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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Séance du vendredi 1er décembre 2006

77e séance de la session ordinaire 2006-2007

Seconde délibération

MM. le président.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CHRISTOPHE LAGARDE,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loiadopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 35.

Article 35

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je commencerai par vous féliciter pour votre accession au « perchoir », puisque c’est, je crois, la première séance que vous présidez.

M. le président. En effet, et je vous remercie, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce sera peut-être aussi la dernière que nous consacrerons à la première lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, bien que le sujet de cette séance soit essentiel. Nous allons aborder en effet l’énième réforme de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante, en fin de législature, alors que le Gouvernement et la majorité ont déjà pris à trois reprises l’initiative de la réformer. C’est donc la quatrième fois depuis 2002 que nous entreprenons de la modifier.

Chaque fois, on prétend agir dans la continuité de l’esprit qui a présidé à l’élaboration du texte d’origine. L’ordonnance de 1945 était elle-même l’aboutissement d’un long processus engagé avec le code pénal de 1810, oscillant en permanence, tel un balancier, entre deux conceptions de la justice des mineurs, l’une plus éducative, l’autre plus répressive. Une rupture franche est intervenue en 2002, en opposition avec les évolutions du modèle dit protectionnel décidées dans les années quatre-vingt-dix et qui se voulaient à la fois respectueuses des intentions des auteurs de l’ordonnance de 1945 et soucieuses de l’actualiser. Ce mouvement est voulu, sinon par le garde des sceaux, du moins par le ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui aurait souhaité aller encore plus loin si les arbitrages ne lui avaient pas été défavorables.

Comment justifier un tel changement ? Le Gouvernement avance que les jeunes ont changé. Mais c’est vrai de chaque époque ! En 1922, déjà, Émile Garçon, dans son ouvrage intitulé Le Droit pénal, écrivait : « Quoi qu’il en soit, le problème de l’enfance coupable demeure l’un des problèmes les plus douloureux de l’heure présente. Les statistiques les plus sûres – les chiffres, déjà ! – comme les observations les plus faciles, prouvent d’une part que la criminalité juvénile s’accroît dans des proportions fort inquiétantes, d’autre part que l’âge moyen de criminalité s’abaisse selon une courbe très rapide. » Les auteurs du texte d’aujourd’hui ne disent pas autre chose et se fondent sur ce constat pour faire évoluer les seuils, notamment la majorité pénale.

Incontestablement, de nouvelles réponses à la délinquance des jeunes sont nécessaires, et, dans les années quatre-vingt-dix, la gauche a pris ses responsabilités en faisant évoluer le modèle protectionnel dans un sens que d’aucuns pourraient qualifier de plus répressif.

Je constate que mes propos n’intéressent ni le garde des sceaux, ni le rapporteur...

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous les commentons !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous pourrions échanger publiquement.

M. le président. Pour échanger, encore faudrait-il que vous ayez conclu, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. À l’aune des chiffres des mineurs délinquants, votre bilan n’est pas très positif : en 2001, 177 000 mineurs ont été mis en cause, contre 200 000 ou presque en 2005, soit une augmentation de près de 10 % sur la période, et ils commettent près de 20 % des actes de délinquance avec violence enregistrés par la police et la gendarmerie. Or les jeunes âgés de dix à dix-huit ans ne représentent que 10 % de la population. La violence juvénile est donc bien une réalité, à laquelle nous avons, nous aussi, tenté d’apporter des réponses. Cela étant, les mineurs sombrent rarement dans la délinquance : 75 % de ceux présentés à un juge des enfants ne récidivent pas, 15 % reviennent de deux à dix fois devant le juge des enfants et 10 % plus de dix fois.

M. le président. Monsieur Blazy…

M. Jean-Pierre Blazy. Je termine, monsieur le président, et je reviendrai au détail des chiffres ultérieurement.

Nous avons consacré dans ce débat de longues heures à l’absentéisme scolaire, au décrochage scolaire. Effectivement, presque tous les mineurs délinquants sont en échec scolaire. Très souvent, ils vivent dans une famille impliquée dans la délinquance, mais sans que des mesures de protection et d’assistance éducative soient mises en place. Force est de constater que l’on a moins besoin d’une réforme de l’ordonnance de 1945 – une de plus ! – que de sortir la justice des mineurs de la misère budgétaire et financière dans laquelle elle se trouve.

Nous ne sommes pas hostiles par principe à une réforme. L’ordonnance de 1945 ne doit être ni un totem ni un tabou. Des évolutions sont possibles, mais certainement pas de la manière dont vous vous y prenez, en adoptant, en fin de législature, des mesures d’affichage destinées à l’opinion.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c’est la trente-troisième fois depuis 1945 que nous réformons l’ordonnance relative à l’enfance délinquante, et la cinquième fois depuis 2002.

L’article 35 procède à une nouvelle réforme sous prétexte d’endiguer l’aggravation de la violence des mineurs, qui vont parfois jusqu’à commettre des crimes, comme le dit le ministre de l’intérieur. Il ajoutait dans son intervention que « les sanctions actuelles sont inadaptées, car calibrées pour des incivilités, telle l'admonestation ou la remise à parents. Ces fausses réponses sont parfois sans commune mesure avec les faits commis – agressions à main armée ou viols. » Laisser croire à nos concitoyens, monsieur le garde des sceaux, qu’un mineur qui a commis un viol ne se verrait infliger qu’une simple admonestation est proprement scandaleux ! C’est la preuve, encore une fois, de la volonté du ministre de l’intérieur de stigmatiser les jeunes car, tout le monde le sait, l’ordonnance de 1945 pose le principe de la responsabilité pénale des mineurs, responsabilité graduée et atténuée en fonction de l’âge, ainsi que la primauté des mesures éducatives sur les peines.

Je rappelle les chiffres. En moyenne 250 mineurs de plus de seize ans sont chaque année condamnés en cour d’assises, et des peines peuvent être prononcées dès l’âge de treize ans. Le nombre de mineurs mis en cause pour crime ou délit se situe autour de 185 000 en 2005, soit 10 000 de plus qu’en 2001, mais la proportion des mineurs dans l’ensemble des mises en cause est passée de 21,2 % à 18 % en 2005. Certes, les mineurs de dix à dix-huit ans ne représentent que 10 % de la population. Mais j’ajoute, et c’est important, que près de 15 % des mineurs sont eux-mêmes victimes d’actes de violence et d’agressions : c’est la tranche de la population la plus « victimisée », comme le montrent les enquêtes de victimation conduites en France.

Rappelons que le taux de réponse pénale, qui était de 77 % en 2001 a atteint 82 % en 2004 contre, cette même année, 74 % seulement pour l’ensemble des affaires passibles de poursuites. Voilà bien la preuve de l’action et de l’efficacité de la justice des mineurs !

Monsieur le ministre de la justice, pouvez-vous laisser dire par le ministre de l’intérieur que la justice des mineurs est laxiste ? Pouvez-vous laisser dire, comme je l’entends parfois, que les socialistes auraient été plus laxistes que les autres ? Je me contenterai de reprendre les chiffres de l’Observatoire national de la délinquance relatifs à l’activité des juges et des tribunaux pour enfants : en 2004, 6 630 peines d’emprisonnement ferme ont été prononcées à l’encontre de mineurs contre 8 305 en 2001. Le Gouvernement de Lionel Jospin n’a donc pas fait preuve de laxisme envers les plus jeunes.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout cela c’est de l’histoire ancienne !

M. Lilian Zanchi. Pas du tout !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Vous parlez de Lionel Jospin !

M. Lilian Zanchi. Le ministre de l’intérieur aimant à comparer les chiffres, je les compare donc et je demande au garde des sceaux s’il pense que les tribunaux pour enfants n’apportent pas les réponses qu’ils devraient aux violences commises par les mineurs. Dans ce cas, qu’il nous expose sa conception de la justice des mineurs aujourd'hui !

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Elle est connue !

M. Lilian Zanchi. Par ailleurs, en 2005, les transmissions aux juges d’instruction des affaires poursuivables impliquant des mineurs délinquants ont été moins nombreuses qu’en 2001. Dès lors que la saisine du juge d’instruction est obligatoire en matière criminelle, c'est-à-dire pour les affaires les plus graves, sur quel fondement peut-on affirmer que les actes commis par les mineurs sont de plus en plus graves ? Enfin, puisque les juges des enfants ont eu à connaître en 2005 de moins d’affaires impliquant des mineurs de moins de treize ans qu’en 2003, c’est que, loin de diminuer, l’âge des mineurs délinquants augmente. Les chiffres de la justice, monsieur le garde des sceaux, contredisent donc frontalement le discours du ministre de l’intérieur et celui du rapporteur. Qu’en pensez-vous ? Et pourquoi, dans ces conditions, changer une fois encore l’ordonnance de 1945 ?

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, souhaitez-vous répondre maintenant ?

M. le garde des sceaux. Je le ferai à l’occasion des amendements.

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement…

M. le président. …fondé, j’imagine, sur l’article 58-1 de notre règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Bien sûr.

Nous souhaitons tous terminer l’examen de ce texte dans de bonnes conditions. C’est pourquoi je ne voudrais pas être contraint de demander une suspension de séance si nous jugions qu’elles ne sont pas réunies.

M. le garde des sceaux. Cela le reprend !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Pierre Blazy. Tentons de garder notre sang-froid !

Monsieur le garde des sceaux, mon collègue vient de rappeler des chiffres et vous a posé des questions précises, car nous aimerions, avant de légiférer, comprendre sur quoi nous légiférons et surtout pourquoi.

Jusqu’à présent nous avons surtout entendu les déclarations du ministre d’État, et moins les vôtres, du moins dans les médias. Toutefois, nous avons cru comprendre que, s’agissant du nombre de jeunes délinquants, les chiffres du ministère de l’intérieur étaient différents de ceux du ministère de la justice. Nous souhaiterions donc obtenir une réponse de votre part, afin d’avoir un minimum de débat sur la question. Cela nous permettra d’aborder la discussion des articles et des amendements sur l’ordonnance de 1945 dans de bonnes conditions.

Telle est, monsieur le président, la proposition que je me permets de faire à M. le garde des sceaux.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Sur son insistance, je répondrai à M. Blazy dès l’ouverture de cette séance sur la conception que le Gouvernement et moi-même avons de l’ordonnance de 1945, sujet qui nous réunit ce matin.

Cette ordonnance, me semble-t-il, a déjà souffert plus d’une vingtaine de modifications.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cinquante-trois !

M. le garde des sceaux. Il me semble que c’est moins. Toutefois, quel que soit le nombre, ce qui m’importe, c’est de montrer que cette ordonnance ne fait l’objet d’aucun ne varietur, comme si elle relevait des tables de la loi ! Au lendemain de la Seconde guerre mondiale s’est produite, sur la question de la délinquance des mineurs, une évolution non seulement de l’opinion publique, mais également des chercheurs, des travailleurs sociaux, des magistrats et des universitaires, qui a abouti à une approche franchement révolutionnaire. Rappelez-vous : jusqu’à la veille de la guerre, l’éducation des enfants était très rigoureuse, voire très dure – il n’est que de penser aux témoignages de ceux de nos parents qui étaient en internat. Il n’y avait pas à l’époque de tendresse particulière pour les mineurs ! C’est l’ordonnance de 1945 qui a changé notre manière de voir les choses. Elle repose sur trois principes qui régissent encore notre législation.

Le premier, c’est une justice spécialisée pour les mineurs : les tribunaux pour enfants. Je n’ai pas entendu dire qu’on souhaitait revenir sur ce principe.

Le deuxième tient à la primauté donnée à l’éducatif. Mais chacun reconnaîtra qu’en la matière la marge de manœuvre est assez grande. Du reste, primauté ne signifie exclusivité : le respect de ce principe n’exclut donc pas la sanction. Assurément, selon la sensibilité à laquelle on appartient, la position du curseur variera, mais faire preuve d’une plus grande fermeté ne contredit en rien le deuxième principe de l’ordonnance de 1945.

Quant au troisième principe, l’excuse de minorité, je l’évoquerai brièvement puisqu’un amendement du rapporteur nous permettra d’y revenir. Je me contenterai pour l’instant de souligner qu’il est déjà possible d’y déroger.

Ce rapide résumé des principes de l’ordonnance de 1945 montre bien que le législateur dispose de marges de manœuvre en fonction de l’évolution de la société. Lorsque le ministre d’État rappelle une évidence – il est vrai que les évidences recèlent bien souvent des points de discussion –, à savoir que les mineurs d’aujourd'hui ne sont plus ceux de 1945, il a raison !

M. Lilian Zanchi. Évidemment !

M. le garde des sceaux. En 1946 ou 1947, nous n’avions pas ce que nous connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire une concentration excessive dans les quartiers sensibles d’une jeunesse souvent d’origine immigrée.

Par ailleurs, un enfant de dix-sept ans, mesurant un mètre quatre-vingt-dix et pesant quatre-vingt-cinq kilos doit-il être considéré comme un adulte ou toujours comme un enfant ? Je suis de ceux qui pensent qu’il s’agit là d’un beau gaillard ! Il reste assurément un mineur, mais le code pénal – dois-je le rappeler ? – opère déjà la distinction entre les moins de seize ans et les plus de seize ans : pour les 16-18 ans, l’échelle des peines n’est plus la même et les sanctions prévues sont de plus en plus lourdes. Or, comme l’un d’entre vous l’a souligné hier, après dix ans de prison, il est évident qu’on n’est plus le même homme.

La question n’est donc pas celle de l’échelle des peines, mais celle de la politique que nous avons menée depuis quatre ou cinq ans, question que vous suivez avec attention, monsieur Blazy, chacun le sait. Or, durant cette période, nous avons offert aux tribunaux pour enfants une palette complète de réponses. Ici et là, on entend critiquer la pratique de l’admonestation, au motif que – je simplifie à outrance – il n’a longtemps existé aucun moyen terme entre l’admonestation et la prison. Aujourd'hui, en sus de l’admonestation, qu’il n’est pas question de supprimer – le juge y a recours comme un père ou une mère de famille qui commence par gronder avant de punir –,…

M. Pierre Hellier. Évidemment !

M. le garde des sceaux. …de nombreuses réponses sont devenues possibles.

La première réponse : le foyer, qui consiste à sortir le jeune de son milieu de vie quotidien, n’a pas de caractère répressif.

La deuxième, c’est, en cas d’urgence, au plan départemental, le centre de placement immédiat. Il faut se rappeler qu’il y a encore quelques années, nous n’avions pas la possibilité d’apporter de réponse immédiate à une situation d’urgence : nous l’avons désormais.

Troisièmement, les centres éducatifs renforcés prévoient, quant à eux, pour les jeunes des conditions de discipline plus rigoureuses que les simples foyers, du fait qu’ils visent à donner une réponse dans la durée, une réponse qui est donc renforcée, comme le mot l’indique.

Durant la législature, nous avons également introduit, dans la loi d’orientation et de programmation pour la justice, deux grandes nouveautés qui, à mes yeux, règlent le problème. Il a fallu du temps pour y parvenir, mais en France il en faut toujours pour trouver bonnes les nouvelles idées !

Je me permets d’ouvrir une parenthèse : ce matin, à la radio, j’ai entendu d’aucuns déclarer que la justice serait aujourd'hui dans le même état qu’il y a cinq ans ! J’admets qu’on puisse faire la grève pour attirer l’attention des Français, surtout à la veille d’une campagne présidentielle. J’ai même personnellement demandé une deuxième loi de programmation pour la justice pour les cinq prochaines années. Mais comment peut-on occulter le fait que le budget de la justice a augmenté en cinq ans de 38 % et qu’aujourd'hui c’est le poste budgétaire qui connaît la plus forte progression ? Comment peut-on également occulter le fait que 13 200 places de prison, 737 postes nets de magistrats et 3 800 postes de fonctionnaires de l’administration pénitentiaire – au total presque 8 000 postes – ont été créés ? Voilà ce que nous avons fait durant cette législature ! Et j’entends ce matin certains syndicalistes déclarer que nous n’avons rien fait ?...

M. Jérôme Bignon. C’est de la mauvaise foi !

M. le garde des sceaux. Je le dis dans cet hémicycle : j’accepte volontiers qu’on prépare l’avenir et qu’on demande à poursuivre l’effort – j’y suis favorable – mais à la condition qu’on ne nie pas celui qui a été fourni par cette majorité sur le plan législatif.

M. Philippe Houillon, rapporteur, et M. Jérôme Bignon. Très bien !

M. André Schneider. Il fallait le dire !

M. le garde des sceaux. Mon devoir était en effet de rappeler le travail qui a été réalisé durant cette législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je ferme la parenthèse et reviens à l’ordonnance de 1945, dont la position du curseur, je le répète, varie selon les sensibilités. Aujourd'hui, les centres éducatifs fermés et les établissements pour mineurs – ce sont les deux grandes nouveautés – apportent les deux réponses les plus répressives sur le plan pénal à la délinquance des mineurs, sans renier pour autant l’esprit de l’ordonnance de 1945 : ils montrent simplement que la société est capable de sévérité.

Du reste, le débat public ne porte pas sur les 90 % de jeunes délinquants que le juge ne revoit pas : vous avez vous-mêmes cité les chiffres, mais sur les 10 % – le taux exact est sans doute inférieur – de multirécidivistes, une part tout à fait minoritaire. Cependant, il y a parmi eux des jeunes extrêmement dangereux et pour la société, et pour eux-mêmes. Il est donc vrai que l’absence de réponse pénale adaptée et proportionnée serait ressentie pas l’opinion publique comme un déni de justice. Acceptez que cette question fasse l’objet du débat public !

En ce qui concerne tout d’abord les centres éducatifs fermés, dois-je vous rappeler la difficulté politique que nous avons eue à les créer ? Le garde des sceaux de l’époque, mon prédécesseur, a également eu les plus grandes difficultés à les faire accepter par la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Gabriel Biancheri. Oh oui !

M. le garde des sceaux. La grande majorité de ces centres est du reste gérée par des associations, et il a fallu du temps pour que ma propre administration s’y mette : des années ! Je constate également que de nombreux tribunaux pour enfants n’ont pas recouru aux CEF, notamment le tribunal de Bobigny – je mets les pieds dans le plat ! – qui vient tout juste, par deux fois, de commencer à le faire. Comme quoi le débat public n’est pas totalement inutile.

M. Jérôme Bignon. Enfin !

M. le garde des sceaux. Par ailleurs, nous avons imaginé de nouvelles prisons pour les mineurs, les établissements pour mineurs, qui n’ont plus rien à voir avec les quartiers pour mineurs de nos prisons, qui n’étaient que des pourrissoirs !

M. Jérôme Bignon. C’était en effet scandaleux !

M. le garde des sceaux. Grâce à cette réponse, la majorité actuelle restera dans l’histoire de la justice pour avoir formidablement contribué à la création de concepts auxquels nous nous sommes empressés de donner une réalité. Ainsi des établissements pour mineurs – que je considère, ainsi que je l’ai dit au Sénat, comme des salles de classe entourées de murs – pour lesquels, comme pour les centres éducatifs fermés, il est prévu un encadrement considérable de surveillants, d’enseignants, de psychologues. Ah ! certes, si l’on parle de leur coût, on peut s’en plaindre.

M. Jean-Pierre Blazy. Il est énorme !

M. le garde des sceaux. Ce coût est en effet énorme, mais il représente la place que la société française entend réserver à ses mineurs.

M. Jérôme Bignon. Elle est prête à payer !

M. le garde des sceaux. Elle est prête à payer, justement, pour essayer de réintégrer des mineurs qui sont totalement sortis de la route. Ainsi, c’est une société généreuse et humaine…

M. Jérôme Bignon. Humaniste !

M. le garde des sceaux. … que nous vous proposons.

Ensuite, la question de savoir si l’on va assez loin, si la réponse pénale est proportionnée à ces exigences, relève du débat politique et vous aurez toujours ceux qui veulent davantage en face de ceux qui veulent moins. Les juges eux-mêmes, d’ailleurs, appliquent les textes sans s’abstraire du contexte sociologique. Et ils ont raison !

M. Jérôme Bignon. Tout à fait !

M. le garde des sceaux. Ils comprennent bien les termes du débat ; ne donnez donc pas tort à ceux qui l’ont lancé !

M. Jérôme Bignon. En effet, il est dommage que nous n’ayons pas été plus nombreux !

M. le garde des sceaux. Ils ont eu raison, en effet, de le lancer. Comment, sinon, voulez-vous que fonctionne une société dont les juges exercent un métier si difficile qu’ils doivent appliquer les textes tout en agissant en résonance avec la société ? Pour pouvoir entrer en résonance avec la société, il faut bien qu’elle s’exprime. Et une société qui s’exprime, c’est le débat politique. Nous devons donc remercier Nicolas Sarkozy d’avoir nourri ce débat.

Monsieur Blazy, vous vous demandiez, au début de la discussion, quelle était notre pensée. Je vous la donne : les différents avis au sein de la majorité ne s’opposent pas, même si nous ne plaçons sans doute pas tous le curseur au même endroit. Cette liberté constitue la grandeur d’une vaste famille politique qui n’est pas tirée au cordeau. Si nous sommes tous globalement d’accord, je crois sincèrement que nous disposons de vraies marges de manœuvre à l’intérieur de ces grands principes. Nous y reviendrons en détail. M. le rapporteur, par exemple, avec l’accord du Gouvernement, va toucher à l’un de ces principes, celui relatif à l’excuse de minorité. Ainsi, je le répète, rien ne doit être ne varietur, et tout est dans l’esprit.

M. Jérôme Bignon. Très bien !

M. le garde des sceaux. L’esprit de la réponse qu’attendent les Français, j’ai tenté de le montrer, est humaniste mais ferme. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous abordons les amendements à l’article 35.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour soutenir l’amendement n° 619.

M. Jean-Pierre Blazy. Je souhaite, dans un premier temps, répondre rapidement à M. ministre à propos du budget. Vous avez sans doute entendu, monsieur le garde des sceaux, les représentants des syndicats de magistrats et des avocats ce matin à la radio. Ce n’est pas mon cas, mais j’ai lu quelles étaient leurs positions. Je précise au passage que nous ne sommes pas ici, comme on nous en a accusés, les représentants des syndicats de magistrats. Du reste, on peut reconnaître que le budget de la justice a évolué au cours des cinq dernières années…

M. Jérôme Bignon. Nous avions beaucoup de retard !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, mais le retard s’est accumulé avant 1997 et, trouvant alors une situation très difficile, nous avons engagé une évolution que vous avez poursuivie.

M. le garde des sceaux. Je le reconnais !

M. Jean-Pierre Blazy. L’objectivité oblige à un tel constat, mais on peut ajouter, avec les magistrats, qu’il faut aller plus loin…

M. le garde des sceaux. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Blazy. …et que, notamment en ce qui concerne la justice des mineurs, il reste beaucoup à accomplir.

