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24/10/2006 - Éloge funèbre de Monsieur Édouard Landrain, député de Loire-Atlantique

Monsieur le Ministre,

Madame,

Mes chers Collègues,

C'est avec tristesse et émotion que nous avons appris le 24 juin dernier l'annonce du décès de notre collègue, de notre ami Édouard Landrain.

Il nous laisse le souvenir d'un collègue rieur qui prenait la vie au sérieux, sans l'ombre d'une prétention, mais avec conviction.

Prodigue en cordialité, en gestes, comme en paroles, Édouard Landrain était la synthèse parfaite de la bienveillance et de la malice, jamais dupe, mais toujours généreux, trouvant à chacun les circonstances qui atténuent les travers.

Né breton, à Lorient le 1er juillet 1930, dans une famille qu'il se plaisait à qualifier de modeste. Son père terminera sa carrière professionnelle comme chef de gare à Vannes.

C'est à Nantes qu'il fera ses études de médecine dentaire et c'est dans cette grande métropole qu'il rencontrera son épouse.

Édouard Landrain était un homme du grand large, un marin, qui effectua son service militaire sur le Richelieu et qui réalisa en 1970 le plus cher de ses rêves d'enfance en traversant l'Atlantique à la voile avec deux de ses amis. Parce qu'il aimait la mer, il mena un farouche combat pour la répression des navires polluants.

Mais Édouard Landrain fut, avant tout, un vrai sportif. Je veux dire par là non seulement un grand amateur de sport, mais aussi un champion, une figure du basket-ball français dans les compétitions internationales interuniversitaires. Plus encore, il était un homme habité par les qualités que nous enseigne le sport, à savoir, la persévérance, la combativité, l'endurance, l'esprit d'équipe, le sens de l'effort, l'humilité et cette formidable envie d'aller toujours de l'avant.

Ce sont les hasards d'un remplacement professionnel saisonnier chez un collègue dentiste, qui le conduisent en novembre 1956 dans cette terre d'adoption que fut son cher pays d'Ancenis, territoire qu'il considérait, en dépit de la géographie administrative comme breton.

De là naquit une histoire extraordinaire, entre un homme et une ville.

Sans la moindre inclinaison naturelle pour la politique, et sans aucune ambition personnelle, Édouard Landrain accepta pourtant de rejoindre, à l'invitation de nombre de ses amis, une liste aux élections municipales de mars 1965, date à laquelle il entra au conseil municipal de la ville d'Ancenis. Sans discontinuité, il y siégea jusqu'en mars 2001.

Maire d'Ancenis pendant près d'un quart de siècle, de 1977 à 2001, il constata rapidement que pour porter plus haut les intérêts de ses concitoyens et l'avenir de sa ville, il lui fallait prendre de nouvelles responsabilités. Et c'est ainsi qu'il se présenta pour la première fois aux élections cantonales de 1979 où il fut élu conseiller général de la Loire-Atlantique, puis réélu, là encore sans interruption, jusqu'en mars 2004.

Édouard Landrain aimait à rappeler que cette confiance toujours renouvelée, jamais entamée par les grandes alternances politiques, était non seulement sa plus grande fierté mais aussi ce qui donnait du sens à son action inlassable pour faire du pays d'Ancenis un modèle de développement.

Ce chef-lieu d'arrondissement paisible se réveilla sous son impulsion pour devenir le centre d'un riche bassin d'emploi de 80 000 habitants, à la croisée de quatre grandes villes, de Nantes, d'Angers, Rennes et Cholet.

Rapidement, Édouard Landrain fut reconnu comme un des acteurs marquants de la vie politique locale. Dès 1982, il fut élu vice-président du Conseil général de la Loire-Atlantique et c'est en juin 1988 qu'il fut élu pour la première fois député de la 5ème circonscription de son département.

Édouard Landrain était un homme du Centre, par mesure au moins autant que par prudence. Sur le terrain politique, il fut donc légitimement un pilier du Centre droit, proche de Jean Lecanuet et membre du Centre des Démocrates Sociaux dès son élection à la mairie d'Ancenis en 1977. Il resta toujours attaché à ce grand courant humaniste et chrétien dont il partageait les valeurs, les combats et les ambitions.

