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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 121

Réunion du mercredi 30 mars 2005 à 16 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition, ouverte à la presse, de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles

Le Président Pierre Lequiller a remercié la ministre d'avoir accepté de venir faire le point devant la Délégation sur les résultats d'un Conseil européen, dont l'ordre du jour était particulièrement important.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, a souligné que le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 avait pris une série de décisions importantes pour contribuer à la stimulation de la croissance économique au service du modèle social européen. Ces décisions, qui peuvent être qualifiées d'équilibrées, doivent beaucoup à la présidence luxembourgeoise, dont il convient de saluer l'excellence dans la préparation et la conduite du Conseil européen, et à l'engagement du Président de la République et du Gouvernement. Il convient également de rendre hommage au travail de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et, en particulier, à la qualité du rapport réalisé par MM. Daniel Garrigue et Michel Delebarre sur la stratégie de Lisbonne. On peut d'ailleurs observer que plusieurs décisions du Conseil européen rejoignent des orientations préconisées par ce rapport, notamment l'accent mis sur la politique industrielle, le maintien de l'objectif de cohésion sociale au cœur de la stratégie de Lisbonne, la protection de l'environnement ou encore l'adoption du pacte européen pour la jeunesse.

Avant d'examiner la révision de la stratégie de Lisbonne, le Conseil européen a décidé une réforme du pacte de stabilité et de croissance, visant à remettre la croissance au cœur de la conduite des politiques budgétaires et fiscales des Etats membres, tout en préservant les acquis de la monnaie commune, de la stabilité des prix et de la nécessaire discipline budgétaire. Cette réforme, qui a été préparée au sein de l'Eurogroupe, aboutit à un pacte de stabilité et de croissance plus souple, plus réaliste et plus intelligent, ce qui lui permettra, comme l'a dit le Président de la République, d'être « mieux accepté et mieux respecté ». Le pacte est plus souple car il pourra désormais s'adapter aux fluctuations des cycles économiques grâce à une définition plus praticable des « circonstances économiques exceptionnelles ». Il est plus réaliste en prenant en compte des spécificités des Etats membres pour la fixation de l'objectif d'équilibre des finances publiques à moyen terme. Il est enfin plus intelligent, puisqu'il se réfère à la qualité de la dépense publique. La dépense publique sera ainsi appréciée au regard de la mise en œuvre des réformes structurelles, du potentiel de croissance, de la conjoncture, de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, des dépenses liées à la recherche, mais aussi au regard d'autres facteurs comme les dépenses de solidarité internationale et les charges budgétaires liées à des objectifs de politique européenne, notamment l'unification de l'Europe. Ces éléments répondent largement aux demandes françaises et allemandes. A cet égard, il importe de noter que la France considère que les politiques de défense, notamment les dépenses d'investissement et d'aide au développement, pourront être prises en compte au titre des dépenses de solidarité internationale.

La réforme du pacte de stabilité et de croissance est une étape sur la route qui conduit à un véritable « gouvernement économique » de la zone euro, capable de faire fonctionner notre système économique et monétaire sur ses « deux jambes », à savoir la « jambe monétaire » avec la Banque centrale européenne et la « jambe économique et budgétaire » avec un Eurogroupe renforcé, comme le prévoit le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le Conseil européen a invité la Commission européenne à présenter rapidement des propositions visant à adapter le droit communautaire à ces nouvelles orientations. Un calendrier de travail devrait être soumis au Conseil « Ecofin » du 12 mai prochain.

Le point principal du Conseil européen a été la révision de la stratégie de Lisbonne, dont le bilan à mi-parcours a donné lieu à des appréciations mitigées. Il a été décidé de recentrer davantage cette stratégie sur la croissance et l'emploi, tout en conservant un équilibre entre la compétitivité économique, la cohésion sociale et la protection de l'environnement. L'ensemble des décisions prises en la matière conforte notre modèle social européen, que ce soit par la mention de la contribution des services publics à la croissance, par le lancement d'une démarche européenne commune en faveur de la formation tout au long de la vie, par la lutte contre l'exclusion sociale, et notamment contre la pauvreté des enfants, ou encore par la mobilisation pour l'emploi dans toutes ses formes.

