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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 172

Réunion du mercredi 17 mai 2006 à 17 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen du rapport d'information du Président Pierre Lequiller et de M. Daniel Garrigue sur l'avenir du brevet en Europe

M. Pierre Lequiller, Président et rapporteur a rappelé qu'à la suite d'un débat en séance publique sur un amendement déposé par M. Jean-Michel Fourgous dans le cadre de l'examen du projet de loi de programme sur la recherche, le Premier ministre avait saisi les Présidents des deux Délégations parlementaires pour l'Union européenne d'une mission de réflexion sur l'avenir du brevet en Europe. Il a précisé qu'il avait confié à M. Daniel Garrigue le soin de l'assister dans ce travail et qu'il tenait à le remercier très vivement pour le travail de fond qu'il a réalisé. La mission confiée par le Premier ministre visait essentiellement à examiner les voies de réforme du brevet européen ainsi que le projet de brevet communautaire pour éclairer les enjeux de la ratification du protocole de Londres.

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a souligné que le droit des brevets était complexe mais conduisait à aborder des enjeux passionnants. Il faut d'abord rappeler que le brevet est un titre de propriété industrielle accordé pour une durée déterminée à une personne souhaitant protéger une invention. La procédure de délivrance d'un brevet doit être connue pour bien comprendre le débat qui va suivre. La première étape est le dépôt du brevet auprès d'un office national ou de l'Office européen des brevets. Il y a ensuite une phase de recherche d'antériorités, puis la publication de la demande de brevet, qui s'accompagne d'ailleurs d'un abrégé traduit en français. Commence alors une période d'examen qui peut durer plusieurs années et aboutit, le cas échéant, à la délivrance du brevet. Le détenteur d'un brevet européen délivré doit ensuite valider son brevet dans les Etats qu'il aura désignés pour obtenir une protection de son invention. Le coût du brevet européen est important en raison, d'une part, de la nécessité de traduire l'intégralité du brevet, à savoir la description et les revendications, et, d'autre part, de l'obligation de payer des annuités pour maintenir la protection en vigueur dans les pays désignés.

Il importe de bien percevoir que le brevet possède plusieurs facettes. C'est un instrument de protection, mais aussi un outil de divulgation de l'information utile dans la veille technologique. Dès lors, les entreprises peuvent avoir diverses stratégies : chercher à se protéger, souhaiter valoriser leur portefeuille de brevets, ou encore saturer leur secteur d'intervention pour gêner les recherches des concurrents. A cela s'ajoute également le point de vue des usagers des brevets.

Le protocole de Londres vise à simplifier le régime linguistique du brevet européen. Actuellement, dans le cadre de l'Office européen des brevets, le détenteur d'un brevet délivré doit supporter le coût d'une traduction intégrale du brevet dans toutes les langues des pays désignés. A l'initiative de la France, l'accord signé à Londres en 2000 propose pour l'essentiel de limiter les traductions aux seules revendications et souligne l'importance des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, à savoir l'allemand, l'anglais et le français. A ce jour treize Etats ont signé le protocole de Londres, six l'ont d'ores et déjà ratifié, et quatre Etats sont sur le point d'achever la procédure de ratification. L'entrée en vigueur du protocole ne pourra avoir lieu que lorsque huit Etats l'auront ratifié et doivent impérativement figurer dans ces huit Etats l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Le deux premiers Etats cités ayant d'ores et déjà ratifié le protocole, on comprend que c'est aujourd'hui la France qui commande son entrée en vigueur.

Les auditions organisées par les rapporteurs ont permis d'évoquer les différents éléments du débat. On peut considérer que quatre questions méritent d'être développées portant sur les aspects linguistique, économique, technologique et institutionnel. Ces éléments ont aussi fait l'objet d'une concertation avec le groupe de travail mis en place par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, sous la présidence de M. Hubert Haenel.

