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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 89

Réunion du mardi 22 juin 2004 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette audition porterait sur les conclusions du Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, qualifié par tous d'historique, en raison de l'accord sur le traité constitutionnel réalisé en Conférence intergouvernementale (CIG), sans oublier les autres décisions prises hors CIG. En tant qu'ancien conventionnel, il a rappelé le scepticisme qui avait entouré les débuts de la Convention et le chemin parcouru à la fin de la CIG qui, comme l'a souligné le Président Valéry Giscard d'Estaing, a adopté 90 % du projet très ambitieux de la Convention.

Après s'être réjouie de cette première rencontre avec la Délégation depuis sa prise de fonctions, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, a souligné la portée historique de l'adoption du projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe, après deux jours d'intenses négociations au Conseil européen des 17 et 18 juin et grâce au travail remarquable de la présidence irlandaise.

Le succès du 18 juin inspire d'emblée trois commentaires : il permettra d'abord à l'Europe élargie d'échapper à la paralysie qui l'aurait menacée en l'absence de réforme ; il permettra ensuite à l'Europe de repartir sur de nouvelles bases et de réaffirmer sa cohésion après la brèche ouverte par le conflit en Irak entre les deux Europe et l'échec du Conseil européen de Bruxelles à adopter la Constitution en décembre 2003 ; le succès est enfin un signal fort adressé aux citoyens européens par les responsables politiques européens, tous conscients qu'ils n'avaient pas le droit à l'échec après le fort taux d'abstention des élections au Parlement européen du 13 juin.

Il faut toutefois regretter que les Vingt-cinq n'aient pas pu se mettre d'accord dès à présent sur la nomination du Président de la nouvelle Commission, mais l'intensité des discussions pour résoudre les dernières difficultés constitutionnelles les a conduits à se donner un peu de temps pour la nomination du Président. La présidence irlandaise va poursuivre ses consultations pour trouver une solution dans les prochains jours, mais il est trop tôt pour faire des pronostics. La France se déterminera en fonction de quatre critères rappelés par le Président de la République : le président de la Commission doit avoir une vision pour l'Europe, être un chef d'équipe, être capable de s'exprimer en français et être originaire d'un pays participant à l'ensemble des politiques communes.

Avant de présenter l'accord sur la Constitution, la ministre a évoqué les principaux sujets abordés lors de ce Conseil européen, en dehors de la CIG.

En ce qui concerne les sujets intérieurs, le Conseil a d'abord dressé le bilan du programme de Tampere en matière de justice et d'affaires intérieures, établi par le Conseil européen en octobre 1999. Il a salué les progrès substantiels réalisés depuis cinq ans, qu'il s'agisse d'asile, d'immigration, de coopération judiciaire et policière et invité la Commission à préparer un nouveau programme pluriannuel (Tampere II), qui pourrait être adopté sous présidence néerlandaise en novembre prochain. Quelques priorités ont été identifiées pour l'avenir : l'asile et l'immigration avec la mise en place de l'Agence européenne de coopération aux frontières extérieures, la lutte contre le terrorisme avec la création d'une capacité de renseignement, la lutte contre le trafic de drogue.

Le Conseil européen a ensuite salué les progrès réalisés en matière économique et sociale, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (mobilité des personnes, propriété intellectuelle en particulier logiciels, protection des consommateurs...) et a identifié certaines priorités, comme la mobilité des chercheurs ou les services d'intérêt général. Les propositions de la Commission Kok en vue de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne sont attendues pour le 1er novembre 2004 pour alimenter les travaux du Conseil européen du printemps 2005.

Concernant les relations extérieures, l'élargissement de l'Union a constitué le principal point de l'ordre du jour, avec les perspectives d'adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. Les négociations techniques avec la Bulgarie sont achevées, grâce au fort engagement de la présidence irlandaise. Elles continuent avec la Roumanie, qui accuse un certain retard. Toutefois, le Conseil a confirmé l'objectif d'accueillir simultanément les deux pays dans l'Union en janvier 2007, et de signer à cette fin un traité commun d'adhésion dès que possible en 2005. Les négociations d'adhésion devraient donc s'achever pour les deux pays à la fin de cette année. La France tient à ce qu'il n'y ait pas de dissociation entre les deux candidatures.

Sur la base des recommandations de la Commission (dans son avis du 20 avril 2004), le Conseil a reconnu à la Croatie le statut de candidat et décidé de l'ouverture des négociations au début de l'année 2005, sans prendre aucun engagement sur la date d'achèvement des négociations et d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne.

Le Conseil européen a confirmé ses engagements de Copenhague en décembre 2002 sur la Turquie. Il a constaté que des efforts par ailleurs importants avaient été réalisés, mais que d'autres étaient encore nécessaires, notamment en matière de droits de l'homme, de protection des minorités religieuses et culturelles et de réforme de la justice. La Commission rendra son rapport avant le 31 octobre. Celui-ci devra évaluer précisément la mise en œuvre effective des réformes. A la demande de la France, le langage du Conseil européen sur ce point a été renforcé : les progrès doivent être garantis et mis en œuvre de façon intégrale dans l'ensemble du pays. Seul le respect effectif des critères politiques de Copenhague permettra au Conseil européen d'envisager l'ouverture de négociations. Il disposera également du rapport d'impact de l'adhésion de la Turquie sur le fonctionnement de l'Union européenne que la Commission est en train d'établir.