Il est particulièrement intéressant de noter que le pacte européen pour la jeunesse a été adopté comme une partie intégrante de la stratégie de Lisbonne. Cela traduit une prise de conscience du défi démographique en Europe. Ce pacte, qui résulte d'une initiative conjointe du Président de la République, du Chancelier allemand et des premiers ministres espagnol et suédois, a obtenu un important soutien auprès de nos partenaires. Il s'articule autour de trois priorités : améliorer l'insertion et la formation professionnelle des jeunes ; les préparer à être des acteurs de la croissance et de la compétitivité et leur permettre de mieux concilier vie professionnelle et familiale. La mise en œuvre du pacte devrait être précisée, au niveau européen, à l'issue de la consultation actuellement en cours concernant le Livre vert de la Commission sur la démographie. Au niveau national, le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, M. Jean-François Lamour, devrait présenter, d'ici quelques semaines, diverses propositions d'application.

Le Conseil européen a également fixé des objectifs chiffrés de baisse des émissions de gaz à effet de serre pour la période comprise entre 2012 et 2020. Il a ainsi fait sien l'objectif de réduction de 15 à 30 % de ces émissions pour les pays développés d'ici 2020. Il a rappelé, dans le même temps, la nécessaire attention qui devrait être portée aux conditions dans lesquelles ces objectifs pourront être atteints, afin de ne pas nuire, en particulier, au développement technologique.

Dans le cadre de la révision de la stratégie de Lisbonne, le Conseil européen a également affirmé son soutien à une politique industrielle active, qui devrait prendre la forme, notamment, de plate-formes technologiques pour définir des agendas de recherche à long terme, du développement de partenariats public-privé, sur l'exemple du projet Galileo, de la création d'un Conseil européen de la recherche et de pôles d'innovation, ou encore de mesures d'incitations fiscales. Ces mesures sont cohérentes et complémentaires avec diverses dispositions adoptées récemment au niveau national.

Il convient de signaler également que le Conseil européen a réaffirmé l'appui européen à la candidature de Cadarache pour le programme ITER, en vue d'un accord avant juillet 2005 avec les pays tiers concernés.

Cette mobilisation nouvelle pour la politique industrielle est l'une des principales réponses aux craintes suscitées par les délocalisations. Même si cela ne figure pas dans les conclusions du Conseil européen, cette mobilisation devrait s'accompagner d'une mise en œuvre de l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

La ministre a ensuite précisé que les problèmes soulevés par la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur avaient été évoqués lors du dîner du 22 mars, ce qui a permis de constater que l'exigence d'une remise à plat de cette proposition était partagée par plusieurs de nos partenaires. Il appartient maintenant au Parlement européen, dont la première lecture devrait avoir lieu à partir de juillet prochain, et au Conseil de procéder à une réécriture en profondeur de ce texte, en veillant au respect des cinq priorités suivantes : doter l'Europe d'un cadre permettant de stimuler l'emploi dans le secteur des services, garantir le respect des droits sociaux, poursuivre l'œuvre d'harmonisation par le haut, préserver la diversité culturelle et protéger les services publics.

Le Conseil européen a enfin dessiné un équilibre, dans cette mobilisation pour la croissance, entre ce qui relève de la responsabilité de l'Union, ce qui relève de la coordination de l'action des Etats membres et ce qui relève de la liberté d'appréciation de ces Etats. A cet égard, l'implication des parlements nationaux dans le processus de Lisbonne est souhaitable et le Gouvernement y veillera dès l'établissement du premier programme national de réformes prévu pour l'automne 2005.

Le Conseil européen a également abordé la question de la Croatie quelques jours après la décision reportant l'ouverture des négociations d'adhésion avec ce pays. Une « task force », composée de M. Javier Solana, de la Commission, de la présidence ainsi que des deux futures présidences, a été chargée d'établir des contacts avec les autorités croates et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie afin d'évaluer la coopération de la Croatie avec ce tribunal. On peut également mentionner que le Conseil européen a adopté une déclaration sur le Liban.

M. Bernard Deflesselles a remarqué que le projet ITER était traité de façon lapidaire dans les conclusions du Conseil européen. Il s'agit pourtant d'un projet important et concret, qui devrait être expliqué aux citoyens. Dans ses conclusions, le Conseil européen demande que la construction d'ITER sur le site européen débute avant la fin de l'année, invite la Commission à tout mettre en œuvre afin d'atteindre cet objectif et, en particulier, à terminer les négociations avant le mois de juillet.

Il est en effet urgent que la réalisation de ce projet soit engagée. Le fait que le Président de la République n'ait pu obtenir d'accord avec le gouvernement japonais est inquiétant. On peut s'interroger sur la réalité des efforts de la Commission pour obtenir un accord, conformément aux souhaits du Conseil européen. Le Conseil « Compétitivité » qui se tiendra le 18 avril prochain sera un rendez-vous capital.