Le nombre de juges pour enfants, par exemple, demeure insuffisant puisque l’on compte à peu près, en France, un juge pour enfant pour 35 000 à 40 000 jeunes âgés de zéro à dix-huit ans – chiffre très inférieur à celui d’autres pays de l’Union européenne. En outre, dans le secteur public et plus particulièrement celui de la protection judiciaire de la jeunesse, on dénombre 2,5 éducateurs pour 10 000 jeunes de moins de dix-huit ans. C’est peu et les postes d’éducateurs que vous créez actuellement pour les prisons pour mineurs et pour les centres fermés, s’ils sont nécessaires et s’ils coûtent cher, n’en sont pas moins insuffisants. C’est le cas du département du Val-d’Oise – M. Houillon ne me démentira pas – où l’on est encore très loin du compte en matière de créations de postes, quand on observe les réalités sur le terrain.

L’amendement n° 619 a pour objet de clarifier une terminologie qui brouille les repères quant aux mesures applicables tantôt aux mineurs, tantôt aux majeurs. En effet, le débat public doit traiter des mineurs en difficulté. Soyons clairs : tout mineur en difficulté n’est pas un délinquant, mais tout mineur délinquant est en difficulté. Les mesures applicables aux mineurs qui ne sont pas considérés comme des délinquants mais susceptibles de le devenir ne sont pas des sanctions. En revanche, il n’y a aucune raison de ne pas appeler « sanction » une décision de justice prise à l’encontre d’un mineur délinquant, puisqu’il convient de le sanctionner.

À cet égard, on peut trouver regrettable l’amalgame résultant de la loi de 2002 entre « peine » et « sanction », d’une part, et « mesure », de l’autre. Le législateur de 2002 a en effet jugé bon d’introduire, entre les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation – dites « mesures éducatives » – et la peine proprement dite, la sanction éducative, qui existait déjà un peu auparavant mais qui a été renforcée.

Certes, la situation antérieure était déjà complexe. Le système de sanctions propres aux mineurs délinquants reposait en effet, pour les mineurs âgés de plus de treize ans, sur le choix entre la mesure éducative et la peine, et sur la seule mesure éducative pour les mineurs de moins de treize ans. Il était alors sous-entendu qu’il s’agissait de sanctionner une infraction dans les deux cas et que la sanction qui n’est autre, au sens étymologique, qu’une prescription, se devait d’être éducative, même s’il s’agissait d’une peine.

L’introduction de la nouvelle sanction éducative brouille davantage encore le paysage pénal, et la circulaire d’application du 7 novembre 2002 n’explique pas clairement que les sanctions éducatives sont des mesures éducatives que l’on peut donc infliger à un mineur de moins de treize ans, c’est-à-dire dès l’âge de dix ans, mais que leur prononcé est assujetti aux critères du prononcé de la peine proprement dite, à savoir les circonstances et la personnalité du mineur.

M. le président. Vous êtes en train de dépasser votre temps de parole, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je m’achemine vers ma conclusion, monsieur le président.

Il s’agissait en réalité de punir plus sévèrement les mineurs de dix à treize ans. Les rédacteurs de la circulaire ne s’en cachent d’ailleurs pas puisqu’ils écrivent, à propos des sanctions éducatives : « Celles-ci ont pour objet d'apporter une réponse mieux adaptée aux faits commis par les mineurs et à leur personnalité lorsque les mesures éducatives apparaissent insuffisantes et que le prononcé d'une peine constituerait une sanction trop sévère. Surtout, s'agissant des mineurs de dix à treize ans qui ne pouvaient jusqu'à maintenant faire l'objet que de mesures éducatives, ces sanctions ont vocation à répondre de manière plus efficiente aux actes commis par ces derniers, notamment lorsqu'ils ont déjà été poursuivis et ont déjà fait l'objet d'admonestation, de remise à parent ou d'autres mesures éducatives et qu'il est nécessaire d'apporter une réponse judiciaire plus ferme. »

Déjà en 2002, on trouvait le ferment d’une volonté politique bien ancrée : rapprocher le droit des mineurs de celui des majeurs, volonté tempérée par l’exception éducative qui ne peut être prononcée que par un tribunal pour enfants par décision motivée, ou par une cour d’assises pour mineurs – et non par le juge pour enfants. Le résultat est donc peu lisible, pour ne pas dire peu convaincant.

Cet amendement propose donc de distinguer très clairement les mesures éducatives prononcées par les juges des enfants – juges civils – dans les procédures d’assistance éducative, de celles sanctionnant une poursuite pénale. En outre, au pénal, ne pourraient être prononcées que des sanctions de surveillance et d’éducation, ou bien des peines pénales proprement dites. Ce retour à une meilleure lisibilité n’entamerait en rien le principe fondateur de l’ordonnance de 1945. Applicable à tous les mineurs, cette formulation permettrait de signifier en toute hypothèse à l’incriminé qu’il a été sanctionné.

M. le président. Je demanderai à M. Blazy de bien vouloir respecter son temps de parole.

M. Jean-Pierre Blazy. Je serai plus rapide par la suite.

M. le président. J’ai fait montre de largesse pour mes débuts en tant que président de séance,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez en effet été très généreux, monsieur le président.

M. le président. …mais je souhaite que les orateurs respectent leur temps de parole, sachant qu’il y a suffisamment d’amendements pour que tout le monde puisse s’exprimer, fût-ce à répétition.

La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission n’a pas examiné cet amendement. Je m’exprimerai donc à titre personnel pour faire part de ce qui fut ma perplexité avant que je ne comprenne mieux M. Blazy en écoutant ses explications. Je n’en reste pas moins défavorable à l’amendement pour la simple raison que l’ordonnance de 1945 a toujours affirmé – tel en est l’esprit – le primat de l’éducation sur la sanction. Or, curieusement, vous semblez vouloir renverser l’ordre des choses.

M. le garde des sceaux. Tout à fait !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Privilégier la sanction est contraire à l’esprit de l’ordonnance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission et même surprise. L’ordonnance de 1945, je l’ai dit, donne la primauté à l’éducation tandis que vous, monsieur Blazy, la donnez à la sanction.

M. Jean-Pierre Blazy. Ah non !

M. le garde des sceaux. Mais si ! C’est tout à fait étonnant. Je conseille, moi, le statu quo.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je suis étonné moi aussi que l’on veuille remplacer les mots : « mesures de protection, d’assistance… », par les mots : « sanctions éducatives, de protection, d’assistance… », alors que le début de ce long débat portait sur la protection contre la sanction et que l’opposition reprochait au texte de sanctionner plus que de prévenir.

Ensuite, je souhaite rappeler que, pendant les trois années durant lesquelles nous avons travaillé au sein de la commission de prévention de la délinquance, nous avons pu déceler ce qui n’allait pas : il n’existait pas de réponses aux délits – fussent-ils peu importants – des jeunes primo-délinquants. L’article 35 répond à cette carence. On disposera désormais d’une réponse immédiate et plus ferme aux délits commis par les mineurs.

Par ailleurs, l’ensemble du texte comporte un certain nombre de sanctions éducatives – puisque vous voulez utiliser ce terme. Or ce qui importe, j’insiste, est de pouvoir donner une réponse. Auparavant, malheureusement, excepté le cas des multirécidivistes qui avaient comparu vingt fois, parfois même vingt-cinq fois devant le juge, on proposait de temps en temps de la prison, et encore souvent avec sursis. Grâce à l’article 35, nous pourrons, je le répète, utiliser un dispositif de sanctions immédiates et plus fermes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Ni le rapporteur ni le ministre ne doivent faire dire à l’amendement le contraire de ce qu’il dit. Avant d’en venir à nos points de divergence, nous souhaitons clarifier l’ordonnance de 1945, à l’illisibilité de laquelle la majorité a largement contribué, persistant aujourd’hui à l’aggraver au risque de rendre ce texte incompréhensible non seulement pour les citoyens, pour la société, mais pour les praticiens eux-mêmes.

Clarifions donc les choses : réservons le terme de « mesures éducatives » à ce qui relève du civil, et celui de « sanctions éducatives » à ce qui relève du pénal.

Pour le reste, le désaccord subsiste : la voie répressive est la vôtre ; pour notre part, nous souhaitons poursuivre la voie éducative…

M. le garde des sceaux. Pourquoi parler de sanctions, dans ce cas ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est pour le moins maladroit !

M. Jean-Pierre Blazy. Le mot « sanctions » a le mérite d’être clair.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Vous auriez pu vous contenter de « mesures éducatives ».

M. Jérôme Bignon. Dans « sanctions éducatives », il y a toute l’ambiguïté des socialistes. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent !

M. Jean-Pierre Blazy. La véritable question est : quelles sanctions, et à partir de quel âge ?

Vous voulez multiplier les enfermements de mineurs, en ne prenant comme référence qu’un noyau dur de récidivistes. Mais ce qui est nécessaire, c’est une action bien plus en amont pour éviter la récidive après un premier acte. Tel est le sens de la sanction éducative.

Vous êtes obsédés par le noyau dur. La question doit être traitée, certes, mais notre débat doit avant tout préciser, je le répète, quelles sont les sanctions à appliquer et à partir de quel âge.

M. André Schneider. Et la liberté d’appréciation du juge ?

M. Jean-Pierre Blazy. Si 2002 marque une rupture, c’est que, depuis cette date, abandonnant la primauté qui était donnée à l’éducatif, vous ne cessez d’aggraver les sanctions et les peines, et pour des mineurs de plus en plus jeunes… (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Bignon. On a compris !

M. le président. Je pense que l’Assemblée est suffisamment informée, monsieur Blazy.

Je mets aux voix l'amendement n° 619.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 664.

La parole est à M. Lilian Zanchi, pour le soutenir.

M. Lilian Zanchi. Nous proposons par cet amendement de supprimer les alinéas 2 à 5 de l’article 35.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, et M. Blazy n’a pas dit autre chose, il convient de conserver la gradation des peines pour les mineurs. Étant donné que c’est la décision de justice qui compte, le terme de « sanctions éducatives » est adapté. Vous avez vous-même pris l’exemple de la mère de famille : si, en guise de punition, elle demande à son enfant de faire une rédaction, il s’agit bien d’une sanction éducative.

Dans les alinéas 2 à 5, vous substituez au jugement à délai rapproché, qui s’effectue entre dix jours et deux mois pour les treize à seize ans et entre dix jours et un mois pour les seize à dix-huit ans, une procédure de présentation immédiate très voisine de la comparution immédiate et qui ne permet pas au juge pour enfants de disposer d’un dossier social et de personnalité, même succinct.

M. le garde des sceaux. C’est tout le contraire ! Lisez le texte !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Surtout, ce n’est pas le sujet !

M. Lilian Zanchi. Je maintiens qu’il y a un réel problème, monsieur le garde des sceaux. N’avez-vous pas affirmé qu’un « grand gaillard » d’aujourd'hui, pour reprendre votre expression, ne peut être considéré comme l’enfant d’hier ? J’espère que les consignes que vous donnerez en matière de présentation immédiate ne porteront pas sur la personnalité et le physique du mineur, mais bien sur le fond ! On sait bien que les jeunes sont de plus en plus grands et de plus en plus costauds, mais est-ce parce qu’un jeune fait un mètre quatre-vingt deux et soixante-dix kilos à quatorze ans qu’il possède la même maturité qu’une personne majeure ?

Le vrai problème est de savoir si le jeune a la maturité suffisante pour comprendre la portée de l’acte qu’il a commis et la condamnation qui s’ensuit. À cet égard, le dossier social et tout le travail qu’accomplissent aujourd'hui les juges ont une grande importance. Avec la présentation immédiate, on instaure un délit de personnalité et de faciès.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Elle n’a pas examiné cet amendement. J’espérais des explications sur son objet : je n’en ai pas eu. Vous avez répondu au garde des sceaux sur l’amendement précédent et évoqué la présentation immédiate, monsieur Zanchi, alors que l’article 35 traite des mesures alternatives aux poursuites, et plus particulièrement de la composition pénale, toutes choses sur lesquelles vous n’avez pas dit un mot.

M. André Schneider. Très juste !

M. Lilian Zanchi. L’alinéa 2 traite bien de la présentation immédiate, monsieur le rapporteur !

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’avoue avoir du mal à vous suivre. L’amendement porte sur un sujet, votre exposé en aborde un autre. Il est vrai que c’est chez vous une habitude…

M. Lilian Zanchi. Pas du tout ! L’amendement porte en particulier sur l’alinéa 2, relatif à la présentation immédiate.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous dérapez, monsieur le rapporteur ! Répondez sur le fond !

M. Philippe Houillon, rapporteur. N’y voyez aucune agression de ma part, mes chers collègues. Seulement, il serait plus simple d’aborder les sujets dans l’ordre où ils se présentent. Vous aurez l’occasion de faire valoir vos arguments sur la présentation immédiate à l’article 38, qui lui est consacré.

M. Pierre Hellier. Exactement !

M. Lilian Zanchi. Lisez l’alinéa 2 de l’article 35 ! Ce n’est pas moi qui ai écrit le texte !

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’objet de l’article 35, je le répète, ce sont les mesures alternatives.

En tout état de cause, avis défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’essentiel de cet article, qui est assez riche, est en effet la composition pénale, mais je veux bien évoquer la présentation immédiate…

M. Michel Françaix. Tout de même !

M. le garde des sceaux. …car, si vous me faites l’honneur de m’écouter, vous changerez d’avis, monsieur Zanchi.

M. Patrick Braouezec. Vous prenez un gros risque, monsieur le garde des sceaux !

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas, en l’occurrence, une construction juridique compliquée, mais une affaire de bon sens. La procédure de présentation immédiate vise à permettre de juger plus rapidement un mineur à condition que lui-même ou son représentant, c'est-à-dire son avocat, en soit d’accord, mais aussi, contrairement à ce que vous avez affirmé, à condition que le juge dispose d’un dossier éducatif datant de moins de douze mois. Au-delà de ce délai de douze mois, le dossier n’est plus valable et la présentation immédiate n’est plus possible.

En quoi est-ce affaire de bon sens ? Nous avons tous des enfants…

M. Patrick Braouezec. Pas tous ! (Sourires.)

M. le garde des sceaux. Soit ! Mais beaucoup d’entre nous.

M. Patrick Braouezec. Pour ma part, j’en ai cinq !

M. le garde des sceaux. Punir un adolescent en lui disant : « Tu ne sortiras pas samedi soir avec tes camarades » me semble plus efficace que de lui dire : « Tu ne sortiras pas tel jour dans trois mois » ! Voilà tout.

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. Jérôme Bignon. C’est en effet du bon sens.

M. le garde des sceaux. Mieux vaut punir « le premier samedi utile », comme on dit « à la première audience utile ». Si cela se passe trois mois après, le gamin aura complètement oublié le motif de la punition.

M. Patrick Braouezec. La comparaison est vraiment tirée par les cheveux !

M. le garde des sceaux. Mais non, c’est la même chose, monsieur Braouezec. Arrêtons de faire de l’idéologie ! Car, en refusant cette mesure, c’est bien ce que vous faites – et c’est d’ailleurs votre droit. Pour notre part, nous faisons du « pratico-pratique ». La présentation immédiate n’a rien d’une justice expéditive, puisque, je le répète, l’accord de l’intéressé ou de son avocat est requis et que le juge a connaissance du dossier éducatif.

M. Jérôme Bignon. Eh oui ! L’opposition nous fait un procès d’intention !

M. le garde des sceaux. Vous pourrez toujours clamer votre désaccord et vous déclarer choqué devant l’opinion : l’opinion devra alors savoir que vous souhaitez qu’un enfant soit puni trois mois après les faits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je me méfie toujours un peu de ce qu’on dit relever du bon sens. Le bon sens, on l’invoque quand cela arrange. Était-il absent en 2004, quand on a écarté les mineurs de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ? Voici ce que le rapporteur de la commission des lois disait alors de cette procédure, qu’il rapprochait de la composition pénale : « S’agissant des mineurs, il paraît nécessaire d’examiner avec attention leur personnalité et leur environnement familial et social afin de choisir la sanction la plus adaptée, ce qui semble difficilement compatible avec la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Par ailleurs, il serait juridiquement contestable de solliciter l'accord des mineurs, qui ne disposent pas de la capacité juridique à contracter. » Il écartait explicitement – et selon moi avec bon sens – les mineurs de cette procédure car « le délinquant mineur a droit à la prise en considération attentive de sa situation personnelle, ce que ne permet pas la procédure de comparution ou de composition pénale ».

En outre, l’article 12-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 comporte un mécanisme tout à fait adapté, celui de la médiation-réparation au bénéfice de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité. Pourquoi donc vouloir appliquer aux mineurs la procédure applicable aux majeurs quand le droit des mineurs prévoit déjà des mesures spécifiques, que par ailleurs vous mettez en exergue dans ce texte ? Comme nous l’avons dit hier soir, vous ne faites une loi que parce que vous avez du mal à appliquer celle qui existe, mais les difficultés seront les mêmes. Pourquoi ne pas appliquer ce qui existe déjà pour les mineurs, et qui est largement suffisant ?

M. le président. Je vais donner la parole à deux autres orateurs. Si nous passons un peu plus de temps qu’il n’est prévu par le règlement sur cet amendement, c’est pour que le débat sur l’ordonnance de 1945 ait lieu. Nous essaierons d’avancer un peu plus vite par la suite.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Ne travestissez pas le débat, monsieur le garde des sceaux ! Vous avez essayé tout à l’heure de renverser la charge de la preuve, mais vous voilà pris en flagrant délit : vous vous rangez à ce que le ministre d’État ne cesse de préconiser – du moins à la télévision, car nous l’avons bien peu vu dans l’hémicycle –, à savoir l’instauration d’une véritable justice d’abattage pour les mineurs. Alors que la composition pénale fonctionne très mal pour les majeurs, vous voulez la transposer dans la justice des mineurs. Vous renoncez à toute perspective éducative !

D’abord, la composition pénale est une peine. Comment, sans audience, sans débat contradictoire ni dialogue pédagogique préalable à la sentence, le primat de l’éducatif pourrait-il être respecté ? Vous renoncez à toute perspective éducative au profit d’une justice de guichet. D’ailleurs, je serais curieux de savoir comment le Conseil constitutionnel appréciera cette mesure applicable dès l’âge de treize ans au regard des principes de la justice pénale de l’enfance. Car c’est bien là aussi votre orientation : sans cesse abaisser le seuil à partir duquel une justice de plus en plus expéditive pourra s’appliquer. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous souhaitons, pour notre part, une justice qui n’exclue pas la sanction mais s’attache à prendre en charge le mineur dès que les choses commencent à mal tourner, qui soit rapide sans être expéditive. La justice ne doit pas renoncer à l’éducatif, ce qui suppose des moyens en éducateurs que vous ne mettez pas en place.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je souhaite reprendre la parole pour rétablir la vérité. Vous attaquez un texte que vous ne connaissez pas : vous venez de démontrer que vous ne savez pas ce qu’est la composition pénale.

M. Jean-Pierre Blazy. On en a parlé hier !

M. le garde des sceaux. La composition pénale est une alternative à la sanction.

M. Jean-Pierre Blazy. Non, c’est une peine !

M. le garde des sceaux. Elle résulte d’un accord passé entre le procureur et le jeune, que le juge homologue ensuite. Vous dites que la composition pénale tourne le dos à l’éducatif. Mais dire à un jeune : « on vous oblige à faire un stage sur les méfaits de la drogue », est-ce tourner le dos à l’éducatif ?

M. Jean-Pierre Blazy. N’appelez pas cela « composition pénale », alors !

M. le garde des sceaux. Vous vous trompez sur le sens des mots et c’est pourquoi je vous l’explique. C’est le rôle du Gouvernement.

Dire encore : « allez voir un psychologue parce que vous avez un problème d’équilibre », est-ce tourner le dos à l’éducatif ? C’est tout le contraire !

M. Jean-Pierre Blazy. Ne parlez donc pas de « composition pénale » !

M. le garde des sceaux. Je ne suis que le ministre de la justice, ce n’est pas moi qui ai inventé le concept. L’expression « composition pénale » est peut-être mal choisie,…

M. Jean-Pierre Blazy. Ah !

M. le garde des sceaux. …car, dans le mot « pénal », on entend effectivement « peine ». Trouvez-en une autre sur laquelle nous puissions nous entendre pour parler de la même chose : c’est la grande joie que je retirerai de ce débat.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est vrai que, pour donner la meilleure réponse à un délit, il faut disposer d’un dossier social et de personnalité, même succinct. Vous avez, comme moi, assisté à tous les débats depuis le début de la discussion et vous avez pu constater que nous sommes d’accord sur le fait que, très souvent, les magistrats ne disposent pas d’un tel dossier. Le texte vise précisément à coordonner les actions de tous les acteurs – éducatifs, sociaux, municipaux, départementaux – pour constituer ce dossier. Vous ne voulez pas que l’on fiche les jeunes, mais, grâce à ce dossier, le juge devant lequel comparaîtra un jeune, même en présentation immédiate, pourra facilement définir sa personnalité.

M. Jean-Pierre Blazy. Le parquet, pas le juge !

M. Jacques-Alain Bénisti. Certes, mettre en application les seules modifications de l’ordonnance de 1945 pourrait poser des difficultés. C’est précisément pourquoi le texte constitue un ensemble, qui permet à toutes les structures de bien fonctionner et d’être capables de donner au jeune une réponse en fonction de sa personnalité et de son dossier social et éducatif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 664.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 579 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 156.

La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le soutenir.

M. Jacques-Alain Bénisti. L’article 35 prévoit une mesure de consultation auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue, mais ne mentionne pas le pédopsychiatre. Ce spécialiste, qui a quatorze années d’études derrière lui, connaît pourtant parfaitement l’enfant sous toutes ses facettes. Ce sont les pédopsychiatres qui nous ont indiqué que le socle de l’éducation s’étend de la naissance à trois ans et que c’est durant cette période qu’on peut intervenir pour modifier des comportements si le besoin s’en fait sentir. Mon amendement tend donc à ajouter le pédopsychiatre aux spécialistes susceptibles d’être consultés, voire à le substituer au psychiatre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il est en effet déjà satisfait, dans la mesure où le procureur de la République peut proposer comme alternative aux poursuites une consultation auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue. Je vous propose donc de retirer votre amendement, faute de quoi, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Bénisti ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 665.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Un aspect que nous n’avons pas encore abordé s’agissant de cet article est que c’est le parquet qui proposera la composition pénale et non pas le juge pour enfants. C’est d’ailleurs délibéré : la majorité et le Gouvernement, ministre d’État en tête, se méfient des juges pour enfants, alors ils les contournent !

M. le garde des sceaux. Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est l’objet – évidemment inavoué – de cette mesure, qui permet aussi de contourner les procédures alternatives aux poursuites, dispositif déjà existant, qui fonctionne et que l’on doit mettre en œuvre en particulier pour les mineurs à partir de treize ans.

