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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 69

Réunion du mercredi 17 décembre 2003 à 9 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Echange de vues sur les travaux de la Conférence intergouvernementale

Le Président Pierre Lequiller a remercié les membres de la Délégation pour le travail accompli au cours de l'année. Il a souligné l'ambiance constructive qui a animé les travaux de la Délégation, transcendant le plus souvent les clivages politiques. Il a par ailleurs rappelé son objectif d'une meilleure prise en compte des affaires européennes au sein de l'Assemblée nationale et souligné la forte implication personnelle du Président Jean-Louis Debré à cet égard, notant que beaucoup de progrès avaient d'ores et déjà été accomplis dans ce domaine.

Sur les travaux de la Conférence intergouvernementale, le Président Pierre Lequiller a fait état de deux éléments qui expliquent en grande partie l'échec du Conseil européen : d'une part, la forte pression provoquée par la durée particulièrement courte de cette conférence intergouvernementale; d'autre part, le maintien intangible de la position de négociation de l'Espagne et de la Pologne. En tout état de cause, l'absence d'accord reste préférable à la conclusion d'un mauvais compromis. La suspension des négociations jusqu'au mois de mars pourrait permettre une évolution favorable des positions espagnole et polonaise, qui ont focalisé l'enjeu des négociations sur les règles de vote, alors que la pratique communautaire révèle que la plupart des décisions sont prises par consensus. Quoi qu'il en soit, il est désormais indispensable d'œuvrer à décrisper les positions; l'infléchissement, quelques jours avant le Conseil européen, des positions de la Slovénie, de la République tchèque et de la Hongrie représente à ce titre un signal positif.

Il a, par ailleurs, estimé que cette crise recouvre un clivage plus profond entre d'un côté, les partisans d'une Europe européenne dans le cadre d'une relation transatlantique équilibrée, et de l'autre les défenseurs d'un statu quo fondé sur une « Europe marché ». C'est pourquoi il est temps d'indiquer à nos partenaires qu'il existe une réelle volonté politique de constituer des groupes pionniers, dans le cadre d'une avant-garde naturellement ouverte.

M. Jérôme Lambert a lui aussi estimé qu'il n'est pas possible de résumer cette crise aux seules oppositions formulées par MM. Aznar et Miller, qui révèle en effet des conceptions divergentes de l'Europe. L'enjeu est désormais de savoir comment poursuivre la construction européenne. A ce titre, il n'est pas souhaitable de prendre des positions qui accentuent les clivages, notamment au sujet du règlement de la question budgétaire.

Le Président Pierre Lequiller a alors précisé qu'il ne fallait toutefois pas occulter ce débat sur les finances de l'Union.

M. Daniel Garrigue a vu derrière cet échec, une expression de l'ambition européenne relative de certains Etats. L'Europe a toujours connu des minorités agissantes et ce n'est pas la première crise qu'elle traverse. Mais il a regretté que la réforme constitutionnelle n'ait pas précédé l'élargissement. Puis il a fait part de son étonnement face à l'attachement manifesté par l'Espagne et la Pologne au système de vote du traité de Nice, lequel ne leur reconnaît que moins de 20 % des voix ; il pourrait donc s'agir d'un argument prétexte. La volonté politique doit permettre aux Etats qui le souhaitent d'avancer plus vite sur des sujets essentiels, et d'être le moment venu rejoints par d'autres. Les coopérations renforcées constituent un instrument adapté pour étendre la dynamique du moteur franco-allemand à d'autres partenaires, car il n'est pas souhaitable pour l'Europe que la France s'enferme dans une relation exclusive avec l'Allemagne.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que la France avait pour sa part accepté de sacrifier sa parité avec l'Allemagne en se prononçant en faveur du mécanisme de double majorité. D'un point de vue national, notre pays avait pourtant autant intérêt au statu quo que l'Espagne et la Pologne.

Il a indiqué que si la relance des relations franco-allemandes avait permis de faire avancer la construction européenne, elle suscitait aussi de la méfiance de la part d'autres Etats membres. Il a souligné que la Délégation avait joué un rôle très actif pour relancer ces relations et conserver, en même temps, des contacts étroits et réguliers avec les autres Etats de l'Union européenne ou futurs pays membres. Il a suggéré qu'elle puisse accomplir, dans le même esprit, de nouvelles missions dans ces pays.