M. Daniel Garrigue a souligné que d'autres Etats membres de l'Union européenne partagent les préoccupations de la France au sujet du projet de directive « services ». Il conviendrait de mieux expliquer aux Français que, dans le cadre de l'Union européenne, la France négocie et dispose souvent d'alliés. Cela a été le cas pour la réforme du pacte de stabilité, pour les enjeux industriels, pour le projet Reach de réglementation des produits chimiques, pour le pacte européen pour la jeunesse et le maintien de l'équilibre entre les trois piliers de la stratégie de Lisbonne. En revanche, le lien entre les décisions prises au niveau européen et leur mise en œuvre nationale est problématique. L'absence d'instruments de liaison a d'ailleurs été l'une des causes de l'échec de la stratégie de Lisbonne. L'exemple des grandes orientations de politique économique (GOPE) est révélateur : la Commission des finances de l'Assemblée nationale a tenu une réunion commune avec la Commission des affaires économiques du Parlement européen. Cette dernière est très familière de la notion de GOPE, tandis qu'à l'Assemblée, peu de députés la connaissent.

Il est donc nécessaire de définir des instruments assurant l'interface entre les concepts européens et les concepts nationaux, de façon à permettre une meilleure appropriation nationale. Il conviendrait également de rendre plus contraignants les programmes d'action nationaux, qui seront élaborés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne révisée.

M. Jacques Myard a interrogé la ministre sur la compatibilité d'une politique industrielle volontariste, qui est souhaitable, avec les règles de concurrence.

Concernant le projet de directive « services », il faut rappeler que le 13 février 2003, le Parlement européen a adopté une résolution affirmant que les principes du pays d'origine et de la reconnaissance mutuelle sont essentiels à l'achèvement du marché intérieur des biens et des services. Par ailleurs, ce projet est lié à la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, effectué dans le cadre d'une prestation de services, qui devrait être révisée car elle provoque des fraudes et une situation de « moins disant » social.

La réforme du pacte de stabilité n'est pas satisfaisante, car elle prévoit que les Etats en déficit excessif devront accomplir un effort budgétaire de 0,5 % du PIB la deuxième année suivant l'apparition du déficit. Cette disposition n'a pas de sens, car cela ne fera qu'aggraver la situation de l'Etat concerné.

M. Jacques Myard a interrogé la ministre sur les raisons pour lesquelles l'Union européenne ne décide pas de réaliser ITER sans la participation du Japon, qui ne représente que 5 % du financement.

La ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- le Conseil « Compétitivité » tiendra en effet une réunion importante pour le projet ITER le 18 avril prochain. Les discussions entre le Président de la République et le Premier ministre japonais n'ont pas permis de dégager une solution immédiate. Il est cependant positif qu'une rencontre soit prévue entre M. Janez Potocnik, commissaire à la recherche, et les responsables de la recherche au Japon, avant le Conseil « Compétitivité » du 18 avril. Cette rencontre avait été demandée par le Président de la Commission et par le Président de la République. La candidature japonaise est soutenue par la Corée du Sud et les Etats-Unis. L'Union européenne a examiné la possibilité de construire le site à Cadarache sans la participation de ces trois Etats, avec ses deux partenaires, la Russie et la Chine. Il est, à cet égard, très positif que les conclusions du Conseil européen fixent des délais pour la fin des négociations. Si un accord à six n'a pu être atteint d'ici le mois de juillet, le projet démarrera avec trois partenaires, en coopération ouverte ;

- il est effectivement important de souligner que la France a des alliés dans les négociations. A travers ces alliances constatées, il a été possible de distinguer quels éléments posaient problème. Le Parlement européen est aussi un acteur important. D'où l'utilité des contacts et rencontres fréquentes entre les parlementaires nationaux et les parlementaires européens. De tels contacts ont eu lieu dans le cadre des travaux de la Délégation, d'autres ont pu être organisés au ministère, d'autres enfin au Sénat. Ces rencontres ont une grande importance, par exemple, sur le sujet de la directive « services » ou sur la stratégie de Lisbonne. Elles font avancer les réflexions ;

- s'agissant de la coordination des actions nationales avec les grands enjeux européens, cette question se pose, par exemple, pour l'Agence de l'innovation industrielle et pour les plate-formes technologiques. Les pôles ainsi encouragés doivent être des pôles ouverts, interrégionaux et internationaux. Toutes les mesures prises au plan national doivent être « eurocompatibles » ;

