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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 125

Réunion du mardi 3 mai 2005 à 16 heures 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

puis de M. Christian Philip, Vice-Président,

I. Examen du rapport d'information de M. Jean-Marie Sermier, sur l'avenir du développement rural en Europe

M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a souligné que la proposition de règlement examinée marquait une révolution historique en matière de financement du monde rural. Désormais, les soutiens qui lui seront versés proviendront d'un fonds unique, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). La politique de développement rural cesse d'être un sous-produit de la politique agricole commune, financé de manière morcelée et éclatée sur les crédits du FEDER et du FEOGA « Garantie ». Sur la base de ce texte fondateur, l'Union européenne se voit proposer une politique ambitieuse de développement rural, à la hauteur des enjeux de l'élargissement. On estime en effet que, dans l'Union élargie à vingt-cinq, plus de la moitié de la population vit dans des zones rurales, qui couvrent 90 % du territoire.

De 2000 à 2006, les fonds destinés à ces territoires s'élèvent à 54 milliards d'euros, dont 4,8 milliards pour les territoires ruraux français. Cela représente 37 000 euros par exploitation, comme le calcule le rapport d'évaluation à mi-parcours pour la France ; le décompte en dit long au demeurant sur la confusion entretenue parfois entre l'activité agricole et le développement rural, alors que les exploitations sont loin d'être les seuls acteurs de ce dernier. Mieux vaut avoir en tête que cette masse financière représente 22 euros par an et par Européen dans l'Union à Quinze.

La programmation actuelle révèle quelques lacunes. D'une manière générale, elle paraît ne pas avoir produit assez d'effet sur le monde rural non agricole. Les financeurs ont, semble-t-il, des difficultés à nouer des partenariats en dehors du monde agricole. À cela s'ajoute le manque de clarté des objectifs poursuivis, découpés en France en plus de cent cinquante sous-mesures. Sur le terrain, les porteurs de projet sont contraints de suivre un parcours du combattant pour monter leur dossier, obtenir le versement des subventions et produire a posteriori tous les justificatifs.

Le rapporteur a nettement précisé que le soutien au développement rural n'était pas un soutien à l'agriculture. Même si le développement rural garde entre autres une composante agricole, ses effets doivent se faire sentir au bénéfice de l'ensemble de nos concitoyens. Sur le plan du financement et de la gestion, la distinction est très claire entre le premier pilier de la PAC, qui regroupe toutes les dépenses de marché, et le second pilier, qui porte spécialement sur le développement rural et trouve son financement dans le FEADER. Au cours d'une précédente réunion, la Délégation pour l'Union européenne a émis des réserves sur la création de ce nouveau fonds, dont le règlement institutif contient des dispositions trop rigoureuses.

Le rapporteur a néanmoins attiré l'attention sur le fait que, dans les négociations sur les perspectives financières 2007-2013, le FEADER présentait surtout le défaut de se singulariser nettement comme cible potentielle d'économies, puisque les crédits destinés au monde rural ne sont plus disséminés entre des fonds différents. Le second risque serait que le cofinancement qui est exigé pour le développement rural, contrairement au premier pilier, puisse conduire à un report des charges trop lourd sur les budgets nationaux. La discussion sur le cofinancement a donc pour enjeu important les taux auxquels il doit s'opérer.

Le rapporteur a ensuite exposé comment les actions soutenues s'orientent autour de trois axes.

La compétitivité des exploitations est l'objectif qui se trouve au cœur des actions du premier axe, centré sur le monde agricole : dotations d'installation, prêts bonifiés, aides à la préretraite sont, entre autres, envisagés. Il convient cependant d'éviter les effets d'aubaine. Dans le texte proposé, un exploitant de quarante ans non révolus peut être considéré comme un jeune agriculteur et toucher à ce titre 40 000 euros de primes à l'installation, tandis qu'il pourrait à partir de cinquante-cinq ans prétendre à une aide à la préretraite de 18 000 euros par an pendant dix ans. Les organisations agricoles sont les premières à demander des précisions sur le statut de l'exploitant, totalement brouillé par le découplage institué par la réforme de 2003. Ce premier axe attirerait au moins 15 % des crédits.

