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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 96

Réunion du mercredi 13 octobre 2004 à 16 heures

Présidence de M. René André, Vice-Président,
puis de M. Christian Philip, Vice-Président,

I. Communication de M. Thierry Mariani sur la proposition de directive relative à l'admission des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique (document E 2565)

M. Thierry Mariani, rapporteur, a indiqué que cette proposition a pour objet de créer une procédure spécifique, accélérée et simplifiée, pour l'entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique. Elle s'inscrit dans le cadre de la création d'un Espace européen de la recherche et de la stratégie de Lisbonne, qui vise à faire de l'Europe, d'ici 2010, l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Le nombre de chercheurs nécessaire pour atteindre l'objectif de 3 % du PIB à investir dans la recherche est en effet estimé à 700 000 personnes. Il ne pourra être atteint que par un ensemble de mesures convergentes (amélioration des perspectives de carrière, renforcement de l'attractivité des filières scientifiques, etc.), au nombre desquelles figure une plus grande ouverture aux chercheurs ressortissants de pays tiers.

Ce texte, qui s'inspire du titre de séjour scientifique existant en France, faciliterait l'admission des chercheurs ressortissants de pays tiers tout en préservant les prérogatives des Etats membres en matière d'admission. La procédure d'admission spécifique proposée s'adresse aux chercheurs étrangers venant effectuer un projet de recherche dans l'un des Etats membres pour une période de plus de trois mois. Elle repose sur un système d'agrément préalable des organismes de recherche qui souhaiteraient accueillir un chercheur étranger dans le cadre d'une convention d'accueil. Le chercheur est défini par référence à la possession d'un diplôme universitaire ouvrant l'accès aux études doctorales et à l'acceptation d'un projet de recherche par un organisme de recherche agréé. La notion d'organisme de recherche est également entendue largement. Elle vise aussi bien les organismes publics que privés. L'essentiel est que l'organisme concerné ait été agréé par l'Etat membre sur le territoire duquel il se situe. L'agrément a pour contrepartie une importante responsabilité financière de l'organisme de recherche. Il s'engage en effet, à l'égard de l'Etat membre d'accueil, à prendre en charge les frais de séjour, de santé et de retour des chercheurs qu'il accueillera, dans le cas où ils continueraient par exemple à séjourner illégalement après l'expiration de son titre de séjour. Sa responsabilité s'étend à l'année qui suit la date d'expiration de la convention d'accueil.

La Présidence néerlandaise envisage un accord politique sur ce texte lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 19 novembre prochain. Quelques difficultés doivent cependant encore être surmontées, en particulier ce qui concerne la responsabilité financière des organismes de recherche. La garantie financière apportée par les organismes de recherche est considérée par de nombreux Etats membres, dont la France, comme trop lourde. L'extension de cette responsabilité au-delà de l'exécution de la convention d'accueil, en particulier, va bien au-delà de la responsabilité imposée à d'autres catégories d'employeurs (par exemple de travailleurs saisonniers). De plus, aucune procédure de vérification que la responsabilité de l'organisme est bien en cause n'est prévue.

Le délai durant lequel l'organisme de recherche reste responsable a déjà été réduit à six mois. La délégation française souhaiterait aller plus loin, en substituant à cette extension de responsabilité un système plus souple. Celui-ci obligerait les organismes de recherche à apporter la preuve, à l'issue de la convention, que le chercheur est bien reparti ou qu'il a obtenu un autre titre de séjour.

M. Jérôme Lambert a souhaité savoir si l'organisme de recherche reste responsable si le chercheur, à l'expiration de sa convention d'accueil, se rend et séjourne illégalement dans un autre Etat membre.

M. Thierry Mariani a indiqué que la proposition prévoit, dans sa version actuelle, que l'organisme de recherche resterait effectivement responsable dans cette hypothèse.

M. Christian Philip a déploré les difficultés rencontrées pour attirer de jeunes scientifiques en France et a souligné le caractère positif de ce texte, qui contribuera à renforcer l'attractivité de notre pays. Il est en effet indispensable d'assouplir les procédures d'admission des chercheurs, sous peine de les voir se diriger vers d'autres pays, tout en préservant la possibilité de contrôler des abus éventuels.

M. Guy Lengagne a précisé qu'il faudrait traiter ces difficultés en amont, lors des études supérieures. Il a souligné les difficultés de recrutement rencontrées dans les filières scientifiques, et la forte proportion d'étudiants qui se rendent aux Etats-Unis pour leurs études.

M. Jacques Myard a estimé que cette question doit relever de la compétence des Etats membres, et non de l'Union européenne.

A l'issue de ce débat, la Délégation a approuvé ce texte, qui simplifiera l'admission des chercheurs ressortissants de pays tiers et contribuera ainsi à renforcer la compétitivité de l'économie européenne, et a apporté son soutien à la position du gouvernement français.