Par ailleurs, ce texte, prétendument de prévention de la délinquance, ne souffle mot des maisons de la justice et du droit.

M. le garde des sceaux. Et l’admonestation ?

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne suis pas pour la multiplication des admonestations. Je préfère la mesure de réparation pénale, qui est insuffisamment pratiquée et ne concerne que de 10 % des décisions,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Cela dépend des juridictions !

M. Jean-Pierre Blazy. …parce qu’elle demande de gros moyens en éducateurs. Pour les très jeunes mineurs, si l’on souhaite respecter le primat donné à l’éducation, il faut se donner les moyens de renforcer de telles mesures. Mais vous choisissez, à l’inverse, une mesure de composition pénale pour détourner la justice des mineurs de son objet fondamental, et surtout pour contourner les juges pour enfants. Cette orientation est totalement inacceptable !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, qui, cette fois, traite effectivement de l’article (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), mais je vais donner mon avis personnel. Qu’est-ce que la composition pénale ? Ce n’est pas une alternative à la sanction mais à la poursuite. En application du principe de l’opportunité des poursuites, le parquet peut décider de poursuivre ou de ne pas poursuivre. S’il décide de ne pas poursuivre, c’est en échange d’une contrepartie : une sanction « négociée », une mesure de réparation – indemnisation de la victime, par exemple – ou une injonction thérapeutique.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur Blazy, la formule de la composition pénale pour les majeurs fonctionne de mieux en mieux. Le nombre en a plus que doublé entre 2002 et 2004, atteignant 28 600 cette année-là.

M. Jean-Pierre Blazy. Cela ne veut pas dire que c’est ce qu’il y a de mieux !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cette formule, qui offre une palette complète de solutions, est infiniment moins lourde et, avec l’acceptation par le contrevenant de la sanction, a une vertu pédagogique. Le parquet recourt déjà aux alternatives à la poursuite dans plus de 44 % des affaires de délinquance des mineurs, mais il ne dispose pas de la palette de solutions que la composition pénale lui offrira, puisqu’il ne s’agit pour l’instant que de mesures de réparation. Le constat étant fait que la mesure fonctionne, l’objet du texte est de donner davantage de moyens au parquet.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais pas au juge des enfants !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Vous dites que c’est le parquet qui décide : évidemment non ! Le parquet propose et le juge dispose. Entre-temps, il faut l’accord des représentants légaux du mineur, et l’avocat doit obligatoirement intervenir.

Ensuite, le juge dispose, donc rend sa décision, après avoir vérifié la pertinence de la mesure proposée. S’il s’estime insuffisamment éclairé – c’est le texte de l’article –, il peut reconvoquer tout le monde pour en débattre. Que peut-on faire de mieux ?

M. Jean-Pierre Blazy. Cela ne se fera pas dans la pratique !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Tout le monde a parlé tout à l’heure de la présentation immédiate, point qui n’est pas abordé par cet article, si ce n’est pour coordination.

M. Patrick Braouezec. Il n’y a pas assez de juges pour enfants. Il n’y a pas assez de moyens !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Nous sommes, avec la composition pénale, au cœur du sujet abordé par l’article. C’est, je le répète, une mesure pratique, de bon sens, qui marche déjà. Nous étendons simplement la palette des mesures susceptibles d’être proposées. C’est une bonne chose. C’est la raison pour laquelle je suis totalement défavorable à cet amendement qui nous empêcherait de traiter mieux ce que l’on traite plus mal maintenant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’ai fort peu de choses à ajouter aux excellentes explications fournies par M. le rapporteur.

Je ne parle pas pour vous, monsieur Blazy, car je crois que nous perdrions notre temps, mais pour le Journal officiel.

La composition pénale ne vise pas à court-circuiter le juge des enfants. La preuve en est que l’audience devant le juge des enfants est de droit. Le but est, en revanche, de permettre au mineur de donner son accord, comme l’a rappelé le rapporteur. Le mineur reconnaît les faits. La justice est ainsi plus rapide et plus pédagogique.

M. Patrick Braouezec. L’application ne sera pas plus rapide pour autant !

M. le garde des sceaux. Vous avez dit, monsieur Blazy, que la réparation pénale ne fonctionnait pas. J’ai repris la parole afin de vous répondre. Je pense que vous ne connaissez pas les chiffres.

M. Patrick Braouezec. Les moyens ne sont pas là. Vous le savez bien !

M. le garde des sceaux. Écoutez-moi avant de dire des choses fausses ! Le drame, c’est la méconnaissance ! Je vous demande d’essayer de retirer quelques informations de ce débat. Vous avez dit publiquement : « La réparation pénale ne marche pas. »

M. Jean-Pierre Blazy. Pas suffisamment !

M. le garde des sceaux. Je vais vous donner les chiffres.

Vous avez dit que cela ne marchait pas. Vous dites maintenant que cela ne marche pas « suffisamment ». Je vous laisse juge ! Chaque année, 80 000 mineurs sont présentés au juge. Et 28 000 réparations pénales sont prononcées. Oser dire que cela ne marche pas signifie qu’il y a méconnaissance.

M. Patrick Braouezec. Sur les 28 000 prononcées, combien sont effectives ?

M. le garde des sceaux. Arrêtez d’affirmer quelque chose à partir de concepts inexacts, alors que vous ne connaissez pas les chiffres.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous parlez de réparations prononcées et non effectuées ! C’est là qu’il y a tromperie !

M. le président. Je vous propose, monsieur Blazy, de laisser terminer le Gouvernement.

M. le garde des sceaux. Monsieur Blazy, ou l’on s’accroche aux branches, ou l’on fait un débat de qualité. Là, vous ne lâchez pas les branches !

Au cours de la législature – cela fait partie de nos fiertés –, une augmentation extrêmement forte du taux d’exécution des peines a été constatée. Nous sommes partis d’un score d’effectivité de la peine pour les mineurs un peu inférieur à 70 %. Nous sommes aujourd’hui à 82 %.

M. Jean-Pierre Blazy. Pas pour la réparation !

M. le garde des sceaux. Je parle globalement de l’exécution des peines. Cela me permet d’ailleurs de vous rappeler le travail accompli pendant cette législature. Vous conservez sans doute en mémoire les chiffres de nos prédécesseurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous me tendez une perche, ne vous plaignez pas que je la saisisse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. M. le ministre nous a donné le chiffre des prononcés de mesures de réparation pénale, mais pas celui des mesures effectivement exécutées.

Des difficultés existent partout – dans mon département du Val-d’Oise également – pour mettre réellement en œuvre les mesures de réparation pénale.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Très beau département !

M. Jean-Pierre Blazy. Certes, monsieur le rapporteur, c’est « notre » département . Mais il n’est pas très « beau » en ce qui concerne la justice !

M. Patrick Braouezec. C’est pareil en Seine-Saint-Denis, autre très beau département !

M. Jean-Pierre Blazy. Il est difficile de mettre en œuvre ces mesures de réparation pénale, car les éducateurs sont en nombre insuffisant, en particulier dans le secteur public. Quant au secteur privé, il faudrait d’abord, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez vous acquitter de votre dette envers lui.

S’agissant de la composition pénale, vous oubliez un point juridique. Avant seize ans, un mineur n’a pas la possibilité de contracter. Or la composition pénale est un contrat. Vous transposez ce que l’on peut appeler le « plaider-coupable » aux moins de seize ans. Aucune garantie n’est prévue pour assurer la prise en considération de l’état de minorité du jeune mis en cause. Selon l’article 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant, un mineur ne peut pas, en quelque sorte, s’auto-accuser. Je m’interroge une nouvelle fois sur la conformité de la mesure par rapport à nos engagements internationaux et à la Constitution.

M. le rapporteur nous a expliqué comment les choses allaient se passer : d’abord le parquet, ensuite le juge pour enfants. Je persiste à penser qu’il s’agit avant tout d’un contournement du juge des enfants. Vous savez que, dans la pratique, les juges des enfants, qui sont en nombre insuffisant – dans nos beaux départements franciliens comme dans le reste du pays –, ne disposent pas d’assez de temps. Il manque également des greffiers. Et pour qu’un jugement puisse être exécuté, il faut d’abord qu’il soit rédigé. Nous nous heurtons toujours à de grandes difficultés en ce domaine.

En réalité, ce sont les parquets, et non les juges pour enfants, qui seront de plus en plus conduits à régler le problème. Vous le savez pertinemment et vous agissez volontairement dans ce sens. C’est ce qui provoque également, monsieur le ministre, le malaise chez les magistrats et les juges des enfants. Ne soyez pas étonné, qu’ils protestent aujourd’hui, au cours de cette journée de mobilisation qui est la leur. Vous avez d’ailleurs refusé qu’ils viennent manifester sous votre balcon. Sans doute cela vous aurait-il dérangé, et aurait fait mauvais genre.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. La réparation pénale implique l’accord du jeune. Je ne sais si la Convention internationale…

M. Jean-Pierre Blazy. Vous devriez le savoir ! Vous êtes le garde des sceaux !

M. le garde des sceaux. « Je ne sais » signifie que j’ignore si nous sommes obligés à une application stricte en cette matière. En ce cas, depuis 1993, aucune mesure de réparation pénale n’aurait dû être prononcée. J’observe par ailleurs, monsieur Blazy, qu’il y a moins de cinq minutes, vous en réclamiez l’application.

M. André Schneider. Exactement !

M. le garde des sceaux. Il faut être cohérent : vous venez de dire que vous regrettiez que ne soit plus appliquée la réparation pénale…

M. Jean-Pierre Blazy. Non ! La mesure de réparation !

M. le garde des sceaux. …qui implique l’accord du mineur. Vous n’avez pas de chance, monsieur Blazy : vous voilà un peu coincé !

M. Jean-Pierre Blazy. Il ne s’agit pas de la mesure de réparation qui existe aujourd’hui, mais de celle que vous prévoyez.

M. le garde des sceaux. La réparation pénale – peut-on se comprendre dans notre langue commune ? – implique l’accord du mineur. Vous nous expliquez que des accords internationaux empêcheraient l’accord du mineur. Dans ce cas, supprimons la réparation pénale qui existe depuis 1993.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne parlons pas de la même chose !

M. le garde des sceaux. M. Braouezec nous dit que les 28 000 mesures de réparation pénale ne sont pas toutes exécutées…

M. Jean-Pierre Blazy. Combien le sont ?

M. le garde des sceaux. Attendez la fin de ma phrase ; sinon, le ridicule risque de vous achever, monsieur Blazy.

Si la réparation pénale n’est pas exécutée, le procureur réclamera une autre peine. Donc, s’il y a 28 000 peines prononcées, 28 000 seront exécutées.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. le garde des sceaux. Lorsque l’on vous prend en flagrant délit d’ignorance, vous prétendez que c’est faux. Il est très difficile de travailler avec vous.

M. Charles Cova. Il ferait mieux de se taire !

M. le garde des sceaux. Je vais donc m’exprimer pour le Journal officiel, puisque vous ne voulez pas être convaincu par les chiffres.

M. Jean-Pierre Blazy. Combien y en a-t-il d’exécutées ?

M. le garde des sceaux. S’il y a prononcé, il y a exécution ; sinon, il y a substitution de peine par le procureur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est cela l’alternative à la poursuite !

M. le garde des sceaux. Tout à fait ! C’est l’alternative à la poursuite, que M. le rapporteur vous a parfaitement expliquée. Vous refusez, monsieur Blazy, le sens des définitions.

M. Jean-Pierre Blazy. Et les délais d’exécution ?

M. le garde des sceaux. Je veux bien que nous retournions travailler ces notions en commission. Mais je vous demande de me faire l’amitié de penser que je vous donne réellement la définition du concept dont nous débattons aujourd’hui. Il est clair que 28 000 peines sont exécutées dans ce cadre-là.

De plus, je ne suis absolument pas d’accord avec l’idée qu’un mineur ne puisse pas accepter de reconnaître qu’il a commis tel fait et qu’une réparation est possible. Au contraire, je trouve cela extrêmement sain sur le plan pédagogique. La réparation pénale, qui donne satisfaction depuis 1993, prouve qu’il faut poursuivre dans ce sens. C’est une excellente pédagogie pour les mineurs.

M. Jean-Pierre Blazy. De quels mineurs parlons-nous ? Entre treize et seize ans ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 665.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 580.

Il est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 580.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 232.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. La durée d’exécution des mesures proposées dans le cadre d’une composition pénale pour les mineurs est fixée par le projet de loi à un maximum de six mois. Il apparaît que cette durée est insuffisante pour certaines de ces mesures, tel le suivi régulier d’une scolarité. Il est donc proposé de porter cette durée maximale à un an, pour que le juge puisse se calquer sur la période scolaire.

Il faut savoir que le juge n’est pas obligé d’appliquer cette durée d’un an. Ce délai plus long lui laisse seulement une plus grande latitude.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Monsieur le rapporteur, nous sommes favorables à cet amendement. Compte tenu des délais d’exécution, il faut prendre en compte le temps de la scolarité et porter le délai de six mois à un an. C’est cohérent avec la volonté affichée dans le texte.

Le problème posé n’est pas simplement celui de l’exécution : il y a 28 000 condamnations, il y a donc 28 000 exécutions, puisqu’il s’agit d’une alternative aux poursuites. Et si la peine n’est pas exécutée, on part automatiquement sur une autre poursuite.

Monsieur le ministre, nos concitoyens s’interrogent surtout sur le délai dans lequel la peine est mise à exécution. Les collectivités proposent aux personnes concernées des travaux d’intérêt général mais elles manquent de moyens. À quoi bon une condamnation immédiate si la peine ne peut être exécutée ? La justice risque de se livrer à un travail d’« abattage » sans conséquences pratiques et sans que nos concitoyens puissent percevoir la moindre amélioration.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je ne résiste pas à la tentation de mettre en exergue mon propre bilan. Lorsque je suis arrivé Place Vendôme, je m’étais fixé comme priorité l’exécution des peines. Je vous annonce qu’il y aura, à la fin de l’année, un bureau d’exécution des peines dans tous les tribunaux de grande instance de France et dans tous les tribunaux pour enfants. Pour les mineurs, alternatives aux poursuites ou poursuites passeront devant le bureau d’exécution des peines, pour une explication pédagogique de la peine.

Vous avez donc satisfaction. Je vous remercie de m’avoir donné la possibilité de mettre en exergue mon bilan.

M. Lilian Zanchi. Ce n’est pas un bilan ! Ces bureaux ne sont pas en place !

M. le garde des sceaux. C’est fait dans 80 % des cas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35, modifié par l'amendement n° 232.

(L'article 35, ainsi modifié, est adopté.)

Article 36

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Mon intervention vaudra également défense de l’amendement n° 335, qui vise à supprimer l’article 36.

Cet article retient notre attention sur deux points essentiels.

Le premier est la mesure d'activité de jour. Entrerait désormais dans la liste des mesures pouvant être prises par le juge en cours de procédure et pouvant être ordonnées par le juge des enfants en chambre du conseil, une mesure dite d'activité de jour qui est définie par l'article 39. Il s'agirait d' « activités d'insertion professionnelle ou scolaire », soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitée à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié.

En fait, vous ajoutez une mesure à celles qui existent déjà, sans nous donner les garanties de sa mise en œuvre. Il est déjà très difficile aujourd'hui d'obtenir des employeurs qu'ils veuillent bien accueillir des jeunes sous mesure judiciaire ! Et les mesures existantes ne bénéficient pas des moyens nécessaires qui les rendraient efficaces.

Lorsqu'une juge des enfants du tribunal de Bobigny déclare qu'il se passe entre huit à dix mois entre la décision de mesure éducative prise dans son cabinet et la prise en charge du mineur, c'est-à-dire le premier rendez-vous avec l'éducateur, s'agit-il d'un laxisme des juges des enfants ou d'un laxisme de l'État qui ne donne pas à ses institutions les moyens de fonctionner ?

Le second point concerne l'admonestation et la remise à parent, qui ne pourront plus être ordonnées seules si elles ont déjà été prononcées pour une infraction identique ou assimilée commise moins d'un an avant la nouvelle infraction. Or seul le magistrat spécialisé est en mesure de juger s'il est utile ou non, au regard de la personnalité de l'enfant, de recourir une nouvelle fois à une admonestation ou à une remise à parent.

Avec de telles dispositions, les juges des enfants seront conduits à prononcer, dans certains cas, des mesures disproportionnées ou inutiles qui viendront surcharger les services éducatifs déjà saturés.

Enfin, nous le répétons, toutes ces dispositions n'ont rien à voir avec la prévention.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. L’article 36 propose sans doute la mesure la moins critiquable dans son principe du volet relatif à la prévention de la délinquance des mineurs. Mais il était d’ores et déjà possible aux juges de prescrire une activité de jour. De fait, cette mesure, présentée comme nouvelle, existe déjà.

Je souhaiterais d’abord, monsieur le garde des sceaux, que vous définissiez mieux les contours de cette activité de jour, par rapport à ce qui existe déjà en ce domaine et par rapport au maquis de mesures alternatives, dans lequel on se perd.

Ensuite, pouvez-vous nous indiquer quels sont les moyens affectés à cette mesure afin de permettre sa mise en œuvre.

Ne nous payons pas de mots et ne trompons pas nos concitoyens avec des mesures d’affichage. Les moyens suivront-ils ?

M. le président. Nous en arrivons aux amendements.

M. Braouezec a défendu l’amendement n° 335, qui tend à la suppression de l’article 36.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Avec les activités de jour, nous avons affaire à un concept nouveau, car elles n’existaient pas comme telles. Elles pourront s’intégrer dans la composition pénale pour constituer une alternative aux poursuites.

Je vous remercie, monsieur Blazy, de m’interroger sur cette nouvelle mesure, et de me donner l’occasion de l’expliciter, car j’ai l’impression que M. Braouezec n’a pas compris de quoi il s’agissait, sinon il n’aurait pas déposé un amendement de suppression de l’article.

M. Patrick Braouezec. Ne réagissez pas ainsi, monsieur le ministre !

M. le garde des sceaux. Écoutez-moi, monsieur le député ! Êtes-vous opposé à l’insertion scolaire des mineurs délinquants ? Êtes-vous contre l’idée de leur proposer une activité professionnelle afin de favoriser leur insertion ?

M. Patrick Braouezec. Je ne suis pas contre ! Je dis simplement que vous ne disposez pas de moyens financiers pour y parvenir !

M. le garde des sceaux. Parlons-nous la même langue, monsieur le député ? Le drame, c’est que vous faites un procès d’intention fondé sur des données fausses ! M. Blazy, lui, m’a demandé ce que recouvrait cette mesure. Vous, tout en ne sachant pas de quoi il s’agit, vous voulez supprimer nos propositions !

M. Patrick Braouezec. Je sais très bien de quoi il s’agit. Cessez de prendre les gens pour des imbéciles, monsieur le ministre ! Faites preuve d’un peu de respect !

M. le garde des sceaux. Je prétends qu’il faut savoir de quoi il s’agit. Quand on demande la suppression d’une mesure, il vaut mieux le faire en connaissance de cause !

M. Patrick Braouezec. J’ai le droit de contester et de dire que ce projet est mauvais !

M. le garde des sceaux. Si nous parlons la même langue, au moins cela fera avancer le débat ou alors, c’est se moquer des Français !

M. Patrick Braouezec. Vous êtes irrespectueux ! Vous ne respectez pas l’avis des autres !

M. le garde des sceaux. Prétendre qu’une bonne mesure est mauvaise et doit être supprimée est très irrespectueux, et même blessant, pour le Gouvernement ! Monsieur Braouezec, vous n’avez pas toujours raison.

M. Patrick Braouezec. C’est mon droit le plus élémentaire que de critiquer une mesure !

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, puis-je m’exprimer sans être interrompu ?

M. le président. Monsieur Braouezec, laissez le Gouvernement s’exprimer. Vous aurez l’occasion de lui répondre au moment de l’examen des amendements. M. le garde des sceaux a la parole, et lui seul.

M. Patrick Braouezec. Que M. le garde des sceaux soit plus respectueux !

M. le garde des sceaux. L’activité de jour, c’est à la fois l’insertion professionnelle et scolaire. C’est un ensemble de mesures éducatives. Soit le jeune entre dans un foyer, soit il reste à son domicile, mais vouloir supprimer ces mesures, c’est nier totalement l’aspect éducatif de la justice des mineurs.

Acceptez une fois de temps en temps, monsieur Braouezec, de reconnaître la vérité ! Vous ne pouvez pas être contre des mesures éducatives...

M. Patrick Braouezec. C’est incroyable ! Est-ce que j’ai dit cela ?

M. le garde des sceaux. …ou alors vous vous contredisez ! Pour une fois, soyez de bonne foi ! Est-ce si difficile ? Dites avec moi que vous êtes favorable aux mesures éducatives de jour. Et retirez votre amendement de suppression !

M. Patrick Braouezec. Non !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Je partage la position du garde des sceaux. Moi non plus, monsieur Braouezec, je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer l’article 36, qui résout deux problèmes. D’abord, il ouvre la possibilité au juge pour enfants de prescrire des mesures d’activité de jour. Ce n’est tout de même pas vous qui allez prétendre qu’il ne faut pas proposer des activités aux mineurs délinquants ! Ensuite, l’article vise à rendre la réponse pénale plus crédible pour les mineurs récidivistes ! Ces deux éléments réunis pallient les carences qui existaient auparavant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Emporté dans son élan pour répondre à M. Braouezec, le ministre n’a pas répondu à la deuxième question que je lui avais posée, celle concernant les moyens.

Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression. Ce qui signifie que nous sommes favorables aux activités de jour, à la condition qu’elles puissent être appliquées. Cela suppose des lieux d’accueil : l’éducation nationale, une entreprise ou une mairie, par exemple. Quelle organisation proposez-vous et avec quels moyens pour la PJJ ? Il est en effet facile d’annoncer la création d’une nouvelle mesure, de l’inscrire dans la loi, de faire de l’affichage, et de s’en tenir là. C’est la raison pour laquelle je pose la question des moyens, question essentielle qui est au cœur de la justice des mineurs.

Avons-nous besoin d’une nouvelle loi ? Je réponds par la négative. Nous ne sommes pas hostiles à une refonte de l’ordonnance de 1945 qui permette de la rendre plus lisible pour la société et les praticiens du droit. Mais nous avons surtout besoin d’une bonne mise en œuvre de ce qui existe, autrement dit de moyens pour appliquer la loi.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je vais tenter de vous répondre avec deux chiffres, monsieur Blazy. Les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse connaissent la plus forte progression au sein du budget du ministère de la justice, avec une hausse de 8 %.

M. Jean-Pierre Blazy. En faveur des établissements pour les mineurs, on le sait.

M. le garde des sceaux. Vous me demandez si nous avons les moyens. Je vous réponds que nous faisons en sorte de les avoir. La PJJ compte actuellement 8 000 agents. Depuis le début de la législature, il y a eu quelque 300 créations nettes de postes. Et je n’ai pas eu connaissance d’une quelconque carence en matière d’effectifs.