M. Michel Delebarre a souhaité que la Délégation dispose d'un relevé des points d'accord entre les Vingt-cinq sur la réforme des institutions. En effet, les points d'accord sont, contrairement à l'image qui a pu en être donnée, beaucoup plus nombreux que les éléments de désaccord, qui concernent principalement la question des règles de vote au Conseil des ministres. Estimant regrettable que la présidence italienne n'ait pas fait connaître un tel relevé, il a considéré que les missions suggérées par le Président Pierre Lequiller permettent de valider, avec nos partenaires, ces points d'accord. Par ailleurs, les groupes pionniers devraient, selon lui, faire participer l'ensemble des Etats concernés, dont, notamment, les nouveaux pays membres. Si le moteur franco-allemand joue un rôle utile pour faire avancer la construction européenne, la constitution de ces groupes pionniers devrait donner lieu à une réflexion approfondie. On sait combien certaines réactions de pays d'Europe centrale et orientale concernant la guerre en Irak ont été inspirées par le sentiment d'être mis devant le fait accompli. Il serait regrettable, à cet égard, de séparer en deux catégories distinctes les pays fondateurs et les nouveaux Etats membres. Enfin, M. Michel Delebarre a souhaité savoir comment la présidence irlandaise entendait avancer sur la question de la réforme des institutions.

M. Michel Herbillon a considéré que l'on pouvait tirer des leçons positives de l'échec de la Conférence intergouvernementale et qu'il valait mieux une crise qu'un accord a minima peu satisfaisant. Il a indiqué que la construction européenne avait, dans son histoire, connu d'autres crises, qui ont toutes été dépassées. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir quelles sont les voies possibles de sortie de crise. Il a approuvé l'idée d'établir un relevé des points d'accord, qui serait, au surplus, très utile en termes de communication vis-à-vis des citoyens européens, notamment dans la perspective des prochaines élections européennes de juin 2004 - qui seront les premières auxquelles les nouveaux Etats membres participeront. Ce relevé de points d'accord pourrait également constituer le fondement du débat public qui devrait précéder ces élections. M. Michel Herbillon a souligné, à son tour, que l'essentiel du désaccord portait sur les règles de majorité au Conseil, qui constituent un sujet déterminant. Il a considéré que les groupes pionniers et les coopérations renforcées devaient être à géométrie variable et qu'il ne fallait pas donner aux nouveaux Etats membres le sentiment que la réforme était commandée par le moteur franco-allemand.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que quatre-vingt-deux points faisaient a priori l'objet d'un accord et a regretté que la présidence italienne ne les ait pas plus clairement indiqués et mis en valeur. Il a précisé que l'essentiel du désaccord avait porté sur la question de la double majorité, même si la Grande-Bretagne continuait de manifester des réserves devant l'extension de la majorité qualifiée. Il est clair, à cet égard, que l'Espagne a essayé d'obtenir le maximum de possibilités de minorité de blocage, notamment au regard des fonds structurels. Selon les informations communiquées par le ministre des affaires étrangères, il n'y a pas lieu d'être pessimiste sur les avancées susceptibles d'être conduites par la future présidence irlandaise de l'Union européenne. Il a estimé que la réussite d'une présidence ne dépendait pas nécessairement de l'importance du pays qui l'assume, comme l'a montré la dernière présidence danoise, même s'il est vrai que la réforme des institutions exigera de la part de la présidence irlandaise un effort particulier. S'agissant des groupes pionniers, il a considéré qu'ils devaient être composés à la fois des actuels Etats membres et des nouveaux. Il a estimé, à cet égard, qu'il fallait prendre en compte la volonté des Etats d'avancer plus vite, plus loin. Ainsi, par exemple, si la Grande-Bretagne reste réservée en matière d'harmonisation fiscale, elle souhaite, comme l'a souligné la ministre de la défense devant la Délégation la semaine dernière, jouer un rôle moteur pour développer l'Europe de la défense.

M. Edouard Landrain a souhaité que la Délégation, qui dispose d'une plus grande liberté d'action que le Gouvernement, puisse recenser l'ensemble des points d'accord et les faire connaître très largement à l'opinion.