De type para-agricole, le deuxième axe porterait sur le financement de Natura 2000 et sur les mesures de boisement. On estime à six milliards d'euros par an au minimum le coût de mise en place de Natura 2000. Cet engagement pourrait lourdement grever le fonds de développement rural, qui ne suffira pas à lui seul comme financeur.

L'axe 3 viserait enfin le développement rural non agricole. Il est bien sûr privilégié par les acteurs du monde rural qui ne sont pas agriculteurs. Représentant 15 % des crédits, il permettrait de lancer des actions novatrices susceptibles de maintenir un tissu rural important, en reprenant en substance les opérations actuellement menées dans le cadre du programme « Leader + », à travers les groupes d'action locale (GAL).

Le rapporteur a insisté sur l'aspect budgétaire, qui doit être le premier motif de préoccupation devant cette proposition de développement rural. Dans les perspectives financières 2007-2013, le budget total demandé par la Commission s'élève à 1 024 milliards d'euros sur sept ans, tandis que six Etats membres, dont la France, souhaitent qu'il reste plafonné à 815 milliards d'euros. Or les fonds structurels à destination des Etats membres constituent une masse de 162 milliards d'euros qu'il n'est pas plus envisageable d'entamer que les 301 milliards d'euros réservés à la politique strictement agricole par l'accord de Luxembourg. Les 88,75 milliards d'euros demandés pour le développement rural risquent ainsi fortement d'être écornés.

Après réflexion, il a semblé que le seuil minimal de financement devait être fixé à 74 milliards d'euros pour une Europe à vingt-cinq puis à vingt-sept, ce qui représente 23 euros par an et par habitant. Le soutien au développement rural ne connaîtrait ainsi pas de baisse en valeur absolue, malgré l'entrée de dix voire douze nouveaux pays. Au-delà, les réductions budgétaires conduiraient à un démantèlement que certains partenaires appellent du reste de leurs vœux. Il serait pourtant dommageable à la fois à la France et à l'Europe.

Le rapporteur a marqué son attachement à l'idée que l'agriculture devait s'ouvrir davantage sur le monde rural, même si elle a déjà commencé à le faire. Il a cependant émis le vœu que le FEADER ne finance pas des mesures typiques du premier pilier, comme le renforcement des normes agro-environnementales. Il serait également nécessaire de clarifier le statut de l'exploitant agricole, afin de savoir qui peut bénéficier des fonds de développement rural et à quel titre. Pour le financement de Natura 2000, un choix devra s'opérer entre toutes les mesures éligibles, sans doute sur la base du lien avec l'environnement rural immédiat. Enfin, même aux yeux des partisans d'une agriculture forte, l'axe 3 doit être privilégié parce qu'il apparaît porteur d'avenir. Au demeurant, la gestion devra être encore simplifiée et allégée de façon que les crédits puissent se répartir de manière très modulable entre les trois axes.

M. François Guillaume a estimé que le rapporteur a traité d'un sujet qui ne va pas sans susciter de nombreuses inquiétudes. Le problème central posé par l'avenir du développement rural est celui de la répartition des moyens entre le premier pilier et le deuxième pilier de la politique agricole commune. En effet, la Commission a volontairement mélangé les genres, alors même qu'avec l'élargissement, l'importance de la population rurale de l'Union européenne, qui a besoin d'un cadre d'action clair, s'est accrue.

A cela s'ajoute le fait que les dispositions de la Constitution européenne ne prévoient plus de distinction entre les dépenses non obligatoires et les dépenses obligatoires. Il appartiendra donc au Parlement européen de définir les moyens mis à la disposition des deux piliers de la politique agricole commune. Ce nouveau contexte est dangereux : auparavant, les objectifs de la politique définissaient les moyens ; maintenant, ce sont les moyens, définis par des députés européens n'étant pas toujours d'ardents défenseurs de la vocation agricole de l'Union, qui détermineront les ambitions de la politique.

