Version PDF

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° XXX

Réunion du mercredi 21 juin 2006 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 15 et 16 juin 2006

Le Président Pierre Lequiller a remercié Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, de venir rendre compte à la Délégation, comme il est de tradition, des conclusions du dernier Conseil européen.

S'agissant du traité constitutionnel européen, il s'est félicité que le Conseil européen ait fixé un calendrier et une méthode sur l'avenir du traité, reprenant à ce propos l'initiative franco-allemande de Rheinsberg. Il a estimé que le moteur franco-allemand avait fonctionné une fois de plus pour aller de l'avant.

Il a noté que les missions des membres de la Délégation effectuées récemment dans neuf pays de l'Union avaient montré une volonté générale de relance, sauf aux Pays-Bas.

Sur la stratégie d'élargissement, il a observé que la France avait réussi à faire prendre en compte par le Conseil européen la capacité d'absorption de l'Union dans les exigences de tout élargissement futur, après l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, soutenue par la Délégation, et qui devrait intervenir en principe en janvier 2007.

Il a interrogé la ministre déléguée sur la déclaration politique du 25 mars 2007 sur laquelle les chefs d'Etat et de gouvernement se sont engagés, ainsi que sur les propositions de réforme des politiques européennes évoquées par le Conseil européen.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, a remercié le Président pour l'organisation de cette audition qui permet, une semaine après le débat public sur le Conseil européen, de faire le point et de rendre compte à la Délégation des résultats de ce Conseil. La ministre a tout d'abord souligné que le Conseil européen des 15 et 16 juin avait été bien préparé par la France et l'Allemagne, et par la présidence autrichienne, notamment grâce à la réunion informelle préalable des ministres des affaires étrangères, à laquelle elle participait.

Le Conseil, dont l'ordre du jour était chargé, devait tirer le bilan de la période de réflexion décidée en juin 2005 et permettre un débat que la France avait souhaité sur la stratégie d'élargissement. Il a également été l'occasion de faire progresser l'Europe des projets, sujet que la France jugeait prioritaire, afin de rétablir la confiance en l'Europe par les citoyens européens.

Elle a indiqué que plusieurs déclarations de politique étrangère avaient été adoptées, notamment pour rappeler, sur le dossier du nucléaire iranien, l'attachement de l'Europe à une solution par le droit. L'initiative importante du SG/HR a été saluée et l'Iran a été à nouveau prié d'y apporter rapidement une réponse positive. Autre déclaration : l'approbation du mécanisme international transitoire d'aide directe aux populations palestiniennes, mis au point par la Commission européenne à la demande du Quartet. Ce mécanisme porte sur trois priorités : les approvisionnements essentiels et les coûts de fonctionnement des services sociaux et de santé, la fourniture de services généraux et les prestations sociales. Le Quartet l'a par la suite validé (déclaration du 17 juin). Enfin, la ministre déléguée a signalé aussi une déclaration sur le Liban pour réitérer le plein soutien des 25 aux travaux de la Commission d'enquête internationale dont le mandat a été prorogé d'une année par la résolution 1686 du Conseil de sécurité.

Mme Catherine Colonna a par ailleurs indiqué que le Conseil, en format « chefs d'Etat et de gouvernement », avait accueilli favorablement la proposition de la Commission sur l'entrée de la Slovénie dans la zone euro au 1er janvier 2007. Ce premier élargissement de la zone euro à l'un des nouveaux États membres a été reconnu comme une étape extrêmement positive du processus d'intégration économique et monétaire de l'Union. Cela montre que la zone euro est ouverte. L'adhésion de la Lituanie à cette zone a en revanche été reportée du fait de son inflation trop élevée au regard des critères de Maastricht. Les Lituaniens contestent cette analyse au motif que leur taux d'inflation sur 12 mois était de 2,7 % au mois d'avril, et donc proche de la valeur de référence de 2,63. Le Conseil « Ecofin » poursuivra la discussion afin d'évaluer ces critères.

Puis la ministre déléguée a indiqué qu'elle allait évoquer les autres résultats du Conseil européen de Bruxelles. Ils concernent :

- l'Europe des projets et des politiques efficaces ;

- les questions institutionnelles ;

- la stratégie d'élargissement.

En ce qui concerne l'Europe des projets et l'exigence de développer des politiques efficaces, la ministre déléguée a d'abord évoqué la capacité européenne de réponse aux crises. Après le tsunami fin 2004, chacun était convenu qu'il fallait mieux se coordonner. Le Président de la République avait souligné la nécessité de doter l'Europe de moyens plus efficaces pour répondre aux situations d'urgence, aux crises et aux catastrophes. Le Conseil européen a permis de progresser dans la mise en place d'une capacité de réponse européenne qui reposera sur la possibilité d'utiliser les moyens mis à disposition par les Etats membres, sur la création dès le mois de juillet d'un groupe de gestion de crise à Bruxelles, ainsi que sur le renforcement de la coopération consulaire entre les Etats membres. C'est donc un résultat positif, qui définit l'objectif, l'assortit d'un calendrier et devrait permettre d'adopter des mesures concrètes. Le rapport présenté par M. Michel Barnier le mois dernier, à la demande de la Commission et de la présidence autrichienne, ainsi que les propositions françaises faites en mars, y ont contribué.