Le Président Pierre Lequiller a proposé de préparer un texte en ce sens et de le mettre à l'ordre du jour lors de la première réunion de la Délégation du mois de janvier.

M. Michel Delebarre a considéré que dans la mesure où ce document constituera un relevé objectif des points d'accord, il pourrait faire l'objet d'un consensus au sein de la Délégation.

M. Guy Lengagne a souhaité que le texte de la Délégation soit largement communiqué à la presse.

Le Président Pierre Lequiller a proposé que le texte constatant l'ensemble des points de convergence soit co-signé par l'ensemble des membres de la Délégation.

M. Gérard Voisin a considéré que, compte tenu de l'urgence, la Délégation devrait réagir très vite.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité que la Délégation communique plus régulièrement et plus largement sur ses travaux et ses prises de position. Il a fait remarquer toutefois que la presse avait largement rendu compte des principaux rapports de la Délégation au cours de l'année 2003.

M. Michel Herbillon s'est associé aux propos du Président sur le recensement des points d'accord, ainsi que sur le projet d'envoyer certains membres de la Délégation en mission de conciliation auprès des parlements de certains Etats membres et futurs adhérents.

M. Michel Delebarre a constaté que plus de 90 % des dispositions du projet de Constitution faisaient l'objet d'un accord entre les Etats. Il convient donc de le faire largement savoir.

Pour acter les points d'accord et rapprocher les positions sur les divergences qui subsistent, la Délégation a donc décidé d'envoyer certains de ses membres en mission auprès des Parlements nationaux des Etats membres et des nouveaux pays adhérents, dès le début de l'année prochaine.

Concernant l'organisation des travaux de la Délégation, M. Didier Quentin s'est déclaré favorable à un renforcement des travaux de la Délégation en matière de droit comparé, afin d'éclairer systématiquement les débats parlementaires sur les principaux textes à l'ordre du jour par des éléments d'information sur le droit applicable dans les Etats membres.

Le Président Pierre Lequiller, citant en exemple le rapport très approfondi de M. Robert Lecou sur le service minimum dans les services publics en Europe, a souhaité que la Délégation procède à une étude de droit comparé sur les textes les plus importants.

M. Michel Delebarre a suggéré qu'une liste des thèmes devant faire l'objet d'une étude comparée soit établie par la Délégation.

M. Edouard Landrain s'est interrogé sur la possibilité de prévoir, lors des séances de questions européennes, qu'une cinquième question soit posée au nom de la Délégation.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que le Président Jean-Louis Debré avait, dès sa prise de fonction, mis en place cette séance de questions européennes, dont l'ampleur s'est progressivement accrue. Il a précisé que les questions sont posées au nom des groupes politiques et qu'une question ne saurait donc être formulée au nom de la Délégation. Les membres de la Délégation peuvent cependant, lorsqu'ils posent une question, rappeler la position de la Délégation.

M. Guy Lengagne a, pour sa part, souligné l'inquiétude des pêcheurs dans le cadre de la négociation de nouveaux quotas de pêche. Il a rappelé que les pêcheurs français capturent seulement quinze pour cent des poissons qu'ils ramènent dans les eaux françaises, le reste provenant des eaux territoriales d'autres Etats membres. Sans Europe, il n'y aurait donc pas de pêche française. Les pêcheurs français sont pourtant hostiles aux institutions européennes. Il conviendrait de mettre fin à ce paradoxe, en faisant davantage connaître ce qu'a apporté l'« Europe bleue ». Une communication devrait être effectuée par la Délégation sur ce sujet.

Le Président Pierre Lequiller a émis le souhait que les membres de la Délégation contribuent activement, au sein de la commission permanente à laquelle ils appartiennent, à renforcer la connaissance de la législation communautaire en vigueur ou en préparation.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les neuf textes suivants :

¬ Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil concernant la signature et l'application provisoire des accords bilatéraux entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce de produits textiles (document E 2467).

¬ Culture

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 508/2000/CE du 14 février 2000 établissant le programme « Culture 2000 » (document E 2261).

¬ Pêche

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2792/1999 définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche (document E 2450).

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 975/1999 fixant les exigences pour la mise en œuvre des actions de coopération au développement qui contribuent à l'objectif général du développement et de la consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit ainsi qu'à celui du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du règlement (CE) n° 976/1999 (document E 2435) ;

- proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire des dispositions commerciales et des mesures d'accompagnement de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part (document E 2456).

