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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 140

Réunion du mercredi 19 octobre 2005 à 10 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen du rapport d'information de M. Jean-Marie Sermier sur la réforme de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, réunion ouverte aux députés européens français et à la presse

M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a indiqué qu'il travaille depuis plus d'une année sur la réforme de l'OCM sucre.

En effet, en juillet 2004, la Commission présentait ses premières options, qui ont donné lieu à une communication du rapporteur, ayant débouché sur l'adoption de conclusions par la Délégation.

Ce premier travail a été, depuis la publication, le 22 juin dernier, des propositions législatives, approfondi et a débouché sur l'élaboration d'une proposition de résolution, qui est aujourd'hui présentée à la Délégation.

Le rapporteur a estimé, à titre liminaire, que le sujet traité aujourd'hui est complexe. Aussi les mesures simplistes doivent-elles être écartées d'emblée.

Il a ensuite présenté l'OCM sucre et le contexte de la réforme.

Cette organisation commune de marché est, en quelque sorte, victime de son succès. Car il s'agit d'une OCM très performante, qui repose sur plusieurs instruments, dont deux prix garantis : l'un pour le sucre blanc, de 631 euros la tonne, l'autre, de 46 euros la tonne, pour la betterave.

Par ailleurs, l'OCM comporte des instruments de maîtrise de l'offre très précis, avec l'existence de trois quotas, A B, et C.

De plus, le maintien de la cohérence interne de cette organisation est assuré, sur le plan externe, par la préférence communautaire, qui protège les prix européens des fluctuations du marché mondial. Cette préférence repose sur des droits de douane élevés, tandis qu'à l'exportation, des restitutions permettent aux producteurs européens de vendre leur sucre sur le marché mondial.

En conséquence, les volets externe et interne de l'OCM permettent aux prix communautaires de se maintenir à un niveau de 2 à 3 fois supérieur au prix mondial.

Le rapporteur a précisé que les restitutions à l'exportation sont soumises à un plafond, fixé à l'OMC, de 1,2 million de tonnes. Le respect de celui-ci est assuré par un mécanisme de déclassement que la Commission a, d'ailleurs, récemment activé.

En ce qui concerne le prix mondial, le rapporteur a précisé qu'il se situe en moyenne dans une fourchette de 200 à 250 euros la tonne, qui est donc nettement supérieure aux prix communautaires, lesquels, avec l'ajout des droits de douane et des frais d'approche du marché européen, atteignent en réalité les 700 euros la tonne. Le cours mondial du sucre connaît toutefois une évolution à la hausse, avec un prix dépassant, en raison de la situation du marché de l'énergie et de la demande pour l'éthanol, les 300 euros la tonne.

S'agissant de l'équilibre du marché européen, la production communautaire est de l'ordre de 20 millions de tonnes, la France hexagonale en assurant 4,2 millions et les DOM 300 000 tonnes. Notre pays arrive devant l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne, la Belgique et le Luxembourg, suivis de l'Italie et de l'Espagne. L'Europe importe en outre 2 millions de tonnes de sucre et en consomme 16 millions, ce qui la place en position d'exportateur net pour 3,5 millions de tonnes, la moyenne des exportations se situant entre 5 à 6 millions de tonnes.

Quant à la situation du marché mondial, il convient d'évoquer la place centrale qu'y occupe le Brésil. Ce pays a augmenté, rapidement et spectaculairement, sa production de sucre. En quelques années, celle-ci est passée de 10 millions à 31 millions de tonnes. De plus, en dix ans, les exportations sont passées de 1,4 à 18 millions de tonnes. La capacité totale de production de ce pays est estimée à plus de 50 millions de tonnes. La Commission européenne a, d'ailleurs, démontré la corrélation étroite qui existe entre l'augmentation des exportations de ce pays et la chute des cours mondiaux.

Le rapporteur a par ailleurs indiqué que l'OCM sucre contribue directement au développement de pays pauvres. La relation qu'a construite, au travers de l'OCM et d'accords préférentiels, l'Europe avec ces derniers constitue un exemple très fort de développement Nord-Sud.