Mme Catherine Colonna a ensuite abordé le sujet des migrations en soulignant que dès le Conseil européen informel de Hampton Court, la France, avec l'Espagne, avait insisté sur la nécessité de développer une approche globale, fondée sur le renforcement à la fois des contrôles mais aussi de la coopération et du développement. On ne résoudra ce problème qu'en le traitant à la source. Comme l'a indiqué le Président de la République lors de sa conférence de presse, la solution passe d'abord par le développement. Le Conseil européen de décembre 2005 avait validé cette approche globale et les Vingt-cinq ont réaffirmé qu'elle passe par la mise en place d'un partenariat Union européenne-Afrique avec tous les pays concernés (pays de destination, de transit et d'origine). L'importance de la conférence ministérielle euro-africaine des 10 et 11 juillet à Rabat, issue d'une initiative française, espagnole et marocaine, a également été rappelée par le Conseil. La dernière préparatoire à Dakar a permis début juin d'élaborer un projet de plan d'action et un projet de déclaration politique. Parmi les mesures envisagées, on peut citer le déploiement de projets de co-développement le long des routes migratoires ou l'appui à la création de mécanismes financiers au profit des migrants en situation légale en Europe qui visent à co-financer leurs projets d'investissement dans leurs pays d'origine.

S'agissant de la politique de l'énergie, la ministre a rappelé que le Conseil européen de mars dernier avait, pour la première fois, décidé de mettre en place une véritable politique européenne de l'énergie, avec comme première étape une stratégie extérieure en matière énergétique. M. Javier Solanna et la Commission ont ainsi élaboré un document qui a été validé par les Vingt-cinq et qui fixe sept mesures prioritaires. Il s'agit entre autres de la ratification de la Charte de l'énergie notamment par la Russie, d'un accord plus général sur l'énergie avec la Russie dans le cadre de l'instrument qui remplacera l'accord de partenariat et de coopération, ainsi que d'une utilisation de la politique commerciale de l'Union européenne et de la politique européenne de voisinage en matière énergétique. Ces éléments vont donc dans le bon sens et doivent permettre de mettre en place progressivement une politique énergétique extérieure européenne, qui, comme chacun sait, est l'une des clés de notre indépendance future européenne.

A propos du traité constitutionnel, Mme Catherine Colonna a indiqué que, pour la première fois, des orientations avaient été données.

Les Vingt-cinq ont fait une appréciation de la période de réflexion décidée par eux en juin 2005 : quinze pays ont dit « oui », deux n'ont pas été en mesure de ratifier le texte et huit autres pays ne se sont pas encore prononcés. Les conclusions du Conseil précisent, à la demande de plusieurs Etats qui ont ratifié le traité, « qu'il faut espérer que ce processus sera mené à bien ». Tous les membres du Conseil ont par ailleurs reconnu que cette période de réflexion avait été utile pour prendre la mesure des préoccupations des citoyens, au-delà des Pays-Bas et de la France, et de la nécessité d'y répondre en faisant progresser d'abord les résultats et les projets concrets.

Le Conseil européen a estimé que, parallèlement au processus de ratification en cours, il était nécessaire de poursuivre les travaux, sur la base de ce qui a été réalisé depuis juin dernier, avant que des décisions puissent être prises sur l'avenir du traité constitutionnel. Une « double démarche» a ainsi été adoptée: d'une part, il conviendra d'obtenir les résultats concrets que les citoyens attendent en tirant le meilleur parti des possibilités offertes par les traités existants ; d'autre part, la présidence allemande présentera au Conseil européen un rapport sur l'état des débats relatifs au traité constitutionnel et explorera les évolutions futures possibles. Est ainsi définie une séquence, qui débutera au 1er semestre 2007 avec la présidence allemande et se poursuivra jusqu'au second semestre 2008 sous présidence française, au cours de laquelle devront être prises au plus tard les décisions nécessaires à la poursuite du processus de réforme.

Sur le fond, beaucoup d'Etats ont rappelé qu'ils restaient attachés au contenu de ce traité ; certains de ces pays ont ratifié le texte comme l'Allemagne, mais d'autres ne l'ont pas ratifié comme le Portugal. Selon eux, un message d'encouragement clair en faveur de ce texte devait donc être envoyé pour montrer que l'on continuait à considérer que son contenu était le bon. Ils avaient même souhaité que les mots « processus de réforme constitutionnelle » figurent dans les conclusions, mais d'autres (les Pays-Bas et le Royaume-Uni, avec le soutien de la Suède) s'y sont opposés. Cette expression n'a donc pas été retenue. Ces échanges auront confirmé que l'avenir du traité constitutionnel ne fait pas l'objet d'un consensus entre les Vingt-cinq. En revanche, tous les Etats membres se sont accordés à reconnaître qu'il n'était pas possible d'en rester au traité de Nice, texte jugé insuffisant pour permettre à l'Europe élargie de fonctionner correctement. La question de savoir s'il y aura ou non un nouveau traité, quelle forme il revêtirait et par quelles procédures il serait élaboré demeure aujourd'hui ouverte et les contours de la solution ne pourront se dessiner progressivement, présidence après présidence , qu'à la fin de la séquence prévue. Il n'y a pas de solution simple. On le constate collectivement aujourd'hui. Pour la première fois, des orientations sont données, pour dégager, à terme et dans le calendrier prévu, une solution.

