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18/12/2003 - Colloque « Résistance de l'Esprit » organisé par la Fondation de la Résistance et l'Association "Mémoire et Espoirs de la Résistance"

Monsieur le Président de la Fondation de la Résistance,
Monsieur le Secrétaire général (François Archambault),
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter à toutes et à tous la bienvenue à l'Assemblée nationale pour votre colloque annuel, organisé conjointement par la Fondation de la Résistance et par l'association Mémoire et Espoirs de la Résistance.

Sachez que c'est avec le plus grand plaisir que j'ai répondu à votre invitation et que j'ai accepté d'ouvrir vos débats de ce jour, consacrés à la résistance de l'esprit. Plaisir d'autant plus grand que les occasions sont rares, pour nous parlementaires, qui sommes en permanence harcelés par l'actualité et la vie politique immédiate, de nous pencher, ne serait-ce que quelques instants, sur notre histoire et de prendre du recul.

Par conséquent, un grand merci au Président Mattéoli et à son Secrétaire général François Archambault - dont je n'oublie pas qu'il officie également aujourd'hui en temps que Président de Mémoire et Espoirs de la Résistance - pour cette heureuse initiative et pour ce moment privilégié de réflexion et de mémoire auquel ils nous convient. Mes remerciements s'adressent aussi à vos éminents intervenants, dont je suis certain qu'ils apporteront une contribution précieuse à vos réflexions, ainsi qu'à vous tous.

*

Ma présence parmi vous ce matin me donne l'occasion de rendre un double hommage.

Hommage à la Fondation que vous animez, Monsieur le Président, et à l'association Mémoire et Espoirs de la Résistance, dont je salue la qualité comme l'esprit des travaux et des publications, qui font de vous des gardiens incontestés de notre mémoire collective.

En nous faisant revivre inlassablement le combat de ces femmes et de ces hommes qui, il y a plus de soixante ans, aux heures les plus sombres de notre XXème siècle, ont refusé de s'incliner lorsque la République a abdiqué face à l'ignominie et à la barbarie, vous nous rappelez en fait à l'essentiel. Vous nous rappelez que la liberté, chèrement reconquise, est aussi précieuse qu'elle est fragile, contrairement à ceux qui la considèrent, un peu vite et à tort, comme définitivement acquise, oubliant au passage le combat de ceux qui l'ont rétablie au péril de leur vie. Vous nous rappelez qu'aucun pays, qu'aucun peuple, qu'aucune démocratie n'est définitivement à l'abri du retour de ses vieux démons.

En entretenant ainsi perpétuellement la flamme du souvenir, vous nous appelez en réalité à la vigilance et vous faites œuvre de pédagogie. Parce qu'il est essentiel que les générations qui n'ont pas connu la guerre, que nos plus jeunes générations soient informées. Qu'elles sachent, qu'elles comprennent, qu'elles mesurent la chance qui est la leur, de vivre dans un pays de droits et de liberté, et la richesse de l'héritage qui leur a été légué par leurs aînés. C'est pourquoi je me réjouis et je vous félicite d'avoir associé à vos travaux de ce matin de nombreux élèves issus de classes de première et de terminale littéraires. Je suis certain que vos débats éclaireront, pour eux, d'un jour nouveau une période de notre Histoire qu'ils n'ont appréhendée jusqu'à présent que par livres d'histoire interposés. Je crois fondamentalement aux vertus de l'enseignement et de la pédagogie, parce qu'il nous faut bien sûr entretenir la flamme du souvenir, mais aussi transmettre le flambeau de l'espoir.

Voilà pourquoi je voulais rendre hommage à votre action. Et j'ajouterai pour en terminer sur ce point que le message que vous délivrez dépasse, me semble-t-il, nos frontières pour s'adresser à toutes celles et tous ceux qui luttent de par le monde contre la dictature, les régimes autoritaires et l'oppression. Le message qui nous vient de la France de l'ombre, et que vous relayez, constitue pour eux, un formidable encouragement et un merveilleux signal d'espérance.

*

Mon second hommage ira bien entendu à tous les combattants de l'ombre, glorieux ou anonymes, sans lesquels nous ne serions pas réunis ce matin. N'oublions jamais que c'est à leurs combats passés que nous devons notre liberté présente.

Et je tiens à souligner le vif intérêt que je porte à la thématique que vous proposez aujourd'hui à vos intervenants et à vos participants.

De la résistance, nous avons tous à l'esprit l'image de réseaux plus ou moins organisés, de langages codés, d'opérations de sabotage, d'attentats contre l'occupant ou contre la milice de Vichy. Autant d'actes de bravoure, toujours périlleux et pas toujours couronnés de succès.

De la résistance, nous remonte l'image d'une France au combat, d'une France des maquis, d'une « armée des ombres » immortalisée, avec tant de talent, par le film de Jean-Pierre Melville.

Et pourtant la résistance en armes est indissociable, inséparable de celle de l'esprit. L'une n'aurait jamais été possible sans l'autre.

C'est parce que des esprits se sont élevés pour contester la vérité officielle, le discours à la fois lénifiant et totalitaire, diffusé à longueur de temps sur les ondes de la collaboration, que la résistance fut possible.

Ce sursaut de l'esprit prit toutes les formes possibles et imaginables. Il y eut, bien sûr, les grands actes politiques que furent l'appel du 18 juin du Général de Gaulle ou les premiers tracts d'Edmond Michelet. Il y eut aussi les grands romans résistants signés Bernanos ou Mauriac, et bien sûr l'inoubliable « Silence de la mer » de Jean Vercors. Sans oublier le chant des partisans écrit à Londres par Joseph Kessel et Maurice Druon.

Mais, parallèlement, fleurirent tout au long de la guerre mille manières de s'élever contre l'oppression. De l'information clandestine, orale ou écrite, à l'impression de faux-papiers, en passant par l'affichage sauvage, tous les moyens étaient bons pour affirmer sa rébellion contre l'occupant, sa résistance au régime en place.

Ce sursaut spirituel, civique et patriotique, fut beaucoup plus répandu qu'il n'y paraît parfois, même s'il restât longtemps discret et caché pour échapper aux représailles de la Gestapo et de la milice de Vichy.

Il ne fut l'apanage d'aucun mouvement politique, ni d'aucune appartenance confessionnelle. Il les dépassait toutes et tous, et c'était logique puisqu'il exprimait la vraie voix de la France, la voix de la France éternelle.

C'est ainsi que se sont trouvées unies dans un même combat des personnalités de tous bords, de toutes origines, de toute obédience et de toutes confessions. Unies autour d'une même passion : la grandeur de la France. Unies avec pour seul but : le renouveau de la Nation.

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Je ne serai pas plus long pour ne pas empiéter sur la durée de vos débats dont j'imagine, au vu de la qualité de vos intervenants et de vos participants, qu'ils seront riches et fructueux. Je vous souhaite donc un bon travail et vous donne rendez-vous en fin de matinée à l'Hôtel de Lassay où je serai heureux de vous accueillir.

Encore merci de votre attention.