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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 129

Réunion du jeudi 9 juin 2005 à 9 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen du rapport d'information de MM. René André et Marc Laffineur sur les perspectives financières 2007-2013

M. René André, rapporteur, a souligné que la négociation des perspectives financières pluriannuelles de l'Union européenne n'est jamais un exercice facile. La présente négociation est particulièrement ardue et son issue reste douteuse. Malgré la détermination de la Présidence luxembourgeoise, malgré le succès qu'elle a remporté avec la réforme du Pacte de stabilité et de croissance au Conseil européen du mois de mars, malgré les timides progrès réalisés ces dernières semaines, il n'est pas certain qu'un accord sera trouvé lors du Conseil européen des 16 et 17 juin prochains, même si celui-ci demeure l'échéance annoncée, et malgré le fait que les acteurs de la négociation sont unanimes à saluer les efforts du Président Jean-Claude Juncker.

Il existe déjà deux certitudes. D'une part, conformément aux attentes de la grande majorité des Etats, l'accord ne pourra être que global, les discussions sur les dépenses se trouvant étroitement liées aux débats sur les ressources et sur la répartition de la charge du financement. Il n'y aura pas d'accord si toutes les rubriques, toutes les questions, ne sont pas réglées. D'autre part, la volonté de discipline budgétaire exprimée très tôt et constamment réaffirmée par la France et par plusieurs de ses partenaires, notamment l'Allemagne, sera nécessairement prise en compte puisqu'elle se trouve placée au cœur de toutes les discussions. Les propositions de la Commission, que beaucoup s'accordent à trouver trop coûteuses et déséquilibrées, seront nécessairement revues à la baisse par le Conseil. Les propositions successives de compromis formulées par la Présidence vont toutes dans ce sens.

Les perspectives financières sont le cadre pluriannuel dans lequel viennent s'inscrire les budgets annuels de l'Union. Elles visent donc à traduire en termes budgétaires, par grandes enveloppes, les priorités de l'action communautaire. Juridiquement, elles prennent la forme d'un accord interinstitutionnel basé sur une décision du Conseil européen et affectant des plafonds annuels aux différentes rubriques de la nomenclature budgétaire, dans le respect du plafond des ressources propres qui a été fixé antérieurement. Politiquement, elles constituent pour les Etats membres l'occasion d'exprimer une vision unanime des ambitions légitimes de l'Union européenne, à travers les moyens financiers qu'ils choisissent d'y affecter, et des choix fondamentaux en termes de financement. L'enjeu est donc bien plus considérable que la taille, modeste, du budget.

Le budget communautaire a représenté en crédits de paiement 99,8 milliards d'euros pour l'année 2004. Le budget pour l'année 2005 prévoit, avec désormais vingt-cinq Etats membres, 106 milliards d'euros en crédits de paiement. En volume, le budget a bien évidemment augmenté, au fur et à mesure que l'action communautaire se diversifiait et s'enrichissait. Mais en proportion de la richesse de l'Union, il s'est stabilisé depuis quelques années aux alentours de 1 %. Et c'est autour de ce « 1 % » que la France doit se battre, comme le fait son partenaire allemand.

Ce choix essentiel, les contraintes budgétaires nationales l'ont dicté. La volonté de concentrer les dépenses sur l'exécution des engagements pris et sur la recherche exigeante de la valeur ajoutée l'a conforté. L'ambition de susciter une réflexion d'ensemble sur l'équité du financement du budget l'a étayé.

Pourquoi, en effet, la France et cinq autres pays ont-ils souscrit formellement, dès le mois de décembre 2003, avant même que la Commission n'ait formulé ses propositions, à l'objectif d'une limitation des dépenses communautaires à 1 % du RNB ? Parce que les contraintes budgétaires nationales liées au respect du Pacte de stabilité, notamment en Allemagne et en France, rendent impérative la rigueur au niveau communautaire comme au niveau national, et qu'il importait de poser son principe en préalable à toute négociation. Les rapporteurs ont cependant constaté au cours des auditions qu'ils ont menées que ce sentiment n'était pas partagé par tous, notamment au sein de la Commission européenne.