La situation est donc entièrement nouvelle, et, de ce fait, dangereuse pour les agriculteurs. Or, la politique agricole commune est la seule politique vraiment intégrée de la Communauté, un des « fondamentaux » oubliés par la Commission européenne. En outre, les négociations commerciales multilatérales exercent des pressions considérables sur le monde agricole, qui rendent d'autant plus nécessaire le maintien d'aides fortes à la production. Aussi faut-il des aides directes aux revenus substantiels si l'Union européenne veut maintenir une activité agricole sur le territoire des Etats membres.

Pour certains membres du Parlement européen, la priorité consistera à transférer les crédits du premier pilier, celui des aides directes, vers le deuxième pilier. De plus, le deuxième pilier ne concerne qu'en partie la politique agricole, puisqu'il est destiné à soutenir le développement économique des campagnes. C'est pourquoi le développement rural n'est pas toujours lisible à l'heure où les critiques sur le productivisme des aides européennes se multiplient. Au total, M. François Guillaume a jugé que les conditions étaient réunies pour rendre quasiment irréversible le transfert des crédits du premier au deuxième pilier.

M. François Guillaume a estimé d'ailleurs que cette évolution programmée est illustrée par le fait que les crédits du premier pilier ont connu un ajustement à la hauteur de l'inflation, tandis que ceux du deuxième pilier ont augmenté de 13 %. S'élevant contre ce processus insidieux, il a rappelé avec force que la production agricole devait rester la principale activité dans le milieu rural. Car à l'inverse, la disparition apparemment inéluctable du premier pilier reviendra à faire de la France une sorte de Floride, tournée vers les emplois de service, comme les techniciens de surface.

M. François Guillaume a estimé que, compte tenu de ces observations, la proposition de résolution devait rappeler, en premier lieu, que la production agricole et la transformation sont les activités essentielles du milieu rural et qu'en deuxième lieu, les transferts de moyens entre le premier pilier et celui du développement rural étaient à proscrire. Ce basculement de crédits est parfois justifié en présentant le développement rural comme un instrument de soutien à l'installation des jeunes. Or, il ne faut pas être dupe : cet argument n'est qu'un leurre dans un contexte où la France a perdu la moitié de ses installations en dix ans.

En conclusion, M. François Guillaume a jugé que si la France empruntait cette mauvaise pente, elle sacrifierait bientôt l'activité agricole à un développement rural sans paysans.

Le rapporteur, en réponse à cette intervention, a précisé que les crédits de premier pilier ont été sanctuarisés par l'accord de Bruxelles. Ce dernier a donc validé jusqu'en 2013 les aides directes, même s'il a créé par ailleurs un mécanisme de transfert avec la modulation.

D'autre part, il serait excessif d'affirmer que le deuxième pilier est exclusivement destiné à financer des opérations non agricoles. Il convient de rappeler, à cet effet, que le premier axe prévu pour le développement rural concerne, notamment, les installations et les préretraites, deux instruments utiles au maintien de l'agriculture. Seul le troisième axe du développement rural peut être qualifié de non agricole. Mais celui-ci reprend des procédures déjà existantes : le programme « Leader + » se consacre déjà aux problèmes environnementaux, tout comme au soutien à la création de services.

Le rapporteur a ensuite souligné l'avantage que constitue la création d'un fonds spécifique, bien défini, pour le développement rural. Quant au risque que poserait un débat au Parlement européen sur l'avenir de cette politique, il a jugé préférable de faire confiance aux députés européens, ainsi qu'aux parlementaires nationaux, pour éviter toute dérive dans ce domaine. Enfin, il a indiqué que, dans son rapport, il est demandé que les industries agro-alimentaires puissent être éligibles aux aides du deuxième pilier.

Le Président Pierre Lequiller a observé, à cet égard, que l'entrée de la Pologne ne sera pas sans incidence sur ce débat, ce pays ayant les mêmes intérêts agricoles que la France.