M. Jean-Pierre Blazy. Je peux vous donner des exemples !

M. le garde des sceaux. Nous devons poursuivre l’effort de recrutement, particulièrement dans les années à venir pour des raisons démographiques, je l’ai déjà dit. Mais, pour l’heure, les effectifs sont suffisants, car nous avons procédé à de nombreuses créations de postes.

M. Patrick Braouezec. Insuffisantes !

M. le garde des sceaux. Nous disposons donc des moyens nécessaires pour appliquer les mesures proposées dans le projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le garde des sceaux, ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec vous que nous ne comprenons rien ! Nos amendements de suppression ont tous le même objectif. Nous considérons que la loi de 1945 offre un cadre législatif suffisant pour prévenir la délinquance des mineurs. Si elle n’est pas appliquée, c’est faute de moyens. Or ce sera également le cas pour les dispositifs que vous mettez en place.

De plus, à nos yeux, vos articles n’ont rien à voir avec la prévention de la délinquance, mais uniquement avec la sanction et la répression. Vous vous contentez de faire de l’affichage. Ne vous étonnez donc pas si, dans la suite du débat, nous demandons la suppression d’autres articles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 335.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 36.

(L'article 36 est adopté.)

Article 37

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 37.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. L’article 37 étend l’application du contrôle judiciaire, et corrélativement de la détention provisoire, pour ce qui concerne les mineurs de moins de seize ans, en rendant cette dernière mesure possible en matière délictuelle, même lorsque l'enfant mis en examen n'a pas fait l'objet de mesures éducatives antérieures. Le projet de loi élargit donc les cas où des mineurs de moins de seize ans pourront être provisoirement détenus en dehors de la commission d'actes criminels.

Sauf cas tout à fait exceptionnels, les enfants de treize à seize ans qui sont en attente de jugement ne devraient pas être placés dans un établissement pénitentiaire. La logique pénale qui est appliquée aux majeurs ne peut être celle appliquée aux enfants.

Mme Versini, nouvelle défenseure des enfants et ex-membre du gouvernement de M. Raffarin, dit d'ailleurs très bien les risques que présente cet article : « Les dispositions de l'article 37-3, alinéa 3, sont peu compatibles avec la convention internationale des droits de l'enfant. » Cet article, dit-elle, « prévoit la possibilité de placer en détention provisoire avant jugement des mineurs âgés de treize à seize ans suspectés d'avoir commis des délits, dès lors qu'ils n'auraient pas observé certaines dispositions d'un contrôle judicaire et, plus particulièrement, les conditions d'un placement en centre éducatif fermé ». Elle poursuit : « Alors que les inconvénients et les dangers de la détention avant tout jugement ont été très régulièrement soulignés, il est préoccupant d'accroître les. possibilités de placement en détention provisoire, fût-ce pour une courte période, de mineurs âgés de treize à seize ans avant tout jugement sur leur culpabilité. »

Que répondez-vous, monsieur le ministre, à Mme Versini ? Pour notre part, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. L’article 37 ouvre une brèche dans l’ordonnance de 1945 et marque une rupture, en renonçant au primat de l’éducatif au profit du répressif. Nous avons démontré que nous n’étions pas hostiles, loin de là, à la sanction. Mais il s’agit ici, rappelons-le, d’instaurer la possibilité de placer un mineur de treize à seize ans en détention provisoire, en cas de non-respect des obligations liées au placement en centre éducatif fermé. Vous étendez les conditions d’application du contrôle judiciaire, auparavant strictement encadré pour les mineurs de treize à seize ans. Désormais, ceux-ci pourront être placés sous contrôle judiciaire dès que la peine encourue sera supérieure ou égale à sept ans d’emprisonnement, ce qui englobe, par exemple, les vols commis en réunion dans les transports collectifs de voyageurs.

Je m’adresse à M. le ministre de la justice, qui va bientôt présenter une réforme de la justice, ainsi qu’à M. Houillon, qui a été le rapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau, où il a été beaucoup question du recours abusif à la détention provisoire. Je ne peux m’empêcher de leur faire remarquer que l’on s’apprête à appliquer à des mineurs, dès treize ans, une mesure qui a été dénoncée pendant des mois pour les majeurs. Cela témoigne encore une fois d’une volonté d’aligner la justice des enfants sur la justice de droit commun, et ce dans l’un de ses aspects les plus contestables. Réaffirmons qu’avant jugement, sauf cas exceptionnels, la place d’adolescents de treize ans n’est pas en maison d’arrêt !

Dans la perspective d’un grand débat national sur la justice des mineurs, que nous devrions mener sans parti pris idéologique, il nous faut alerter l’opinion : l’alternative en la matière n’est pas entre laxisme et enfermement.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est invraisemblable : lisez le texte avant de parler !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous ne sommes ni pour l’un ni pour l’autre. Pour votre part, vous avez choisi l’enfermement. Est-ce une solution à la violence juvénile alors même que votre projet de loi porte sur la prévention de la délinquance ? Pour nous, il s’agit avant tout, en cette période préélectorale, d’un choix électoraliste, qui n’aboutira qu’à entretenir la violence au lieu de la résorber.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 37.

Je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 336.

Pouvons-nous considérer que vous l’avez défendu, monsieur Braouezec ?

M. Patrick Braouezec. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’aimerais apporter des précisions sur les conditions d’application du contrôle judiciaire.

D’abord, cette idée n’est pas venue de la Chancellerie mais – et je vais peut-être vous surprendre – nous a été soumise par les juges des enfants.

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est important de le rappeler !

M. le garde des sceaux. Ensuite, cette modalité de contrôle judiciaire est d’autant plus intéressante qu’elle constitue une réponse graduée aux cas rares de mineurs, parfois primodélinquants, qui commettent des actes très graves. Pour éviter tout contresens, je précise que la procédure ne débute pas par l’emprisonnement : il s’agit d’abord de placer le mineur dans un foyer classique, où il est soumis à certaines obligations ; en cas de non-respect de ces obligations, le mineur peut être placé en centre éducatif fermé ; enfin, c’est seulement s’il s’en échappait qu’il serait envoyé dans une prison pour mineurs.

Le contrôle judiciaire s’applique dès l’âge de treize ans et ne concerne que peu de jeunes. Il entend répondre – et c’est le fond du débat public actuel – aux cas des rares mineurs d’une infinie violence. Cette riposte graduée permet, à la demande des juges des enfants, de disposer d’une réponse proportionnée.

M. Patrick Braouezec. Et que répondez-vous aux remarques de Mme Versini ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 666.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, j’ai bien compris qu’il s’agissait d’une réponse graduée et que vous vouliez limiter le recours à cette procédure aux infractions les plus graves. Il n’en reste pas moins que cet article ouvre une brèche. Et à entendre le ministre-candidat et à lire le programme de l’UMP, je pense que tout cela annonce une rupture, sur laquelle nous aurons le loisir de revenir pendant la campagne électorale. C’est en cela que cet article est inacceptable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Encore une fois, monsieur Blazy, vous ne semblez pas être dans la réalité. C’est à se demander si la délinquance prend une tout autre forme dans le 95 que dans le 93 ou le 94.

En matière de délinquance des mineurs, on sait que plus on avance dans le temps, plus les délinquants sont jeunes. Je ne sais pas si c’est la même chose dans votre ville, mais dans toutes les banlieues de grandes agglomérations, des actes graves de délinquance sont commis par des jeunes de quatorze à seize ans.

Le texte propose d’accentuer le contrôle judiciaire dans le cadre de l’article 138 du code de procédure pénale, ce qui aura des incidences très concrètes. Cela permettra par exemple à un juge des enfants d’interdire à un jeune mineur de se rendre dans certains lieux, ce qui est, à n’en point douter, une bonne chose. Autre exemple : il pourra lui interdire de rencontrer certaines personnes. Et l’on sait comment certains adultes utilisent notre jeunesse pour commettre des faits graves de délinquance, je pense particulièrement à la drogue.

Le Gouvernement a répondu à la demande des juges des enfants, qui veulent disposer de nouveaux moyens d’agir. Il faut aussi avoir à l’esprit que cela permettra aux centres de protection judiciaire de la jeunesse de mieux fonctionner. La menace de la prison serait en effet une sorte d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des mineurs habitués à rentrer tard dans la nuit dans les foyers, à y faire venir leurs amis, tout en continuant à commettre des actes de délinquance. Il faut donc accepter cette proposition des juges des enfants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 666.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 233.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 37, modifié par l'amendement n° 233.

(L'article 37, ainsi modifié, est adopté.)

Article 38

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Encore une fois, monsieur le garde des sceaux, je vais citer Mme Versini, défenseure des enfants, cette fois-ci à propos de l'alinéa 2 de l’article 38, qui instaure une procédure de présentation immédiate pour les mineurs : « Cette procédure paraît inadaptée pour les mineurs dans la mesure où cela pourrait aboutir à des jugements qui ne prendraient pas en compte la personnalité et l'évolution récentes du mineur. II serait en effet dommageable que, dans le cadre d'une présentation immédiate devant le juge des enfants, des décisions lourdes d'avenir pour le mineur soient prises sur la base d'éléments de personnalité pouvant être anciens, d'enquêtes sociales pouvant remonter jusqu'à dix-huit mois ou en l'absence de parents convoqués mais non présents ce jour-là ». Nous partageons entièrement cet avis.

Le jugement à délai rapproché, créé par la loi Perben II, qui devient « la présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs aux fins de jugement », est désormais possible pour les infractions punies d'un an d'emprisonnement, au lieu de trois ans aujourd'hui, en cas de flagrance, et de trois ans d'emprisonnement, au lieu de cinq ans, dans les autres cas. Cette comparution immédiate ne devait pas avoir lieu dans un délai inférieur à dix jours. Désormais, ce délai pourra ne pas être respecté si le mineur et son avocat y consentent, sauf si les représentants légaux font connaître leur opposition.

L'approche personnalisée par le magistrat de la situation des mineurs ne pourra donc être appliquée lors du jugement. Cette volonté de sanctionner rapidement ignore ainsi une donnée pourtant essentielle : le juge des enfants se doit de prendre en considération la possibilité d'évolution favorable du mineur avant le jugement. En effet, le temps qui est laissé au mineur avant son jugement est sans doute le plus précieux si l'on pense en termes de prévention : c'est celui durant lequel il pourra prendre conscience de ses actes, celui où il s'interrogera sur leur portée et sur son devenir alors qu'il encourt une sanction. C'est durant ce laps de temps qu'il essayera de montrer à la justice sa volonté de s'amender et de changer. Se priver de ce temps précieux, c'est se priver de possibilités réelles de donner à la sanction une portée éducative. Je parle bien de sanction, car nous traitons ici de récidive et non de prévention.

En outre, avec la procédure de jugement à délai rapproché, similaire, dans son mécanisme et dans son esprit, à la procédure de comparution immédiate, la France ne respecte pas ses engagements internationaux et européens, en vertu desquels le traitement pénal des affaires concernant des mineurs doit être effectué par des instances et selon une procédure spécialisées.

Au-delà de notre opposition à un article qui nie, une fois de plus, la spécificité de la justice des mineurs, je rappelle notre hostilité à une mesure qui nie les droits de la défense.

Pour toutes ces raisons nous demandons la suppression de cet article qui va à rencontre de l'idée que la sanction peut avoir une portée éducative.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. L’instauration de la possibilité d’un jugement immédiat pour les mineurs, dans le cadre de la procédure de présentation immédiate, fait débat. Certes, les jugements tardifs sont l’une des plaies de la justice des mineurs : trop de personnes mineures au moment des faits sont majeures au moment du jugement, avec les conséquences catastrophiques que cela peut avoir, pour les responsables comme pour les victimes, qui doivent aussi être prises en compte dans un souci d’équilibre, ici rompu.

Il est vrai également que les mesures d’admonestation et de remise aux parents sont bien trop nombreuses, comme le montrent les statistiques de votre ministère.

Néanmoins, nous ne sommes pas pour une justice expéditive, mais pour une prise en charge immédiate des mineurs, qui ne doit pas être confondue avec l’application immédiate des peines.

On peut s’interroger sur l’intérêt que peut représenter le jugement immédiat des mineurs de plus de seize ans, mais encore faudrait-il disposer des moyens nécessaires : il faudrait augmenter le nombre de juges pour enfants et d’assesseurs et pouvoir organiser plus d’audiences dans les tribunaux.

Comme la présentation à délai rapproché fonctionne assez bien, pourquoi ne pas en rester là ? Votre proposition est peut-être utile, mais on pourrait y réfléchir plutôt que de légiférer dans la précipitation. Je m’inquiète surtout du renoncement à une approche éducative et personnalisée de l’enfant et du jeune. On devrait au contraire la privilégier, mais cela ne semble pas être votre préoccupation.

M. le président. M. Lilian Zanchi, inscrit sur l’article, a renoncé à intervenir.

Les amendements nos 337 et 667 de suppression de l’article 38 ont déjà été défendus.

La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, j’aurais aimé obtenir une réponse du ministre.

M. le garde des sceaux. Je me suis déjà longuement expliqué à ce sujet tout à l’heure !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 337 et 667.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 584.

Cet amendement est-il défendu ?

Mme Béatrice Vernaudon. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 584.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

Article 39

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 338.

L’article 39 élargit l’éventail des mesures destinées aux mineurs de treize ans en ajoutant à la mesure d’activité de jour une mesure de placement pour une durée d’un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation habilité permettant la mise en œuvre d’un travail psychologique, éducatif et social, l’exécution de travaux scolaires, l’avertissement solennel et le placement dans un établissement scolaire doté d’un internat pour une durée correspondant à une année scolaire.

Pour ce qui concerne la mesure de placement, peut-on sérieusement penser qu’il soit possible d’obtenir des résultats positifs après un travail psychologique, éducatif ou social mené sur une période aussi courte ?

Certes, j’entends l’argument de M. le garde des sceaux selon lequel cette mesure ne peut porter sur un temps plus long car elle pourrait concerner un enfant de dix ans et qu’il serait disproportionné de séparer pendant une longue période un enfant si jeune de son milieu. Mais croyez-vous qu’un mois suffira, quel que soit l’âge de l’enfant ?

En outre, cette mesure imposera la création de nouveaux établissements répondant à l’objectif fixé à ce délai de prise en charge. Or, comme les moyens alloués aux établissements éducatifs classiques de la protection judiciaire de la jeunesse sont insuffisants, il y a fort à parier qu’il faudra attendre longtemps avant que cette mesure soit mise en œuvre concrètement.

Quant au placement en internat, personne ne peut nier la dramatique pénurie de ce type de structure. Ce sont donc des moyens considérables qui devront être déployés.

En résumé, parmi les nouvelles mesures proposées, trois ne seront très certainement jamais appliquées faute de structures, et le budget présenté par le ministre de la justice montre que les moyens ne sont pas au rendez-vous pour permettre la mise en œuvre de ces mesures nouvelles. Nous restons donc ici dans l'effet d'annonce, à moins que le garde des sceaux nous annonce aujourd'hui un correctif budgétaire à la hauteur des besoins.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. L’article 39 tend à modifier l’article 15 de l’ordonnance du 2 février 1945 qui fixe la liste des sanctions éducatives applicables aux mineurs âgés d’au moins dix ans.

Parmi les nouvelles sanctions figure la mesure de placement dans une institution ou un établissement public ou privé d’éducation situé en dehors du lieu de résidence habituel.

Concrètement, cela signifie qu’un enfant de dix ans et un jour, ce qui est très jeune, pourra désormais être éloigné, sous la contrainte, de son domicile et de ses parents pour une durée d’un mois. Même s’il s’agit d’une rupture momentanée du lien familial, il y a bien rupture. Quelle est la pertinence d’une telle disposition sur le plan éducatif, étant donné le très jeune âge des mineurs visés ?

Nous nous interrogeons sur la pertinence de cette mesure coercitive qui vide encore de son sens la distinction entre sanction éducative et peine. Il faudra bien clarifier un jour le vocabulaire, mais aussi le contenu.

On voit bien que l’on glisse de plus en plus vers cette rupture qui caractérise votre projet de loi qui, sous prétexte de prévention, procède à une réforme de l’ordonnance de 1945.

M. le président. M. Lilian Zanchi, inscrit sur l’article, a renoncé à intervenir.

L’amendement n° 338 de suppression de l’article 39 a déjà été défendu par M. Braouezec.

La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 234.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement rejoint les préoccupations exprimées à l’instant par M. Braouezec.

Le projet de loi prévoit pour les mineurs la possibilité d’un éloignement pendant un mois en dehors du lieu de résidence habituel. Nous avons pensé que cette durée pouvait être trop courte et qu’il fallait permettre au juge de la moduler, tout en maintenant ce délai d’un mois pour les mineurs jusqu’à treize ans.

Si l’on peut comprendre qu’il puisse être long pour un enfant de dix à treize ans d’être éloigné de ses parents pendant un mois, en revanche cette période peut s’avérer trop réduite pour des mineurs de seize ou dix-sept ans.

Tel est l’objet de cet amendement qui vise à porter la durée du placement à trois mois maximum, renouvelable une fois, ce qui permettra au juge de moduler la mesure, sans excéder un mois pour les mineurs de dix à treize ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Depuis 2002, il existait déjà six sanctions éducatives. Nous proposons d’en ajouter quatre : le placement dans un foyer, dont je viens de parler, l’internat scolaire, l’exécution de travaux scolaires et l’avertissement solennel. Tels sont les nouveaux moyens mis à la disposition des juges, s’agissant des mineurs et en particulier des jeunes mineurs.

Le placement dans un foyer, ce qui veut dire sortir l’enfant de son milieu habituel, est souvent la meilleure solution pour lutter contre la délinquance des mineurs et la récidive.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 157.

La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour soutenir cet amendement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Compte tenu de l’adoption de l’amendement précédent, je retire mon amendement, qui prévoyait un éloignement d’au moins 300 kilomètres.

M. le président. L’amendement n° 157 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 158.

La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le soutenir.

M. Jacques-Alain Bénisti. Le placement dans une famille d’accueil exerçant une profession agricole ou artisanale et située à plus de 500 kilomètres du lieu de résidence habituel permettrait l’apprentissage d’un métier et de valeurs éducatives et sociales.

Les expérimentations qui ont été faites il y a quelques années ont montré l’efficacité de ces mesures sur les enfants vivant dans un environnement délictuel et qui sont en conflit perpétuel avec leurs parents. L’apprentissage d’un métier peut leur permettre de se raccrocher à quelque chose et de leur inculquer des valeurs plus saines.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’insiste auprès de M. Bénisti pour qu’il retire également cet amendement. En effet, la mesure d’éloignement, fixée à 300 kilomètres dans l’amendement n° 157, est ici portée à 500 kilomètres. Même si elle est assortie d’une précision concernant la profession agricole ou artisanale, cela me semble véritablement trop contraignant. Faisons confiance au juge pour trouver la mesure adaptée et ne lui imposons pas de respecter une distance. Que se passera-t-il s’il trouve une famille située à 392 kilomètres ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce débat repose, comme nous l’a indiqué M. le garde des sceaux, sur la connaissance du droit, ce qui est évidemment essentiel quand on légifère. Une chose me frappe. Il s’agit en effet d’individus jeunes, parfois très jeunes, dont nous allons influencer l’avenir. Au-delà des cas individuels, il s’agit de savoir comment approcher ce problème stratégique qu’est celui de la délinquance des mineurs, donc de sa prévention. Dans n’importe quel autre domaine, nous procéderions par expérimentation, par évaluation, et non par affirmation idéologique. Il ne s’agit pas d’une idéologie de gauche ou de droite, mais de ce que nous croyons être juste : notre intuition nous laisserait penser que telle chose serait meilleure que telle autre. Je ne comprends absolument pas cette démarche profondément archaïque qui consiste à faire évoluer des pans entiers de notre politique sans procéder dans un premier temps à des expérimentations et dans un second à des évaluations. Vous préférez généraliser une politique en vous fondant sur des affirmations subjectives, en faisant confiance à votre imagination créatrice. Nous ne nous investissons pas suffisamment dans ces politiques sociales au sens large du terme, même si elles ont évidemment un caractère répressif et éducatif.

Enfin, quelle part prendra l’éducation nationale ? Sera-t-elle mobilisée ? Quels sont les moyens ? Comment va-t-elle réagir ? On parle d’internat… S’impliquera-t-elle dans cette politique de la main tendue – fût-ce fermement – ou continuera-t-elle, au contraire, son chemin sans se soucier de ce qui se que vivent les enfants d’une même classe d’âge ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Monsieur Bénisti, vous avez satisfaction, au moins dans l’esprit. Je tiens à vous rassurer. Tous les CEF sont situés en milieu rural et sont même souvent très éloignés des centres urbains. Ce sont généralement des fermes entourées de murs ou des maisons relativement anciennes. Un centre éducatif fermé à vocation agricole sera prochainement créé en Corrèze.

M. Jean-Marie Le Guen. Est-ce à Bity qu’il sera créé ? Il semble qu’il y ait là-bas des locaux vides entretenus par l’État ! Cela pourrait être utile !

M. le garde des sceaux. Quoi qu’il en soit, nos mineurs sont placés dans des établissements qui relèvent exclusivement du ministère de la justice, même si nous passons des conventions avec les enseignants qui interviennent en tans que tels dans les centres éducatifs renforcés et surtout dans les centres éducatifs fermés. Vous avez donc pleinement satisfaction. À défaut de son retrait, je serai donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Bénisti ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le garde des sceaux, je sais que des centres sont effectivement situés à la campagne ou à la montagne, mais ils ont l’inconvénient de concentrer en un seul endroit un certain nombre de jeunes qui s’autosuggestionnent pour ne pas, malheureusement, sortir de la délinquance. Le fait de les placer seuls à la campagne dans des familles d’accueil leur permettra de ne pas récidiver. De plus, mon amendement se fondait sur une expérience qui fonctionne très bien au Canada. Des tentatives de ce type se sont également révélées positives en France. Cela dit, j’ai bien entendu l’ensemble des arguments et je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 158 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 235.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 39, ainsi modifié, est adopté.)

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 39

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 632 et 395, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 632.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je vais rappeler la situation actuelle avant de vous présenter l’amendement qui a été adopté par la commission des lois et qui, je crois, a le soutien du Gouvernement.

Dans le droit positif actuel, il y a ce qu’on appelle l’excuse de minorité ou, plus exactement, le principe d’atténuation de la peine en raison de la minorité, en vertu duquel on ne peut prononcer pour un mineur que la moitié de la peine prévue pour les majeurs, avec une exception pour les jeunes de seize à dix-huit ans. Le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peuvent ne pas tenir compte de cette atténuation de responsabilité à titre exceptionnel, en fonction de l’espèce, de l’âge et de la personnalité du mineur. Lorsque cette excuse n’est pas retenue, le tribunal pour enfant doit s’en expliquer par une décision spécialement motivée, ce qui n’est pas le cas pour la cour d’assises des mineurs car, comme vous le savez, les arrêts de cour d’assises, pour l’instant, n’ont pas à être motivés.