Pour tout programme, Édouard Landrain écrivit à ses électeurs ces deux simples phrases qui me semblent si bien résumer son action politique : Je ne vous fais qu'une seule promesse, celle de continuer à me battre toujours à vos côtés. Il y a tant à faire ! ».

Dans cet hémicycle, il fut un ambassadeur remarquable du monde sportif. Il n'était pas seulement un excellent expert de ce dossier qu'il connaissait intimement dans toute sa diversité, il sut aussi nous rappeler inlassablement ce que le sport représentait dans notre pays où le Baron de Coubertin réinventa la forme la plus élaborée de l'esprit sportif, loin des paillettes, plus loin encore des excès de l'argent dont il dénonçait régulièrement les conséquences désastreuses.

A la tribune de cette assemblée, Édouard Landrain savait merveilleusement nous convaincre, au-delà de tous les clivages politiques, des valeurs profondément républicaines que portait l'esprit sportif. École de l'effort, de l'apprentissage, du dépassement, école de la solidarité et du respect de l'autre aussi. Le sport retrouvait toute sa dimension lorsque Édouard Landrain nous rapportait combien il était un facteur prodigieux d'intégration qui permettait, à un moment donné, à tout un peuple de savoir profondément ce qui le rassemble.

Édouard Landrain rendait évidente cette certitude que le sport est d'abord l'école de la vie, une école qui intègre, pacifie et reconstruit.

Durant ces quatre dernières Législatures, Édouard Landrain ne manqua aucun débat relatif au sport. En particulier, il fut un précurseur dans l'ardent combat législatif qu'il mena contre toutes les formes de dopage qui fit l'objet de sa toute première intervention dans cet hémicycle.

Nous nous rappelons tous aussi de l'hommage vibrant qu'il rendait en permanence à ce million et demi de bénévoles qui font vivre le sport France en faisant partager aux plus jeunes leur passion.

Édouard Landrain fut un collègue généreux, un opposant toujours respectueux, un partenaire exigeant avec ses propres amis. Il acceptait mal le temps perdu, l'immobilisme ou les réformes insuffisantes. Certains dans cette assemblée se rappelleront de cette apostrophe lancée à un ministre de la jeunesse et des sports. Je le cite : « Alors qu'il aurait fallu légiférer de façon coordonnée, on le fait par petits bouts, en chapelet. Un grain par-ci, un grand par là : on psalmodie la réforme »

Oui, Édouard Landrain fut un parlementaire rigoureux, profondément attaché aux prérogatives de cette assemblée et, par là même, attentif à ce qu'elle légifère à bon escient. Et je voudrais ici encore citer deux brèves interventions qu'il prononça dans cet hémicycle et qui illustrent, il me semble, cette bonne pratique qui caractérise ceux qui ont une haute conscience de notre responsabilité. « A trop vouloir aller dans le détail - disait-il- nous sombrons dans notre péché mignon, qui est de faire ici de la petite réglementation ». Et d'ajouter, dans un autre débat : « De grâce, que notre assemblée ne se mêle pas de ce qui ne doit pas relever d'elle, tant qu'il n'est pas questions de l'intérêt général ».

Mes chers Collègues, Édouard Landrain était un de ces hommes qui savent vivre toute chose avec passion, une passion intérieure et un enthousiasme contagieux, un plaisir singulier et un bonheur de vivre, autant de choses qui n'entamaient jamais pour autant sa faculté à rester mesuré dans l'expression et le respect de l'autre.

Aujourd'hui, c'est un ami que nous honorons, un collègue que nous saluons et un élu de la Nation que nous regrettons.

A vous Madame, son épouse, à ses enfants, Martine, Pierre et Françoise, à l'ensemble de ses proches et de ses amis, je renouvelle, au nom de toute cette assemblée, mes sentiments de profonde sympathie.