¬ Politique sociale

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, et le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 (document E 2363).

¬ Questions budgétaires et fiscales

- proposition de règlement du Conseil portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (document E 2002) ;

- avant-projet de budget rectificatif n°8 au budget 2003. Etat général des recettes. Etat des recettes et des dépenses par section. Section III - Commission (document E 2224-8) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 90/435/CEE du Conseil concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (document E 2360) ;

Par ailleurs, la Délégation a pris acte de l'accord tacite de l'Assemblée nationale, en vertu d'une procédure mise en œuvre en 2000, dont ont fait l'objet les trois textes suivants :

- lettre de la Commission européenne du 24 octobre 2003 relative à une demande de dérogation fiscale présentée le 10 octobre 2003, par la Grèce, en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière de TVA d'une mesure dérogatoire à cette directive (document E 2414) ;

- lettre de la Commission européenne du 24 octobre 2003 relative à une demande de dérogation fiscale présentée le 22 octobre 2003, par le Royaume-Uni en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA d'une mesure dérogatoire à cette directive (document E 2415) ;

- lettre de la Commission européenne du 7 novembre 2003 relative à une demande de dérogation fiscale présentée le 27 octobre 2003, par l'Espagne en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA d'une mesure dérogatoire à cette directive (document E 2429).

Point B

¬ Justice et affaires intérieures

- autorisation de signer le projet d'accord entre l'Union européenne, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'application de certaines dispositions de la Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et du protocole de 2001 à celle-ci (document E 2421).

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a rappelé que la Délégation a décidé, lors de la réunion du 4 décembre dernier, de surseoir à statuer sur ce texte, afin d'obtenir des précisions sur la position du gouvernement français.

Un premier débat porte sur l'interprétation du premier alinéa de l'article 24 du traité sur l'Union européenne, qui permet au Conseil de conclure des accords avec des pays tiers, notamment en matière de coopération judiciaire pénale. La portée de cette disposition a été discutée, parce qu'elle ne précise pas si ces accords sont conclus au nom de l'Union, des Etats membres ou de l'Union et des Etats membres. Le gouvernement français considère que l'article 24 permet au Conseil de conclure au nom de l'Union européenne seule, et plusieurs accords ont déjà été conclus selon cette procédure.

Un second débat concerne l'interprétation du cinquième alinéa de l'article 24, qui permet à un Etat d'invoquer ses propres règles constitutionnelles. Le gouvernement français estime que cette « réserve constitutionnelle » ne permet pas de procéder à une ratification parlementaire. Lors de l'examen en séance publique, au Sénat, de la proposition de résolution de M. Pierre Fauchon, le gouvernement français a développé trois arguments à l'appui de cette position :

- la France ne pourrait pas ratifier un traité auquel elle n'est pas partie. Les autres Etats membres ont cependant été confrontés à la même difficulté, et l'ont surmonté en considérant qu'ils sont parties à l'accord par l'intermédiaire de l'Union européenne ;

- le Conseil d'Etat, dans un avis du 7 mai 2003, a interprété cet alinéa comme ne permettant à un Etat d'invoquer que ses règles constitutionnelles de fond. Cette interprétation est très isolée, nos partenaires ayant considéré que cette disposition leur permet de procéder à une ratification parlementaire ;

- une ratification parlementaire affaiblirait notre position à l'égard des Etats-Unis, qui contestent la capacité de l'Union à conclure un accord avec un pays tiers et souhaitent que les deux accords signés en juin dernier soient complétés par des instruments bilatéraux, soumis à ratification. Cette remise en cause de la capacité de l'Union est difficilement acceptable, et il convient de soutenir l'affirmation de l'Union sur la scène internationale. Une ratification parlementaire ne remettrait cependant aucunement en cause la personnalité juridique internationale de l'Union.

Cet accord, comme les précédents, intervient dans un domaine sensible pour les parlements nationaux, touchant à des compétences régaliennes et parlementaires. Cela justifie le recours à l'article 24, alinéa 5. M. Daniel Garrigue a également souligné le manque de cohérence entre la position adoptée par le gouvernement sur ce dossier et celle défendue sur le projet de décision-cadre relative au principe « non bis in idem », pour lequel il entend maintenir, par respect de la souveraineté nationale, toutes les exceptions au principe « non bis in idem ».