Le succès que représente l'accord de la CIG sur la Constitution tient notamment à la démarche adoptée : la Convention, par son pluralisme et sa transparence a permis d'aboutir à un consensus ambitieux, autour de trois objectifs : rendre l'Europe plus démocratique, plus efficace, plus proche des citoyens.

La CIG a su ne pas rouvrir des débats sectoriels afin de maintenir pour l'essentiel le niveau d'ambition du texte de la Convention. Elle a su également maintenir la négociation à un niveau politique, ne pas dépolitiser la préparation des débats et ne pas adopter une démarche technocratique contraire à l'esprit de la Convention.

Certains reculs par rapport au texte de la Convention ont certes été enregistrés, notamment sur le champ de la majorité qualifiée, mais ils ont pu être limités dans leur nombre et leur portée.

En outre, la CIG a aussi permis des avancées par rapport au texte de la Convention, souvent à notre demande. Il est un domaine, en particulier, dans lequel les résultats de la CIG sont remarquables, celui de la politique de sécurité et de défense. La CIG a su surmonter les divisions apparues lors de la crise irakienne et préserver les hautes ambitions fixées par la Convention dans ce domaine.

La France a joué un rôle majeur dans l'élaboration de la Constitution. Elle a d'abord été l'un des principaux initiateurs du projet de Constitution européenne, avec, notamment, le discours du Président de la République au Bundestag en 2000.

Ensuite, à la Convention, sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing, les conventionnels français ont été nombreux et très actifs, quelle que soit leur appartenance. Les diverses contributions franco-allemandes sur les institutions, la défense, la justice et la gouvernance économique ont été déterminantes. S'y sont ajoutées de nombreuses autres contributions que la France a présentées avec d'autres partenaires : la Belgique sur les services publics, les Pays-Bas sur les pouvoirs de la Commission, ou encore sur le sport avec de nombreux parlementaires européens et nationaux. Nous avons notamment obtenu, à la Convention, l'ajout de l'espace et du sport parmi les domaines d'action de l'Union.

Le rôle de notre pays est resté essentiel à la CIG : la France a obtenu plusieurs améliorations, notamment : le renforcement de l'action de l'Union en matière de santé publique ; la prise en compte des objectifs sociaux dans l'ensemble des politiques de l'Union, qui se traduit par l'adoption d'un « clause sociale horizontale » ; le renforcement des outils du dialogue social au niveau européen avec l'inscription dans la Constitution du sommet tripartite européen pour la croissance ; le renforcement de la capacité de décision pour les Etats membres de la zone euro (surveillance multilatérale, définition des grandes orientations de politique économique, surveillance des déficits publics excessifs, adhésion d'un nouvel Etat à la zone euro) ; le rééquilibrage des pouvoirs respectifs du Parlement européen et du Conseil dans la procédure budgétaire annuelle (véritable codécision) ; enfin, la consolidation des avancées sur le volet défense, où des avancées majeures ont été enregistrées.

La ministre a ensuite présenté le bilan institutionnel du Conseil européen à la lumière des trois objectifs de réforme fixés par la déclaration de Laeken, à savoir la démocratie, l'efficacité et la transparence.

S'agissant de la démocratisation des institutions, le traité constitutionnel comporte plusieurs avancées importantes.

Premièrement, il incorpore la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution. La Grande-Bretagne ayant souhaité que le traité constitutionnel comporte une référence au sens qu'il faut donner aux dispositions de la Charte, cette demande a été satisfaite, après que les juristes aient vérifié qu'elle ne revenait pas à modifier la portée de ce texte.

Deuxièmement, la codécision a été étendue à un grand nombre de domaines, le Parlement européen devenant ainsi le colégislateur avec le Conseil pour 95 % des textes, contre 75 % actuellement. Ce renforcement du rôle du Parlement européen doit être souligné dans un contexte de démobilisation des citoyens aux dernières élections européennes.

Troisièmement, il a été décidé, au cours des négociations, d'augmenter le nombre minimal de députés européens par Etat membre de quatre à six, ainsi que le nombre total d'élus au Parlement européen, qui passera à 750. Le Conseil européen a également plafonné le nombre de sièges par Etat membre, ce qui aura pour effet de diminuer l'écart entre le nombre de représentants français et le nombre de représentants allemands, ce dernier baissant de 99 à 96.

Quatrièmement, la Constitution prévoit l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen, sur la base du résultat des élections européennes et sur proposition du Conseil européen, ainsi qu'une plus grande transparence des délibérations et des votes du Conseil.

Le contrôle du respect de la subsidiarité par les parlements nationaux constitue un autre élément de démocratisation de l'Union européenne. Le Conseil européen a consacré le mécanisme d'alerte précoce, ainsi que la saisine de la Cour de justice en cas de violation du principe de subsidiarité.