Tout en rendant possible une certaine augmentation en volume du budget communautaire par rapport à la période précédente, l'objectif du « 1 % » permet à la France comme aux autres contributeurs nets d'envisager une augmentation limitée, maîtrisée, de leur participation annuelle. Dans la suite des négociations, il est apparu clairement que le scénario basé sur cette ligne de conduite était le seul susceptible de prévenir une dégradation insupportable du solde net des plus lourds contributeurs.

En ce qui concerne la France, le prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit de l'Union européenne s'est élevé à 15,5 milliards d'euros en 2004, et le solde net de la France, à -0,19 % du RNB. Le scénario proposé par la Commission pour les perspectives financières, s'il est adopté - mais il ne le sera pas - ferait passer le premier à 23 milliards d'euros en 2013, et le second à -0,37 %, ce qui est absolument incompatible avec le respect par la France du Pacte de stabilité et de croissance. La limitation du budget de l'Union à 1 % du RNB permettrait de les faire évoluer de manière beaucoup plus acceptable, pour atteindre 18 milliards à la fin de la période en ce qui concerne la contribution brute, et -0,32 % du PIB en ce qui concerne le solde net, si le mode de financement du budget demeure inchangé. La contrainte budgétaire est également très forte en Allemagne. Or la contribution brute allemande passerait de 22 milliards d'euros en 2004 à 28 milliards en 2013 si les propositions de la Commission étaient adoptées, ce qui est, il faut le répéter, totalement irréaliste et inacceptable.

La volonté de stabiliser le budget à hauteur de 1 % du RNB va de pair avec la nécessaire et absolue remise en cause du mécanisme dit du « chèque britannique », qui apparaît aux deux rapporteurs comme étant complètement inadapté et injuste puisque tous les nouveaux Etats membres doivent participer à son financement alors que leur niveau de vie est très inférieur à celui du Royaume-Uni. Par son anachronisme, son coût, ses conséquences inéquitables, le chèque britannique constitue à la fois une anomalie grave et une clé pour une solution globale. La situation du Royaume-Uni est totalement choquante, au regard de l'équité et de la solidarité, autant pour le passé que pour les projections faites sur la période 2007-2013. A mécanisme inchangé, le coût de ce chèque est estimé en effet à 56 milliards d'euros sur la période. Quant aux propositions de la Commission, elles ne sont pas plus acceptables car elles ne règlent pas le problème et pérenniseraient l'existence d'une charge injuste pour la France, pour l'Allemagne et pour les nouveaux Etats membres.

La disparition progressive de ce système injustifié permettrait donc de dégager une marge de manœuvre très conséquente pour opérer une répartition équilibrée des catégories de dépenses, et pour ménager la possibilité de concilier deux exigences coûteuses : garantir aux nouveaux Etats membres des fonds communautaires à la hauteur de leurs espoirs, et faire un geste à l'égard de certains de nos partenaires qui rencontrent ou vont rencontrer des difficultés particulières, notamment l'Allemagne qui supporte seule ou presque les lourdes conséquences de sa réunification, et l'Espagne qui va perdre brutalement le bénéfice du Fonds de cohésion. Répondre aux attentes des nouveaux Etats membres serait bien sûr conforme à leurs intérêts, mais irait également dans le sens de l'intérêt des anciens Etats membres, car l'amélioration du niveau de vie permettra de réduire le « gap » entre anciens et nouveaux membres et ainsi de diminuer les craintes vis-à-vis de l'élargissement qui se sont manifestées notamment en France.

Par conséquent, la responsabilité du Royaume-Uni dans la recherche du compromis final sur les perspectives financières doit être soulignée, comme n'a pas manqué de le faire la Présidence luxembourgeoise lors du Conseil du 22 mai dernier. Il n'est pas certain que le Royaume-Uni ait entendu cet appel.

