Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

18/01/2005 - Remise des insignes de chevalier de la Légion d'honneur à Messieurs Roland Vuillaume et Michel Jacquemin, anciens députés

Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Cher Roland Vuillaume, cher Michel Jacquemin,

C'est, je dois le dire, un réel plaisir pour moi de vous accueillir aujourd'hui l'un et l'autre, ici à l'Hôtel de Lassay, maison que vous connaissez bien et qui demeure la vôtre, entourés de vos proches et de vos amis. Un réel plaisir de retrouver deux anciens collègues et amis avec qui l'on a partagé, de longues années durant, dans l'hémicycle voisin, bien des débats et des combats. Un réel plaisir enfin de vous retrouver au moment où vont vous être remis les insignes de chevalier de la Légion d'honneur, au moment où la République a choisi d'honorer vos parcours personnels et politiques.

Parcours qui commencent, pour l'un comme pour l'autre, dans ce beau et rude département qu'est le Doubs, département aux hivers longs et rigoureux, frontalier de la Suisse. Dans un petit village du canton de Mouthe, qui s'illustre régulièrement par ses records de froid, à Vaux-et-Chantegrue très précisément, le 12 avril 1935 pour Roland. Quatre ans plus tard, c'est dans la capitale franc-comtoise, à Besançon, que Michel fait ses premiers pas.

Débute alors, pour Michel et Roland, une scolarité studieuse et sérieuse, ponctuée d'examens réussis. Scolarité qui les conduit, à quelques années d'intervalle, sur les bancs du même lycée, le lycée Victor Hugo de Besançon. Là, une fois le bac en poche, ils choisissent l'un et l'autre la filière scientifique et s'inscrivent en classe de math sup. C'est à cette occasion que leurs chemins vont se croiser pour la première fois, lorsque l'aîné, Roland, « bizutera » le benjamin, Michel. Ils se sortiront, l'un et l'autre, avec brio de ces années de dur labeur que constituent les années de classes préparatoires aux grandes écoles. Roland est admis à l'École Spéciale des Travaux Publics de Paris, Michel, quant à lui, intègre l'École Centrale de Paris.

L'un et l'autre vont donc quitter pendant quelques années leur Doubs natal pour « monter » à la capitale, selon une expression provinciale, et devenir ingénieurs. Une fois leurs diplômes décernés, ils choisissent tous les deux de peaufiner leurs formations respectives, Roland passant une année supplémentaire à l'Institut d'Administration des Entreprises à la Sorbonne, Michel une année à l'École d'organisation du travail (EOST).

Vos études supérieures achevées, vient l'heure du service national dont la durée est alors de 18 mois. Dix-huit mois qui s'achèvent pour Roland le 16 avril 1962, auxquels viennent s'ajouter six mois de plus, passés sur l'autre rive de la Méditerranée, en Algérie, où se termine une guerre qui n'ose pas dire son nom. Six mois qui lui valent la reconnaissance de la Nation et une carte d'ancien combattant. Pour Michel, ces dix-huit mois qui prennent fin au printemps 1965 le conduisent de l'École d'Application des Transmissions de Montargis au 42ème RT d'Achern, en Allemagne, où il reçoit ses galons de lieutenant.

Arrive maintenant pour nos deux jeunes ingénieurs le temps de la vie active. Chacun commence naturellement par faire ses armes dans une entreprise de la région franc-comtoise. Il faut bien découvrir le métier. Mais très vite - nouveau point commun entre nos deux amis -, l'envie de se mettre à son compte, de créer sa propre entreprise l'emporte. Roland crée un bureau d'études d'ingénierie qui emploie jusqu'à 22 personnes. Il concentre d'abord ses activités sur son département d'origine, puis les étend au département voisin du Jura. De son côté, Michel crée, en 1978, l'entreprise Thermique Franc-Comtoise. Entreprise qui connaît un succès croissant, conduisant son président à multiplier les établissements de Besançon à Dijon, en passant par Pontarlier, et à diversifier ses activités. Entreprise dont les effectifs passent en quelques années, d'une trentaine à près de 130, pour répondre à des besoins et à des marchés toujours plus nombreux. Parallèlement, et dès le début de sa vie active, Michel, passionné par la formation professionnelle et par la participation, s'investit dans les organisations patronales locales - il préside le Centre régional Bourgogne Franche-Comté du Centre des jeunes dirigeants d'entreprises - puis dans les organismes consulaires - il préside pendant dix ans, de 1976 à 1986, la Chambre de Commerce du Doubs, mais aussi, de 1984 à 1986, la Chambre régionale de Franche-Comté -. Sans oublier qu'il siège au Conseil économique et social de Franche-Comté, dont il devient même vice-Président en 1983. Autant de fonctions qui lui permettront pendant toutes ces années de faire avancer ses idées en matière de formation continue et de recherche universitaire.

