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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 30 novembre 2006

76e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Nous en venons aux articles 18 à 24, précédemment réservés.

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons la chance d’avoir le ministre de la santé et des solidarités avec nous ce soir, mais je regrette l’absence du ministre d’État, dont j’ai pu, comme vous, mes chers collègues, suivre de façon un peu distraite la prestation télévisée en cours sur France 2.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Quel rapport ?

M. Jean-Pierre Blazy. Le ministre d’État est le principal auteur du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, et il n’est pas à l’Assemblée pour débattre avec nous.

M. Pierre Hellier. Il est bien représenté !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous estimons beaucoup le ministre de la santé, il n’y a pas de doute à ce sujet, mais nous aimerions bien voir le ministre d’État.

J’aurais surtout aimé l’interroger ce soir – peut-être en sera-t-il question sur France 2 – sur la décision du Conseil constitutionnel sur la fusion entre Suez et Gaz de France, qui, finalement, est repoussée après la présidentielle. Il avait promis, juré, lorsqu’il était ministre de l’économie, que cette fusion n’aurait pas lieu. Il l’a ensuite défendue, et la décision du Conseil constitutionnel donne raison, même si ce n’est pas sur le fond, à ceux qui l’ont combattue en en repoussant l’éventualité après le 1er juillet 2007, c’est-à-dire après les élections. Autrement dit, ce sont les citoyens qui auront à se prononcer.

Cela dit, madame la présidente, par mon rappel au règlement, je veux surtout souhaiter la visite du ministre d’État avant la fin du débat, peut-être aujourd’hui, après l’émission de télévision, ou demain.

Article 18
(précédemment réservé)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, inscrit sur l’article 18.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous allons donc, de façon paradoxale, discuter maintenant un certain nombre d’articles alors que nous ne sommes pas censés le faire.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Ça ne tient qu’à vous ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, les mieux intentionnés à votre égard ont longtemps pensé en vous écoutant que l’Assemblée nationale n’aurait jamais à débattre des articles 18 à 24 puisque vous aviez laissé entendre qu’ils seraient retirés de la discussion dans la mesure où, il y a quelques jours, nous avons voté un amendement à un texte par ailleurs assez anodin, autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le sujet. Continuer à discuter de ces articles est donc assez surréaliste.

Considérer que la discussion sera sans conséquence sur la rédaction de l’ordonnance serait tout de même nous faire injure, ce que – nous connaissons votre amabilité – vous ne ferez pas. Nous allons donc discuter des problèmes de santé mentale dans ce texte relatif à la prévention de la délinquance, et alors que le ministre de l’intérieur a essayé d’épingler tout un tas de personnes susceptibles un jour de devenir délinquants, quelques jeunes qu’il fallait dépister, quelques toxicomanes, et, maintenant, les personnes ayant des problèmes de santé mentale.

Vous le savez, nous avons fortement protesté, et se sont mobilisés autour de cette protestation tous les professionnels du secteur : les psychiatres, les différents intervenants, les directeurs d’établissement, les associations de malades. Bref, il y a eu unanimité contre l’idée saugrenue et, pour tout dire, très stigmatisante de vouloir assimiler malades mentaux et potentiels délinquants.

Nous nous retrouvons donc dans la même situation, même si, formellement, on peut considérer que l’ordonnance est une sorte d’excuse du Gouvernement, au sens propre du terme, à l’égard des personnes, de leurs familles et des gens qui, par leur profession, sont très directement concernés par ces questions. Dans ces articles, en effet, c’est une certaine conception de la santé mentale qui est développée, c’est-à-dire que ce n’est pas seulement la présence de ces articles dans le texte qui pose problème : c’est aussi nombre des éléments qu’ils contiennent.

Dans la discussion que vous avez amorcée, qui, ce qui est surréaliste, a lieu maintenant et non pas en amont du texte, vous aurez, sur bien des aspects, une vision différente. Je préfère d’ailleurs, je vous le dis très sincèrement, que vous ouvriez la discussion avec les acteurs concernés sur d’autres critères que ceux qui ont été retenus dans le projet de loi. J’espère que vous avez évolué ces derniers mois et que vous appréciez différemment les problèmes de santé mentale, mais ces articles sont tout de même très fortement marqués par la vision du ministère de l’intérieur et très peu par celle du ministère de la santé.

Sur l’article 18, nous nous étonnons de la manière dont on va divulguer d’une façon générale les informations sur les malades. L’hospitalisation d’office, par exemple, n’est pas un signe de dangerosité, en tout cas permanente, pour les tiers. La menace que représente le malade pour lui-même peut éventuellement en être une cause, mais assimiler cette hospitalisation d’office à un facteur de risque potentiel pour la société est parfaitement inconvenant et incongru, et l’amalgame entre maladie mentale et potentialité de délinquance est totalement illégitime.

Tout cela ne peut en rien masquer tous les problèmes que nous avons connus et que nous connaissons à propos de la santé mentale. Au-delà de la gestion de votre ministère, monsieur le ministre, et même de cette mandature, notre pays a indiscutablement beaucoup de retard dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Quelles sont, dans l’article 18, les dispositions qui ne visent pas à renforcer les garanties en faveur des patients ? Jamais les associations ne sont intervenues sur le fond. Ce qu’elles ont contesté à chaque fois, c’est la forme, à savoir le choix du véhicule législatif. Nous nous sommes expliqués sur ce point au Sénat, à l’Assemblée, dans la discussion générale, et lors de l’examen de l’ordonnance. Les discussions avec les associations n’ont pas commencé en novembre, monsieur Le Guen, mais à partir du mois de septembre, et nous avons toujours été dans la même logique. Les remarques portaient sur la forme. Message reçu, voilà pourquoi le véhicule a été différent.

Si je suis là ce soir, et je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir demandé la réserve de ces articles, c’est pour que nous ayons un débat sur le fond. Si nous les avions retirés, vous nous auriez reproché de priver le Parlement d’un débat.

Enfin, monsieur Le Guen, je n’ai pas le pouvoir de retirer quoi que ce soit au Journal officiel, mais je vous ai entendu parler de texte anodin. Je sais depuis combien de temps vous êtes engagé, avec talent, dans la lutte contre l’obésité, et vous n’avez certainement pas voulu dire qu’un texte qui concerne les diététiciens était anodin. Je ne voudrais pas qu’ils puissent vous en vouloir un seul instant. Votre action en matière de lutte contre l’obésité ne mériterait pas de telles critiques.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 654, tendant à supprimer l’article 18.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour défendre cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Les associations interviendront sur le fond. Elles ne l’ont pas fait jusqu’à présent parce qu’elles refusaient par principe de discuter tant que ces articles étaient dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Sur le fond, et on y viendra notamment tout à l’heure avec les articles 20 à 24, il y a toute la problématique de ce que l’on appelle l’« hospitalisation sans consentement ». J’imagine d’ailleurs que vous changerez le nom, parce qu’il s’agit plutôt d’aller vers des « soins sans consentement ». L’une des réformes fondamentales, en effet, serait de ne plus considérer l’hospitalisation comme le point d’entrée unique du recours aux soins.

On voit bien que ces notions sont déjà obsolètes, traduisant une vision archaïque de la psychiatrie. Nous espérons que d’ici à l’ordonnance vous aurez appris à parler moins d’hospitalisation que de soins à la demande de tiers ou de soins d’office. Soyons clairs : si l’hospitalisation de certains patients est nécessaire, elle ne doit pas devenir la solution systématique, ni même privilégiée pour dispenser des soins à la demande de tiers.

L’article 18 vise à renforcer le dispositif de contrôle des sorties d’essai des personnes placées en établissements psychiatriques d’une durée de trois mois renouvelable. La question qui se pose, outre le problème du fichage, est celle de savoir dans quelle mesure les autorités, notamment les maires, doivent être informées de ces hospitalisations. En réalité, cet article pose à la fois un problème de forme et un problème de fond.

Il est critiquable quant à la forme en ce qu’il fait courir aux patients objets d’une obligation de soins ou d’une hospitalisation d’office le risque d’être stigmatisés comme patients dangereux. Or, s’il est vrai que des patients dangereux sont hospitalisés d’office, les hospitalisés d’office ne sont pas tous dangereux.

Le problème de fond porte sur la possibilité d’informer le maire sans violer le secret médical. Il nous paraît que, si cette information se justifie dans des cas très particuliers, elle ne doit pas être la règle. Les hospitalisations d’office qui ne posent aucun problème d’ordre public ne regardent que la personne concernée. Nous ne voyons pas pourquoi, par exemple, les maires devraient être informés des hospitalisations d’office des personnes dépressives visant à les protéger de risques avérés de suicide. Nos débats ont fait apparaître chez certains de nos collègues une conception excessivement protectrice de leur rôle qui les pousse à vouloir tout savoir de leurs concitoyens. Je pense qu’il convient de freiner cette tendance, qui est dangereuse pour la mission des maires et pour la société.

Mme la présidente. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement a été rejeté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 654.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 257.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je rappelle que le Sénat a adopté un amendement prévoyant que les procureurs de la République seront informés de toutes les sorties d’essai des personnes ayant fait l’objet d’une hospitalisation sans consentement. Si cette information est pleinement justifiée s’agissant des personnes qui ont fait l’objet d’une hospitalisation après avoir commis une infraction et bénéficié d’un classement sans suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement en raison de leur trouble mental, elle ne l’est en rien dans les autres cas. L’amendement n° 257 vise à éviter de noyer les procureurs sous un flot d’informations inutiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 257.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 576.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement a pour objet de permettre au maire d’être informé quarante-huit heures avant la sortie d’essai. En effet, les sorties d’essai nécessitent des aménagements dans certains cas, notamment pour sécuriser le logement, avant que la personne ne sorte de l’hôpital. Il convient donc de prévoir une information préalable, mais les vingt-quatre heures prévues par l’article ne sont pas suffisantes, surtout quand les personnes en cause sortent en fin de semaine. Je propose donc que nous substituions, à la fin de l’alinéa 4, aux mots « vingt-quatre heures » les mots « quarante-huit heures avant la sortie d’essai ».