M. François Guillaume a jugé que la Pologne était plutôt intéressée par l'accroissement des moyens financiers consacrés à un développement rural non agricole. En effet, ce pays compte de nombreuses petites exploitations, qui ne peuvent vivre de l'agriculture.

M. Jacques Floch a insisté sur l'importance de la distinction entre les aides directes et la politique de développement rural. Il a observé par ailleurs une différence notable entre la France et la Pologne, s'agissant de la place de l'agriculture dans leur économie. 20 % de la population polonaise est liée à l'activité agricole. Cette situation est semblable à celle que connaissait la France avant la guerre, et qui n'a disparu qu'au cours de la période des Trente Glorieuses. Le monde rural a alors connu un exode massif vers les villes, qui a permis de fournir à ces dernières une main-d'œuvre abondante. La Pologne est, en revanche, dans l'incapacité de vivre la même évolution historique. C'est pourquoi ce pays demande que soit instituée une aide importante au développement rural pour garder dans les campagnes son surplus de main-d'œuvre. Il s'agit, pour ce pays, d'un objectif prioritaire, permettant de ne pas faire entrer en concurrence ses paysans avec les populations urbaines cherchant du travail.

M. Jacques Floch a estimé, par ailleurs, que la France connaissait un développement de sa population rurale problématique. Les derniers résultats d'une enquête démographique de l'INED (Institut national d'études démographiques) sont à cet égard particulièrement éclairants sur le déplacement, vers les milieux ruraux, de personnes habitant auparavant dans les villes. A titre d'illustration, l'agglomération nantaise comprend désormais plus de quatre-vingts communes, alors qu'elle en comportait au départ seulement vingt-quatre. La limite extérieure de cette agglomération est située, aujourd'hui, à seulement quarante kilomètres environ de l'agglomération rennaise. Le profil des acheteurs de logements en milieu rural a lui aussi fortement évolué. Les achats de grandes superficies sont devenus minoritaires, les nouveaux propriétaires ou locataires qui s'installent à trente ou quarante kilomètres du centre-ville étant constitués de ménages à faibles revenus. Ces nouveaux habitants des campagnes décident de quitter la ville, car ils n'ont plus le niveau de vie permettant d'y résider. Cela aboutit à peupler les zones rurales de personnes apportant peu d'argent aux communes et coûtant relativement cher en matière de services.

M. Jacques Floch a de nouveau affirmé que les crédits affectés à la production et à la transformation des produits agricoles et ceux affectés au développement rural devaient être rigoureusement distingués. Cette séparation est d'autant plus nécessaire que toute confusion en la matière ne peut qu'alimenter le discours démagogique sur le coût des aides versées aux agriculteurs. De plus, cette approche permet de bien distinguer ce qui relève de la politique de développement rural, ce qui aura pour conséquence d'inciter les Polonais à soutenir notre position. En effet, ces derniers sont les premiers concernés par l'institution d'un deuxième pilier aux contours bien définis.

M. Jérôme Lambert a jugé que le coût de la politique agricole doit être rapporté au soutien indispensable qu'elle apporte aux petits exploitants. Cette politique permet à 80 % des agriculteurs de survivre en vendant des produits à des prix qui ne permettent pas de couvrir les coûts de production, tout en respectant des normes élevées de qualité et de sécurité. Pour les 20 % d'agriculteurs restants, travaillant dans des exploitations rentables, l'aide communautaire leur permet effectivement de vivre mieux.

M. François Guillaume a proposé qu'après le point n° 2 de la proposition de résolution présentée par le rapporteur, soit inséré un nouveau point 3 indiquant que les activités de production et de transformation représentent l'essentiel de la vie économique en milieu rural. Il a ensuite proposé que le texte demande une séparation nette des crédits affectés aux deux piliers. Il a, enfin, jugé la rédaction du point 4 dangereuse, car elle semble valider la modulation comme mécanisme d'abondement des crédits du deuxième pilier par ceux du premier pilier. Or, avec l'élargissement, une insuffisance de crédits à hauteur de 10 % était apparue pour le financement de la politique agricole commune.