La Constitution institue par ailleurs un droit d'initiative citoyen, qui permettra à un million de citoyens européens de s'adresser à la Commission européenne afin qu'elle rédige une proposition.

Enfin, la Constitution pérennise la méthode de réforme expérimentée par la Convention.

S'agissant de l'efficacité des institutions, la Constitution entérine des réformes très importantes, qui améliorent nettement la situation issue du traité de Nice.

Sur le plan des institutions, le Conseil européen se voit doté d'une présidence stable, désignée à la majorité qualifiée, pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois.

S'agissant de la taille de la Commission, à partir de 2014, le nombre de commissaires européens sera égal aux deux tiers des Etats membres, c'est-à-dire que dans une Europe à 27, la Commission comprendra 18 membres. Ce résultat très positif répond au souci de la France de conserver une Commission resserrée, qui puisse incarner l'intérêt général communautaire. Cette avancée n'a pas été facile à obtenir, notamment en raison de l'opposition des petits pays.

M. Michel Herbillon a souhaité obtenir une précision au sujet du caractère définitif ou non de la décision concernant le nombre des commissaires et la date de mise en œuvre de ce plafonnement. Quelles seraient alors les conditions dans lesquelles ces règles pourraient être modifiées ?

La ministre a répondu que ce plafonnement sera effectif à compter de la fin du mandat de la Commission désignée en 2009, à moins que le Conseil européen, statuant à l'unanimité, n'en décide autrement.

Le Président Pierre Lequiller a estimé que ce résultat constitue une grande victoire et qu'à cet égard, la CIG est allée plus loin que la Convention.

La ministre a alors abordé la réforme du seuil de la majorité qualifiée. A partir de 2009, la majorité qualifiée dans l'Union à 27 Etats membres sera fixée à 55 % des Etats membres, soit 15 Etats, qui représentent au moins 65 % de la population.

La ministre a considéré que cette réforme présente un double avantage. En premier lieu, elle améliore la capacité décisionnelle du Conseil, qui passe de 2 % avec le système de Nice à 13 % avec la Constitution. Le système de la Constitution renforce en outre la capacité de notre pays à influencer la négociation. La ministre a ensuite précisé que les seuils initialement retenus ont été revus à la hausse pour répondre aux demandes de l'Espagne et de la Pologne, qui défendaient une majorité qualifiée fixée à deux tiers de la population. La Pologne a donc dû assouplir sa position mais elle a obtenu de faire jouer la clause de Ioannina, à savoir que si des membres du Conseil réunissant trois-quarts des Etats membres ou trois-quarts de la population nécessaires pour constituer une minorité de blocage indiquent leur opposition, le Conseil pourra alors poursuivre les discussions, pendant un délai raisonnable, en vue de répondre aux préoccupations de ces Etats membres.

M. Jacques Myard a demandé si le compromis de Luxembourg de 1966 est toujours en vigueur.

La ministre a précisé que le mécanisme souhaité par la délégation polonaise visait simplement à suspendre la discussion pendant un délai raisonnable afin d'approfondir la question en débat.

Toujours dans le domaine du renforcement de l'efficacité, il convient de signaler l'institution d'un ministre des affaires étrangères et la création d'un service diplomatique européen.

L'extension du vote à la majorité qualifiée, obtenue notamment dans les domaines de la coopération judiciaire, du droit d'asile, de la diversité culturelle, de la Banque centrale européenne et dans tous les nouveaux domaines de compétence introduits par le Traité, contribue également à la recherche de l'efficacité.

Il convient aussi de noter la création de la « clause passerelle » générale, permettant au Conseil européen d'adopter ultérieurement des dispositions à la majorité qualifiée ; ce mécanisme s'applique notamment aux perspectives financières. Cette question n'a pas pu faire l'objet dès à présent d'un accord sur l'abandon de l'unanimité, puisque les Pays-Bas rencontrent une difficulté spécifique sur leur solde de contribution net.

La ministre a également signalé les avancées enregistrées en matière de clause de défense mutuelle et de coopération structurée.

L'eurogroupe est reconnu officiellement. A la demande des Pays-Bas et de l'Allemagne, une déclaration sur le Pacte de stabilité et de croissance a été introduite pour affirmer la nécessité de dégager des excédents budgétaires en période de croissance. La délégation française a cependant réussi à faire ajouter une phrase précisant que cette déclaration ne préjuge pas du futur débat sur l'avenir de ce Pacte.

Le Traité comporte enfin des dispositions visant à rendre l'Europe plus proche des citoyens grâce, en particulier, à la fusion des trois piliers, la simplification des instruments et procédures, la clarification des compétences, et la consécration du dialogue avec la société civile.