Je précise, pour lever toute ambiguïté, que cette information n’a pas d’autre but que de permettre au maire de procéder aux aménagements nécessaires. Il m’est arrivé de n’être informé d’une sortie d’essai que longtemps après, et par la rumeur publique, alors même que le logement de la personne en cause était équipé d’un chauffage au gaz, source de danger pour elle-même et les autres habitants de l’immeuble. Cette mésaventure a inspiré cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable : je ne comprends pas pourquoi la sortie d’essai serait soumise à un régime différent de celui de la sortie définitive, dont le maire est informé sous vingt-quatre heures.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il est également défavorable, même si je comprends, monsieur Lagarde, votre souci de pouvoir préparer matériellement le retour à domicile de la personne après une sortie d’essai. Mais l’argumentation du président de la commission des lois ne manque pas de force : une différence de régime juridique n’est pas justifiée. Surtout une telle disposition serait en pratique très difficile, voire impossible à appliquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je crois franchement, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, que la navette permettrait de régler ces problèmes d’alignement pour que les délais soient les mêmes.

Vous devez savoir qu’en réalité les maires ne sont même pas informés vingt-quatre heures, mais plusieurs semaines, voire plusieurs mois après la sortie. De toute façon, si l’on veut que cette information soit un véritable outil de prévention, dans l’intérêt de la personne elle-même, il est nécessaire que les maires soient prévenus avant la sortie : être prévenu vingt-quatre heures après la sortie n’a qu’un intérêt relatif car il peut être déjà trop tard.

Enfin, s’agissant d’une personne souffrant de troubles psychiques, il est plus facile d’intervenir en son absence, que ce soit par le biais d’un bailleur social ou par la voie d’un arrêté municipal, dont l’exécution demande du temps. Une fois qu’elle est présente, elle peut par exemple refuser que l’on accède à son logement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 576.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18, modifié par l’amendement n° 257.

(L’article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 18
(amendement précédemment réservé)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 416, portant article additionnel après l’article 18.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous informe, madame la présidente, que nous allons vous saisir d’une demande de scrutin public sur cet amendement.

Pour les raisons que j’ai indiquées à l’instant, nous préférons dans cet amendement parler d’obligation de soins plutôt que d’hospitalisation. Cet amendement s’inscrit aussi dans un contexte plus général : il est inacceptable que le texte déroge au principe fondamental du consentement du malade aux soins, qui a été posé par la loi relative aux droits des malades, loi refondatrice de notre protection sanitaire – je suppose que vous en conviendrez, monsieur le ministre.

Je fais remarquer au passage, car j’aurais peut-être l’occasion d’y revenir, que nous décalquons, d’une façon peut-être un peu automatique à mon avis, le régime existant de l’hospitalisation sans consentement à Paris, où elle est demandée par les commissaires de police ou le préfet. Si nous n’avons pas voulu entrer dans une redéfinition du pouvoir de police à Paris, nous n’approuvons pas quant au fond une telle division des tâches.

Il s’agit donc à la fois de faire évoluer la notion d’hospitalisation vers la notion de soins, et d’aller vers un alignement des deux régimes de l’hospitalisation d’office et de l’hospitalisation à la demande d’un tiers en posant le principe d’une période d’observation de soixante-douze heures. Celle-ci doit permettre de prendre une décision en fonction de l’évolution de l’état du patient, qui soit fondée sur des bases médicales dans le respect des droits du malade, et non sur des considérations artificielles d’ordre public.

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 416, je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 416 ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il est défavorable. Franchement, monsieur le député, je ne vous comprends plus : vous reprochiez à ce texte de comporter des articles relatifs à l’hospitalisation d’office, et voilà que vous vous précipitez sur l’occasion pour y introduire l’hospitalisation à la demande d’un tiers ! Puisque cet amendement doit faire l’objet d’un scrutin public, je veux bien que vous me donniez de plus amples explications !

En repoussant cet amendement, on vous évitera des ennuis avec les associations, qui souhaitent, elles, une réforme d’ensemble de la loi de 1990, et qui ne tiennent certainement pas à ce qu’on fasse une confusion entre hospitalisation d’office et hospitalisation à la demande d’un tiers.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous pourrez toujours nous prendre en défaut, monsieur le ministre, puisque le fait même de proposer des amendements à ce texte nous met en porte-à-faux avec nos convictions. Nous sommes donc condamnés à cette alternative : soit nous partons (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Michel Herbillon. Oh ! non ! Ne partez pas !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ce serait dommage en effet !

M. Jean-Marie Le Guen. …soit nous proposons des amendements afin d’essayer de faire évoluer les conceptions des uns et des autres. Ayant fait le choix du pragmatisme et de la modération et sachant que le Gouvernement a la maîtrise de notre ordre du jour, nous sommes bien obligés d’intervenir sur ses textes si nous voulons avancer vers des propositions toutes différentes. Ce n’est pas pour autant que nous ne jugeons pas ce texte profondément détestable, tant sur la forme que sur le fond.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le scrutin étant public, vous avez encore le temps de revenir sur la position de votre groupe !

M. Jean-Pierre Blazy. Dans ce cas, il nous faut une suspension de séance pour que notre groupe puisse se réunir ! (Rires.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 416.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

…………………………………………………………

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée nationale n’a pas adopté.

Article 19
(précédemment réservé)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l’article 19.

M. Serge Blisko. Vous ne vous étonnerez pas que le groupe socialiste – il n’est d’ailleurs pas le seul – souhaite la suppression totale de l’article 19. En effet, cet article introduit une très grande confusion, ou, plutôt, il pratique l’amalgame en associant aux malades psychiatriques la notion de délinquance.

Nous étions tous convenus que la psychiatrie, régie par la loi de 1838 améliorée en 1990 puis éclairée de nouveau par la loi de 2002 sur le droit des malades, méritait un débat de fond, qui pourrait porter notamment sur l’hospitalisation psychiatrique, la place de la psychiatrie hospitalière ou même sur l’offre de soins en psychiatrie. Quelle que soit la disponibilité de M. le ministre, que nous remercions d’être là, ce n’est manifestement pas ce soir que nous pourrons avoir ce débat. C’est d’autant plus troublant que les maladies qui relèvent de cette discipline sont aujourd’hui en plein développement dans notre pays, pour des raisons dont nous pouvons nous faire quelque idée. Pourtant, je le répète, ce n’est pas ce soir que nous débattrons de ce qui conduit des hommes, des femmes et des enfants de plus en plus nombreux à faire appel à la psychiatrie, tant publique que libérale, ou aux nombreuses structures extra-hospitalières existantes.

Non seulement nous manquons là une occasion d’ouvrir le débat, mais il se trouve même que nous le fermons. Vous l’avez bien senti, monsieur le ministre, lors de la discussion que nous avons eue la semaine dernière sur l’ordonnance relative à l’organisation de certaines professions de santé : il ne s’agissait pas pour nous de nous moquer de la diététique, comme vous nous en taxiez, mais d’affirmer qu’il n’est pas possible de discuter à la fois de l’hospitalisation psychiatrique et du statut des diététiciens – quelque importance que nous attachions par ailleurs à cette honorable profession, vouée à la lutte contre une autre maladie en plein développement.

Nous n’en avons pas moins ici une occasion extraordinaire. Pour le dire en un mot, des drames comme ceux de Pau ou de Nanterre, qui impliquent des personnes écartelées entre l’hôpital et les soins de ville ou post-hospitaliers, illustrent bien les problèmes trop fréquents liés à la rupture de la chaîne des soins et à la précarité des personnes soignées. De nombreux malades, du reste, abandonnent ou évitent les soins.

L’article 19, qui introduit dans le projet de loi l’hospitalisation psychiatrique et, plus encore, le fichier des hospitalisations sur lequel nous reviendrons à la faveur d’un autre amendement, risque d’inciter les malades à éviter plus encore la psychiatrie. Que ferez-vous lorsque vous saurez qu’en entrant à l’hôpital, votre état – si sérieux soit-il –, les soins que vous recevez, votre hospitalisation même et le fait que vous soyez suivi, fût-ce pour une affection qui n’aura rien à voir avec de graves troubles psychotiques, peuvent vous valoir d’être fiché et signalé à la police, au procureur ou à la mairie ? De même, devant une absence injustifiée ou un comportement légèrement différent de la norme, on pourra se demander si vous ne figurez pas dans le fichier – et cela, monsieur le ministre, quelques précautions que vous puissiez prendre pour que ce fichier soit fermé ou que la consultation en soit malaisée ou réservée à certaines institutions. Ce serait là amorcer une grave dérive, qui n’est pas dans nos habitudes humanistes, et faire de la psychiatrie un instrument du contrôle social.

S’il est évident que, pour bien des gens, la psychiatrie est très liée aux conditions sociales, au vécu social, elle n’est pas pour autant un instrument de contrôle social. Je ne cesserai de le redire, à la suite de tous les psychiatres : dans notre pays, depuis 1945, la psychiatrie a voulu sortir du contrôle social. On n’enferme plus les malades pour protéger le champ social, même si nous savons pertinemment, en tant que citoyens responsables et en tant qu’élus, que certains malades doivent être protégés d’eux-mêmes et que la société doit en être protégée. Mais votre texte nous fait franchir une étape : il marque une rupture épistémologique dans le traitement de la maladie psychiatrique.

Ce n’est pas par hasard, monsieur le ministre, ni parce qu’ils sont hostiles au Gouvernement ou à vous-même que tous les syndicats de professionnels et toutes les associations de malades se sont élevés non pas tant contre le contenu du texte que contre le fait même que, dans un projet de loi consacré à la prévention de la délinquance, sept articles – les articles 18 à 24 – traitent de l’hospitalisation psychiatrique. Ils se sont sentis niés, bafoués. Ils ont surtout senti une grande régression par rapport à l’histoire de la psychiatrie française.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 655, tendant à supprimer l’article 19.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je souhaite qu’on nous explique à quoi servent le fichier des hospitalisations et sa connexion nationale, et pourquoi ce fichier est établi sur la base des hospitalisations d’office. On pourrait concevoir, en effet, qu’il recense plutôt la dangerosité, car il existe incontestablement des cas pathologiques, de grands paranoïaques ou des personnes souffrant d’une pathologie mentale dont nous avons toutes les raisons de penser qu’elle peut les rendre dangereux pour autrui ou qu’elle exige, comme dans le cas des grands suicidaires, qu’il faille prévenir leur entourage – mais encore cela n’est-il pas très clair. Si on laisse sortir ces patients de l’hôpital, n’est-ce pas, a priori, parce qu’on a observé une stabilisation de leur état ou une rémission ? Par ailleurs, je ne vois pas quelle peut être la marge d’intervention des pouvoirs publics – maire ou préfet – face aux problèmes des grands suicidaires, hormis en cas de crise flagrante.