II. Communication de M. Christian Philip sur la proposition de directive relative au permis de conduire (document E 2472)

M. Christian Philip, rapporteur, a souligné l'importance de cette directive car elle touche, à ses yeux, à la vie quotidienne des citoyens et constitue un symbole supplémentaire de la construction européenne à l'exemple du passeport européen. Evoquant les conditions de sa discussion, il a indiqué que le Conseil « Transports » avait adopté des orientations générales le 7 octobre 2004 et que le Parlement européen serait appelé à se prononcer au début de l'année 2005, de telle sorte que ce texte pourrait être définitivement adopté à la fin de l'année 2005.

Retraçant la genèse de la proposition de directive, il a rappelé qu'elle modifiait la directive 91/439 qui harmonise les différentes catégories de permis, introduit des âges minimaux, impose des examens théorique et pratique et consacre le principe de reconnaissance mutuelle. Son application n'a toutefois pas contribué à une réelle harmonisation car, dans la pratique, les Etats membres ont institué des périodes de validité et des examens médicaux selon des modalités variables.

Pour ce qui est de la proposition de directive, le rapporteur a déclaré qu'elle poursuivait trois objectifs : la lutte contre la fraude, qui a justifié l'instauration d'un permis plastifié du format d'une carte de crédit et dont la validité sera limitée à dix ans ; la garantie de la libre circulation des citoyens ; le renforcement de la sécurité routière, à travers l'institution d'un permis obligatoire pour les cyclomoteurs, l'accès progressif aux motos les plus puissantes, l'instauration d'une formation minimale des inspecteurs du permis de conduire et par l'interdiction faite aux détenteurs de permis de catégorie B d'utiliser une remorque dont la masse maximale autorisée excède 750 kilos.

Abordant ensuite les discussions auxquelles ont donné lieu la proposition de directive en France et au sein du Conseil, le rapporteur a estimé qu'elle reposait sur une compétence incontestable de l'Union européenne, fondée sur la politique commune des transports et sa mise en œuvre, conformément aux articles 70 et 71 du Traité. Tout en soulignant que l'institution d'un permis unique relevait de la compétence communautaire, il a néanmoins considéré qu'il incombait aux Etats d'en fixer la durée de validité et contesté que, sur ce point, la Commission ait fondé sa compétence sur la nécessité de lutter contre la fraude. Pour ce qui est de la France, il a fait remarquer qu'au Sénat, la Délégation pour l'Union européenne avait jugé, dans une proposition de résolution, que le texte de la Commission était contraire au principe de subsidiarité et invité le Gouvernement à s'opposer à son adoption. En revanche, la Commission des lois a considéré que seules les dispositions concernant l'harmonisation de la durée de validité des permis, ou encore les caravanes, ne respectaient pas les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

S'agissant du ministère des affaires étrangères, M. Christian Philip a indiqué qu'il estimait correcte la base juridique de la proposition de directive et qu'elle était conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Evoquant une disposition proposée par la Présidence néerlandaise et imposant le renouvellement du stock de permis de conduire existant, le rapporteur a déclaré que le coût d'une telle mesure s'élèverait à 60 millions d'euros en France, sans compter les dépenses de personnel, ce qui avait justifié l'opposition des autorités françaises. Le Conseil « Transports » du 7 octobre 2004 a supprimé la disposition concernée.

La disposition limitant à dix ans la validité du permis a été maintenue par le Conseil « Transports ». Quant à la mesure assujettissant la conduite des voiturettes à la possession d'un permis, le Conseil a adopté un compromis qui devrait pouvoir donner satisfaction à la France, puisque les droits acquis antérieurs à l'application de la directive seront préservés, ce qui permettrait à la population actuelle de conduire sans permis.

En conclusion, le rapporteur s'est prononcé en faveur de l'adoption de la proposition de directive, qui, selon lui, renforcera la sécurité routière même si, dans le même temps, il a fait observer que les conditions de son application seront très lentes.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

Mme Anne-Marie Comparini a souhaité savoir quelle portée s'attachait à la demande d'un permis plastifié. Evoquant ensuite les éventuelles réactions de l'opinion publique face à ce texte, elle s'est demandée si l'on ne devrait pas procéder à un effort pédagogique en ce qui concerne la disposition limitant à dix ans la validité des permis. Il serait préférable de la justifier en invoquant la formation tout au long de la vie, afin d'éviter que cette disposition ne soit interprétée comme une obligation pour les titulaires de permis de conduire de le repasser tous les dix ans.