M. Jacques Floch a approuvé la position du rapporteur. L'ampleur des compétences transférées à l'Union européenne en matière pénale n'est pas encore suffisamment perçue, et certaines directions, au sein du ministère de la Justice, restent trop réticentes à l'égard de ces transferts. Les travaux de la Convention européenne ont, par ailleurs, souligné que les parlements nationaux continueront à exercer un rôle important dans ce domaine, ce qui justifie la position adoptée par la Délégation sur ce texte.

M. Daniel Garrigue a indiqué que la prudence du ministère de la justice et, en particulier, de la direction des affaires criminelles, sur le projet de décision-cadre relative au principe « non bis in idem » s'explique par le faible degré d'avancement de l'harmonisation des législations pénales des Etats membres.

A la suite de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

« Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 53 de la Constitution,

Vu le projet d'accord entre l'Union européenne, et la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'application de certaines dispositions de la Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et du protocole de 2001 à celle-ci (13502/03 / E 2421),

1. Approuve le contenu de cet accord, qui permettra de renforcer l'entraide judiciaire entre l'Union européenne et la Norvège et l'Islande.

2. Recommande au gouvernement français de procéder, à l'instar de nos partenaires européens, à une ratification parlementaire de cet accord. »

¬ Commerce extérieur

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 384/96 du Conseil relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non-membres de la Communauté européenne et le règlement (CE) no 2026/97 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non-membres de la Communauté européenne (document E 2343).

Les règlements actuels prévoient que, pour l'adoption de mesures antidumping ou compensatoires définitives proposées par la Commission et ayant fait l'objet d'une contestation de la part d'un Etat membre, le Conseil statue à la majorité simple et que les abstentions sont comptabilisées comme autant de voix opposées à ce texte.

La Commission propose d'améliorer ce système de décision en prévoyant que, lorsque la Commission constate après enquête qu'il y a dumping et qu'un Etat membre a objecté, dans le cadre de la procédure de consultation, à l'institution d'un droit antidumping, le projet est transmis au Conseil et est réputé être adopté si, dans un délai de un mois, celui-ci, statuant à la majorité simple, n'en pas décidé autrement. Cette procédure est déjà appliquée pour clore les enquêtes antidumping. La proposition de la Commission devrait permettre d'harmoniser l'ensemble des procédures. Toutefois, la position interministérielle de la France sur ce texte n'est pas encore connue, alors qu'il doit être adopté avant la fin de l'année.

La Délégation a approuvé la proposition de règlement.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (document E 2468).

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, chaque année, la Délégation est saisie d'une proposition de règlement visant à suspendre, pour une durée indéterminée, les droits autonomes du tarif douanier commun sur les produits nécessaires à l'approvisionnement et au fonctionnement des entreprises communautaires. La liste des produits bénéficiant de la suspension des droits est arrêtée par la Commission européenne, après consultation des autorités douanières des Etats membres, qui se font les relais des demandes formulées par les opérateurs économiques. La proposition prévoit l'addition de 54 produits nouveaux à la liste des produits faisant l'objet de la suspension des droits et le retrait de 24 produits de cette liste. L'impact sur la perte de ressources propres engendrée par la proposition est estimé à 26 millions d'euros pour l'année 2004.

M. Guy Lengagne a jugé ce texte très intéressant, dans une phase de raréfaction des ressources halieutiques nécessitant d'aller chercher partout des produits de la mer et d'avoir accès à des produits exemptés de droits de douane.

La Délégation a approuvé cette proposition de règlement.

¬ Institutions communautaires

La Délégation a pris acte de la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur le programme législatif et de travail de la Commission pour 2004 (document E 2422).

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que ce programme législatif qui est le dernier de la Commission Prodi, poursuivait trois priorités politiques : l'adhésion des dix nouveaux Etats membres ; la stabilité grâce à l'élaboration d'un cadre politique stable et global de coopération avec le nouveau voisinage de l'Europe élargie et à la création d'un espace de liberté, de justice et de sécurité ; la croissance durable par des actions destinées à promouvoir et à développer un modèle économique et social européen. Par ailleurs, la Commission rappelle les quatre objectifs fixés au début de son mandat, à savoir : la promotion de nouvelles formes de gouvernance européenne ; la stabilisation du continent et le renforcement de la voix de l'Europe dans le monde ; la définition d'un nouvel agenda économique et social ; l'amélioration de la qualité de vie.