La ministre a ensuite souligné quelques insuffisances du texte adopté. En premier lieu, les modalités de révision de la Constitution demeurent assez rigides du fait de l'opposition de plusieurs Etats membres, mais il importe de constater qu'il ne sera pas nécessaire de convoquer une nouvelle Conférence intergouvernementale pour modifier le Traité et qu'une « clause passerelle » générale est prévue pour passer de l'unanimité à la majorité qualifiée, avec, dans ce dernier cas, un droit de veto octroyé aux parlements nationaux. Une autre lacune importante de ce texte réside dans le maintien de l'unanimité dans le domaine social (à l'exception de la protection sociale de travailleurs migrants, seule avancée prévue par la Convention dans ce domaine) et dans celui de la fiscalité. Il importe néanmoins de rappeler, en matière de coopération judiciaire, l'existence d'une clause de « frein/accélérateur », autorisant une coopération renforcée automatique après l'écoulement d'un certain délai et empêchant donc un seul Etat de bloquer une évolution souhaitée par tous les autres Etats membres. De la même façon, dans le cadre de la coopération renforcée, une clause permettra le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée.

Globalement, l'équilibre du texte adopté par la Convention a été préservé et les concessions effectuées sont peu nombreuses et non définitives. On dispose ainsi d'un Traité permettant à l'Europe d'affirmer son rôle à l'échelle mondiale. Quel que soit le mode de ratification choisi par chaque Etat membre, il appartient à tous désormais de faire preuve de pédagogie et d'une grande capacité d'explication.

Après avoir remercié la ministre, le Président Pierre Lequiller a souligné qu'on pouvait être fier du rôle tenu par la France pour aboutir à cet accord, qui constitue un tournant dans la construction européenne et une véritable avancée historique. Nombre de décisions adoptées vont modifier profondément la vision que l'on peut avoir de l'Europe. Il en est ainsi de la création d'un Président stable du Conseil européen, de la réduction du nombre des commissaires, ou encore de l'affirmation du principe de subsidiarité. Sur ce dernier point, la Délégation a confié à MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin un rapport d'information, qui devrait être présenté à l'automne prochain, mais dont il serait opportun qu'il fasse l'objet d'une communication préalable le 13 juillet, puisque, à l'avenir, la Délégation se verra probablement confier la compétence du déclenchement du contrôle de subsidiarité concernant les projets de lois-cadres et de lois européennes.

Il a confirmé la nécessité d'un devoir de pédagogie d'autant plus nécessaire que la grande leçon des dernières élections européennes a certainement été l'importance de l'abstention. La commissaire Loyola de Palacio a récemment observé que l'abstention progressait au fur et à mesure de la construction européenne. Cela traduit un travail d'explication insuffisant, notamment de la part des députés, qui n'abordent pas suffisamment les questions européennes au cours des débats organisés dans leurs circonscriptions. S'agissant de l'Assemblée nationale, on peut rappeler que le Président Jean-Louis Debré est ouvert à toute initiative permettant de développer le débat européen.

Après avoir noté avec satisfaction la décision de rendre publics les travaux du Conseil des ministres lorsqu'il siège en formation législative, il a regretté les lacunes en matière de gouvernance économique, qui devront être atténuées par la mise en œuvre des clauses passerelles et de la coopération renforcée.

M. Michel Herbillon a d'abord estimé que l'importance historique et politique de l'accord des chefs d'Etat et de Gouvernement sur le projet de traité devait faire l'objet d'une large action de communication. La Constitution européenne doit en effet être popularisée dans des termes aisément accessibles, lesquels exigent un effort de sémantique, et de sortir du débat d'experts.

Une initiative en ce sens du ministre en charge des affaires européennes apparaît donc opportune à plusieurs titres. D'une part, il faut se féliciter d'avoir pu faire aboutir une telle démarche politique, fondée sur la volonté de vingt-cinq peuples de définir par consensus leurs règles communes et dont il n'y a guère d'autre exemple. D'autre part, il est essentiel de rappeler dès maintenant que tant l'Europe, avec le Président du Conseil européen, que sa politique étrangère et de sécurité commune, auront à terme chacune un visage. Enfin, il importe de tirer les conséquences de la consultation de juin et de ne pas évoquer les questions européennes à la seule approche des élections européennes, tous les cinq ans. Une telle action de communication est au demeurant indépendante du mode de ratification qui sera retenu pour le traité.

M. Michel Herbillon a ensuite indiqué qu'il lui paraissait opportun que la ratification du traité par les différents Etats membres intervienne simultanément et a souhaité savoir si la France pourrait prendre une initiative en ce sens. Il a également demandé des précisions sur les domaines dans lesquels des coopérations renforcées pouvaient être envisagées à bref délai, comme sur les pays concernés.

Concluant son intervention, il a souhaité connaître le sentiment de la ministre sur l'atmosphère, d'enthousiasme ou bien de résignation, dans laquelle était intervenu l'accord du 18 juin 2004.

Le Président Pierre Lequiller a également évoqué la nécessité d'engager rapidement une action de communication sur la Constitution européenne.