En premier lieu, les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) sont signataires, pour 18 d'entre eux, d'un protocole sucre, périodiquement renouvelé depuis la signature, en 1975, de l'accord de Lomé. La Convention de Cotonou ayant succédé à cet accord a renouvelé ce protocole, qui permet aux pays ACP d'exporter, sans droits de douane, leur sucre sur le marché européen, tout en vendant celui-ci au prix communautaire. Ainsi, ce sont 1,3 million de tonnes que les ACP vendent à prix garanti sur notre marché, l'Ile Maurice s'attribuant la plus grande partie de ce quota. Les recettes apportées, grâce à cette garantie de prix et d'écoulement, aux pays ACP constituent une aide au développement substantielle, qui a permis de structurer une production employant de nombreuses personnes.

En second lieu, la Communauté européenne a adopté à l'égard des pays moins avancés (PMA) l'initiative « Tout sauf les armes ». Ces pays, au nombre de 49, sont, pour 40 d'entre eux, des ACP et, de plus, 5 d'entre eux sont également des signataires du protocole sucre. Ils exportent aujourd'hui environ 130 000 tonnes de sucre vers la Communauté.

L'initiative adoptée par l'Europe prévoit que le sucre exporté par ces pays entre sur le marché communautaire, à partir du 1er juillet 2006, sans quotas, et, à partir du 1er juillet 2009, sans droits de douane.

Le rapporteur a terminé la première partie de son exposé en estimant qu'il ne fallait pas tirer de ce tableau général de l'OCM une impression « idyllique ».

En effet, l'OCM est confrontée à plusieurs défis qu'elle va devoir relever rapidement.

Premièrement, l'OCM sucre a été créée en 1968 et n'a pas connu, depuis lors, de changements majeurs. Or, toutes les autres OCM ont dû s'adapter à la nouvelle donne multilatérale des règles de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, qui poussent les droits de douane et les aides agricoles à la baisse.

Ces disciplines sévères, qui doivent être renforcées par le nouveau Cycle de négociations multilatérales, ont conduit l'Europe à adopter une réforme introduisant le découplage des aides en vue de les intégrer dans la boîte verte de l'OMC, qui est exempte d'engagements de réduction. Il est donc nécessaire de « verdir » l'OCM sucre, afin de pouvoir la défendre à l'OMC.

Deuxièmement, le régime européen de soutien aux exportations de sucre a été condamné, suite à une plainte déposée, notamment, par l'Australie et le Brésil. Après l'appel interjeté par l'Union européenne, l'Organe de règlement des différends a rendu un arrêt définitif, en avril 2005, qui contraint l'Europe à diminuer ses exportations de sucre.

Troisièmement, l'augmentation des importations préférentielles de sucre provenant des PMA et des ACP, ces derniers pays devant bénéficier, à partir de 2008, du même régime d'accès au marché communautaire que les premiers, risque d'entraîner d'importantes « dérégulations » sur notre marché.

Enfin, l'OMC a conclu, l'été 2004, un accord-cadre prévoyant la suppression, à une date à fixer, de toutes les formes de subvention aux exportations, ainsi qu'une diminution importante des droits de douane protégeant les productions agricoles.

La combinaison de ces éléments rend impérieuse une réforme « d'urgence » de l'OCM : nos producteurs doivent devenir plus compétitifs pour faire face à ces défis externes.

Le rapporteur a alors présenté le projet de réforme de la Commission.

Deux choix s'offraient à la Commission européenne. Le premier consistait à baisser de manière proportionnelle l'ensemble des quotas. Cette mesure aurait pénalisé toute les zones de production, y compris celles bénéficiant de rendements élevés. La France aurait donc payé un prix agricole et industriel très lourd dans ce schéma, malgré ses rendements compris entre 12 et 13 tonnes de sucre à l'hectare, à comparer avec les 2 tonnes de sucre à l'hectare de la Pologne.

Cette première solution était parfaitement injuste, car elle ne tenait pas compte de la rentabilité et de la compétitivité des différents producteurs.

Le deuxième choix consistait à baisser les prix, afin d'obtenir une réduction de la production sur la base du différentiel des rentabilités économiques. La Commission européenne a finalement retenu cette option, qui devrait inciter les planteurs et les producteurs les moins rentables à abandonner leur production. Au total, la Finlande, la Pologne, la Hongrie, le Sud de l'Europe, avec l'Espagne, l'Italie et la Grèce, devraient, avec le schéma proposé par la Commission, réduire ou abandonner leur production.

S'agissant des différents volets de la réforme, la Commission propose une baisse substantielle des prix, soit -39 % pour le prix du sucre et -42,6 % pour le prix de la betterave, qui, en raison des effets de cette réduction sur les revenus des planteurs, serait compensée à hauteur de 60 %. On notera que ce degré de compensation est équivalent à celui existant dans les OCM ayant été réformées.