Une décision du Conseil constitutionnel précise le périmètre d’action et pose comme principe constitutionnel que les mineurs doivent être jugés par une juridiction spécialisée ou dans le cadre d’une procédure particulière, et que l’on doit tenir compte de leur âge et de leur personnalité pour prononcer des mesures adaptées. Le Conseil constitutionnel ne fixe pas de limites pour ces mesures adaptées, il dit simplement que c’est en fonction de l’âge et de la personnalité, ce qui permet de faire évoluer le curseur. Dans la même décision, il souligne par ailleurs qu’il faut conjuguer ce principe d’atténuation avec les nécessités de l’ordre public et les nécessités de poursuite et de prévention des infractions.

À partir de là, il y a eu un débat sur le fait de savoir s’il fallait changer la majorité pénale ou supprimer l’excuse de minorité.

Je l’ai dit au début de l’examen de ce texte en présentant mon rapport : de mon point de vue, il faut remettre à plat l’ensemble de l’ordonnance de 1945.

M. Lilian Zanchi. Nous sommes d’accord !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Elle a fait l’objet, cela a été redit à plusieurs reprises, de cinquante-trois modifications. Il est clair que les mineurs de 1945 ne sont pas ceux de maintenant et que les situations ne sont pas les mêmes. Il me semble donc opportun de remettre tout sur la table et de procéder bien entendu à toutes les concertations nécessaires pour aboutir à un texte adapté à notre époque. Une telle démarche, je crois que tout le monde est d’accord sur ce point, ne peut se faire maintenant, à la hâte. Elle suppose une concertation, et on ne pourra donc l’engager qu’après les prochaines échéances électorales.

On voit bien que la tranche d’âge entre seize et dix-huit ans est un peu particulière. Je vous rappelle qu’en 1945 la majorité civile était à vingt et un ans et que la majorité pénale a été fixée à dix-huit ans. On faisait donc déjà, à l’époque, une différence entre majorité civile et majorité pénale. Actuellement, il n’existe pas vraiment de différence mais les exceptions de notre droit positif font de la tranche des seize – dix-huit ans une catégorie particulière, ce qui n’est pas anormal puisque, pour ne prendre que cet exemple, le code civil permet à un mineur d’être émancipé à partir de seize ans. Cela veut dire que, dans un certain nombre de cas, certes après une décision, on peut considérer que le mineur est un adulte à partir de seize ans puisque le code civil lui accorde les mêmes droits et devoirs qu’à un adulte.

Après de nombreuses discussions, nous nous sommes mis d’accord à la commission des lois sur une solution d’étape, en attendant cette réforme globale de l’ordonnance de 1945 qu’un certain nombre d’entre nous appellent de leurs vœux. Il s’agit de permettre aux juridictions, en fonction de l’âge et de la personnalité, de ne pas appliquer d’une manière générale l’excuse de minorité à partir de seize ans.

Le principe reste donc naturellement l’excuse ou l’atténuation de responsabilité. Nous vous proposons simplement de rendre plus lisible la démarche en permettant aux juridictions de ne pas retenir l’atténuation de responsabilité en fonction, ce qui colle très précisément à la décision du Conseil constitutionnel, de l’âge, de la personnalité et de la mesure la mieux adaptée, en conjuguant cela avec les préoccupations d’ordre public que je rappelais tout à l’heure. En cas d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique, en état de récidive légale, l’excuse de minorité ou l’atténuation de responsabilité ne fonctionnera pas.

Dans mon esprit, je le répète, c’est une étape, qui paraît consensuelle, pour affirmer un peu plus cette spécificité de la tranche d’âge entre seize et dix-huit ans, de façon à permettre aux juges, de manière plus lisible, de ne pas tenir compte dans ce cas de l’atténuation de responsabilité, mais c’est une étape parce qu’il me paraît nécessaire de tout remettre à plat dans le cadre d’une concertation, puis d’une étude. Ce sont des sujets un peu complexes, et il faut prendre le temps. Je pense que ce sera après l’élection présidentielle.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de la commission des lois, que j’ai tenté d’expliquer clairement, et donc de repousser l’amendement n° 395.

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, pour présenter l’amendement n° 395.

Mme Nadine Morano. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le rapporteur, et je rends hommage au travail compliqué que vous avez réalisé sur cette question. C’est un vrai sujet de débat.

De 1995 à 2005, la délinquance a explosé, augmentant de 53 %. Elle a augmenté ensuite de 20 %. Elle augmente maintenant moins vite, mais elle continue d’augmenter. Lorsque les mineurs commettent des délits ou des actes de barbarie, des actes qui portent atteinte à l’intégrité physique des personnes, ils reviennent dans les cités en faisant le V de la victoire. Les forces de sécurité sont découragées, excédées d’interpeller toujours les mêmes.

M. Jean-Marie Le Guen. Bravo au garde des sceaux !

Mme Nadine Morano. Les populations qui vivent dans ces quartiers difficiles et sensibles ne comprennent pas.

Nous voyons des jeunes qui dérapent, qui tombent dans la délinquance,…

M. Jean-Marie Le Guen. Dans la barbarie, vous voulez dire !

Mme Nadine Morano. …et même dans la barbarie, vous avez raison. On ne peut pas les laisser dépasser ainsi la ligne continue. La sanction, c’est aussi la base de la prévention. Nous sommes des élus, mais nous sommes aussi des parents. Nous éduquons nos enfants, nous savons bien qu’à un moment, il faut leur dire non et être sévère. C’est pour la société ou ce qu’on leur doit en termes d’éducation, mais c’est aussi pour les autres et pour eux-mêmes, parce que les laisser déraper, c’est les laisser en prendre pour quarante ans de leur existence, et la société aussi en prend pour quarante ans quand on ne fait rien pour les empêcher de tomber dans le ravin.

L’excuse de minorité, ils en ont connaissance et ils en jouent. Ils savent que, de toute façon, on ne peut rien contre eux.

Ce que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de le rappeler, ne peut être qu’une étape. Je crois qu’il nous faudra aller beaucoup plus loin. Je voterai votre amendement, et je pense qu’après il faudra porter le débat devant les Français, l’élection présidentielle en sera l’occasion. Ce sera à eux de décider ce que souhaite faire la société face aux délinquants mineurs multirécidivistes tombés dans la barbarie, pour se protéger mais aussi pour protéger ces enfants qui auront un destin. Il nous faudra faire preuve de la même fermeté dans la sanction et dans l’accompagnement.

M. le président. Madame Morano, dois-je comprendre que vous retirez votre amendement, puisque vous avez annoncé que vous voteriez celui de la commission ?

Mme Nadine Morano. Oui.

M. le président. L’amendement n° 395 est retiré.

M. Jean-Marie Le Guen. Comment ! La barbarie est à nos portes et on ne fait rien ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 632, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je veux d’abord rappeler que le Conseil constitutionnel a, par une décision d’août 2002, élevé au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, dont l'excuse de minorité est un des trois éléments constitutifs.

Ceci dit, on peut, au moment de donner une traduction législative à ce principe, déplacer le curseur vers une position de plus ou de moins grande sévérité sans sortir du cadre posé par l’ordonnance de 1945. C’est ce que fait le rapporteur de la commission des lois dans cet amendement, et c’est pourquoi le Gouvernement y est favorable.

Cet amendement introduit deux modifications dans l'article 20-2 de l'ordonnance. La première, importante par sa généralité, supprime la précision que le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peut décider de ne pas appliquer l’excuse de minorité « à titre exceptionnel ». L’amendement permet ainsi d'exclure plus facilement l'excuse de minorité en fonction des circonstances liées à l'espèce et à la personnalité du mineur.

Deuxième modification, cet amendement ouvre une deuxième hypothèse autorisant le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs à écarter le bénéfice de l'excuse de minorité : il s’agit du cas des mineurs de plus de 16 ans ayant commis des faits constituant une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne en état de récidive légale. L’état de récidive légale exclut dans cette hypothèse la nécessité pour la juridiction de motiver spécialement sa décision. Cette précision équivaut à une véritable inversion dans l’application du principe puisque dans ce cas l’excuse de minorité n’est plus la règle mais l’exception. Le rapporteur a donc poussé très loin le curseur, tout en préservant le principe : c’est du moins comme cela que je l’interprète.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais vous dire. Je pense que c’est le maximum que l’on peut faire sans sortir du cadre de l’ordonnance de 1945. Quant à une refonte générale de l’ordonnance par un nouveau texte, je ne peux m’exprimer sur la question tant qu’il n’y a pas de projet de loi, et je laisse ce soin au débat public.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je veux simplement, monsieur le président, préciser un point sur lequel je n’ai peut-être pas été suffisamment clair : le juge conserve naturellement la latitude d’appliquer ou non l’excuse de minorité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Ces échanges font apparaître les nuances qui, au sein de la majorité et surtout de l’UMP, distinguent les partisans de la « rupture molle » de ceux de la « rupture dure », incarnée ce matin par Mme Morano. J’observe au passage que M. Marsaud n’est pas là pour défendre son amendement. Il est vrai qu’il applique déjà la rupture dure dans sa circonscription du Limousin. Récemment, en effet, à l’occasion de la fête départementale de son parti, il a appelé quelque deux cents à trois cents militants et sympathisants à manifester devant le domicile d’un mineur de dix-sept ans qu’il soupçonnait d’avoir dégradé sa permanence à Limoges. On voit qu’il est partisan de la justice la plus expéditive, et pas seulement dans ses amendements !

Quant à la rupture molle, c’est vous, monsieur notre rapporteur, qui l’incarnez aujourd’hui. Il s’agit, comme le ministre vient de le confirmer, d’aller le plus loin possible dans la restriction du champ d’application de l’excuse de minorité sans sortir du cadre de l’ordonnance de 1945. Or le juge n’est jamais réellement obligé d’appliquer l’excuse de minorité. Ce qui se manifeste là, c’est la volonté d’aller toujours plus loin dans la répression, qui se heurte en l’espèce à cette satanée ordonnance de 1945.

Nous souhaitons nous aussi que la justice des mineurs fasse l’objet d’un véritable débat national, que nous souhaitons aussi dépassionné que possible. Il ne faudrait pas que les méfaits de la jeunesse, ou d’une partie de la jeunesse, ou même de ce noyau dur de mineurs multirécidivistes dont on parle – en tant que maire de banlieue affronté à ces réalités, je suis totalement convaincu qu’il faut en parler – soient assimilés à de la barbarie.

Mme Nadine Morano. Brûler un bus, ce n’est pas de la barbarie, peut-être ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous prie de laisser M. Blazy s’exprimer.

M. Jean-Pierre Blazy. J’essaie d’être nuancé, madame, alors cessez des provocations qui ne contribuent pas à la sérénité du débat.

Le caractère barbare d’un tel acte est évident, et cette barbarie doit être condamnée avec la sévérité la plus extrême.

Mme Nadine Morano. Merci !

M. Patrick Braouezec. C’est un crime puni par la loi ! Qu’on applique la loi !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un crime dont la sanction est déjà prévue par la loi, et j’espère que la justice ira jusqu’au bout dans cette affaire. Nous sommes bien d’accord sur ce point et le problème n’est pas là. Il faut éviter de généraliser un fait divers d’une extrême gravité pour légiférer sur cette base, surtout maintenant : voter cette mesure en fin de législature n’est rien d’autre que de l’affichage.

Le pire, c’est que cette disposition ne vous satisfait même pas, madame Morano, pas plus qu’elle ne satisfait M. Sarkozy, comme il l’a redit hier à la télévision en présentant le programme de l’UMP en la matière.

On ne peut pas débattre d’un projet de loi de prévention de la délinquance sans s’interroger sur les raisons de l’explosion de violence à laquelle nous assistons actuellement, tout particulièrement depuis un an. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Incapables que vous êtes de la juguler sur le terrain, vous vous lancez dans une fuite en avant sécuritaire, législative et idéologique, qui n’aura dans les faits aucun résultat.

Mme Nadine Morano. N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Blazy. Vous le savez très bien, puisque nous en sommes à la quatrième réforme de l’ordonnance de 1945 en quatre ans et demi, et nous en voyons les résultats sur le terrain : une partie de notre jeunesse est plus violente que jamais.

Nous sommes d’accord sur la nécessité d’une refonte de l’ordonnance de 1945, pourvu que celle-ci soit précédée d’un débat national. Les élections présidentielle et législatives seront déjà l’occasion d’en débattre, mais il faudra prolonger ce débat au-delà des élections. L’ordonnance de 1945 n’est pour nous ni un totem ni un tabou.

Nous avons déjà proposé, sans succès, qu’on accroisse sa lisibilité, en établissant des distinctions claires entre mesures éducatives, sanctions et peines. Il faudra bien un jour simplifier un texte devenu un maquis illisible où on a accumulé un fatras de mesures et de sanctions. Cette confusion a rendu les principes de ce texte incompréhensibles, non seulement pour la société, mais même pour ceux qui sont chargés de mettre en œuvre la justice des mineurs.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Je voudrais simplement, à l’intention de Mme Morano, qui n’a pas assisté à ma première intervention, rappeler quelques chiffres. Je pense en effet qu’on ne peut pas débattre de la délinquance des mineurs en ignorant ce qu’elle est réellement.

Vous prétendez, après le ministre de l’intérieur, qu’il y a de plus en plus de mineurs délinquants, notamment parmi les enfants de moins de treize ans. Cette assertion est infirmée par les chiffres officiels : on compte aujourd’hui 3 648 délinquants de moins de douze ans, contre 3 021 en 2001, soit 600 de plus en cinq ans, ce qui n’est pas une augmentation notable. En revanche, en ce qui concerne les délinquants de dix-sept ans, on en recense 23 000 contre 21 939 en 2001.

Mme Nadine Morano. Il y a eu une décélération en cinq ans ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. La preuve que non !

M. Lilian Zanchi. Les chiffres officiels ne montrent donc pas un rajeunissement de la délinquance des mineurs, mais plutôt un vieillissement, puisqu’elle augmente chez les jeunes de plus de dix-sept ans et les jeunes majeurs de dix-huit à vingt-et-un ans, comme l’a rappelé le président Houillon.

Je veux également rappeler les chiffres concernant l’emprisonnement ferme des jeunes. Les tribunaux pour enfants ont prononcé en 2004 6 630 peines d’emprisonnement ferme, contre 8 305 en 2001. On ne peut donc pas dire que les juges se sont montrés laxistes envers ces jeunes.

Enfin l’observation des faits susceptibles de poursuites mettant en cause des mineurs montre que ces faits font l’objet d’une transmission au juge d’instruction moindre qu’hier. Le problème n’est donc pas de voter des sanctions plus lourdes et la possibilité de les appliquer à de plus jeunes, mais de donner à la justice les moyens d’appliquer l’ordonnance de 1945 telle qu’elle est aujourd’hui.

Nous sommes d’accord avec vous, monsieur le président Houillon, sur la nécessité de réviser radicalement l’ordonnance de 1945. Nous devons lancer un grand débat national à partir de constats partagés par tous les acteurs, élus, forces de l’ordre, magistrats, éducateurs, qui aboutisse à une réforme efficace de la justice des mineurs.

Ce débat doit être engagé autour de trois objectifs, que j’indiquerai très rapidement. Le premier doit être le respect du principe fondamental selon lequel un mineur ne peut être jugé comme un majeur ; le deuxième doit être la lisibilité de l’échelle des sanctions, qui permette une réponse adaptée et proportionnée à tout acte de délinquance commis par un mineur ; le troisième devra être le développement massif des peines alternatives à la prison, en développant notamment la réparation pénale, les centres d’éducation et les chantiers d’apprentissage et d’insertion pour éviter la récidive.

Vous dites, monsieur le président Houillon, qu’il faut dans une première étape pouvoir sanctionner pénalement un jeune de seize ans comme un adulte, puisque le droit civil prévoit déjà qu’il puisse bénéficier des droits d’un adulte. Pourquoi ne pas aller au bout de cette logique et s’interroger collectivement sur l’opportunité d’abaisser l’âge de la majorité à seize ans ? Puisque vous aimez lier droits et devoirs, pourquoi décider de sanctionner les jeunes de seize ans comme des adultes sans leur ouvrir les droits dont jouissent les majeurs ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous parlons des délinquants !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Le propos en cette matière, mes chers collègues, n’est pas tant de renforcer la répression : je suis fondamentalement convaincu qu’il ne sert à rien d’aggraver les peines. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Patrick Braouezec. C’est une révélation !

M. Claude Goasguen. Le problème est que notre système contraint le législateur à les aggraver parce qu’il n’est pas satisfait de l’application de la loi.

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà qui est intéressant !

M. Claude Goasguen. La pire des solutions serait de continuer cette escalade. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

La question que nous devons nous poser, mes chers collègues, est donc celle de l’application de la loi : pourquoi celle-ci ne nous satisfait-elle pas ? Il ne s’agit même pas de parler de bien ou de mal : dans cette enceinte, dans l’opinion, dans la presse, tous ont le sentiment que quelque chose ne fonctionne pas.

M. le garde des sceaux. Vous vous trompez de débat.

M. Patrick Braouezec. Ce sont les moyens qui manquent à la justice !

M. Claude Goasguen. Nous sommes tout aussi conscients que vous que la question des moyens est essentielle, et la campagne présidentielle qui se prépare ne pourra pas en faire l’économie. Vous me concéderez que nous avons légèrement amélioré la situation matérielle de la justice, mais je reconnais qu’elle n’est pas suffisante.

Un autre problème est celui de la relation entre le juge et l’application de la loi. Le système que nous avons adopté depuis 1993 est contraire à nos traditions juridiques, qui donnaient au juge une faculté d’interprétation garantie par la Constitution, dans une fourchette située entre une peine maximale et une peine minimale. Ce rôle du juge avait été défini à une période peu reluisante de notre histoire, où la classe politique était tellement vilipendée que…

M. Philippe Houillon, rapporteur. Revenons à l’excuse de minorité !

M. Claude Goasguen. C’est le même problème, monsieur le rapporteur, et la même philosophie.

À l’époque où ont été définies ces règles, il semblait qu’il fallait donner au juge le plus possible de pouvoirs car la classe politique, pour diverses raisons, n’était pas en mesure d’assumer certaines critiques qui lui étaient faites sur la place publique. En généralisant ce système, nous avons commis une grave erreur, sans d’ailleurs aller au bout de la démarche, puisque certains actes justifient désormais la peine maximale et la peine minimale.

La responsabilité du juge et l’application de la loi sont donc aujourd’hui au centre du débat. Je ne suis pas satisfait de la manière dont la loi a été appliquée, depuis 1993, en ce qui concerne les tribunaux d’enfants, et je le dis sans agressivité envers la justice, qui fait son métier. Dès lors qu’il reconnaît au juge la possibilité d’appliquer la loi de cette manière, le législateur doit prendre ses responsabilités en cas de dysfonctionnement. C’est précisément ce que nous nous efforçons de faire ici, non sans difficulté d’ailleurs, compte tenu du fait que le corps judiciaire – qu’il s’agisse des avocats ou des magistrats – défend ses privilèges de corporation.

L’amendement du rapporteur me convient, même s’il ne s’agit que d’un pis-aller dans un débat beaucoup plus large. Je l’accepte, car vous avez bien senti quelques divergences d’interprétation, dont la presse s’est d’ailleurs fait l’écho, entre certains parlementaires partageant la vision d’un candidat à l’élection présidentielle qui s’est déclaré hier et le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pourquoi cacher la vérité ? Dans la majorité comme dans l’opposition, le débat n’est pas tranché, et je le regrette, car nous n’améliorons que peu la situation. Cependant, puisque l’élection présidentielle est proche et que ce débat sera au centre de la campagne, je retire très volontiers l’amendement n° 82, pour soutenir l’amendement du rapporteur, qui me paraît aller dans le bon sens. Il permet en effet de donner le sentiment que le juge n’est pas seulement celui à qui le législateur délègue des responsabilités qu’il n’a pas voulu assumer en 1993, mais que cette responsabilité doit être assumée d’une manière plus publique et plus nette.

Sans langue de bois, sans cacher les difficultés internes que nous rencontrons et avec toutes les réserves qui s’imposent, je retire donc l’amendement n° 82 au profit de l’amendement du rapporteur.

M. le président. L’amendement n° 82 est retiré.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L’intervention de M. Goasguen est très intéressante et très éclairante sur les débats en cours. Sans doute est-il en contradiction avec la position du garde des sceaux et, sans doute, du Premier ministre, mais il est encore plus « orthogonal » – c’est-à-dire en contradiction absolue – avec les propos de Mme Morano.

Votre analyse, mon cher collègue, était frappée au coin du bon sens lorsque vous observiez légitimement que le problème n’est pas tant l’arsenal ou le niveau juridiques définis par le code que le problème de l’application de la loi. Si je vous ai bien compris, cependant, ici comme en d’autres occasions, vous suggérez qu’il faut, pour contourner une autorité judiciaire dont l’action ne vous satisfait pas, imposer la notion de peine plancher, mais c’est peut-être là hâter notre débat.

Vous ne faites pourtant que contourner l’obstacle. On peut ne pas souscrire à votre jugement, légitime pourtant, clair, net et fort logique. Il n’en pose pas moins clairement le problème du contrôle exercé par le Parlement sur le travail du pouvoir exécutif et de l’exécutif sur l’ordre judiciaire. Point n’est alors besoin d’user d’un subterfuge, et la peine plancher que vous envisagez n’est qu’un contournement pour demander aux juges – et en particulier aux juges des enfants, car c’est d’eux qu’il s’agit – d’agir différemment.

Les juges des enfants vous répondent souvent, cher monsieur Goasguen, qu’ils ne sont pas laxistes. Ils veulent rappeler au législateur que le problème est celui du manque de moyens. Tous les jours, disent-ils, ils se trouvent dans l’impossibilité de placer des jeunes en foyer ou en institution. Pour appartenir au secteur de la santé, qui est peut-être plus traditionnel, j’entends souvent aussi évoquer le manque de moyens et je sais faire la part des choses. S’il est vrai cependant qu’on peut parfois trouver des moyens, il semble que la démonstration avancée par les magistrats chargés des mineurs soit assez juste, et tout concourt à accuser un considérable déficit de moyens, notamment pour ce qui concerne le placement des jeunes.

Sans qu’il y ait là rien de polémique, le bilan des fameux centres fermés parle de lui-même. Cette mesure était présentée comme exemplaire, fondamentale, dans le programme présidentiel et gouvernemental de 2002, et les centres fermés devaient être la voie principale de l’action en direction des jeunes. Au bout du compte, le nombre de places créées – quelques dizaines tout au plus – n’est pas à la hauteur des problèmes.