M. Jacques Floch a également souhaité que soit affirmée de manière plus forte la distinction entre les deux piliers.

La Délégation a alors adopté, sur proposition du rapporteur, un nouveau point 1, rappelant que le développement de la production agricole est financé par le premier pilier et qu'aucun transfert entre les deux piliers ne peut être prévu en dehors de la modulation.

Puis, la Délégation a adopté, sur proposition de M. Christian Philip et du rapporteur, au point 2, relatif à l'approbation de la définition d'une politique autonome de développement rural, un amendement précisant qu'il s'agit d'une ambition.

Au point 6, la Délégation a adopté, sur proposition de M. Jacques Floch, un amendement indiquant que l'aide à l'installation doit fournir à l'exploitant, et non au propriétaire, des revenus rémunérateurs.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 14 juillet 2004 sur le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (COM (2004) 490 / E 2655),

1. Rappelle que l'action de l'agriculture européenne est financée par le premier pilier et qu'en aucun cas des transferts ne sauraient avoir lieu du premier au deuxième pilier en dehors du cadre de la modulation ;

2. Approuve l'ambition de définir une politique autonome de développement rural pour la période 2007-2013 ;

3. Estime que cet objectif ne saurait être mis en œuvre de façon satisfaisante sans un financement global d'au moins 74 milliards d'euros pour l'ensemble de la période ;

4. Demande que la ventilation a priori des crédits entre les différents axes d'action soit assortie de la possibilité de réviser à mi-parcours ladite ventilation, afin d'éviter toute annulation automatique de crédits ;

5. Juge qu'un tiers au moins des crédits issus de la modulation devrait être réservé aux actions de diversification de l'économie rurale et de qualité de vie en milieu rural, dont la mise en œuvre trace des perspectives d'avenir particulièrement intéressantes pour les campagnes européennes ;

6. Considère que toute aide à l'installation doit être soumise à une évaluation préalable de la viabilité économique du projet, l'exploitation ouverte ou reprise devant présenter une chance raisonnable de fournir à son exploitant des revenus rémunérateurs sur le moyen et sur le long terme, compte tenu de l'évolution générale des marchés et de la réglementation communautaire ;

7. Demande que le règlement européen précise quelles dépenses dues à la mise en œuvre des directives Natura 2000 sont admissibles à un soutien au titre de l'aménagement de l'espace, en exigeant le cas échéant que la preuve soit apportée d'un lien direct avec le développement de l'espace rural concerné ;

8. Souhaite que l'aide au boisement soit d'une part ouverte à l'ensemble des gestionnaires, publics et privés, de la forêt ; qu'elle soit d'autre part soumise à des conditions plus strictes d'octroi, qui prennent en compte le type de paysage où le boisement est prévu, mais aussi l'espèce des arbres à planter, en privilégiant expressément les essences feuillues ;

9. Estime que la rédaction du règlement serait améliorée s'il formalisait la possibilité de délégations de compétence aux autorités de gestion de programme, afin de permettre dans les Etats membres la meilleure articulation possible entre les échelons administratifs national, régional et local ;

10. Demande la suppression de la retenue préalable de 3 % de la dotation budgétaire sous la forme d'une réserve de performance, au profit d'une répartition claire et complète des crédits dès le commencement de la programmation. »

II. Communication de M. Daniel Garrigue, sur la modernisation du cadre réglementaire des produits chimiques dans l'Union européenne, dit système Reach

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a indiqué que le 29 octobre 2003, la Commission avait présenté une proposition de règlement et une proposition de directive concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances. L'ensemble de cette réglementation est dit système REACH (« Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals »).

Le système REACH se donne pour objectif de renforcer les connaissances sur les substances chimiques et de permettre ainsi une meilleure gestion des risques liés à leur production et leur utilisation.

Les enjeux pour l'Union européenne sont particulièrement importants.