M. Jacques Myard a estimé que la proposition de directive violait les articles 70 et 71 du Traité et que la Délégation pour l'Union européenne du Sénat avait eu raison de considérer qu'elle était dépourvue de base légale. Déclarant être convaincu que l'Union européenne faisait fausse route, il a considéré que si la nécessité d'un document unifié pouvait se justifier dans le domaine du transport international, rien n'imposait la solution retenue par la Commission. Il a rappelé qu'une reconnaissance internationale des permis de conduire avait toujours existé, que l'Europe peut parfaitement appliquer. Dans une affaire concernant les libertés publiques, il a estimé qu'il incombait aux parlements nationaux d'intervenir en vue de prévenir ce qu'il a qualifié de « carcan administratif ». Il s'est étonné que l'Union européenne s'engage dans une telle voie, alors qu'aux Etats-Unis, le régime du permis de conduire relève de la compétence des Etats. En conclusion, il a déclaré qu'il voterait contre un texte qui viole le principe de subsidiarité, et que si l'on continuait d'invoquer les articles 70 et 71 du Traité, l'Union européenne pourrait même légiférer sur le ticket de métro parisien.

M. Pierre Forgues a déclaré comprendre parfaitement les nécessités d'une harmonisation du permis de conduire, compte tenu du fait que la majorité des Européens circule en automobile. Il s'est toutefois enquis des raisons qui ont conduit la Commission à limiter à dix ans la durée de validité des permis de conduire, estimant qu'une telle disposition imposera aux conducteurs de repasser un examen tous les dix ans. Constatant que beaucoup de conducteurs arrêtés par la police en France roulaient sans permis, il a considéré que ces infractions devraient inciter les pouvoirs publics à se pencher sur les contraintes pécuniaires auxquelles se heurte l'examen du permis de conduire, afin d'encourager les citoyens à le passer.

En conclusion, il a déclaré s'opposer à la limitation de la durée de la validité du permis, contraire, selon lui, au principe de subsidiarité, estimant qu'une telle compétence relevait des seuls médecins.

M. Jean-Michel Bertrand, parlementaire en mission sur les conditions d'une aide au permis de conduire pour les jeunes, a fait remarquer que l'institution d'un permis de conduire plastifié était justifiée par la nécessité de lutter contre l'utilisation frauduleuse du permis de conduire, tout en convenant qu'il existait une fraude plus importante constituée par la conduite sans permis. Il a évoqué, à cet égard, l'exemple de la Suède, qui travaille à la mise en œuvre d'un système de lecteur intégré dans un véhicule, devant permettre de lire le document, de façon analogue à l'alcootest incorporé au véhicule, dont l'installation est obligatoire en Suède pour les poids lourds, les transports en commun et les véhicules particuliers.

En raison de l'intérêt majeur de tels dispositifs, il s'est demandé si la Délégation ne pourrait pas formuler des conclusions sur l'opportunité de les adapter en France.

Evoquant les propos du rapporteur sur les longs délais d'application de la directive, il a néanmoins souligné l'urgence à faire face à une situation marquée par 50 000 morts par an sur les routes de l'Union européenne, qu'il a assimilées à un génocide. Dans ce contexte, il a estimé que les mesures préconisées par la Commission étaient tout à fait justifiées, en particulier la limitation à dix ans de la validité des permis de conduire, laquelle doit être considérée comme une formation tout au long de la vie, dont seuls les titulaires du permis de conduire sont exemptés, à la différence des autres diplômés. Il a tenu à souligner que cette mesure, qui ne doit pas être regardée comme l'obligation de repasser l'examen, permettra d'éviter d'attendre un très long délai pour renouveler le stock de permis.

M. Edouard Landrain a vu dans la proposition de directive une belle avancée qui dispensera certains étrangers s'établissant en France de l'obligation de repasser le permis de conduire. Il a considéré que l'instauration d'un permis plastifié constituait un réel progrès en comparaison du permis en papier français. Enfin, déclarant approuver les propos tenus par M. Jean-Michel Bertrand, il a estimé que la question était de savoir si les Etats membres avaient la capacité de mettre en œuvre des propositions qui constituent de réelles avancées, en vue de renforcer la lutte contre l'insécurité routière.

M. Jacques Myard a contesté les propos de M. Edouard Landrain, estimant que les difficultés rencontrées par certains étrangers s'établissant en France sont peut-être imputables à un défaut de reconnaissance mutuelle, entre la France et les Etats concernés et a marqué sa préférence en faveur de l'institution de deux permis de conduire, l'un international, l'autre national.

M. René André, Président, a pris note des observations de M. Jacques Myard sur le respect du principe de subsidiarité par les Etats-Unis. Puis, tout en déclarant avoir apprécié les observations de M. Jean-Michel Bertrand et celles nuancées du rapporteur sur la compétence de l'Union européenne, il a fait part de ses doutes quant à la pertinence de la limitation de la durée de la validité des permis de conduire et a craint qu'elle ne soit assimilée à une obligation pour les conducteurs d'être assujettis à un contrôle de leur capacité à conduire.

