Version PDF

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 197

Réunion du mardi 30 janvier 2007 à 16 h 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,
puis de M. Jérôme Lambert

I. Examen du rapport d'information de Mme Arlette Franco sur l'organisation et le financement du sport en Europe

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance du sport comme véhicule des valeurs et de l'image de l'Europe chez les citoyens. La Constitution européenne a d'ailleurs mis le sport en avant, en ajoutant une référence au sport dans les dispositions consacrées à l'éducation et à la jeunesse.

Mme Arlette Franco, rapporteure, après s'être réjouie pour la France de l'élection de M. Michel Platini à la présidence de l'UEFA, a souligné que le sport en Europe revêt aujourd'hui une importance de premier plan, à travers son rôle social, éducatif, et, de plus en plus, économique.

Alors que l'on a reproché au projet de Constitution européenne son manque de dimension sociale, il faut souligner l'importance du sport dans les domaines de la cohésion sociale, de l'intégration, mais aussi du développement de l'emploi.

Par ses liens multiples avec l'économie, le sport est porteur de potentialités pour la réalisation des objectifs de Lisbonne que l'Union européenne s'est fixés en 2000.

Le sport n'est pas considéré comme faisant partie des compétences de l'Union européenne. Il relève des Etats membres, dont les systèmes de gestion sont différents. En revanche, le Conseil de l'Europe a une compétence dans ce domaine et c'est d'ailleurs notre collègue André Schneider qui est président de la sous-commission de la jeunesse et du sport de l'Assemblée parlementaire de cette organisation.

Le sport est aujourd'hui inscrit à l'agenda européen. La Commission prépare un Livre blanc sur le sport, dont le principe a été validé par une réunion des ministres des sports les 27 et 28 novembre derniers. Elle souhaite ainsi lancer une initiative politique européenne soulignant l'importance du sport en Europe. La Présidence allemande de l'Union européenne entend également favoriser le débat sur le sport.

Dans ce contexte où, il faut s'en réjouir, le sport fait l'objet d'une attention particulière au plan européen, l'objet du rapport est double.

Il vise d'une part à participer au débat européen actuel, dans la perspective du Livre blanc annoncé par la Commission.

Il se donne d'autre part l'objectif d'apporter un éclairage européen, grâce à des comparaisons entre la France et plusieurs autres Etats membres.

La rapporteure a indiqué qu'elle s'était volontairement limitée à cinq : l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et la République tchèque. Les quatre premiers sont, avec la France, les Etats dans lesquels la place du sport est la plus importante en termes économiques. La République tchèque permet d'avoir l'exemple du système sportif d'un Etat ayant récemment adhéré à l'Union européenne.

La partie comparative du rapport montre que, si les modèles diffèrent, certains traits sont communs et permettent de parler d'un modèle sportif européen.

Le rôle joué par l'Etat dans la politique sportive est variable. La France se caractérise par un degré élevé d'intervention, tandis qu'au Royaume-Uni, le gouvernement estime qu'il n'entre pas dans son rôle de traiter du sport, mais seulement de faciliter la pratique du sport avec d'autres acteurs.

Dans tous les Etats étudiés, les collectivités locales jouent un rôle important. Indépendamment des caractéristiques liées à la structure des Etats - ainsi, en Allemagne, ce sont les Länder qui sont compétents pour le sport de base --, le rapport montre le poids des communes dans le financement du sport, essentiellement à travers la construction des équipements et des infrastructures, et parfois leur gestion.

Concernant le mouvement sportif, on constate que le modèle pyramidal est général en Europe, avec à la base les clubs, puis des fédérations représentant et organisant leur discipline, au niveau local et national. En revanche, le comité olympique national n'est pas toujours la « fédération des fédérations », il existe parfois des organismes distincts jouant ce rôle (par exemple au Royaume-Uni). Dans ce cas, le comité se limite à son rôle olympique, tandis qu'en France il est un véritable partenaire de l'Etat dans la politique sportive, et qu'en Italie, il joue le rôle d'un ministère des sports.

Dans les Etats étudiés, le financement public du sport est prédominant, ce qui est justifié au regard des effets très positifs du sport au plan social et économique. Dans tous ces Etats, sauf en Espagne, une part des recettes des loteries est affectée au financement du sport.

La dimension économique du sport se renforce sans cesse, surtout depuis les années 1980. Au-delà de l'impact économique des grands évènements sportifs, l'impact marchand du sport recouvre l'ensemble des flux monétaires drainés sur les marchés suivants :
la production et la distribution d'articles et de matériel de sport (vêtements, chaussures, appareils...), les droits d'entrée aux spectacles sportifs, la presse sportive, le travail sportif (revenus des athlètes professionnels et des entraîneurs), la publicité, le sponsoring, l'enseignement et la formation, le bâtiment et les travaux publics (pour la construction et l'entretien des installations sportives ), les paris sportifs, la médecine sportive, les assurances. La recherche est également un enjeu important dans le marché des articles de sport, comme l'ont souligné les représentants de l'entreprise Décathlon lors de leur audition.

L'activité économique liée au sport constitue désormais entre 1 et 2 % du PIB dans les pays développés. Pour la France, cette part a été estimée à 1,73 % du PIB en 2003, soit 27,4 milliards d'euros. Au-delà du secteur directement lié au sport, il convient de tenir compte des effets économiques indirects, mais incontestables, sur d'autres secteurs tels que le tourisme en particulier.

Le secteur du sport tel que défini dans les statistiques européennes représente 800 000 emplois dans l'Union à vingt-cinq. Ces chiffres concernent le secteur du sport au sens strict, c'est-à-dire les activités de services directement liées à la pratique du sport, comme la mise à disposition des équipements et l'encadrement de la pratique.

Si l'on y intègre d'autres professions liées au sport, on obtient des données différentes. Si l'on inclut dans la « branche sport » la production d'articles de sport, la distribution de ces mêmes articles, les médias spécialisés dans le sport, et les paris sportifs, le nombre d'emplois directement liés s'élève à 8,18 millions dans l'Union soit 4,3 % de l'emploi total. En France, globalement, en 2003, la branche sport représentait environ 360 000 emplois.

Concernant cette thématique de l'emploi, la rapporteure a indiqué que deux séries de défis communs avaient retenu son attention : le statut des athlètes de haut niveau, et la situation des professionnels et des bénévoles du mouvement sportif.