M. Jérôme Lambert a rappelé qu'il saluait le caractère historique de la négociation menée, mais se gardait d'en qualifier le résultat d'excellent. L'Europe politique semble au citoyen, et il faut le déplorer, très éloignée de ses préoccupations quotidiennes. Beaucoup se sentent plus concernés par les grandes rencontres sportives européennes comme l'Eurofoot. Il est vrai que l'on constate de graves carences dans l'appréhension, au niveau communautaire, des conditions de la concurrence entre les entreprises - et par conséquent des conditions d'emploi des travailleurs - tant sur le plan social que dans le domaine fiscal. L'espoir qu'aurait pu susciter le traité ne peut être que déçu, en l'absence d'évolution dans ces deux domaines. Les règles européennes apparaissent en définitive favorables au développement d'un marché dont la dimension humaine n'aura pas été véritablement prise en compte.

S'agissant des institutions, la désignation d'un président du Conseil européen pour une certaine durée comme celle d'un ministre des affaires étrangères sont d'un indéniable intérêt, mais ne semblent guère aller au-delà du symbole en l'absence de politique à défendre en commun, comme l'illustre, sur le plan extérieur, la question de l'Irak.

Concluant son intervention, M. Jérôme Lambert a demandé selon quelles modalités avait été réglée la question de la participation des Etats neutres aux initiatives en matière de sécurité extérieure.

M. Christian Philip a estimé qu'un accord tel que celui obtenu devait inévitablement être un compromis. Trouver rapidement la capacité d'expliquer cet accord aux citoyens, compte tenu de la complexité de certains mécanismes tel le vote au Conseil, sera un véritable défi. Il convient d'éviter que la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne n'interfère avec le débat sur le projet de Constitution. Sur ce point, il s'est déclaré réservé à l'égard des conclusions assez favorables du Conseil européen sur la Turquie.

M. Bernard Deflesselles a interrogé la ministre sur les débats au Conseil européen concernant l'Agence européenne de défense.

M. Jacques Myard a estimé que le texte obtenu allait à l'encontre du principe de réalisme et de la volonté des peuples. Les normes européennes sont susceptibles de bloquer les Etats dans des domaines décisifs comme l'emploi. L'Europe puissance est un mythe. Concernant la Turquie, il a rappelé qu'une majorité d'Etats de l'Union européenne est favorable à son adhésion.

M. Jean-Pierre Abelin s'est félicité de l'accord et des avancées concernant l'extension de la codécision, la composition de la Commission, les coopérations renforcées. Il a exprimé des regrets à propos de la procédure de révision de la Constitution, de la complexité des procédures de décision et du maintien de l'unanimité en matière fiscale et sociale. Il a estimé que le référendum serait le meilleur moyen d'expliquer l'accord aux citoyens, à l'image du grand débat ayant eu lieu sur le traité de Maastricht. Il existe cependant un risque d'interférence avec le débat sur l'adhésion de la Turquie. Après s'être déclaré inquiet du maintien des critères politiques de Copenhague, M. Jean-Pierre Abelin a interrogé Mme Claudie Haigneré sur la position qu'aura la France concernant l'ouverture des négociations.

A ces questions, la ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- la ratification du traité constitutionnel doit intervenir à des dates rapprochées dans les différents Etats membres pour que le débat public prenne une vraie dimension européenne. En pratique, il sera difficile d'arriver à une date unique dans les vingt-cinq États membres, mais le processus devrait pouvoir se concentrer sur un espace de temps restreint, peut-être limité à une semaine. Il se déroulerait cependant avant le référendum britannique qui est annoncé pour 2006, date qui semble trop éloignée. Le traité adopté le 18 juin 2004 devrait en effet être signé à Rome en octobre ou novembre de cette année. En France, le Conseil constitutionnel pourrait être saisi et rendre son avis à la fin de cette année ou au début de l'année suivante. Cela devrait ouvrir la voie à une révision constitutionnelle qui ne rendrait pas la ratification possible avant le printemps ou l'été 2005. Le traité pourrait ainsi entrer en vigueur en 2006, à condition que les autres Etats membres aient suivi parallèlement le même chemin ;

- la diffusion d'informations sur l'Europe reste plus nécessaire que jamais. Les autorités néerlandaises ont inscrit au programme de leur présidence l'amélioration des efforts de communication sur les institutions communautaires. En France, les pouvoirs publics ont décidé d'engager, sous la direction du ministère des affaires étrangères, un programme d'action et d'information dénommé « dialogue permanent sur l'Europe ». Il devrait s'appuyer dans chaque région sur des modules de base qui favoriseraient une présentation des questions européennes fondée sur l'écoute et la pédagogie.

Sur ce point, le Président Pierre Lequiller a observé que les chaînes de télévision s'intéressaient trop peu au débat européen, principalement pour des questions d'audience. Alors qu'elle est le média le plus influent dans l'opinion, la télévision n'a que très rarement donné à voir au cours de la récente campagne électorale des tableaux comparatifs entre les programmes européens des différents partis. Il paraît indispensable que le gouvernement engage sur les chaînes nationales une campagne d'information de grande envergure.