Le dernier volet de l'argumentaire du gouvernement français, une fois posée l'absolue nécessité de respecter la discipline budgétaire et de mettre en place un système de financement équitable, concerne bien sûr les dépenses. Il s'agit là de répondre aux critiques qui soulèvent la question suivante : « Que peut faire l'Union avec un budget limité à 1 % de sa richesse ? ». Les rapporteurs considèrent qu'il est possible de faire, avec un tel budget, beaucoup plus que ce que certains craignent, disent ou souhaitent. L'Union peut, et doit, respecter les engagements qu'elle a pris et que les Etats membres ont approuvés à l'unanimité : les engagements vis-à-vis des nouveaux Etats membres, en termes d'intégration dans le Marché commun et d'extension des politiques communautaires existantes, et les engagements vis-à-vis des agriculteurs avec les accords relatifs à la réforme de la P.A.C. Les deux rapporteurs ont insisté sur le fait qu'il n'était pas question d'accepter de revenir sur l'accord conclu grâce au Président Jacques Chirac et au Chancelier Gerhard Schröder. Une remise en cause de cet accord serait à considérer par les parlementaires comme un véritable casus belli. L'Union européenne doit pouvoir poursuivre son action et assurer la solidarité promise et attendue.

Le respect de ses propres engagements exige aussi que l'Union consacre des moyens financiers aux mesures d'application de la stratégie de Lisbonne qui relèvent de ses compétences. Dans la mesure où la réalisation de cette stratégie relève, pour l'essentiel, des Etats membres et non de l'Union, il est indispensable de concentrer les dépenses communautaires correspondantes sur les actions dont la valeur ajoutée est potentiellement la plus forte par rapport aux actions nationales dispersées, dans le respect du principe de subsidiarité. A cet égard, l'importance des dépenses en faveur de la recherche-développement est soulignée, dans les négociations, par la plupart des Etats membres et notamment par la France.

Un budget communautaire à hauteur de 1 %, et une enveloppe globale de 815 milliards d'euros pour sept ans, ne sont pas limitatifs au point d'exclure toute possibilité d'action entièrement nouvelle. Ainsi, et c'est un point essentiel pour l'évolution de l'Union, le développement d'une Politique européenne de sécurité et de défense encore embryonnaire pourrait passer par une politique communautaire de la recherche plus diversifiée. En effet, s'agissant des dépenses de recherche, une piste de réflexion insuffisamment exploitée pour l'instant est celle de la recherche liée à la sécurité et à la défense. Il serait envisageable de proposer la création d'un Fonds européen pour la recherche de défense, et ce, d'autant plus qu'il existe désormais une Agence européenne de l'armement dont l'une des missions est de renforcer l'efficacité de la recherche européenne et de gérer directement des contrats de recherche en coopération.

Quand bien même un accord ne serait pas trouvé la semaine prochaine, il est utile que l'Assemblée nationale se saisisse aujourd'hui de la question des perspectives financières car tous les éléments du débat sont désormais connus. Les propositions de la Commission sont sur la table, le Parlement européen a élaboré une proposition alternative moins coûteuse en apparence mais qui ne satisfait pas non plus les Etats membres. Ceux-ci ont fait connaître leurs priorités en matière de dépenses et les impératifs qui restreignent, le cas échéant, leurs marges de manœuvre. La plus récente proposition de compromis présentée par la présidence luxembourgeoise se base sur une enveloppe globale de 875 milliards d'euros pour sept ans, soit 1,06 % du RNB communautaire. La position française, réaliste et solidaire, et les principes qui la sous-tendent doivent être soutenus tout au long du processus qui conduira au compromis final.

M. René André, rapporteur, a conclu sa présentation en rappelant fermement les trois impératifs exposés dans le rapport : l'accord devra se conclure à 1 % ou à hauteur de 1 % ; le chèque britannique doit être supprimé ; enfin, il faut maintenir la P.A.C. et engager hardiment l'Union européenne dans la réalisation de la stratégie de Lisbonne en ayant à cœur de développer la recherche, notamment en lien avec la défense.