Aucun des pays étudiés dans ce rapport n'a créé de véritable statut des athlètes de haut niveau. Par « statut » on entend une situation juridique claire et uniforme en matière de revenus, de prestations sociales et un cadre favorable à la reconversion. Tous les interlocuteurs rencontrés ont souligné la nécessité de progresser sur cette question. Par exemple les primes de résultat que perçoivent certains athlètes ne constituent pas un salaire.

Parallèlement, dans le secteur associatif, les tâches souvent très lourdes accomplies par les bénévoles, ainsi que la responsabilité étendue des dirigeants d'associations appellent une meilleure reconnaissance de leur travail et une meilleure protection juridique et financière.

La tendance est aujourd'hui à la professionnalisation du secteur associatif sportif. Ce mouvement est général en Europe.

En France, l'un des instruments majeurs de la professionnalisation est la convention collective nationale du sport, applicable depuis novembre 2006 à tous les salariés de la branche sport.

Un corollaire de la professionnalisation accrue du secteur associatif sportif devrait être, dans le contexte européen, une mobilité plus grande des professionnels du sport à l'intérieur de l'Union européenne. C'est pourquoi il faut agir pour que les Etats membres concrétisent le rapprochement et la reconnaissance mutuelle des formations, dans le cadre existant des directives sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Si le développement de la dimension économique du sport a, à bien des égards, des aspects positifs, on ne saurait ignorer cependant un certain nombre de dérives graves, surtout dans le sport spectacle, qui amènent à s'interroger : l'économie ne risque-t-elle pas de compromettre les principes mêmes du sport en Europe ? On peut dans ce contexte citer M. Michel Platini qui a rappelé vendredi dernier que « le foot est un jeu avant d'être un produit ».

Ces dérives concernent en premier lieu le dopage. Le renforcement de la dimension commerciale du sport accroît la pression de la performance et donc la tentation de recourir à des produits dopants. Le fait que les calendriers de compétitions soient extrêmement chargés favorise le recours au dopage, au détriment de la santé des athlètes, et des valeurs fondamentales du sport. Ce problème a récemment été souligné, concernant le rugby, par M. Serge Blanco.

En France, le dispositif de lutte antidopage a été renforcé par la loi du 5 avril 2006, qui crée notamment l'Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD).

La lutte antidopage, du fait de l'internationalisation du sport et des compétitions, dépasse largement les frontières nationales. C'est pourquoi il faut se féliciter de la création, en 1999, de l'Agence Mondiale Antidopage, dont le rôle est de promouvoir, de coordonner et de superviser au niveau international la lutte contre le dopage dans le sport sous toutes ses formes. M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative a été élu pour 2007 vice-président de l'AMA.

L'AMA a adopté un code mondial antidopage, repris dans la convention internationale de l'UNESCO contre le dopage dans le sport adoptée en 2005. Il s'agit d'avancées extrêmement importantes car ces textes dressent une liste unique de produits interdits et un barème de sanctions identique à tous les sports.

Le deuxième type de dérive concerne la circulation des athlètes, qui peut à l'extrême conduire à de réels trafics. Ce phénomène est lié à l'absence de réglementation européenne de la profession d'agent sportif. Ainsi, des agents exerçant en Belgique, où cette profession n'est pas réglementée, vont recruter en Afrique des joueurs de football, parfois mineurs, et les « vendent » ensuite à des clubs. Par ailleurs, certains Etats européens comme la Grèce recrutent dans leurs équipes nationales de lutte ou de judo des athlètes venus de Géorgie ou d'autres pays de l'Est.

Toujours dans le domaine des sports de combat, la France est le seul pays à s'être opposé à la diffusion télévisée des formes de combat extrêmement violentes, pratiquées dans une semi-clandestinité et sans contrôle. Cette question appelle une prise de position commune à l'échelle européenne.

Enfin, la commercialisation du sport ne doit pas conduire à des déséquilibres trop importants entre sport amateur et sport professionnel, ni entre les différentes disciplines, selon leur degré de médiatisation.

L'action de l'Union européenne en matière sportive se limite trop souvent aux aspects économiques. En effet, l'Union n'a pas de compétence spécifique pour le sport mais, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, le sport relève du droit communautaire dans la mesure il constitue une activité économique. Dans ce cas, la Commission européenne et le juge communautaire appliquent notamment les règles communautaires de concurrence et du marché intérieur, comme cela a été le cas dans l'arrêt Bosman en 1995.

A partir de la fin des années 1990, en réaction à ce célèbre arrêt, mais aussi aux scandales liés au dopage dans le cyclisme, les dirigeants européens ont pris conscience de l'intérêt de protéger la spécificité sportive et de préserver le sport européen.

Cette évolution a conduit à l'adoption d'une déclaration annexée au Traité de Nice, qui n'a pas de réelle portée juridique, puis au projet de Constitution européenne, qui a inclus un article relatif au sport, reconnaissant sa spécificité. Cependant, les difficultés du processus de ratification du Traité relancent les interrogations déjà anciennes sur la place du sport dans les politiques de l'Union.

L'action européenne est peu cohérente. La Commission décide parfois une application circonstanciée des règles de concurrence et du marché intérieur, tenant compte de la spécificité sportive, mais dans d'autres cas récents, elle a considéré que les règles du Traité devaient s'appliquer « telles quelles » (par exemple pour l'autorisation de l'introduction des clubs de football en Bourse, que la France a adoptée pour se conformer à sa demande ; ou, bien que cela ne concerne pas directement le sport, pour la menace actuelle de libéralisation des jeux et paris, qui met en danger le financement du sport).

Tirant les conséquences, pour l'action européenne en matière de sport, des difficultés liées à la ratification du Traité constitutionnel, le commissaire Jan Figel a souhaité lancer en 2007 une initiative politique dans le domaine du sport. Il a été décidé que celle-ci prendrait la forme d'un Livre blanc, bien qu'elle n'ait pas uniquement un objet consultatif.

Il est nécessaire que cette initiative permette d'affirmer la spécificité du sport.

Il est souhaitable que le mouvement sportif, y compris les associations nationales, soit pleinement associé à l'élaboration du Livre blanc. Il faut également espérer que la Commission ne se fondera pas exclusivement sur la situation et les problèmes du football, le sport le plus important au plan économique en Europe, mais prendra en compte toutes les disciplines et tous les niveaux de pratique.

La rapporteure a ensuite présenté la série de propositions que son travail l'a amenée à formuler :

- créer un véritable statut pour les athlètes de haut niveau : des exemples existent en Allemagne, où au sein de la police fédérale, de l'armée fédérale et des services douaniers, un certain nombre d'emplois sont réservés à des sportifs de haut niveau. Cela se pratique également en France, dans le ski de haut niveau ;

- rendre plus effective la mobilité européenne des professionnels du sport, grâce aux équivalences ;

- améliorer la reconnaissance du travail des dirigeants d'associations sportives et de l'ensemble des bénévoles du mouvement sportif ;

- encourager la recherche en matière de lutte contre le dopage : dans cette perspective, il pourrait être envisagé de créer, au moins au plan national, et dans la mesure du possible, de façon coordonnée avec certains Etats membres, une taxe dont le produit serait affecté à la recherche sur les produits dopants et les produits « masquants ». Cette taxe pourrait s'appliquer aux entreprises impliquées dans le marché du sport ;

- mieux prendre en compte la spécificité sportive dans les différentes politiques communautaires qui ont un impact sur le sport, pour éviter les dérives actuelles, sans renoncer à ce que cette spécificité puisse être un jour inscrite dans les traités ;

- reconnaître au sport toute sa place dans les valeurs européennes qui seront solennellement célébrées par la déclaration de Berlin du 25 mars 2007, à l'occasion du 50ème anniversaire du Traité de Rome ;

- à traités constants, renforcer la visibilité et développer les actions européennes existantes en matière de sport ;

- engager une réflexion européenne sur l'avenir du financement du sport : dans chaque Etat, le sport doit pouvoir bénéficier d'un système de financement pérenne. Les ministres des sports l'ont reconnu lors de leur réunion à Bruxelles en novembre 2006. Or, la remise en cause par la Commission, au nom des principes du Marché intérieur, du monopole sur les jeux et paris dans plusieurs Etats membres constitue une menace pour le financement public du sport. Tout en espérant que la Commission prendra en compte les motifs d'intérêt général qui justifient ces monopoles, il est souhaitable que les Etats membres engagent une réflexion commune sur l'avenir du financement public du sport ;

- appeler les partenaires de la France à prendre position, en vue d'interdire toute diffusion télévisée et toute promotion des formes de combat extrême interdites en France ;

- attirer l'attention de la Commission européenne sur la nécessité d'aborder dans le futur Livre blanc sur le sport les dérives de la circulation des athlètes, qui peuvent aboutir à un véritable trafic, ainsi que la question du juste équilibre entre sanctions disciplinaires et sanctions pénales en matière de dopage ;

- créer un outil statistique permettant d'évaluer l'impact économique du sport dans l'Union européenne.

Le Président Pierre Lequiller a jugé opportun d'évoquer le sport dans le cadre de la future déclaration de Berlin du 25 mars 2007, au même titre que la culture et l'éducation. Il a rappelé qu'il était personnellement intervenu lors de la Convention afin que le sport figurât dans le Traité constitutionnel en tant que compétence d'appui de l'Union européenne.

Après avoir remercié la rapporteure pour l'excellente qualité de ses observations et leur sincérité, M. André Schneider a rappelé que le Conseil de l'Europe est actuellement la seule organisation européenne dotée d'une compétence en matière de sport. Le sport y est traité, s'agissant de l'Assemblée parlementaire, par la sous-commission de la jeunesse et du sport, dont il assure la présidence. Le Livre blanc a déjà, de fait, été élaboré dans ce cadre, avec les travaux d'étude menés sur les 46 pays membres, travaux qui ont conduit a rencontrer les responsables de l'Union européenne. En définitive, l'Union européenne est progressivement en train d'absorber les compétences du Conseil de l'Europe en traitant des mêmes questions. Celles, fort importantes, de l'éthique et de l'argent, du dopage et des nouvelles formes d'esclavage, relèvent indéniablement des droits de l'homme pour la défense et la promotion desquelles a été créé le Conseil. Cet empiètement s'est très concrètement traduit par le fait que c'est le Parlement européen qui a publié les conclusions d'un colloque organisé à la fin du mois de septembre dernier par l'UEFA et le Conseil de l'Europe. Une clarification est donc nécessaire et il est regrettable qu'il n'y ait pas une meilleure coopération entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.

En ce qui concerne le problème des agents, il faut rappeler que les conceptions sont très différentes d'un pays à l'autre sur les questions clefs telles que les limites jusqu'où peuvent aller les sportifs ou l'influence de l'argent. Il y a dans ce domaine des drames. Dans les pays d'Europe de l'Ouest où l'argent a pris le dessus, un sportif professionnel est devenu un véritable « gladiateur » des temps modernes. Il est indispensable de travailler sur cette question en liaison avec la commission de la culture, des sciences et de l'éducation de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Les difficultés de la mise en œuvre sur le terrain de la campagne européenne « Tous différents, Tous égaux » montre l'importance du chemin à parcourir. Il appartient aux politiques d'inciter les enfants à faire du sport et de faciliter la pratique du plus grand nombre. L'exemplarité des sportifs de haut niveau est également essentielle. La pratique sportive est un apprentissage de la citoyenneté puisque l'on est censé respecter la règle sur le terrain. On retrouve le principe de « l'esprit sain dans un corps sain ». La pratique sportive doit aussi rester un plaisir. Il convient donc d'éviter de parler trop tôt d'argent et notamment de protéger les jeunes enfants et leurs parents. L'orientation de la démarche sportive vers son seul but lucratif traduit bien une crise de société. Les questions économiques auxquelles s'intéresse l'Union européenne sont certes importantes, mais elles ne représentent pas tout.

Partageant les observations précédentes, M. Jérôme Lambert a insisté sur l'importance de l'accession du plus grand nombre à la pratique sportive. Actuellement, tout repose souvent sur les collectivités territoriales et les bénévoles. Le système tend un peu à s'essouffler.

Sur un autre plan, le sport joue un rôle essentiel dans la formation des jeunes et l'acquisition des bases de la société. C'est une école de la vie. Les dérives qui caractérisent le sport de haut niveau, l'existence d'une forme d'esclavage moderne, la surexploitation financière des sportifs, sont préoccupantes. Ce système n'est certes pas défavorable pour ceux-là même qui perçoivent des sommes extrêmement importantes avant d'aller ensuite résider en Suisse mais il est dommageable pour leur image et donc pour le rôle de modèles que peuvent jouer ces sportifs. Un domaine où domine l'argent roi fournit de mauvais exemples.

S'agissant, enfin, de l'interdiction de retransmissions télévisées des formes de combat extrême, qu'il est jugé souhaitable d'étendre au niveau européen, quelle portée réelle pourrait-elle avoir alors que la télévision n'a plus de frontières ? Il est à craindre qu'il sera toujours possible aux téléspectateurs de recevoir des chaînes étrangères qui les diffusent.

M. Michel Delebarre a souligné que les rapports entre l'argent et le sport de haut niveau sont aujourd'hui bien établis. Il n'est plus possible de mettre fin à des pratiques aussi profondément enracinées, qui dépassent d'ailleurs largement le continent européen, comme l'illustre l'attrait qu'exerce la NBA sur les basketteurs français. La tentation financière est inévitable dans le sport de haut niveau, dans certaines disciplines. Toutefois, il est possible de limiter cette dérive en évitant qu'elle ne s'étende à tous les milieux sportifs. M. Michel Delebarre s'est prononcé en faveur de la création d'un régime fiscal favorable aux sportifs français de haut niveau, sous réserve bien entendu qu'ils conservent leur résidence fiscale en France.

Il a dénoncé l'influence excessive des fédérations sportives et des chaînes de télévision sur les choix des collectivités locales en matière d'installations sportives. Certaines fédérations menacent en effet de ne jamais organiser de compétitions importantes dans une ville, et les chaînes de télévision refusent de retransmettre les compétitions, si la salle ne répond pas à leurs attentes. Cela conduit souvent à la construction de salles surdimensionnées.

M. Michel Delebarre a également estimé que le sport est un facteur d'identification important, qui pourrait contribuer à renforcer le sentiment d'appartenance à l'Union européenne. Il a suggéré que le drapeau européen soit systématiquement hissé, en même temps que le drapeau national, lorsqu'un athlète européen remporte une victoire lors d'une compétition sportive internationale, aux jeux olympiques notamment.

M. Axel Poniatowski a estimé que l'aspect financier est plus présent dans le football que dans d'autres disciplines sportives, et a souligné la particularité de ce sport sur ce point. En ce qui concerne la quatrième proposition de la rapporteure sur l'encouragement de la recherche en matière de lutte contre le dopage, il a suggéré d'introduire une référence à la convention internationale contre le dopage dans le sport, dont l'Assemblée nationale a autorisé la ratification le 11 janvier dernier, qui comporte des dispositions relatives au financement de la lutte contre le dopage.

M. André Schneider a considéré qu'il était normal que l'argent soit davantage présent dans le football, car il s'agit de la discipline la plus populaire et de celle générant le plus de revenus. Il a déploré que de nombreux sportifs de haut niveau ne réussissent pas leur reconversion, et se retrouvent dans une situation de dénuement à l'issue de leur carrière sportive.

En réponse, Mme Arlette Franco, rapporteure, a souligné qu'il est pour le moins étonnant que l'on puisse aborder au plus haut niveau les questions de culture et pas les questions de sport, et qu'il est paradoxal qu'on ne s'offusque pas des revenus de certains chanteurs ou acteurs alors que l'on trouve gênant les revenus de certains sportifs. S'agissant des sportifs de haut niveau, on voit effectivement d'anciens sportifs complètement démunis une fois leur carrière sportive terminée. Il est pourtant possible de prévenir ce problème. En Italie par exemple, les athlètes mineurs ont l'obligation de déposer sur un compte bancaire bloqué jusqu'à leur majorité les sommes qu'ils touchent. Il faut en tout cas clarifier la situation des sportifs de haut niveau en fin de carrière, ainsi que celle des athlètes qui, gravement blessés, ne peuvent même pas envisager une reconversion professionnelle.

S'agissant des dérives liées à la place de l'argent dans le sport, il faut rappeler que dans les anciens « pays de l'Est » le problème grave n'était pas l'argent des sportifs de compétition mais leur santé. La rapporteure a souligné que les problèmes liés au poids de l'argent-roi demeurent moins inquiétants que les dangers que le dopage crée pour la santé et même la vie des athlètes. Il paraît plus important de se montrer ferme sur les questions de dopage.

Les fédérations ont effectivement des exigences en matière d'utilisation des équipements sportifs. Il y a donc également une réflexion à mener sur ce thème, notamment en comparaison avec l'Espagne où il y a des équipements privés, gérés par des acteurs privés et faisant des bénéfices. Bien entendu, il faut cependant faire attention à ce que le secteur privé ne se substitue pas aux fédérations, évolution que l'on peut craindre lorsque l'on mesure le poids considérable qu'a pris le groupe Lagardère dans le tennis et l'athlétisme.

Le sport a de nombreuses implications pour l'ensemble de la population, il prend par exemple de plus en plus d'importance pour la rééducation des personnes ayant subi une intervention chirurgicale. Il est donc bien trop réducteur de ne parler que des effets du sport sur les jeunes.

Concernant la proposition d'affecter le produit d'une taxe à la recherche sur le dopage, il faut souligner que les laboratoires pharmaceutiques refusent de consacrer des moyens à cette lutte parce qu'ils refusent de donner l'impression qu'ils s'excusent pour leur rôle dans la conception et la fabrication des produits dopants.

Concernant le problème de la résidence fiscale des athlètes célèbres, il est injuste d'incriminer seulement les sportifs et pas les autres célébrités qui choisissent d'établir leur domicile fiscal à l'étranger.

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré favorable à l'ajout dans la liste des propositions d'une douzième mesure telle que formulée par M. Michel Delebarre. Il a indiqué qu'il avait lui-même défendu auprès de Mme Noëlle Lenoir, alors ministre déléguée aux affaires européennes, ainsi qu'auprès de M. Jean-François Lamour, ministre des sports, et du Président du CNOSF, M. Henri Serandour, l'idée que les athlètes européens devraient arborer sur leur maillot national les couleurs du drapeau européen. Malheureusement cette proposition n'a pas abouti. Sans aller jusqu'à faire jouer, au moment de la remise de médailles, l'hymne européen après les hymnes nationaux des 27 Etats membres, l'idée de hisser le drapeau européen en même temps que le drapeau national des vainqueurs paraît excellente.

La Délégation a ensuite adopté les propositions de la rapporteure, amendées pour tenir compte des observations présentées  :

Proposition n° 1 : Créer un véritable statut pour les athlètes de haut niveau

Cette question relève de la compétence des Etats membres, conformément au principe de subsidiarité. L'absence de statut, au sens d'une situation juridique claire et uniforme en matière de revenus, de prestations sociales, et de cadre favorable à la reconversion, est quasi générale en Europe. Il serait donc particulièrement intéressant, lorsque les Etats se seront engagés dans cette voie, d'agir de façon coordonnée, en raison de la dimension transnationale du sport de compétition.

Proposition n° 2 : Rendre plus effective la mobilité européenne des professionnels du sport, grâce aux équivalences

Il ne peut être question d'uniformiser les formations et les diplômes des professions du sport mais il serait hautement souhaitable d'œuvrer à un rapprochement du contenu des formations, afin de faciliter la reconnaissance mutuelle et la mobilité européenne.

Proposition n° 3 : Améliorer la reconnaissance du travail des dirigeants d'associations sportives et de l'ensemble des bénévoles du mouvement sportif

Le sport européen n'existerait pas sans les bénévoles. Puisque leur activité est au cœur de la plupart des disciplines, tous les moyens devraient être mis en œuvre pour valoriser leur engagement, en s'inspirant le cas échéant des bonnes pratiques d'autres Etats.

Proposition n° 4 : Encourager la recherche en matière de lutte contre le dopage

Il conviendrait de renforcer la dimension européenne et internationale de la recherche contre le dopage, puisqu'il est par nature un phénomène mondial et que des moyens conséquents doivent être mobilisés.

Dans cette perspective, il pourrait être envisagé de créer, au moins au plan national, et dans la mesure du possible, de façon coordonnée avec certains Etats membres, une taxe dont le produit serait affecté à la recherche sur les produits dopants et les produits « masquants ». Cette taxe pourrait s'appliquer aux entreprises impliquées dans le marché du sport. La mise en place d'une telle taxe serait d'ailleurs conforme aux dispositions de la convention de l'UNESCO, qui comporte des dispositions relatives au financement par les Etats parties, de la lutte contre le dopage.

Proposition n° 5 : Mieux prendre en compte la spécificité sportive dans les différentes politiques communautaires qui ont un impact sur le sport, pour éviter les dérives actuelles, sans renoncer à ce que cette spécificité puisse être un jour inscrite dans les traités

Le traité constitutionnel a prévu la création d'une compétence d'appui de l'Union européenne en matière sportive. Il convient de continuer de soutenir cette idée, qui permettrait un rééquilibrage de l'action communautaire en matière de sport, trop focalisée sur les aspects économiques et concurrentiels.

Proposition n° 6 : Reconnaître au sport toute sa place dans les valeurs européennes qui seront solennellement célébrées par la déclaration de Berlin du 25 mars 2007, à l'occasion du 50ème anniversaire du Traité de Rome

Proposition n° 7 : A traités constants, renforcer la visibilité et développer les actions européennes existantes en matière de sport

De nombreux programmes communautaires sont susceptibles de contribuer au financement de projets sportifs mais, du fait de l'absence de compétence de l'Union européenne pour le sport, leur objectif premier n'est jamais le sport. Les différents dispositifs sont donc excessivement éparpillés et rendent difficile l'obtention de financements pour les associations sportives.

Proposition n° 8 : Engager une réflexion européenne sur l'avenir du financement du sport

Dans chaque Etat, le sport doit pouvoir bénéficier d'un système de financement pérenne. Les ministres des sports l'ont reconnu lors de leur réunion à Bruxelles en novembre 2006. Or, la remise en cause par la Commission, au nom des principes du Marché intérieur, du monopole sur les jeux et paris dans plusieurs Etats membres constitue une menace pour le financement public du sport dans ces pays. Tout en espérant que la Commission prendra en compte les motifs d'intérêt général qui justifient ces monopoles, il est souhaitable que les Etats membres engagent une réflexion commune sur l'avenir du financement public du sport.

Proposition n° 9 : Appeler les partenaires européens de la France à prendre position, en vue d'interdire toute diffusion télévisée et toute promotion des formes de combat extrême interdites en France

Proposition n° 10 : Attirer l'attention de la Commission européenne sur la nécessité d'aborder dans le futur Livre blanc sur le sport les dérives de la circulation des athlètes, qui peuvent aboutir à un véritable trafic, ainsi que la question du juste équilibre entre sanctions disciplinaires et sanctions pénales en matière de dopage

Proposition n° 11 : Créer un outil statistique permettant d'évaluer l'impact économique du sport dans l'Union européenne

A l'occasion de la publication prochaine du Livre blanc de la Commission européenne sur le sport, la création d'un outil statistique européen sur le rôle économique du sport est nécessaire, afin de mesurer plus précisément l'impact économique du sport sous toutes ses formes et d'évaluer ensuite la contribution possible du sport aux objectifs de croissance et d'emploi de l'Union européenne.

Proposition n° 12 : Demander qu'en cas de victoire d'un athlète d'un pays membre de l'Union européenne, notamment lors des Jeux Olympiques, le drapeau européen soit hissé en même temps que le drapeau national de cet athlète au moment de la remise des médailles.

Cette mesure simple aurait une portée symbolique très forte. La présence visible du drapeau européen lors des compétitions sportives internationales donnerait à l'Union européenne un caractère tangible pour ses citoyens.

II. Examen du rapport d'information de M. Philippe-Armand Martin sur la réforme de l'Organisation commune du marché vitivinicole

M. Philippe-Armand Martin, rapporteur, a indiqué que la communication de la Commission datée du 22 juin 2006 et intitulée « Vers un secteur vitivinicole européen durable » prépare la réforme de l'organisation commune du marché (OCM) du vin, actuellement régie par un règlement de 1999, en présentant quatre options possibles d'évolution.

L'une de ces options est clairement privilégiée par la Commission ; elle servira de point de départ pour la rédaction de la proposition de règlement réformant l'OCM qui, une fois publiée, sera, elle aussi, transmise à l'Assemblée nationale.

Le rapporteur a estimé que la communication annonce des ruptures majeures pour l'Europe du vin. C'est pourquoi il est indispensable que l'actuelle législature puisse débattre, à défaut de la proposition de règlement, qui sera vraisemblablement publiée au moment où se dérouleront les élections, des orientations de la communication.

Dans un premier temps, le rapporteur a jugé que la réforme de l'OCM est nécessaire, car les règles de cette organisation aggravent la crise de compétitivité que traverse depuis dix ans la viticulture européenne.

Cette crise s'explique par quatre facteurs qui se cumulent et rendent, de fait, la situation des producteurs très préoccupante :

- la consommation intérieure baisse de 750 000 hectolitres par an ;

- la croissance des importations est très forte, soit une augmentation de 1 million d'hectolitres par an ;

- l'évolution du potentiel de production n'arrange en rien la situation du marché ;

- pour finir, le marché est confronté à un excédent structurel important, compris entre 15 à 25 millions d'hectolitres par an, si l'on tient compte ou non de la distillation de l'alcool de bouche.

Il en résulte que le budget communautaire dépense environ 500 millions d'euros par an pour stocker et distiller du vin.

Le rapporteur a considéré que, dans ce contexte, l'OCM aggrave la crise de compétitivité du secteur de deux manières. Premièrement, ses deux instruments historiques de maîtrise du potentiel de production que sont l'arrachage et l'interdiction des nouvelles plantations ont échoué. Deuxièmement, la rémunération offerte par l'hectolitre distillé constitue une trop forte tentation pour ceux qui souhaitent s'assurer des revenus. Or il n'est pas normal qu'une OCM encourage, en le rémunérant, un tel opportunisme.

Au total, l'OCM n'incite pas l'Europe du vin à réagir en fonction du marché et à viser, dans ce but, la qualité : les outils de cette organisation ignorent cette préoccupation pour ne se soucier que d'assurer un débouché, quel qu'il soit, à toutes les quantités produites, sans parvenir à maîtriser le potentiel de production.

C'est pourquoi la Commission envisage une réforme en profondeur de l'OCM, en adaptant son cadre réglementaire et la structure de production, afin de rendre le secteur plus compétitif.

Les mesures phares proposées dans le cadre de sa communication sont les suivantes :

- l'arrachage de 400 000 hectares sur une période de cinq ans ;

- l'abandon immédiat ou à terme du système des droits de plantation ;

- la suppression des instruments de marché tels que les aides au stockage privé et les mesures de distillation. En contrepartie, une enveloppe financière nationale serait mise à disposition de chaque Etat membre producteur, afin de financer les mesures de gestion les mieux adaptées ;

- un transfert de crédits en faveur du développement rural pour des mesures spécifiques adaptées au secteur ;

- une simplification du classement des vins et des règles d'étiquetage, ainsi qu'un assouplissement des pratiques œnologiques et un régime d'approbation de ces pratiques relevant de la compétence de la Commission et non plus du Conseil.

Portant un jugement global sur le projet envisagé par la Commission, le rapporteur a relevé une contradiction fondamentale entre, d'une part, l'arrachage massif, et d'autre part, l'abolition du système de restrictions en matière de droits de plantation. En outre, l'option de réforme choisie par la Commission comprend quatre aspects qui l'apparentent à un projet de déréglementation totale du secteur : la libéralisation des droits de plantation, l'autorisation de vinifier les moûts importés, l'approbation de pratiques oenologiques allant au-delà de celles reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) pour les vins destinés à l'exportation et l'assouplissement des règles applicables aux vins de table. Leur combinaison doit être rejetée, car la mise en œuvre de l'ensemble de ces mesures signerait l'acte de décès du modèle viticole européen.

Abordant le deuxième point de son exposé, le rapporteur a détaillé ses propositions dont les principales peuvent être regroupées autour de sept têtes de chapitre.

Premièrement, l'arrachage est une mesure nécessaire, car avant de faire jouer davantage le marché, il faut dégager le stock d'excédents qui, autrement, continuera de peser sur ce même marché.

Mais à l'inverse du projet esquissé par la Commission, l'arrachage ne doit pas être au centre de la future OCM, ce que donne à penser l'enveloppe de 2,4 milliards d'euros envisagée pour financer cette mesure. En effet, un arrachage massif de 400 000 hectares ne répond à aucune logique de compétitivité.

Il serait préférable de prévoir un arrachage raisonné, c'est-à-dire sélectif, volontaire, ouvert à toutes les régions productrices, y compris de vins de table, et que les Etats membres ne puissent pas interdire sur leur territoire.

Deuxièmement, s'agissant des aides à la distillation, leur retrait doit être ordonné et non brutal pour éviter de « casser » les marchés qui se sont structurés autour de véritables industries.

L'aide à la distillation de crise dans sa forme actuelle, qui nourrit la crise plutôt qu'elle ne la combat, doit être supprimée.

L'aide à la distillation de l'alcool de bouche doit être également nationale, mais pour prendre en compte les intérêts de la France et ceux de l'Espagne, ce pays distillant sous cette forme chaque année 6 à 7 millions d'hectolitres, ce retrait doit intervenir au terme d'un certain délai, trois ans par exemple, pour laisser au marché le temps de s'adapter.

Quant à la distillation des sous-produits de la vinification, elle doit demeurer la règle. Son caractère obligatoire doit être maintenu, car il s'agit non d'une mesure de marché, mais d'une mesure de qualité, qui permet d'éliminer du marché des produits de mauvaise qualité.

Troisièmement, l'interdiction des nouveaux droits de plantation ne se justifie plus pour beaucoup d'acteurs de l'Europe du vin. Pour sa part, le rapporteur a estimé que la bonne solution est celle du pragmatisme. Il faut maintenir un encadrement des droits, mais flexibiliser les transferts entre régions d'un même Etat membre et, lorsque cette souplesse n'est pas suffisante, octroyer de nouveaux droits à la condition qu'il y ait des débouchés réels et vérifiables.

Quatrièmement, s'agissant des moûts de raisin, la future OCM devra veiller à ce que leur utilisation ne vienne pas déstabiliser le potentiel de production européen. Quant à l'interdiction d'importer des moûts, il est probable qu'elle doive disparaître au regard des règles de l'OMC. En revanche, il est indispensable de maintenir l'interdiction de vinifier des moûts importés et de mélanger les vins communautaires avec des vins non communautaires, deux évolutions qui remettraient en cause et l'équilibre d'un marché qu'on veut assainir et l'identité de nos vins.

Cinquièmement, l'une des « mesures phare » envisagées par la Commission est d'attribuer aux Etats membres producteurs des enveloppes nationales à partir desquelles ils pourraient financer des mesures positives, gérées conformément au principe de subsidiarité.

Le rapporteur a estimé nécessaire que la répartition des enveloppes soit équitable, et donc fondée sur des critères objectifs, comme la surface légale de vignobles et la production, et qu'au sein de ces enveloppes, un bon dosage soit assuré entre les mesures structurelles et les mesures de gestion définies au niveau communautaire, à charge pour chaque Etat membre de composer ensuite son « menu », en fonction de ses besoins.

Sur ce dernier point, les mesures structurelles devraient inclure notamment le financement de la préretraite des vignerons, afin de les inciter à abandonner leur activité, la restructuration des exploitations et de la politique de qualité mise en œuvre par les organismes de filière.

Quant aux mesures de gestion, elles devraient être conçues de manière à ne pas fausser le marché du vin, en créant des débouchés structurels.

Sixièmement, l'Europe doit accepter le principe d'une évolution contrôlée des pratiques œnologiques.

Les nouvelles pratiques doivent être agréées au niveau communautaire et avoir pour unique source celles reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin. D'autre part, les Etats membres doivent décider eux-mêmes quels vins peuvent recourir aux nouvelles pratiques oenologiques.

En complément de ces observations sur les pratiques oenologiques, il est indispensable que la nouvelle OCM autorise le recours facultatif au saccharose, c'est-à-dire au sucre, qui constitue un procédé vieux de plusieurs siècles dans plusieurs régions d'Europe, en particulier en France et en Allemagne. Afin d'éviter le dérèglement du marché que ne manquerait pas d'entraîner un recours généralisé à ce procédé, l'ajout de sucre de betterave doit être autorisé dans les seules régions septentrionales d'Europe.

Enfin, pour finir, la communication de la Commission annonce des réformes importantes des aspects dits réglementaires de l'OCM, qui concernent la politique de qualité et l'étiquetage.

S'agissant de l'étiquetage, le rapporteur a précisé que la proposition clef de la Commission consistant à autoriser les vins sans indication géographique, donc les vins de table en France, à mentionner sur leur étiquette le cépage et le millésime ne suscite pas son adhésion.

Le rapporteur a proposé par ailleurs que le Conseil reste compétent pour fixer les règles en matière d'étiquetage et de pratiques œnologiques.

Enfin, l'OCM doit comporter un volet relatif à la promotion des vins. Les crédits économisés grâce la réforme des outils de distillation et à la suppression de l'aide aux moûts doivent permettre de financer l'ensemble des aspects de la promotion, y compris la prospection, la commercialisation, l'innovation et la recherche.

En conclusion, le rapporteur a déclaré que la future OCM ne devra pas se limiter à une politique de la terre brûlée ou à une déréglementation totale du secteur : ce qu'il faut à l'Europe du vin, c'est une vraie régulation, qui se préoccupe du marché et de la qualité et non d'écouler à prix garantis toute la production de vin. La proposition de résolution déposée reprend ces différents points.

Mme Arlette Franco s'est interrogée sur l'opportunité du recours à l'ajout de saccharose, autrement dit à la chaptalisation.

M. Philippe-Armand Martin, rapporteur, a rappelé que ce procédé est déjà utilisé traditionnellement dans plusieurs régions d'Allemagne et de France, en Champagne et en Alsace notamment, et que son interdiction aurait des conséquences négatives pour deux raisons au moins. Tout d'abord, les producteurs ayant l'habitude d'ajouter de la saccharose devraient obligatoirement utiliser du moût concentré provenant d'autres régions, ce qui aurait des répercussions sur le goût des produits concernés, comme l'ont montré des recherches effectuées sur le champagne, et qui aboutirait à mettre en difficulté des régions n'ayant pas actuellement de problème spécifique. Ensuite, il est probable que cela susciterait des réactions de la part des Etats-Unis, avec lesquels l'Europe est liée par des accords bilatéraux. On doit ajouter que l'ajout de saccharose, à condition qu'il soit limité, serait accepté par plusieurs Etats membres. L'Espagne, elle-même, ne s'y opposerait pas, à condition de ne pas remettre en cause certaines des pratiques de ses viticulteurs, telle que, par exemple, l'irrigation intensive. De façon générale, l'esprit du rapport n'est pas de mettre en opposition les différentes régions viticoles, mais de promouvoir la compétitivité de la viticulture européenne, même s'il est certain que certaines régions sont déficientes au niveau de leur organisation.

M. Axel Poniatowski a soutenu les propositions du rapporteur et souligné l'importance pour le vin français du point n° 7 de la proposition de résolution, relatif aux nouvelles pratiques œnologiques et à l'étiquetage. Notre système d'appellation est effectivement incompréhensible sur le marché de l'exportation, où les vins de cépage sont en revanche bien identifiés. Il a néanmoins demandé obtenir confirmation de la compétence nationale pour régir les modes de vinification en autorisant la saccharose ou encore les copeaux, et pour modifier les appellations.

M. Gérard Voisin a également approuvé les propositions du rapporteur, avec lequel il a d'ailleurs déposé récemment un rapport d'information sur la situation de la viticulture (n° 3435). Ces propositions sont protectrices pour l'ensemble des territoires viticoles français pour l'avenir desquels on peut de bon droit s'inquiéter. Toutefois la crise de la viticulture et la réforme de l'OCM sont deux questions distinctes. La France étant la « mère du vin », ce sont les autres producteurs qui devraient s'aligner sur nos pratiques, mais les vins du Nouveau Monde s'en écartent. En outre, ils misent sur la commercialisation et l'exportation en y consacrant de forts budgets, tandis que l'Europe met l'accent sur l'arrachage au lieu de réorienter sa politique vers la promotion.

M. Philippe-Armand Martin, rapporteur, a indiqué que la future OCM établirait les outils de gestion et qu'ensuite il appartiendrait aux Etats membres de les mettre en œuvre. Ainsi, s'agissant de l'ajout de saccharose, l'Europe pourrait l'interdire en principe mais l'accepter dans les régions où il est d'usage traditionnel. Par ailleurs, la future OCM pourrait autoriser l'introduction des nouvelles pratiques tout en laissant aux Etats membres le choix d'utiliser ou non cette technique.

Il serait raisonnable de ne pas consacrer 2,4 milliards d'euros à l'arrachage et de rééquilibrer les aides européennes en faveur de la promotion du vin qui pour l'heure ne bénéficie que de quelques millions d'euros.

On doit reconnaître la nécessité de clarifier l'étiquetage des vins français, qui est illisible par rapport à celui des vins non européens.

Il importe également de ne pas mettre en porte à faux les interprofessions et les groupements de producteurs, alors même que ces derniers sont parfois peu représentatifs. Il est certain que la gestion par bassin de production est la plus efficace et qu'elle mérite d'être soutenue par des aides financières.

L'arrachage doit être conduit avec une approche progressive et qualitative, n'excluant pas la faculté de replanter d'autres cépages.

Mme Arlette Franco a marqué son accord avec le rapporteur sur le cépage tout en considérant qu'il ne fallait pas oublier les terroirs qui sont l'image de la France. Il faudrait simplifier l'étiquetage des vins de qualité qui sont aussi des vins de terroir.

Elle a exprimé une autre préoccupation sur le devenir des friches après l'arrachage. Rendre constructibles les terrains suscite la spéculation et l'expérience de cette mesure dans son département montre qu'une reconversion vers des productions comme l'olive ou l'amande n'est pas facile. C'est un problème important qui concerne toutes les régions viticoles.

Le rapporteur a répondu que la gestion de l'arrachage devrait relever des prérogatives nationales, en laissant aux bassins de production le soin de le mettre en oeuvre. Il ne faut évidemment pas procéder à un arrachage massif au même endroit pour éviter de créer des zones désertiques et le problème se pose dans les mêmes termes en Espagne que dans notre pays. L'approche par bassins de production permettrait de tenir compte de nos terroirs spécifiques pour lesquels on peut trouver des débouchés.

En réponse à M. Gérard Voisin, le rapporteur a indiqué que la proposition de résolution présentée dans le cadre de ce rapport d'information sera examinée prochainement par la commission des affaires économiques. Il a rappelé que le projet de réforme a donné lieu à un rapport d'initiative au Parlement européen et qu'il devrait se traduire en proposition législative de la Commission en juin prochain, qui sera examinée au deuxième semestre sous Présidence portugaise.

La Délégation a ensuite approuvé la proposition de résolution présentée par le rapporteur, dans les termes suivants :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : Vers un secteur vitivinicole européen durable (COM [2006] 319 final du 22 juin 2006/n° E 3184),

Considérant que la viticulture européenne se place au premier rang mondial pour l'excellence, la production, la consommation et les échanges commerciaux ;

Considérant que celle-ci connaît cependant une crise profonde en raison notamment de son manque de compétitivité ;

Considérant que les instruments actuels de l'organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur vitivinicole ne permettent pas de régler cette crise de compétitivité, mais l'ont aggravée par leur incapacité à maîtriser le potentiel de production européen et leur aptitude à transformer les modes actuels de distillation en débouchés structurels et automatiques pour les producteurs, ce qui grève le budget communautaire ;

Considérant que l'OCM doit se doter de meilleures armes pour affronter la concurrence internationale et accorder plus de place à la subsidiarité pour respecter les traditions régionales qui fonctionnent et pour renforcer la responsabilité des professionnels ;

1. Demande que l'OCM comporte un volet spécifiquement consacré à la prospective, à la promotion, à la commercialisation, à la recherche et à l'innovation ;

2. Conteste l'ampleur du programme d'arrachage proposé par la Commission européenne, qui tend à transformer la viticulture européenne en variable d'ajustement du marché mondial, et préconise un arrachage volontaire, ouvert à tous les producteurs et obéissant à des critères économiques, sociaux et environnementaux, lesquels doivent pouvoir être renforcés pour les vins de qualité, étant entendu que ce dispositif peut être couplé à un arrachage temporaire qui permette aux producteurs de redémarrer leur activité si l'évolution du marché l'autorise ;

3. Juge nécessaire de retirer de manière ordonnée les aides à la distillation en prévoyant :

- la suppression des aides à la distillation de crise et à la distillation des variétés de raisins à double classement, avec la possibilité, pour les Etats membres de prévoir, dans le cadre des enveloppes nationales, un filet de sécurité, se déclenchant en cas de crise exceptionnelle et dont l'application pourrait être rendue obligatoire, avec un financement communautaire très réduit, complété par la profession dans le but de la responsabiliser ;

- la suppression de l'aide à la distillation de l'alcool de bouche après une courte phase d'adaptation du marché ;

- le maintien de la distillation obligatoire des sous-produits, avec un financement en partie communautaire, car elle ne constitue pas une mesure de gestion du marché, mais protège la qualité des vins et l'environnement ;

4. Est favorable à la suppression progressive des aides à l'utilisation des moûts de raisin dans une optique de contrôle du potentiel de production et de lutte contre les comportements frauduleux ;

5. Estime qu'un encadrement des droits de plantations doit être maintenu, mais aussi qu'une certaine liberté en la matière peut être envisagée dans la mesure où elle s'exercerait après l'arrachage, aux frais du producteur, des plantations illicites, favoriserait en priorité les jeunes agriculteurs et la production de vins de qualité et reposerait, d'une part, sur une certaine flexibilité des transferts des droits existants entre les régions d'un même Etat membre, et, d'autre part, sur l'octroi de nouveaux droits, conditionné à l'existence de débouchés réels et vérifiables, étant entendu que les nouvelles surfaces ne pourraient bénéficier ni des programmes de restructuration ni du mécanisme de gestion de crise ;

6. Approuve la mise en place d'enveloppes nationales permettant d'adapter certains outils de gestion à la spécificité des différentes viticultures, à répartir entre les Etats membres en fonction de critères liés à la superficie plantée en vignes légales et à la production et pouvant comprendre des mesures variées, définies à partir d'une liste communautaire, comme la préretraite, complétée par des aides agroenvironnementales, la restructuration des exploitations, notamment par le versement d'une aide à l'hectare, le financement d'une politique de qualité, un mécanisme de gestion de crise fonctionnant comme un filet de sécurité et le soutien à la création de caisses de péréquation pour atténuer les fluctuations des revenus des vignerons ;

7. Demande que les aspects réglementaires de la future OCM, qui doivent être simplifiés et s'inspirer en partie des pratiques des concurrents de l'Union européenne, respectent néanmoins les éléments constitutifs du modèle viticole européen et qu'en conséquence :

- la segmentation des vins soit fondée sur deux catégories, « avec » ou « sans » indication géographique, en donnant aux Etats membres la possibilité d'autoriser les vins de leur choix à recourir aux nouvelles pratiques œnologiques à condition qu'elles soient reconnues par l'Organisation internationale de la vigne et du vin ;

- la mise en cohérence des dispositions de l'OCM avec le règlement (CE) n° 510/2006 du 20 mars 2006 du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires préserve le lien entre la qualité, l'origine et l'appellation ;

- les mentions valorisantes du cépage et du millésime soient réservées aux vins avec indication géographique ;

- les règles encadrant l'étiquetage et les pratiques œnologiques restent du ressort du Conseil des ministres de l'Union européenne ;

- la protection des indications géographiques communautaires soit renforcée au sein de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre des accords commerciaux conclus avec les pays tiers, afin que l'Union européenne récupère l'usage exclusif de ses appellations ;

- le recours facultatif au saccharose soit autorisé uniquement dans les régions septentrionales de l'Union européenne qui l'utilisent comme un procédé traditionnel ;

8. S'oppose à toute remise en cause de la répartition actuelle des compétences entre les groupements de producteurs et les organismes de filière, afin d'éviter la désorganisation du marché ;

9. Insiste sur la nécessité de préserver la cohérence et l'intégrité de l'OCM vitivinicole, couvrant tous les aspects du secteur, ce qui implique de ne pas éclater ses instruments et son budget entre différentes politiques communautaires, comme celles du développement rural et de la santé. »