L’intervention de Mme Morano se situait sur un tout autre versant, qui est plutôt celui du ministre de l’intérieur. Sans entrer dans les polémiques internes à un clan qui représente une partie de la majorité, il me semble en effet que la position de Mme Morano est plus proche que celle de M. Goasguen du discours de M. Sarkozy. Je préfère cependant le discours de M. Goasguen.

Il est extraordinaire, en effet, que Mme Morano puisse tenir un tel discours au terme de cinq ans d’un gouvernement auquel on ne peut pas dire que M. Sarkozy et ses idées n’aient pas été associés ! Au terme de l’examen d’un texte dont M. Sarkozy a expliqué qu’il était emblématique de sa volonté politique, on nous avoue que la prévention de la délinquance ne sert à rien, parce que nous sommes confrontés à la barbarie, contre laquelle nous n’avons pas les moyens juridiques de lutter et que, pour en avoir les moyens, il nous faudrait remettre en cause la législation sur la délinquance des mineurs et nous lancer dans la fuite en avant vers l’augmentation des peines, contre laquelle nous a mis en garde M. Goasguen. Voilà la réalité de ce discours.

Je m’interroge sur le bilan d’un homme politique qui, après avoir passé cinq ans au poste de ministre de l’intérieur, nous soumet in extremis un projet de loi qu’il présente comme le cœur de son intervention et avoue, après quinze jours de débats sur ce texte, qu’hors de l’augmentation de la partie répressive il n’est point de salut et que tout ce que nous avons fait, tout ce qu’il a fait lui-même depuis cinq ans n’a abouti absolument à rien et n’a permis ni de limiter l’augmentation de la violence des mineurs ni de prévenir ces actes de barbarie. Est-ce une posture qu’il se donne ? S’agit-il d’une échappatoire pour tenter de fuir son propre bilan ? N’est-ce pas plutôt une fuite en avant, faute de pouvoir maîtriser une situation due pour l’essentiel à l’absence d’une réelle politique de prévention de la délinquance – dont toute la discussion de ce projet de loi n’a d’ailleurs pas réussi à créer les conditions ? Ne sommes-nous pas capables de lutter contre la violence qui imprègne notre société et se traduit par des actes de plus en plus violents commis par des délinquants de plus en plus jeunes, entreprenant des actions radicales ?

M. le président. Monsieur Le Guen, veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Marie Le Guen. Je termine, monsieur le président.

Certaines pistes ont pourtant été évoquées en matière de lutte contre la violence, axées sur le rôle des médias, sur les politiques familiales ou sur les conditions d’une reprise de la scolarisation. À défaut d’une action forte de l’État dans ces domaines, nous assisterons à un glissement contre lequel une répression toujours plus forte et toujours plus dure sera sans effets.

Tel est bien, me semble-t-il, le bilan que vous tirez. Il faudra choisir entre la fuite en avant proposée par Mme Morano, l’action sur la justice que propose M. Goasguen et, peut-être, l’action que nous proposons, qui porte sur la justice et se double de mesures sociales et familiales.

M. le président. M. Le Guen ayant distribué des brevets de sarkozysme au sein du groupe UMP, je suppose que Mme Morano souhaite lui répondre.

M. Claude Goasguen. Sarkozysme de droite et sarkozysme de gauche : c’est le rassemblement !

Mme Nadine Morano. M. Goasguen a exposé une analyse globale des peines minimales, qui seront examinées tout à l’heure, et de l’excuse de minorité.

Monsieur Le Guen, je vous trouve un peu…

M. Claude Goasguen. Gonflé ?

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Irresponsable ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Barbare ?

Mme Nadine Morano. J’emploierai un mot plus mesuré : je trouve un peu excessif que vous nous donniez des leçons sur la délinquance des mineurs.

Si j’ai pour la fonction de maire de M. Blazy tout le respect possible, je tiens toutefois à rappeler que je suis née et que j’ai vécu jusqu’à l’âge de 23 ans dans les cités. Au Haut-du-Lièvre, à Nancy, j’ai vu la délinquance des mineurs, qui a marqué le départ de mon engagement politique. J’ai vu certains de mes copains devenir des délinquants parce qu’ils n’ont pas eu la chance d’avoir comme moi des parents qui les avaient encadrés et menés à l’école,…

M. Patrick Braouezec. D’où la prévention !

Mme Nadine Morano. Vous parlez de tout ce qu’il faudrait faire, mais n’oublions pas qu’il y avait aussi dans les bâtiments de ces cités des concierges qui nous donnaient des coups de bâton quand on marchait sur l’herbe. Il y avait aussi une conscience collective de l’éducation des enfants. Quand on voyait un enfant faire une bêtise, même si ce n’était pas le sien, on le réprimandait.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes un peu jeune pour la nostalgie, madame Morano !

Mme Nadine Morano. Il y avait une responsabilité, mais il y avait aussi le respect à l’école et certaines valeurs que vous avez détruites en vingt ans de socialisme. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Permettez-moi de dire que votre position est tout de même un peu fort de café !

Monsieur Le Guen, vous devriez voter ce texte, qui met le maire au cœur de la prévention. Le maire est celui qui connaît le mieux ces quartiers, les familles et les personnes en difficulté.

Vous avez laissé dans ces quartiers une immigration débridée. Les gens vivent à dix ou quinze dans un appartement de trois pièces.

M. Jean-Pierre Blazy. Comment ça, c’est nous ?

Mme Nadine Morano. On sait bien ce que sont devenus ces quartiers, avec une immigration débridée que vous avez laissé filer (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et une école qui ne fonctionne plus. Vous parlez de surveillance des enfants, et c’est en effet essentiel. La différence, c’est que nous y travaillons.

M. le président. Madame Morano, le règlement prescrit que vous devriez vous adresser au président. Cela permettrait sans doute de préserver la sérénité de notre débat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nadine Morano. Monsieur le président, vous avez raison, mais puisque M. Le Guen m’avait interpellée à plusieurs reprises, la politesse me commandait de lui répondre.

Je rappelle que ce projet de loi met le maire au cœur du dispositif, avec le conseil des droits et des devoirs de la famille. Il s’agit de repérer les familles en difficulté et d’assurer un accompagnement à l’école ainsi qu’une vraie concertation et un échange d’informations entre les services sociaux, le travailleur social, la justice et l’éducation nationale.

M. Jean-Marie Le Guen. Des sous, madame Morano !

Mme Nadine Morano. Vous exagérez ! Un budget interministériel sera consacré à la prévention de la délinquance.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas une explication de vote !

Mme Nadine Morano. Ce qui m’interpelle, ce sont les jeunes multirécidivistes, les plus barbares. Nous savons bien que la majorité de nos jeunes vont bien, mais qu’une poignée d’individus empoisonne la vie des autres. Ce sont eux qu’il faut extraire de leur milieu.

Je rappellerai aussi, avec le garde des sceaux, que la loi sur la programmation de la justice a fait ce que vous n’avez pas fait, en créant des établissements pénitentiaires pour les jeunes – car il n’est pas sain de mélanger les délinquants mineurs avec des délinquants majeurs. Sept de ces unités ouvriront en 2008.

Quant aux centres éducatifs fermés, on en compte aujourd’hui dix-neuf. Il s’agit de petites unités destinées à prendre en charge des jeunes qui sont non pas déstructurés, mais « a-structurés », en ce sens qu’ils n’ont aucune structure, et que des équipes très compétentes et très formées s’emploient à remettre dans le droit chemin. Les 19 centres existants offrent 190 places. En 2008, les centres éducatifs fermés seront au nombre de 46, avec 500 places. Cette formule répond vraiment à l’impératif de prévention de la délinquance et permet de remettre ces jeunes sur le terrain.

Quant au ministre de l’intérieur, il a raison de porter le débat sur la scène publique. En tout état de cause, monsieur Blazy, monsieur Le Guen, je tiens à rappeler que Mme Royal est complètement absente de ce débat. Vous avez évoqué les différences au sein du groupe UMP. Je voudrais pour ma part vous rappeler vos incohérences. En effet, Mme Royal, qui est députée, n’a pas mis le pied dans cet hémicycle.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et le ministre de l’intérieur ?

Mme Nadine Morano. Le ministre de l’intérieur assume ses responsabilités. Mme Royal, au contraire de vous, veut mettre les primodélinquants dans des camps militaires qui ne sont pas faits pour ça.

M. Claude Goasguen. La Légion !

Mme Nadine Morano. Et Mme Royal, après s’être aperçue que cette idée ne ralliait pas une majorité dans son camp, veut maintenant exporter la délinquance des mineurs en plaçant ceux-ci dans des camps humanitaires à l’étranger.

Où se trouve votre cohérence, monsieur Le Guen ? Plutôt que de vous occuper du sarkozysme, où vous êtes le bienvenu d’ailleurs – si vous souhaitez nous rejoindre, surtout n’hésitez pas – (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),…

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne veux pas compliquer vos problèmes !

Mme Nadine Morano. …regardez-vous d’abord et appelez Mme Royal à venir s’exprimer devant les Français sur la prévention de la délinquance des mineurs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Madame Morano, je me permets de vous dire que je ne suis pas persuadé que Nicolas Sarkozy souhaite accueillir M. Jean-Marie Le Guen. (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. En effet !

Mme Nadine Morano. On ne sait jamais !

M. le président. Essayons d’apaiser ce débat qui avait été jusqu’ici placé au bon niveau par notre rapporteur. Le sujet étant important, j’essaie de faire en sorte que chacun puisse s’exprimer. Je vais donner la parole à trois orateurs encore, puis nous procéderons au scrutin et je suspendrai la séance quelques instants afin de voir comment organiser la suite de nos travaux.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, je vous remercie. Des engagements ont été pris, et je souhaite pour ma part qu’ils soient tenus. Ont surgi dans le débat…

M. Philippe Houillon, rapporteur. Comme une flèche !

M. Jean-Pierre Blazy. …des orateurs qui n’avaient pas participé au début de nos discussions ; ils ont apporté leur contribution légitime – c’est leur droit, je ne le conteste pas –, mais ce débat difficile, complexe, sur l’ordonnance de 1945 ne peut souffrir de caricatures qui sont déjà le lot, souvent quotidien, de certains discours tenus à l’extérieur de cet hémicycle. Si l’on peut regretter l’absence de Mme Royal, que dire de celle du ministre d’État ? Il est inutile de s’étendre là-dessus.

Par ailleurs, madame Morano, nous n’en sommes pas encore aux explications de vote. De tous les sujets que vous avez évoqués à grands traits, comme le rôle du maire, nous débattons depuis des heures et des heures.

Mme Nadine Morano. C’est bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Nous débattons en ce moment de l’ordonnance sur les mineurs ; je souhaite qu’on s’y tienne et que les engagements soient respectés.

Tel était le sens de ce rappel au règlement, monsieur le président.

M. le garde des sceaux. Très bien !

Reprise de la discussion

M. le président. Étant donné le nombre de députés présents dans l’hémicycle, nous n’allons pas commencer à dire qui est présent ou non, cela me paraît la moindre des élégances. Même si, je tiens à le souligner, certains collègues sont là sans discontinuer depuis une dizaine de jours.

M. Claude Goasguen et Mme Valérie Pecresse. M. Bayrou n’est pas là, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je ferai trois remarques.

Tout d’abord, je ne veux pas faire une distribution des prix de sarkozysme, mais je note qu’il y a un sarkozysme jusqu’au-boutiste et un sarkozysme de compromis (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), …

Mme Valérie Pecresse. Et le ségolisme de M. Le Guen, qu’est-ce que c’est ?

M. Patrick Braouezec. …que je considère tout de même comme sarkozyste jusqu’au bout des ongles, mais qui a compris qu’il valait mieux que vous vous mettiez d’accord, au sein de votre groupe, par rapport à ce projet de loi. Je note et je regrette qu’on légifère autour d’un amendement de ce type pour simplement faire en sorte que la majorité reste unie.

Je voudrais dire que je partage très largement les propos tenus par M. Le Guen, parce que nous sommes vraiment au cœur de cette fuite en avant qu’il a dénoncée.

Enfin, je reviens sur deux de vos propos, madame Morano. En fait, vous avez mis le doigt sur quelque chose de tout à fait juste quand vous avez évoqué votre tendre enfance – qui n’est pas si lointaine –…

Mme Valérie Pecresse. Ne soyez pas condescendant, monsieur Braouezec !

M. Patrick Braouezec. …et la façon dont on réglait alors certaines questions de société, mais je vous rappelle que le maire n’était pas au centre de tout cela, que c’était le fait de l’ensemble de la société, parce qu’il y avait des perspectives communes, un projet qui tenait cette société, un certain nombre de valeurs, de repères qui étaient partagés par tous.

Mme Nadine Morano. Il y avait l’ordre et il était respecté !

M. Patrick Braouezec. Or, à force de diviser les gens, objectif que votre majorité s’est fixé, on en arrive à une société éclatée. C’est cela aujourd’hui qui pèse sur l’ensemble de notre société et qui ne permet plus d’avoir une cohésion nationale.

M. Camille de Rocca Serra. C’est vous qui avez déstructuré la société !

M. Patrick Braouezec. À force de vouloir toujours placer le maire au centre de tous les dispositifs, l’État se désengage non seulement de ses responsabilités, mais de la recherche du sens qu’il entend donner à la société. Votre gouvernement, votre majorité, sont incapables de donner du sens.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, dernier orateur sur l’amendement no 632.

M. Jacques-Alain Bénisti. Une réponse à M. Le Guen : je comprends ses effets théâtraux, son exaltation, son énervement, parce que nous, parlementaires de l’UMP, serions peut-être dans le même état si, placés dans l’opposition, nous voyions un ministre de gauche déposer un projet de loi sur la prévention de la délinquance. Il est vrai que, pendant des dizaines d’années, on a beaucoup parlé d’un projet de loi sur ce sujet et que, malheureusement, il n’est jamais arrivé. Je comprends donc que M. Le Guen s’énerve à l’encontre d’un texte émanant, qui plus est, d’un ministre qui n’a pas fait comme beaucoup d’autres : il n’a pas imposé ses vues, mais pendant trois ans, il a confié à des parlementaires de terrain, à des maires, la responsabilité de travailler sur ce texte, et, en plus, il a auditionné tous les acteurs de terrain qui participent au quotidien à la lutte contre la délinquance. Je comprends donc l’exaltation qui anime certains, notamment M. Le Guen.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement no 632.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 25

Nombre de suffrages exprimés 25

Majorité absolue 13

Pour l’adoption . 17

Contre …8

L'Assemblée nationale a adopté l’amendement no 632. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. L’amendement no 587 est retiré.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à treize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 40

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet article est relatif aux mesures d’activité de jour. Je me contenterai, après le débat…

M. Philippe Houillon, rapporteur. Très riche !

M. Jean-Pierre Blazy. …que nous avons eu sur l’amendement présenté par le rapporteur, de rappeler la position la plus récente du Conseil constitutionnel concernant l’ordonnance de 1945. C’est important parce qu’il aura peut-être de nouveau à se prononcer. Dans sa décision du 29 août 2002, s’il n’a annulé aucun des articles de la loi promulguée le 9 septembre 2002, il a paradoxalement conforté l’ordonnance du 2 février 1945 en consacrant ses principes directeurs, lesquels sont tout de même malmenés dans la nouvelle réforme que vous nous proposez. Ainsi, s’agissant de la primauté de l’action éducative, c’est-à-dire, selon la formule du Conseil constitutionnel, de « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants », je ne crois pas qu’avec vos mesures, surtout l’article 41, nous y parvenions. Il y a une véritable rupture avec cette nécessité définie par le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, qui défendra peut-être aussi l’amendement de suppression.

M. Patrick Braouezec. En effet, monsieur le président.

Cet article prévoit le prononcé de la mesure d'activité de jour en cas d'ajournement de la mesure éducative. Ces précisions montrent parfaitement que l'ensemble du dispositif de l'ordonnance de 1945 est en train de basculer vers un dispositif pénal de droit commun. Les dispositions prises relèvent uniquement du champ répressif et la sanction devient une finalité en soi. L'axe éducatif est en fait absent des dispositions du projet, même si l'éducation est visée dans l'exposé des motifs.

Au-delà de ce constat, on peut s’interroger sur le respect, par ce projet de loi, de la Convention internationale des droits de l'enfant, laquelle précise que les États parties – la France en est un – reconnaissent à l'enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser le sens de la dignité et de la valeur personnelle, renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales d'autrui et tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci.

À cette fin, les États parties doivent veiller à ce que tout enfant suspecté soit présumé innocent et informé directement et dans le plus bref délai des accusations portées contre lui. Ils doivent aussi veiller à ce que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou une instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, selon une procédure équitable aux termes de la loi, et que sa vie privée soit pleinement respectée à tous les stades de la procédure.

Il me paraît donc essentiel de conserver le cadre institutionnel de l’ordonnance de 1945, qui spécifie la justice des mineurs en conciliant éducation et sanction. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 40.

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 339, qui tend à supprimer l’article et que M. Braouezec vient de défendre.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je voudrais brièvement expliquer l’intérêt de cet article et, par là même, pourquoi je suis défavorable à sa suppression.

Au moment de l’audience, le tribunal pour enfants pourra reconnaître la culpabilité du mineur tout en ajournant le prononcé de la sanction, et même, le cas échéant, substituer à cette dernière une mesure d’activité de jour, laquelle a généralement vocation à permettre l’insertion professionnelle.

Ajourner la sanction d’un jeune et lui dire que, s’il s’adapte aux conditions d’insertion professionnelle par ses efforts et son travail, il sera peut-être dispensé de ladite sanction, voilà une disposition fort intéressante du point de vues juridique comme éducatif. Il ne faut donc surtout pas supprimer l’article.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 339.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 40.

(L'article 40 est adopté.)

Article 41

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, inscrit sur l’article.

M. Jean-Pierre Blazy. L’article 41 vise à permettre le placement à l’extérieur en centre éducatif fermé – dont le ministre a tenté de dresser le bilan –, accroissant ainsi de nouveau les possibilités de placement en CEF et, au-delà, en détention.

Une telle proposition obéit à une logique d’enfermement qui contrevient à l’un des principes fondamentaux de l’ordonnance de 1945. Nous devons mener, sans passion idéologique excessive, une réflexion autour d’objectifs précis.

Je pense tout d’abord qu’il convient de réviser l’ordonnance de 1945 afin de la rendre plus lisible mais, en l’occurrence, comme le montrent les rapports publiés sur ce sujet, le problème est surtout de donner à la justice les moyens de l’appliquer, en garantissant que la chaîne éducative qui suit le mineur délinquant fonctionne sur la base du primat éducatif. La justice doit prendre en charge le mineur sans délai, ce qui ne signifie pas que la peine doit être immédiate. Il faut pour cela, je le répète, lui en donner les moyens.

Des moyens, vous en consommez déjà beaucoup avec les centres éducatifs fermés, et cela va continuer avec les établissements pour mineurs, auxquels nous ne sommes d’ailleurs pas opposés. Or il est évident que, malgré les efforts consentis en faveur du budget pour la justice sous la précédente et l’actuelle législature – je le reconnais –,…

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. …ces moyens sont insuffisants.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que refuser la mesure proposée.

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 340, qui vise à supprimer l’article 41.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le défendre.

M. Patrick Braouezec. Je voudrais me faire l’écho d’éducateurs travaillant dans les centres éducatifs fermés, afin de faire pièce aux satisfecit affichés sur certains bancs. Ces éducateurs nous disent que les centres éducatifs fermés remettent fondamentalement en cause le sens de leur métier et qu’ils augurent de la fin de leur mission. La dimension éducative y est en effet occultée et les activités auxquelles les mineurs sont astreints ne sont, pour l'essentiel, que destinées à les occuper. Je le répète : ce n'est pas moi qui le dis mais les éducateurs eux-mêmes.

De même, la démarche d'élaboration d'un projet individuel pour chaque mineur, telle qu'elle est exigée par la loi du 2 janvier 2002, n'est pas intégrée dans la plupart des centres. La perspective d'avenir est donc absente de cette mesure à vocation prétendument éducative. Ces centres n'ont pour vertu ni d'éduquer, ni de reconstruire l'enfant, ni de l'inscrire dans une perspective d'avenir. Ils ne sont donc que des centres fermés. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Je voudrais pour conclure résumer notre position sur cette série de sept articles prétendument consacrés à la prévention de la délinquance, et pour lesquels je dresse un même constat : je suis incapable de dire lequel d’entre eux est réellement consacré à la prévention de la délinquance des mineurs. En réalité, tous visent évidemment à accroître la répression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Un mot d’explication, afin que l’Assemblée comprenne bien les enjeux du débat.

Le placement en centre éducatif fermé peut aujourd’hui être prononcé dans le cadre d’une libération conditionnelle, d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve. Nous proposons, à titre de modalité d’exécution, d’élargir la palette du placement à l’extérieur aux condamnations à une peine d’emprisonnement.

Prenons l’exemple d’un mineur placé en CEF ayant une affaire en cours au tribunal correctionnel, laquelle aboutit à une condamnation à deux ans de prison ferme. Grâce à l’article 41 – c’est pourquoi il est difficile d’y être opposé –, ce jeune pourra rester en centre éducatif fermé et continuer à bénéficier de mesures éducatives dont il serait privé en prison.

Ceux qui critiquent les éducateurs, monsieur Braouezec, ne travaillent pas en CEF. À l’origine, les éducateurs y étaient en effet opposés car ils craignaient que ces centres ne remplissent pas leur mission éducative. À présent que l’expérience est validée, plus un seul éducateur y travaillant – j’insiste sur ce point – ne dira que les CEF n’ont pas de vertu éducative.

M. Patrick Braouezec. Si !

M. le garde des sceaux. Ceux que vous rencontrez n’y ont jamais travaillé ! Ces centres sont un vrai succès :…

Mme Valérie Pecresse. C’est vrai !

M. le garde des sceaux. …heureusement que nous les avons créés. Ils constituent un outil remarquable pour les mineurs délinquants récidivistes.

Bref, la modalité prévue par l’article 41 est à la fois moins sévère est plus éducative.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 340.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

Article 42

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi, inscrit sur l’article.

M. Lilian Zanchi. Cet article propose d’ouvrir la possibilité d’accomplir un travail d’intérêt général au profit d’une personne morale de droit privé.

Nous ne pouvons qu’être d’accord sur le principe, mais l’expérience des maires et des collectivités locales montre toute la difficulté d’accueillir parfois les personnes condamnées à un travail d’intérêt général : l’évaluation récente de l’inspection générale du ministère l’a souligné. Lorsque nous accueillons ces personnes dans nos collectivités, nous devons trouver et désigner des tuteurs, lesquels doivent être formés car ils n’ont pas forcément l’habitude d’accompagner les personnes en question.

