrement stigmatisant pour ceux qui sont dans une situation sociale précaire. Une fois encore, derrière les termes employés se profile l’ordre moral, et la subjectivité semble devoir guider les critères d’appréciation des situations individuelles. Ainsi, par exemple, on peut se demander ce que recouvre l’expression « stabilité familiale ». En tout état de cause, les dispositions contenues dans l’article 6 n’apparaissent ni souhaitables, ni proportionnées à l’objectif recherché.

Pour terminer, madame la présidente et chers collègues, je voudrais vous faire part de l’avis publié par la CNIL :

« L’accomplissement des missions dévolues au conseil des droits et devoirs des familles suppose que celui-ci puisse disposer d’informations individuelles sur les familles […]. Se trouve ainsi institué un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, sans qu’aucune garantie ne soit apportée ni sur l’origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et la nécessaire confidentialité de celles-ci.

« En outre, dans la mesure où des informations individuelles sensibles, relevant de l’intimité de la vie privée des familles, seraient ainsi recueillies, traitées et conservées, il appartient au législateur de définir précisément les garanties assurant le respect des droits et de la vie privée des personnes.

« Le projet de loi présenté en conseil des ministres n’a ajouté aucune garantie particulière au texte initial. »

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous demanderons la suppression des articles 6 et 7.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Avec les articles 6 et 7, nous en venons au conseil pour les droits et devoirs des familles et à l’accompagnement parental. Que l’on parle des droits et des devoirs des familles – comme de ceux des citoyens –, nous en sommes tout à fait d’accord. En tant que maires, nous n’avons d’ailleurs pas besoin d’une telle institution pour dialoguer avec nos concitoyens, voire, lorsque c’est nécessaire, les rappeler à l’ordre : nous le faisons depuis longtemps, et continuerons à le faire.

Le maire exerce donc son autorité morale, et l’on est d’autant plus fondé à s’interroger sur la nécessité de ce conseil que vous prétendez le rendre obligatoire dans les villes de plus de 10 000 habitants. Cela a fait réagir de nombreuses associations d’élus, à commencer par l’Association des maires de France, et j’ai appris que Nicolas Sarkozy avait accepté de mettre de l’eau dans son vin : un amendement, inspiré par l’AMF, propose ainsi de rendre le conseil facultatif. Sage disposition, puisque ce sera celle que nous voterons, mais, je le répète, les maires ont déjà une pratique en la matière.

La disposition est par ailleurs d’autant plus critiquable qu’elle est assortie d’une mesure d’accompagnement parental. Dans ce texte qui entretient la confusion, nous nous efforçons de clarifier les choses et d’apporter de la cohérence. Mme Adam est revenue sur le contrat de responsabilité parentale : celui-ci relève du président du conseil général, quand la mesure d’accompagnement parental, elle, relève du maire. Or, si l’on se reporte au décret d’application, on constate que le maire peut obtenir un contrat de responsabilité parentale en saisissant le président du conseil général. Mais faudra-t-il pour cela que le maire ait d’abord pris une mesure d’accompagnement parental ? Le terme de confusion n’est pas exagéré, tant il est difficile de saisir l’articulation entre ces dispositifs.

Au bout du compte, on comprend bien que votre objectif est de pouvoir contrôler et mettre sous tutelle les prestations sociales. Mais je le répète, monsieur le ministre : comment les deux dispositifs pourront-ils s’articuler ? Mettons-nous, ne serait-ce qu’un instant, à la place des familles concernées ! En tant que maire, il m’arrive de rappeler certains de mes administrés à leurs droits et à leurs devoirs, mais le faire dans le cadre d’une instance de conseil me paraît, compte tenu du risque de stigmatisation, inapproprié, sans parler des confusions possibles avec les prérogatives du président du conseil général.

Bref, monsieur le ministre, j’ai beaucoup de mal à comprendre la disposition proposée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Je souhaiterais intervenir plus particulièrement sur l’accompagnement parental et me référer pour ce faire au décret d’application relatif aux contrats de responsabilité parentale, publié le 1er septembre dernier.

À ma connaissance, aucun de ces contrats n’a encore été signé : ce dispositif, voté dans le cadre de la loi de cohésion sociale, n’a donc même pas eu le temps de se mettre en place que l’on en voit apparaître un nouveau, baptisé mesure d’accompagnement parental.

Le décret d’application du contrat de responsabilité parentale précise que celui-ci peut être proposé par le président du conseil général. Or l’accompagnement parental est proposé par le maire : peut-être faudrait-il donc coordonner les deux.

Par ailleurs, le décret stipule que « ce contrat peut également rappeler les mesures d’aide déjà mises en place par les autorités ayant saisi le président du conseil général, notamment par le responsable du dispositif de réussite éducative ou par d’autres autorités concourant à l’accompagnement de la famille et dont le président du conseil général veille à la coordination avec les mesures prévues par le contrat de responsabilité parentale ».

Pour le contrat de responsabilité parentale comme pour la mesure d’accompagnement, il est donc question d’accompagnement des familles et d’aide à la parentalité. On pourrait d’ailleurs s’interroger à ce sujet sur l’utilité des REAAP – réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents –, dont les fonds n’ont pas été augmentés depuis des années : mieux vaudrait alimenter les dispositifs existants, plutôt que d’en créer de nouveaux, alors même que ceux déjà votés ne sont pas encore appliqués !

Je ne vois pas comment les maires, les travailleurs sociaux et le président de conseil général vont s’y retrouver. Réussite éducative, accompagnement parental, responsabilité parentale, médiation familiale, ou encore action éducative en milieu ouvert – administrative ou judiciaire – : la liste est longue. Ce qui est sûr, c’est que l’on sera très bien encadré !