Evoquant les voiturettes, il a tenu à préciser qu'elles étaient utilisées également dans les villes - et pas seulement dans le milieu rural - et qu'elles apportaient une aide très utile aux personnes âgées. Il a considéré que, malgré le compromis adopté par le Conseil du 7 octobre 2004, les conducteurs de voiturettes seront tenus, à l'avenir, de posséder un permis.

M. Christian Philip, rapporteur, en réponse aux intervenants, a apporté les précisions suivantes :

- la limitation de la durée de la validité du permis de conduire n'entraînera pas, en cas de renouvellement, l'obligation de repasser l'examen ;

- la compétence de l'Union européenne repose sur les articles 70 et 71 du Traité relatifs à la politique commune des transports. En revanche, la limitation à dix ans de la durée de la validité du permis doit relever du principe de subsidiarité ;

- en ce qui concerne les voiturettes, le compromis adopté par le Conseil « Transports » du 7 octobre 2004 permet de donner satisfaction à la France ;

- il serait effectivement opportun de demander au Gouvernement de réfléchir à l'incorporation, dans le véhicule, d'un lecteur, en vue de renforcer ainsi les mesures contre l'insécurité routière.

Sous le bénéfice de cette dernière observation, la Délégation a approuvé le texte proposé.

III. Communication de M. Christian Philip sur la proposition de décision-cadre relative au mandat européen d'obtention de preuves (document E 2455)

M. Christian Philip, rapporteur, a précisé que cette proposition de décision-cadre a pour objet de créer un mandat européen d'obtention de preuves en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales. Ce mandat faciliterait la collecte transfrontalière de preuves, en se fondant sur le principe de reconnaissance mutuelle, que le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 a érigé en « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen. Le mandat serait une décision émise par une autorité judiciaire dans un Etat membre, directement reconnue et exécutée dans un autre Etat membre. Il présente de nombreux avantages par rapport aux procédures d'entraide judiciaire existantes, notamment en termes de délais. Les commissions rogatoires internationales classiques restent en effet souvent en souffrance pendant des mois, voire des années, et se heurtent à d'importantes difficultés de traduction.

Le mandat européen d'obtention de preuves constitue une première étape positive, de nature à faciliter la coopération judiciaire entre les Etats membres. Certes, son champ d'application serait, au moins dans un premier temps, limité. Il n'est en effet applicable qu'aux preuves (objets, documents ou données) qui existent déjà et sont directement disponibles. En revanche, le mandat ne pourra pas être utilisé, par exemple, pour procéder à des interrogatoires de suspects ou de personnes mises en cause, ni pour la collecte de dépositions de témoins ou de victimes. Mais dans les domaines visés, le mandat européen d'obtention de preuves présente de nombreux avantages, tels que des délais impératifs, qui permettraient d'accélérer les procédures, ou l'atténuation du contrôle de la double incrimination. Il comporte en outre d'importantes garanties pour les droits des personnes, comme l'application de la règle « non bis in idem » ou le droit de ne pas s'auto-accuser.

Certaines difficultés, d'ordre pratique et juridique, doivent cependant être surmontées. Une première difficulté, d'ordre pratique, concerne le champ d'application du mandat et son articulation avec les conventions existantes. Le champ d'application limité du mandat européen d'obtention de preuves est en effet susceptible de poser des difficultés pratiques pour les magistrats. Dans une même affaire, un juge pourrait ainsi être contraint de délivrer à la fois une commission rogatoire internationale et un mandat européen d'obtention de preuves, si les preuves qu'il souhaite obtenir ne relèvent pas intégralement du champ d'application du mandat. Au lieu de simplifier l'entraide judiciaire, le mandat aurait ainsi pour effet, en pratique, de compliquer le travail des magistrats. Cette difficulté pourrait être surmontée, comme le suggère la délégation française, en permettant au mandat de coexister avec les règles actuelles, figurant notamment dans la convention du 29 mai 2000. Les juges conserveraient ainsi la faculté d'émettre une commission rogatoire internationale lorsque les éléments de preuves recherchés ne relèvent pas intégralement du champ d'application du mandat.

Une deuxième difficulté, d'ordre juridique, concerne la suppression de certains motifs de refus. Le texte en discussion ne prévoit que deux motifs de refus (application du principe « non bis in idem » et existence de privilèges ou d'immunités). Il ne reprend donc pas l'un des motifs traditionnels de refus, énoncé notamment à l'article 2 de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, selon lequel l'entraide judiciaire pourra être refusée  si la partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays. La suppression de ce motif de refus soulèverait des difficultés d'ordre constitutionnel. Il pourrait en aller de même avec la suppression du motif de refus relatif à la nature politique des infractions. Il convient par conséquent que le gouvernement s'assure, avant l'adoption de cette décision-cadre, de sa conformité à la Constitution française. La saisine du Conseil d'Etat pour avis, selon les modalités prévues par la circulaire du Premier ministre du 30 janvier 2003, pourrait être envisagée sur ce point.