Il me semble, monsieur le garde des sceaux, que le fonds pour la prévention de la délinquance pourrait peut-être jouer un rôle à cet égard. Il faudrait qu’une convention soit signée entre le procureur et les collectivités locales – peut-être dans le cadre des contrats locaux de sécurité –, de façon que ces dernières puissent mettre des postes à la disposition des tuteurs et les accompagner dans leur formation. Une fois que les tuteurs ont pris en charge une personne, ils ont souvent du mal à en prendre une autre, étant donné leur état de fatigue et la charge de travail qu’ils ont assumée.

Il faudrait donc établir un lien plus étroit entre le ministère de la justice et les collectivités territoriales, afin que le dispositif soit le plus efficace possible. Il y va en effet de la prévention et de la réinsertion sociale et professionnelle, le travail d’intérêt général étant souvent, notamment pour les jeunes majeurs, un premier contact avec l’emploi.

On ne peut donc pas se satisfaire d’étendre le dispositif : il faut le renforcer.

M. le président. L’article 42 ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 42 est adopté.)

Article 43

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 236, qui a une portée rédactionnelle.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement est défendu.

M. le président. Le Gouvernement y est favorable.

M. le garde des sceaux. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 43, modifié par l'amendement n° 236.

(L'article 43, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 43

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 351 rectifié.

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le défendre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’amendement vise à créer une nouvelle peine de « sanction-restauration » consistant à faire remettre en état les lieux endommagés lors de l’infraction, et se substituant au paiement d’une amende. Cette nouvelle peine pourrait s’appliquer aux personnes physiques comme aux personnes morales, être prononcée à titre de peine complémentaire, fractionnée ou utilisée dans le cadre de la composition pénale.

L’idée est d’avoir une peine à valeur pédagogique et d’éviter qu’en matière de préjudice environnemental les contrevenants soient tentés d’enfreindre la loi et de payer une contravention – celle-ci pouvant être relativement mineure par rapport à la réalité du dommage environnemental, lequel persiste puisque la contravention ne permet pas de le réparer.

Cette sanction-restauration offre donc une nouvelle possibilité au juge ; elle va dans le sens de la pédagogie et d’une meilleure protection de l’environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement, qui nécessitera quand même, au cours de la navette, un petit travail supplémentaire de rédaction à propos de la définition de la sanction-restauration, afin que celle-ci soit conforme aux exigences de notre code pénal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. C’est un amendement intéressant, mais qui ne prévoit que les contraventions et non les délits. Il faudra donc le compléter. Il s’intègre néanmoins parfaitement à l’article 43, qui prévoit la sanction-restauration. Le Gouvernement s’en remet, dans ces conditions, à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Le groupe socialiste n’est hostile ni au principe de la sanction-restauration ni à l’amendement qui vient d’être proposé. Celle-ci, qui existe déjà en pratique, constitue une forme de travail d’intérêt général et peut être tout à fait opportune dans certains cas.

J’ajouterai une remarque sur la navette, dont on ne cesse de dire qu’elle aura à améliorer tel ou tel point du texte. Il me semble qu’elle aura, si elle fonctionne, une charge de travail considérable pour améliorer un projet très confus.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. J’aurais voté l’amendement de Mme Kosciusko-Morizet s'il figurait dans un autre projet de loi. Je considère en effet que substituer la réparation à l’amende est intéressant dans la mesure, notamment, où cela offre une meilleure lisibilité de certains actes délictueux et de la façon dont on peut les réparer. Il faudrait cependant revoir la notion de peine complémentaire, qui implique qu’il y a d’autres peines.

Quoi qu’il en soit, dans le cadre de ce projet de loi, je m’abstiendrai.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 44

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 341.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Il s’agit d’un amendement de suppression. L’article 44 ajoute à la liste des mesures alternatives aux poursuites prévues par l'article 41-1 du code de procédure pénale l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale et un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. Il complète également la liste des peines complémentaires.

Je voudrais faire deux observations. La première concerne la définition du stage de responsabilité parentale. J'aimerais beaucoup, monsieur le ministre, que vous nous en disiez plus. Être parent, en effet, n'est pas un métier ; être parent ne s'apprend pas de manière théorique, avec des recettes qu'il suffirait d'appliquer. Quel sera donc le contenu de ces stages ? Comment et par qui seront-ils dispensés ? Des médecins, des professionnels de l'enfance, des éducateurs ? Votre proposition est tellement abstraite qu'il nous est difficile de nous prononcer sur l'opportunité de l'introduire dans notre code de procédure pénale et de droit pénal.

Deuxièmement, lors de la discussion de cet article au Sénat, vous avez dit, monsieur le garde des sceaux, que « ceux qui se prononcent pour la suppression de cet article préfèrent la prison ou l'amende, alors que ceux qui en souhaitent le maintien considèrent qu'une peine de stage de responsabilité parentale est préférable ». Comment aboutissez-vous à cette conclusion ?

Demander la suppression de cet article ne signifie absolument pas que nous demandions la suppression des mesures alternatives aux poursuites ou la suppression des peines complémentaires, au contraire. Notre critique porte ailleurs, et vous le savez bien. Présenté comme une sanction, le stage de responsabilité parentale ne peut être considéré comme une aide aux familles en souffrance. Voilà où se trouve notre désaccord.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 341.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 237.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 44, modifié par l'amendement n° 237.

(L'article 44, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 44

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 238.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement technique de MM. Garraud et Geoffroy, adopté par la commission des lois et relatif à la peine de confiscation. Il s’inscrit dans une logique de prévention de la récidive, puisque, lorsqu’il y a confiscation de l’objet ayant servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit, on peut penser que cela concourt à la prévention de la récidive.

L’amendement étend par ailleurs le périmètre de la confiscation dans deux cas particuliers d’infractions : la pédopornographie en bande organisée et la fausse monnaie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238.

(L'amendement est adopté.)

Article 45

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, inscrit sur l’article.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet article concerne le régime des internats pour mineurs. Nous n’y sommes pas opposés mais nous interrogeons sur leur mise en œuvre. En effet, même si l’on imagine un partenariat avec les collectivités territoriales, le recours au seul fonds pour la prévention de la délinquance, quand bien même le financement de ce régime pourrait être un de ses objectifs, ne pourra suffire.

On ne peut pas sans cesse réformer l’ordonnance de 1945, renforcer les mesures, les sanctions, les peines applicables aux mineurs, en abaissant de surcroît l’âge où ils sont concernés, sans réfléchir aux moyens qui vont avec. S’il s’agit d’un discours à destination de l’opinion, celle-ci comprendra rapidement qu’il s’agit d’un simple affichage si les moyens ne suivent pas.

M. le président. Je mets aux voix l'article 45.

(L'article 45 est adopté.)

Après l’article 45

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 387.

La parole est à M. Lilian Zanchi, pour le soutenir.

M. Lilian Zanchi. Dans la logique de l’amendement du président Houillon, voté tout à l’heure par l’Assemblée, nous proposons, dans cet article additionnel, de faire passer la majorité de 18 ans à 16 ans.

En effet, si l’on estime que l’on peut se voir appliquer dès 16 ans le même traitement pénal qu’aux majeurs, la logique veut qu’on obtienne en contrepartie un certain nombre de droits.

Je pense que vous n’accepterez pas cet amendement, mais il serait pourtant cohérent par rapport à ce que nous avons déjà voté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. L’ensemble de la question devra en effet être remis sur la table après l’élection présidentielle ; il sera temps alors d’examiner à quel âge doivent être fixées la majorité civile et la majorité pénale.

M. le président. M. le rapporteur n’aura pas de brevet de royalisme !

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 387.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 83 et 396.

La parole est à M. Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 83.

M. Claude Goasguen. Je souhaite que le débat porte essentiellement sur l’amendement n° 631 rectifié, très voisin de celui-ci.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 631 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Nadine Morano, pour soutenir l’amendement n° 396.

Mme Nadine Morano. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ces amendements abordent la question déjà largement débattue des peines-planchers. Ils ont été repoussés par la commission au profit de l’amendement n° 631 rectifié, qui aborde, monsieur Goasguen, un sujet qui n’est pas tout à fait identique. J’invite donc leurs auteurs à retirer ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’en suis resté à l’article 44 et je vois que l’on en est après l’article 45. Je suis un peu perdu…

M. le président. Nous en sommes en effet après l’article 45. L’amendement n° 387 a été rejeté, et nous discutons à présent des amendements identiques nos 83 et 396.

M. le garde des sceaux. Mais l’amendement n° 631 rectifié de la commission des lois se situe après l’article 44.

M. le président. Non, il se trouve après l’article 45, à la suite de ces deux amendements identiques. Les services de la séance de l’Assemblée me semblent avoir une certaine compétence en la matière.

M. le garde des sceaux. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Je demande simplement si l’amendement 631 rectifié passe après l’article 45.

M. le président. L’amendement n° 631 rectifié est bien après l’article 45.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je retire l’amendement n° 83 et j’interviendrai plus longuement lorsque nous examinerons l’amendement n° 631 rectifié de la commission des lois.

M. le président. L’amendement n° 83 est retiré.

Madame Morano, retirez-vous également l’amendement n° 396 ?

Mme Nadine Morano. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 396 est retiré.

La demande de scrutin public sur les amendements identiques nos 83 et 396 n’a plus lieu d’être.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Je vois que Mme Morano et M. Goasguen rebroussent chemin après avoir tenté une offensive ! Nous avons bien vu les difficultés internes à la majorité dans cette affaire, le débat ayant du reste commencé ailleurs.

Ces amendements portent directement atteinte à la liberté des juges et font preuve d’une forte méfiance à son égard.

M. le président. Monsieur Blazy, votre rappel au règlement n’a strictement rien à voir avec le règlement. Les amendements ayant été retirés, il ne peut y avoir de discussion sur ceux-ci.

Je vous propose donc de reprendre vos observations ultérieurement.

M. Jean-Pierre Blazy. D’accord.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 631 rectifié qui fait l’objet de deux sous-amendements identiques, nos 713 rectifié et 715 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 631 rectifié.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je donnerai également l’avis de la commission sur les deux sous-amendements identiques, leur exposé sommaire étant en revanche différent.

En réalité, il y a déjà eu une discussion sur les peines plancher, mais nous nous sommes aperçus qu’il nous était demandé de les rendre plus lisibles.

Avant la réforme de 1994, le code pénal prévoyait des peines minimales et maximales, que la presse appelle des peines plancher. Il ne s’agit donc pas d’une invention récente : nous avons vécu avec pendant des décennies.

M. Claude Goasguen. Des siècles même : depuis 1810 !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Le juge pouvait néanmoins, en motivant sa décision, prononcer une peine inférieure à la peine minimale en invoquant des circonstances atténuantes.

La réforme de 1994 a remplacé les peines minimales par les peines encourues ou peines légales, fixées par le législateur. Aucun article du code pénal réprimant une infraction quelle qu’elle soit n’indique qu’il s’agit de la peine maximale. Pour un vol, par exemple, le code pénal prévoit une peine de trois d’emprisonnement. Or, en pratique, on s’aperçoit que les peines fixées par le législateur ne sont jamais prononcées.

Si le garde des sceaux nous a proposé tout à l’heure un amendement, que nous avons adopté, relevant de dix à quinze ans la peine encourue pour les violences entraînant une interruption temporaire de travail d’un mois sur un certain nombre de personnes, c’est qu’il estime nécessaire de demander aux tribunaux d’entrer plus sévèrement dans la voie de la condamnation. Nous jugeons utile de relever la peine, tout en sachant qu’elle ne sera pas appliquée.

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas la même juridiction !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Certes, puisqu’on passe du tribunal correctionnel à la cour d’assises, mais on passe tout de même de dix à quinze ans de réclusion criminelle.

Si les peines encourues ne sont pas appliquées, c’est parce que les juges, en vertu du principe de valeur constitutionnelle de l’individualisation des peines, sont libres d’en prononcer d’autres.

L’amendement n° 631 rectifié ne vise pas à modifier cet équilibre, mais simplement à le rendre plus lisible.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est le droit du législateur de comprendre pourquoi la peine qu’il fixe n’est pas prononcée par le juge.

Mme Nadine Morano. Exactement !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Les juges doivent donc motiver leur décision de prononcer une peine inférieure à la peine encourue dans les cas de réitération et de récidive. Cela existe d’ailleurs en sens inverse. Prenons le cas d’une juridiction qui prononce une peine de trois ans d’emprisonnement ferme pour un primodélinquant ayant commis un vol. Elle devra expliquer pourquoi elle n’a pas fait preuve d’un peu moins de fermeté que lorsqu’il s’agit d’un réitérant.

Cette meilleure lisibilité est un dû vis-à-vis du législateur et de la victime, qui a le droit de comprendre, mais aussi du condamné. C’est un outil de prévention supplémentaire. Tel est l’objet de l’amendement qui a été adopté par la commission des lois.

Les deux sous-amendements identiques visent à mettre l’expression « de la peine encourue » au pluriel. J’y suis favorable, l’expression « les peines encourues » étant plus fréquemment utilisée dans le code pénal. Il s’agit bien d’une modification rédactionnelle, comme le précise M. Goasguen.

Toutefois, je récuse totalement ce qui est inscrit dans l’exposé sommaire du sous-amendement n° 713 rectifié du Gouvernement. Mais ce n’est pas très grave car la motivation n’est pas adoptée.

Le Gouvernement considère que le singulier implique une application obligatoire de la peine encourue, qui deviendrait alors à la fois la peine plancher et la peine plafond. C’est sans doute une compréhension erronée de l’amendement adopté par la commission des lois. Tel n’est en effet pas du tout l’objectif de cet amendement. Il ne prévoit en aucun cas que la peine encourue légale, c’est-à-dire celle fixée par le législateur, doit être systématiquement prononcée, mais pourquoi on choisit telle peine plutôt que telle autre dans les cas de réitération et de récidive.

Je ne vous cache pas – mais là n’est pas le débat – que je suis tenté de demander la généralisation de ce principe à toutes les peines, afin qu’il y ait une lisibilité.

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Comment cela se passe-t-il en pratique ? Lorsqu’une décision est rendue par exemple en matière correctionnelle, la peine est inscrite sur la chemise du dossier.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, je crois que tout le monde a compris !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Monsieur Braouezec, bien qu’étant rapporteur, je ne crois pas avoir beaucoup monopolisé la parole tout au long de l’examen de ce texte !

M. Patrick Braouezec. Vous vous rattrapez aujourd’hui !

M. Claude Goasguen. Le sujet est important !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je disais donc que l’on inscrit la peine sur le dossier. En cas d’appel, on motive la condamnation, pas le choix de l’appel.

Qu’entend-on par principe de l’individualisation des peines ? Il s’agit de la possibilité de choisir la peine que l’on veut. Et pour répondre à cette demande constitutionnelle d’individualisation, il faut s’expliquer. Sinon, comment justifier que l’on individualise une peine ?

Je suis donc favorable aux deux sous-amendements identiques, mais avec la motivation retenue par M. Goasguen.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement n° 713 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement n° 713 rectifié.

M. le garde des sceaux. Je commence par l’essentiel : le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission, ainsi, bien sûr, qu’au sous-amendement de M. Goasguen, qui est identique au sien.

Le problème de la récidive est un vrai problème sur lequel nous avons déjà beaucoup réfléchi au cours de la législature : je rappelle qu’une proposition de loi a été adoptée sur ce thème en 2005, dont le rapporteur était votre regretté collègue Gérard Léonard. Dès cette époque, nous avons consulté un grand nombre de spécialistes afin d’envisager le niveau minimal auquel pouvaient descendre les peines planchers. L’affaire avait été tranchée : il est possible de fixer des peines minima, mais on peut « crever le plancher » – en cas de circonstances atténuantes, notamment – par une décision motivée. Ne pas l’autoriser serait en revanche inconstitutionnel.

La motivation doit se faire par référence aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de son auteur. C’est la synthèse de ces éléments qui permet au juge de personnaliser la peine, ainsi que le considère d’ailleurs le Conseil constitutionnel. Toutefois, on peut légitimement décider, comme le propose la commission des lois, qu’en matière correctionnelle, en cas de récidive, le tribunal soit obligé de motiver le choix de la nature, du quantum et du régime de la peine.

Mais il doit motiver ce choix au regard de l’ensemble des peines encourues, qui peuvent être l’emprisonnement, l’amende, une peine complémentaire ou alternative. La justification doit être faite par rapport aux peines possibles et non à la peine plafond, car, dans ce dernier cas, se poserait à nouveau un problème constitutionnel. Ce sous-amendement permet donc de lever toute ambiguïté. Nous concilions ainsi une exigence constitutionnelle – l’individualisation des peines, qui implique de prendre en compte les circonstances et les faits – et une exigence pédagogique, la nécessité pour le juge de motiver le choix de la peine.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour présenter le sous-amendement n° 715 rectifié.

M. Claude Goasguen. Notre droit a toujours prévu la personnalisation des peines, notamment à travers la notion de circonstances atténuantes, appliquée dès 1832. Le débat concerne plutôt la façon de concevoir l’articulation entre la loi et l’application de la loi. Je suis pour ma part partisan d’un droit pénal de lege ferenda. Le code pénal de 1993, dans ses tendances extrêmes, me paraît aller à l’encontre de la tradition pénale française mais c’est un autre débat.

Pour en revenir au problème qui nous occupe, je rappelle que les parlementaires, confrontés à un projet du Gouvernement, ont le devoir de l’amender en tenant compte de l’opinion de leurs administrés et de ce qu’ils sentent être juste. Dans le projet initial, il n’y avait rien au sujet de la récidive, le Gouvernement objectant que la situation était acceptable en l’état. Tel n’a pas été notre avis, un vide juridique étant inacceptable en la matière. Je tiens donc à remercier le Gouvernement d’avoir évolué. Certes, nous aurions pu aller plus loin sur la question des peines planchers, qui s’annonce d’ores et déjà comme un thème majeur de l’élection présidentielle. Mais je suis heureux de constater que le Gouvernement prend en considération l’avis des parlementaires. En acceptant la proposition du rapporteur, en répondant à une partie de notre attente, il fait un geste et montre qu’il entend sa majorité.

L’enjeu, c’est la lisibilité des décisions de justice, dans une société qui réclame plus d’information. Dans le domaine de la délinquance, et en particulier de la délinquance des jeunes, on parle beaucoup des accusés, mais bien peu des victimes. La motivation des décisions leur est avant tout destinée.

Bien que mon sous-amendement soit identique à celui du Gouvernement, il existe une différence d’appréciation sur ce qui les motive. Je considère quant à moi qu’il s’agit d’une modification purement rédactionnelle, tenant compte du fait que le code pénal évoque le plus souvent « les peines » au pluriel plutôt qu’au singulier. Ce n’est, semble-t-il, pas l’avis du Gouvernement, si j’en crois l’exposé des motifs de son sous-amendement, qui a dû coûter de nombreuses heures de réflexion à son auteur. Je vous en épargne la lecture et les plaisanteries qu’il pourrait m’inspirer, mais ces quelques lignes sont de nature à nous plonger dans une intense réflexion juridique. Cela étant, je le répète, l’essentiel est que le Gouvernement ait pris en considération une partie des revendications de sa majorité parlementaire.

M. le président. Mes chers collègues, je vous signale que nous parlons depuis exactement vingt-deux minutes de l’amendement n° 631 rectifié et des deux sous-amendements qui le concernent. Je vais donner la parole à M. Jean-Pierre Blazy pour répondre au Gouvernement, mais je vous en avertis : quoi qu’il advienne, la séance sera levée à quinze heures.

Vous avez la parole, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas l’opposition qui prolonge notre discussion, monsieur le président. Le débat a lieu au sein même de la majorité et est inspiré, nous le savons, par le ministre de l’intérieur. Ce dernier s’appuie sur de récents faits divers dramatiques – la séquestration et la mort d’Ilan Halimi, l’incendie d’un bus à Marseille – pour justifier un durcissement des sanctions contre les mineurs, la remise en cause de l’excuse de minorité et la fixation de peines plancher.

Ce sont les ultras de la majorité qui s’agitent. M. Goasguen considère l’amendement n° 631 rectifié comme un geste du garde des sceaux et du rapporteur. Nous, nous y voyons plutôt une brèche dans le code pénal, et c’est pourquoi nous demandons un scrutin public sur le vote de cet amendement.

De son côté, le rapporteur essaie de naviguer entre les écueils.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Avec succès !

M. Jean-Pierre Blazy. Il a ainsi rappelé les raisons pour lesquelles la réforme du code pénal avait supprimé les peines minimales : d’une part, c’est le maximum de la peine qui indique l’échelle de la gravité des infractions ; d’autre part, le principe de l’individualisation des peines, qui suppose la liberté des juges, ne permet pas d’imposer une peine plancher.

Le rapporteur a été jusqu’à la limite de l’inconstitutionnalité, …

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy. …une limite que M. Goasguen, Mme Morano ou M. Sarkozy souhaiteraient pouvoir franchir.

M. Claude Goasguen. Certainement pas !

M. Jean-Pierre Blazy. La majorité, heureusement, conserve une part de sa raison. Il n’en reste pas moins que nous ne voterons pas cet amendement ainsi sous-amendé.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 631 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 713 rectifié et 715 rectifié.

(Ces sous-amendements sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, le règlement nous impose un délai de cinq minutes entre l’annonce d’un scrutin public et la mise aux voix. Nous allons donc devoir suspendre brièvement la séance, à moins que vous ne soyez tous d’accord pour passer immédiatement au vote. (Assentiment sur tous les bancs.)

Nous allons donc procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 631 rectifié, modifié par les sous-amendements nos 713 rectifié et 715 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté l’amendement n° 631 rectifié ainsi modifié.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 239.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement de M. Mariani, adopté par la commission, vise à permettre la transmission de documents sous forme numérique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 240.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit de permettre le recours à la visioconférence dans le cadre du contentieux de la détention provisoire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 241, deuxième rectification.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement vise à permettre au procureur de la République de se substituer au juge de l’application des peines lorsqu’une personne placée sous surveillance électronique mobile enfreint les obligations qui lui incombent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable, sous réserve de l’adoption par l’Assemblée d’un sous-amendement visant à ajouter, après les mots « qui le remplace, », les mots « et s’il s’agit d’un condamné placé sous surveillance électronique mobile, ».

M. le président. Ce sous-amendement du Gouvernement portera le n° 743.

Qu’en pense la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement, monsieur le rapporteur, transfère, peut-être à des fins d’efficacité, l’application des peines au Parquet, alors que seuls les juges de l’application des peines, qui sont des juges du siège, sont compétents en la matière. S’agit-il seulement de gérer l’insuffisance du nombre de postes de juge de l’application des peines ou bien plutôt d’en décourager la création ? Ne visez-vous pas en fait à « tuer » le juge de l’application des peines ? Telle est notre inquiétude.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Monsieur Blazy, c’est effectivement pour des raisons techniques que la commission a déposé cet amendement. Actuellement, en cas de violation par un condamné placé sous surveillance électronique des obligations qui lui incombent, comme de ne pas s’approcher de certains lieux, seul le juge de l’application des peines ou le juge du siège qui le remplace, notamment durant les permanences de nuit ou de week-end, a la possibilité de décerner un mandat d’amener ou d’arrêt. Le Parquet assurant une permanence, il convient de permettre, le cas échéant, au procureur de la République de décerner un tel mandat en urgence, en cas d’empêchement du juge de l’application des peines, celui-ci devant reprendre la main dans un délai de deux jours.