M. Pierre Cardo. Accompagné, plutôt !

Mme Patricia Adam. Bref, tout cela est complètement incohérent et l’on a l’impression que M. Sarkozy a voulu démanteler la loi de M. Borloo. Sinon, quelle est l’utilité de cette nouvelle disposition ? Elle est inapplicable et restera inappliquée.

Laissons plutôt aux dispositifs existants le temps de s’appliquer, évaluons leur pertinence, attendons que professionnels et élus locaux se les approprient, les expérimentent, les valident et les fassent évoluer si nécessaire : nous verrons ensuite s’il manque des outils. En tout état de cause, ceux-ci sont nombreux. Par ailleurs, rien n’est prévu, dans le texte, pour le financement des dispositifs – sur ce point, j’attends de voir !

Mme la présidente. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Je m’étonne de cet article qui, dans sa philosophie, prétend reposer sur l’éducation et l’action sociale. En fait, quand on le lit en détail, on découvre qu’il n’est question que des pouvoirs de police du maire et du rétablissement de l’ordre, de la sécurité et de la tranquillité publique – par exemple dans les alinéas 8 et 11. On substitue donc l’ordre à l’éducation, à l’action sociale et à l’accompagnement des familles. C’est là le danger de cet article, qui, comme notre collègue vient de le rappeler, sème une grande confusion entre l’accompagnement parental et le contrat de responsabilité parentale.

Je vous invite, mes chers collègues, puisque il est cité dans l’alinéa 11, à vous référer à l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles. Il y est dit qu’en cas d’absentéisme scolaire, lorsqu’il y a des troubles portés au fonctionnement de l’établissement ou toute autre difficulté liée à la carence de l’autorité parentale, c’est le président du conseil général qui, sur saisine du maire de la commune de résidence du mineur, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale ou toute autre mesure d’action sociale adaptée à la situation.

C’est aujourd’hui un dispositif précis, contrairement aux dispositions de l’article 6 sur le conseil pour les droits et devoirs des familles, qui introduisent une véritable confusion entre le rôle du président du conseil général et celui du maire, entre l’éducation et la répression liée aux pouvoirs de police du maire.

Cet article n’a donc pas de sens aujourd’hui. L’alinéa 15, aux termes duquel les parents et le mineur s’étant bien comportés se verront délivrer une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer à leurs obligations, est par ailleurs scandaleux. Délivrer des diplômes aux parents comme s’il y avait de bons et de mauvais parents, comme si les difficultés sociales et les difficultés à élever son enfant n’existaient pas, revient à commettre une assimilation inacceptable entre les familles en difficulté et les familles d’enfants délinquants.

Mme Élisabeth Guigou. Il serait souhaitable que le ministre écoute les intervenants !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. L’article 6 aborde le problème de l’aide à la parentalité, domaine dans lequel nous avons en France des progrès à faire. Certaines mesures qu’il propose sont intéressantes, même si elles mériteraient d’être précisées. D’autres, en revanche, sont plus maladroites, en tout cas dans la forme.

L’alinéa 11, par exemple, qui précise que « lorsqu’il ressort de ces constatations […] que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés […] le maire peut proposer un accompagnement parental », me laisse perplexe. Je vois fort bien le rôle que peut jouer le maire dans l’accompagnement parental. Nous intervenons régulièrement auprès de personnes en difficulté, et que l’on veuille renforcer la capacité d’intervention du maire, grâce, entre autres, au principe de coordination que l’on a commencé à mettre en œuvre dans les articles précédents et à un fonds spécial d’intervention lui permettant de mieux assumer ses compétences, me paraît une bonne chose.

Mais on nous explique également qu’en cas de troubles à l’ordre ou la sécurité publics, on pourra demander à la caisse d’allocations familiales de mettre en place un dispositif d’accompagnement destiné à mieux gérer les allocations ou encore envisager des mesures d’accompagnement en économie sociale et familiale. Or, je ne vois pas le rapport. Demander l’intervention d’une conseillère en économie sociale et familiale en cas de mauvaise gestion des allocations est une démarche intéressante, mais cela ne nécessite guère de contrat. Si cela dépend en effet du conseil général, cela met en jeu des agents qui agissent sur le territoire dans le cadre des pouvoirs conférés au maire selon le dispositif mis en œuvre dans les articles précédents. On saute une étape, en revanche, si l’on envisage de saisir directement le président de la CAF ; pour ma part, je me vois mal, en tant que maire, aller lui expliquer qu’il doit envisager une mise sou tutelle éventuelle des allocations, et l’on reviendra sur les problèmes que cela pose à l’article 7.

M. Lilian Zanchi. Très bien !

M. Pierre Cardo. Il est important de clarifier l’ordre des interventions, comme cela a été dit par plusieurs députés socialistes qui s’interrogent sur le contrat de responsabilité parentale. Le maire a pour tâche de faire travailler en réseau sur le terrain l’ensemble des acteurs qui dépendent d’institutions différentes mais accompagnent tous les familles confrontées à des difficultés dans l’éducation de leurs enfants. Ce travail de coordination permet en effet d’éviter des ruptures dans l’accompagnement des mineurs ou des familles.

Si le maire estime, à un moment donné, que son action ne suffit pas, soit que la famille fasse preuve de mauvaise volonté, soit que les moyens dont il dispose se révèlent inadaptés, il passe alors la main au président du conseil général, qui dispose de moyens beaucoup plus conséquents. A ce stade, le contrat de responsabilité parentale se justifie, dans la mesure où interviennent des acteurs beaucoup plus professionnels et où le président du conseil général peut envisager la contractualisation pour faire passer des messages moins évidents et imposer certaines choses, par le biais d’une décision administrative, dans l’intérêt des enfants et de la famille.

Si, à son tour, le président du conseil général ne se juge plus compétent, il peut transmettre le dossier à la justice ; on quitte alors le domaine du contrat pour celui de la décision de justice.