Le projet de la Commission comporte une deuxième mesure phare, qui repose sur la mise en œuvre d'un plan de restructuration de quatre ans, indemnisant, par une aide de 730 euros la tonne la première année, l'abandon de la production.

La France soutient cet aspect important de la réforme, qui a le mérite d'être cohérent sur le plan économique : la baisse des prix rend attractive la vente des quotas, ce qui permet de réduire la production. A l'inverse, les Etats membres les moins compétitifs qui forment, à l'heure actuelle, une minorité de blocage, s'opposent au projet de la Commission. A cet égard, pour que la réforme bénéficie d'une majorité qualifiée au Conseil, les Etats membres devront négocier des solutions qui offrent des flexibilités pour les Etats-clés que sont l'Espagne et l'Italie, dont certaines régions, proches de la rentabilité, souhaiteraient conserver leur outil de production. Une solution envisageable consisterait à « recoupler » l'aide compensatoire, afin d'inciter les planteurs de ces zones à continuer de livrer leur production aux sucreries.

Le rapporteur a ensuite insisté sur la situation particulière, caractérisée par des handicaps structurants et une absence d'alternative agricole viable, des départements d'outre-mer, la Réunion étant le principal producteur de sucre des régions ultrapériphériques. En conséquence, il convient, pour les DOM, de maintenir l'enveloppe actuelle de l'aide à l'écoulement, qui compense, en partie, les handicaps auxquels ils sont confrontés.

La Commission propose également de permettre d'abaisser de 10 % au maximum, grâce à un accord négocié par la profession, le prix minimum de la betterave. Cette mesure potentiellement dangereuse pour la solidarité de la filière doit être abandonnée, comme le prévoit la proposition de résolution.

En ce qui concerne l'attribution, au 1er juillet 2006, d'un quota supplémentaire d'un million de tonnes de sucre, cette mesure est d'une importance capitale pour les zones produisant du sucre hors quota, notamment les trois sucreries dites « excentrées » de l'hexagone.

S'agissant des mesures internes de régulation du marché, la Commission prévoit le remplacement du prix d'intervention par un prix de référence, ainsi que le maintien du mécanisme des reports de quotas, dont le caractère aléatoire ne laisse pas d'inquiéter les planteurs.

Le rapporteur a alors porté une appréciation générale sur les propositions de la Commission.

La réforme ne peut « fonctionner » que si les importations sur le marché communautaire sont effectivement contrôlées. Le risque de déséquilibre que représente l'appel d'air de l'initiative « Tout sauf les armes » en faveur du « sucre PMA » ne peut être écarté. Certes, les évaluations concernant le potentiel d'exportation de ces pays peuvent varier, la Commission avançant pour sa part le chiffre de 2,2 millions de tonnes. Mais toutes s'accordent sur des quantités importantes qui, en outre, peuvent varier dans le temps. En effet, il existe dans certains PMA, comme le Soudan, de véritables complexes de production intégrés, adossés à des exploitations couvrant plus de 60 000 hectares.

Or, face aux risques de fraudes sur l'origine du sucre, qui permettraient au « faux » sucre PMA d'entrer librement sur le marché, l'Europe apparaît désarmée. L'Office européen de lutte antifraude (OLAF) dispose seulement de moyens juridiques et humains très limités, qui ne permettront pas de faire face à des arrivées massives de sucre brésilien trafiqué PMA. Dans le cas des Balkans, la préférence accordée par l'Europe à cette région a permis aux exportations de sucre de « décoller », en quelques années, de zéro à presque 300 000 tonnes. Le Conseil a dû, sur proposition de la Commission, rétablir des quotas à l'encontre de ces pays.

Aux risques de fraudes s'ajoutent ceux présentés par les « SWAP », c'est-à-dire les échanges triangulaires permettant à un PMA d'exporter la totalité de sa production vers l'Europe, tout en achetant sur le marché mondial les quantités nécessaires pour sa consommation.

Au total, en comptant les importations frauduleuses et les SWAP, le sucre provenant des ACP et des PMA et vendu en Europe, pourrait s'élever, selon certaines estimations, à 6 millions de tonnes.

Parallèlement, l'Europe, en raison de l'arrêt de l'OMC, doit diminuer de 4,6 millions de tonnes ses exportations, soit une réduction de 72 %, au lieu des 21 % prévus par l'Accord sur l'agriculture de 1994.

Les effets cumulés de tous ces chocs sucriers conduiront l'Europe à passer d'un bilan sucrier excédentaire de 125 % à un bilan déficitaire à hauteur de 75 %.

En conclusion, le rapporteur a considéré qu'un lien doit être fait entre la réforme de l'OCM sucre et le sort que réservent les négociations de l'OMC à la préférence communautaire.

Ce principe cardinal protège nos prix du marché mondial et, ainsi, permet à nos agriculteurs de produire dans des conditions de qualité et de sécurité uniques au monde, sans être exposés au dumping des pays émergents. Or, si l'Europe renonce à son autosuffisance pour le sucre aujourd'hui, qu'en sera-t-il demain pour les autres productions agricoles, avec un marché mondial de l'énergie en crise, des risques renouvelés de conflits dans certaines zones en développement et la « mondialisation » des crises sanitaires ?

Le rapporteur a jugé que, dans ces conditions, il ne peut que s'opposer à la démarche de M. Peter Mandelson, commissaire européen en charge du commerce extérieur, qui consiste à abandonner aux griffes de l'OMC la préférence alimentaire. Celle-ci doit être défendue avec la plus grande fermeté à l'OMC ; il en va de la survie de notre modèle agricole.

De même, il faut s'inquiéter des propos tenus par la commissaire européenne pour l'agriculture devant la Délégation, selon lesquels l'Europe ne doit pas être autosuffisante pour toutes ses productions agricoles lorsqu'il est plus avantageux, pour le consommateur, d'acheter un produit sur le marché mondial. C'est là un jeu de dupes, comme le montre l'exemple du sucre : 75 % de celui produit en Europe est utilisé dans l'industrie, pour la fabrication des produits transformés. Mais au final, le prix de la canette de Coca est, sur le marché communautaire, le même que celui d'une canette vendue dans un pays où le sucre est moins cher.

Notre capacité à assurer l'autosuffisance alimentaire doit être préservée : il faut que les citoyens et les parlements nationaux s'approprient, par un débat public, qui n'a malheureusement pas encore eu lieu, ce grand dessein. Le destin de l'Europe politique passe aussi par le maintien de ce que le rapporteur a appelé la préférence alimentaire.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. René-Paul Victoria s'est déclaré préoccupé par la volonté affichée d'une diminution sensible du prix du sucre et a demandé que l'on donne aux producteurs des DOM la garantie que des mesures compensatoires seront effectivement prises. A la Réunion, la filière du sucre concerne en effet 12 000 emplois agricoles, industriels et de service.

Il a souhaité obtenir des informations sur le point 9 de la proposition de résolution, plus particulièrement sur la notion de « recouplage » des paiements en faveur des départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert a regretté que le processus engagé remette en cause l'équilibre d'un marché européen qui, tant bien que mal, a fait ses preuves. Les compensations offertes ne seront que partielles, et rien ne garantit leur pérennité. Sans nier les réalités liées à un contexte de mondialisation, il aurait souhaité une approche plus globale, estimant qu'une négociation produit par produit nous est défavorable. Il doit y avoir d'autres moyens de négocier la mondialisation. La mécanique sans freins qui est à l'œuvre à l'OMC réservera de nombreuses déconvenues, non seulement à l'Europe agricole, mais aussi à d'autres secteurs économiques.

M. Jérôme Lambert a noté que le projet de rapport d'information mentionnait que les premières orientations définies par la Commission en juillet 2004 étaient « à la fois, politiquement inacceptables et économiquement absurdes » et que les dernières propositions, en date du 25 juin 2005, marquaient « un réel progrès » tout en ne faisant pas une place suffisante « à la question, centrale, de la préférence communautaire ». Or, il ne semble pas que cette question soit suffisamment abordée dans la proposition de résolution. D'une façon générale, sans remettre en cause la qualité du rapport d'information, les propositions et recommandations suggérées s'inscrivent trop dans le cadre de la réforme envisagée par la Commission, qui conduira inévitablement à placer nombre d'agriculteurs européens dans une situation difficile. Mais il faut convenir que c'est le problème global de la mondialisation qui devrait être réexaminé et que les vraies questions ne pourront pas trouver de solution en n'abordant que le marché du sucre.

M. Guy Lengagne a évoqué le débat qui a récemment eu lieu au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le rapport présenté par le Britannique M. Flynn relatif à la réforme de la politique agricole commune. Il s'agissait d'une attaque en règle contre la PAC, et particulièrement contre l'OCM sucre qui, en encourageant la production dans les pays européens, pénaliserait sérieusement les pays en développement. M. Guy Lengagne a suggéré qu'un argumentaire synthétique soit préparé pour être en mesure de répondre à ces attaques répétées, qui touchent en réalité l'ensemble de la politique agricole commune.

Il a observé que les capacités de production des PMA pourraient également faire l'objet d'une évaluation frauduleuse. Par ailleurs, il est évident que la proposition de résolution ne peut que constater la nécessité de réformer l'OCM dans les meilleures conditions possibles.

M. André Schneider a également indiqué que la réforme proposée par la Commission le mettait mal à l'aise.

Le Président Pierre Lequiller a estimé qu'il faudrait également faire référence à la notion d'autosuffisance alimentaire européenne.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Marie Sermier, rapporteur, a apporté les éléments de précision ci-dessous :

- une baisse de prix de l'ordre de celle proposée par la Commission, soit 39 %, doit être soutenue, même si le rapporteur du Parlement européen, souhaite la limiter à 25 %. Des contraintes impérieuses de calendrier, les semis commençant à être effectués dans certaines régions du Sud de l'Europe, imposent de donner une visibilité aux producteurs, afin qu'ils soient en mesure, dès 2006, d'adapter ou d'arrêter leur production en conséquence ;

- cette baisse de prix doit impérativement s'accompagner de mesures compensatoires, et à plus forte raison dans les régions ultrapériphériques en raison des coûts d'acheminement liés à l'éloignement géographique. A cet égard, le rapporteur a indiqué avoir plaidé la cause des régions ultrapériphériques auprès de Mme Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne pour l'agriculture et le développement rural, et a précisé que le président du syndicat des fabricants de sucre de la Réunion soutenait les principales orientations formulées dans le rapport ;

- les compensations financières sont vitales pour les départements d'outre-mer qui ne disposent pas, à la différence de la métropole, d'une capacité de diversification de leur production. Le projet prévoit de ne pas demander aux régions ultrapériphériques de financer le fonds de restructuration de l'industrie du sucre et qu'il leur sera versé une aide dérogatoire pour l'acheminement de la production. Celle-ci doit toutefois bénéficier d'une enveloppe plus importante, à la hauteur de la dernière exécution budgétaire. Par ailleurs, le « recouplage » des aides dans les DOM, demandé par la proposition de résolution, permettrait de maintenir le niveau actuel de production ;

- s'agissant de la critique accusant l'Union européenne de limiter la production de sucre dans les pays en développement, il ne faut pas oublier que l'exportation de sucre ne concerne en réalité essentiellement que le Brésil. Quant aux pays les plus pauvres, à l'instar du Malawi, le processus d'accompagnement de l'adaptation du secteur sucrier des pays ACP revêt une dimension stratégique pour structurer la production dans ces pays. En tout état de cause, la politique européenne dans le secteur du sucre a jusqu'alors constitué une illustration particulièrement intéressante de l'aide Nord/Sud ; remettre en cause la PAC, c'est aussi remettre en question cet exemple de solidarité.

- le point 12 de la proposition de résolution fait volontairement référence au sucre brésilien pour indiquer clairement d'où proviennent les risques d'importations frauduleuses. En outre, les deux clauses de sauvegarde demandées doivent être automatiques, afin de ne plus connaître les longs temps de réaction de l'Union européenne, tels ceux sur la question des importations en provenance des Balkans ;

- les propositions de la Commission, sur lesquelles la Délégation doit se prononcer, ne visent que la réforme d'une OCM, mais il est évident que des réponses satisfaisantes ne pourront être obtenues que si l'Union européenne parvient à obtenir un accord convenable dans le cadre plus général des négociations au sein de l'OMC. Pour le moment, les accords conclus en 2004 dans le cadre de cette institution ne permettent pas de se référer à la préférence communautaire. Ce n'est donc pas la commissaire en charge de l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, qui dispose de marges de manœuvre, mais son collègue en charge du commerce, M. Peter Mandelson. Ce dernier doit donc veiller à ce que l'OMC n'aboutisse pas à un simple accord sur les denrées agricoles, ce qui est pourtant envisageable actuellement et ce qui déboucherait sur les mêmes conséquences dommageables pour les producteurs que la suppression des quotas dans le secteur du textile.