La Délégation a pris acte du programme législatif et de travail de la Commission pour 2004.

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc concernant les mesures de libéralisation réciproques et le remplacement des protocoles agricoles nos 1 et 3 de l'accord d'association CE/Royaume du Maroc (document E 2453).

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'article 16 de l'accord d'association euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et le Royaume du Maroc, en vigueur depuis le 1er juin 2000, prévoit la libéralisation progressive de leurs échanges agricoles, en vue de créer graduellement une zone de libre-échange euro-méditerranéenne en 2012.

Dans le nouvel accord, le compromis a porté principalement sur deux produits-clés pour les deux parties : les tomates pour le Maroc qui constituent sa principale production agricole et le blé tendre pour l'Union européenne. Le nouvel accord autorise le Maroc à exporter jusqu'à 190 000 tonnes pour la campagne 2003-2004, et à augmenter graduellement ses exportations jusqu'à 220 000 tonnes pour la campagne 2006-2007 et les suivantes.

En contrepartie, l'Union européenne a obtenu que le Maroc ouvre son marché à ses exportations de blé tendre. Elles bénéficieront d'une réduction de droits égale à 38 % pour une quantité susceptible de varier de 1 060 000 tonnes, si la production marocaine est inférieure à 2 100 000 tonnes, à 400 000 tonnes, si la production marocaine dépasse 3 millions de tonnes.

La France est satisfaite de cet accord, notamment pour les exportations de blé tendre qui représentaient notre intérêt offensif majeur. Cet accord permet à 96 % des exportations agricoles du Maroc de bénéficier d'un accès préférentiel au marché de l'Union européenne et à 62 % des exportations de l'Union européenne de bénéficier d'un accès préférentiel au marché marocain.

Mme Arlette Franco a déclaré qu'elle s'abstenait sur un accord qui, s'ajoutant à la concurrence espagnole, commence à faire beaucoup pour les producteurs de tomates de sa région, et elle a souhaité que l'Union européenne se montre extrêmement vigilante sur le respect des conditions sanitaires communautaires pour les exportations de tomates marocaines sur le marché européen.

M. Jacques Floch a exprimé les mêmes inquiétudes pour les producteurs de tomates de la région nantaise, face à la concurrence d'une production marocaine dont les coûts de revient sont encore plus bas que ceux de la production espagnole, et il a espéré que les considérations sanitaires avaient été prises en compte dans l'accord. Il s'est cependant félicité d'un accord qui constitue une étape vers la création indispensable d'une zone de libre-échange euro-méditerranéenne.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que l'euro-méditerranée allait devenir la priorité de l'Union européenne sur laquelle un débat devra s'engager.

La Délégation a approuvé la proposition de décision.

¬ Questions budgétaires et fiscales

Un accord n'ayant pu être trouvé entre les Quinze sur la réforme des taux réduits de TVA proposée par la Commission, le Conseil Ecofin du 25 novembre dernier s'est prononcé - dans l'attente d'un éventuel accord sur ce texte - pour une prorogation, pour deux années supplémentaires, du régime expérimental de taux réduits de TVA sur certains services à forte intensité de main-d'œuvre, instauré par la directive 1999/85/CEE du 29 octobre 1999.

Le SGCI a informé le secrétariat de la Délégation que ce texte (COM (2003) 825 final) devrait être soumis très prochainement à l'Assemblée nationale, au titre de l'article 88-4 de le Constitution, afin d'être formellement adopté d'ici la fin de cette année en point A d'un prochain Conseil.

Etant donné que la Délégation s'est déjà exprimée sur ce sujet lors de sa réunion du 23 octobre dernier, sur le rapport de M. Daniel Garrigue, le Président Pierre Lequiller a proposé à la Délégationqui l'a suivi - de donner un accord de principe à la prorogation de ce régime expérimental de taux réduits, qui concerne notamment le secteur important des travaux de rénovation et de réparation des logements privés.