Cette logique, si c’est bien celle du texte, est intéressante. Malheureusement, tel que l’article est rédigé, il introduit davantage de flou qu’il n’apporte de réponses à la question de l’aide à la parentalité.

Avec le contrat de responsabilité parentale, vous voulez sans doute, monsieur le ministre, mieux définir le rôle du conseil général dans la protection de l’enfance et l’aide aux familles, mais le texte définit mal l’ordre logique qui doit présider aux interventions successives du maire et du président du conseil général et, comme on le verra lors de l’examen des amendements, le fait que chacun ne soit plus à sa place – notamment sur la question de la gestion des allocations familiales – risque de créer des dysfonctionnements.

L’aspect positif du texte s’en trouve donc malheureusement gommé et j’en reviens à l’alinéa 11 : je ne vois pas au nom de quoi les troubles à l’ordre public sont censés justifier l’intervention du maire. S’il s’agit simplement d’évoquer la sécurité pour faire le lien avec le rôle d’officier de police judiciaire du maire, c’est inconséquent ! C’est parce qu’il y a des familles en difficulté et des gosses qui risquent de glisser dans la délinquance que le maire doit mettre en œuvre des modes d’accompagnement parental, et pour aucune autre raison !

M. Lilian Zanchi. On est depuis le début dans la plus grande confusion !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les articles 6 et 7 posent la question de la manière dont les pouvoirs publics peuvent accompagner les parents dans les difficultés éducatives qu’ils rencontrent, difficultés dont on sait qu’elles sont de plus en plus importantes et qu’elles ont une dimension sociale d’autant plus accentuée que l’on se trouve dans des milieux qualifiés de défavorisés, sur des territoires pour lesquels les problèmes d’insertion des jeunes dans la société sont accentués, qu’il s’agisse de déscolarisation ou de rupture du dialogue avec les adultes et les parents.

Des outils existent depuis longtemps pour tenter d’apaiser les conflits et trouver des solutions qui replacent les enfants et les adolescents dans une démarche d’épanouissement personnel au sein d’une famille qui les équilibre, les structure et les accompagne dans leurs projets. Ils relèvent de différents niveaux de compétences au sein des services sociaux des villes et de ceux du département ou participent d’un dispositif judiciaire, dès lors qu’il s’agit de la sécurité publique et du respect de la loi.

Le Gouvernement, lui, propose une réponse qui consiste à faire porter aux parents la plus lourde responsabilité, à les culpabiliser et à les engager dans des dispositifs contraignants. Cela l’arrange, parce qu’il n’est pas capable d’aborder le problème autrement que dans une perspective « sécuritaire ».

Je répète depuis le début que ce texte est inutile s’il est là uniquement pour préciser aux maires qu’ils n’ont qu’à agir comme ils l’entendent. Ces derniers savent s’entourer de gens compétents pour appréhender une situation familiale à travers toute une série d’indicateurs – le logement social, l’école, les centres de loisir, les centres culturels, voire les services de restauration où peuvent se trouver des ardoises impayées – et ils n’ont guère besoin d’une loi pour intervenir.

Le conseil pour les droits et devoirs des famille est en ce sens totalement inutile. Les maires, quelle que soit leur sensibilité politique, n’ont pas besoin de lui pour pratiquer le rappel à la loi, qui est au cœur du dispositif de prévention de la délinquance, notamment dans le dialogue avec la jeunesse.

L’accompagnement parental est, lui aussi, totalement superfétatoire. Dans le cadre de la politique municipale que les élus conduisent, le maire peut créer, s’il le veut, des instruments pertinents pour lesquels il n’a pas besoin de loi, et vous ne proposez aucun dispositif nouveau susceptible d’améliorer, dans le sens de l’objectif affiché, l’accompagnement aux familles en difficulté.

S’agissant de l’accompagnement parental, le maire est en situation d’échec. Ce n’est pas parce qu’il invite les parents à venir le voir que ceux-ci viennent. Ce n’est pas non plus parce que les services sociaux invitent les gens à venir qu’ils viennent. Et ce n’est pas parce que telle structure d’accompagnement de la vie d’un collège ou d’une école sollicite les parents qu’ils viennent. Les enseignants connaissent parfaitement ces situations dans lesquelles on ne voit pas les parents pendant toute l’année scolaire. En pareil cas, on se retrouve dans la même situation que celle à laquelle on a tenté de remédier : il n’y a pas de liens avec les parents ni de démarche constructive. On revient à la case départ, à savoir le contrat de responsabilité parentale et les mesures éducatives, qui existent déjà. La responsabilité d’initier cette démarche échoit à nouveau au maire, et la possibilité de suspendre les allocations familiales, qui est déjà donnée au président du conseil général. Bref, on n’ajoute rien, sauf à mettre les élus en première ligne ! Mais les maires qui n’intervenaient pas dans le domaine social n’interviendront pas davantage.

S’agissant du contrat de responsabilité parentale, l’observation de Mme Adam était intéressante. À ce jour, aucune évaluation n’a été faite, mais, en cas de refus des parents, il n’existe pas d’autre sanction que la suppression des prestations familiales, dont le président du conseil général prendra l’initiative, ou la mise en œuvre des procédures éducatives. À y regarder de plus près, on offre aux maires des possibilités qu’ils avaient déjà, sans être contraints d’agir : on peut donc penser que ceux qui agissaient continueront à le faire et que ceux qui n’agissaient pas ne le feront pas davantage.

Le constat est flagrant : régler les difficultés des parents par des rappels à la loi et des procédures d’accompagnement est sans intérêt. C’est dans l’amélioration des conditions de vie – habitat, éducation – et les dispositifs d’accompagnement que se trouvent les solutions, les éducateurs se tenant aux côtés des parents.