M. Marc Laffineur, rapporteur, a rappelé que la lettre demandant le plafonnement du budget communautaire à 1 % du RNB avait été signée en décembre 2003 par la France et les autres principaux contributeurs en réaction aux travaux de la Commission, qui se limitaient à prévoir des crédits pour de nouvelles actions sans procéder au réexamen des moyens affectés aux politiques actuelles, ce qui n'est pas adapté. Par ailleurs, le Pacte de stabilité imposant aux Etats concernés la limitation de leur déficit à 3 % du PIB, il est difficile de leur demander d'accepter un budget en augmentation de 27 %. Pour la France, ainsi, les propositions de la Commission exigeraient in fine un prélèvement annuel de 23 milliards d'euros, contre environ 16 milliards d'euros actuellement. Or, le budget de l'Etat est limité depuis quelques années par la stabilité en volume de ses dépenses, soit une augmentation en valeur de l'ordre de 3 à 3,5 milliards d'euros. Si l'effort en faveur de l'Europe devait être supérieur à ce chiffre, il faudrait alors ne plus compenser l'inflation et prévoir des diminutions sur un budget composé à hauteur de 40 % de dépenses de personnel. La contrainte serait d'autant plus forte que le glissement-vieillissement-technicité (GVT) implique une évolution de 1 à 2 % l'an et que toute revalorisation de 1 % du point d'indice de la fonction publique implique une charge de plus de 800 millions d'euros. Souscrire à la proposition de la Commission obligerait donc la France à résoudre une nouvelle quadrature du cercle.

La position exprimée par le Parlement européen est en trompe l'œil. La diminution des enveloppes globales repose en partie sur l'exclusion de certaines dépenses du cadre financier, notamment sur la non-intégration du Fonds européen de développement, contrairement à ce qu'avait prévu la Commission.

Avec 815 milliards d'euros contre 1.022 milliards d'euros pour la proposition de la Commission, la position à laquelle à souscrit la France permet de mener une bonne politique.

Il s'agit dans cet esprit de définir les priorités. La première d'entre elles est le respect des engagements envers les nouveaux Etats membres. Il faut à cet égard rappeler combien les progrès de l'Irlande, de l'Espagne et du Portugal ont été profitables pour l'ensemble de l'Europe. Le plafonnement des aides en fonction du PIB est réaliste, car il faut tenir compte de la capacité d'absorption des Etats membres. Les difficultés de trouver, en France, au plan national les financements nationaux complémentaires aux crédits européens lors de la mise en place de la politique régionale sont là pour le rappeler.

Le respect de l'accord d'octobre 2002 sur le premier pilier de la PAC constitue la deuxième priorité. Il ne peut être question de revenir sur la signature des chefs d'Etat et de Gouvernement, d'autant que le poids relatif des dépenses agricoles a fortement diminué, de 0,61 % du PIB en 1993 à 0,34 % prévu pour 2013. La somme prévue de 301 milliards d'euros doit être maintenue, et les 8 milliards inscrits au titre de la Roumanie et de la Bulgarie ne doivent pas être imputés sur les 293 milliards nécessaires aux vingt-cinq actuels Etats membres.

La troisième priorité est de rendre plus efficace la dépense européenne, en prenant mieux en compte les objectifs de la stratégie de Lisbonne. L'effort sur les dépenses de recherche doit intervenir par des appels à projet, et la politique régionale doit être globalement revue. Son contenu peut d'ailleurs être enrichi par une dimension de recherche permettant de financer les équipes les plus performantes.

Le quatrième objectif est la suppression de l'abattement britannique. Les propositions de la Présidence luxembourgeoise sur le plafonnement de son montant et sa diminution progressive doivent être soutenues.

Les négociations qui interviendront les 16 et 17 juin prochains seront difficiles, mais l'hypothèse d'un accord ne doit pas être exclue.

La Présidence propose un budget à 1,06 % du RNB, soit 870 à 875 milliards d'euros, ce qui est différent de la position française. Le débat porte non seulement sur les chiffres, mais également sur le type de crédits qu'ils concernent : crédits de paiement ou crédit d'engagement.