M. Jacques Myard a indiqué que tout ce qui permet d'améliorer la coopération judiciaire va dans le bon sens, mais qu'il convient d'être très prudent dans ce domaine. Cette proposition de décision-cadre est laxiste et dangereuse sur certains points. S'appuyant sur la pratique américaine, il a rappelé que les preuves collectées dans certaines procédures peuvent ensuite être utilisées à d'autres fins. La suppression du motif de refus relatif aux intérêts essentiels de l'Etat témoigne, à cet égard, d'une naïveté excessive. La saisine du Conseil d'Etat par le gouvernement à ce sujet est nécessaire.

Le Président René André s'est inquiété de la suppression du motif de refus relatif au secret de la défense nationale et a souhaité que les conclusions y fassent expressément référence.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes, ainsi modifiées :

« La Délégation pour l'Union européenne,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision-cadre du Conseil relative au mandat européen d'obtention de preuves tendant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales [COM (2003) 688 final] du 14 novembre 2003,

1. Approuve le principe de ce texte, qui facilitera l'entraide judiciaire entre les Etats membres en appliquant le principe de reconnaissance mutuelle à la collecte transfrontalière des preuves ;

2. Souhaite que le gouvernement s'assure, avant son adoption, de la conformité de cette proposition à la Constitution française ;

3. Recommande que le motif de refus relatif à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public, au secret de la défense nationale ou à d'autres intérêts essentiels du pays soit maintenu ;

4. Estime que le mandat européen d'obtention de preuves devrait coexister avec les conventions d'entraide judiciaire existantes, tant qu'un instrument unique, couvrant l'ensemble des types de preuves, n'aura pas été adopté. »

IV. Communication de M. René André sur la proposition de décision relative au système des ressources propres des Communautés européennes (document E 2674)

M. René André, rapporteur, a indiqué que l'objet de la proposition de décision est de réexaminer le système des ressources propres, afin de remplacer le mécanisme de correction exclusive accordée au Royaume-Uni par un mécanisme de correction généralisée des déséquilibres budgétaires excessifs. En effet, grâce au rabais dont il bénéficie depuis 1984, le Royaume-Uni ne participe qu'à hauteur de 13 % au financement de l'Union, alors que son PIB représentait 18 % de l'Union européenne à quinze membres. L'écart, soit environ 5 milliards d'euros par an, est financé par les autres Etats, y compris, depuis l'élargissement, par les nouveaux Etats membres. Or, les justifications avancées par Mme Thatcher, à l'origine, n'ont plus aucun fondement. En 1984, le niveau de vie des Britanniques était sensiblement inférieur à la moyenne communautaire. Aujourd'hui, le RNB par habitant du Royaume-Uni est le plus élevé des contributeurs nets de l'Union européenne. Si le système actuel des ressources propres était pérennisé entre 2007 et 2013, le Royaume-Uni deviendrait le plus petit contributeur net au budget communautaire.

En conséquence, le système actuel d'une correction exclusive au profit d'un seul Etat doit être réexaminé. La Commission propose une généralisation du mécanisme de correction, afin de rapprocher le système des objectifs initiaux, qui étaient d'éviter que les Etats membres supportent des charges budgétaires excessives au regard de leur prospérité relative.

Selon la Commission, le mécanisme de correction généralisée doit être établi sur la base du solde budgétaire net de chaque Etat membre, par rapport au budget de l'Union européenne. Ce mécanisme devrait être déclenché au-delà d'un seuil, exprimé en pourcentage du RNB de chaque Etat membre, qui traduit le degré acceptable de solidarité financière entre Etats membres. Les positions nettes dépassant ce seuil pourraient bénéficier d'un remboursement.

Avec le mécanisme proposé, le solde net de la France passerait de -0,37 à -0,33. Mais il serait de -0,27 sans aucune correction. C'est pourquoi la France reste réservée sur le principe de cette correction généralisée, qu'elle juge contraire à l'esprit de solidarité communautaire. Elle préférerait une suppression pure et simple de la correction britannique. Mais la modification des ressources propres nécessitant l'unanimité, l'accord du gouvernement britannique au Conseil serait nécessaire pour cette suppression, ce qui est exclu dans l'immédiat.

Les pays contributeurs nets, dont la France, préféreraient que les négociations sur les perspectives financières 2007-2013 portent d'abord sur les dépenses, avant une éventuelle adaptation du système des ressources propres.

C'est pourquoi le rapporteur a proposé à la Délégation de différer sa position sur cette proposition d'acte communautaire, afin de lui permettre d'inclure l'analyse de ce texte dans son rapport pour information sur les perspectives financières 2007-2013, les deux sujets étant indissociables.