Enfin, en réponse à une question du Président Lequiller, la ministre déléguée a indiqué que le Conseil européen a donné son accord à la proposition de la Commission d'organiser une réunion des « responsables de l'Union européenne » à Berlin le 25 mars 2007, 50 ans après le traité de Rome, afin d'adopter une déclaration politique énonçant les valeurs et les ambitions de l'Europe et ce, dans le but d'aider à la formation de ce consensus européen qu'il va falloir recréer sur l'avenir du traité.

Par ailleurs, la ministre déléguée a évoqué les améliorations à traités constants, débattues par le Conseil, notamment sur la proposition de la France. Sans préjudice de l'avenir du traité constitutionnel, la France a estimé possible et nécessaire d'améliorer ce qui peut l'être dans le cadre des textes actuels. Elle a proposé, dans une contribution adressée à ses partenaires européens fin avril, des améliorations dans cinq domaines correspondant aux préoccupations des citoyens (Justice et affaires intérieures, dimension sociale, PESC, meilleure implication des parlements nationaux, coordination des politiques économiques). Sur tous ces sujets, à l'exception du dernier, le Conseil européen a permis de progresser même si la France aurait aimé que les Vingt-cinq prennent des décisions plus nettes. S'agissant de la sécurité des citoyens, la présidence finlandaise est invitée à étudier « les possibilités d'améliorer le processus décisionnel et les actions dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice sur la base des traités existants ». Cette formulation se réfère implicitement à la « clause passerelle » de l'article 42 du traité de l'Union européenne que la France a proposé d'utiliser pour rendre l'action de l'Union européenne dans ces matières plus efficaces et plus démocratiques (majorité qualifiée et codécision). C'est un bon résultat. Cette clause passerelle a été prévue par le traité de Maastricht et modifiée à Amsterdam. Elle n'est donc en rien une anticipation du traité constitutionnel.

En ce qui concerne le renforcement de la dimension sociale de l'action de l'Union, il est prévu que les différentes institutions, et non plus seulement la Commission, doivent prendre désormais en compte l'impact social de la législation européenne.

Sur l'action extérieure de l'Union, le rapport de la Commission coïncidait avec une partie des propositions françaises et les conclusions en reprennent un certain nombre. Tel est le cas des mesures qui visent à améliorer la coopération entre Commission et Conseil, tant à Bruxelles que dans les pays tiers, ou du soutien apporté à l'action du Haut représentant pour la PESC, M. Javier Solana. En revanche, d'autres propositions françaises en vue de renforcer les mandats du Haut représentant en matière de gestion de crise et pour assurer la représentation extérieure de l'Union n'ont pu être reprises.

Sur les parlements nationaux, les améliorations portent sur l'engagement de la Commission de transmettre directement les projets de textes aux parlements nationaux et d'examiner avec attention leurs observations, en particulier au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité, sans cependant lui imposer une obligation juridique qui aurait nécessité une modification des textes. Au total, nombre des propositions françaises faites en avril ont été reprises et notre pays a donné le mouvement.

L'élargissement est le domaine qui a enregistré le plus de nouveauté dans l'approche européenne. La France avait demandé et obtenu une réflexion approfondie sur la stratégie d'élargissement de l'Union. Elle constate avec satisfaction que ce débat a eu lieu pour la première fois au Conseil européen et qu'il sera renouvelé sous les présidences suivantes. Ce débat a permis d'apporter des précisions très importantes sur le concept de « capacité d'absorption de l'Union », qui est l'une des conditions de l'élargissement et qui a été énoncé en 1993. Les conclusions du Conseil européen sont satisfaisantes et mentionnent expressément que « le rythme de l'élargissement doit tenir compte de la capacité d'absorption de l'Union ». La capacité d'absorption est bien une condition de l'élargissement comme l'a dit le chancelier Schüssel et doit se définir par ses dimensions institutionnelle, politique et financière et par la perception de l'élargissement par les citoyens. Le Conseil européen déclare qu'il convient de « préserver la cohérence et l'efficacité de l'Union » et qu'« il importera à l'avenir de veiller à ce que l'Union soit en mesure de fonctionner politiquement, financièrement et institutionnellement lorsqu'elle s'élargit et d'approfondir encore le projet commun européen ». L'élargissement doit en effet être maîtrisé et contrôlé politiquement. La Commission est par ailleurs chargée de faire un rapport spécial sur tous les aspects de la capacité d'absorption lors de ses rapports annuels sur le processus d'élargissement.

Le Conseil européen a rétabli un équilibre entre l'élargissement et l'approfondissement de l'Union européenne pour réussir l'élargissement, en aucun cas pour le retarder. L'élargissement est, en réalité, une grande réussite. L'alternative aurait été une Europe coupée en deux. Mais il entraîne des conséquences que l'Union doit prendre en compte si elle veut continuer à réussir ce processus. La France se félicite d'avoir demandé un débat pour que l'Union européenne soit forte et capable de prendre des décisions. Dresser un bilan des Conseils européens est toujours délicat car l'on aimerait qu'il prenne encore plus de décisions, mais on ne fait pas l'Europe tout seul et la sagesse commande de reconnaître les progrès accomplis par un ensemble de vingt-cinq Etats membres.

M. François Guillaume s'est d'abord réjoui qu'en la matière, le Conseil européen ait précisé la capacité d'absorption comme le réclamaient de nombreuses voix, pour considérer ensuite qu'un examen des modalités d'absorption aurait également été utile non pour différer l'élargissement mais pour le faciliter.

A cet égard, plusieurs points restent surprenants. D'abord, l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie est conditionnée, comme toute autre adhésion, par l'application de l'acquis communautaire, mais il n'en est pas ainsi en agriculture, comme le montre le cas des quotas laitiers. Ils sont appliqués intégralement dans les quinze anciens Etats membres mais par chez les dix nouveaux. Ce serait un moindre mal si cela profitait aux petits agriculteurs mais il n'en est rien. Des agriculteurs venant de France ou d'autres anciens Etats membres s'implantent dans ce pays et vendent les quantités qu'ils veulent. Par ailleurs, la France a gagné à l'exportation vers ces pays en vendant aux consommateurs les plus fortunés. En revanche, les plus pauvres s'approvisionnent en produits locaux. Enfin, nos sociétés n'achètent plus les produits français mais les produits de ces pays à des prix beaucoup plus bas.

Ensuite, un accord sur le vin négocié avec la Roumanie prévoit un transfert automatique, hectare par hectare, de cépages peu recommandés en cépages recommandés. Cet accord rappelle ce qui a déjà été vécu avec l'Espagne, qui s'était engagée à réduire ses superficies, mais ne l'a pas fait, et a conduit à traiter les excédents en recourant à la distillation.

Par ailleurs, il est étonnant que l'Union européenne ait entamé les négociations avec la Turquie au point d'avoir clos provisoirement un premier chapitre, sans avoir posé au préalable la reconnaissance officielle d'un des vingt-cinq Etats membres, Chypre.

Enfin, sur la Constitution, certains pensent qu'il ne serait politiquement pas très important de donner un démenti flagrant à la majorité des Français qui ont dit non. L'Union a les bases juridiques nécessaires pour renforcer l'harmonisation fiscale et sociale et les procédures en matière d'immigration, mais les utiliser ne répondrait pas à la politique spectacle dont beaucoup se prévalent aujourd'hui. Transformer, mieux vaut le faire plutôt que le dire. Il est en tout cas nécessaire d'apporter une réponse conséquente à tous les peuples, à ceux qui se sont prononcés comme en France, comme à ceux que les gouvernements n'ont pas appelé à voter.

En ce qui concerne la représentation des Etats membres dans les institutions européennes, il a été dit que le traité de Nice permettait de répondre à l'élargissement, puis qu'il était inadapté. Il apparaît maintenant nécessaire de donner plus de pouvoir aux Etats membres démographiquement les plus importants, car Nice a creusé trop d'écart entre petits et grands Etats membres au détriment de ces derniers.

M. Michel Delebarre a préalablement observé que l'on ne pouvait espérer du dernier Conseil européen une solution à l'ensemble des maux de l'Europe, laquelle supposerait un accord entre les Vingt-cinq sur les perspectives ou la démarche. Les Pays-Bas n'ont d'ailleurs pas changé d'avis et ne veulent pas une Constitution. Pour la France, la situation est un peu plus compliquée. Il faut donc s'en tenir à prendre en considération les quelques avancées constatées, notamment sur la politique énergétique et sa dimension extérieure, opération essentielle pour la cohérence de la perspective européenne.

Quelques préoccupations peuvent être exprimées. Il s'agit d'abord de la sortie de la situation actuelle. On perçoit la manière de faire, puisque la future présidence allemande fera les premiers pas, dans un laps de temps d'ailleurs très réduit en raison des échéances électorales en France et aux Pays-Bas, et que la présidence française terminera le processus. Néanmoins, on ne dispose d'aucun élément sur le contenu de ce qui sera proposé. S'agissant de l'Allemagne, les thèmes devront en outre être partagés par les partenaires de la grande coalition.

En ce qui concerne la notion d'Europe des projets, on ne peut être que d'accord avec le « slogan », mais celle-ci ne pourra jamais prendre une amplitude considérable. On ne voit pas, en effet, quels sont les sujets qui vont particulièrement motiver l'opinion publique. Il est à cet égard regrettable de constater que le dossier des grandes infrastructures européennes, dont les projets ont été arrêtés, n'avance pas. C'est un sujet sur lequel la France pourrait prendre une initiative.

S'agissant du renforcement de la capacité d'intervention de l'Union en cas d'urgence ou de crise, qui s'applique tant aux situations internes qu'internationales, l'orientation du Conseil européen ne peut être qu'approuvée, mais l'absence de référence aux interventions des collectivités territoriales est regrettable. Il en est de même pour la question des migrations, où ce sont les collectivités qui doivent résoudre sur leurs territoires de nombreuses difficultés, en matière d'accueil, d'éducation ou de santé en l'occurrence.

Pour ce qui est, enfin, des contrats de projets, que l'on appelait auparavant les contrats de plan, dont les premiers éléments seront transmis cet été par les préfets, quelles sont les initiatives prévues pour rappeler la contribution qu'ils reçoivent des fonds structurels européens ? A défaut, cet aspect pourtant concret et tangible de l'Europe passera une nouvelle fois inaperçu et le sentiment général vis-à-vis de l'Europe ne changera pas. Il faut d'ailleurs déplorer que leur gestion directe ne soit pas de la compétence des Conseils régionaux.