La question linguistique est celle qui a été le plus mise en avant dans le débat depuis plusieurs années. Il est ainsi régulièrement affirmé que le protocole de Londres serait préjudiciable à la langue française. Il convient d'abord d'observer que, d'ores et déjà, on constate un déclin du nombre des brevets délivrés en allemand et en français par rapport au nombre de brevets délivrés en anglais et l'évolution tendancielle n'est pas favorable à notre langue. Ensuite, il importe de souligner que le protocole de Londres apporte plusieurs garanties à la langue française. Ainsi, notre langue est confirmée comme langue officielle du système européen des brevets et les revendications seront systématiquement traduites en français. Il faut souligner que plusieurs Etats (Danemark, Suède et Pays-Bas) n'ayant pas comme langue officielle l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets n'ont pas usé de la faculté de demander une traduction de l'intégralité des brevets en anglais. Dans le cas des Pays-Bas, la secrétaire d'Etat au commerce extérieur a d'ailleurs indiqué aux rapporteurs que les entreprises de son pays implantées à proximité de la frontière allemande auraient plutôt été favorables au choix de la langue allemande si l'option avait été mise en œuvre. Par ailleurs, l'avis du Conseil d'Etat sur la constitutionnalité du protocole de Londres a insisté sur le fait que cet accord prévoyait une obligation de traduction à la charge du déposant en cas de litige. On ne peut manquer d'observer, enfin, que le régime linguistique prévu pour le projet de brevet communautaire est extrêmement proche de celui proposé par le protocole de Londres, puisque seules les revendications seraient traduites.

Dans la pratique, les traductions intégrales en français n'interviennent qu'après la délivrance du brevet et toutes les phases antérieures de la procédure sont donc réalisées dans la langue de dépôt. Cela signifie que, dès à présent, la veille technologique se fait surtout en anglais et en allemand. Ayant eu l'occasion d'effectuer une enquête de terrain auprès de plusieurs PME, les rapporteurs ont observé que ces dernières ou bien disposent d'un personnel maîtrisant les autres langues de dépôt, ou font appel à des conseils en propriété industrielle ou encore établissent une relation directe avec le détenteur du brevet qui leur fournit alors un mode d'emploi en français. Il apparaît donc que l'incidence linguistique du protocole de Londres est très limitée pour les entreprises.

Les inquiétudes concernent essentiellement les professionnels, c'est-à-dire les conseils en propriété industrielle et les traducteurs de brevets. Les conseils en propriété industrielle ont des craintes liées au fait qu'une partie de leurs activités a trait à la traduction et ils estiment que les cabinets anglo-saxons pourraient développer leurs activités en France. Toutefois, la qualité évidente de ces professionnels devrait leur permettre de s'adapter aux nouvelles conditions introduites par le protocole de Londres, d'autant que ce dernier devrait favoriser le dépôt des brevets, ce qui élargira leur champ d'intervention. S'agissant des traducteurs, on constate que beaucoup d'entre eux ont également une formation d'ingénieurs et qu'il pourrait être envisagé une forme d'association avec les cabinets en propriété industrielle.

En conclusion sur l'aspect linguistique, il n'est pas apparu aux rapporteurs que la langue française était menacée, surtout que d'autres canaux existent (en particulier les commissions de terminologie et de néologie) pour assurer l'évolution de notre langue en matière technologique.

Le deuxième argument en faveur de la ratification du protocole de Londres est d'ordre économique. Incontestablement, le coût du brevet constitue un frein au dépôt de brevets européens. Cela est exact pour les entreprises, mais aussi - on ne le mentionne pas assez souvent - pour la recherche académique. Les grandes institutions de recherche et les universités sont souvent conduites, à cause de moyens financiers limités, à restreindre le nombre de pays qu'elles désignent et lorsqu'une entreprise montre son intérêt pour l'invention protégée, elle est fréquemment conduite à renoncer car la protection territoriale du brevet est trop réduite. La question du coût du brevet nuit donc à la valorisation de la recherche publique.