Franchissons un pas et admettons que, dans le cas de malades qui présentent pour autrui une dangerosité exceptionnelle, il faille renforcer la politique de défense de la société. Mais cela ne concerne évidemment pas tous ceux qui figurent sur le fichier des hospitalisations d’office ou des hospitalisations à la demande d’un tiers. À quoi correspond, par ailleurs, la durée de cinq ans fixée pour la conservation des données ?

Tout cela ressemble aux gesticulations de gens qui voient ces problèmes de l’extérieur…

M. Jean-Pierre Blazy. De l’extérieur de la Santé ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. De fait, ils ne semblent pas être dans le coup et leur approche de la dangerosité est décalée.

Trop d’information nuit à l’information. Si l’on recense dans ce fichier tous ceux qui, par exemple, ont été hospitalisés après une forte « cuite » ou une tentative de suicide et qu’on ne focalise pas l’information sur le critère d’une dangerosité particulière, le critère de l’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers n’a guère d’intérêt.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement n° 655 a été rejeté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Avis défavorable. Si la mise en place de ce fichier ne prévoit pas d’intervenant médical, c’est précisément parce que ce fichier n’est nullement médical : sa vocation est purement administrative et seules les autorités ayant compétence en matière d’hospitalisations d’office pourront y accéder.

Nous nous sommes efforcés de répondre à une question importante, qui s’est posée dès le début de notre réflexion.

De même, c’est à la demande de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, qu’a été introduite dans l’article 19 une nouvelle disposition interdisant la mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion avec d’autres fichiers, afin d’assurer une étanchéité totale et de faire en sorte que le traitement ne concerne que les données administratives. Ce fichier, dont la constitution répond au besoin d’accéder à l’information par-delà les frontières administratives des départements, sera, je le répète, administratif – et seulement administratif.

M. Jean-Marie Le Guen. Alors, à quoi servira-t-il ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 655.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 417.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. L’amendement n° 417 a pour objet la déconstruction du texte du Gouvernement et vise à cantonner les fichiers à l’échelle départementale. Je n’ai toujours pas compris à quoi servaient ces fichiers, si tant est qu’ils aient un sens. Si leur objet est du domaine de la sécurité publique, ils ne me paraissent pas très adaptés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Souscrivant à votre jugement, monsieur Le Guen, qui déclariez tout à l’heure que « trop d’information tue l’information », je suis surpris par cet amendement parfaitement attentatoire aux libertés publiques. En effet, vous oubliez de citer une partie de votre amendement : les fichiers que vous envisagez ne sont pas seulement départementaux, ils « sont interconnectés entre eux ». Il existerait donc dans chaque département un fichier de toutes les hospitalisations sous contrainte, et non pas seulement des hospitalisations d’office, auxquelles se limite le fichier que se propose de créer le projet de loi et qui concernent des malades dont le comportement porte gravement atteinte à l’ordre public. Comme l’exprime très clairement votre amendement, vous proposez de ne pas vous limiter à cela. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si je reconnais humblement que les membres de la commission des lois sont moins spécialisés que ceux d’autres commissions, je puis tout de même affirmer qu’en matière de libertés publiques, je sais de quoi je parle. Il est curieux que cet amendement, par lequel vous semblez vouloir généraliser les fichiers, se situe aux antipodes de votre discours. Mieux vaudrait, monsieur Le Guen, le retirer. À défaut, il pourrait être amusant de demander un scrutin public – mais nous n’avons pas de temps à perdre. Il ne faut pas, en tout cas, voter cette disposition, qui est gravement attentatoire aux libertés publiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable. Je préfère ne pas argumenter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est, je le répète, un amendement de déconstruction de votre dispositif. Quant à l’interconnexion, tout dépendra de la manière dont elle sera mise en œuvre ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Riez toute la soirée si vous voulez ! Toujours est-il que vous n’avez pas été capables de nous expliquer d’une manière cohérente à quoi servira le fichier des hospitalisations d’office que vous demandez au législateur de créer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Aujourd’hui, la seule manière de disposer d’informations sur des hospitalisations d’office intervenues dans un autre département serait que le préfet décroche son téléphone pour en demander ! Le fichier que nous proposons de créer permettra au moins de rendre ces données disponibles.

Quant à votre amendement, s’il déconstruit quelque chose, c’est le secret médical.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais non !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Mais si ! Les fichiers contiennent les certificats médicaux et leur interconnexion donnera donc accès à ces certificats. Mais, de toute évidence, vous ne le souhaitez pas plus que nous, et nous n’avons donc pas l’intention de vous jeter la pierre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 417.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 258.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement vise à permettre aux préfets et aux personnes désignées par eux d’accéder au futur traitement national informatisé, alors que le Sénat en avait réservé l’accès aux DDASS. Nous revenons ainsi à la version initiale du projet de loi. J’entends déjà le Gouvernement dire qu’il est favorable à l’amendement. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le rapporteur, l’avis du Gouvernement est en effet favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 258.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 259, qui est de conséquence…

M. Philippe Houillon, rapporteur. En effet, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 259.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements n°s 577 et 428 tombent.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Les alinéas 5 à 8 de l’article 19 ont été remplacés par une seule phrase : « L’autorité judiciaire est destinataire des données d’enregistrement dans ce traitement. » Cela a fait tomber mon amendement n° 577 et signifie qu’à aucun moment cette base de données ne sera accessible à un maire. Certes, monsieur le ministre, on débat pour le principe puisque c’est vous qui rédigerez l’ordonnance, mais, pour une fois, l’Assemblée peut s’exprimer sur un tel texte !

J’appelle votre attention sur le fait que mon amendement prévoyait de permettre au maire d’être informé de l’hospitalisation d’office des personnes habitant dans le ressort de sa commune. Un maire a la faculté de prononcer une hospitalisation d’office et il a donc besoin de savoir si la personne concernée est connue des services psychiatriques, d’autant que, comme vous le savez, il doit prendre une décision souvent assez tard le soir ou le week-end, alors qu’il n’est pas très entouré et ne dispose pas de beaucoup d’informations.

J’avais pris la précaution dans mon amendement de prévoir que les informations dont le maire pourrait disposer ne devraient en aucun cas être automatisées, mais qu’elles devraient lui permettre de savoir si la personne a des antécédents.

J’ai vraiment eu de nombreuses expériences en la matière. Savez-vous comment cela se termine, monsieur le ministre ? On demande aux pompiers d’intervenir sur un appel qu’on a simulé pour qu’ils puissent entrer chez la personne et apprécier la situation. Ce n’est pas très sain. J’ai procédé ainsi, alors que j’étais un tout jeune maire, s’agissant d’un jeune homme signalé par un de ses proches, qui avait disparu depuis trois jours, cloîtré dans son appartement, et dont je ne savais pas du tout s’il avait des antécédents. Sinon, il aurait fallu que je prévienne le directeur du cabinet du préfet pour qu’il fasse forcer la porte du domicile du jeune homme.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout cela part d’un bon sentiment, mais ce n’est pas possible !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais je ne cherche pas à savoir ce dont il souffre, monsieur Le Guen, mais si c’est quelqu’un qui est déjà connu des services concernés. C’était une personne en situation de détresse, et être obligé de contourner la loi par de telles voies me paraît regrettable. Le maire pourrait, à la longue, parvenir à constituer son fichier puisque, après tout, il finit, par retour du courrier du préfet, par savoir qui a déjà été interné, mais je pense qu’il serait préférable de le savoir par le fichier national, qui n’a qu’une valeur purement administrative.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Votre amendement est tombé ! On ne peut pas parler éternellement sur des amendements tombés !

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le rapporteur, si vous le souhaitez, je peux m’exprimer sur tous les amendements. Je ne pense pas avoir particulièrement ralenti le débat. Maintenant, si vous voulez que je le fasse, je vais le faire !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Au point où j’en suis…

Mme la présidente. Allons, monsieur Lagarde !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela commence à bien faire ! J’invite en tout cas le ministre – pas le rapporteur – à réfléchir pendant la période de rédaction de l’ordonnance à cette possibilité d’élargir l’accès au fichier national.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Je comprends tout à fait les bons sentiments qui animent notre collègue Jean-Christophe Lagarde, mais il n’est pas possible que le maire sache si une personne a ou non des antécédents psychiatriques, par exemple si elle a déjà fait l’objet d’une hospitalisation d’office, parce que ce serait une violation importante du secret médical. À cet égard, il y a une ambiguïté très forte dans le projet de loi parce que celui-ci laisse à penser à nombre de nos collègues maires, et M. Lagarde en est la preuve, qu’on va leur apporter cette information.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et que se passe-t-il quand l’hospitalisation d’office est de notoriété publique ?

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 260.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement vise à permettre la consultation du traitement automatisé par certains agents des préfectures dans le cadre de l’instruction des mesures d’autorisation de port d’armes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il ne faut pas faire des médecins les garants de l’innocuité de chacun d’entre nous, nous qui avons soi-disant vocation à porter des armes. Je ne vois pas comment on peut demander à un médecin d’intervenir dans ces conditions.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le rapporteur, le médecin n’est pas un magicien. Je ne peux pas savoir, en vous voyant aujourd’hui, si vous allez faire une bouffée délirante dans quinze jours.