La ministre a ensuite repris point par point les récents acquis européens. Déclarant partager l'insatisfaction des parlementaires sur les questions de fiscalité et d'Europe sociale, elle a cependant souligné qu'une coopération renforcée pourrait peut-être être mise en œuvre pour harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés à travers l'Europe. Dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune, l'Union européenne pourrait faire la preuve de son unité en prenant des positions communes sur l'Irak. Dans le secteur de la défense, certaines coopérations spécifiques commencent à prendre forme. Dans le domaine social aussi, les coopérations renforcées apparaissent comme un instrument privilégié.

Sur ce point, M. Jérôme Lambert a observé que s'entendre entre Etats déjà acquis à la cause sociale ne présentait qu'une utilité limitée, tandis que M. Jacques Myard a préconisé la sortie de l'union monétaire pour rétablir le libre jeu des différences de change.

La ministre a fait alors une série d'observations sur les avancées réalisées, dans le domaine social, par le texte adopté le 18 juin :

- l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le traité représente un acquis pour les salariés ;

- les partenaires sociaux sont désormais reconnus par le traité constitutionnel ;

- les sommets tripartites offriront l'occasion de faire avancer significativement certains sujets ;

- même si la majorité qualifiée n'a pu être étendue à tous les sujets sociaux, elle s'applique en matière de prestations pour les travailleurs migrants ; des accords apparaissent possibles dès aujourd'hui sur la protection des travailleurs lors de la résiliation de leur contrat d'embauche ou encore sur les conditions d'emploi des travailleurs en provenance des pays tiers. Les modalités d'information et de consultation des travailleurs relèvent elles aussi de la majorité qualifiée ;

- la clause passerelle évoquée précédemment sera applicable dans le domaine social ;

- la lutte contre les discriminations fait l'objet d'un titre spécifique dans la troisième partie du traité ;

- la prévention des risques liés à l'abus d'alcool et de tabac est désormais formellement mentionnée dans le traité, ce qui n'était pas le cas dans le texte initial ;

- les services d'intérêt général sont dotés d'une base juridique spéciale.

D'une manière générale, le texte est issu d'un compromis entre les tendances fédéralistes et les préoccupations libérales. Des résistances fortes se sont fait sentir, mais les formules obtenues, pour insatisfaisantes qu'elles soient, ont l'avantage de comporter une certaine souplesse. Les cicatrices du débat irakien sont encore visibles, comme l'a montré le débat autour de la nomination du futur président de la Commission. Aucune résignation n'était cependant perceptible dans les discussions, mais au contraire chez tous les participants on notait une volonté d'aboutir. En définitive, il faut mesurer le chemin parcouru depuis dix-huit mois : les neuf dixièmes du texte de la Convention sont conservés ; le bilan à tirer de la négociation est incontestablement positif.

Quant à la Turquie, il ne lui saurait lui être appliqué de traitement de faveur lorsqu'il s'agira de mesurer le respect des critères d'adhésion. Un rapport a d'autre part été commandé pour mesurer l'impact de son entrée éventuelle sur le fonctionnement des institutions communautaires. Il reste à approfondir le dialogue avec elle, tandis que de nombreux efforts restent à fournir ; le débat relatif à l'adhésion de la Turquie est secondaire par rapport au débat sur la ratification de la Constitution européenne. Il conviendra de ne pas le détourner et de le recentrer sur ses véritables enjeux. Le Conseil européen de Bruxelles a souligné le rôle positif du gouvernement turc en vue de parvenir à un règlement global de la question chypriote.

La ministre a ensuite apporté les précisions suivantes :

- dans le cadre du traité de Nice, seulement 2 % des diverses combinaisons possibles lors d'un vote à la majorité qualifiée étaient gagnantes, alors que le traité constitutionnel en permet 13 % ;

- il convient de ne pas oublier l'existence de la « clause Ioannina », bien qu'elle soit complexe et difficile à expliquer aux populations ;

- l'Agence européenne de défense, dont le principe avait été décidé au Conseil européen de Thessalonique, doit être opérationnelle bien avant l'entrée en vigueur du traité constitutionnel. L'accord sur cette agence a été acté le 14 juin dernier par les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne. Le but de l'Agence est de développer les capacités de défense de l'Union européenne, notamment par l'harmonisation et la création d'un marché unique, la promotion de la coopération entre les industries de défense, et la stimulation de la recherche. L'Agence sera sous l'autorité de Conseil et en particulier du secrétaire général/Haut représentant pour la PESC. Tous les pays membres de l'Union européenne ont vocation à en faire partie, même si certains, comme le Danemark, le refusent pour l'instant. L'existence de coopérations renforcées internes à l'Agence est envisagée. Les décisions de l'Agence seront prises à la majorité qualifiée. Le Conseil des ministres du 14 juin a permis de parvenir à un accord satisfaisant entre les différentes conceptions du rôle de l'Agence, la France étant au départ plus ambitieuse que le Royaume-Uni ;

- la faible mobilisation des électeurs lors des élections européennes a incontestablement révélé un déficit d'explication et de pédagogie. Il conviendra en particulier de montrer que l'entrée en vigueur du traité constitutionnel permettra à l'Europe d'avancer significativement dans des domaines qui touchent de très près les citoyens, comme par exemple la lutte contre le terrorisme ;

- le projet de traité constitutionnel a permis de réaliser des progrès dans la capacité décisionnelle de l'Eurogroupe et de représentation unifiée à l'extérieur. L'Eurogroupe pourra élire son président permanent pour 2 ans et demi. L'approbation des seuls Etats membres de la zone euro sera désormais nécessaire pour l'admission d'un nouveau membre ;

- en matière de gouvernance économique, la Commission n'est autorisée, dans la rédaction définitive du traité constitutionnel, qu'à présenter des recommandations, facilement amendables par le Conseil, et non plus des propositions, modifiables uniquement à l'unanimité, pour le constat d'un déficit excessif.