M. Christian Philip s'est d'abord interrogé sur la manière de mieux mettre en valeur les résultats des Conseils européens, de manière à ce que que le public ne soit pas uniquement informé des points conflictuels, tels que le traité constitutionnel ou l'élargissement, mais connaissent également les éléments autres comme les déclarations de politique extérieure, dont on a peu parlé. Sur l'élargissement, on a de même eu le sentiment que le Conseil n'avait pas accepté d'en parler et avait pris rendez vous pour décembre prochain.

S'agissant de l'élargissement, le Conseil européen indique qu'il faut être à l'écoute des citoyens. Or, sur la Roumanie et la Bulgarie, les principes fixés ne sont pas appliqués. Ces deux Etats ne semblent pas respecter les critères requis. Certes, le Conseil a marqué le coup en reportant la question à l'automne, mais il est délicat d'agir ainsi sur des problèmes sur lesquels l'opinion est inquiète. Pour la Turquie, on constate la même difficulté. Des règles ont été fixées, notamment sur le respect de certaines minorités et Chypre, mais les négociations sur le chapitre éducation et culture ont pourtant été ouvertes.

En ce qui concerne le renforcement de la capacité d'intervention de l'Union en cas d'urgence ou de crise, le rapport de M. Michel Barnier donnait un calendrier, mais celui-ci n'a pas été repris. Que peut-on en conclure ?

Pour ce qui est enfin de la future déclaration du 25 mars 2007, plusieurs modalités peuvent être envisagées. Il ne faudra pas s'en tenir à une déclaration anniversaire mais définir les objectifs de l'Union pour les années à venir, avec une feuille de route ou un débat, et non seulement un acte annexé aux conclusions d'un Conseil européen. Cette déclaration pourra-t-elle faire l'objet d'un débat préalable au sein du Parlement européen et des parlements nationaux ?

Mme Catherine Colonna a apporté les éléments de réponse suivants :

- de réels progrès ont été réalisés en ce qui concerne la prise en compte de la capacité d'absorption de l'Union, et les conclusions mentionnent que le débat qui aura lieu lors du Conseil européen de décembre 2006 portera également sur l'amélioration de la qualité du processus d'élargissement ;

- l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en janvier 2007 dépend des efforts de ces pays pour être prêts. Le rapport de la Commission du 16 mai 2006 souligne que des progrès ont été faits dans la reprise de l'acquis communautaire, mais qu'il reste des sujets de préoccupation. En ce qui concerne les quotas laitiers et les plantations de vigne, des périodes transitoires ont été prévues dans le traité d'adhésion, comme lors des précédents élargissements, en matière de politique agricole commune. Durant ces phases transitoires, les nouveaux Etats membres ne sont pas immédiatement soumis à l'ensemble des contraintes liées à cette politique ; en contrepartie ils ne bénéficient pas tout de suite de l'intégralité des aides. Lors de l'adhésion de l'Espagne, le pire avait été prédit pour l'avenir de l'agriculture française : aujourd'hui l'Espagne représente le premier excédent commercial de la France ;

- il est nécessaire de progresser en matière d'harmonisation fiscale. L'unanimité reste cependant un obstacle, que le traité constitutionnel n'aurait d'ailleurs pas permis de lever. La Commission et les Etats membres avancent cependant sur ce thème, selon une méthode progressive, débutant par l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, avant de passer à la question, plus délicate, des taux ;

- la reconnaissance de Chypre par la Turquie fait partie intégrante de son processus d'adhésion. La France a été très ferme sur ce point l'été dernier, et la déclaration faite par l'Union européenne et ses Etats membres le 21 septembre 2005, rappelée dans les conclusions de ce Conseil européen, est sans ambiguïté sur ce point ;

- l'Union a besoin de nouvelles institutions pour pouvoir bien fonctionner. Les mécanismes de prise de décision sont actuellement trop lourds. Mathématiquement, les possibilités de réunir une majorité qualifiée diminuent au fur et à mesure que le nombre d'Etats augmente. La question du poids de chaque Etat membre au Conseil est une vraie question, à laquelle le traité constitutionnel apportait une réponse, qui conduisait d'ailleurs à augmenter l'influence de la France ;

- plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement se sont interrogés sur l'opportunité de conserver le terme « Constitution » dans la dénomination du traité. C'est une question qui sera discutée. Sur la méthode retenue, il appartiendra à la présidence allemande de présenter un rapport au premier semestre de 2007, qui fera le point sur l'état des débats relatifs au traité et présentera les différentes options envisageables. La période utile pour la préparation de ce rapport ne se limitera pas aux semaines postérieures aux élections françaises : quel que soit le résultat de celles-ci, la ministre déléguée a indiqué qu'elle n'imaginait pas qu'il serait possible de soumettre le même texte une seconde fois à l'approbation du peuple français. La France n'est d'ailleurs pas la seule à rencontrer des difficultés; outre les Pays-Bas, certains des huit Etats n'ayant pas réalisé leur processus de ratification ne souhaitent sans doute pas y procéder, pour des raisons de fond ;

- la question des réseaux transeuropéens de transport est à l'ordre du jour du prochain comité interministériel sur l'Europe, qui se réunira le 22 juin et qui définira les priorités françaises à ce sujet ;