M. Claude Goasguen. Ou même avant ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Parfois, je peux le deviner, mais je m’aperçois qu’il y a beaucoup de cas où je n’ai rien vu venir. (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Ça, c’était au PS ! On n’en est pas là ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. L’amendement mentionne le préfet de police, ce qui me permettra de vous citer notre collègue Nicolas About, président de la commission des affaires sociales du Sénat. Cette citation apportera un éclairage nouveau sur la manière dont les choses peuvent encore se passer dans notre belle capitale : « Mardi dernier, à seize heures trente, une personne handicapée, estimant qu’elle était spoliée de ses droits, est venue dénoncer devant l’Assemblée nationale, à l’aide d’une pancarte, le sort que lui réservait l’UNEDIC. Quelques minutes plus tard, elle a été saisie par neuf policiers, dont trois en civil, et emmenée à l’hôpital Georges-Pompidou. À une heure du matin – l’hôpital n’a sans doute pas souhaité le garder –, cet homme a été transporté à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, 3 rue Cabanis. Déshabillé, mis en cellule, privé de toute possibilité de joindre ses proches, cet homme est resté jusqu’au lendemain matin à attendre l’arrivée du psychiatre, qui n’aura mis que dix minutes pour reconnaître qu’il n’avait aucun doute sur l’intégrité psychique et psychologique de la personne examinée. Il est regrettable que les policiers ne s’en soient pas aperçus dans le même délai. »

Voilà qui nous autorise à douter de la façon dont l’hospitalisation d’office est organisée, notamment à Paris. Il faudra s’en souvenir lorsque nous examinerons d’autres amendements qui nous amèneront à parler de la manière dont les choses se passent dans la capitale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 260.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 261, qui est d’ordre rédactionnel.

M. Philippe Houillon, rapporteur. En effet, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20
(précédemment réservé)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l’article 20.

M. Serge Blisko. Je suis autant tourmenté par l’article 20 que par l’article 19. Mon argumentation sera donc la même et je ne la répéterai pas : mon postulat est que les hospitalisations sans consentement n’ont pas leur place dans un projet de loi traitant de la prévention de la délinquance.

Je remarque que mon inquiétude à voir de telles dispositions dans ce texte est largement partagée, y compris dans les rangs de la majorité, notamment par tous ceux qui connaissent ces questions. On peut certainement avoir raison parce qu’on est majoritaire, mais peut-on avoir raison contre toute une profession, contre les malades, contre les patients, contre l’évolution normale de la psychiatrie et de celle que nous souhaitons ?

Aujourd’hui, on est très loin des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Ce projet de loi s’inscrit dans une vision extrêmement réductrice de la psychiatrie. Mon collègue Jean-Marie Le Guen a montré que vous abordez la psychiatrie d’une façon extrêmement archaïque, seulement par le biais de l’hospitalisation, et dans son noyau dur, dans sa partie la plus grave : l’hospitalisation sous contrainte, c’est-à-dire la perte de liberté. Partant de là, vous essayez de tout régler par l’hospitalisation. Or chacun sait qu’il y a des gens dangereux qui ne sont pas hospitalisés – M. Le Guen n’a-t-il pas parlé de bouffées délirantes imprévisibles ? Ceux qui viennent de voter l’amendement n° 260 se rendent-ils compte qu’on est parti du préfet, et que l’on en est déjà au niveau des agents de préfecture ? Le fichier va donc pouvoir être consulté par eux à chaque fois que quelqu’un aura affaire à la préfecture. Et pourquoi pas quand on devra conduire un avion, un bateau, un camion, ou même une voiture ? Nous sommes dans le contrôle social de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, auront eu affaire aux psychiatres.

Je termine en soulignant que le résultat de ce dispositif sera paradoxal : il va y avoir un grand nombre de gens qui auraient besoin de la psychiatrie, sans pouvoir évidemment aller dans le privé, et qui, eu égard à la porosité entre leurs besoins médicaux et la mise en place de ces fichiers et de ces contrôles, vont finalement renoncer à se faire traiter. À force de vouloir contrôler, vous mettrez un grand nombre de personnes hors contrôle médical car vous aurez substitué à celui-ci un contrôle social et policier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L’article 20 est sans doute le plus caricatural de tout ce que nous redoutons et dont nous ne voulons pas dans votre dispositif. Cet article est assez simple, mais sans doute un peu compliqué pour ceux d’entre nous qui ne sont pas les plus au fait de la question.

Aujourd’hui, une personne peut être hospitalisée sans son consentement de deux manières : l’hospitalisation d’office ou l’hospitalisation à la demande d’un tiers. Pourquoi deux voies différentes ? Soit vous êtes dans un contexte familial ou social à peu près repéré, et quelqu’un va demander votre hospitalisation et signer pour vous si vous n’avez pas conscience qu’elle est nécessaire ; soit il s’agit de personnes isolées, perdues, et c’est alors les pouvoirs publics, en l’occurrence le préfet, qui se substituent aux personnes concernées et en demandent l’hospitalisation d’office. Nous avons développé, dans la loi de 1990, l’hospitalisation à la demande d’un tiers parce qu’elle est apparue beaucoup plus souple que l’hospitalisation d’office.

Or l’article 20 transforme complètement les notions de HO et de HDT puisqu’il dispose que toute personne qui présente un danger pour la société n’a plus le droit d’être en HDT, mais doit être, même si le placement est fait à la demande d’un tiers, en hospitalisation d’office. La distinction entre HO et HDT ne s’effectue plus par le mode d’entrée, mais par une prétendue dangerosité vis-à-vis de la société.

C’est à travers l’article 20 que l’on comprend mieux l’article 19 relatif au fichier.

Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le ministre, lorsque je vous ai demandé à quoi servait le fichier des personnes hospitalisées d’office. On peut dès lors se demander à quoi sert l’article 20, car on va transformer l’hospitalisation d’office en hospitalisation de personnes présentant un danger particulier pour la société.

Pourtant, associations et professionnels – qui interviendront en ce sens auprès de vous pour les ordonnances – souhaitent que l’on rapproche HO et HDT. Cette dernière pose problème aujourd’hui, car, souvent, il n’y a pas de tiers. Nous voudrions donc que des personnes privées – associations de malades ou intersecteurs, par exemple –, aient vocation à faciliter la HDT afin d’éviter la HO, laquelle suppose une procédure plus lourde.

C’est en tout cas ce que j’ai entendu de la part des professionnels de la psychiatrie et des associations spécialisées dans le domaine de la santé mentale, qui sont tous très réticents à l’hospitalisation d’office. Il est de plus possible que nous ayons un jour des problèmes vis-à-vis de la législation européenne. L’hospitalisation d’office fait d’ailleurs régulièrement l’objet de poursuites judiciaires de la part de personnes qui y voient une atteinte aux libertés individuelles – ce qui n’est pas mon avis. J’ignore où en est le contentieux porté devant la Cour européenne des droits de l’homme mais, même si la situation est stabilisée, elle n’est guère favorable.

Je le répète, je ne suis pas pour de tels recours, mais le renforcement de l’hospitalisation d’office, dans ces conditions, n’est guère opportun. Gardons-nous d’y « ghettoïser » les personnes dangereuses pour la société : ce serait une stigmatisation très dangereuse.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 656, tendant à supprimer l’article 20.

Considérez-vous, monsieur Le Guen, avoir défendu cet amendement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais interroger le ministre sur un point. L’article 20 sera sans doute adopté – ce qui n’aura d’ailleurs pas de conséquences immédiates – ou repris dans l’ordonnance : les personnes portant « atteinte de façon grave à l’ordre public » ne relèveront plus, en ce cas, de l’hospitalisation sur demande d’un tiers.

Or l’article L. 3212-1 du code de la santé publique dispose : « Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte. »

Si quelqu’un me sollicite en tant que maire pour cette demande, comment, après l’adoption de l’article 20, pourrai-je savoir si cette personne représente une menace grave pour l’ordre public ? On va me demander de recevoir une personne que je ne connais absolument pas. Cela m’arrive d’ailleurs souvent, mais, en l’occurrence, je serai peut-être amené à recevoir une demande illégale, puisque je ne pourrai pas savoir si la personne est visée par la disposition prévue à l’article 20.

Comment les choses vont-elles se passer en pratique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre, monsieur Lagarde. Les demandes émanent soit des personnes elles-mêmes, soit de leurs familles. Pourquoi évoquez-vous donc le rôle du maire ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, de n’avoir pas été assez clair.

Il est établi que « la demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil » et que « cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police […] ». Le commissaire fera ce qu’il veut, mais en tant que maire – puisque cela figurera au Journal officiel et non dans l’ordonnance –, comment pourrai-je juger si cette personne est susceptible de porter gravement atteinte à l’ordre public ? Si c’est le cas, je n’aurai pas le droit de recevoir sa demande manuscrite.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cela ne change rien par rapport au droit actuel !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si, monsieur le ministre, puisque l’article 20 propose d’exclure une catégorie de patients de l’hospitalisation sur demande d’un tiers. La demande qu’un maire recevait hier risque donc de n’être plus recevable demain.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le sujet est technique et votre question précise.

Le cas que vous évoquez relève de l’hospitalisation d’office. La rédaction proposée ne modifie pas le dispositif : elle clarifie la procédure mais ne change rien sur le fond.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si quelqu’un vient me soumettre une demande, je ne suis pas en mesure de savoir si cette dernière relève de l’hospitalisation d’office !

M. le ministre de la santé et des solidarités. La personne en formule la demande : nous sommes donc dans le cadre de la procédure qui existe déjà.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vais m’efforcer d’être le plus clair possible.

Aujourd’hui, une personne qui demande à être hospitalisée ou à faire hospitaliser un tiers et ne peut formuler sa demande par écrit doit le faire auprès du maire. C’est ce que prévoit l’article L. 3212-1 du code de la santé publique actuellement en vigueur.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il s’agit alors de la procédure de HDT !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes d’accord.

Or l’article 20, qui concerne en effet l’hospitalisation à la demande d’un tiers, prévoit d’exclure de celle-ci les personnes qui « portent atteinte de façon grave à l’ordre public ». Si une personne, qui n’est pas en mesure d’écrire, me sollicite pour une hospitalisation sur demande d’un tiers, comment pourrai-je savoir si cette personne est potentiellement dangereuse pour l’ordre public et si je puis recevoir sa demande ?

Il faut donc clarifier la situation, faute de quoi les maires s’exposeront à recevoir des demandes illégales.