Le Président Pierre Lequiller a remercié la ministre pour son dialogue avec la Délégation. Il a de nouveau insisté sur la nécessité, pour les chaînes de télévision, de consacrer un temps d'antenne plus important aux questions européennes. Il a souhaité des débats plus nombreux sur l'Europe dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Il a constaté que les sondages prouvent que les Français ne sont pas eurosceptiques mais souvent indifférents parce que mal informés. 66 % des Français se déclarent favorables au projet de traité constitutionnel alors qu'ils en ignorent sans doute le contenu.

La ministre, rappelant l'initiative européenne d'un « dialogue permanent » avec les citoyens sur l'Europe, a évoqué la nécessité d'un budget de communication significatif, à l'échelle française et européenne. Elle a salué le rôle positif de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et souhaité la présence de son président, lors de la réunion de tous les députés européens français, le 24 juin, à l'initiative du Gouvernement.

II. Audition de M. Gijs de Vries, coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme

Le Président Pierre Lequiller s'est réjoui de la présence de M. Gijs de Vries, ancien conventionnel, devant la Délégation et a souligné son rôle essentiel en matière de coordination de la lutte contre le terrorisme.

M. Gijs de Vries a précisé que le président de la Commission des affaires étrangères l'a invité à présenter l'action de l'Union européenne dans la lutte contre le terrorisme, et qu'il a rappelé, dans ce cadre, les propositions législatives adoptées ou en cours d'adoption par l'Union, mais aussi les limites que son action dans ce domaine doit respecter.

La lutte contre le terrorisme doit être menée avant tout par les gouvernements nationaux, qui seuls disposent des forces de police et des capacités de renseignement nécessaires. L'Europe n'a qu'un rôle de soutien aux Etats membres dans ce domaine. Ce soutien vise à faciliter, par des normes législatives, la coopération internationale entre les services spécialisés des Etats membres, à accroître l'efficacité d'Europol et d'Eurojust, notamment, ainsi qu'à faciliter le travail des services de renseignement. Le travail opérationnel doit rester avant tout bilatéral, et s'opérer directement entre les services nationaux compétents. Lorsque la Direction de la surveillance du territoire française et son homologue espagnole souhaitent coopérer sur un problème franco-espagnol, par exemple, il n'y a aucun intérêt à les obliger à passer par Bruxelles. La plus-value de l'Union concerne l'analyse de la menace. Une capacité d'analyse de la menace extérieure existait déjà au niveau européen, à Bruxelles, mais elle ne visait pas l'analyse de la menace intérieure. Cette lacune a été comblée par le Conseil européen, avec la mise en place d'une capacité de renseignement au sein du centre de situation (SITCEN). Cette création peut paraître bureaucratique, mais elle constitue un pas en avant important pour l'Europe : il y a encore peu de temps cette question était un tabou.

L'Union doit aussi adopter une approche plus concrète dans ses relations avec les pays tiers (Etats du Maghreb, Etats africains, etc.). Elle doit aider concrètement ces Etats à renforcer leurs capacités en matière de contrôle des frontières ou de lutte contre le financement du terrorisme, par exemple. Ce sont sur ces questions que l'Europe peut apporter une plus-value dans la lutte contre le terrorisme.

L'Union doit mettre en pratique la feuille de route adoptée par le Conseil européen, qui comporte quatre priorités : la lutte contre le financement du terrorisme, la protection des infrastructures critiques, la protection civile et la politique étrangère. M. de Vries a indiqué qu'il déposerait, avec M. Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, des propositions conjointes sur ce sujet d'ici décembre 2004. Ce programme détaillé permettra également aux parlements nationaux de mieux suivre et contrôler l'action des gouvernements nationaux.

M. Gijs de Vries a rappelé les liens tissés avec les représentants de l'Assemblée nationale lors de la Convention, et s'est félicité de l'accord intervenu sur la Constitution européenne, qui permettra notamment à l'Union de renforcer l'efficacité de son action contre le terrorisme.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité savoir si M. de Vries est satisfait des résultats de la Conférence intergouvernementale en matière de coopération pénale, et si le secret lui semble aujourd'hui mieux partagé qu'avant sa prise de fonction.

