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11/02/2004 - Éloge funèbre de Monsieur Marcel CABIDDU

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mes chers collègues,
Madame,

C'est le 13 janvier dernier que nous apprenions avec stupeur que notre collègue Marcel Cabiddu nous avait quitté .

Il y avait plusieurs mois que nous n'avions plus croisé sa silhouette dans les couloirs de notre Assemblée, le mal qui le rongeait, le minait, qui le faisait tant souffrir l'ayant contraint à se mettre en retrait des mandats qu'il exerçait. Mais chacune et chacun de nous nourrissait au fond du cœur, pendant cette longue et pesante absence, le secret espoir de le voir triompher de la maladie et revenir siéger parmi nous. Hélas, le sort et lui-même en décidèrent autrement. Et l'émotion fut vive sur tous les bancs de cet hémicycle lorsque tomba, le 13 janvier dernier, la terrible nouvelle.

Avec Marcel Cabiddu disparaît un élu de la Nation, forgé à l'image de cette terre du Nord qui l'avait vu naître près de 52 ans plus tôt et qu'il n'avait jamais quittée. Un homme simple et discret. Toujours attentif aux difficultés des uns et aux malheurs des autres. Un député fier de son engagement politique, fidèle à ses convictions, défenseur infatigable de sa région qu'il savait plus martyrisée que d'autres par la fermeture des Houillères et la désindustrialisation. Ce qui justifiait, à ses yeux, qu'elle fasse l'objet d'une attention particulière.

Rien ne prédestinait le jeune militant winglois, qui s'engage dans les Jeunesses socialistes en 1969 et qui restera fidèle à cet engagement toute sa vie, à l'exercice d'un mandat parlementaire. Rien, si ce n'est probablement son sens de l'intérêt général et sa passion de servir les autres. De servir sa région. De servir son pays.

Deux traits de caractère, deux qualités essentielles qui le conduisirent à s'intéresser très jeune à la vie de la cité et à s'y impliquer très tôt.

Il avait à peine 25 ans, en 1977, lorsqu'il fit son entrée au conseil municipal de Wingles. Très vite remarqué par ses pairs, il se vit confier les responsabilités d'adjoint, avant d'être élu maire de la commune aux élections municipales suivantes. De là naquit entre Marcel Cabiddu et sa ville une histoire d'amour qui ne cessera plus. Et les winglois ne s'y trompèrent pas puisqu'ils lui témoignèrent, sans discontinuer depuis 1983, leur confiance et leur attachement.

Maire de Wingles, Marcel Cabiddu se dépensa sans compter et sans relâche pour redonner espoir à ses habitants qui subissaient de plein fouet les contrecoups des mutations industrielles de la région et voyaient se tourner définitivement une page de leur histoire. Il en fallait, du tempérament et de la volonté, pour tenter de redynamiser un tissu économique gravement affaibli et dangereusement menacé. Avec les conséquences sociales que ces mutations économiques entraînaient. Marcel Cabiddu ne manquait ni de l'un ni de l'autre.

Mais il comprit bien vite que son action municipale ne prendrait tout son sens et ne donnerait toute sa dimension que si elle s'inscrivait dans un cadre plus large. Précurseur, il œuvra à la création du Syndicat intercommunal de la zone industrielle régionale Artois Flandres, dont il prit la Présidence avec détermination et avec un réel succès. Il fut souvent cité en exemple pour le travail accompli.

Il compléta parallèlement son action à l'échelon départemental en se faisant élire conseiller général du canton de Lens Nord-Ouest, avant de devenir en 1994 vice-Président de cette Assemblée, chargé de l'action économique, des grands projets structurants et du développement urbain. Une tâche à la mesure des ambitions que nourrissait ce jeune élu pour le département du Pas-de-Calais dont il était issu.

Dans chacun de ses mandats, dans chacune des responsabilités qui furent les siennes, se sont exprimés cette même passion du Nord et son éternel refus du renoncement face aux coups durs de notre histoire industrielle récente.

Il aurait naturellement pu s'en tenir à ses mandats locaux qui lui procuraient déjà de grandes satisfactions, au premier rang desquelles figurait ce lien indéfectible qu'il avait su tisser, au fil du temps, avec ses électeurs.

Mais, en 1997, il décida de porter son combat sur la scène nationale, pour mieux défendre sa région, pour mieux faire entendre sa voix.

Candidat aux élections législatives de juin 1997, il fut élu député de la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, puis brillamment réélu cinq ans plus tard. Preuve s'il en était besoin de son enracinement local et des qualités d'écoute et de dialogue qui étaient les siennes.

Ce sont ces mêmes qualités qui ont fait de lui, à l'Assemblée nationale, au sein des diverses Commissions où il a successivement siégé, à la Commission de la production et des échanges, puis à la Commission de la défense nationale et des forces armées, un élu respecté et estimé. Respecté pour les idées qu'il défendait et les combats qu'il menait. Estimé pour sa rigueur et ses qualités de cœur.

Comme il en avait pris l'engagement devant ses électeurs, il défendra haut et fort les couleurs des territoires qu'il représentait. A tel point qu'il se verra confier par le gouvernement de Lionel Jospin une mission sur le développement économique du bassin minier du Nord Pas-de-Calais. Ultime récompense pour ce passionné du développement économique local qui ne se résignait pas au déclin des industries traditionnelles du Nord de notre pays.

Au-delà de nos appartenances partisanes, chacune et chacun d'entre nous retiendra l'image d'un homme fidèle à ses convictions autant qu'à sa terre d'élection.

Pensons avec affection à ses proches, à sa famille, à son épouse Pascale, à qui j'adresse les condoléances émues de notre Assemblée. Monsieur le Secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, je vous demande de bien vouloir vous recueillir quelques instants à la mémoire de Marcel Cabiddu.