Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

15/10/2003 - 60ème anniversaire de "La Médaille de la Résistance Française"

Madame le Ministre de la Défense,
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Monsieur le Chancelier de l'Ordre de la Libération,
Cher Président Jean-Jacques de Bresson,
Mesdames et Messieurs,

Compagnon de la Libération, médaillé militaire, Croix de guerre 39-45 avec neuf citations, le Général Simon nous a quittés le 28 septembre dernier. C'est en saluant sa mémoire que je souhaite débuter mon propos.

Président de votre Commission nationale de la Médaille de la Résistance française, le Général Simon aura été de toutes les batailles qui ont jalonné l'épopée glorieuse de la France libre.

"Il ne disposait pas d'autre arme que sa résolution, ni d'autre force que l'amour de la Patrie, mais cela suffisait pour que, malgré tous les abandons et toutes les trahisons, la France fût présente au moment de la Victoire aux côtés des vainqueurs".

C'est ainsi, Mesdames et Messieurs, que le Général Simon parlait du Général de Gaulle.

*

Mesdames et Messieurs,

C'est un grand privilège pour les députés de la Nation que d'accueillir l'assemblée générale qui marque le soixantième anniversaire de la Médaille de la Résistance Française. C'est pour moi un honneur dont vous ne mesurez pas l'importance, tant elle évoque de souvenirs familiaux, que de vous recevoir ici dans ce palais de la République.

A travers vous et votre action, c'est la France du redressement national que j'ai tenu à honorer, la France de la lutte dans l'honneur, une France qui ne renonce pas et qui tourne le dos à la défaite.

Le temps passe inexorablement mais la reconnaissance de la nation reste et doit demeurer toujours aussi vive. Le message de la Résistance, loin de s'épuiser, doit persister. Car c'est en temps de paix, quand la tentation de la facilité et du lâche renoncement s'installe que l'exemple de la France libre et combattante doit être exalté, doit être rappelé !

N'oublions pas qu'il y a soixante ans se tenait, au 48 de la rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943 très exactement. Cette première réunion couronne les efforts de Jean Moulin pour convaincre chaque chef, chaque mouvement, de la nécessité de faire front commun. C'est l'aboutissement d'une longue marche, celle de l'unification de la Résistance d'où la France combattante tirera sa pleine légitimité.

Cette unification de la Résistance aura des conséquences opérationnelles majeures, certes, mais n'oublions pas sa dimension éminemment politique : "j'en fus à l'instant même plus fort" écrira le général de Gaulle. Tout le paysage de la France d'après guerre se dessine dès cet instant là.

Vous saviez avec de Gaulle que la liberté et la souveraineté d'un peuple dépendaient aussi de sa capacité à se libérer lui-même !

Si l'histoire ne se refait pas après coup, elle ne s'en forge pas moins à la flamme de l'idéal qui anime l'action. Chacun de vos parcours l'illustre sous son angle le plus héroïque, souvent aussi le plus dramatique comme le prouvent, là encore, les émouvants décrets d'attribution de la médaille à titre posthume.

Si chaque médaille de la résistance française répond bien à des actes de bravoure précis, individuels ou collectifs, elle traduit cependant - et à chaque fois avec la même intensité - cette espérance partagée dans la libération de la patrie, et cette croyance inébranlable dans le destin de la France.

1943. Année charnière s'il en est dans ce conflit : l'espoir commence à changer de camp, le sort des armes à favoriser les Alliés.

C'est Bir-Hakeim, ce sera bientôt la conquête de Fezzan par Leclerc qui entrevoit déjà la cathédrale de Strasbourg.

C'est, de l'Afrique au Pacifique et à la Nouvelle-Calédonie, l'engagement des territoires français d'Outre-mer dans la lutte contre l'Allemagne nazie et le Japon. C'est enfin la résistance intérieure qui s'organise et s'unifie sous l'autorité de Jean Moulin.

Vous connaissez, mieux que moi, les raisons qui poussèrent le chef de la France Libre à créer cette médaille de la résistance française pour, je cite l'ordonnance du 9 février 1943 signée à Londres, "Reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l'Empire et à l'étranger, auront contribué à la résistance du peuple français contre l'ennemi et contre ses complices depuis le 18 juin 1940".