Après que la Délégation ait ajouté un point 18 demandant au négociateur communautaire d'être particulièrement attentif au problème de la préférence communautaire, elle a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ; la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien en faveur des agriculteurs et la proposition de règlement du Conseil établissant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999 relatif au financement de la politique agricole commune (COM (2005) 263 final du 22 juin 2005 / document E 2916),

- Considérant qu'une réforme de l'organisation commune des marchés (OCM) du sucre est nécessaire pour préparer ce secteur aux quatre chocs extérieurs qu'il devra subir :

. l'entrée, sans quotas en 2006, et, en franchise de droits en 2009, du sucre importé des pays les moins avancés (PMA),

. la mise en œuvre des conclusions du « panel sucre » de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ayant condamné certains aspects du régime européen d'exportations de sucre,

. l'impossibilité, à terme, d'exporter, avec ou sans restitutions, du sucre, qui résulte de ce jugement, ainsi que de l'engagement pris par la Conférence ministérielle de l'OMC de Doha d'éliminer toutes les formes de subventions aux exportations,

. la baisse des droits de douane protégeant les productions sous OCM, qui sera programmée par le prochain accord agricole multilatéral, issu du cycle de négociations commerciales en cours ;

- Considérant que l'Union européenne doit réformer cette OCM dans un sens qui préserve le potentiel de production des acteurs les plus compétitifs de la filière, à condition que la recherche de l'efficacité économique s'appuie sur une solidarité forte à l'égard des planteurs, en particulier ceux des régions ultrapériphériques ;

- Considérant que les efforts demandés par la restructuration du secteur sucrier doivent être justement compensés et aboutir à une OCM viable, qui donne, jusqu'en 2013/2014, des perspectives claires aux agriculteurs et aux industriels, ainsi qu'aux producteurs des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

- Considérant que le volet externe de cette réforme, dont la faiblesse constitue le point le plus contestable du projet de la Commission, doit être impérativement amendé, afin de permettre au marché européen du sucre de trouver, après la réforme, son équilibre ;

Sur la baisse des prix et les quotas

1. Soutient une baisse de prix de l'ordre de celle proposée par la Commission, selon le calendrier prévu, afin de diminuer, de manière économiquement fondée, la production, qui se fixera ainsi dans les zones les plus compétitives, et de rendre moins attractif le marché européen pour les importations de sucre frauduleuses ou spéculatives ;

2. Approuve le maintien de quotas nationaux, ainsi que la mise en place d'un quota supplémentaire d'un million de tonnes, lequel permettra de ne pas pénaliser le potentiel des zones produisant du sucre hors quota ;

Sur le fonds de restructuration

3. Se félicite de la création d'un fonds de restructuration de l'industrie du sucre, financé par un prélèvement spécifique, qui rendra attractif, grâce à une durée de vie courte, de quatre ans, l'abandon indemnisé de quotas de production et réorganisera, de manière rapide, la filière, permettant ainsi d'éviter une réduction linéaire des quotas, applicable par la Commission, à partir de février 2010, en cas de déséquilibres de marché ;

4. Souhaite qu'afin de se prémunir des effets d'une année perdue lors de la campagne 2006/2007, le caractère incitatif de l'aide à la restructuration soit renforcé, en maintenant, pour la campagne 2007/2008, son niveau égal à celui de la campagne précédente ;

5. Demande que ce fonds soit davantage abondé, grâce à une augmentation du prélèvement spécifique, afin de mieux indemniser les planteurs, par un partage de la prime d'abandon entre ces derniers et les industriels, qui pourront ainsi bénéficier d'une aide plus importante, s'ils arrêtent de produire, ou d'une compensation plus élevée de la baisse des prix, s'ils continuent de produire ;

6. Demande que les Etats membres ne puissent pas pouvoir s'opposer au processus de restructuration, s'il répond à des critères stricts à définir, pour que celui-ci conserve son efficacité, et veillent, en revanche, au respect des accords interprofessionnels et des conditions, environnementales et sociales, attachées à la fermeture des usines ;

7. Demande que soit laissée ouverte, de manière encadrée, la possibilité de conserver l'outil industriel pour la production d'éthanol, tout en interdisant les reconversions d'usines vers le raffinage ;