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut alors déclasser la demande, de sorte qu’elle ne relève plus de la HDT. Les hôpitaux psychiatriques peuvent le faire…

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, vous n’avez pas la parole.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Dommage que nous n’ayons pas eu ce débat en commission !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’était rapide !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Mais non, monsieur Lagarde : on avait tout le temps ! Ce n’est d’ailleurs pas vous qui avez rallongé les débats…

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y avait beaucoup de ministres !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le regrettez-vous ? (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons entendu beaucoup de ministres en commission, et peu en séance publique ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Vous avez eu à la fois la quantité et la qualité : vous n’allez pas vous en plaindre ! (Sourires.) Mais je ne veux pas opposer les uns aux autres.

M. Lilian Zanchi. Ce serait risqué pour vous !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non, et ce serait facile.

Peut-être pourrions-nous, si j’ose dire, clarifier la clarification. Je vous propose donc de faire suivre la disposition proposée par les mots : « qui relèvent, elles, de l’hospitalisation d’office ».

M. Jean-Marie Le Guen. Mais comment fait-on le diagnostic ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Je crois qu’il faut revoir le texte.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est ce que je vous propose, surtout s’il s’agit de l’améliorer !

M. Jean-Marie Le Guen. Heureusement qu’il y a les ordonnances !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je dirai même : heureusement qu’il y a le Parlement ! (Sourires.)

En tout état de cause, ce point peut en effet être précisé.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 656.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 497 et 741, qui ont une portée rédactionnelle.

L’amendement n° 497 est-il défendu ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 741 du Gouvernement l’est également…

M. le ministre de la santé et des solidarités. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 497 et 741.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Article 21
(précédemment réservé)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l’article 21.

M. Serge Blisko. Nous changeons de registre mais pas d’esprit, puisque cet article prévoit de renforcer le rôle du maire dans la procédure de l’hospitalisation d’office. Certes, un avis médical est encore requis – heureusement, car tous les maires ne sont pas médecins ou psychiatres –, mais cette extension des prérogatives du maire accroît démesurément son pouvoir dans le déclenchement de la procédure d’hospitalisation d’office. Jusqu’à présent, la décision en ce domaine ne relevait du maire qu’en extrême urgence. Nous sommes en train de passer un cap : demain, le maire pourra mettre en œuvre la procédure dès qu’il y a aura un trouble à l’ordre public.

Comme M. Le Guen l’a indiqué, la situation de la France n’est pas des plus confortables au regard de la Convention européenne des droits de l’homme et du Conseil de l’Europe. Un certain nombre d’organisations sectaires s’intéressent en outre à l’hospitalisation psychiatrique. Elles trouvent parfois des relais dans notre assemblée, puisqu’un groupe de travail sur le sujet a été créé sous cette législature.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce groupe avait été créé pour mener une réflexion sur les hospitalisations d’office…

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, vous n’avez pas la parole !

M. Serge Blisko. …et pour dénoncer le trop grand nombre d’hospitalisations sous contrainte ou d’hospitalisations d’office, en effet.

J’avais appelé l’attention du président de notre assemblée sur l’ambiguïté de ce groupe de travail, qui poursuit ses travaux et a tout de même auditionné au début de l’année la Commission nationale pour les droits de l’homme et du citoyen, émanation de l’Église de scientologie, bien connue dans les milieux psychiatriques.

M. Jean-Marie Le Guen. Et bien connue du ministre de l’intérieur !

M. Serge Blisko. En effet.

Notre système de santé est considéré en Europe comme particulier et, d’autre part, cette secte puissante – et beaucoup plus dangereuse que le Conseil de l’Europe – se sert de l’hospitalisation psychiatrique pour attaquer l’ensemble de notre système de santé dans le domaine de la psychiatrie. Les dossiers que je reçois de ces groupes ne font allusion qu’aux erreurs médicales, et se plaisent à les mettre en avant. Or on sait que, malgré la grande qualité des psychiatres, la psychiatrie est parfois affaire d’appréciation subjective.

Ne tombons donc pas dans le piège d’une augmentation des hospitalisations d’office. Ce serait rendre un bien mauvais service non seulement aux maires, mais aussi à la psychiatrie. En cette affaire, nous devons, si je puis dire, savoir raison garder. Si notre système ne donne pas entière satisfaction, il peut être amélioré. Mais il a permis de poser des limites à l’intervention « extra-psychiatrique ». Hormis deux cas, dont celui des maladies sexuellement transmissibles – héritage du XIXe siècle –, la liberté d’aller et de venir des malades reste entière. On peut refuser, même si ce n’est pas recommandé, de se faire soigner dès lors qu’on est éclairé.

Il est extrêmement délicat qu’une personne qui n’a commis aucun acte délictueux ou criminel soit privée de liberté parce qu’elle présente un danger pour elle-même ou pour autrui.

Et faciliter ainsi le déclenchement de l’hospitalisation d’office par les maires – qui ne sont pas tous médecins ou psychiatres –, même s’ils prennent un avis médical, n’est pas de nature à rendre cette perspective plus satisfaisante, y compris pour des personnes qui en auraient besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, au moment de rédiger les ordonnances, vous n’allez pas pouvoir reprendre tel quel le texte de l’article 21, à moins de courir à la catastrophe. Les translations qu’il opère sont en effet autant de catastrophes.

Il fait d’abord passer du préfet au maire la décision principale d’hospitalisation d’office, ce qui la banalise, dans la mesure où nous avons encore dans ce pays 36 000 communes, contre une petite centaine de départements, contrôlés, eux, par l’administration.

Par ailleurs, on allège la procédure en donnant à 36 000 citoyens la possibilité d’agir, en cas d’urgence, sur simple avis médical, et non plus avec un certificat. Cela signifie que des gestes, certes inacceptables, mais qui ne sont que la manifestation d’humeur d’un paysan vis-à-vis de son maire ou une forme de provocation, comme les grèves de la faim – on en a connu pas très loin de cet hémicycle –, pourront, dans l’urgence, justifier l’hospitalisation.

Outre cette translation du pouvoir de l’État vers les maires, l’article 21 opère un glissement du certificat vers l’avis médical, beaucoup moins contraignant, établissant, à l’alinéa 3, sur lequel je reviendrai, des circonstances particulières à propos desquelles on atteint le sommet de la confusion entre l’hospitalisation et l’emprisonnement !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Se fonder sur la notoriété publique, ce n’était pas mieux !

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 657, tendant à supprimer l’article 21.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour défendre cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 657.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 418.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s’agit de substituer à la notion d’urgence celle de danger imminent. Il peut y avoir urgence à agir pour le maire, parce qu’il a autre chose à faire. La référence au danger imminent est plus restrictive et limite donc l’intérêt à agir.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a rejeté l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Le Guen, vous conviendrez quand même que soumettre la procédure d’hospitalisation à l’existence d’une situation d’urgence et la subordonner à l’intervention du médecin représente un progrès par rapport à la notion de notoriété publique et à la manière vague dont elle était auparavant définie. Il n’y a pas photo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne vais pas défendre l’hospitalisation d’office telle qu’elle existait auparavant. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de modifier la loi de 1990. On a voulu développer la notion d’hospitalisation à la demande d’un tiers au détriment de celle d’hospitalisation d’office, mais on s’est aperçu que l’HO subsistait néanmoins et que l’application et la généralisation de la HDT se faisaient moins facilement qu’on l’aurait pensé. Je suis donc d’accord sur le fait qu’il est nécessaire de revoir les textes pour mettre fin à cette distinction.

Mais nous sommes ici dans un processus où, non seulement la procédure d’HO est maintenue, mais où, de surcroît, on élargit le périmètre de sa mise en œuvre, puisqu’elle peut survenir lorsqu’il y a risque pour autrui, sur simple avis médical. Cet avis, soyons honnête, va surtout se fonder sur ce que l’on aura rapporté au médecin des gestes et de l’histoire de la personne concernée. Ce sera une garantie bien moindre qu’un certificat, qui engage davantage le médecin, psychologiquement et professionnellement.

Je ne défends donc pas la législation précédente, mais ce que propose votre projet de loi est une véritable horreur !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je voudrais revenir sur la différence entre certificat et avis. Le certificat est normé, en particulier par le Conseil national de l’Ordre des médecins, qui envoie aux professionnels un vade-mecum leur permettant d’établir un certificat d’internement, geste grave.

Le conseil de l’Ordre a accompli depuis quelques années un vrai travail de pédagogie pour éviter les problèmes qu’on a connus avec des certificats sur papier libre, notamment dans les affaires de délinquance avec coups et blessures, qui conduisaient à des erreurs manifestes d’appréciation ou à des difficultés d’ordre médico-légal. Il a ainsi voulu mieux formater ce type de certificat.

Quelle forme prendra en revanche l’« avis» ? Sera-t-il écrit ou oral ? Transmis par mail ou par fax ? En trois lignes ou en cinquante ? Sous forme de diagnostic ? Je vous rappelle qu’un diagnostic est confidentiel et soumis au secret professionnel.

Nous sommes avec cette notion face à un risque de dérive et de multiplication des contentieux. Avec le certificat, les médecins avaient un guide, ils étaient sur des rails. Avec l’avis, ils sortent des rails, et je ne comprends pas, monsieur le ministre, pourquoi vous y tenez absolument.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il n’y tient pas absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. L’avis médical, monsieur Blisko, ne vaut que lorsqu’il y a urgence, quand, d’une certaine manière, nécessité fait loi. Dans tous les autres cas, c’est un certificat médical qui est requis. En situation d’urgence, le médecin doit donner son avis sur-le-champ – il ne va pas repasser à son cabinet pour remplir un certificat. Vous pouvez estimer que cela ne va pas assez loin, mais l’avis du médecin constituera quand même une garantie supplémentaire par rapport à la situation antérieure.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 418.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 419.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 3 de l’article 21, selon lequel : « Lorsque l’avis médical précité ne peut être immédiatement obtenu, ou lorsque l’arrêté mentionné au premier alinéa a été rendu mais ne peut être exécuté sur-le-champ, la personne en cause est retenue, le temps strictement nécessaire » – voilà qui est très précis ! – « et justifié, dans une structure médicale adaptée. » Mais c’est quoi, une structure médicale adaptée ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est mieux qu’un commissariat !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un autre problème ! La médecine n’est pas toute-puissante et elle n’enferme pas les gens ! Je suis pour que la police fasse son travail. Si l’on juge qu’une personne doit être enfermée, que la police agisse, pas les médecins ! Et où voulez-vous l’enfermer ? Dans le service des urgences d’un hôpital ? Ce service médical où vous voulez maintenir quelqu’un de force n’existe pas ! On ne peut pas demander à un hôpital d’empêcher les gens de s’en aller s’ils le veulent : c’est dans la loi sur les droits des malades. Aucune structure hospitalière ne retient les gens contre leur gré – sauf les services de médecine pénitentiaire ou les hôpitaux psychiatriques. Et n’allons pas dire qu’on est mieux à l’hôpital qu’au commissariat parce que les gens sont habillés en blanc !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Le suivi médical, ce n’est quand même pas rien !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, dans quelle structure médicale adaptée allez-vous demander aux médecins de retenir les gens de force ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Les urgences psychiatriques !