Cet amendement technique vise donc à régler des situations très préoccupantes pour lesquelles il n’existe pas encore de réponses.

M. Jean-Pierre Blazy. Ma crainte n’est donc pas fondée…

M. Philippe Houillon, rapporteur. Non, monsieur Blazy.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 743 du Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241, deuxième rectification, modifié par le sous-amendement n° 743.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 45 bis

M. le président. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 45 bis.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Cet article est révélateur de l’aspect « auberge espagnole » ou « patchwork » du projet de loi, puisque, introduit par les sénateurs, il porte sur le contrôle des conversations téléphoniques des détenus. Sommes-nous bien encore dans l’examen d’un texte relatif à la prévention de la délinquance ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Oui !

Mme Nadine Morano et M. Claude Goasguen. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Tout en m’interrogeant sur le bien-fondé de l’aggravation des dispositions relatives aux écoutes téléphoniques en prison, j’aimerais avoir la garantie qu’elles seront appliquées avec discernement.

M. le président. J’en viens à l’amendement n° 242.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement visant à mieux préciser la finalité des contrôles dont pourront faire l’objet les communications téléphoniques des détenus, à savoir prévenir les évasions et assurer la sécurité dans les établissements pénitentiaires, nous restons bien, monsieur Braouezec, dans le cadre de la prévention de la délinquance, objet du présent texte. Ou alors, je n’y comprends plus rien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement me semble donc judicieux et nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 45 bis, modifié par l'amendement n° 242.

(L'article 45 bis, ainsi modifié, est adopté.)

modification
de l’ordre du jour prioritaire

M. le président. M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement a fait connaître au président de l’Assemblée nationale que l’ordre du jour prioritaire est ainsi modifié : les séances du lundi 4 décembre après-midi et soir sont supprimées.

Nous commencerons donc la discussion du projet de loi de modernisation du dialogue social le mardi 5 décembre après-midi et nous examinerons le projet de loi de ratification de l’ordonnance sur les sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété le mercredi 6 décembre au matin.

prévention de la délinquance

Reprise de la discussion
d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 45 bis.

Après l’article 45 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 243 et 353.

La parole est à Mme Kosciusko-Morizet, pour les soutenir.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ces amendements visent à réviser dans la forme le code de procédure pénale, pour tirer les conséquences de la codification du droit de l’environnement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 243 et 353.

(Ces amendements sont adoptés.)

Article 46

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, inscrit sur l’article.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet article modifie la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, que nous avons déjà modifiée dans la loi sur la sécurité quotidienne de 2001.

La question de la sécurité dans les transports ferroviaires est assurément importante. Toutefois, autant je peux comprendre l’aggravation de la peine encourue par des individus portant atteinte à l’intégrité des voies ferrées, autant je reste sceptique sur le fait qu’on veuille donner un statut presque équivalent à celui d’officier de police judiciaire adjoint aux employés de la SNCF – plus exactement de la SUGE –, puisqu’ils pourront désormais procéder à des contrôles d’identité non plus seulement de voyageurs dépourvus de titre de transport, mais également en cas de troubles se produisant durant le voyage. C’est leur donner des pouvoirs qui me paraissent excessifs et qu’il faut laisser à la police.

Cette mesure s’explique d’autant moins que le ministre a décidé d’étendre à la France entière la police ferroviaire, qui existait déjà en Île-de-France, en y affectant quelque 3 000 fonctionnaires de police. Si on peut comprendre la nécessité de créer, dans le cadre de la police nationale, une police ferroviaire visant à assurer la sécurité des voyageurs dans les chemins de fer, on ne comprend pas, dans ces conditions, pourquoi il faudrait étendre les pouvoirs des employés de la Surveillance générale en matière de contrôle d’identité.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 342, visant à supprimer l’article 46.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.

M. Patrick Braouezec. Cet article tend à accroître les pouvoirs des gardes champêtres et des agents de la police des chemins de fer.

En ce qui concerne les gardes champêtres, je rappelle que ce ne sont pas des officiers de police judiciaire adjoints. Du reste vous-même, monsieur le garde des sceaux, vous êtes opposé à la proposition de la commission des lois du Sénat tendant à changer leur dénomination en « agents de police rurale » parce que vous vous interrogiez sur la nécessité d’établir un tel parallèle entre les gardes champêtres et la police. Or les pouvoirs des gardes champêtres ressemblent désormais aux pouvoirs dévolus aux agents de police.

En ce qui concerne les pouvoirs des agents de la police des chemins de fer, on peut se demander si le public visé n’est pas finalement les syndicalistes qui seraient soupçonnés de porter atteinte à l’intégrité des voies ferrées et de leurs accessoires et dépendances, mettant de ce fait en danger les passagers.

M. le président. La commission émet un avis défavorable à cet amendement de suppression.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Ainsi que le Gouvernement.

M. le garde des sceaux. Tout à fait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 511, présenté par M. le rapporteur, est rédactionnel.

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est exact.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 511.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de cohérence, n° 512.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement n° 512, qui est effectivement de cohérence, le serait encore davantage (Sourires), s’il était rectifié en substituant aux mots : « Dans l’alinéa 17 » les mots : « Dans les alinéas 16 et 17 ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement ainsi rectifié ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 512, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 668.

Je précise que son adoption ferait tomber les amendements nos 513 et 514.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Je souhaite évidemment que l’adoption de l’amendement n° 668, en supprimant les alinéas 22 à 30 de l’article 46, fasse tomber les amendements nos 513 et 514.

M. Patrick Braouezec. Faut pas rêver !

M. Jean-Pierre Blazy. A défaut, j’espère au moins que, cette fois, le rapporteur et le Gouvernement me répondront.

Comme je l’ai dit précédemment, vous proposez de donner aux agents de la SNCF, ou plus exactement aux agents spécialement habilités par l’exploitant, un pouvoir équivalent à celui d’agents de police judiciaire adjoints pour ce qui concerne le relevé de l’identité des auteurs d’infractions à la police des chemins de fer, c'est-à-dire en dehors du cas prévu actuellement de voyageurs dépourvus de titre de transport, ainsi que le pouvoir de rétention en attendant les forces de police. Ils auraient en outre – ce qui me paraît grave – le pouvoir d’expulser une personne du train sans nécessairement requérir l’assistance de la force publique et alors que ces personnels nommés par les sociétés de transports ne bénéficient d’aucun agrément, contrairement aux policiers municipaux, qui offrent en outre la garantie d’être des fonctionnaires territoriaux, ou aux personnels des aéroports, qui travaillent sous les ordres au moins théoriques d’un officier de police judiciaire.

Il y a là, me semble-t-il, un risque de dérives dangereuses car elles peuvent être la source de bavures. Il a du reste été rappelé au Sénat qu’il est arrivé à la Commission nationale de déontologie de la sécurité d’être saisie de manquements à ladite déontologie imputables à des agents de la SUGE. L’adoption de cet article risque donc d’aggraver une dérive déjà constatée alors même qu’ils n’ont pas encore ce pouvoir.

Je mets en garde le Gouvernement qui, me semble-t-il, va trop loin dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je voudrais m’expliquer, ne serait-ce que pour laisser une trace au Journal officiel.

Vous souhaitez vous aussi, monsieur Blazy, ne pas donner aux agents des transports publics de voyageurs la capacité de relever – et non pas de contrôler – l’identité des auteurs d’infractions qu’ils sont chargés de constater, ainsi que le pouvoir d’expulser des véhicules les auteurs d’infractions qui refuseraient de décliner leur identité.

Le risque d’un comportement arbitraire de la part de personnes non qualifiées, que vous redoutez, ne paraît pas fondé. En effet, les capacités nouvelles que reconnaît le projet de loi aux agents des transporteurs ne peuvent être exercées qu’en liaison immédiate avec un officier de police judiciaire territorialement compétent. Il n’y a donc aucune confusion possible avec les prérogatives des OPJ.

M. Jean-Pierre Blazy. Voyez ce qui se passe dans la pratique !

M. le garde des sceaux. Les agents reçoivent une formation adaptée à l’exercice d’un métier difficile, compte tenu de la montée des comportements agressifs, et indispensable à la qualité de notre système de transports publics. Chaque usager peut d’ailleurs mesurer quotidiennement leur professionnalisme et leur attachement à la déontologie de leur métier.

En tout cas, l’application de ces mesures permettra d’améliorer la sécurité et la tranquillité de millions de voyageurs qui ont hélas trop souvent motif à souffrir du comportement pénible, voire dangereux d’un petit nombre de personnes voyageant le plus souvent en fraude.

Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Blazy. Puis-je répondre ?

M. le président. Monsieur Blazy, j’appelle une dernière fois votre attention sur le nombre d’amendements qu’il reste à examiner. À ce rythme, nous n’allons pas pouvoir terminer à l’heure dont nous sommes convenus et je vais devoir lever la séance. Comme j’ai indiqué que je n’irais pas au-delà de quinze heures, il nous faudra revenir vers dix-sept heures pour les quelques articles qui resteront.

Cela dit, prenez vos responsabilités. Essayez d’être le plus concis possible, de n’intervenir que sur les questions présentant un véritable enjeu. Au bout de dix jours de discussion, vous avez eu le temps, les uns et les autres, de faire passer vos messages politiques. Vous avez le droit de prendre la parole, mais je dois vous informer, dans l’intérêt de tous, des conséquences qu’aurait un prolongement des débats.

Vous m’avez demandé la parole, monsieur Blazy : vous l’avez.

M. Jean-Pierre Blazy. Me laissez-vous seulement le droit de réagir aux propos du ministre ?

M. le président. Vous avez le droit non seulement d’intervenir, comme je viens de vous y engager, mais aussi celui de respecter le règlement, ce que je fais en vous rappelant que j’ai, moi, le droit de lever la séance.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous étions convenus d’aller jusqu’à quinze heures, ce qui nous laisse de la marge. Laissez-moi terminer, monsieur le président, d’autant que je serai très bref.

Monsieur le garde des sceaux, les employés de la SUGE, dont il n’est pas question de remettre en cause le professionnalisme, verront leurs pouvoirs étendus. Alors que ce sont seulement des auxiliaires de sécurité, vous avez tendance à les transformer en intervenants à titre principal. Dans la pratique, on comprend bien que, pour contrôler les titres de transport, ils aient besoin de relever l’identité des passagers, mais comment feront-ils quand ils interviendront au titre de la sécurité ? Comment entreront-ils rapidement en contact avec la police nationale ? Avec les prérogatives que vous leur donnez, les risques de dérive existent.

Ensuite, ces mesures me semblent contradictoires avec la création de la police ferroviaire. Il suffirait de la doter d’effectifs suffisants pour qu’il ne soit pas nécessaire de donner de tels pouvoirs à la SUGE.

Monsieur le président, je pense m’être exprimé avec concision, mais il fallait que les choses soient dites. Et l’opposition n’est pour rien dans le débat interne à la majorité qui a eu lieu tout à l’heure.

M. le président. Les responsabilités sont partagées mais, en l’occurrence, je crois avoir déjà entendu ce que vous venez de nous dire. Néanmoins, vous avez le droit de vous exprimer, en toute responsabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 668.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 513, de M. Houillon, est de cohérence avec la rédaction proposée à l’alinéa 30 de l’article 46.

Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 513.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 514. Il s’agit également d’un amendement de conséquence signé de M. Houillon.

Avis favorable du Gouvernement.

Je mets cet amendement aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 669 de M. Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Défendu !

M. le président. Avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 669.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 46, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 46, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 46

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 46.

Je suis saisi d’un amendement n° 452, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 742 et 740.

Mme Nadine Morano. L’amendement n° 452 est défendu, monsieur le président.

M. Claude Goasguen. De même que le sous-amendement n° 742.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Et le sous-amendement n° 740.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Votre brièveté, mes chers collègues, me permet d’accélérer un peu.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 742.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 740.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 452, modifié par ces deux sous-amendements.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 449.

Mme Nadine Morano. Défendu.

M. le président. Avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Favorable.

M. le président. Avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Idem.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 449.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 450, qui est défendu par Mme Morano.

Avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets l’amendement n° 450 aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 451, faisant l’objet d’un sous-amendement n° 739 de la commission, lequel est de coordination.

L’amendement est défendu par Mme Morano ; le sous-amendement par le rapporteur. Le Gouvernement est favorable aux deux.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 739.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 451, modifié par le sous-amendement n° 739.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 47

M. le président. Monsieur Blazy, vous êtes inscrit sur l’article. Souhaitez-vous intervenir ?

M. Jean-Pierre Blazy. Non. (Sourires.)

M. le président. Cela peut arriver… au quarante-septième article.

Je suis saisi d’un amendement de suppression, n° 343, présenté par M. Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Défendu !

M. le président. Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

Je mets cet amendement aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 47.

(L'article 47 est adopté.)

Article 48

M. le président.  M. Blazy renonce à intervenir sur l’article48.

Je suis saisi d’un amendement n° 244, tendant à supprimer l’article 48.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence, après l’adoption d’un amendement à l’article 17.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 48 est supprimé.

Article 49

M. le président. M. Blazy ne demandant toujours pas la parole,...

M. Jean-Pierre Blazy. Le rythme s’emballe, monsieur le président.

M. le président. Je suis tenu de vous poser la question, puisque vous êtes inscrit sur chacun des articles. Convenons que, dorénavant, c’est vous qui demanderez la parole.

Je suis saisi d’un amendement, n° 344, tendant à supprimer l’article 48.

Cet amendement est défendu par M. Braouezec.

La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 49.

(L'article 49 est adopté.)

Article 50

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, inscrite sur l’article.

Mme Béatrice Vernaudon. Je vous remercie de votre efficacité, monsieur le président, qui me permet de prendre la parole en fin de séance.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, les deux derniers articles du projet de loi précisent les conditions dans lesquelles les dispositions de ce texte pourront être étendues aux collectivités d’outre-mer dotées de la spécialité législative, en l’occurrence la Polynésie française que je représente. Sont concernés les articles qui relèvent de la compétence de l’État, notamment les articles du code pénal et du code de procédure pénale et ceux modifiant l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.

L’article 50 modifiera le code des communes pour faire du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance, comme partout ailleurs sur le territoire de la République française. C’est une bonne chose pour la Polynésie au moment où les communes entament une mutation profonde après le vote de la loi organique en 2004.

Cette nouvelle organisation renforcera la politique de la ville qui est en train de se mettre en place et dont l’un des axes forts est justement la prévention de la délinquance. En Polynésie, où il fait beau toute l’année, les enfants vivent à l’extérieur, et à Papeete, où la place est comptée, les familles vivant dans des immeubles ou des lotissements sociaux sont tentées d’envoyer leurs enfants, surtout les garçons, jouer dehors, autrement dit dans la rue, alors que bon nombre d’entre eux sont en situation d’échec scolaire.

Il faut donc mettre en place des politiques d’animation et d’encadrement pour ces jeunes. L’extension de la loi à la Polynésie française obligera aussi bien les autorités locales, compétentes en matière éducative, sociale et sanitaire, que les autorités de l’État, compétentes en ce qui concerne la sécurité, la gendarmerie et la police, à venir soutenir le maire. L’article 50 constitue donc une avancée.

Pour ce qui est de l’article 51, qui étendra les nouvelles dispositions amendant l’ordonnance de février 1945 aux territoires d’outre-mer ainsi qu’à Mayotte, notre volonté est de lutter contre la récidive. À cet égard, monsieur le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur un sujet que vous connaissez bien puisque, avant de voter la loi organique relative au statut de la Polynésie, en 2004, vous vous êtes rendu sur les lieux en tant que président de la commission des lois. Vous savez que cette loi organique a transféré la protection judiciaire de la jeunesse à l’État. Un service de PJJ a donc été mis en place en mars 2006. Quatre travailleurs sociaux polynésiens ont été recrutés sous contrats précaires : …

M. Jean-Pierre Blazy. Et voilà ! C’est bien ce que j’ai dit au cours de la discussion : la misère est pire outre-mer !

Mme Béatrice Vernaudon. …des contrats à durée déterminés qu’on refuse de transformer alors que les travailleurs en question ont été recrutés sur concours, ce qui devrait leur donner droit à un contrat à durée indéterminée. De surcroît, les moyens de fonctionnement de ce service sont dérisoires,…

M. Jean-Pierre Blazy. Et voilà ! C’est le fond du débat !

M. Patrick Braouezec. C’est ce que nous disons depuis le début !

Mme Béatrice Vernaudon. …si bien que les travailleurs sociaux ne peuvent pas se rendre dans les îles. Car la jeunesse n’est pas qu’à Tahiti, elle se trouve aussi dans les îles.

Éloigner les jeunes délinquants de Tahiti revient à les conduire vers d’autres îles où l’on trouve de bonnes conditions de prise en charge – je pense aux familles –, loin de l’environnement urbain auquel on veut les soustraire. Seulement, que ce soit pour envoyer les mineurs délinquants à Taiohae – vous êtes allé aux Îles Marquises, monsieur le ministre –, ou à Raiatea, dans les Îles Sous-le-vent, ou que ce soit pour permettre aux travailleurs sociaux d’aller y accomplir leur tâche, il n’y a pas de budget !

M. Jean-Pierre Blazy. Et c’est une députée d’une majorité qui nie le problème, qui le dit !

Mme Béatrice Vernaudon. Je me fais ici la porte-parole des autorités judiciaires,…

M. Lilian Zanchi. Comme nous tous !

Mme Béatrice Vernaudon. …notamment des juges pour enfants, dont les espoirs ont été déçus après la mise en place de ce service de la protection judiciaire de la jeunesse.

Je rappelle que c’est au moment des essais nucléaires que l’on a beaucoup urbanisé Papeete et modifié les modes de vie des familles. Il faut donc se donner les moyens de remettre dans le droit chemin les enfants qui ont commis un premier délit afin qu’ils ne continuent pas dans la voie de la délinquance. Tout jeune mérite attention afin qu’on puisse l’aider à se réinsérer dans la société.

M. Patrick Braouezec. Bravo madame ! Vous relevez le niveau du débat mené par la droite !

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le garde des sceaux, il y va de la responsabilité de l’État, puisque c’est lui qui a pendant trente ans modifié profondément le mode de vie des Polynésiens. Et cela ne lui coûterait pas un bien grand effort. Vous en avez fourni de bien plus considérables récemment, en annonçant la construction d’un centre d’aménagement des peines et l’extension de notre centre pénitentiaire – ce dont je vous remercie d’ailleurs, au nom des Polynésiens. Je vous demande néanmoins, dans l’esprit du projet de loi, de donner des instructions pour que la protection judiciaire de la jeunesse puisse prendre corps dans les conditions attendues par les Polynésiens. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Je vous remercie, madame Vernaudon. Je ne sais s’il fait toujours beau en Polynésie française, mais il y fait toujours chaud. (Sourires.)

Nous abordons les amendements à l’article 50.

La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 345, tendant à supprimer l’article.

M. Patrick Braouezec. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements présentés par la commission, nos 245, 246, 247, 248 rectifié, 249, 250 rectifié, 251 et 252, amendements de coordination auxquels le Gouvernement est favorable.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Ces amendements, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 50, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 50, ainsi modifié, est adopté.)

Article 51

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, inscrit sur l’article 51.

M. Jean-Pierre Blazy. Mme Vernaudon, pourtant député de la majorité, a parlé à juste titre de la prévention de la délinquance, et lorsqu’elle demande au garde des sceaux des moyens supplémentaires pour la Polynésie en faveur de la protection judiciaire de la jeunesse, elle a raison. Certes, je veux bien reconnaître que nous-mêmes, quand nous étions au pouvoir, n’avons pas donné les moyens nécessaires au bon exercice de la justice des mineurs outre-mer. Si nos collègues de ces contrées lointaines étaient présents, ils le confirmeraient sans doute, à l’instar de M. Edmond-Mariette au cours du débat.

Ainsi, l’intervention de Mme Vernaudon – que je soutiens – est l’aveu de la grande misère de la justice des mineurs dans l’ensemble de la nation. Si l’on ne veut pas que toutes les mesures annoncées se réduisent à un effet d’annonce, le Gouvernement doit consacrer à leur mise en œuvre les moyens nécessaires. Si magistrats et avocats expriment aujourd’hui leur malaise, il ne touche pas qu’à la justice en général, il s’agit aussi d’attirer l’attention sur la misère de la justice des mineurs. Il ne suffit pas de créer des postes d’éducateurs pour les établissements pénitentiaires destinés aux mineurs ou pour les centres éducatifs fermés. Cet effort est nécessaire, certes, mais il doit aussi porter sur l’ensemble des secteurs de la justice des mineurs et de la protection judiciaire de la jeunesse.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 346, tendant à supprimer l’article 51.

M. Patrick Braouezec. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 346.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 253 rectifié de la commission.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 51 est ainsi rédigé.

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 16 du projet de loi.

La seconde délibération est de droit.

Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

Article 16

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1, tendant à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 16.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le soutenir.

M. le garde des sceaux. Il s’agit de rétablir la rédaction initiale de l’article 16, modifiée par l’adoption de l’amendement n° 414 de M. Jean-Marie Le Guen. Il convient en effet de laisser au médecin le soin d’apprécier au cas par cas s’il est préférable qu’il informe la victime de son intention de porter à la connaissance du procureur de la République les violences dont elle a fait l’objet. Si cela était systématique, les femmes victimes de violences conjugales, par exemple, risqueraient de ne plus se confier à leur médecin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La dernière fois qu’une seconde délibération a été soumise à la commission des lois, elle avait dû se réunir à trois heures du matin. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Blazy. Là, il est tout de même trois heures de l’après-midi !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je ne voudrais pas créer un précédent en la réunissant au terme de cette séance prolongée.

Quoi qu’il en soit, la commission est favorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Jean-Marie Le Guen avait insisté, en défendant son amendement, sur le cas des personnes en état d’incapacité psychique. Il lui paraissait nécessaire que les personnes concernées soient tenues informées de l’intention du médecin, conformément à ce que paraît exiger le respect humain. Je regrette donc que le Gouvernement soit revenu sur la rédaction qu’il avait proposée et fait adopter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par l'amendement n° 1.

(L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le présent projet auraient lieu mardi 5 décembre, après les questions au Gouvernement.

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 5 décembre 2006, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote par scrutin public du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (n° 3338).

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Rapport, n° 3461, de M. Jean-Michel Dubernard.

Discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 3456, de modernisation du dialogue social :

Rapport, n° 3465, de M. Bernard Perrut, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à quatorze heures quarante.)