Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

17/12/2003 - Remise des 13e Trophées Eco-Actions

Madame le Ministre,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président des Eco-Maires, chers collègues,
Monsieur le Maire du Raincy et cher Vice-président,
Chers jeunes élus du Conseil municipal de la ville du Raincy,
Mesdames et Messieurs les Présidents des associations,
Cher Professeur Coppens,

Mes chers amis,

Soyez tous cordialement les bienvenus ce matin à l'Assemblée nationale. Je remercie tout particulièrement Mme Roselyne Bachelot d'être parmi nous.

Permettez-moi d'abord de vous dire le plaisir que j'ai de vous accueillir ici à l'Hôtel de Lassay pour la remise officielle, dans quelques instants, des Trophées Eco-Actions 2003. Ma joie est d'autant plus grande, cher Président Dominique Jourdain, que les années se suivent, se ressemblent un peu et parfois cela a du bon : puisque c'est en effet pour la deuxième année consécutive que la Présidence de l'Assemblée nationale se fait un honneur de vous recevoir afin de distinguer et de récompenser les Eco-Maires pour leurs actions les plus audacieuses et les plus exemplaires.

Les années se suivent, de bonnes habitudes se créent entre nous et pourtant nous allons innover ce matin quelque peu dans l'organisation de notre cérémonie. Nous innovons avec la présence des jeunes élus du conseil municipal de la ville du Raincy accompagnés de leur Maire M. Eric Raoult. Nous innovons avec la présence amicale de nos amis du Danemark, d'Italie et de Colombie. Nous innovons enfin car j'ai personnellement souhaité inviter, la aussi très symboliquement, quelques unes de ces très nombreuses associations françaises dont la défense de l'environnement est toute la raison d'être.

C'est un vrai bonheur que d'être entouré aujourd'hui par toutes ces personnalités qui s'engagent avec courage et ténacité en faveur du développement durable.

Au-delà de la joie de nous retrouver pour parler une nouvelle fois du développement durable, il y a l'urgence d'une prise de conscience. Il y a la force du symbole, il y a enfin l'espoir.

La prise de conscience, c'est vous Mesdames et Messieurs les Eco-Maires, qui allez dans quelques instants recueillir officiellement votre "Trophée Eco-Actions 2003". Mais au-delà des seuls lauréats de cette année, c'est à l'ensemble des Eco-Maires que je souhaite rendre hommage ce matin. Votre engagement sur le terrain, vos actions au quotidien et votre présence ici démontrent à quel point nos élus locaux ressentent enfin chaque jour davantage l'exigence d'un développement équilibré qui ne sacrifie pas l'environnement sur l'autel du profit immédiat.

C'est le signe de la responsabilité, certes, mais c'est surtout la prise de conscience d'un environnement immédiat aujourd'hui menacé.

Longtemps nous n'avons vu dans la Nature qu'une source inépuisable de richesses. Aujourd'hui nous découvrons que cette source est fragile et menacée, nous découvrons que l'homme perturbe des équilibres fondamentaux indispensables à la vie tout court.

Derrière chaque Éco-Maire, et le maire d'Evreux en fait partie, vous trouverez une prise de conscience citoyenne et responsable. Il s'agit de reconnaître enfin que la qualité de la vie de nos concitoyens s'avère très largement tributaire de notre manière, non seulement de protéger, mais surtout de gérer intelligemment un patrimoine naturel par définition unique.

Il ne suffit plus de protéger sur un mode défensif. De la réaction, par exemple après une catastrophe, il faut passer à l'action. Elle est là, me semble-t-il, une des devises qui sied si bien à notre association des Éco-Maires.

Cette prise de conscience de la fragilité de notre éco-système, même si elle ne règle pas tous les problèmes sur le champ, constitue pourtant un gigantesque progrès. Ce pas en avant, nous ne sommes encore que quelques uns à le faire, mais sur notre chemin nous essayons de convaincre. Non sans succès si j'en juge par la qualité de notre assistance.

Pourquoi essayer de convaincre ? D'abord, tout simplement parce que nos décisions politiques d'aujourd'hui, dans tous les secteurs, engagent les générations qui suivent. Nous sommes au cœur du politique. Ensuite, parce que le maire dispose de responsabilités importantes. Il est un aménageur essentiel du cadre de vie, un interlocuteur privilégié des associations, des administrations et des industriels. Enfin, le maire est bien souvent, aussi et hélas, le premier fantassin sur le front des catastrophes écologiques. Songeons aux marées noires, songeons à nos collègues qui en ce moment même subissent de plein fouet la détresse de leurs administrés inondés à répétition. Mais songeons aussi à tous ceux d'entre vous qui, à votre image, ont compris qu'une politique efficace, dans le domaine de l'environnement comme dans tous les domaines, c'est avant tout une affaire de prévention et de pédagogie.