Le niveau des soldes nets constitue l'un des enjeux majeurs de la discussion pour les plus gros contributeurs en termes relatifs, l'Allemagne, la Suède et les Pays-Bas. Si un mécanisme de correction généralisé tel que celui proposé par la Commission n'est pas admissible, en ce qu'il porte atteinte aux principes de la solidarité européenne, le mécanisme proposé par la Présidence d'un abattement sur la ressource TVA est assez judicieux.

Par ailleurs, la Présidence propose une modernisation des finances communautaires, avec un réexamen général, dans le futur, des ressources propres et la possibilité de créer de nouvelles ressources propres autonomes. Les perspectives d'une harmonisation des bases de certains impôts sont donc ouvertes.

En conclusion, la proposition de résolution présentée reprend les principaux points qui viennent d'être évoqués.

Le Président Pierre Lequiller a jugé important que la Délégation pour l'Union européenne prenne position, alors que la négociation sur les perspectives financières se révèle très difficile, surtout après le rejet du Traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas. Après avoir indiqué que la Commission des Finances de l'Assemblée nationale se prononcera à son tour le 15 juin sur le texte adopté par la Délégation, le Président Pierre Lequiller a fait état d'une récente inflexion de l'Allemagne, qui pourrait assouplir sa position, sous certaines conditions. Par ailleurs, si le Premier ministre britannique, M. Tony Blair, a réaffirmé le 8 juin devant la Chambre des Communes qu'il n'est pas question de supprimer l'abattement dont bénéficie son pays, il semblerait toutefois qu'il ait été moins catégorique sur le montant de ce « chèque », ce qui pourrait laisser entendre une évolution de la position du Royaume-Uni. En tout état de cause, les questions budgétaires se trouvent au centre du débat européen, comme cela s'est vérifié lors du référendum néerlandais sur le Traité constitutionnel. Il est souhaitable que les parlementaires apportent un soutien constructif à la position française.

Après avoir salué la qualité de l'exposé des rapporteurs, M. Bernard Deflesselles s'est interrogé sur l'éventualité d'une évolution de la position française dans le cadre d'un compromis global sur le budget européen. Dans cette hypothèse, il a demandé aux rapporteurs quelles marges de manœuvre avaient pu être prises en compte pour que, in fine, le Parlement ne se trouve pas en décalage par rapport au Gouvernement.

En réponse, M. René André, rapporteur, a regretté qu'en effet, sur certains sujets, à l'image de l'intention exprimée par le nouveau ministre de l'Education nationale de ne pas signer les décrets d'application de la loi sur l'école, le travail parlementaire soit malheureusement trop souvent tenu pour quantité négligeable. Mais en l'espèce, le texte de la résolution est adapté aux circonstances.

M. Marc Laffineur, rapporteur, a confirmé que la position de la Délégation s'inscrivait dans le cadre des négociations en cours.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la position de la France concernant la limitation du niveau de la dépense communautaire à hauteur de 1 % du RNB est parfaitement compréhensible si on la lie à la phase d'entrée en négociation. C'est pourquoi le Gouvernement doit être soutenu par le Parlement : cette position est un signe de responsabilité.

Après les observations de M. André Schneider, sur proposition de M. René André, rapporteur, la Délégation a adopté deux amendements précisant, d'une part, que les Etats membres doivent se plier à l'effort de maîtrise de la dépense publique et, d'autre part, que les propositions de la Commission prévoient une progression trop importante des dépenses communautaires.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de résolution, ainsi modifiée, dont le texte figure ci-après :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication de la Commission « Construire notre avenir commun - Défis politiques et moyens budgétaires de l'Union élargie 2007-2013 » (COM [2004] 101 final du 10 février 2004),

- Vu la communication de la Commission du 14 juillet 2004 sur les perspectives financières 2007-2013 (COM [2004] 487 final du 14 juillet 2004 / E 2800),

- Vu le document de travail de la Commission relatif au renouvellement de l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (COM [2004] 498 final du 14 juillet 2004),

- Vu la proposition de décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes et la proposition de règlement du Conseil fixant les mesures d'exécution de la correction des déséquilibres budgétaires conformément aux articles 4 et 5 de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes (COM [2004] 501 final du 14 juillet 2004 / E 2674),

- Considérant que les interventions budgétaires de l'Union européenne doivent être réservées aux domaines où l'action communautaire est plus efficace que les actions nationales et apporte une réelle valeur ajoutée,

- Considérant que les choix budgétaires qui seront opérés dans le cadre de l'élaboration du nouveau cadre financier de l'Union devront à la fois assurer la poursuite de la Politique Agricole Commune selon les conditions définies par l'accord de Bruxelles d'octobre 2002, garantir la continuité de la politique régionale et structurelle dans une Europe élargie, ainsi que pour les régions ultra-périphériques, et permettre le développement d'actions nouvelles pour lesquelles l'Union est en mesure d'intervenir plus efficacement que ses Etats membres,

- Soulignant que l'Union européenne ne saurait s'exonérer de l'effort de maîtrise de la dépense publique auquel doivent se plier les Etats membres,

- Constatant que les propositions de la Commission pour l'établissement des prochaines perspectives financières prévoient une progression trop importante des dépenses communautaires en suivant une logique d'accumulation des priorités sans établir de hiérarchie suffisamment claire entre ces multiples objectifs,

1. Soutient l'objectif d'une limitation du budget de l'Union à hauteur de 1% du Revenu National Brut, en ce qu'il garantit à la France que le niveau de sa contribution brute sera compatible avec l'effort continu de rigueur budgétaire que lui impose son appartenance à l'Union et à la zone euro ;

2. Insiste sur la priorité qui doit être accordée, en matière de dépenses, à la recherche-développement, conformément à la stratégie de Lisbonne, en y consacrant au niveau communautaire des moyens appropriés car réalistes, et suggère qu'une attention particulière soit accordée à l'effort de recherche dans le domaine de la sécurité et de la défense ;

3. Insiste sur le fait que les solutions qui seront proposées par le Conseil devront être conformes au principe de solidarité qui est à la base de la construction européenne, et assurer la pérennité des politiques communes ;

4. S'oppose à la création d'un mécanisme de correction généralisé des soldes budgétaires négatifs jugés excessifs comme à la création d'un dispositif de cofinancement national des aides directes et des dépenses de marché versées au titre de la Politique Agricole Commune ;

5. Estime donc indispensable le maintien à 301 milliards d'euros l'enveloppe prévue pour ces mêmes dépenses du « premier pilier » de la PAC, cette somme intégrant déjà les conséquences du futur élargissement de l'Union de la Bulgarie et de la Roumanie ;

6. Se prononce en faveur d'une réforme du financement de l'Union de manière à ce qu'une fraction en soit assurée à terme, à prélèvement constant, par l'impôt sur les sociétés ;

7. Considère donc que l'harmonisation de l'assiette de cet impôt entre les Etats membres, qui est le préalable à une telle modernisation du système des ressources propres de l'Union, doit intervenir dans les meilleurs délais ;

8. Estime que la correction budgétaire dont bénéficie le Royaume-Uni a désormais perdu toute sa raison d'être ; demande par conséquent sa suppression totale, par étapes, avant la fin de l'année 2013. »

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point B

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de décision du Conseil instituant le Collège européen de police (CEPOL) en tant qu'organe de l'Union européenne (document E 2765).

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette proposition de décision vise à instituer le Collège européen de police (CEPOL) en tant qu'organe de l'Union européenne. Le CEPOL, créé par une décision du Conseil du 22 décembre 2000, met en relation les instituts nationaux qui sont en charge de former les hauts responsables des services de police des Etats membres. Il a été doté de la personnalité juridique et le siège de son secrétariat permanent a été fixé à Bramshill, au Royaume-Uni, par deux décisions du Conseil du 26 juillet 2004.

Ce texte va plus loin, en prévoyant que le CEPOL sera financé par le budget de l'Union européenne et qu'il verra appliquer à son personnel le statut des fonctionnaires des Communautés européennes. La version finale, sur laquelle le Conseil est parvenu à un accord le 3 juin 2005, diffère substantiellement de la proposition initiale de la Commission. Certaines suggestions de la Commission, telles que l'extension des formations offertes par le CEPOL à d'autres catégories d'agents des services répressifs ou la création d'une certification du CEPOL pour les formateurs et le contenu des formations, seront en effet réexaminées lorsque les résultats de l'évaluation du fonctionnement du CEPOL seront connus.

La Délégation a adopté les conclusions suivantes sur ce texte :

« La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,

Vu la proposition de décision du Conseil instituant le collège européen de police en tant qu'organe de l'Union européenne (COM (2004) 626 final / E2765),

1. Estime que la transformation du Collège européen de police (CEPOL) proposée par la Commission européenne devrait être précédée d'une évaluation de son fonctionnement, permettant d'apprécier la nécessité ou non d'une telle transformation ;

2. Se félicite de la décision prise par le Conseil « Justice et affaires intérieures » de reporter l'examen des propositions de la Commission concernant l'élargissement du public visé et la création d'une certification du CEPOL pour les formateurs et le contenu des formations à la parution des résultats de cette évaluation, qui devraient être disponibles à la fin de l'année 2005 ;

3. Approuve l'application du statut des fonctionnaires des Communautés européennes au personnel du CEPOL et le financement du Collège par le budget de l'Union européenne. »

¬ PESC et Relations extérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la signature du protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, par suite de l'élargissement de l'Union européenne. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole additionnel à l'accord établissant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, par suite de l'élargissement de l'Union européenne (document E 2886).

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette négociation vise à approuver la signature et la conclusion d'un protocole négocié en 2004 avec la Turquie, pour tirer les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats membres, le 1er mai 2004, sur l'accord d'association entre la Communauté économique européenne et ce pays.

L'Union européenne a clairement posé la signature du protocole d'adaptation de l'accord d'association comme préalable à l'ouverture des négociations d'adhésion le 3 octobre 2005. Le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 a pris la décision de principe d'ouvrir les négociations d'adhésion, notamment parce que le gouvernement turc avait dans une déclaration confirmé qu'il était prêt à signer le protocole avant l'ouverture effective des négociations d'adhésion.

La Commission considère que la signature du protocole par la Turquie ne constituerait pas une reconnaissance formelle ni officielle du gouvernement chypriote grec, mais qu'elle équivaudrait à une reconnaissance de la République de Chypre en tant qu'Etat membre de l'Union européenne.

De son côté, la Turquie accepte que l'accord d'association et l'union douanière entre l'Union européenne et la Turquie s'appliquent aux nouveaux Etats membres de l'Union européenne, y compris à la partie chypriote grecque. En revanche, elle refuse que son approbation du protocole d'extension aux dix nouveaux Etats membres signifie une reconnaissance de la République de Chypre - équivalant, selon elle, à une reconnaissance du gouvernement chypriote grec - tant qu'une solution durable de la question chypriote n'aura pas été trouvée sous l'égide des Nations unies.

La Turquie envisagerait donc d'assortir sa signature d'une déclaration selon laquelle celle-ci n'emporterait pas reconnaissance de la République de Chypre. Dans cette hypothèse, l'Union s'efforcerait de la convaincre de n'en rien faire, mais en cas d'échec, l'Union européenne envisagerait de présenter une contre-déclaration indiquant que la déclaration de la Turquie n'engage qu'elle.

Une deuxième divergence d'interprétation porte sur le champ de la libre-circulation couvert par le protocole. La Turquie considère que le protocole ne s'applique qu'à la libre-circulation des marchandises et non des services et qu'il ne l'oblige pas à accueillir des navires ou des avions chypriotes dans ses ports et aéroports. La Commission conteste cette interprétation qui serait une violation de l'Union douanière si elle était maintenue.

Le Conseil « Affaires générales » devrait adopter la proposition le 13 juin.

Sur la proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a décidé qu'elle n'approuvait la proposition qu'à la condition que les deux divergences d'interprétation mentionnées soient levées.

Le Président Pierre Lequiller, MM. André Schneider et René André ont, à cette occasion, renouvelé leur opposition à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne après que ce dernier ait déclaré que l'approbation éventuelle de la proposition ne pouvait, en aucune façon, être interprétée comme un soutien à l'adhésion de la Turquie. M. René André a estimé que cette position est conforme aux souhaits du peuple français, dont le vote lors du référendum du 29 mai a marqué, sans ambiguïté, le rejet majoritaire de la candidature turque.