Mme la présidente. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Aujourd’hui, lorsqu’on veut demander une hospitalisation d’office, il faut l’intervention d’un médecin, le plus souvent appelé par la police nationale ou la gendarmerie. Ce médecin a, en général, sur lui un certificat, qu’il signe, puisque c’est obligatoire. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait assouplir la procédure en se contentant d’un simple avis, d’autant qu’il y a toujours un médecin de garde pour la préfecture de police ou la gendarmerie.

Une fois que le maire a signé l’arrêté sur avis médical, et que la personne concernée se trouve sous sa responsabilité, il lui faut trouver une structure d’accueil. Autant cela est relativement facile dans les grandes villes, où il y a des hôpitaux psychiatriques, autant c’est beaucoup plus difficile dans les zones rurales.

Un de nos collègues, maire en zone rurale, m’a rapporté hier un cas révélateur. Appelé par la gendarmerie au sujet d’un individu suicidaire, il a dû, après avoir en vain tenté de le raisonner, décider l’hospitalisation d’office. Une fois l’arrêté signé en présence du médecin, il lui a ensuite fallu trois heures pour trouver une structure adaptée, parce que seul un hôpital psychiatrique ou ayant un service de soins psychiatriques peut accepter une personne hospitalisée d’office.

J’aurais donc souhaité avoir l’avis du rapporteur et de la commission des lois sur la responsabilité pénale du maire chargé de trouver une « structure médicale adaptée », car ces termes n’ont aucune signification juridique. Si cela signifie que le maire doit garder la personne dans son CCAS ou dans une résidence pour personnes âgées qui possède un service de soins, c’est faire endosser à nos 36 000 maires une responsabilité qu’ils n’ont pas à porter.

Mme la présidente. Souhaitez-vous répondre, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non.

M. Gérard Bapt. Je demande la parole, madame la présidente.

Mme la présidente. Non, monsieur Bapt. Les orateurs de votre groupe ont déjà répondu à la commission et au Gouvernement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je vous ferai observer, madame la présidente, que la commission n’a pas encore donné son avis, mais que deux orateurs ont défendu le même amendement. Serait-ce une nouvelle procédure ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen. Il a raison !

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’aimerais que l’on respecte un peu plus le règlement. On peut certes l’appliquer avec souplesse, mais dans certaines limites ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons renoncé à prendre la parole sur deux amendements ! Mais nous allons rattraper le temps perdu !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Faites comme vous l’entendez !

Selon notre règlement, un amendement ne peut être soutenu que par l’un de ses auteurs, ce qui est loin d’être la règle ce soir. En outre, on oublie de demander l’avis de la commission ! Mais peut-être vaudrait-il mieux ne rien dire et continuer de cette façon !

Monsieur Zanchi, mon avis se fonde sur le code de la santé publique. Je me permets de vous renvoyer aux dispositions de l’article L. 3213-2 du code de la santé publique, qui permettent au maire, en cas d’urgence, de prendre toute mesure appropriée. Nous sommes ici un peu en retrait, puisque nous ne parlons que de retenue. Il peut aussi s’agir d’une personne nécessitant un traitement lourd – mais là n’est pas la question.

M. Lilian Zanchi. Dans quel lieu ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cela peut être dans un établissement médical, naturellement. Mais ce n’est pas une nouveauté. Des dispositions existent déjà dans notre droit positif, que le projet de loi modifie en les restreignant. C’est le seul objet du débat.

La commission a donc rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable.

Mme la présidente. Je pense que l’Assemblée est suffisamment éclairée.

Je mets aux voix l’amendement n° 419.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Madame la présidente, je demande une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

Mme la présidente. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement n° 262.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21, modifié par l'amendement n° 262.

(L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Article 22
(précédemment réservé)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 658, tendant à supprimer l’article 22.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous demandons la suppression de l’article 22. En effet, les garanties médicales accompagnant la décision d’hospitalisation ne nous paraissent pas suffisamment renforcées.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cela va tout de même dans le bon sens !

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous l’accorde. Ainsi, la période d’observation d’un malade en crise passe de un à trois jours, ce qui en effet préférable pour éviter des décisions trop précipitées. Une réflexion avec les professionnels serait d’ailleurs envisageable pour définir des éléments de consolidation du diagnostic. Cependant, une rédaction plus fine permettrait une modernisation plus efficace et plus respectueuse du droit des malades. Le progrès est donc réel, mais encore insuffisant.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable. Je prends acte, toutefois, de l’opinion positive du groupe socialiste sur cet article. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 658.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 263.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’institution d’un délai de soixante-douze heures avant la confirmation de l’hospitalisation d’office est une demande unanime de tous les auteurs de rapports sur cette question. En effet, le délai de vingt-quatre heures est manifestement insuffisant pour établir un véritable diagnostic. Mais s’il apparaît très vite que l’hospitalisation ne se justifie pas, le préfet doit y mettre fin. Il doit donc prendre, dans tous les cas, une première décision de validation au bout de vingt-quatre heures.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22, modifié par l'amendement n° 263.

(L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)

Article 23
(précédemment réservé)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 659, tendant à supprimer l’article 23.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour défendre cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 659.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 264.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 264.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23, modifié par l'amendement n° 264.

(L'article 23, ainsi modifié, est adopté.)

Article 24
(précédemment réservé)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, inscrit sur l’article 24.

M. Jean-Marie Le Guen. L’article 24 rend plus strictes les conditions de levée d’une hospitalisation d’office pour irresponsabilité pénale. Aujourd’hui, il est mis fin à cette hospitalisation sur avis conforme de deux psychiatres et après avis de la DDASS. Or, le projet de loi ne parle plus de « décisions conformes », mais d’« avis convergents », ce qui nous paraît plus contraignant.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Non, c’est le contraire !

M. Jean-Marie Le Guen. Au final, la décision ne revient-elle pas au préfet ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Des décisions « conformes » – pardonnez-moi ce truisme – doivent être rigoureusement identiques. La formule des « avis convergents » me paraît donc plus souple.

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 660, tendant à supprimer l’article 24.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout ce qui est plus restrictif que la législation actuelle freine le processus de sortie. À partir du moment où les soins ne sont pas obligatoires, ce n’est pas une garantie de bon fonctionnement de l’ensemble du système.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 660.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 420 rectifié.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le défendre.

M. Jean-Marie Le Guen. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 420 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 265 et 453, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 265.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il vise à éviter une confusion entre l’avis des psychiatres et celui du directeur des affaires sanitaires et sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour défendre l’amendement n° 453.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 453 ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Favorable à l’amendement n° 265 ; défavorable à l’amendement n° 453.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 265.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 453 tombe.

Je mets aux voix l'article 24, modifié par l'amendement n° 265.

(L'article 24, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec ces articles réservés.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. Je souhaite remercier les députés pour le climat dans lequel s’est déroulée cette discussion. Nous avons essayé de répondre au fond à des questions sincères, et le débat a ainsi pu progresser.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous abordons l’examen de l’article 29.

Article 29

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, inscrit sur l’article.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 29 concerne l’injonction thérapeutique.

Nous avons déjà évoqué le sujet. Le Gouvernement présente comme une solution au problème de la toxicomanie le passage de tous ceux qui se trouvent en situation d’infraction à la suite d’une consommation de drogue illicite devant les services du ministère de la justice, afin d’envisager une injonction thérapeutique.

Mais l’idée est plus vieille qu’on ne le croit. En 1973, elle était déjà à l’ordre du jour et une circulaire Peyrefitte du 7 mai 1978 préconisait également cette solution. Toutefois, l’injonction thérapeutique n’a de sens que pour les personnes en situation de dépendance, ce qui n’est pas le cas de tout consommateur de cannabis. Parler de dépendance dans ce cas, a fortiori quand il s’agit de consommateurs éventuels, est une erreur non seulement sur le plan médical, mais en matière de stratégie de santé publique.

L’injonction thérapeutique doit être réservée aux toxicomanes. À ce sujet, je regrette que l’Assemblée ait rejeté un amendement relatif aux alcooliques, sujets à une dépendance parfois extrêmement lourde. C’est à ces cas que doit s’intéresser la médecine, alors qu’un discours médical n’a rien à apporter à des usagers ponctuels non dépendants. Pour ceux-ci, il n’y a rien d’autre à faire que d’essayer de les convaincre, ce qui relève d’une tout autre démarche, encore qu’elle ne soit pas sans rapport avec l’éducation de la santé. Répétons-le : une injonction thérapeutique ne permettra pas de traiter des consommateurs de drogue épisodiques et non dépendants ; elle ne peut être légitime, efficace et justifiée que dans les cas de dépendance.

De plus, le corps médical répugnera à l’idée de soigner par la contrainte, et demeura toujours attentif au respect du secret médical. Enfin, notre pays est très loin de posséder les ressources humaines qui permettraient de répondre à tous les besoins médicaux et pénaux.