A qui donc s'adresser en priorité ? Si ce n'est aux jeunes dès lors que l'on parle de pédagogie ? Je me tourne vers vous mes jeunes amis du conseil municipal des enfants du Raincy. Le symbole et l'espoir, c'est vous.

Le symbole, c'est vous, jeunes citoyens français qui vous préoccupez de la qualité de la vie dans votre ville et d'une manière plus globale de l'état de notre planète.

L'espoir, c'est vous encore quand vous avez décidé de vous faire élire par vos petits camarades afin de vous investir sur toutes les questions qui touchent de près ou de loin à la préservation de notre environnement.

Vous avez décidé, vous jeunes élus du conseil municipal, de ne pas laisser en quelque sorte les adultes s'en charger tous seuls. Tant mieux ! Même s'ils le font parfois très bien et avec beaucoup de sérieux, comme c'est le cas de votre maire, M. Eric Raoult. Des adultes aussi qui font preuve de professionnalisme, comme c'est le cas des administrations et du personnel du ministère de l'environnement. Mais l'implication des jeunes, votre implication à nos côtés, nous les élus, constitue un atout précieux. J'en veux pour preuve vos diverses actions concrètes particulièrement exemplaires.

J'en cite quelques unes qui expliquent votre présence parmi nous ce matin. Il y a eu une campagne d'affichage pour lutter contre la prolifération des tags. Il y a eu la participation active aux journées de l'arbre. Il y a encore la réalisation d'un herbier pour les centres de loisirs du Raincy ou vos campagnes d'affichage pour la propreté en ville. C'est, notamment, grâce à ce travail que Le Raincy recevra, demain me semble-t-il, le label "Ville amie des enfants" décerné par l'UNICEF et l'Association des Maires de France.

Pour toutes ces bonnes raisons, je vais maintenant vous remettre symboliquement cet arbre. La plantation de ce pommier dans votre ville du Raincy vous donnera, je le souhaite, l'occasion de procéder prochainement, avant l'arrivée du gel, c'est un conseil de jardinier, à une petite cérémonie inaugurale autour de votre Maire, M. Eric Raoult. Je forme le vœu que ce jour là, vous songiez chacune et chacun à la portée du message que nous délivrons ce matin à la faveur de cette cérémonie des "Trophées Eco-Actions 2003". J'ai donc le plaisir d'offrir à Monsieur le Maire du Raincy cette plaque commémorative que je vous demande de faire sceller devant l'arbre planté.

Je m'adresse maintenant au Président des Eco-Maires et je lui soumets l'idée d'un "Trophée Eco-Actions Juniors". Cette idée n'est encore qu'un projet, à vous de le saisir pour les Trophées 2004 mais aujourd'hui, je me réjouis de constater que ce projet a déjà commencé à prendre corps avec ces jeunes du Raincy.

Mes jeunes amis,

Vous vous êtes saisis du dossier de l'environnement à bras le corps. Souvent parce qu'il vous inquiète mais aussi, hélas, parce que vous avez, à juste raison, le sentiment que la plupart des adultes ne mesurent pas l'urgence de la situation. Votre sensibilité à toutes ces questions interpelle tous les hommes politiques. Vous les placez devant leurs responsabilités.

Quand on voit l'ampleur de certaines catastrophes écologiques, les catastrophes du passé ou celles plus graves encore du futur si nous laissons les choses évoluer en l'état, quand on constate certaines inerties ou la mauvaise volonté, souvent les deux à la fois, j'ai bien envie de vous dire : BRAVO ! vous avez raison, vous êtes dans le vrai en vous alarmant. Les indicateurs sont au rouge. Certaines limites dangereuses ont été dépassées. Parfois l'irréparable a déjà été commis. Nous devons agir !

Le Président de la République l'a dit avec beaucoup de force, à Johannesbourg devant l'assemblée plénière du sommet mondial du développement durable, "notre maison brûle et nous regardons ailleurs".

Oui, Mesdames et Messieurs, notre maison brûle. Si beaucoup de citoyens irresponsables de cette planète persistent à regarder encore ailleurs, NOUS les Éco-Maires, VOUS les jeunes, VOUS les associations, nous avons tous décidé de regarder la réalité en face. Le dialogue n'est pas toujours évident, les solutions ne sont pas toujours immédiatement à portée de mains. Mais la force de la volonté détermine pour beaucoup.