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il importe également de rétablir la parole entre les enfants – ou les adolescents – et les adultes, que ce soit dans le cercle familial ou au dehors. Beaucoup d’associations y travaillent, et des réseaux se créent ainsi, qui permettent de mieux connaître la réalité des situations. Faute de quoi, on ne découvre cette réalité qu’en cas de problème, qu’il s’agisse de l’échec scolaire ou d’actes de délinquance.

Il importe de développer les dispositifs d’alerte et de vigilance, qui permettent de mieux connaître la situation des enfants, des adolescents et de leurs familles, et donc de faire de la prévention. C’est pourquoi le groupe socialiste considère que ce texte n’a rien créé de nouveau et qu’il ne vise, avec ses artifices, qu’à faire supporter aux maires des responsabilités qu’ils assument déjà pour autant qu’elles se situent dans le champ social et éducatif, mais qu’ils refuseront dans leur dimension purement sécuritaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. La responsabilité des parents à l’égard du comportement social de leurs enfants est une question qui mérite toute notre attention.

Nous connaissons tous des parents qui, à un moment ou à un autre, sont « déboussolés » face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés. Si c’est très souvent le cas des parents d’adolescents, quel que soit le milieu social, c’est encore plus fréquent lorsque la famille appartient à un milieu défavorisé. En Seine-Saint-Denis, Jean-Christophe Lagarde y est, comme moi, confronté, mais c’est le cas de tous les maires ici, parce qu’il y a des quartiers défavorisés dans toutes les communes de France : nous voyons tous des parents qui cumulent tant de difficultés qu’ils ne peuvent plus faire face. La vraie question est donc de savoir si nous avons affaire à des parents démissionnaires ou simplement à des parents accablés par leurs conditions de vie.

Depuis cinq ans que je suis élue de Seine-Saint-Denis, je dois dire que je n’ai jamais rencontré de parents qui ne voulaient pas le meilleur pour leurs enfants. Je ne vois, au contraire, que des parents qui veulent que leurs enfants s’en sortent et qu’ils réussissent dans la vie. Mais je vois aussi de nombreuses femmes seules, chefs de famille, qui partent à quatre heures du matin, parfois même plut tôt, pour faire le ménage à l’Assemblée nationale, par exemple, ou dans des bureaux parisiens, et qui, lorsqu’elles rentrent chez elles, épuisées, ne sont pas toujours à même de vérifier que leurs enfants sont arrivés à l’heure à l’école, voire qu’ils y sont bien allés.

La réponse à ce problème, qui nous préoccupe tous, consiste-t-elle à créer une institution supplémentaire ?

M. Lilian Zanchi. Certainement pas !

Mme Élisabeth Guigou. Mieux vaudrait aider ces familles à exercer leurs responsabilités, car elles ont besoin d’être guidées, fût-ce fermement. Au lieu de cela, vous proposez de créer une institution, avec certes une belle appellation : « le conseil pour les droits et les devoirs des familles ». Qui ne souhaiterait que les familles aient des droits et des devoirs ? C’est comme le titre de votre projet de loi : « Prévention de la délinquance ». Nous sommes tous d’accord pour prévenir la délinquance, mais le contenu tant de cet article que du projet ne correspond en rien à l’intention affichée dans le titre.

Comme viennent de le dire Jean-Yves Le Bouillonnec, Patricia Adam, Lilian Zanchi et Jean-Pierre Blazy, cette nouvelle institution est inutile. Pourquoi créer une institution qui va demander aux maires de faire ce qu’ils font déjà lorsqu’ils font bien leur travail, et qu’ils ne feront pas, de toute façon, s’ils n’ont ni l’envie ni les moyens de le faire puisque vous avez reconnu qu’il fallait leur laisser la faculté d’agir et non leur imposer ?

Cette nouvelle institution est inutile parce qu’elle n’imposera au maire rien qu’il n’ait envie de prendre en charge, et que vous ne lui donnez aucun moyen supplémentaire pour mieux exercer ses responsabilités. S’il s’agit de sanctionner les parents – minoritaires – qui vont manger ou boire les allocations familiales au bistrot, la procédure existe depuis très longtemps. Mais si les caisses d’allocations familiales ne l’emploient pas souvent, c’est parce les responsables savent bien que là n’est pas toujours la réponse et qu’on risque de désavantager des fratries entières en voulant sanctionner les parents pour la mauvaise conduite d’un de leurs enfants.

Ce texte est donc inutile, voire néfaste. Vous voulez que le maire puisse se substituer au président du conseil général. Mais au nom de quoi le maire exercerait-il ce type de responsabilité ? M. Cardo l’a dit fort justement tout à l’heure, il faut distinguer les responsabilités et ne pas penser qu’on réglera les problèmes par des signaux purement répressifs. En quoi le fait que le maire prenne des mesures jusqu’à présent dévolues au conseil général serait un progrès ? On nous propose une mesure d’affichage, qui vient s’ajouter à toutes les mesures précédentes, sans que celles-ci aient fait l’objet de la moindre évaluation, comme l’a rappelé Patricia Adam. Comme nous en sommes déjà au sixième texte sur la délinquance, il y a vraiment une accumulation de mesures, une véritable fuite en avant.

Ainsi que le jugeait Montesquieu : « Trop de loi tue la loi. » Avec ce texte, nous ternissons l’idée que l’on peut se faire de la loi dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Les arguments que je viens d’entendre ne me paraissent pas vraiment fondés, et l’idée d’un conseil pour les droits et les devoirs des familles, qui serait réuni par le maire, me semble intéressante.