Selon la réglementation en vigueur, seules 3000 substances chimiques, sur un nombre global de 100 000 substances recensées, font l'objet de tests avant leur entrée sur le marché. On constate actuellement dans l'opinion publique un mouvement de crainte vis-à-vis des substances chimiques et de leur utilisation.

Par ailleurs, l'industrie chimique est un secteur économique stratégique. L'Union européenne se situe au premier rang mondial, avec 28 % de parts de marché et un excédent commercial de 12 milliards d'euros. Le secteur emploie 1,7 million de personnes.

Il s'agit donc d'un projet important sur lequel le rapporteur a indiqué qu'il reviendrait prochainement devant la Délégation, lorsque l'examen par le Parlement européen sera un peu plus avancé.

Face aux lacunes de la réglementation en vigueur, la Commission propose un système ambitieux. En effet, la législation actuelle ne permet pas un contrôle complet des substances chimiques.

La réglementation actuelle des substances chimiques dites « générales » est fondée sur la distinction entre les substances « existantes », c'est-à-dire mises sur le marché avant 1981, (100 000 substances sont recensées), et les substances « nouvelles » introduites après cette date (au nombre de 3 000). Si le système d'évaluation des risques des substances nouvelles est jugé efficace, il est très insuffisant pour les substances existantes qui n'ont pas été validées au regard des connaissances et des appareils d'analyse actuels.

La proposition de la Commission vise à harmoniser les exigences pour les substances existantes et nouvelles, tout en renforçant l'efficacité du système.

L'enregistrement est le principal élément du système. En effet, REACH n'est pas un dispositif d'autorisation de mise sur le marché mais de communication de données par l'industrie, sans réponse systématique des autorités publiques.

Le règlement prévoit une obligation générale d'enregistrement par les fabricants et les importateurs, auprès de la future Agence européenne des produits chimiques, des substances fabriquées ou importées en quantité de plus d'une tonne par an, ce qui devrait représenter 30 000 substances commercialisées.

REACH renverse la charge de la preuve : tandis que dans le système actuel, les autorités publiques sont tenues d'identifier et de gérer les problèmes de sécurité des substances chimiques, avec REACH les fabricants et importateurs devront acquérir, au besoin en réalisant de nouveaux essais, des connaissances sur les substances et les exploiter afin de gérer les risques qu'elles peuvent présenter. Ils devront en outre traiter les risques de toute utilisation portée à leur connaissance par les utilisateurs en aval. Ceux-ci pourraient ne pas identifier une utilisation mais devraient alors procéder eux-mêmes à l'évaluation de sécurité chimique. A l'inverse, le fabricant pourrait refuser de fournir une substance, s'il estime ne pas pouvoir appuyer son utilisation.

Des exemptions d'enregistrement sont prévues pour les substances faisant l'objet d'une réglementation au titre d'une autre législation, celles présentant des risques très faibles et les polymères.

Les entreprises pourraient former des consortiums aux fins d'enregistrement pour une même substance. Le partage des données provenant de tests sur les animaux serait obligatoire, moyennant une rémunération.

L'évaluation serait de trois types : l'évaluation des propositions d'essai, obligatoire, afin de prévenir les essais inutiles sur les animaux ; l'évaluation des dossiers, afin de vérifier leur conformité aux exigences prévues ; et enfin l'évaluation des substances. Les autorités des Etats membres pourraient demander à l'industrie de fournir des informations supplémentaires en cas de risque potentiel pour la santé et l'environnement. L'Agence européenne des produits chimiques ferait des recommandations sur les substances prioritaires à évaluer et les Etats membres prépareraient des plans glissants des substances qu'ils souhaitent évaluer.

Les substances extrêmement préoccupantes (les substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ; les substances persistantes, bio-cumulatives et toxiques, ainsi que d'autres substances comme les perturbateurs endocriniens ) feraient l'objet d'autorisations de leurs différentes utilisations et de leur mise sur le marché.