Sur le plan technologique, on entend parfois dire qu'il existerait un risque de voir les Américains, les Japonais, les Chinois et les Indiens déposer massivement des brevets pour saturer le marché européen. Cette menace ne semble pas fondée car la « saturation » suppose d'être prêt à payer des annuités dont le coût augmente au fur et à mesure. Surtout la perspective peut être renversée, car la divulgation de brevets facilitera la veille technologique et permettra de conforter le pôle européen des brevets. A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que le Japon a bâti son développement sur une meilleure connaissance de la technologie de ses concurrents. Le protocole de Londres constitue ainsi un instrument à l'avantage de la recherche et de l'innovation.

Le dernier argument en faveur du protocole de Londres est d'ordre institutionnel. Si certaines administrations, notamment le ministère de la justice, considèrent que la ratification par la France du protocole de Londres serait susceptible de retarder les discussions sur le brevet communautaire, les rapporteurs estiment que cette affirmation est pour le moins spécieuse. D'abord parce que le brevet européen s'adresse aux déposants intéressés par une protection limitée au niveau territorial, tandis que le brevet communautaire serait utilisé par des secteurs, telles que la pharmacie ou l'industrie chimique, ayant nécessairement besoin d'une protection étendue de leurs inventions. Ensuite, car l'état de discussion du brevet communautaire ne permet en aucune façon de prétendre que l'absence de ratification du protocole de Londres accélèrerait les négociations du brevet communautaire. Au contraire, un refus de le ratifier serait perçu comme un signal supplémentaire de mauvaise volonté de la part de notre pays et il y a tout lieu de penser que nos partenaires freineraient alors les discussions sur le brevet communautaire.

En tout état de cause, les deux démarches sont séparées et, en réalité, la véritable question qui sous-tend les réticences du ministère de la justice concerne les aspects juridictionnels. Or, le protocole de Londres ne vise que les aspects linguistiques du brevet européen et n'interfère nullement dans le domaine juridictionnel. De plus, il est évident que le débat sur les juridictions débouchera à terme sur une structure mixte, rattachée à la fois à l'Union européenne et à l'Office européen des brevets. Des collaborations entre l'Union et des organismes créés par des accords intergouvernementaux existent, comme cela se voit déjà dans le secteur nucléaire ou dans le domaine spatial. Il faut également préciser que l'audition de représentants du ministère allemand de la justice a permis de constater que ce pays n'était pas hostile à l'institution d'un second degré de juridiction dans un cadre unifié et qu'il était favorable à son installation au Luxembourg.

Toutes ces raisons conduisent les deux rapporteurs à recommander au Premier ministre la ratification du protocole de Londres par la France.

M. André Schneider a félicité les deux rapporteurs pour la qualité du travail accompli sur un sujet éminemment complexe et important, qui ne peut laisser insensible l'élu d'une région transfrontalière pratiquant deux des trois langues officielles du système européen des brevets.

Les chiffres cités sur la part du français dans les brevets délivrés sont éloquents : si les élus peuvent souhaiter ou rêver que le français soit la langue universellement valable en matière de brevets, dans le monde réel ils ne peuvent qu'espérer que la langue française accroisse, modestement, la place qu'elle occupe.

Aux arguments économiques militant en faveur d'une ratification du protocole de Londres, il convient d'ajouter un argument supplémentaire, tout aussi décisif : cet accord intergouvernemental contribuera à une meilleure diffusion des technologies, lesquelles sont un vecteur de connaissance irremplaçable.

Cet argument plaide en faveur d'une démarche européenne forte et, à ce titre, le protocole de Londres doit être soutenu par la France. Les PME pourront ainsi participer au grand bal de la connaissance, dont elles se sentent, aujourd'hui, en partie exclues. Or celles-ci sont porteuses d'espoir et d'emplois, un constat qui peut d'ailleurs servir de dernier argument pour une ratification du protocole de Londres.

