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25/11/2004 - Discours de Monsieur Jean-Louis Debré - Président de l'Assemblée nationale lors de la remise des insignes de Chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur à Monsieur Xavier Driencourt

Cher Xavier,

Je ne sais ce qui, de ton indépendance d'esprit, de ton caractère mutin, de ton goût pour les lieux symboliques de notre Histoire politique ou de ta passion pour les produits de nos vignobles, a le plus pesé dans ton choix de traverser ce soir les jardins et de sauter le mur qui sépare le Palais d'Orsay de l'Hôtel de Lassay, passant ainsi de l'un des centres du pouvoir exécutif au lieu le plus symbolique du pouvoir législatif.

Mais peu importe les raisons de ta présence ici à Lassay, je suis, très sincèrement heureux de t'accueillir ce soir pour te remettre les insignes de Chevalier dans l'Ordre de la Légion d'honneur. - D'être entouré de ta famille, de notre famille - c'est un grand bonheur de nous retrouver ici grâce à toi.

Ton intérêt pour l'histoire explique peut-être que tu as préféré Lassay pour cette cérémonie. Ce palais fut celui de la monarchie, puis celui du triomphe de l'Empire, surtout le second avec le duc de Morny avant de devenir celui des républiques troisième, quatrième et cinquième du nom. Et tu as raison : l'histoire de la France a plus rôdé dans ces murs édifiés en 1720 qu'au Quai d'Orsay dont la construction ne remonte qu'à 1855. Je reconnais que notre histoire s'est aussi repensée au Quai d'Orsay. D'ailleurs, un moment, l'Assemblée nationale qui avait envisagé en 1848 d'occuper le Palais du Luxembourg a ensuite lorgné, pour se l'approprier, sur le Quai d'Orsay. Nous ne désespérons pas, nous aussi, de franchir le mur qui nous sépare.

Cher Xavier,

Les circonstances de ta naissance illustrent ton goût des surprises et ton esprit d'à propos, puisqu'à une époque où l'imagerie médicale n'existait pas encore sous les formes que nous connaissons aujourd'hui, un soir de 1er janvier, tu as offert à tes parents l'heureuse surprise de ne pas naître seul. D'ailleurs la naissance des jumeaux Driencourt a eu lieu à la clinique où officiait Philippe Monod-Broca !

Il paraît que par la suite tu as posé quelques soucis à tes parents à qui l'un de tes professeurs de français, nommé Molière, leur avait annoncé ta totale inaptitude aux Etudes, ton incapacité à suivre une scolarité normale. Je conseillerai aux députés qui se pencheront bientôt sur la réforme de l'école de méditer ton parcours puisque l'élève condamné sans appel à l'âge de 12 ans par Molière finit par décrocher son baccalauréat avec une mention très bien, entrer à Sciences Po, puis à l'Ecole nationale d'administration avec aisance et brio - méfions-nous des experts. Pire, bien que nul en mathématiques, tu as obtenu la note 18 au bac. Les experts devraient toujours faire preuve de modestie dans leurs jugements ou alors les examens ne prouvent rien.

Passionné d'Histoire et d'Histoire diplomatique tout particulièrement, tu choisis d'entrer au Quai d'Orsay en 1979. Au moment de partir en Chine, tu avais pratiquement ton billet en poche, lorsque tu as rencontré Lise. Et en moins de 24 heures, tu as bouleversé tes projets. Tu restes à Paris et tu épouses Lise. Démarche pas très diplomatique mais efficace.

Pendant deux ans, tu es chargé de mission auprès du Directeur du personnel, avant d'être affecté à la direction des questions atomiques et spatiales.

Après cette expérience tu as décidé d'élargir ton horizon en mettant le cap sur l'aile du Louvre qui abritait à l'époque le ministère des finances, te voici le premier agent diplomatique détaché à la puissante direction du Trésor.

De retour à la sous-direction des exportations d'armement du ministère des affaires étrangères, tu as suivi de près la longue et meurtrière guerre entre l'Iran et l'Irak, pendant laquelle tu te rends à plusieurs reprises à Bagdad.

Après dix ans passés dans les bureaux parisiens, te voici consul général à Sydney. De retour à Paris tu es appelé au cabinet d'Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, pour suivre la réforme du ministère dans le prolongement du rapport rédigé par Jean Picq.

Du Quai d'Orsay, tu émigres rue de Varenne. C'est sous l'autorité d'Alain Juppé que tu vas traiter les questions internationales et la coopération.

Retour bref à l'inspection des affaires étrangères avant de partir comme ambassadeur de France en Malaisie. Entouré de Lise, qui a mis entre parenthèses pendant cette période sa carrière de magistrat de l'ordre administratif, et de vos enfants, ravis de partager avec les singes et les serpents le jardin de ta résidence, tu as découvert l'Asie musulmane dans une période de fortes tensions politiques internationales.

Retour en 2002 à Paris pour préparer la réforme des structures administratives et financières du Quai d'Orsay et depuis un peu plus d'un an, te voici directeur des ressources humaines.

Cher Xavier, je ne voudrais pas achever mon propos sans associer au témoignage de reconnaissance qui t'est accordé ce soir par la République, Lise, et tes quatre enfants Marc, Claire, Diane et Laure.

C'est donc un serviteur de l'Etat, du rayonnement de notre pays à travers le monde, que la République a choisi d'honorer aujourd'hui, un grand fonctionnaire auquel ses amis, ses collaborateurs reconnaissent un grand sens de la justice, une vraie rigueur, un humour discret et décalé qui lui permet d'affronter toutes les situations sans se départir de son flegme et de son élégance naturels.

Cher Xavier Driencourt, au nom du Président de la République, je te fais Chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur.