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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 132

Réunion du mercredi 29 juin 2005 à 9 heures 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Communication de M. Christian Philip sur les travaux de la XXXIIIème COSAC

M. Christian Philip, rapporteur, a rendu compte de la XXXIIIème COSAC qui s'est déroulée les 17 et 18 mai 2005 à Luxembourg et à laquelle il a participé avec son collègue M. Jérôme Lambert. Les principaux sujets à l'ordre du jour étaient :

- le bilan du test de subsidiarité effectué sur le troisième paquet ferroviaire ;

- l'avenir de la stratégie de Lisbonne ;

- le contrôle parlementaire sur les politiques liées à l'espace de liberté, de sécurité et de justice ;

- le contrôle des parlements nationaux et du Parlement européen sur le budget de l'Union.

Cette COSAC a également permis un échange de vues avec M. Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois et Président en exercice de l'Union européenne. S'exprimant sur la Constitution européenne, à quelques jours seulement des référendums français et néerlandais, M. Jean-Claude Juncker avait alors réaffirmé l'illusion de toute renégociation du Traité constitutionnel. S'agissant des négociations sur le budget, il avait souligné sa détermination à proposer un « paquet » équilibré aux Etats membres, et évoqué à plusieurs reprises le « chèque » britannique.

M. Christian Philip a ensuite abordé la mise en œuvre du « test de subsidiarité » mené par la COSAC afin d'évaluer, à titre expérimental, le mécanisme d'alerte précoce qui était envisagé par le projet de Traité constitutionnel.

Cette expérience, à laquelle a participé la Délégation pour l'Union européenne, s'est déroulée sur un délai de six semaines, entre le 1er mars et le 12 avril 2005, et a porté sur le « troisième paquet ferroviaire ».

- 31 des 37 chambres parlementaires des pays de l'Union ont participé au test ;

- 20 chambres sur 31 ont estimé que la justification de la Commission européenne au regard du principe de subsidiarité n'était pas suffisante ;

- 14 chambres sur 31 ont considéré qu'un ou plusieurs des projets d'actes législatifs ne respectaient pas le principe de subsidiarité. C'est le cas de l'Assemblée nationale qui a estimé que la proposition de règlement sur les compensations en cas de non-respect des exigences de qualité contractuelles applicables aux services de fret ferroviaire n'y était pas conforme ;

- 11 chambres auraient adopté un avis motivé, ce qui a été le cas de l'Assemblée nationale.

Ce test, que les participants à la COSAC ont estimé concluant, a révélé plusieurs difficultés. La principale d'entre elles a plus particulièrement touché les parlements des dix nouveaux pays membres qui n'ont pas disposé des textes législatifs dans leur langue officielle.

A la lumière de l'échec des référendums français et néerlandais sur le Traité constitutionnel, M. Christian Philip s'est interrogé sur la possibilité d'instaurer un mécanisme de contrôle, par les parlements nationaux, du respect du principe de subsidiarité, en l'absence de traité. Il a évoqué la possibilité pour la COSAC de prendre une initiative en ce sens qui devrait alors être approuvée par les présidents des parlements de l'Union européenne. Le fonctionnement d'un mécanisme non prévu par les traités supposerait également la conclusion d'accords entre les parlements nationaux et les institutions européennes.

M. Christian Philip a néanmoins fait part de son scepticisme quant à la capacité de la COSAC à prendre une telle initiative, en raison principalement des exigences liées à son règlement intérieur. Il conviendrait également de connaître la position du Parlement européen. En tout état de cause, M. Christian Philip s'est dit favorable à ce que le Parlement français, à travers ses Délégations pour l'Union européenne, prenne une initiative visant à proposer aux parlements qui en seraient d'accord de mettre en place un mécanisme commun de contrôle du principe de subsidiarité, sous la forme d'une coopération renforcée informelle.

M. Christian Philip a ensuite évoqué les autres points abordés par la COSAC, à savoir l'avenir de la stratégie de Lisbonne et le contrôle parlementaire sur les politiques liées à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, qui n'ont cependant donné lieu qu'à des débats très généraux.

En ce qui concerne le contrôle parlementaire sur le budget de l'Union, il a indiqué que la COSAC avait pris acte d'une contribution déposée par la délégation néerlandaise sur la gestion et le contrôle des finances de l'Union, ce qui a entraîné une vive réaction du premier président de la Cour des comptes française, M. Philippe Séguin, qui y voit un risque quant au respect de l'indépendance des organes de contrôle. M. Christian Philip a alors proposé qu'un échange de vues soit organisé avec M. Philippe Séguin avant la prochaine COSAC qui devrait de nouveau aborder ce sujet.

En conclusion de son exposé, M. Christian Philip a rendu compte de la demande à nouveau formulée par la délégation polonaise d'une modification du règlement de la COSAC afin de reconnaître à l'Ukraine le statut d'observateur permanent. Mais de nombreux pays ont fait part de leur réticence et indiqué que l'article 4.3 du règlement prévoyait un statut d' « invité spécial ». La présidence luxembourgeoise a rapidement constaté l'absence de consensus sur la proposition polonaise et a invité la prochaine COSAC de Londres à se pencher sur l'interprétation à donner de la notion d' « invité spécial » au sens de l'article 4.3 du règlement.

S'exprimant sur le contrôle du principe de subsidiarité, le Président Pierre Lequiller a partagé l'analyse de M. Christian Philip et a douté de la capacité de la COSAC à prendre une initiative rapidement. Il a alors suggéré une initiative commune du « Triangle de Weimar » entre l'Allemagne, la France et la Pologne qui pourrait être élargie à tous les parlements qui le souhaiteraient. Cela implique également d'engager un dialogue approfondi avec la Commission européenne.

II. Examen du rapport d'information de MM. Daniel Garrigue et Christian Paul sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur (E 1965)

M. Christian Paul, rapporteur, a indiqué que le sujet de la brevetabilité des logiciels était très controversé à l'échelle européenne. D'apparence technique, cette question est en fait liée à des enjeux économiques et politiques très importants. Le secteur des logiciels est en effet un domaine où l'Europe a des ambitions économiques. Il est caractérisé par la présence de géants mondiaux mais aussi de nombreuses PME et start-up.

Il est utile aujourd'hui d'éclairer l'Assemblée sur le débat qui a lieu dans le cadre de la proposition de directive du 20 février 2002, relative à la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur, alors que le Parlement européen doit se prononcer en deuxième lecture dans le cadre de la procédure de codécision le 6 juillet prochain.

De quoi s'agit-il ? Un logiciel est la spécification, en langage informatique, d'un ensemble d'instructions pouvant être exécutées par un ordinateur. Nous utilisons quotidiennement des logiciels, à travers les ordinateurs de bureau, mais aussi intégrés à des produits industriels, par exemple des téléphones mobiles ou des voitures. Le brevet permet une protection de 20 ans pour une invention répondant à quatre critères : la nouveauté, l'inventivité, l'applicabilité industrielle et le caractère technique. Le brevet a été créé il y a longtemps dans le domaine industriel. La question est de savoir s'il est adapté aux logiciels.

Actuellement en Europe, le logiciel est protégé par le droit d'auteur. L'Office européen des brevets (OEB) a développé une politique de dépôt de brevets, alors que l'article 52 de la Convention sur le brevet européen exclut les logiciels « en tant que tels » de la brevetabilité. Sans être contraires au droit, ces brevets sont dépourvus d'une base légale claire et reposent sur une interprétation très large de l'OEB. Aux Etats-Unis, la brevetabilité des logiciels existe, de façon étendue, depuis le milieu des années 1990.

La proposition de la directive vise à un alignement sur la pratique de l'OEB, tout en traduisant une conception extensive de la brevetabilité. Le Parlement européen s'est prononcé en première lecture le 23 septembre 2003. Il a souhaité limiter de façon importante le champ de la brevetabilité, en définissant le critère du caractère technique comme : « l'utilisation des forces de la nature afin de contrôler des effets physiques au-delà de la représentation numérique ».

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, a adopté le 7 mars 2005 une position commune reprenant les dispositions destinées à aligner la brevetabilité sur la pratique de l'OEB. Il a également introduit les revendications de programmes en tant que produits, que la Commission n'avait pas retenues et que le Parlement européen avait exclues. Le rapporteur a jugé cette position inquiétante.

Les positions des acteurs du secteur des logiciels sont divergentes. Ces acteurs peuvent être regroupés en quatre catégories. Les éditeurs de logiciels développent et distribuent des logiciels. Il peut s'agir de grands groupes, souvent américains, mais aussi de PME. Les développeurs de logiciels libres créent, sur un modèle coopératif, différents types de logiciels, dont le code source est ouvert, de façon à permettre aux utilisateurs de le modifier. Il s'agit d'un modèle original, qui n'exclut pas les utilisations commerciales. L'un des intérêts des logiciels libres est leur créativité, en raison de la multiplicité des développeurs. Les sociétés de services informatiques commercialisent des services liés aux logiciels et peuvent développer des logiciels spécialisés. Enfin, différentes industries fournissent et utilisent des logiciels intégrés à leurs produits (dans les secteurs des télécommunications, de l'électronique, de l'aéronautique, de l'automobile...etc.). Les grands éditeurs de logiciels et l'industrie sont favorables à la brevetabilité. Une grande partie des PME, les développeurs de logiciels libres et les sociétés de services y sont défavorables.

La difficulté est de prendre parti, dans une vision d'intérêt général. M. Christian Paul, rapporteur, a indiqué que sa position était proche de celle adoptée par le Parlement européen en première lecture. Il a estimé qu'il était nécessaire de prendre des précautions et qu'en l'absence d'une délimitation claire de la brevetabilité, il serait préférable de ne pas légiférer. Une protection excessive serait une véritable chape de plomb au service des géants mondiaux du logiciel. Il convient de protéger l'intérêt des entreprises européennes et d'éviter d'assécher l'inventivité, de stériliser le secteur du logiciel européen. En outre, les grandes entreprises industrielles européennes peuvent très bien breveter leurs inventions aux Etats-Unis et mener des stratégies d'échange de licences.

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a estimé qu'il s'agissait d'un domaine dans lequel il était délicat d'adopter des positions trop tranchées. Les logiciels libres présentent des aspects séduisants. Il peut paraître discutable d'appliquer le système des brevets dans un secteur où les connaissances et les initiatives évoluent très rapidement. Les logiciels libres sont de plus en plus utilisés, par exemple dans la gendarmerie ou les collectivités territoriales.

Pour autant, on ne peut ignorer les enjeux industriels car les technologies de l'information, et notamment celles faisant appel aux logiciels, occupent une part croissante dans les innovations industrielles, par exemple dans les secteurs automobile, aéronautique ou dans l'armement. Il s'agit d'un monde où la concurrence est très vive. Il existe des risques réels de contrefaçon. Les choses vont même au-delà. Le conflit entre Airbus et Boeing ne concerne pas seulement les aides d'Etat mais aussi les brevets, Boeing ayant plusieurs fois attaqué Airbus pour contrefaçons de brevets. Les industries doivent donc également déposer des brevets pour pouvoir se défendre contre de telles accusations. En outre, l'effort de recherche et développement des entreprises dans les secteurs concernés est très important, il peut atteindre 15 % du chiffre d'affaires. S'il n'est pas possible de rentabiliser cet effort, il risque d'être remis en question.

La position du Parlement européen en première lecture montre des faiblesses, eu égard aux enjeux. La notion de forces de la nature est d'usage difficile. La proposition de la Commission est plus équilibrée.

A l'issue de son exposé, M. Daniel Garrigue a indiqué que le rapport poserait les termes du débat, sans proposer de conclusions. Il est en effet difficile de choisir un critère de brevetabilité. On ne peut cependant ignorer complètement les règles appliquées aux Etats-Unis.

M. Daniel Garrigue a indiqué que M. Christian Paul et lui-même proposaient la tenue d'un colloque sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur au mois de septembre, permettant de rassembler des participants d'horizons variés, comme des parlementaires français, des députés européens ou des experts de la question.

Le Président Pierre Lequiller a interrogé les rapporteurs sur les délais d'adoption de la proposition de directive ainsi que sur les positions des députés européens lors du vote en première lecture. Il a souligné qu'il était souhaitable que la Délégation travaille en liaison avec le Parlement européen.

M. Christian Paul, rapporteur, a indiqué que, concernant les délais, deux hypothèses pouvaient être faites : soit le Parlement européen adopte la position commune du Conseil le 6 juillet prochain et la proposition de directive est adoptée, soit il l'amende et, en cas de désaccord du Conseil, une procédure de conciliation est mise en œuvre, ce qui peut prendre du temps. Il a estimé que la Délégation aurait dû intervenir plus en amont.

Concernant le vote du Parlement européen en première lecture, il a fait apparaître des divisions au sein des groupes politiques, notamment du Parti populaire européen et des libéraux.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un Protocole à l'Accord entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif aux critères et mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre, en Islande ou en Norvège. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'Accord entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif aux critères et mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre, en Islande ou en Norvège (document E 2858).

¬ Pêche

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche thonière et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République fédérale islamique des Comores concernant la pêche au large des Comores, pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2010 (document E 2883).

¬ Questions budgétaires et fiscales

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation de l'instrument de flexibilité en faveur de l'aide à la réhabilitation et à la reconstruction pour les pays touchés par le tsunami conformément au point 24 de l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999. Avant-projet de budget rectificatif n° 3 au budget général 2005. Etat général des recettes. Etat des recettes des dépenses par section. Section III - Commission (document E 2823-3) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne certaines mesures visant à simplifier la perception de la taxe sur la valeur ajoutée et à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et abrogeant certaines décisions accordant des dérogations (document E 2849) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union Européenne, en application du point 3 de l'accord interinstitutionnel du 7 novembre 2002 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur le financement du Fonds de solidarité de l'Union européenne, complétant l'accord interinstitutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (document E 2904).

Point B

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de règlement du Conseil établissant le code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (document E 2617).

M. Thierry Mariani, rapporteur, a précisé que le « code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes » proposé vise à clarifier, restructurer, consolider et développer la législation actuelle en matière de contrôle des frontières. Il effectue ainsi une refonte complète du « Manuel commun des frontières », dont le statut juridique serait clarifié. Il ne s'agit pas d'une codification « à droit constant », la Commission ayant souhaité aller au-delà d'un simple toilettage.

M. Thierry Mariani a indiqué que la proposition initiale de la Commission soulevait deux difficultés importantes pour la France. La première était relative à la possibilité pour un Etat de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures en cas de menaces à l'ordre public ou à la sécurité nationale. La Commission souhaitait encadrer les modalités de mise en œuvre de cette procédure, actuellement très souple, en la subordonnant à l'émission d'un avis de la Commission et à une consultation des autres Etats membres. Le Conseil et le Parlement européen sont cependant parvenus à un compromis satisfaisant, réaffirmant les responsabilités des Etats membres dans ce domaine (grâce à une référence à l'article 64 TCE) et supprimant l'interdiction de réintroduire des contrôles tant que la consultation des autres Etats et de la Commission n'est pas achevée, afin d'éviter un formalisme excessif.

La deuxième difficulté concernait la possibilité pour un Etat membre d'effectuer des contrôles spécifiques dans les zones frontalières, que la Commission souhaitait supprimer. Cette suppression aurait conduit la France à modifier sa législation, qui autorise des contrôles spécifiques à l'intérieur d'une bande de 20 km le long de la frontière terrestre avec les Etats parties à la convention de Schengen. La France s'y est opposée, car ces contrôles jouent un rôle important dans la lutte contre l'immigration illégale et la criminalité organisée. Le compromis adopté par le Conseil et le Parlement européen supprime l'interdiction d'opérer des contrôles spécifiques dans les zones frontalières, et la remplace par l'interdiction d'effectuer des contrôles ayant « un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières », sur le modèle de ce qui est prévu en matière douanière. La législation française n'est pas remise en cause.

Compte tenu des modifications apportées à la proposition initiale de la Commission, qui donnent satisfaction aux demandes formulées par la France, et après les observations de M. Daniel Garrigue, la Délégation a approuvé cette proposition de règlement, en l'état des informations dont elle dispose.

- communication de la Commission. L'Agence des Droits Fondamentaux (document de consultation publique) (document E 2766).

M. Christian Philip, rapporteur, a rappelé que cette communication de la Commission vise à ouvrir un débat sur la transformation de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, qui a son siège à Vienne, en une Agence des droits fondamentaux. Le principe de la création d'une telle agence a été décidée par le Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre 2003.

M. Christian Philip s'est interrogé sur l'utilité de la création d'une telle agence. Les droits fondamentaux sont déjà au cœur du projet européen : ils sont protégés par la jurisprudence de la Cour de justice, qui en a fait des principes généraux du droit communautaire, et leur statut a été progressivement renforcé dans les traités. L'adoption de la Charte des droits fondamentaux, certes dépourvue de valeur juridique contraignante mais qui commence à produire des effets, a parachevé cette évolution. De multiples instances veillent déjà au respect des droits fondamentaux, aux niveaux mondial, européen et national. La plus importante est la Cour européenne des droits de l'homme, chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le bilan de l'Observatoire des phénomènes racistes et xénophobes est, en outre, pour le moins mitigé. Une évaluation externe effectuée en 2002 a ainsi souligné, de manière préoccupante, que le retour sur investissement de l'Observatoire n'est pas à la mesure des 13 millions d'euros engagés par l'Observatoire jusqu'à la fin 2001. L'existence même d'une base juridique autorisant la création d'une telle agence est, par ailleurs, contestée.

Le principe de la création d'une telle agence semblant toutefois acquis, M. Christian Philip a souhaité formuler des propositions pour qu'elle apporte une réelle valeur ajoutée. Son mandat devrait être fondé sur la Charte des droits fondamentaux et son action centrée sur l'Union, à l'exclusion des pays tiers. L'agence devrait être dotée d'un pouvoir de recommandation à l'attention des institutions de l'Union et des Etats membres. Elle devrait développer de fortes synergies avec les autres instances chargées de veiller au respect des droits fondamentaux, en particulier dans le cadre du Conseil de l'Europe, afin d'éviter les duplications. L'agence devrait enfin disposer d'un conseil scientifique, composé de personnalités indépendantes et ayant une compétence reconnue en matière de droits fondamentaux, afin de garantir son indépendance.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité ajouter un paragraphe aux conclusions proposées par le rapporteur, afin d'exprimer l'opposition de la Délégation à la multiplication des agences et organes de l'Union.

A la suite de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes, ainsi modifiées :

« La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication de la Commission sur l'Agence des droits fondamentaux [COM (2004) 693 final / E 2766],

1. Souligne que l'utilité de la création d'une agence européenne des droits fondamentaux n'a pas été démontrée et regrette qu'une évaluation préalable de la nécessité d'une telle création n'ait pas été effectuée ;

2. Déplore la multiplication des agences et organes de l'Union, le recours systématique à la formule des agences ne devant pas être considérée comme une solution en soi ;

3. Recommande d'éviter que cette agence ne fasse double emploi avec les organes existants chargés de veiller au respect des droits fondamentaux, en particulier dans le cadre du Conseil de l'Europe, en développant de fortes synergies avec ceux-ci ;

4. Estime que le mandat de l'agence devrait être fondé sur la Charte des droits fondamentaux, et qu'il ne devrait donc pas inclure la mise en œuvre de l'article 7 du traité sur l'Union européenne ou l'examen de la situation des droits fondamentaux dans les pays tiers ;

5. Souhaite que l'agence soit dotée d'un pouvoir de recommandation à l'égard des institutions de l'Union européenne et des Etats membres, ainsi que d'un conseil scientifique destiné à en garantir l'indépendance. »

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement d'un instrument de financement de la coopération au développement et de la coopération économique (document E 2726).

Le Président Pierre Lequiller a précisé que cette proposition a pour objet de créer, pour les perspectives financières 2007-2013, le nouvel instrument de financement de la politique de coopération au développement.

Son champ d'application couvrira les pays d'Amérique latine et d'Asie, ainsi que ceux d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, mettant ainsi en œuvre, pour ce groupe de pays, la proposition de la Commission visant à « budgétiser » le Fonds européen de développement ou FED.

La proposition de règlement identifie 31 domaines d'action, qui s'articulent autour de l'éducation, de l'eau, de la santé, de l'agriculture, du développement des infrastructures, de la protection de l'environnement et du développement du secteur productif.

Comme elle l'a indiqué dans un « non-papier » en novembre 2004, la France soutient le processus de rationalisation proposée par la Commission, à la condition que chaque instrument d'aide mette en œuvre des procédures décisionnelles claires et garantissant aux Etats membres qu'ils seront associés aux étapes les plus importantes.

Comme elle l'a indiqué dans un « non-papier » en novembre 2004, la France soutient le processus de rationalisation de l'aide extérieure proposée par la Commission, à la condition que chaque instrument d'aide mette en œuvre des procédures décisionnelles claires et garantissant aux Etats membres qu'ils seront associés aux étapes les plus importantes.

A cet égard, la France ne souhaite pas maintenir le principe d'une adoption en bloc de l'ensemble d'une programmation indicative annuelle, car celle-ci contient des projets/programmes de nature et de portée très différentes. Ainsi, tous les projets/programmes supérieurs à un seuil déterminé (par exemple, entre 7 et 15 millions d'euros) devraient faire l'objet d'une approbation spécifique par le Comité associant les Etats membres, avant d'être engagés par la Commission.

La Délégation a approuvé ce texte tout en soutenant les demandes de la France.

- proposition de règlement du Conseil instituant un instrument de stabilité (document E 2727) ;

Le Président Pierre Lequiller a précisé que cette proposition a pour objet de créer, à l'occasion des perspectives financières 2007-2013, un nouvel instrument d'aide extérieure, destiné à financer les politiques de gestion des crises et risques internationaux.

Cet instrument permettra de financer les mesures civiles destinées à faciliter le règlement pacifique de différends, les opérations de maintien ou de soutien de la paix menées par des organisations régionales et sous-régionales, les réponses aux catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme, le désarmement, la mobilisation et la réintégration des combattants, ainsi que les initiatives concernant les engins explosifs et les armes légères et de petit calibre.

La France soutient la création d'un instrument permettant d'améliorer l'efficacité du traitement des crises par l'Union européenne, même si son efficacité sera conditionnée, en définitive, par l'existence d'une coordination avec les actions bilatérales menées par les Etats membres et les initiatives multilatérales lancées par les organisations et les institutions financières internationales et régionales.

Après que M. Daniel Garrigue ait souhaité une réelle proportionnalité entre les moyens financiers prévus pour cet instrument et les objectifs ambitieux qu'il poursuit, la Délégation a approuvé la proposition de règlement en l'état des informations dont elle dispose.

- communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social : « Accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement : la contribution de l'Union européenne » (document E 2867).

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'ONU recommande que les donneurs d'aide publique au développement s'engagent à atteindre l'objectif de 0,7 % de RNB d'ici à 2015 au plus tard.

Or, aujourd'hui, seulement quatre pays membres de l'UE(1) ont atteint ou dépassé cet objectif, tandis que six autres(2) se sont engagés à le réaliser avant 2015.

Invitée par le Conseil européen de décembre 2004 à faire de nouvelles propositions, la Commission suggère d'atteindre le chiffre de 0,7 % à l'horizon 2015, en parcourant, à cet effet, la moitié du chemin d'ici 2010.

Dans ce but, elle propose :

- à chacun des Etats membres qui ont participé aux engagements de Barcelone (Union à 15) et se trouvent toujours en deçà du niveau de référence, de porter son APD au nouveau niveau de référence individuel de 0,51 % d'APD/RNB en 2010 ;

- aux Etats membres qui ont adhéré après 2002 (les Dix) d'atteindre un niveau de référence individuel de 0,17 % d'APD/RNB en 2010, de manière à se rapprocher de « l'acquis de Barcelone » (0,33 % en 2015).

La Délégation a pris acte de cette communication, qui est soutenue par la France.

- proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord modifiant l'accord de partenariat signé à Cotonou le 23 juin 2000 entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord modifiant l'accord de partenariat signé le 23 juin 2000 entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part (document E 2885).

Cet accord porte révision de l'Accord de Cotonou de 2000, qui associe les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique à la Communauté européenne.

Des dispositions ont été insérées concernant la lutte internationale contre le terrorisme, la prévention des activités des mercenaires, la coopération dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM).

La Délégation a approuvé la proposition d'acte communautaire.

Enfin, la Délégation a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, des quatre textes suivants :

- proposition pour un règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (document E 2872) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (document E 2873) ;

- proposition de règlement du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes qui font obstacle au processus de paix et ne respectent pas le droit international dans le conflit de la région du Darfour au Soudan (document E 2877) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 131/2004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Soudan (document E 2878).

IV. Nomination d'un rapporteur d'information

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a désigné Mme Arlette Franco rapporteur d'information sur les changements démographiques et la nouvelle solidarité entre générations.

1 () Danemark, Luxembourg, Pays-Bas et Suède.

2 () Belgique, Finlande, France, Irlande, Espagne et Royaume-Uni.