- d'excellents arguments plaident en faveur du maintien de la gestion des fonds structurels par l'Etat, et non par les régions. Le dispositif actuel fonctionne bien et a permis de consommer la quasi-intégralité des fonds. La gestion se fait en concertation, par le canal des préfets de régions, avec les collectivités locales et les porteurs de projets. La visibilité des fonds européens doit en revanche être accrue. La France œuvre en ce sens au niveau européen, en demandant que l'obligation de publicité soit renforcée dans les règlements relatifs aux fonds structurels pour la période 2007-2013. Au niveau national, une circulaire sera adressée par le ministère de l'intérieur et de l'Aménagement du territoire aux préfets de régions, afin qu'ils veillent à ce que l'utilisation de fonds européens pour financer des projets soit systématiquement mentionnée ;

- sur la politique maritime, le Livre vert de la Commission est important. Aussi le gouvernement français organise-t-il les 29 et 30 juin prochains à Antibes une conférence ministérielle avec plusieurs pays, pays « moteurs » en la matière, notamment ceux de la Méditerranée : le commissaire Joe Borg y présentera à ces pays ses recommandations ;

- M. Christian Philip soulève une question difficile, celle du décalage entre le travail accompli sur le fond et ce qui en est rapporté, c'est-à-dire la perception qu'en a le public. Tous les acteurs ont une responsabilité pour parler de l'Europe : le gouvernement, la presse, qui doit servir de relais, les assemblées parlementaires, les partis politiques, qui ne participent pas encore assez au débat ;

- sur la Bulgarie et la Roumanie, le rapport présenté par la Commission au mois de mai est objectif et sérieux, comme le souhaitait la France. Ce rapport constate un certain nombre de progrès, une diminution du nombre de cas posant problème, une réduction de la zone « orange » et une augmentation des zones « vertes ». Il reste pour ces deux pays des efforts à faire, en termes de changements de législations mais aussi de réalisations concrètes. Le prochain rapport de la Commission sera présenté au plus tard en octobre. S'il est également objectif et sérieux, ce rapport permettra de se prononcer sur le report ou l'utilisation des clauses de sauvegarde prévues par les traités. La France souhaite que ces deux pays puissent faire les pas nécessaires le plus rapidement possible ;

- sur la Turquie, il faut souligner que seul un des trente-cinq chapitres a été ouvert, celui dont le contenu était le plus simple à apprécier sur la science et la recherche, et il n'a été clos que provisoirement. Il peut être ouvert à tout moment si des questions se posaient. A ce rythme les négociations dureront probablement une quinzaine d'années. Comme l'a rappelé le Président de la République, la Turquie devra s'acquitter de ses obligations ;

- en matière de réponse aux crises, la France était favorable à ce que les conclusions du Conseil européen soient plus précises. Le texte adopté se contente de faire référence au rapport de M. Michel Barnier comme étant une « importante contribution au débat ». Le consensus s'est fait sur le rapport de la présidence autrichienne, qui comporte des éléments précis et une date toute proche, celle du 1er juillet pour la mise en place de la cellule de veille ;

- enfin, s'agissant du débat préalable à la déclaration du 25 mars 2007, la ministre déléguée le souhaite aussi riche comme elle le souhaite pour les débats nationaux.

M. Jacques Floch a souligné l'importance de parler de l'Europe pour éviter de cultiver trop d'illusions. Il s'est dit inquiet au regard de l'impasse actuelle et il sera difficile de contourner celle-ci. On parle encore du traité constitutionnel alors que ce traité est mort. Il faut passer à autre chose, écrire un autre texte, et dans celui-ci, il faudra faire un certain nombre de propositions sur les institutions et la Charte des droits fondamentaux. Il conviendra de tenir compte du fait que les Français se sont opposés à la partie qui portait sur les affaires économiques et le domaine social.

Il s'est ensuite déclaré favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union, et s'est dit inquiet d'entendre que les négociations risquent de durer quinze ans ou plus. Peut-être vaut-il mieux envisager une autre politique européenne vis-à-vis de la Turquie, puisque l'on n'arrive même pas à lever l'obstacle que constitue la question de Chypre. C'est la première question que l'Union européenne aurait dû poser à la Turquie. C'est pour des raisons internes que la Turquie refuse de reconnaître l'un des Etats membres de l'Union.

M. Jacques Floch a exprimé une autre inquiétude, sur le refus opposé à la demande de la Lituanie d'intégrer la zone euro en 2007. La Lituanie, de par sa situation géographique, a des activités commerciales importantes avec la Pologne et avec la Russie. Pour cette raison, l'« Euroland » aurait tout intérêt à ce que la Lituanie adopte l'euro. Or le Conseil et la Commission ont « chipoté », en prétextant un écart de 0,1 point sur l'un des critères. Ceci est d'autant plus contestable que certains pays, y compris la France, choisissent de temps en temps d'ignorer les « critères de Maastricht » pour ce qui les concerne. La question de la Lituanie n'a-t-elle vraiment pas posé de problème lors du Conseil européen ?

M. Jacques Myard a noté qu'en parcourant les conclusions du Conseil européen, on pouvait s'apercevoir qu'il y avait de tout et que cela partait dans tous les sens. La question du traité constitutionnel ressort du droit international élémentaire des traités. Il nous faut, comme les Néerlandais, tirer les conséquences des référendums et constater que ce traité est mort. C'est une aberration juridique et une faute politique de continuer à faire croire qu'on peut encore travailler sur cette base. Il faut d'ailleurs constater que ce traité ne conférait pas un pouvoir de décision supérieur à notre pays puisque ce qui compte surtout, c'est la capacité à emporter une décision. Or, en la matière, le « défunt traité » ne donnait pas à la France davantage de capacité que le traité de Nice.