Sur l'institution d'aides compensatoires pour les planteurs et leur gestion par les Etats membres

8. Demande que la gestion des enveloppes prévues pour les paiements directs aux planteurs obéisse au principe de subsidiarité et, qu'à ce titre, soit laissé aux Etats membres le soin :

. de décider de verser la compensation sur la base d'un montant unitaire exprimé en euros par hectare ou en euros par tonne ;

. de « recoupler », pour le maintien d'une activité industrielle dans des zones précises, l'aide sur des quantités minimales ;

9. Demande pour les départements d'outre-mer que, compte tenu de leurs spécificités, reconnues par le traité, leurs handicaps structurels et l'inexistence d'alternatives agricoles viables, les paiements puissent être « recouplés » et que l'aide à l'écoulement soit maintenue dans son montant actuel, à hauteur de 20 millions d'euros ;

10. Demande la suppression de la cotisation à la production de 12 euros la tonne, répartie, pour moitié, entre les planteurs et les industriels, dont la création n'obéit à aucune logique et pèse, de manière inéquitable, sur les acteurs de la filière européenne, sans frapper les importations de sucre ;

11. Demande la suppression de la possibilité permettant d'abaisser, par un accord interprofessionnel, de 10 % au maximum le prix institutionnel de la betterave, qui vide de son sens la notion même de prix minimum et introduit une logique de compétition entre planteurs et industriels, susceptible de nuire à la cohérence du marché ;

Sur le volet externe de la réforme

12. Demande, compte tenu des risques d'importations frauduleuses de sucre brésilien, auxquelles aura été conférée l'origine PMA, l'institution, dans le futur règlement, des deux clauses de sauvegarde automatiques suivantes, permettant de rétablir des droits de douane, sans lesquelles la réforme de l'OCM conduira à l'effondrement des prix garantis, ainsi qu'à d'insoutenables déséquilibres sur le marché intérieur :

- une clause visant toutes les importations de sucre, qui se déclenche concomitamment au stockage privé, mis en œuvre par la Commission dès que le prix du marché tombe en dessous du prix de référence ;

- une clause visant les importations de sucre PMA, qui se déclenche dès que ces pays exportent, vers le marché communautaire, des quantités de sucre supérieures à leur production ;

13. Recommande l'adoption, en parallèle avec le nouveau règlement sucre, de nouvelles règles d'origine, qui ne confèrent pas à du sucre simplement raffiné l'origine lui permettant d'entrer sans limitations sur le marché communautaire ;

14. Demande que soit maintenue, jusqu'au terme fixé pour la suppression de toutes les subventions à l'exportation, la possibilité d'exporter, avec ou sans avec restitution, jusqu'à 1 273 000 tonnes de sucre du quota ou de sucre hors quota, prévue par l'actuel Accord sur l'agriculture de l'OMC, et que soit négociée l'inclusion de l'équivalent de sucre ACP réexporté dans le calcul des engagements de réduction des exportations subventionnées ;

15. Demande que soit permis, par le nouveau règlement, le recours à l'exportation, sans restitution, du sucre européen sur le marché mondial si le cours mondial de ce produit est supérieur au prix européen ;

16. Recommande la négociation de protocoles d'assistance avec les pays ACP et les PMA, destinés à renforcer, avec l'aide de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), leur capacité de surveillance des opérations contournant les règles d'origine ;

17. Demande que l'enveloppe destinée à accompagner la diversification des économies des pays ACP affectés par la baisse des prix du sucre soit fixée à 300 millions d'euros et que celle-ci bénéficie non seulement aux industriels, mais aussi aux planteurs et aux récolteurs, dans le but de développer l'agriculture vivrière de nos partenaires ;

18. Rappelle au Commissaire européen en charge du commerce extérieur que son mandat de négociation à l'OMC inclut, conformément aux principes fondateurs de la politique agricole commune, la défense de la préférence communautaire qui, en protégeant nos prix du marché mondial et en contribuant à rendre notre agriculture la plus sûre au monde, garantit notre autosuffisance alimentaire. »

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

¬ Commerce international

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord international de 2005 sur l'huile d'olive et les olives de table (document E 2971).

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé ce texte.

III. Nomination de rapporteurs

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a nommé :

M. Christian Philip, rapporteur d'information sur les agences de l'Union européenne,

et a confié à :

- M. Alfred Almont, une communication sur l'institution d'un régime unique tarifaire sur les importations de bananes.