M. Jacques Myard s'est déclaré « effaré » par la faiblesse des arguments présentés par les rapporteurs. De toute évidence, ces derniers sont sous l'influence d'une campagne en faveur du protocole menée par les grandes multinationales.

Quelle est la situation aujourd'hui ?

D'une part, la mise en place du brevet communautaire se heurte à des obstacles d'ordre juridictionnel. A ce sujet, M. Jacques Myard a souhaité rappeler qu'il était l'un des « pères fondateurs » de la Cour d'appel commune (COPAC), ce qui l'a amené à s'opposer à la Commission européenne car la Cour de justice des Communautés européennes ne voulait pas se voir attribuer une compétence dans le domaine des brevets, pour la simple raison qu'elle ne le connaît pas. Enfin, beaucoup considèrent que le brevet communautaire, s'il devait voir le jour, serait, en réalité, très peu utile.

D'autre part, il existe un Office européen des brevets, qui s'appuie sur un instrument, la Convention de Munich, tout à fait suffisant, même si cette convention ne permet qu'une protection limitée, car elle ne joue que pour les Etats dans lesquels les titulaires de brevets souhaitent obtenir la protection de leurs titres de propriété industrielle.

Toutefois, même réduite, cette protection est de facto satisfaisante pour la plupart des entreprises. Ce sont en effet les seules multinationales qui sont intéressées par un système de protection uniforme dans la Communauté. M. Jacques Myard a prolongé cette analyse en considérant que le brevet communautaire constitue la « voie royale » de pénétration technologique de l'Europe par les grands groupes chinois et américains. A l'inverse, le brevet européen réparti en plusieurs brevets nationaux répond parfaitement aux intérêts des entreprises.

M. Jacques Myard a abordé plusieurs points de l'exposé de M. Daniel Garrigue, pour les réfuter.

Premièrement, l'argument consistant à affirmer que l'entrée en vigueur du protocole de Londres va augmenter le nombre de dépôts n'a aucun sens. En effet, il n'y a aucun lien direct entre la question des langues et celle du dépôt des brevets. M. Jacques Myard s'est élevé contre le discours rabattu du coût soi-disant excessivement élevé de la protection des brevets en Europe, en raison des exigences de traduction. D'après lui, en effet, le coût des traductions d'un brevet européen, lequel couvre un marché théorique de 280 millions d'habitants, s'élève, en moyenne, à 350 euros par an sur vingt ans.

Deuxièmement, l'argument sur la saturation des marchés n'est qu'un leurre. Le vrai problème est que l'Office européen des brevets ne fait pas son travail : toute sa politique consiste à se réjouir de l'augmentation des dépôts, tant il est vrai que cela lui permet d'engranger davantage de redevances. Or cette philosophie conforte l'attitude des Etats-Unis, qui ne visent qu'un seul but : la saturation des marchés. De plus, dès lors que les coûts de traduction diminueront en Europe, en raison de l'entrée en vigueur du régime linguistique du protocole de Londres, les Etats-Unis pourront saturer encore davantage le marché. La tactique retorse de ce pays est, d'ailleurs, bien connue des conseils en propriété industrielle. L'objectif qu'il poursuit est limpide : « déglinguer » la concurrence.

Troisièmement, l'argument de la conformité du protocole à la Constitution est bien faible : certains éléments juridiques, qui n'ont pas été évoqués par les rapporteurs, laissent à penser qu'au contraire, le risque d'inconstitutionnalité est sérieux.

Quatrièmement, l'argument concernant les revendications est irrecevable, puisque les traductions de ces parties du brevet sont, en vérité, incompréhensibles Pour un brevet, seule compte la description de l'invention, car c'est cet élément d'information capital qui permet d'attester de la réalité de l'innovation.

Cinquièmement, il y a lieu de noter qu'un nombre important de brevets traduits en français sont consultés. Certains affirment le contraire, en soulignant que les descriptions traduites en français ne représentent que 1,7 à 2 % des brevets consultés. Cependant, ce pourcentage n'est qu'en apparence peu élevé : en effet, il représente, tout de même, 2 100 consultations par an.