- sur la politique industrielle, les conclusions du Conseil européen comme les propos du commissaire chargé des entreprises et de l'industrie, M. Günter Verheugen, font apparaître la nécessité d'assurer la cohérence entre la mise en œuvre de cette politique et la possibilité d'être un support pour l'émergence de « champions » européens. Mme Neelie Kroes, commissaire chargée de la concurrence, a exprimé cette préoccupation, et il existe un accord pour ne pas porter sur cette politique une appréciation trop strictement dictée par les exigences de la politique de la concurrence. Les rencontres entre M. Patrick Devedjian, M. Thierry Breton, Mme Neelie Kroes et M. Günter Verheugen ont montré l'existence d'une convergence de vues. S'il y avait eu une quelconque réticence, le Conseil européen n'aurait pas inclus cet aspect dans ses conclusions. Ceci trouvera à s'appliquer avec la future Agence européenne de l'armement : il va y avoir des regroupements à proposer et un certain volontarisme sera nécessaire pour les mettre en œuvre. Cette approche a également été entérinée, préalablement au Conseil européen, par différents Conseils sectoriels, sur le textile, l'automobile, la chimie... Tous les Etats membres, qu'il s'agisse des quinze anciens ou des dix nouveaux, partagent la préoccupation d'entretenir un tissu industriel vivant et compétitif.

Mme Anne-Marie Comparini a remercié la ministre d'avoir insisté sur différents éléments insuffisamment repris dans la presse à l'issue du Conseil européen, notamment sur tout ce qui donne corps à la stratégie de Lisbonne, le septième programme-cadre de recherche et de développement, les plate-formes technologiques, le projet ITER, le dispositif pour les PME innovantes. Elle a souligné qu'il faut toutefois assurer à l'Europe les moyens financiers de son action. Pour que l'Europe soit à la fois un grand acteur économique et un espace de civilisation, il faut de l'argent et des idées. Dans les conclusions du Conseil européen, seules trois lignes évoquent les prochaines perspectives financières. Elle a demandé si ce sujet avait été abordé au Conseil européen.

M. Jérôme Lambert a souhaité revenir sur le projet de directive « services », au sujet de laquelle la ministre a évoqué certaines décisions prises. Il a fait remarquer que dans les conclusions du Conseil européen n'apparaît aucun de ces éléments de décision.

Le Président Pierre Lequiller a observé que la ministre avait été très claire sur ce sujet et qu'elle avait exposé aux membres de la Délégation non seulement le contenu des conclusions écrites du Conseil européen mais également les propos tenus au cours de ce Conseil.

M. Jérôme Lambert est ensuite revenu sur le thème du « modèle social européen », Mme Claudie Haigneré ayant indiqué que la proposition de directive « services » ne pourra évoluer que dans le respect de ce modèle. Il s'est interrogé sur l'existence même d'un tel modèle dans une Union européenne à vingt-cinq : lorsqu'on parle de « modèle social européen », étant donné la diversité des règles nationales, de quoi parle-t-on ?

Enfin, il a évoqué la question de la fiscalité des entreprises, en relevant que, selon la ministre, une harmonisation semble difficile, impossible à mener rapidement, et que d'autres voies ne sont pas exclues. M. Jérôme Lambert a souhaité savoir de quelles autres voies il s'agissait et si, pour une harmonisation de la fiscalité, il existait au sein du Conseil une voie autre que l'unanimité.

M. Jacques Floch a d'abord demandé des précisions sur le paragraphe des conclusions du Conseil européen relatif à la politique active de l'emploi, ainsi que sur celui qui prévoit de nouvelles formes d'organisation du travail. S'agissant de ces dernières, il a jugé que les notions de flexibilité et de sécurité devaient être clarifiées, de manière à faire l'objet d'une même interprétation au sein de l'Europe.

Evoquant ensuite le report de l'ouverture des négociations avec la Croatie en raison de l'absence de réponse aux demandes du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie concernant le général Gotovina, il a estimé que l'Europe devait faire preuve de fermeté et ne pas se rallier à l'avis des pays qui ont une position contraire à celle officiellement défendue par la France. Il serait, par ailleurs, opportun que la France examine si le général Gotovina ne bénéficie pas d'une certaine assistance au titre des relations qu'il aurait antérieurement pu nouer lors de son service dans la Légion étrangère, en qualité de sous-officier.

Le respect des conditions prévues pour l'adhésion de la Croatie aura valeur d'exemple pour les autres pays candidats. Il importe notamment que la Roumanie collabore pleinement avec Europol et Eurojust pour la lutte contre certains trafics, et que la France s'en assure.