Les propos tenus sur l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie sont de nature à susciter de l'inquiétude car on semble s'en remettre à un rapport technique de la Commission européenne, sans percevoir les enjeux géopolitiques liés à cette adhésion.

Il serait souhaitable de donner des informations supplémentaires sur le concept d'Europe des projets, car le Conseil européen n'a pas précisément défini son contenu. Dès lors, la déclaration prévue pour le cinquantenaire du traité de Rome risque fort d'être intitulée « in memoriam ».

Mme Anne-Marie Comparini a regretté que les conclusions du Conseil européen ne soient pas de nature à redonner aux citoyens confiance dans l'Europe. Ce texte se contente trop souvent de renvoyer à des demandes à la Commission européenne, sans s'engager réellement dans la conception de politiques. Ce n'est peut-être que dans le domaine énergétique que l'on a mis en place une vraie méthode de travail, impliquant un calendrier et des moyens financiers. Il manque donc des éléments concrets permettant d'expliquer l'intérêt de l'Europe à nos concitoyens. Dans ces conditions, la déclaration du 25 mars 2007 revêt une grande importance car elle devra être en mesure d'expliquer pourquoi les 25 Etats ont choisi de se regrouper.

Lors de l'audition par la Délégation du commissaire en charge de l'élargissement, M. Olli Rehn, il avait été frappant de constater qu'il ne s'intéressait qu'à la thématique de l'élargissement. Le texte des conclusions du Conseil européen souffre du même défaut puisqu'il ne mentionne pas, sur le même plan, la démarche d'élargissement et la politique de voisinage.

M. Jérôme Lambert s'est étonné qu'à la suite d'un Conseil européen ayant abouti à si peu de décisions, la Délégation consacre un si long débat à ses conclusions. Cela montre surtout que l'Europe soulève de nombreuses préoccupations dont les parlementaires souhaitent se faire le relais. L'Europe est d'autant plus en panne que les gouvernements n'ont pas pris la mesure des conséquences des résultats des référendums néerlandais et français. Il faut aujourd'hui des hommes courageux pour remettre l'ouvrage sur le métier.

Il y a tout lieu de craindre que la procédure suivie pour l'élargissement de l'Union à la Bulgarie et à la Roumanie conduise à semer le trouble. Alors qu'il existe beaucoup de raisons justifiant cette adhésion, de nombreux Français expriment des doutes du fait des conditions du précédent élargissement. Il serait souhaitable que la position des autorités françaises soit clairement exprimée et qu'elle souligne que, si la Commission européenne propose, c'est aux Etats de décider, notamment s'agissant de l'éventuelle mise en œuvre d'une clause de sauvegarde.

M. Robert Lecou a indiqué qu'il avait senti un certain désenchantement s'exprimer dans les diverses interventions, alors même que l'Europe se doit d'être un modèle dans le monde d'aujourd'hui. Il est évident que les Français souhaitent davantage d'harmonisation fiscale et sociale et, donc, davantage d'Europe, mais le modèle actuellement proposé ne leur convient pas. Pourtant, depuis 50 ans, les progrès réalisés sont extraordinaires et il importe de les mettre en avant.

A la suite d'un voyage en Pologne, il lui est apparu, à titre personnel, que l'Union européenne ne pouvait ignorer l'Europe orientale. Toutefois, les élargissement passés et futurs doivent être expliqués aux citoyens européens. Or, ces derniers ont du mal à comprendre qu'on engage des négociations avec la Turquie avant même d'envisager l'intégration des Etats européens des Balkans. Il faut parler clair aux Français et les rassurer en affirmant que les relations avec la Turquie doivent se limiter à certaines politiques.

L'Europe doit également apparaître comme un instrument porteur de grands projets. Elle a su obtenir des résultats extraordinaires en Espagne et en Irlande, mais elle se montre parfois incapable de s'adapter aux réalités. Ainsi, s'agissant de la politique de distillation de vin, on a du mal à comprendre que les tarifs n'aient pas été modulés selon les pays alors que les charges sont sensiblement différentes. L'Europe pourrait se donner un rôle exemplaire dans les politiques d'adaptation aux changements climatiques. On est en droit, aussi, d'attendre qu'elle mette en œuvre un vrai projet en matière de coopération euro-méditerranéenne. Enfin, la culture pourrait être un formidable vecteur et l'on pourrait, par exemple, instituer une journée européenne du patrimoine et une journée de la musique en Europe. La célébration du 25 mars 2007 ne doit pas seulement être une fête institutionnelle, mais surtout une fête européenne attestant que l'Europe est le projet de demain.