J’ai entendu Jean-Yves Le Bouillonnec dire à plusieurs reprises qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire cette mesure dans la loi, parce que les maires actifs font déjà ce que le projet prévoit. Mais s’ils le font hors la loi…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous le faisons en dehors de la loi, pas hors la loi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne dis pas que vous enfreigniez la loi, mon cher collègue ! Vous agissez en effet en dehors de la loi – quand vous invitez, par exemple, une famille en difficulté à venir vous voir –, mais vous pourriez aussi bien, et sans doute mieux, agir dans le cadre de la loi. Cet article est intéressant, parce qu’il donne un cadre dans lequel le maire pourra intervenir.

Je vais prendre encore un exemple. Trois très jeunes enfants sont un jour trouvés seuls dans une chambre d’hôtel de Seine-Saint-Denis, un de ces hôtels que le SAMU social remplit perpétuellement avec les pauvres de Paris…

M. Pierre Cardo. Nous connaissons la même situation dans les Yvelines !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et qui offrent des conditions sanitaires discutables. À peine a-t-on pris un arrêté de fermeture d’un hôtel et l’a-t-on vidé de ses occupants que le SAMU social en remplit un autre ! Et, bien entendu, la préfecture ferme les yeux !

L’ASE – l’aide sociale à l’enfance – place donc cette famille dans un hôtel de ce genre, et on est alerté par le fait qu’un des enfants se balance au-dessus du balcon. On s’aperçoit alors que les trois enfants sont seuls dans la chambre : le plus grand a six ans et le plus petit dix-huit mois !

On emmène la mère au commissariat et on prévient la brigade des mineurs et l’ASE. Que de dysfonctionnements en Seine-Saint-Denis, en tout cas à Drancy ! Cela prouve que lorsqu’on n’est pas en mesure d’intervenir, de graves problèmes peuvent survenir. Quatre heures après, les trois enfants sont de retour dans la chambre d’hôtel avec leur mère. Mais tout cela n’intéresse personne !

Trois mois plus tard, cette femme meurt dans sa chambre d’hôtel, en présence de ses trois enfants. Elle était atteinte d’une maladie grave, mais personne ne s’en était préoccupé. Je découvre alors qu’il y a un conjoint, qui travaille loin de là, au sud des Yvelines. Il savait que sa femme était malade, mais il ignorait la gravité de son affection. C’est ce type de situation qu’on rencontre fréquemment dans notre département – comme l’a souligné Mme Guigou – du fait de la concentration des difficultés sociales.

De quel droit aurais-je pu demander à cette famille de venir me voir alors que la brigade des mineurs, le juge pour enfants et l’ASE étaient d’ores et déjà saisis ? La seule chose qu’aurait permise cet article, c’est de me faire prendre connaissance d’une situation dans laquelle trois enfants, respectivement âgés de dix-huit mois, trois ans et six ans, se retrouvent seuls pendant quatre heures dans une chambre d’hôtel sans que personne se soucie d’eux.

M. Jean-Pierre Blazy. À quoi peut servir le conseil pour les droits et devoirs des familles dans une telle situation ? C’est trop tard !

M. Jean-Christophe Lagarde. J’aurais alors pu tenter d’agir, ou du moins d’alerter à nouveau les administrations concernées, et on aurait peut-être pu éviter cela.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous vous faites des illusions !

M. Jean-Christophe Lagarde. Votre illusion, monsieur Blazy, c’est de croire que les institutions sont irréprochables.

Je partage l’avis de M. Cardo : le maire est celui qui intervient en premier auprès des familles souffrant de difficultés sociales ; il fournit notamment un travail d’explication et d’aide. Un certain nombre de communes se sont ainsi dotées de lieux destinés à soutenir les parents. Il en existe un dans la circonscription de Mme Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Oui, une « maison des parents ».

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais quand il s’agit d’aller au-delà, vers le signalement à une institution, le maire n’est plus dans son rôle. Le référent est le président du conseil général, même si, dans notre département, ce dernier n’est pas souvent saisi, même en cas de carence de l’autorité parentale. Je souhaite donc que le maire puisse être à l’origine de cette saisine, mais aussi que le président du conseil général informe, en retour, le maire de son action. C’est malheureusement rarement le cas aujourd’hui.

La notion de conseil pour les droits et devoirs des familles m’intéresse. C’est un bon cadre pour rencontrer les parents, sans qu’il soit nécessaire, pour les faire venir, de compter sur leur seule bonne volonté ou sur ce que vous appelez, monsieur Blazy, votre autorité morale.

En revanche, je suis moins convaincu par la façon dont est rédigé l’article. D’abord, il est absurde de vouloir rendre obligatoire la création d’un conseil que le maire, s’il le souhaite, peut ne jamais réunir.

Ensuite, l’alinéa 11 permet au maire de proposer un accompagnement parental « lorsqu’il ressort de ses constatations ou d’informations portées à sa connaissance que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur ». Mais lorsque la situation en est à ce point, c’est le procureur qui est concerné ! Je veux bien que l’on me demande de le saisir, mais à quoi servirait-il de convoquer les parents ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, je ne pense pas avoir abusé de mon temps de parole, surtout sur ce projet de loi. Permettez-moi de terminer mon explication.

Je sais ce qu’est un principal de collège ou un proviseur de lycée. Mais qu’est-ce qu’un chef d’établissement d’enseignement, dont l’alinéa 14 nous indique qu’il doit être informé de la procédure d’accompagnement parental ? Les directeurs d’école ne sont pas chefs d’établissement : ils ne sont donc pas concernés.

Mme Patricia Adam. Non, c’est l’inspecteur d’académie.

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais comment un inspecteur d’académie pourrait-il se soucier de ce qui se passe dans une école ?

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas l’inspecteur d’académie, c’est l’inspecteur de l’éducation nationale !

M. Jean-Christophe Lagarde. Quoi qu’il en soit, il faudrait le préciser.

En outre, pourquoi le maire doit-il prévenir tous ces gens, ainsi que le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales ou le préfet ? Je voudrais qu’on me l’explique.