C'est, par exemple, votre combat de la semaine dernière à Milan, Madame le Ministre, pour rallier la communauté internationale au protocole de Kyoto afin de réduire les gaz à effet de serre. Dans un tout autre domaine, vous avez aussi parlé hier, dans votre discours de clôture des Assises nationales de l'eau au CNIT -une manifestation à laquelle j'ai d'ailleurs accordé mon haut patronage- des grandes lignes d'une nouvelle politique de l'eau.

Ce sont aussi, par exemple, vos réalisations locales, Mesdames et Messieurs les Éco-Maires. Il suffit de citer les lauréats 2003 et leurs dossiers de candidatures sur :

- le tourisme durable,

- la mise en valeur des énergies renouvelables et là je pense au récent rapport parlementaire de M. Serge Poignant,

- la publication d'un guide de l'éco-citoyen,

- un plan de déplacement des entreprises,

- une politique de gestion des crises,

- une plate-forme de traitement et de valorisation des déchets,

- ou encore la réhabilitation de friches industrielles

L'évidence saute aux yeux : on ne gagnera pas les batailles de l'environnement sans gagner d'abord la bataille de l'opinion !

Il nous faut alerter, convaincre et sensibiliser davantage nos compatriotes. Convaincre aussi les autres habitants de la planète, comme le démontre la question difficile du réchauffement climatique. Je souhaite à ce propos vous remercier, cher Président Dominique Jourdain d'avoir ouvert nos Trophées, pour la première fois cette année, aux villes européennes. Je salue ici les représentants de la ville de Copenhague au Danemark, de Cavriago et de Varese Ligure en Italie. Je salue également Monsieur l'Ambassadeur de Colombie. De nombreux produits colombiens issus du commerce équitable séduisent de plus en plus les consommateurs français, nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en déguster quelques uns...

Tout cela pour vous dire, Mesdames, Messieurs, que l'environnement c'est l'affaire de tous.

Je suis convaincu comme vous que des liens vitaux qui nous unissent à la nature découlent la nécessité et l'urgence d'un développement durable. Cette expression "développement durable" commence petit à petit à faire son chemin dans l'opinion, elle l'accomplit notamment grâce à vous.

Il y a eu la semaine du développement durable organisée avec succès par le gouvernement au mois de juin dernier, il y a eu la journée mondiale de l'environnement et il y a cette multitude d'engagements de chacun d'entre nous, des engagements basés sur la conviction que nous pouvons agir, chacune et chacun, à nos divers postes de responsabilités : dans nos mairies, dans nos associations, dans nos entreprises, dans nos administrations etc...

Ici, à l'Assemblée nationale, nous commençons progressivement à nous saisir du projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'Environnement. Il s'agit d'une grande innovation qui a déjà suscité des discussions assez vives, notamment autour du principe de précaution. Je rends d'ailleurs hommage à l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et à son président M. Claude Birraux, qui fut l'un de premiers à avoir l'idée d'une audition publique de la Commission Coppens dès le mois d'avril dernier le rapport de cette audition publique nous sera précieux pour le débat qui s'annonce. La Commission des Lois a débuté ces jours ci, elle aussi, ses travaux sur ce projet de charte. Son élaboration répond à un engagement du Président de la République et il s'appuie sur les propositions de la Commission présidée par le professeur Coppens ici présent parmi nous. Je souhaite d'ailleurs personnellement lui rendre hommage pour la façon dont il a su guider "le mûrissement intellectuel" de ce texte ambitieux.

Mes chers amis,

Il s'agit de concilier ce qui hier nous paraissait encore inconciliable, c'est à dire cette protection de l'environnement avec tous les autres intérêts fondamentaux de la nation, notamment les intérêts économiques qui jusqu'à ce jour ont bien souvent eu le dernier mot ! Nous avons besoin de l'économie, mais il n'y a pas d'économie sans environnement !

Voilà quelques évidences qu'il nous faut avoir sans cesse à l'esprit. Et puis surtout utilisons ce formidable vivier d'idées et d'expertises que constitue une association comme celle des Eco-Maires. Innovation, partage du savoir faire, médiation, ouverte enfin sur l'Europe, nous avons ces quatre atouts en mains. A nous de les utiliser, à nous d'en faire profiter nos administrés.

Il me vient à l'esprit une très belle phrase de Julien Gracq : "Un homme qui a planté un seul arbre dans sa vie n'aura pas perdu son temps sur cette terre".

Ne perdons rien de ce temps si précieux : agissons !

Je vous remercie.