M. Christian Philip, Président, a approuvé cette position, les dispositions relatives aux modalités des recettes ne pouvant pas être adoptées avant la détermination des plafonds de dépenses.

V. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Christian Philip, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil concernant la mise en place d'un régime d'autorisation volontaire FLEGT relatif aux importations de bois dans la Communauté européenne (document E 2662) ;

- proposition de règlement du Conseil établissant pour la Confédération suisse certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles transformés (document E 2686) ;

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires en vue de l'ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour l'importation de bovins vivants originaires de Suisse (document E 2689) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse modifiant l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse du 22 juillet 1972 pour ce qui concerne les dispositions applicables aux produits agricoles transformés (document E 2701).

¬ Communication

Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant un programme communautaire pluriannuel visant à promouvoir une utilisation plus sûre de l'Internet et des nouvelles technologies en ligne (document E 2556).

¬ Environnement

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux piles et accumulateurs ainsi qu'aux piles et accumulateurs usagés (document E 2459).

¬ Pêche

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1035/2001 établissant un schéma de documentation des captures pour le Dissostichus spp (document E 2669) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation, pour la période allant du 28 février 2004 au 31 décembre 2004, du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République fédérale islamique des Comores concernant la pêche au large des Comores(document E 2671) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation, pour la période allant du 28 février 2004 au 31 décembre 2004, du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République fédérale islamique des Comores concernant la pêche au large des Comores (document E 2672).

¬ Relations extérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, d'un accord de coopération avec la principauté d'Andorre (document E 2673) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole additionnel à l'accord d'association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord d'association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (document E 2680) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque(document E 2684).

¬ Services financiers

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réassurance et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE du Conseil ainsi que les directives 98/78/CE et 2002/83/CE (document E 2590).

Point B

¬ Pêche

- proposition de règlement du Conseil : Fonds européen pour la pêche (document E 2656) ;

M. Guy Lengagne, rapporteur, a rappelé qu'il était l'élu du premier port de pêche français. Il a souligné que la politique communautaire de la pêche est totalement intégrée. La discussion sur les TAC (totaux admissibles de capture) et les quotas de pêche est de plus en plus difficile en raison du risque de saturation des ressources. Il est donc nécessaire de prévoir en parallèle des mesures de reconversion pour les pêcheurs. Tel est l'objet de la création du Fonds européen pour la pêche.

Ce Fonds se substitue aux fonds structurels en faveur des régions les plus défavorisées. L'objectif est de faciliter l'application de la réforme de la politique commune de la pêche, qui prévoit une diminution des subventions et l'interdiction des activités de chalutage en Europe pour éviter l'épuisement des stocks.

Trois quarts des concours du nouveau Fonds européen pour la pêche, doté de 4,9 milliards d'euros, viendront en aide par le biais de formations aux régions confrontées à des pertes d'emploi. Il conviendra d'ailleurs d'être extrêmement vigilants sur la manière dont ces crédits seront répartis. Un montant de 1,7 milliard ira aux régions dites de convergence relevant de l'objectif 1 dans les nouveaux pays membres, et un montant de 2 milliards aux régions des Quinze. La Commission a indiqué qu'elle encouragerait également le recours à un équipement et à des pratiques plus écologiques dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture.

Une aide sera proposée aux pêcheurs contraints d'interrompre leurs activités pour faciliter la reconstitution des stocks. Cette aide sera également mise à disposition en cas de non-renouvellement d'un accord de pêche ou en cas de catastrophe naturelle. Les pêcheurs ayant recours à des engins de pêche moins agressifs pour le milieu marin seront éligibles à l'aide. Le Fonds compensera les pêcheurs pour le retrait définitif de leur bateau, et financera des programmes de formation, de recyclage et de retraite anticipée. Une aide sera également disponible pour l'amélioration de la sécurité et de l'hygiène à bord. Des mesures de soutien seront en outre prévues en faveur de la flotte de pêche artisanale. Ces mesures encourageront une pêche de moindre intensité mais de meilleure qualité.

La nouvelle politique d'aménagement du littoral comprend une série de programmes visant à promouvoir des alternatives à la pêche dans les zones côtières, et particulièrement dans les zones où les stocks de poissons ont été décimés par une pêche trop intense. La Commission vise également à promouvoir un intérêt collectif en allouant notamment des aides aux organisations de pêche et d'aquaculture. Ces fonds seront destinés à la gestion durable et à la conservation de la pêche. Ils permettront de financer des programmes pour promouvoir le partenariat entre les scientifiques et les pêcheurs, dont les avis sur les stocks divergent trop souvent. Le Fonds pourrait également soutenir des mesures de promotion de la pêche, telles que la modernisation des ports et le développement de nouveaux marchés pour les produits à base de poisson.

La France est favorable au texte. Elle souhaite toutefois que le mot « aquaculture » apparaisse dans l'intitulé du Fonds.

