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20/01/2003 - Ouverture des Xèmes journées parlementaires « Paix et Défense » 

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, tout d'abord, de vous souhaiter à mon tour la bienvenue dans les locaux de l'Assemblée nationale, de vous dire, très sincèrement, tout le plaisir que j'ai d'ouvrir ce matin les dixièmes journées parlementaires « Paix et Défense » et de saluer tout particulièrement Jean-Michel Boucheron, député d'Ille-et-Vilaine, François d'Aubert, député de la Mayenne et Arthur Paecht, un ancien complice, qui en sont à l'initiative.

Ces journées s'inscrivent dans un contexte international très particulier, celui de l'« après 11 septembre » qui, aux plaies anciennes, engendrées par la pauvreté, la faim, les épidémies, la destruction de l'environnement, les conflits régionaux, a vu se superposer de nouvelles menaces nourries par l'instabilité du monde, le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le crime organisé, menaces qui ne connaissent plus de frontières et se jouent des Etats.

Le terrorisme, quant à lui, a changé de nature, de dimension. Il se sert de notre monde ultra-médiatisé pour tenter de déstabiliser et de fragiliser nos démocraties.

Dans cet environnement incertain, il est indispensable que la France garde son autonomie de décision et ses capacités d'intervention.

L'indépendance nationale et la liberté de décision supposent une politique de défense cohérente et déterminée.

Il n'y a pas en effet de défense sans volonté. A cet égard, la volonté de notre pays, même si elle n'est pas partagée par toutes les nations européennes, est forte et dépasse les clivages politiques.

La détermination de la France s'est manifestée à la fois au travers des ambitions de la loi de programmation militaire 2003-2008 et de notre politique étrangère.

Au travers d'abord de la loi de programmation militaire que l'Assemblée nationale a approuvée en novembre dernier et sur laquelle le Sénat vient de s'exprimer.

Cette loi de programmation traduit un effort exceptionnel de notre pays compte tenu du contexte actuel marqué par un ralentissement de la croissance et la situation tendue de nos finances publiques.

Mais cette détermination s'exprime également au travers de la politique étrangère définie par le Président de la République et conduite par le Gouvernement notamment en ce qui concerne la crise irakienne et plus récemment les événements qui affectent la Côte d'Ivoire depuis plusieurs mois et qui, si nous n'y prenions garde, seraient susceptibles d'enflammer toute l'Afrique.

Cette politique repose sur quatre orientations : réaliser des progrès décisifs dans la construction européenne ; renforcer la sécurité des Français ; travailler en faveur de la paix et de la démocratie ; favoriser l'émergence d'un monde humainement plus solidaire et écologiquement plus responsable. Elle se veut par principe respectueuse des règles qui fondent la communauté internationale, garantes de légitimité et d'efficacité. Ces règles s'inscrivent dans une vision de la sécurité collective qui repose sur la coopération des Etats, le respect du droit et l'autorité du Conseil de Sécurité.

Mais s'il n'y a pas de défense sans volonté, il n'y a pas non plus de défense sans moyens.

Sans moyens humains d'abord et à cet égard, on ne peut que souligner l'immense effort déployé par nos armées depuis six ans pour mener à bien la professionnalisation.

Cette professionnalisation fut un défi considérable pour cette institution, qui n'a pas d'équivalent dans les administrations civiles. Ce défi a été relevé et les engagements extérieurs, de plus en plus nombreux, dans les Balkans, en Asie, en Afrique aujourd'hui démontrent que cette révolution tranquille n'a pas altéré les capacités opérationnelles de la France et de cela il faut être reconnaissant aux femmes et aux hommes qui servent sous nos drapeaux.

Il n'y a pas de défense sans moyens financiers ensuite.

A cet égard, la loi de programmation militaire 2003-2008 doit permettre de restaurer la disponibilité opérationnelle de nos matériels en service, de moderniser et de compléter les équipements de nos armées sans pour autant négliger la capacité d'entraînement que requiert une armée professionnelle.

Enfin, il n'y a pas de défense sans les équipements et les matériels nécessaires.

Dans cette course perpétuelle entre le glaive et la cuirasse, le niveau des armements et les équipements de nos armées doivent être maintenus, et la loi de programmation militaire doit y pourvoir. Surtout, nos armées doivent pouvoir disposer de matériels et d'armements performants, capables de résister à toutes les formes d'agressions mais également capables de forcer toutes les protections.

Ces armements doivent donc prendre en compte les développements technologiques les plus récents, les nôtres comme ceux de l'adversaire potentiel mais également et, de plus en plus, ceux de nos alliés, afin d'assurer l'interopérabilité et la complémentarité qui sont de plus en plus nécessaires, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de forces multinationales.

Cela suppose que la France dispose des outils industriels capables de les concevoir, à même de les produire et de les entretenir aussi.

Ces outils nous les avons, il nous appartient si l'on veut les conserver, de les adapter au contexte nouveau, non seulement à nos besoins mais également à ceux de nos clients potentiels. Or, aujourd'hui, le marché des armements se caractérise par la mise en œuvre de technologies de plus en plus sophistiquées et donc de plus en plus coûteuses mais aussi par la réduction des budgets militaires dans un nombre croissant de pays développés qui pourraient être nos clients et par une concurrence exacerbée sur les marchés de l'exportation.

Il faut donc que notre outil industriel intègre ces contraintes, ce qui ne va pas de soi.

En effet, l'avenir de cet outil est un enjeu considérable pour notre pays, en terme d'indépendance, en terme de conservation des savoir-faire mais également en terme de capacité d'exportation, d'emplois et même d'aménagement du territoire.

Mais il est clair cependant que les efforts importants que notre pays a accepté de consentir doivent s'inscrire dans un contexte plus large. Ils doivent s'inscrire d'abord dans le cadre de la défense européenne qui se construit progressivement. Ils doivent s'inscrire dans le cadre de nos alliances ensuite.

C'est à cette condition qu'ils porteront leurs fruits et pourront être optimisés.

Ces coopérations avec nos alliés sont indispensables. Elles sont inéluctables car notre pays n'a pas vocation à agir seul pour la défense de valeurs dans lesquelles de nombreuses nations se reconnaissent et qui doivent, à leur niveau et en fonction de leurs moyens, prendre leur part à cet effort et à cette démarche.

L'objet de ces dixièmes journées parlementaires est précisément de cerner les enjeux de ces coopérations multiples, notamment dans le secteur de la recherche, de la conception et de la production des équipements et des matériels militaires, d'en déterminer les implications et d'en préciser les éventuelles difficultés.

Elles seront l'occasion de connaître les attentes des militaires et des responsables de la Défense ainsi que celles des industriels qui interviennent dans ce domaine.

Elles seront l'occasion, car c'est, je crois, l'intérêt et l'esprit de ces journées, de confronter les approches et les points de vue.

Ces lieux d'échange et de confrontation des idées sont trop rares pour que je ne salue pas aujourd'hui celles et ceux qui, depuis dix ans, permettent à ces rencontres d'exister et participent à leur succès.

Je suis convaincu que, de même que ce fut le cas lors des éditions précédentes, ces rencontres seront un élément important de la réflexion sur la défense de notre pays et qu'elles viendront enrichir la réflexion parlementaire sur le sujet.