En réponse aux différents intervenants, Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, a fourni les informations suivantes :

- on peut effectivement considérer que l'avenir du traité constitutionnel est incertain, mais il importe surtout de noter que le Conseil européen a su proposer une double démarche recueillant l'assentiment de tous les Etats, dont certains ne voulaient pas, jusqu'à présent, entendre parler. On n'est toujours pas parvenu, bien sûr, à dégager une solution, mais les 25 Etats membres ont tous conscience qu'il faut améliorer le fonctionnement des institutions. En tout état de cause, on ne saurait affirmer que ce traité n'existe plus ;

- la candidature de la Turquie a été acceptée car ce pays remplissait les conditions posées. Il faut d'ailleurs rappeler que c'est le premier pays avec lequel la Communauté européenne a signé un accord d'association reconnaissant sa vocation à adhérer. Il existe des raisons géopolitiques certaines à ce rapprochement puisqu'une Turquie démocratique et moderne correspond à l'intérêt de l'Europe. On peut s'interroger sur la capacité de ce pays à évoluer dans ce sens, mais c'est une autre question ;

- s'agissant du refus opposé à la Lituanie pour l'intégration à la zone euro, on doit souligner que les chefs d'Etat et de gouvernement ont été moins stricts que les ministres des finances et qu'ils se sont ouvertement interrogés sur les méthodes de calcul des critères pris en compte. La zone euro doit apparaître comme ouverte et il est heureux que l'exemple de la Slovénie aille dans ce sens ;

- en ce qui concerne l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, il est évident que la Commission ne donne qu'un avis et qu'il appartient aux Etats d'assumer leurs responsabilités en prenant les décisions. Néanmoins, on a suffisamment insisté auprès de la Commission pour qu'elle fasse preuve d'objectivité, pour ne pas se féliciter qu'elle ait su répondre à cette attente ;

- on peut peut-être regretter l'attentisme actuel, mais il faut avoir conscience que les décisions doivent être prises avec l'ensemble des Etats membres. Or, les 25 Etats manquent, aujourd'hui, collectivement, d'esprit européen et la France est probablement pour quelque chose dans cet état d'esprit. Le ministère des affaires européennes vient néanmoins de mettre en ligne sur son site internet un document résumant les actions mises en œuvre ces douze derniers mois à l'échelon communautaire et attestant que nous sommes loin d'une situation d'immobilisme ;

- il est exact que la politique de voisinage doit être perçue comme un instrument spécifique ne constituant pas une voie vers l'adhésion et elle est d'ailleurs mise en œuvre aujourd'hui avec des pays comme l'Ukraine ou le Maroc qui, pour la France, n'ont pas vocation à rejoindre l'Union européenne ;

- il faut avoir l'honnêteté d'admettre que l'Europe parvient à prendre des décisions importantes, en matière de budget par exemple. Il est par ailleurs décevant que le projet du parti socialiste ne contienne aucune proposition de relance de l'action européenne ;

le principe de la perspective européenne des pays des Balkans est acquis depuis la présidence française du second semestre 2000. Il est dans l'intérêt de tous de donner cette perspective à ces Etats, même si le chemin à parcourir est encore long. De façon plus générale, l'élargissement récent de l'Union européenne aurait peut-être plutôt dû être qualifié de réunification pour souligner la vocation de l'Europe en faveur de la démocratie et de la paix. Cet élargissement est une réussite et il n'y a aucune raison de l'évoquer en s'en excusant, d'autant que d'un point de vue national, la France en profite largement dans le domaine économique ;

- l'Europe a effectivement un rôle fondamental à jouer dans la lutte contre le changement climatique et c'est d'ailleurs une des raisons justifiant la mise en place d'une politique européenne de l'énergie. Il faut souligner que l'Union a déjà su assurer un rôle moteur en ce domaine lors de la réunion du G8 de l'an passé pour amener les Etats-Unis à mieux prendre en compte les effets du réchauffement climatique ;

- le sommet de Barcelone a permis de relancer la coopération euro-méditerranéenne dans ses trois volets : politique, économique et culturel. Il s'agit d'un instrument essentiel qui souffre de la persistance du conflit au Proche-orient et dont il faut reconnaître que le volet culturel est celui qui aboutit aux principaux résultats concrets.

Le Président Pierre Lequiller a remercié la ministre déléguée aux affaires européennes d'avoir participé à ce long débat, permettant un examen approfondi des nombreuses questions soulevées.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ Environnement

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'instrument financier pour l'environnement (LIFE+) (document E 2717) ;

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'évaluation et à la gestion des inondations (document E 3069).

- Proposition de décision du Conseil sur l'adoption, au nom de la Communauté européenne du protocole sur la protection des sols, du protocole sur l'énergie et du protocole sur le tourisme de la convention alpine (document E 3110) ;

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide financière exceptionnelle de la Communauté au Kosovo (document E 3163).

¬ Questions budgétaires et fiscales

- avant-projet de budget rectificatif n° 3 au budget général 2006 - Etat général des recettes - Etat des recettes et des dépenses par section - Section III - Commission - Section VIII Partie B - Contrôleur européen de la protection des données (document
E 3103-3
) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2002/38/CE en ce qui concerne la période d'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de télévision et à certains services fournis par voie électronique. Rapport de la Commission au Conseil sur la directive 2002/38/CE du Conseil du 7 mai 2002 modifiant, en partie à titre temporaire, la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de télévision et à certains services fournis par voie électronique (document E 3156).

Par ailleurs, la Délégation a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, du texte suivant :

- proposition de décision du Conseil déterminant le montant du soutien communautaire en faveur du développement rural pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013, sa ventilation annuelle, ainsi que le montant minimal à affecter aux régions pouvant bénéficier de l'objectif « convergence » (document E 3164).