En cas de risques très importants, des restrictions pourraient concerner les conditions de fabrication, l'utilisation et/ou la mise sur le marché d'une substance, voire l'interdiction de ces activités.

L'Agence européenne des produits chimiques gérerait le processus d'enregistrement, veillerait à la cohérence de l'évaluation (qui relève des Etats) et formulerait des avis et recommandations pour les autorisations et les restrictions. Il est prévu qu'elle aura son siège à Helsinki.

Le système serait mis en œuvre sur une période de trois à onze ans, les substances produites en grande quantité devant être enregistrées en priorité.

Le rapporteur a ensuite souligné les principales questions posées par la proposition et, en premier lieu, celle de la faisabilité du système.

La Commission a largement modifié sa proposition par rapport au document de consultation qu'elle avait publié en mai 2003, dans le sens d'un allégement du système. En septembre 2003, le Président Chirac, le Premier ministre Blair et le Chancelier Schröder avaient adressé une lettre commune au Président de la Commission, demandant que soit mieux prise en compte l'exigence de compétitivité de l'industrie chimique en Europe.

Ces préoccupations ont trouvé un écho dans les conclusions du Conseil européen des 22 et 23 mars derniers, qui affirment que « Tout accord sur REACH doit concilier les soucis de protection de l'environnement et de la santé avec la nécessité de promouvoir la compétitivité de l'industrie européenne, tout en accordant une attention particulière aux PME et à leur capacité d'innovation ».

S'il est favorable aux objectifs de REACH, le secteur industriel considère encore que le système proposé est trop complexe et menace la compétitivité européenne.

L'impact de REACH est le point le plus controversé. De très nombreuses études d'impact (une quarantaine) ont été réalisées et leurs conclusions sont parfois extrêmement éloignées. Ainsi, selon la Commission, le coût total pour l'industrie et les utilisateurs en aval serait compris entre 2,8 et 5,2 milliards d'euros. Selon l'Union des industries chimiques (UIC), il s'élèverait à 28 milliards d'euros seulement pour la France.

En octobre 2004, la présidence néerlandaise du Conseil a organisé un atelier visant à faire la synthèse des différentes études d'impact. Le rapport final estime à 4 milliards d'euros les coûts directs pour les entreprises et souligne que les PME seront plus affectées que les grandes entreprises.

La Commission et l'industrie réalisent actuellement des études d'impact sectoriel, dans les secteurs de l'automobile, de l'électronique, des emballages flexibles et des matières premières, de façon à déterminer dans quelle mesure l'impact de REACH pourrait provoquer l'arrêt de la production de certaines substances, ainsi que les effets potentiels sur les utilisateurs en aval et l'innovation. Les premières conclusions de ces études viennent d'être publiées. Elles feront l'objet d'une réunion du groupe ad hoc du Conseil les 10 et 11 mai prochains.

L'une des questions importantes concernant la phase d'enregistrement est celle de la définition des critères déterminant les délais, ainsi que l'étendue des données demandées aux entreprises.

La Commission a retenu un ordre de priorité fondé essentiellement sur les quantités produites ou importées. La question de la possibilité d'une meilleure prise en compte des risques et de l'exposition, de façon à fixer des priorités dans la phase d'enregistrement, peut se poser. Par ailleurs, on notera que le relèvement du seuil à partir duquel une substance nouvelle doit faire l'objet d'essais (qui passe de 10 kg à 1 tonne) est favorable à l'innovation et à la recherche.

L'ensemble du dispositif exigera des capacités d'expertise et d'analyse très importantes, dont il n'est pas certain aujourd'hui qu'elles soient disponibles et opérationnelles. C'est ainsi par exemple que l'application de la réglementation exigera le développement des compétences et des connaissances en toxicologie, une discipline qui n'est pas forcément très développée dans tous les pays de l'Union européenne, notamment en France.

La deuxième grande question qui se pose est celle du partage des données et de la confidentialité.