Sœur cadette de la Croix de la Libération, elle est conçue et dessinée par le même artiste, le Capitaine Mella. Ainsi se trouvent symbolisées inséparablement les deux phases de la reconquête de la France par elle-même :

- aux rares compagnons des premiers jours venus se battre en Angleterre ou demeurés sur le sol métropolitain, la croix de bronze au ruban noir et vert, couleur du deuil et de l'espérance,

- à tous ceux des forces armées ou des réseaux de la résistance intérieure, qui avaient repris le combat quand l'Afrique du Nord allait servir de tête de pont à la nouvelle bataille de France, cette très belle médaille de la résistance française que nous célébrons aujourd'hui. Une médaille au ruban noir et rouge, couleur de deuil et de sang versé.

Voilà bien la véritable armée des ombres, c'est-à-dire vous Mesdames et Messieurs les Médaillés de la Résistance ! Le 9 mai 1948, le Général de Gaulle écrivait : "En voici le témoignage c'est la liste glorieuse de ses noms, Médaillés de la Résistance, mes camarades morts ou vivants".

Ces camarades du chef de la France combattante, ils étaient en 1947, quarante mille vivants et vingt mille morts, sans compter dix-huit collectivités territoriales, villes ou villages de métropole comme Lyon ou Brest, l'île de Sein déjà Compagnon de la Libération, et le territoire de la Nouvelle-Calédonie.

Vingt et une unités des trois armées et quinze autres collectivités civiles : lycées, hôpitaux, couvents... Cette "liste glorieuse" est close pour les vivants depuis 1947. Noms, illustres et obscurs, égaux dans le service de la Patrie, où les plus grands chefs côtoient un enfant de huit ans ! C'est toute la dignité de votre Assemblée générale de ce matin. L'association nationale des Médaillés de la Résistance est en effet à l'image de cette extrême diversité des visages de la France qui s'est battue dans la clandestinité sous le signe de l'héroïsme ordinaire.

"La Résistance ce fut la Défense Nationale" Cette définition du Général de Gaulle nous rappelle que la Résistance, si elle fut une somme d'actes d'exceptions imposés par des circonstances d'exceptions, était tout d'abord la forme que prenait en ces heures tragiques le vouloir-vivre de la Nation. "Nous avons fait notre devoir", pouvait conclure de manière lapidaire le Chef de la France combattante s'adressant aux Médaillés de la Résistance en 1948. Comme si l'héroïsme allait de soi dès lors que la France est en péril ? Oui, Mesdames et Messieurs, vous avez tous fait votre devoir mais vous avez fait beaucoup plus que cela : vous avez sauvé l'honneur d'un Pays. Et vous avez, ainsi, ouvert la voie à la reconstruction de l'Etat et à la rénovation de la République.

Mesdames, Messieurs,

Sur le mémorial de l'île de Sein inauguré par le Général de Gaulle, les visiteurs qui viennent se recueillir peuvent y lire la phrase de Péguy "Le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu a toujours raison".

L'Histoire a donné raison à la Résistance. Elle vous a donné raison ! Les valeurs qui ont justifié votre combat sont plus que jamais d'actualité. Votre fidélité aux idéaux républicains, est une vertu édifiante qui à mes yeux conserve toujours autant de force. A nous de l'offrir en exemple aux générations plus jeunes, à celles notamment dont le manque de civisme nous laisse parfois perplexe. En ces temps ou l'Etat est souvent décrié mal à propos et la communauté nationale en maints endroits fragilisée, alors même que des inquiétudes relatives à la souveraineté ressurgissent dans le débat politique, votre engagement patriotique fondé sur le désintéressement reste, soixante ans après, un magnifique signe d'espoir sur les capacités de la France à se ressaisir et à rester elle-même.

Durant les années sombres, ces capacités, vous étiez seulement une poignée d'hommes et de femmes courageux à les avoir, mais cela a suffi pour triompher au côté de nos alliés. Aujourd'hui comme hier en d'autres circonstances, il y a lieu de suivre votre exemple et de croire en la France pour nous-mêmes certes, mais aussi pour tous les autres peuples de la Terre.

Dans une admirable lettre au philosophe Jacques Maritain, qui se trouvait alors à Washington, le Général de Gaulle expliquait, au début de 1942 que le désastre militaire avait été en grande partie causé par l'affaissement moral de notre peuple. Puis il insistait sur un point essentiel pour rebâtir la France, un point qui lui aussi me semble brûlant d'actualité : entraîner la Nation vers un nouvel idéal intérieur.

Qui mieux que vous Mesdames et Messieurs les Médaillés de la Résistance, incarnent les exploits d'un tel idéal intérieur quand il guide tout un peuple ?

Oui, c'est bien la raison pour laquelle nous sommes heureux de fêter ici, avec la solennité qui s'impose, le 60ème anniversaire de la Médaille de la Résistance Française.

Je vous remercie.