Enfin, M. Jacques Myard a dénoncé l'attitude du négociateur français du protocole de Londres, en affirmant que celui-ci avait signé cet instrument en outrepassant les instructions données par les autorités. Il a en outre indiqué que le ministère des affaires étrangères s'opposait au protocole, tandis que le Conseil supérieur de la propriété industrielle s'était prononcé contre la ratification.

Il a conclu en affirmant qu'il n'existe pas de lien entre ce texte et le nombre de brevets déposés, mais qu'à l'inverse, son entrée en vigueur ouvrirait une tête de pont aux multinationales américaines et à leur stratégie de pénétration du marché européen. Il s'agit donc d'un « marché de dupes »

M. Christian Philip a estimé que ce protocole n'était pas préjudiciable au français. Il a précisé que sa conviction était que les systèmes imposant l'utilisation de toutes les langues tendent à favoriser l'anglais, tandis que ceux qui ne reconnaissent que quelques langues sont favorables au plurilinguisme. Il a toutefois considéré que la ratification, par la France, du protocole doit s'accompagner d'une action résolue des pouvoirs publics, notamment en direction des PME, pour le développement d'une véritable culture du dépôt des brevets. Cette politique pourrait s'appuyer sur des mesures économiques, comme des incitations ou des aides, ainsi que sur l'appui apporté aux entreprises de nos partenaires par les missions économiques des ambassades. Si une telle politique d'accompagnement n'est pas mise en œuvre, il ne faut pas se faire d'illusion sur la place qu'occupera le français dans le système de brevet en Europe, quel qu'il soit.

M. René André a salué le brio de l'intervention de M. Jacques Myard, mais a estimé que les Etats-Unis pourront toujours, quel que soit le choix final de la France, saturer le marché de leurs brevets. Quant au contenu du protocole, il a jugé qu'il faut se réjouir qu'un instrument international consacre le français comme une langue officielle et qu'en conséquence, il serait malheureux que la France ne saisisse pas cette occasion pour marquer, par la ratification, son attachement à sa langue, et, par la même occasion, à l'Union. En conclusion, il s'est déclaré favorable à la ratification de ce traité.

En réponse aux intervenants, M. Daniel Garrigue, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le chiffre de 350 euros en moyenne annuelle, avancé pour le coût des traductions, est valable dans l'hypothèse où le déposant souhaite une protection pour une durée maximale, soit 20 ans. Il est en revanche supérieur si le déposant abandonne plus vite la protection accordée. La durée moyenne de protection est d'ailleurs, dans les faits, de dix ans ;

- pour apprécier la qualité effective de la rédaction en français des revendications traduites d'une autre langue, il conviendrait d'examiner précisément l'ensemble de ces revendications, et non pas quelques cas particuliers ;

- la consultation, au titre de la veille technologique, de brevets rédigés dans une autre langue est souvent effectuée par l'intermédiaire d'un conseil en propriété industrielle ;

- les pays qui n'ont pas encore ratifié le protocole pourraient dans l'avenir modifier leur position, en fonction notamment de la ratification par la France ;

- contrairement à l'affirmation de M. Jacques Myard, le Conseil supérieur de la propriété industrielle a donné, le 9 mai dernier, un avis favorable à la ratification du protocole. Seules trois opinions dissidentes ont été exprimées : celles des représentants du ministère de la justice, des conseils en propriété industrielle et des avocats ;

- le ministère de l'industrie et celui de la recherche soutiennent clairement la ratification ;

- la crispation linguistique constatée chez certains Etats membres est inversement proportionnelle au nombre de brevets déposés par ces Etats ;

- l'utilisation du français dépend notamment de notre politique de recherche et en particulier du soutien apporté aux PME dans ce domaine.

Le Président Pierre Lequiller, rapporteur, a souligné le travail approfondi auquel le rapport avait donné lieu, notamment l'importance des contacts pris avec les PME.