La proposition prévoit un partage obligatoire des données provenant des tests sur les animaux, afin de limiter leur nombre, et un partage facultatif des autres données lors de l'enregistrement. Les entreprises auraient la possibilité de former des consortiums aux fins d'enregistrement.

En 2004, le Royaume-Uni et la Hongrie ont proposé au Conseil un système alternatif, connu sous le terme « Une substance - un enregistrement ». Celui-ci prévoit le partage obligatoire par l'ensemble des producteurs et importateurs des données de base sur une substance, préalablement à son premier enregistrement. Ces données de base concernent les propriétés intrinsèques de la substance. En compensation, un partage des coûts serait opéré.

Cette proposition a été assez favorablement accueillie au Conseil mais des débats doivent encore avoir lieu car de nombreuses questions juridiques et pratiques se posent, notamment en matière de propriété des données.

A ce sujet, il faut remarquer que la recherche d'une plus grande transparence et d'une meilleure information du public font partie des objectifs de REACH mais que la confidentialité des données stratégiques pour les entreprises doit également être protégée.

Les articles 115 et 116 de la proposition de la Commission distinguent 3 catégories de données : des informations seront systématiquement publiées par l'Agence : il s'agit des données fondamentales sur les dangers, des conseils d'utilisation, des informations nécessaires à l'identification de la substance ; d'autres pourront être communiquées sur demande, sauf si les entreprises les ayant fournies s'y opposent de façon justifiée ; d'autres, enfin, seront toujours confidentielles (par exemple celles concernant l'utilisation d'une substance, son mode d'élaboration ou la quantité produite).

D'autre part, il paraît utile de s'interroger sur l'interférence entre l'application de REACH et les droits de propriété industrielle.

La portée du contrôle, notamment à l'égard des produits importés est également un point important.

REACH s'appliquera à certaines substances présentes dans les produits : si elles sont classées comme dangereuses, si elles sont rejetées lors de l'utilisation et si elles sont présentes en quantité supérieure à une tonne par an (à titre d'exemple, cela pourrait concerner les imprimantes ou les stylos).

Cependant, pour la grande majorité des produits, il existera une différence de traitement entre ceux fabriqués dans l'Union européenne, dont les composants chimiques auront été évalués et sur lesquels se répercuteront les coûts de REACH, et les produits importés (les substances importées seront soumises à la réglementation mais pas celles ayant servi à la fabrication de produits hors de l'Union européenne). Une attention particulière doit être portée à la question du contrôle des jouets fabriqués hors de l'Union européenne.

Enfin, la question du rôle de l'Agence européenne des produits chimiques doit être soulignée.

Dans la proposition de la Commission, la responsabilité de l'évaluation appartient aux Etats membres. En particulier, l'évaluation des substances, facultative, serait réalisée par l'Etat membre qui aura inscrit la substance dans son plan.

La France a formulé une proposition visant à faire de l'Agence le responsable technique de l'évaluation, de façon à permettre l'exercice d'une responsabilité globale, à harmoniser les procédures d'évaluation, à assurer un financement adéquat via les redevances perçues par l'Agence et enfin à renforcer la lisibilité du système pour les différents acteurs. Dans ses fonctions, l'Agence serait assistée par un réseau européen structuré d'agences et d'instituts.

En conclusion, le rapporteur a estimé que la proposition REACH était un dossier complexe, aux enjeux importants. La première lecture au Parlement européen est prévue en octobre prochain et un accord politique au Conseil pourrait intervenir fin 2005. Les questions évoquées n'ont pas encore reçu de réponse définitive, il importe donc de suivre attentivement ce projet. Un certain consensus existe aujourd'hui sur la nécessité de concilier la protection de la santé et de l'environnement, d'une part, et la compétitivité de l'industrie européenne, d'autre part.

Le Président Christian Philip a souligné l'importance de ce projet, qui concerne la compétitivité de l'industrie chimique européenne et repose sur la nécessité, au nom de l'intérêt général, d'un contrôle des substances utilisées, comme le montre l'affaire de l'amiante, même si elle n'est pas à proprement parler une substance chimique.