Autant de raisons qui nous amènent à considérer que l’injonction thérapeutique n’a aucun caractère novateur. Le Gouvernement et le législateur feraient mieux de réfléchir aux modalités d’une telle mesure et aux moyens à lui consacrer. Son nom lui-même est peut-être à reconsidérer. Le président de la commission des affaires culturelles a souligné à juste titre que le terme d’injonction, si proche de celui d’injection, peut créer une confusion : il fait croire qu’on va instiller une substance. Il serait plus juste de parler d’obligation de soins.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 328, qui tend à supprimer l’article.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre cet amendement.

M. Patrick Braouezec. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Elle a rejeté l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je suis un peu surpris que le groupe communiste demande la suppression de l’injonction thérapeutique. Celle-ci représente un grand progrès scientifique qui, depuis quelques années, nous offre une autre possibilité que la seule sanction, purement négative, alors que, en l’espèce, il s’agit de soigner.

Je suis tout à fait ouvert à l’idée d’un changement de terminologie. Pourquoi, en effet, ne pas parler d’obligation de soins ? Mais proposer de supprimer cette mesure, c’est prendre une grave responsabilité politique, de même que de vouloir changer la loi de 1970 sans pour autant accepter nos propositions. La composition pénale, l’ordonnance pénale pour les majeurs ou l’obligation de soins dans tous les cas de figure et à tous les stades de la procédure sont autant de chances. C’est dans cet esprit que nous avons modifié la loi de 1970 et c’est ce qu’il faut retenir. Ces décisions ont été prises non au détour de la loi de prévention de la délinquance, mais dans cette loi car s’il est des causes à la délinquance, ce sont bien l’alcool et les drogues, qu’elles soient dures ou douces.

L’obligation de se soigner est un des aspects fondamentaux du texte. Je ne saurais trop recommander à l’Assemblée de ne pas la supprimer, car elle est positive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre prétend que l’article 29 représente une innovation considérable. Mais il y a vingt ans, le 12 mai 1987, la circulaire Chalandon préconisait déjà l’injonction thérapeutique pour les usagers récidivistes, quel que soit le produit concerné. Cette disposition était d’ailleurs plus efficace que celle que le Gouvernement nous propose aujourd’hui, puisqu’elle était ciblée sur la notion de récidive. Depuis, une circulaire interministérielle du 14 janvier 1993 a généralisé le recours à l’injonction thérapeutique pour les usagers n’ayant pas commis d’autre infraction.

Cet article est donc loin d’introduire une nouveauté. Il répète ce qui a été fait depuis vingt ans, à ceci près – reconnaissons-le – que le Gouvernement n’a jamais fourni les moyens de cette politique. C’est de nouveau le cas aujourd’hui, ce qui fait que, dans vingt ans, le garde des sceaux pourra à nouveau vanter l’innovation de l’injonction thérapeutique, puisque rien n’aura avancé.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 328.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 290 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 290 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 291.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Le Sénat a estimé que limiter l’injonction thérapeutique à six mois renouvelables une fois, comme le proposait initialement le projet de loi, n’était pas souhaitable pour un traitement médical au cours duquel les rechutes sont fréquentes et dont il est difficile d’évaluer la durée.

Toutefois, la commission a considéré que, compte tenu de la nature nouvelle de l’injonction thérapeutique, il est indispensable que la loi en fixe le délai. Autant il est facile de constater si une cure de désintoxication est suivie ou non, autant il sera difficile pour le médecin relais d’assumer la décision de prononcer la fin de l’injonction. Le risque existe alors que celle-ci se prolonge indéfiniment, ce qui posera des problèmes juridiques insurmontables, puisqu’il ne sera pas possible de constater l’extinction de l’action publique, qui est la conséquence de l’injonction thérapeutique. Il est donc indispensable de fixer une durée maximale à cette mesure, même si celle que le Gouvernement avait initialement envisagée était sans doute trop courte. C’est la raison pour laquelle nous proposons par cet amendement une durée de six mois renouvelable trois fois.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je suis favorable à cet amendement, mais je veux aussi apporter une précision pour éviter toute ambiguïté, au moins dans l’esprit de M. Le Guen. L’injonction thérapeutique n’est pas une sanction, même si elle se décline comme une peine et selon une procédure qui relève de l’application de la peine ; c’est une chance.

Quand je vous entends, monsieur Le Guen, affirmer le plus sérieusement du monde qu’il faut la réserver aux récidivistes, les bras m’en tombent. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Supposez-vous que se droguer une fois n’est pas grave ? Le problème n’est pas de savoir si l’on devient accro à la première prise ou à la deuxième. C’est si dangereux, la drogue !

M. Jean-Marie Le Guen. Arrêtez ! Vous êtes ridicule !

M. le garde des sceaux. Mais peut-être le fond du débat est-il ailleurs, auquel cas il faut le dire plus clairement : peut-être pensez-vous que se droguer un peu n’est pas grave et c’est pourquoi vous voudriez réserver l’injonction de soins aux seuls récidivistes.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne dites pas cela ! Vous ne connaissez rien au sujet, c’est pitoyable !

M. le garde des sceaux. Que je n’y connaisse rien est une chose, mais considérer que l’obligation de soins ne peut s’appliquer qu’aux récidivistes n’est pas la marque d’un esprit qui s’y connaît – ou alors, c’est inquiétant !

Je l’affirme clairement : l’injonction de soin n’est pas une peine, mais une chance, et seuls les députés du groupe socialiste pensent le contraire. Dès lors, je suis d’accord pour ne pas l’encadrer et apporter quelque souplesse à son application.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Tous les ans depuis la mise en place de la LOLFSS, un document est attaché au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui décrit l’état de la nation dans le domaine sanitaire. Une courbe montre de manière très expressive que la progression de la consommation de cannabis ne conduit à la dépendance que dans moins de 10 % des cas. Dès lors, ce que l’on appelle récidive est en fait une prévalence à la dépendance. C’est à ces cas que s’applique l’injonction thérapeutique.

Nous regrettons que le projet de loi transforme le besoin de soins et de suivi en une sorte de sanction thérapeutique qui n’est pas adaptée à la consommation occasionnelle de drogue, même si nous considérons que cette consommation est condamnable, dangereuse et constitue une contravention.

Tant de nos jeunes concitoyens consomment aujourd’hui du cannabis de manière occasionnelle que, à l’évidence, l’injonction thérapeutique doit être réservée aux cas de dépendance. Ne nous faites cependant pas dire ce que nous ne pensons pas : l’usage de cannabis est évidemment dangereux pour des raisons comportementales. Il pose problème en matière de violence, de sécurité routière ou au travail.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 291.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 223.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement tend à réparer un oubli.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 224.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit également de réparer un oubli.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 225.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’article 29 confie au juge d’application des peines le suivi de l’application de l’injonction thérapeutique décidée par la juridiction de jugement. Dans l’état actuel de la législation, cette mission ne lui incombe que pour une obligation de soins prescrite dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve. Dans les autres cas, le responsable de l’exécution des peines est le parquet. Rendre le JAP compétent dans tous les cas complexifiera la procédure et alourdira sa charge de travail, sans apporter une véritable plus-value, compte tenu du rôle confié par ailleurs au médecin relais. En outre, cette question relève du pouvoir réglementaire.

L’amendement vise donc à supprimer du projet de loi la définition de l’autorité chargée du suivi de l’application de l’injonction.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 225.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 226.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 29, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 29, ainsi modifié, est adopté.)

Article 30

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, inscrit sur l’article 30.

M. Jean-Pierre Blazy. En abordant l’article 30, madame la présidente, nous sommes contraints d’entamer le débat sur l’ordonnance de 1945, puisque cet article étend aux mineurs d’au moins treize ans la composition pénale, dont je rappelle qu’elle a été créée par la loi de 1999 pour les majeurs.

Si, comme M. le ministre nous l’a expliqué tout à l’heure, l’injonction thérapeutique n’est pas une sanction, la composition pénale, elle, apparaît bien comme une peine, puisque son exécution fait l’objet d’une inscription au casier judiciaire.

M. le garde des sceaux. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne sommes pas opposés aux peines pour les mineurs, mais, en l’espèce, on renonce aux mesures éducatives. En outre, s’agissant de la consommation de stupéfiants, notamment de cannabis, cet article recèle une contradiction – mais peut-être n’est-elle qu’apparente, monsieur le ministre –, puisque l’injonction thérapeutique fera désormais partie des mesures susceptibles d’être prononcées dans le cadre de la composition pénale, alors qu’elle n’est ni une sanction ni une peine, mais une mesure d’aide.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 227.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 228.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement répond à un souci d’orthodoxie. En effet, s’agissant d’une mesure de composition pénale, mieux vaut ne pas employer le terme de « condamnés ».

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Tout à fait d’accord avec le rapporteur. Monsieur Blazy, la composition pénale est évidemment une peine ; l’injonction de soins est une obligation et une chance. Certes, dès lors qu’elle peut être prononcée dans le cadre de la composition pénale et, qui plus est, être appliquée aux mineurs, elle apparaît aussi comme une peine, mais, comme elle n’a pas l’aspect négatif d’une amende, par exemple, disons plutôt que c’est une obligation.

M. Jean-Pierre Blazy. Elle sera tout de même inscrite au casier judiciaire !

M. le garde des sceaux. Oui, mais au B1, lequel n’est pas ouvert à la fonction publique, et encore moins à l’employeur privé, mais uniquement aux magistrats. Dans ce cadre, le casier judiciaire permet d’éclairer le juge, pour qui il est intéressant de savoir si un usager de stupéfiants a déjà été obligé de se soigner pour cette raison par le passé. Le juge peut ainsi personnaliser la peine en cas de récidive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je rappelle à M. le ministre que la drogue dont il parle est consommée par 50 % des jeunes.

Mme Muriel Marland-Militello. Et alors ? Ce n’est pas pour autant que c’est bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous parlez d’eux avec hauteur comme s’ils vivaient sur une autre planète, mais ce sont nos enfants. Pour vous, ce sont des malades, des gens qu’il faut condamner. Mais enfin, ils vivent au milieu de nous ! C’est ça, la réalité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 228.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 329 rectifié.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 6 et 7 de l’article 30, nos préoccupations rejoignant celles qui se sont exprimées sur les bancs du groupe socialiste.