M. Jacques Myard a regretté que depuis vingt ans, la France ait perdu la maîtrise de ses importantes zones de pêche. Actuellement, la Commission demande aux pêcheurs de désarmer leurs bateaux car il y a trop de pêcheurs et pas assez de poisson. Mais, lorsque les stocks se seront reconstitués, il n'y aura plus assez de pêcheurs en France pour les exploiter.

M. Guy Lengagne lui a répondu que, bien au contraire, les pêcheurs français profitent de la politique commune de la pêche dans la mesure où seulement 15 % des poissons pêchés par les pêcheurs français proviennent de nos eaux territoriales.

M. Pierre Forgues a rappelé que la ressource diminue alors que la demande progresse. Il convient donc de favoriser l'aquaculture, à la condition qu'il s'agisse d'une aquaculture de qualité.

M. Guy Lengagne a évoqué les dangers de la pêche minotière, qui travaille pour l'aquaculture, et qui en capturant de nombreux juvéniles, freine la reproduction des stocks. Toutefois, pour des raisons sanitaires, il est exclu de remplacer les farines de poisson par des farines animales. Il a estimé que la seule espèce dont la pêche pouvait être provisoirement interdite est le hareng, qui a un cycle de reproduction de deux ou trois ans.

En conclusion, la Délégation a approuvé la proposition d'acte communautaire en l'état des informations dont elle dispose.

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Conseil portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote turque (document E 2643) ;

- proposition de règlement du Conseil concernant les conditions spéciales applicables aux échanges avec les zones de la République de Chypre dans lesquelles le gouvernement de la République de Chypre n'exerce pas de contrôle effectif (document E 2644).

M. Christian Philip, rapporteur, a d'abord indiqué qu'il ne porterait pas de jugement sur la responsabilité des différents acteurs et des deux communautés chypriotes grecque et turque, à la suite du rejet du plan Annan de réunification de l'île.

Il a ensuite considéré comme normal que l'Union européenne apporte une contribution en faveur de la partie nord du territoire chypriote en créant un instrument de soutien financier. Il s'est en revanche interrogé sur le règlement créant des conditions spéciales d'échanges sur le plan maritime et aérien pour le commerce direct Union européenne-partie nord de Chypre. Au-delà du débat juridique, ce texte soulève un problème de fond.

Son adoption par l'Union européenne conduirait à une partition certaine de l'île, dans la mesure où chaque partie de l'île disposerait d'une organisation spécifique pour ses relations extérieures et où l'Union européenne n'aurait plus de moyens de pression pour les réunir. Le risque majeur serait d'amener cette partie du territoire chypriote à considérer qu'elle a obtenu ce qu'elle voulait et de reproduire l'un des défauts du plan Annan qui établissait un système confédéral où les parties n'ont rien en commun.

Le rapporteur a proposé que la Délégation conclue :

- en approuvant la proposition de règlement (E 2643) portant création d'un instrument de soutien financier ;

- sur le document E 2644, en souhaitant que le Gouvernement puisse obtenir l'engagement que ce processus ne conduise pas à une partition de l'île.

Le débat sur ce texte doit être l'occasion d'approfondir cette question sans se hâter, car ce geste à l'égard de la partie chypriote turque empêcherait tout retour en arrière et serait lourd de conséquences.

M. Guy Lengagne a observé qu'il existait déjà une partition de fait et qu'un rejet du texte sanctionnerait les Chypriotes turcs qui se sont montrés favorables à la réunification lors du référendum du 24 avril 2004.

Le rapporteur a d'abord indiqué qu'en droit, toute l'île de Chypre est entrée dans l'Union européenne en tant qu'Etat membre à partir du 1er mai 2004 et que seule l'application de l'acquis communautaire est suspendue dans la partie nord de l'île.

Il a ensuite déclaré que le rôle de l'Union européenne n'était pas de prendre parti et de tirer des conséquences du vote des Chypriotes grecs contre le plan Annan en organisant des échanges directs avec la partie chypriote turque aboutissant à une partition de l'île.

Mme Anne-Marie Comparini a exprimé son accord avec le rapporteur sur le deuxième règlement relatif au commerce direct. Ce texte peut en effet apparaître comme une bonne idée mais qui, par un effet pervers même involontaire, pourrait aller à l'encontre de notre objectif et de l'action de l'ONU : aider les deux parties à réussir la réunification de l'île, non pas en favorisant leur isolement économique respectif, mais en leur donnant envie de vivre ensemble.

Elle a par ailleurs informé la Délégation que le groupe UDF avait déposé une proposition de résolution sur le premier règlement créant un instrument de soutien financier. Cette initiative ne signifie pas que le groupe UDF ne soutient pas la réunification de l'île, mais que la question chypriote est liée à celle de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. En particulier l'invasion de Chypre par l'armée turque et l'occupation d'une partie de son territoire ont été condamnées par la communauté internationale. La proposition le rappelle au moment où l'Union européenne n'a pas encore pris de décision pour l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie et où le Parlement français n'a pas encore été consulté sur ce sujet.