- proposition de règlement du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre des personnes agissant en violation de l'embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (document E 2893) ;

- proposition de règlement du Conseil instituant certaines mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant le règlement (CE) n° 1727/2003 (document E 2894) ;

- position commune du Conseil du ...concernant des mesures à l'encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2002/829/PESC (document E 2895).

Ces trois textes visent à mettre en œuvre dans l'ordre juridique de l'Union une résolution des Nations unies, la 1596 du 18 avril 2005, qui applique l'embargo décidé antérieurement sur les armes à tout destinataire sur le territoire de la RDC, d'interdire de visa toute personne désignée par le comité des sanctions des Nations unies et d'imposer un gel des fonds à l'encontre de ces personnes.

La Délégation a approuvé ce projet d'acte de l'Union européenne et ces propositions d'acte communautaire en l'état des informations dont elle dispose.

¬ Politique économique

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3605/93 en ce qui concerne la qualité des données statistiques dans le contexte de la procédure concernant les déficits excessifs (document E 2842).

L'objectif de cette proposition de règlement, qui vise à modifier un règlement de 1993, est d'améliorer la qualité des données statistiques recueillies par Eurostat concernant les situations budgétaires nationales.

Son principe fait l'objet d'un large consensus.

La Délégation a donc approuvé ce texte en l'état des informations dont elle dispose.

¬ Questions budgétaires

- avant-projet de budget rectificatif n°4 au budget général 2005 - Etat général des recettes (document E 2823-4).

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que l'exécution de l'exercice budgétaire 2004 a dégagé un excédent de 2,737 milliards d'euros, le plus faible excédent depuis 1997.

Il a observé que la budgétisation, dans le budget pour l'exercice 2005, de l'excédent dégagé au cours de l'exercice 2004 diminuera d'autant la contribution brute globale des Etats membres au financement du budget général de l'Union.

Ainsi, la contribution que la France devra verser pour 2005 sera réduite de 433 millions d'euros.

La Délégation a approuvé la proposition d'acte communautaire en l'état des informations dont elle dispose.

¬ Transports

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'information des passagers du transport aérien sur l'identité du transporteur aérien effectif et la communication des informations de sécurité par les Etats membres (document E 2841).

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la proposition vise à permettre aux voyageurs d'être informés, au moment de la réservation, de l'identité du transporteur qui effectuera le vol et, après la réservation, en cas de changement de transporteur.

En second lieu, la proposition de règlement impose aux Etats membres l'obligation de publier une liste - encore appelée « liste noire » - des transporteurs aériens qui sont interdits de vol dans leur espace aérien ou dont les droits de trafic sont soumis à des restrictions pour des motifs de sécurité. Cette liste est mise à la disposition des autres Etats membres et de la Commission.

La Délégation a approuvé ce texte.

¬ Fiscalité

- proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne la durée d'application du minimum du taux normal, la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (document E 2863).

Rappelant que le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être inférieur à 15 %, conformément à l'article 12 de la « sixième » directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette proposition de directive vise à prolonger jusqu'au 31 décembre 2010 ce seuil minimum.

Lors du Conseil « Ecofin » du 7 juin, un accord politique est apparu sur la prolongation de ce taux minimal jusqu'en 2010 uniquement, et non 2015 comme le proposait cette même présidence.

La Délégation a approuvé cette proposition d'acte communautaire en l'état des informations dont elle dispose.

Enfin, la Délégation a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, du texte suivant :

- projet de position commune du Conseil du ... concernant des mesures restrictives à l'encontre du Soudan et abrogeant la position commune 2004/31/PESC (document E 2879).

III. Nomination de rapporteurs

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a confié à :

M. René André, une communication sur l'instrument de préadhésion (E 2724) ;

M. Thierry Mariani, une communication sur l'instrument de voisinage et de partenariat (E 2725).