Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

24/02/2003 - Cocktail rassemblant les délégations des comités d'éthique français et allemand 

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

Cette rencontre entre les comités d'éthique français et allemand est essentielle. C'est par le rapprochement des idées, des réflexions entre nos savants, intellectuels, l'appréhension en commun des grandes interrogations sur l'évolution de nos sociétés, que nous bâtirons notre communauté de destin.

Les projets de lois sur la bioéthique viendront bientôt en discussion au sein de notre Assemblée nationale. De nombreux débats auront encore lieu, les députés ayant à cœur de légiférer au mieux sur des sujets touchant à l'origine et à l'avenir même de l'humanité et de l'espèce humaine.

Si l'interdiction du clonage reproductif fait l'unanimité, de nombreuses interrogations restent en revanche posées quant au clonage thérapeutique. Mais le débat essentiel portera certainement sur la question de savoir si l'on autorise ou non la recherche sur les cellules souches embryonnaires qui est à la fois porteuse de formidables espoirs pour la médecine régénératrice par la thérapie cellulaire, mais aussi source de nombreuses inquiétudes, de doutes au regard de l'éthique, de la philosophie ou de la religion.

Le Comité national d'éthique aura à faire entendre sa voix et donner son avis sur les différentes possibilités qui restent encore à arbitrer par le Parlement, notamment entre les propositions du Sénat et du Gouvernement, et les décisions de justice. Vous êtes donc au coeur de l'actualité, et les Français ont besoin de votre éclairage sur une matière si complexe.

La réflexion sur les questions de bioéthique doit en effet nécessairement s'inscrire aujourd'hui dans un cadre européen et international. Des lois prises seulement dans le cadre national ne peuvent plus opposer une barrière suffisante à des recherches irresponsables si elles trouvent abri dans des pays aux lois plus laxistes voire inexistantes. C'est pourquoi une réflexion commune de nos deux nations, française et allemande, est la bienvenue.

La communauté scientifique que vous représentez ici s'interroge donc sur une réglementation à l'échelle internationale. Je sais qu'une résolution franco-allemande a été présentée et débattue à l'ONU, visant à interdire le clonage à des fins de reproduction. Le débat sur un projet de convention internationale est désormais ouvert.

Au sein de l'Europe, un corpus juridique se développe progressivement autour des conventions du Conseil de l'Europe et des directives de l'Union européenne destinées à rapprocher la législation des Etats membres sur les recherches en matière de médicament par exemple.

Mais ce droit européen et international de la bioéthique en est encore à ses balbutiements. Son élaboration est confrontée à des approches éthiques ou religieuses très divergentes.

Des disparités importantes existent en effet qui ne peuvent être niées. C'est pour cela que votre réunion d'aujourd'hui est exemplaire. Vous devez continuer à travailler ensemble afin d'être réciproquement mieux informés des recherches conduites et des réglementations existantes dans les autres pays. Ces échanges permettront d'élargir les réflexions et, si possible, de rapprocher les points de vue et les pratiques des divers Etats européens dans le domaine de la bioéthique.

Chacun sait aujourd'hui que les progrès de la recherche - sur le génome pour prendre un exemple- ouvrent des perspectives immenses aux progrès de la médecine et de la santé.

Mais la recherche du bien-être physique des hommes ne doit pas les conduire à y brûler leur âme.

Vous, médecins et scientifiques, comme nous, législateurs, faisons face aujourd'hui, ensemble, à de grands défis qui nous imposent de lourdes responsabilités. Nous devons nous y préparer par le dialogue, dans nos domaines respectifs.

Je suis donc très heureux de vous accueillir aujourd'hui à la Présidence de l'Assemblée nationale, et vous remercie encore de votre présence.