M. Jérôme Lambert a estimé que la tâche de M. de Vries est difficile et complexe, et qu'il doit bénéficier du soutien de tous dans son action. Il a précisé qu'il suivait particulièrement ces questions en tant que vice-président des groupes d'études sur la sécurité intérieure et sur la sécurité et la défense civiles, et a souhaité que ce dernier groupe d'études, présidé par M. Alain Marsaud, puisse le recevoir. Il a souligné la difficulté à fédérer les services de renseignement, ces services étant évidemment réticents à partager leurs informations. Ces réserves sont d'ailleurs compréhensibles lorsqu'il s'agit de partager des informations concernant le terrorisme basque, par exemple, avec des Etats qui ne sont pas concernés par cette forme de terrorisme. L'intérêt de ce partage n'est en effet pas évident dans ce cas.

M. Bernard Deflesselles s'est interrogé sur les liens entre l'action de l'Union contre le terrorisme et la politique européenne de sécurité et de défense, qui progresse. Il a également souligné la difficulté consistant à articuler le traitement de problèmes spécifiques à deux ou trois Etats avec la définition d'une stratégie globale.

M. Christian Philip a salué la volonté exprimée par M. de Vries d'être efficace, sans se substituer à l'action des Etats membres. L'exemple cité, relatif à la coopération franco-espagnole au sujet de l'ETA, est très juste. Il s'est interrogé sur la définition des limites de l'action de l'Union, et sur les critères qui devraient être fixés à cet égard, pour mettre en œuvre le principe de subsidiarité.

En réponse à ces questions, M. Gijs de Vries a apporté les éléments de réponse suivants :

- la Constitution prévoit que l'Union passe à la majorité qualifiée en matière pénale, avec un frein (le droit d'appel au Conseil européen) et un accélérateur (l'assouplissement des coopérations renforcées en cas de rejet d'une proposition). C'est un système complexe, mais qui a l'avantage de rendre plus difficile à un Etat de s'opposer à une proposition qui serait fondée. Les progrès dépendront dès lors de la qualité des propositions déposées par la Commission ou par un groupe d'Etats membres et de la volonté politique des Etats. Le texte constitutionnel représente une avancée par rapport à la situation actuelle ;

- la lutte contre le terrorisme présente des liens certains avec la politique européenne de sécurité et de défense. Les militaires ont un rôle important en matière de protection civile, et la réaction de l'Union face à un attentat biologique ou nucléaire, par exemple, impliquerait les forces armées. Le Conseil européen des 17 et 18 juin a également abordé, dans ses conclusions, la question de la protection des citoyens européens dans des pays tiers en cas d'attaque terroriste. La réflexion à ce sujet n'en est qu'à ses débuts, mais il existe des synergies évidentes entre la lutte contre le terrorisme et la défense européenne ;

- en matière de renseignement, l'Europe progresse très vite. Il y a quelques années, il aurait été inconcevable qu'une enceinte où les services de renseignement des Etats membres travaillent ensemble soit créée au sein du Conseil. Les informations opérationnelles n'ont cependant pas à être transmises à Bruxelles. La valeur ajoutée de l'Union consiste en l'analyse de la menace, pour laquelle une centralisation des informations est utile ;

- l'Union européenne ne doit ni remplacer les Etats membres, ni commander leurs services. Elle doit simplement aider les Etats membres à mieux travailler ensemble, en coordonnant leur action, comme en matière de sécurité du transport maritime ou aérien. L'Europe peut agir par le biais de normes contraignantes, mais aussi en favorisant l'échange de bonnes pratiques. Ainsi, une étude des structures anti-terroristes des Etats membres est en cours, pour comparer les expériences de la France (qui dispose de l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste, l'UCLAT), de l'Allemagne, de l'Espagne, etc. Des enseignements pourront sûrement en être tirés ;

- M. de Vries a indiqué ne disposer d'aucun pouvoir de contrainte si un Etat membre refuse, par exemple, de transposer la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen dans son droit interne. Juridiquement, c'est la Commission qui doit veiller à la bonne application du droit communautaire, en tant que gardienne des traités. Mais il faut d'abord adopter une démarche politique sur ce sujet, et il a indiqué envisager, dans ce cas de figure, de se rendre dans le pays concerné, pour engager un dialogue au niveau politique ;

- la lutte contre le terrorisme doit être expliquée, pour que l'opinion publique comprenne les défis mais aussi les limites de l'action menée. Dans une société ouverte, il ne peut y avoir 100 % de sécurité : il y aura toujours des risques.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les six textes suivants :

Point A

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- projet de budget 2005 pour Europol (document E 2607) ;

- projet de budget supplémentaire et rectificatif 2004 (Europol) (document E 2608).

Point B

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil autorisant des transferts entre les limites quantitatives de produits textiles et d'habillement originaires de la République socialiste du Viêt-Nam (document E 2619) ;

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage (document E 2613) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 131/2004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Soudan (document E 2614) ;

¬ Questions budgétaires

- avant-projet de budget rectificatif n° 8 au budget général 2004 - Etat général des recettes (document E 2511-8).

Cet avant-projet de budget rectificatif constate plus de cinq milliards d'euros de correction budgétaire au profit du Royaume-Uni, qui verra d'autant sa contribution diminuer.