Il a ajouté que l'Académie des sciences, le Conseil supérieur de la propriété industrielle, l'Académie des technologies et la CGPME s'étaient exprimées en faveur de la ratification. Il a également observé que M. Christian Pierret, ministre de l'industrie au moment de la signature du protocole, avait récemment manifesté très clairement son soutien à la ratification.

Il a rappelé que l'Office européen des brevets était l'organisation européenne dans laquelle le français était le plus pratiqué. Sur les 6 000 fonctionnaires qui travaillent à l'Office, 1 078 sont Français et 1 500 francophones.

Il a estimé que la question de la ratification du protocole de Londres avait des incidences sur l'image de la France auprès des autres Etats membres. Il a notamment souligné que l'Allemagne compte sur la ratification française.

Il a par ailleurs observé que la ratification du protocole de Londres était complémentaire du projet de brevet communautaire et qu'elle était demandée par les entreprises, et notamment les PME, compte tenu de la réduction des coûts des dépôts de brevet qu'elle entraînera.

Il a également noté que le protocole de Londres renforcerait la position de la France vis-à-vis des marchés allemands et britanniques.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après, M. Jacques Myard votant contre :

« La Délégation,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 2,

Vu la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973,

Vu le projet d'accord sur l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens,

Vu le projet d'accord instituant un système de règlement des litiges en matière de brevets européens,

Vu la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (COM[2000] 412 final) du 1er août 2000, telle que modifiée dans le document 7119/04 du Conseil en date du 8 mars 2004,

Vu le code de la propriété intellectuelle,

Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Considérant que le projet d'accord sur l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens (dit « protocole de Londres ») n'a d'incidence qu'après la délivrance du brevet, c'est-à-dire en moyenne plusieurs années après son dépôt ;

Considérant que le protocole de Londres confirme la place du français comme langue officielle de l'Office européen des brevets à la fois au stade du dépôt et en ce qui concerne les revendications et qu'il préserve la faculté d'exiger une traduction complète du brevet en français en cas de litige relatif à un brevet européen ;

Considérant que le coût du brevet européen constitue un frein au dépôt des brevets par les PME et à la valorisation des travaux de recherche des grandes institutions, notamment le CNRS, et des universités et que le protocole de Londres permettrait de diminuer ce coût de façon sensible ;

Considérant que l'accroissement du nombre de brevets délivrés constituerait un atout économique pour la France, et, au-delà, pour l'Europe ;

Considérant que le brevet européen, même après adoption du protocole de Londres, ne constituerait pas une alternative au brevet communautaire dont l'intérêt demeurerait entier pour un grand nombre de secteurs d'activités ;

Considérant que l'attrait renforcé du brevet européen représenterait un élément important de la veille technologique ;

Considérant que la question de l'organisation de la juridiction européenne en matière de brevet n'est aucunement liée à la modification du régime linguistique des brevets par le protocole de Londres mais dépend d'autres discussions tant dans le cadre intergouvernemental que dans le cadre communautaire ;

Considérant enfin que la place de la langue française dans le domaine de la recherche et de l'innovation dépend en fait de l'importance et de la qualité de notre effort de recherche, de la mise en place d'un réseau d'accompagnement efficace auprès de nos PME, de la meilleure valorisation de la recherche publique et des accords conclus avec certains de nos partenaires pour les inciter à déposer en français.

1. Recommande la ratification par la France du protocole de Londres ;

2. Souhaite que, dans le prolongement de cette ratification, les discussions reprennent rapidement pour permettre la mise en place du brevet communautaire. »

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

Point B

¬ Agriculture

- proposition de règlement du Conseil portant adaptation du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), compte tenu de l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (document E 3127) ;

- proposition de décision du conseil portant adaptation de l'acte d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en ce qui concerne le développement rural. Proposition de décision du conseil portant adaptation de l'annexe VIII de l'acte d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie (document E 3128) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du protocole de la convention alpine sur l'agriculture de montagne (document E 3146).