Mais le comble est atteint à l’alinéa 15, qui dispose qu’« au terme de l’accompagnement, il est délivré aux parents ou au représentant légal du mineur une attestation comportant leur engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale ». Voilà qui me semble plus que spécieux ! Je souhaite la création d’un tel conseil et j’entends bien le présider, mais comment pourrais-je attester que les parents vont se comporter en bons parents ?

M. Lilian Zanchi. L’attestation, c’est le contrat de mariage !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je souhaite répondre aux différents orateurs et apporter les clarifications qui m’ont été demandées.

L’article 6 vise à créer un nouvel instrument d’aide aux parents. La situation décrite par les députés de tous bords – difficultés à exercer l’autorité parentale, enfants à l’abandon – justifie que l’on s’attarde un instant sur les objectifs visés. Il faudrait de très sérieuses raisons pour s’opposer à ce que le nouvel outil soit mis aux mains des maires.

Il existe le contrat de responsabilité parentale, me dit-on. Certes, mais cela n’interdit pas d’instaurer une gradation pour viser à plus d’efficacité. Le conseil pour les droits et devoirs des familles, je le rappelle, n’est pas doté d’un pouvoir de coercition sur les familles ; son rôle est de conseiller le maire lorsque celui-ci décide de mesures d’accompagnement. Sa création s’inscrit donc dans le cadre des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, dont le budget, contrairement à ce que vous affirmez, madame Adam, est en augmentation constante.

Mme Patricia Adam. Vraiment ? Je suis ravie de l’apprendre !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Il était d’un peu plus de 8 millions d’euros en 2005. Pour répondre à une préoccupation largement partagée, je l’ai fait passer à 9 millions en 2006, et il doublera en 2007 pour s’établir à près de 18 millions d’euros.

Mme Patricia Adam. On ne les a pas vus !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je crois en effet nécessaire de favoriser le développement de ces réseaux, qui jouent, en lien avec les collectivités locales, un rôle très utile. L’article 6 permettra justement aux maires de s’engager plus avant dans leur développement.

Lorsque les communes se seront dotées de maisons des parents et que des mesures d’aide seront proposées, la formule sera, pour beaucoup, efficace. Mais, dans certains cas, les moyens mobilisés ne suffiront pas à ramener les parents à leurs responsabilités. Nombre d’entre eux, pour diverses raisons soulignées par Mme Guigou, ont en effet du mal à prendre en charge leurs enfants. Ils ont souvent des excuses, mais la « culture de l’excuse » nous conduit aussi à baisser les bras quand il faudrait, au contraire, en appeler davantage à la responsabilité de chacun. Les parents désemparés, dépassés par leurs propres enfants ont, plus que tous autres, besoin de recevoir l’aide que nous leur proposons. Si ces mesures d’accompagnement ne suffisent pas, vient le temps du contrat de responsabilité parentale.

Ce contrat, nous avons voulu le mettre entre les mains du président du conseil général, parce que celui-ci est en charge de la protection de l’enfance, et peut avoir, grâce aux services de l’ASE, une appréciation fine de la situation des familles.

M. Jean-Pierre Blazy. Alors appliquez le droit commun !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. De même, nous n’avons pas voulu confier aux 36 000 maires de France le soin d’appliquer la partie contraignante du contrat de responsabilité parentale, c’est-à-dire la possibilité de décider la suspension temporaire des prestations familiales – dont je rappelle, madame Guigou, qu’elle ne relève plus, depuis la loi Jacob de 2003, des caisses d’allocations familiales – si la famille se dérobe à ses obligations.

Enfin, un échec du contrat de responsabilité parentale ouvre la voie à l’intervention du juge, qui peut placer les prestations familiales sous tutelle. On le voit, le dispositif est gradué : intervention dans le cadre communal d’abord, en accord avec la famille et sans élément de contrainte ; ensuite, passage au contrat de responsabilité parentale, plus contraignant ; et enfin, en cas d’échec persistant, recours au juge.

Mme Patricia Adam. On voit que vous n’avez jamais été maire !

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le dispositif est en outre conforté par le doublement des crédits consacrés aux réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 304 et 705, tendant à supprimer l’article 6.

Sur le vote de ces amendements, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 304.

M. Michel Vaxès. Je ne sais pas, monsieur le ministre, si nous vivons les mêmes situations, si nous avons connaissance des mêmes problèmes. À vous entendre, j’ai même l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde.

Laissez-moi vous en donner un exemple : un incendie s’est déclaré dans une école maternelle de ma commune. En moins de quarante-huit heures, et avant la police, nous en avons découvert les auteurs.

M. Claude Goasguen. Bravo !

M. Michel Vaxès. Ce n’était pas très compliqué : ils ont respectivement six et neuf ans… Ces enfants sont élevés par une mère seule. L’unique emploi qu’elle a trouvé, après s’être donné beaucoup de mal pour cela, est à vingt kilomètres de son lieu de résidence, et elle ne peut être chez elle, le soir, avant dix-neuf heures. De quoi cette mère, qui n’a pas failli à ses responsabilités, a-t-elle besoin ? A-t-elle besoin de quelques conseils pour prendre ses responsabilités ou d’autre chose que votre texte n’apporte pas ?