Le Président Pierre Lequiller a considéré que l'Europe avait eu raison d'avoir refusé d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Croatie, même s'il est légitime de se demander si le gouvernement croate est pleinement responsable de n'avoir pu trouver le général Gotovina. La position française doit être maintenue. Les hypothèses évoquées sur la nature des relations qu'aurait pu nouer cet officier lors de son passage dans la Légion étrangère ne plaident pas en sens contraire.

En réponse, la ministre a fait part des éléments suivants :

- les questions de la collaboration de la Croatie avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougolsavie et de la faculté d'action du gouvernement de cet Etat ont notamment été évoquées avec son procureur général, Mme Carla del Ponte. Il semble que le général Gotovina soit en Croatie, ce qui implique une coopération pleine et entière des autorités croates. La fermeté dont fera preuve l'Europe en l'espèce aura une valeur d'exemple pour tous les Etats des Balkans, qui sont engagés dans des processus de stabilisation. Seule une décision à l'unanimité des Etats membres permettra de reprendre le processus qui a été suspendu. Le groupe des personnalités européennes évoqué en introduction aura pour mission de faire l'interface entre le Tribunal et la Croatie ;

- en ce qui concerne la Roumanie et la Bulgarie, le Parlement européen devrait donner bientôt donner un avis conforme sur la signature du traité d'adhésion. Une clause de sauvegarde permettra de reporter la date d'adhésion initialement prévue, dans l'hypothèse où les conditions exigées ne seraient pas respectées. De même que pour la Croatie, il est du devoir de chaque Etat membre de l'Union de soutenir et d'accompagner les évolutions de ces deux pays candidats ;

- s'agissant de la portée du projet de directive « services » en matière sociale, les dispositions de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 sur le détachement de travailleurs, qui prévoient l'application des dispositions du pays d'accueil, doivent être respectées au-delà d'une durée de 8 jours. En deçà de ce délai, le régime applicable fait l'objet d'un débat. La France souhaite, afin d'être en mesure de procéder à des contrôles, conserver l'obligation de la déclaration préalable à l'administration du travail et de l'emploi, des travailleurs venant exercer leur activité dans le pays d'accueil ;

- le principe suivant lequel les directives sectorielles doivent prévaloir sur la directive transversale en matière de prestations de services transfrontalières doit, en effet, être prévu ;

- la rédaction des paragraphes des conclusions du Conseil européen relatifs à la politique active de l'emploi et aux nouvelles formes d'organisation du travail a été notablement améliorée, à la demande de la France, qui a été vigilante à ce que sa sensibilité sociale soit prise en compte ;

- le principe du pays d'origine ne se trouve déjà consacré dans certaines directives sectorielles, comme la directive sur le commerce électronique ou la directive sur la télévision sans frontière, que dans la mesure où ces textes réalisent au préalable un socle d'harmonisation entre les différents pays. Dans le cas du projet de directive « services », seules des études d'impact permettront de révéler s'il existe des domaines particuliers où les conditions d'une telle harmonisation sont réunies, ouvrant ultérieurement la voie à l'application du principe du pays d'origine. Car l'harmonisation doit rester au cœur du processus communautaire, tel qu'il a pu être par exemple mis en œuvre pour parvenir à l'Acte unique ;

- le marché du travail reste un domaine où les Etats ont pleine et entière souveraineté, même si cela n'empêche pas, heureusement, que des règles minimales soient également fixées au niveau européen, sans remettre en cause les législations nationales plus favorables, mais en leur fournissant au contraire une assise supplémentaire ;

- il n'est pas exclu qu'un groupe d'Etats membres s'organisent en coopération renforcée pour harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés ;

- les perspectives financières n'ont pas été évoquées au cours de ce Conseil européen à l'ordre du jour déjà chargé ; tous les participants sont seulement convenus de tâcher de dégager d'ici la fin juin un cadre et des orientations politiques tant sur les recettes que sur les dépenses. Les conclusions adoptées se bornent à évoquer les « moyens adéquats » nécessaires à la réalisation des grands objectifs, tels que la stratégie de Lisbonne ou la cohésion économique et sociale. Dans une Europe de plus en plus diverse, une solidarité accrue paraît en effet nécessaire.

Le Président Pierre Lequiller a remercié Mme Claudie Haigneré du compte rendu détaillé et vivant qu'elle a donné, en particulier sur la genèse des formulations présentes dans le texte des conclusions.