Là où d'autres auraient considéré qu'ils avaient assez d'activités et de responsabilités et qu'ils pouvaient s'en tenir à la gestion de leurs entreprises respectives, Roland et Michel voient plus loin et se découvrent, en secret, une passion commune qui les amènera à se côtoyer toujours davantage, au point de ne plus se quitter. Cette passion, c'est celle de leur département et de leur région bien sûr, mais au-delà, celle de la Nation toute entière et du service de leurs concitoyens. Ils décident de franchir le pas qui les conduira de l'entreprise privée à la vie politique dans laquelle ils s'engagent l'un et l'autre à corps perdu pour y défendre les idées auxquelles ils croient. Au RPR, pour Roland, où il voue depuis cette époque une fidélité sans faille à Jacques Chirac. A l'UDF, pour Michel qui répond à l'aimable pression de Raymond Barre.

C'est l'aîné, Roland, qui se lance le premier en se faisant élire, en 1979, conseiller général du Doubs. Le hasard des circonstances et le départ au Sénat de l'un de mes illustres prédécesseurs, le Président Edgar Faure, feront de lui, l'année suivante, à l'occasion d'une législative partielle, le tout nouveau député de la 5ème circonscription du Doubs. Circonscription qui le réélira sans discontinuer jusqu'à sa décision de ne pas se représenter, en 2002. C'est dire l'attachement que lui auront témoigné, 22 années durant, ses électeurs. C'est dire aussi le dévouement dont il aura fait preuve à leur égard pendant toute cette période.

En 1986, c'est au tour de Michel de faire son entrée au Palais Bourbon, et de rejoindre Roland sur les bancs de l'Assemblée. Ils participent tous les deux aux travaux de la nouvelle majorité RPR-UDF, majorité aussi soudée qu'elle est serrée. Lui aussi, comme Roland, sera réélu en 1988, puis en 1993.

Chacun des deux prendra une part active aux travaux des commissions dont ils seront membres. Fidèle à ses dossiers d'aménagement du territoire, et soucieux de préserver l'avenir de l'agriculture et de la forêt françaises, Roland siège sans interruption de 1980 à 2002 au sein de la commission de la production et des échanges. Lui que l'on surnomme le « député des neiges » pèse également de tout son poids au bureau de l'Association Nationale des Élus de la Montagne, pour défendre ardemment les intérêts des zones de montagne dont il sait, par expérience, qu'elles sont moins favorisées que d'autres et doivent donc bénéficier d'aides spécifiques. De son côté, après un passage à la Commission des affaires sociales, Michel opte pour celle des finances, dont il devient secrétaire et rapporteur spécial du budget de l'enseignement supérieur. Il retrouve ainsi ces sujets qui le passionnent et sur lesquels il s'était activement penché lorsqu'il siégeait quelques années plus tôt dans les organismes consulaires.

Parallèlement à leurs mandats nationaux, ni Roland, ni Michel ne délaisseront leurs mandats locaux ni n'abandonneront leur ancrage local. Maire de Pontarlier, conseiller régional de Franche-Comté, conseiller général du Doubs, Roland aura, en 25 ans de carrière politique, exercé tous ses mandats avec la même passion, la même détermination et le même dévouement. Il en est de même pour Michel, au conseil municipal de Besançon ou au conseil régional de Franche-Comté dont il fut vice-Président pendant six ans.

Au-delà de vos appartenances respectives à deux formations politiques différentes, vous avez toujours l'un et l'autre œuvré, an plan local, pour l'union parce que vous saviez qu'elle était la condition du succès de vos idées. Vos campagnes communes sont autant d'aventures homériques - 1986 en fut un exemple, m'a-t-on dit, où il vous arrivait fréquemment de pousser vos voitures tombées en panne à cause du froid et où vos réunions publiques se terminaient parfois, faute de participants, assis tous les deux autour du poêle d'une salle communale.

Mes chers amis, comme vous pouvez le constater au travers de leurs parcours, ce sont deux authentiques serviteurs de l'institution parlementaire et de la démocratie locale que la République a choisi d'honorer aujourd'hui. Je suis donc, cher Roland Vuillaume, cher Michel Jacquemin, particulièrement heureux de vous exprimer la reconnaissance de la République en vous remettant les insignes de Chevalier de la Légion d'honneur.