Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

20/11/2004- Mairie de Paris - 9e États généraux de l'Association des Élus locaux contre le sida

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,

C'est toujours avec un grand plaisir que je me joins à vos États généraux. Bientôt dix ans qu'ils existent, mais leur présence est plus que jamais nécessaire.

J'y viens chaque fois avec espoir mais aussi avec inquiétude.

L'infection par le VIH et le sida reste, en effet, aujourd'hui dans le monde une des maladies les plus graves et les plus répandues. Le président de la République vient, dans son message, d'en rappeler le terrible bilan.

Loin d'être en voie d'éradication, la pandémie s'étend à des continents entiers et progresse dans des pays jusqu'ici moins touchés. Des millions de personnes sont affectées, avec des conséquences désastreuses sur leurs vies, leurs familles voire l'économie de leurs régions.

Cette épidémie nous concerne tous. Elle nous touche parce qu'elle est proche. Encore et toujours, hélas, elle nous interpelle. Encore et toujours hélas, elle frappe nos amis. Encore et toujours hélas, elle n'épargne personne.

La lutte contre le sida doit être considérée comme une grande cause nationale. Je souhaite que le gouvernement en décide ainsi.

Dans l'Europe de l'Ouest seule, si le nombre des décès dus au sida a continué de baisser c'est grâce à l'accès à des traitements plus efficaces et plus disponibles. Mais l'infection s'est accrue de 540.000 cas en 2001 à 580.000 en 2003, selon les chiffres de l'Organisation Mondiale de la Santé qui incrimine une baisse dans l'effort de prévention.

La progression est encore plus spectaculaire dans les pays de l'Europe de l'Est dont je rappelle que dix d'entre eux viennent de rejoindre notre Union européenne.

En France, on ne constate pas de recul de la maladie et certaines catégories de populations, au contraire, comme les femmes issues de l'immigration ou encore les jeunes moins sensibilisés aux pratiques de prévention, sont aujourd'hui plus à risque.

Il est donc indispensable qu'un aiguillon soit toujours là pour réveiller une volonté qui, sinon, par lassitude, pourrait s'endormir. Votre association joue ce rôle, et elle le joue bien. Jean-Luc Roméro, votre président, s'y consacre avec passion et intelligence.

Ce rôle est d'autant plus nécessaire que, cette année, votre thème central nous concerne particulièrement: le sida se soigne aussi par la politique : politique d'aide à la lutte contre la pandémie à l'échelle internationale ; politique nationale de dépistage, de prévention et de soins ; politique de santé publique au niveau local.

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Il y a, d'abord, comme l'a rappelé le Président de la République, un devoir de solidarité internationale.

La France s'est impliquée très tôt aux côtés des pays en développement pour répondre à l'épidémie. Depuis une quinzaine d'années, elle a soutenu et financé des actions très diverses dans plus de 30 pays. Dès l'arrivée des traitements efficaces contre le VIH, la France s'est prononcée, au sein des instances internationales, pour que ces médicaments soient rendus accessibles aux malades du Sud : c'était le sens de l'appel du Président Chirac dès 1997, puis du lancement du Fonds de solidarité thérapeutique international.

Je ne reprendrai pas ici le détail de nos engagements financiers internationaux que le Président de la République vient de rappeler dans son message. Je me contenterai de souligner que, depuis le sommet du millénaire en 2000, la contribution française à la lutte contre le VIH/sida dans les pays en développement, qui était alors de 15 millions d'euros par an, a été décuplée, passant à 150 millions d'euros.

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C'est aussi aux niveaux national et local que les responsables politiques doivent assumer leurs responsabilités.

Vous le savez, j'ai relancé en 2002 l'activité du groupe d'études parlementaire sur le sida à l'Assemblée nationale. Le travail de ses membres, sous l'impulsion de son président, le député Jean-Claude Lefort, montre à quel point cela était nécessaire.

De la même façon, les parlementaires se sont emparés de la politique de santé publique, votant une loi qui fixe des objectifs - notamment la lutte contre le sida en tant qu'objectif prioritaire - et crée des outils en ce sens. D'aucuns pourront critiquer son contenu, mais le fait est là: l'Assemblée nationale a les moyens d'exercer pleinement ses prérogatives en matière de santé publique.

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Mais, les élus locaux aussi ont un rôle fondamental à jouer dans ce domaine. Le niveau territorial le plus pertinent pour parler de santé publique est, à mon avis, la commune ou la communauté de communes. C'est là, en effet, que l'on connaît l'ensemble des partenaires, ceux qui ont besoin d'aide et ceux qui peuvent intervenir. Et c'est un des rôles clés des élus locaux que de savoir mettre autour d'une même table toutes les personnes concernées par une problématique: associations, institutionnels, professionnels, usagers et citoyens...

Mais aujourd'hui, les grandes déclarations et les intentions ne suffisent plus. Si le sida est déclaré grande cause nationale en 2005, cela n'aura de signification que si les élus, quels qu'ils soient, mobilisés par cet appel, le relaient pour réveiller et éclairer nos concitoyens.

Permettez-moi de prendre un exemple personnel puisqu'il concerne Évreux, ville dont je suis maire. Aujourd'hui, la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales a proposé que la municipalité soit responsable de l'organisation et du suivi des programmes de santé publique, le financement étant assuré par cette même Drass et par l'Union régionale des caisses d'assurance maladie. C'est un exemple et je souhaiterais que vous veniez à Évreux pour y tenir des états départementaux et locaux consacrés à la lutte contre le sida.

Dans le même ordre d'idée, je rappellerai ainsi que les régions ont également une compétence dans le domaine de la santé. A elles de s'en emparer pour faire évoluer les choses.

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C'est par la mobilisation de tous, associations, professionnels médicaux et techniques, responsables politiques, que l'objectif d'endiguer enfin ce terrible fléau pourra être atteint.

Je suis intimement persuadé que les politiques peuvent agir ensemble contre le sida, et tout particulièrement les élus locaux qui doivent mobiliser les acteurs de terrain, chacun sur son territoire. A vous de nous mobiliser davantage. A vous, Cher Jean-Luc Romero, de bousculer les résignés. A vous tous, à nous tous, de rassembler au-delà des frontières politiques, contre le sida. Oui, la lutte contre le sida est une grande cause nationale.

Je vous remercie et vous souhaite une matinée de travail efficace et fraternelle.