L’article 30 étend les mesures pouvant être prononcées dans le cadre de la composition pénale et ajoute trois sanctions à celles qui existent déjà : l’obligation d’accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ; l’obligation de se soumettre à la mesure d’activité de jour créée par l’article 39 du projet de loi et l’obligation de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques.

Ces nouvelles sanctions sont applicables aux infractions liées aux produits stupéfiants. À ce sujet, j’ajouterai à ce qu’a dit M. Le Guen, dont je partage les remarques, que l’on peut regretter l’ajout de nouvelles mesures aux quatorze déjà existantes dans le cadre de la procédure de composition pénale, procédure qui, je le rappelle, ne garantit que très peu les droits de la défense, puisqu’elle est prononcée par le procureur de la République sans audience, sans débat contradictoire et, en particulier, sans dialogue préalable avec la personne à laquelle elle s’applique.

Nous sommes, en tout cas, farouchement opposés au dernier alinéa de cet article, qui autorise désormais la procédure de composition pénale pour les mineurs âgés d’au moins treize ans. Nous y reviendrons lors de la discussion de l’article 35, mais nous tenions à préciser les raisons du dépôt de notre amendement de suppression de ce dernier alinéa. Nous souhaitons que cette mesure ne soit pas applicable aux mineurs d’au moins treize ans.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Contrairement à ce que vous avez l’air de penser, monsieur Braouezec, la composition pénale, c’est excellent.

M. Jean-Pierre Blazy. Pour les majeurs, pas pour les mineurs !

M. le garde des sceaux. Mais si ! Tout d’abord, dans la mesure où la peine doit être acceptée, elle oblige le mineur à reconnaître qu’il a commis un délit ; psychologiquement, c’est très important. Ensuite, ce n’est pas le procureur qui décide seul – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais très opposé à l’amendement du président de la commission des affaires sociales, car le visage de notre système judiciaire en serait totalement changé –, puisque le juge des enfants homologuera, ou pas, la proposition de composition pénale. Les choses ne se passent donc pas dans l’obscurité d’un cabinet. Enfin – et c’est important, compte tenu de la psychologie du jeune –, elle permet d’avoir une réponse rapide, ce qui n’est pas le cas avec la justice des mineurs. Plus la peine est prononcée rapidement, mieux c’est, surtout si elle est, en plus, acceptée. Réfléchissez-y, la composition est vraiment une excellente chose pour les mineurs.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 329 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 30, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 30, ainsi modifié, est adopté.)

Article 31

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 330, tendant à supprimer l’article 31.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir cet amendement.

M. Patrick Braouezec. L’amendement n° 330 vise à la suppression de l’article 31, qui étend la procédure de l’ordonnance pénale au délit d’usage de stupéfiants. Cette procédure simplifiée écrite et non contradictoire ne prévoit pas d’audience de jugement. Le choix d’étendre cette procédure pouvant conduire à une condamnation à une amende et, le cas échéant, à une ou plusieurs peines complémentaires sans débat préalable s’inscrit dans la volonté affichée par le texte, dans l’exposé des motifs, d’« organiser la répression de l’usage des stupéfiants ».

Cette approche pénale des problèmes d’addiction en cas de simple usage mérite quelques remarques. L’utilisation de la voie pénale comme modalité de traitement d’un problème de santé publique nous interroge à plus d’un titre, comme l’a dit M. Le Guen tout à l’heure. Cette procédure ne va-t-elle pas empêcher une véritable orientation sanitaire et psychologique ? Les exemples étrangers n’ont-ils pas démontré que la criminalisation de la toxicomanie était inefficace ? À l’inverse, la médicalisation de la réponse et la prescription de produits de substitution n’ont-ils pas fait la preuve de leur efficacité sur le plan sanitaire et sur la réduction de la délinquance – je pense en particulier à la consommation d’héroïne ? Une politique tendant à réduire le nombre de consommateurs ne permet-elle pas de tarir le marché de l’offre illégale, ce qui est bien le résultat recherché ?

Nous considérons pour notre part que seule la prévention sanitaire permettrait d’obtenir des résultats satisfaisants. Alors seulement, nous pourrions parler de politique de prévention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Les motifs avancés par M. Braouezec, à savoir qu’il s’agirait d’une procédure non contradictoire et ne comportant pas d’audience de jugement, sont contredits par la simple lecture du texte du projet de loi, qui dit au contraire que la proposition du procureur de la République est faite en présence d’un avocat désigné pour l’enfant et doit recueillir l’accord des représentants légaux ; c’est ensuite le juge des enfants qui valide la composition pénale après avoir éventuellement procédé, d’office ou à la demande des représentants légaux, à l’audition du mineur. On a donc une double procédure contradictoire. Pour ces raisons, la commission est, je le répète, défavorable à l’amendement n° 330.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. M. le rapporteur se méprend : il ne s’agit pas de la composition pénale, mais de l’ordonnance pénale.

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est exact, j’ai fait une confusion.

M. le garde des sceaux. J’ai expliqué tout à l’heure combien il était intéressant d’appliquer la procédure de composition pénale aux mineurs. L’ordonnance pénale, elle, ne concerne que les majeurs et ne nécessite pas l’accord de l’intéressé. Si celui-ci s’y oppose, il sera convoqué à une audience devant le tribunal. L’ordonnance pénale peut consister en une amende ou en un stage sur les méfaits de la drogue, aux frais de la personne concernée.

L’ordonnance pénale pour les adultes, la composition pénale pour les mineurs, l’injonction de soins à tous les stades de la procédure constituent autant de réponses à la non-application de la loi de 1970 à l’encontre des usagers de la drogue.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 330.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 31.

(L’article 31 est adopté.)

Article 32

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 331, tendant à supprimer l’article 32.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre cet amendement.

M. Patrick Braouezec. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Très défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 331.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 32.

(L’article 32 est adopté.)

Article 33

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 332, tendant à supprimer l’article 33.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre cet amendement.

M. Patrick Braouezec. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 332.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 229.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement n° 229 vise à ce qu’un décret prévoie les modalités d’agrément des associations dispensant le stage « stupéfiants », afin d’éviter certaines dérives.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 229.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 230.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 230.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 33, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 33, ainsi modifié, est adopté.)

Article 34

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, inscrit sur l’article 34.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaite adresser une demande au Gouvernement par l’intermédiaire de M. le garde des sceaux. Chacun s’accorde à reconnaître que la loi de 1970 n’est pas appliquée. Les mesures que nous venons d’adopter, qui modifient la législation relative à la consommation de stupéfiants, concernent une part importante de la population, puisqu’il y a de nombreux consommateurs de stupéfiants – notamment de ce que l’on appelle abusivement les « drogues douces ». J’estime qu’il serait opportun que le Gouvernement procède à une communication importante au sujet de ces changements lorsque ceux-ci auront été adoptés. Faute de quoi, il faut s’attendre à ce que certaines personnes, qui se sont habituées à l’idée que ces infractions ne donnent pas lieu à sanction, ne changent pas de comportement et se retrouvent donc déférées en composition ou en ordonnance pénale sans avoir été prévenues. Une communication relative aux nouvelles dispositions pénales permettrait non seulement de souligner la dangerosité des produits stupéfiants, mais aussi et surtout d’attirer l’attention sur le changement de législation. Certes, l’adage veut que nul ne soit censé ignorer la loi, mais en l’occurrence celle-ci est inappliquée depuis si longtemps que certains doivent considérer cette impunité comme immuable.

M. Patrick Braouezec. Si la loi s’applique, il va effectivement y avoir des surprises !

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Il est totalement inexact de prétendre que certaines personnes pourront faire l’objet d’une procédure de composition pénale ou d’ordonnance pénale sans avoir été prévenues, puisque ces procédures nécessitent soit la présence, soit l’accord de l’intéressé.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je voulais dire que ces personnes pourraient ignorer que la loi a changé !

M. Jean-Marie Le Guen. Cinq millions de consommateurs de cannabis vont se trouver devant les juges !

M. le garde des sceaux. Premièrement, je ne suis pas aussi certain que vous que tous les consommateurs de drogue sachent que la loi de 1970 n’est pas appliquée.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous l’avez dit vous-même tout à l’heure !

M. le garde des sceaux. Quoi qu’il en soit, nous allons faire connaître au public les nouvelles réponses pénales à l’usage de drogues. Comprenez bien que nous ne cherchons pas la punition maximale – en ce cas, il suffirait d’appliquer la loi de 1970 – mais des réponses proportionnées et utiles, au premier rang desquelles l’injonction de soins. À ce propos, je m’étonne de l’opposition manifestée sur les rangs de la gauche, car la science a fait d’énormes progrès depuis 1977, et l’injonction de soins telle qu’on la conçoit de nos jours n’a plus rien à voir avec celle du temps de M. Peyrefitte. Pour paraphraser un message employé au sujet de la cigarette, nous allons pouvoir dire aux gens que nous avons les moyens de leur faire passer le goût de la drogue.

M. Claude Goasguen. Et si nous installions de grands panneaux : « Attention, à partir d’aujourd’hui la loi s’applique » ? (Rires.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 333, tendant à supprimer l’article 34.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre cet amendement.

M. Patrick Braouezec. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 333.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 231.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement me paraît faire œuvre utile en supprimant la circonstance aggravante pour les violences habituelles sur mineur ou personne vulnérable commises par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants.

Dans la mesure où il s’agit de violences habituelles, il paraît difficile d’établir la preuve qu’à chaque fait de violence, leur auteur était sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue – en particulier pour les faits les plus anciens.

Par ailleurs, le caractère habituel des violences constitue déjà une circonstance aggravante, qui s’ajoute à celle résultant de la qualité de la victime. Il paraît donc préférable de supprimer les alinéas 6 et 7 de l’article 34, à la fois en raison du problème de preuve que je viens d’évoquer et pour ne pas créer un troisième niveau de circonstance aggravante. C’est l’objet de l’amendement n° 231, adopté par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 231.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 34, modifié par l’amendement n° 231.

(L’article 34, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour des prochaines séances

Mme la présidente. Aujourd’hui, vendredi 1er décembre, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance ;

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 1er décembre 2006, à zéro heure dix.)