Certes, le conseil pour les droits et devoirs des familles aura pour vocation de favoriser la coordination des dispositifs existants et le dialogue aux familles intéressées, tout en servant d’instance de propositions pour le maire. Nous sommes convaincus de la nécessité de prévoir une coordination de l’action sociale – cela a été souligné sur tous les bancs de cette assemblée. C’est pourquoi il est nécessaire d’ouvrir une réflexion sur ce point. Mais ce conseil aura-t-il la vertu d’être un lieu de coordination ? Cette question est importante. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la protection de l’enfance, que nous n’avons pas encore examiné dans cette assemblée, prévoit l’instauration d’une cellule opérationnelle départementale de signalement et une mesure administrative d’accompagnement économique, social et familial pour une prise en charge précoce des familles ayant des difficultés à gérer leur budget. Quelle cohérence y a-t-il entre ces différents dispositifs ? Ce nouvel échelon ne fera que rendre plus opaque encore un système déjà complexe. Ce n’est pas en superposant de nouveaux dispositifs à ceux existants que cet article contribuera à une clarification. Cet article, dont l’efficacité est douteuse, s’avère également dangereux pour les usagers qui se retrouveront face à des injonctions contradictoires. Prenons le seul exemple de la question de l’assiduité scolaire. Son défaut peut aujourd’hui faire l’objet d’une réponse de la part de l’éducation nationale, il peut justifier un signalement au service de l’aide sociale à l’enfance ou à l’autorité judiciaire. Il peut également être traité par le président du conseil général dans le cadre d’un contrat de responsabilité parentale ou par le maire au sein du conseil pour les droits et devoirs des familles. Qui pourra y voir clair dans la superposition de ces dispositifs ?

La même confusion règne pour l’aide à la gestion ou le contrôle des prestations familiales, qui sont du ressort du président du conseil général dans le cadre du contrat de responsabilité parentale, ou d’une mesure d’accompagnement en économie sociale et familiale, de la compétence du maire dans le cadre du conseil des droits et devoirs des familles et de l’autorité judiciaire si elle est saisie en vue d’une mesure de tutelle. Qui décidera de quoi ? Je suis bien incapable de le dire aujourd’hui !

D’après l’exposé des motifs, ce conseil fournira également « une occasion de dialogue aux familles intéressées », mais lesquelles ? Celles qui auraient « des comportements susceptibles de mettre l’enfant en danger ou de causer des troubles pour autrui » – cinquième alinéa –, celles qui pourraient compromettre l’éducation des enfants, la stabilité familiale, la tranquillité ou la sécurité publique – huitième alinéa –, ou celles qui, à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur, menaceraient l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publique – onzième alinéa ? Admettez que les critères retenus pour désigner les familles concernées par ce conseil et permettre une application raisonnable de ce dispositif sont bien vagues !

La mention des familles ayant des comportements susceptibles de « causer des troubles pour autrui » laisse, avouez-le, beaucoup de place à l’arbitraire. Les troubles causés à autrui sont susceptibles, aujourd’hui, de faire l’objet de poursuites par l’autorité judiciaire ! Comment définit-on également le « défaut de surveillance » et « la stabilité familiale » ? Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, monsieur le ministre. Le bon sens populaire rejoint là un des principes de notre droit qui est celui de la sécurité juridique, dont l’objectif est de protéger les citoyens contre les effets secondaires, en particulier les incohérences, la complexité ou les changements trop fréquents de la loi.

Enfin, comme l’observe la CNIL dans son avis : « L’accomplissement des missions dévolues au conseil pour les droits et devoirs des familles suppose que celui-ci puisse disposer d’informations individuelles sur les familles. Se trouve ainsi institué un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, sans qu’aucune garantie ne soit apportée, ni sur l’origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et la nécessité de confidentialité de celles-ci. » Selon le nouvel article L. 141-2, le maire pourra, en effet, proposer un accompagnement parental compte tenu de ses constatations ou d’informations portées à sa connaissance. Mais qui l’informera ? Les particuliers ? Comment ? Par la délation ?

Cet article, comme l’ensemble du projet de loi, considère les situations sociales précaires comme conduisant fatalement à la délinquance. Nous rejetons une telle philosophie.

Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de supprimer l’article 6 qui en est l’illustration.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement n° 705.

M. Jean-Pierre Blazy. Je serai bref, puisque nous nous sommes, les uns et les autres, largement exprimés sur ce sujet.

Votre réponse – vous n’en serez pas surpris, monsieur le ministre – ne nous a pas convaincus. En effet, nous continuons à nous interroger sur la valeur ajoutée de votre dispositif par rapport au droit commun. Nous avons jugé que votre proposition était inutile et risquée, pour ne pas dire dangereuse. Vous avez essayé d’établir une hiérarchie. Ainsi, le maire, au premier niveau, devrait détecter les problèmes dans le cadre du conseil pour les droits et devoirs des familles – or le droit commun prévoit que le maire, son service social, le service social du département ou tout citoyen peut signaler au juge des enfants toute situation préoccupante. Le président du conseil général intervient au deuxième niveau, et en dernier lieu seulement le juge des enfants ! Vous allez donc ralentir la « machine à signaler », ce qui est tout à fait contre-productif. La gravité de certaines situations exige, en effet, parfois de saisir immédiatement la justice et donc le juge des enfants. Votre proposition complexifie le système et va donc à l’encontre de l’efficacité, dont je ne doute pas que vous l’avez recherchée.

Après vous avoir entendu, monsieur le ministre, nous considérons que ce dispositif est non seulement dangereux, mais inutile.

C’est pourquoi nous proposons également, par notre amendement, de supprimer l’article 6.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Rejetés par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Il me semble que cet article présente bien des aspects positifs. En effet, à la notion d’autorité parentale, nous substituons celle de responsabilité parentale et de droits et devoirs des familles envers l’enfant. L’enfant se trouve de plus en plus fréquemment au centre des problématiques. L’autorité parentale peut être déviante, abusive, voire excessive, et parfois néfaste. Donc, cette mention de droits et devoirs des familles envers l’enfant est extrêmement positive.