M. Jacques Myard a considéré qu'il ne fallait pas confondre Chypre et la Turquie. Les propositions de règlement examinées par la Délégation ne concernent que Chypre et aucun Etat membre de l'Union européenne n'a reconnu l'occupation militaire turque ni la République turque de Chypre nord autoproclamée. Le texte sur le commerce direct ne concerne que les relations commerciales et rien n'interdit au Conseil de prévoir des modalités qui n'emportent aucune conséquence sur la position des Etats membres de non-reconnaissance de la R.T.C.N. Le droit international connaît de nombreuses situations de partitions pendant des décennies, accompagnées d'échanges réels, sans affecter les positions politiques. Ces règlements ne visent que les populations et n'emportent aucune conséquence sur la position de principe de la France concernant la non-reconnaissance en droit international.

M. Guy Lengagne a considéré que ces règlements devaient être approuvés parce qu'ils embarrassaient les Chypriotes du sud qui avaient dit non à la réunification et qu'ils les obligeraient à revoir leur position.

M. Christian Philip a déclaré qu'il ne fallait pas apprécier les conditions de la réunification à la place des Chypriotes et que l'Union européenne devait prendre acte, mais pas punir ni encourager. La partie chypriote grecque n'a pas voulu de la réunification aux conditions posées par le plan Annan, mais elle n'est pas contre la réunification.

Il faut d'abord rappeler que la France n'a jamais été favorable à la partition de l'île. Mais en prenant parti, l'Union européenne enclencherait un processus conduisant inexorablement à la partition. Ceux qui sont derrière ce règlement sont ceux qui militent pour la partition de l'île. Plutôt que de se satisfaire de cette situation, l'Union européenne doit au contraire faire pression sur les Chypriotes grecs et turcs pour qu'ils progressent vers la réunification.

Le rapporteur s'est déclaré favorable au premier règlement sur le soutien financier, en prenant acte de l'information délivrée par Mme Anne-Marie Comparini sur le dépôt d'une proposition de résolution par le groupe UDF.

Il a proposé que, sur le deuxième règlement relatif au commerce direct, les conclusions rappellent d'abord la position constante de la France contre la partition de l'île et qu'elles attirent ensuite l'attention du Gouvernement sur le risque que la proposition de règlement aille dans le sens inverse de la position de notre pays sur la réunification de l'île.

En réponse à M. Guy Lengagne, le rapporteur a précisé que le Gouvernement n'avait pas émis d'objections à l'adoption de cette proposition de règlement.

M. Pierre Forgues a considéré que l'Union européenne, après avoir accepté que Chypre entre divisée dans l'Union européenne tout en niant cette réalité, commet maintenant l'erreur d'accepter cette réalité de la partition.

M. Christian Philip a déclaré que M. Talat, Premier ministre de l'entité politique non reconnue de Chypre nord, a indiqué que ce règlement équivalait à une forme de reconnaissance internationale. Or, l'Union européenne n'a pas fait entrer deux Etats en son sein. Le projet Annan était déséquilibré pour les Chypriotes grecs. Il faut reprendre la discussion et le faire directement, et non par le biais d'un règlement technique, sur un problème éminemment politique.

La Délégation a adopté les conclusions du rapporteur, dans les termes suivants :

« La Délégation, dans l'état des informations dont elle dispose :

- approuve la proposition de règlement du Conseil portant création d'un instrument de soutien financier (document E 2643) ;

- en ce qui concerne la proposition de règlement du Conseil sur le commerce direct Union européenne-partie nord de Chypre (document E 2644) :

· rappelle la position constante de la France contre la partition de l'île,

· attire l'attention du Gouvernement sur le risque que cette proposition de règlement aille dans le sens inverse de la position constante de la France en faveur de la réunification de l'île et s'oppose à son adoption. »

- proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) nº 2667/2000 du Conseil relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction (document E 2645) ;

- proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Roumanie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque(document E 2682) ;

- proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion du protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Bulgarie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (document E 2683) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (document E 2693) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse dans le domaine statistique. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse dans le domaine statistique (document E 2711).

Sur le rapport de M. Christian Philip, la Délégation a approuvé ces cinq propositions.

VI. Informations relatives à la Délégation

Sur proposition du Président Christian Philip, la Délégation a désigné :

M. René André, rapporteur d'information, sur le processus d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne ;

et a confié à :

- M. Daniel Garrigue, une communication sur la demande de dérogation présentée par la France sur la modulation régionale de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) sur les carburants ;

- et à M. Marc Laffineur, une communication sur l'assujettissement des services postaux à la TVA.