L’article 6 procède également d’un louable souci de proximité et de collégialité dans la mise en place des dispositifs qui peuvent instaurés par les maires. Les maires peuvent trouver des idées nouvelles pour la mise en place de nouvelles mesures d’accompagnement. Contrairement à certains de mes collègues, je ne veux pas voir dans cet article des aspects uniquement répressifs ; la prévention n’en est, en effet, pas absente. Ainsi, la rencontre entre les différents partenaires peut inciter des maires parfois à court d’imagination à envisager d’autres dispositifs. Certes, cela peut déjà se faire de façon informelle. Je suis maire d’une petite commune et j’ai pu m’apercevoir, en discutant avec les institutrices et les animateurs de la MJC, que les femmes issues de l’immigration éprouvaient extrêmement de difficultés pour rencontrer leurs interlocuteurs. J’ai donc mis sur pied un petit cours d’alphabétisation, qui a immédiatement porté ses fruits, puisqu’en fin d’année ces femmes ont eu le courage d’aller parler aux institutrices. C’est de cette collégialité que j’ai tiré un certain nombre d’enseignements qui m’ont permis de mettre en place des dispositifs d’accompagnement.

M. Lilian Zanchi. Mais cela ne sert à rien !

Mme Henriette Martinez. La loi permettra aux acteurs de se rencontrer, de formaliser ces rencontres, tout en donnant une légitimité morale aux maires qui n’en auraient, de plus, peut-être pas eu l’idée. Ce dispositif aura plus de force. Nous devrons agir ainsi pour prévenir la délinquance, y compris dans les petites communes. Il est bien de légitimer par la loi ce qui se pratique déjà dans certaines communes. Un échelon de proximité éviterait le dépôt de plaintes pour un oui ou pour un non. Formaliser ces rencontres avec les parents et les différents acteurs sociaux me paraît, en conséquence, extrêmement intéressant et positif.

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements nos 304 et 705, tendant à supprimer l’article 6.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté ces amendements.

Je suis saisie d’un amendement n° 176.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement vise à rendre facultative la création du conseil pour les droits et devoirs des familles. La commission a en effet considéré que l’efficacité de ce dispositif dépendait de l’engagement effectif des communes, qui ne sauraient donc être obligées de l’instaurer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà qui réintroduit tout de même un peu de raison ! Nous le devons à la pression, que nous comprenons, de l’Association des maires de France sur le Gouvernement ! Nous sommes d’accord pour que le maire soit au centre de la politique publique locale de prévention de la délinquance. Il bénéficie déjà de la légitimité nécessaire. Mme Martinez nous a rappelé l’action qu’elle menait dans sa commune de Laragne.

Mme Henriette Martinez. Petite commune de 3 000 habitants !

M. Jean-Pierre Blazy. Et située dans la belle région des Hautes-Alpes !

Nous avons la légitimité pour agir dans ce domaine et un conseil pour les droits et devoirs des familles n’apporterait rien de plus à l’avenir, en matière de légitimité entre autres.

Les maires ont donc déjà la légitimité pour agir en ce domaine. Je vous rappelle que la loi relative à la sécurité quotidienne leur a donné la base juridique pour la « coproduction de la sécurité », donc la prévention de la délinquance.

Vous nous proposez de rendre facultatif le conseil pour les droits et devoirs des familles, sa création devant être délibérée par le conseil municipal. Ce n’est donc plus une obligation, mais une possibilité.

C’est une avancée considérable, qui dénature d’ailleurs totalement le projet initial de Nicolas Sarkozy et du ministre chargé de la famille, qui nous expliquait tout à l’heure la nécessité d’un tel conseil dans les villes de plus de 10 000 habitants !

Voilà votre texte fourre-tout progressivement vidé de son sens. Il n’en reste pas moins confus, dangereux et contradictoire avec l’objectif affiché de faire du maire le pivot de la politique publique locale de prévention de la délinquance. Nous vous rejoignons sur ce point, mais rendre le conseil obligatoire n’aurait rien apporté de plus. Un peu de raison, fût-ce à cette heure tardive, est salutaire…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Un peu de raison, certes, mais la méthode utilisée pour rendre facultatif ce conseil n’est pas bonne. En laissant au conseil municipal la responsabilité de créer par délibération le conseil pour les droits et devoirs des familles, vous modifiez le fondement sur lequel intervient le maire en ce domaine. Or, mes chers collègues, le maire tient sa fonction de son élection au sein des conseillers municipaux : il est l’exécuteur des décisions du conseil municipal, lequel lui donne par délégation un certain nombre de pouvoirs. Enfin, il est le représentant de l’État.

Pour atténuer les effets catastrophiques qu’aurait eus la mise en place obligatoire de ces conseils, vous en confiez la responsabilité au conseil municipal, les rendant du même coup facultatifs. Ce faisant, vous altérez ce qui justifie son intervention en tant que représentant de l’État, officier de police judiciaire, responsable de l’action sociale en tant que président du CCAS…

Avec une stratégie improvisée et inadéquate, et pour éviter le caractère obligatoire des conseils – à la demande pressant de l’Association des maires de France –, vous changez la nature de l’intervention du maire. Si le conseil communal de prévention de la délinquance est créé par décision du conseil municipal, ce n’est pas le cas du comité local de sécurité et de prévention de la délinquance. De la même manière, certaines prérogatives du maire ne relèvent pas des délégations que lui a confiées le conseil municipal.

Monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, j’attire votre attention sur les conséquences de cette décision. En ne rendant pas obligatoires les conseils pour les droits et devoirs des familles, en laissant le conseil municipal délibérer du bien-fondé de leur création, vous changez le fondement sur lequel le maire intervient dans le dispositif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 176.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Aujourd’hui, mardi 28 novembre, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 :

Rapport, n° 3450, de M. Pierre-Louis Fagniez ;

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 28 novembre 2006, à zéro heure cinquante.)