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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 198

Réunion du mardi 6 février 2007 à 16 h 30

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Réunion commune avec la commission des affaires européennes du Parlement de Roumanie

Le Président Pierre Lequiller a fait part de son plaisir d'accueillir, sur une initiative de M. Daniel Garrigue, des parlementaires roumains de la commission des affaires européennes. Il importe de rappeler que la Délégation a adopté, en avril 2006, sur le rapport de M. Jacques Myard, un rapport d'information intitulé « La Roumanie, "c'est la famille" », ce qui illustre bien le lien affectif unissant les deux pays. Le traité d'adhésion a d'ailleurs été voté à une très forte majorité par l'Assemblée nationale. Il n'y a donc ici que des amis de la Roumanie, pays francophone et francophile.

Après avoir rappelé les modalités d'organisation et de fonctionnement de la Délégation, ainsi que les principales initiatives prises au cours de la présente législature afin d'accroître la perception de la dimension européenne au sein de l'Assemblée nationale, il a souligné que les récentes adhésions de la Roumanie et de la Bulgarie renforçaient l'exigence des réformes institutionnelles dans l'Union. Cette rencontre va permettre de connaître les procédures mises en place en Roumanie pour suivre les travaux communautaires, ainsi que ses attentes à l'égard de l'Union. Elle peut donner également la faculté de discuter des problèmes liés à la libre circulation des travailleurs, la situation des Roms, l'utilisation des fonds structurels et l'évolution du secteur agricole.

M. Bogdan Niculescu-Duvăz, député, membre du parti social démocrate, a remercié la Délégation et en particulier M. Daniel Garrigue, qui avait participé au programme Phare de préadhésion entre la Chambre des députés de Roumanie et l'Assemblée nationale, de l'invitation à l'origine de la présente réunion. Ces remerciements s'adressent de façon plus large au Parlement et au gouvernement français pour leur soutien à l'adhésion de la Roumanie.

La Roumanie n'est encore qu'au début du chemin. Au sein du Parlement, la commission des affaires européennes vient de succéder à la commission pour l'intégration européenne. Elle est actuellement dans une phase d'élaboration de son règlement, qui devrait être adopté avant la fin du mois de mars. Après discussions, il a été décidé que cette commission serait commune à la Chambre des députés et au Sénat, ce qui évitera de perdre du temps dans la médiation entre les deux assemblées, alors même qu'il y aura suffisamment de discussions à mener avec le gouvernement roumain et les institutions européennes. De manière parallèle, le Gouvernement prépare aussi une loi visant à adapter les structures de l'exécutif aux questions européennes. Il est prévu la mise en place d'un conseil composé de quatre ministres et rattaché directement au Premier ministre. Le secrétariat de ce conseil devrait être placé également auprès du Premier ministre, un peu sur le modèle français du secrétariat général des affaires européennes.

La commission parlementaire des affaires européennes ne devrait pas se limiter à formuler des avis facultatifs. Il est prévu qu'elle puisse rendre des avis conformes que le Gouvernement ne pourrait remettre en cause qu'après avoir invoqué des motifs sérieux et débattu de nouveau avec la commission parlementaire, voire en séances plénières des deux chambres. Dans de telles conditions, le Parlement roumain pourra avoir une contribution active à l'examen des propositions de directives et de règlements communautaires.

A titre personnel, il a affirmé que la participation des parlements nationaux à la construction communautaire était indispensable à la légitimité de cette dernière et contribuait à éviter les clivages entre les institutions européennes et les opinions nationales. Cette question devra forcément être abordée lors des débats à venir sur la reprise du processus institutionnel que toutes les autorités roumaines ont soutenu, à l'occasion de la visite du Premier ministre, M. Dominique de Villepin, à Bucarest la semaine dernière.

Il y a une vingtaine d'années encore, la participation de la Roumanie à de tels débats apparaissait comme une merveille inaccessible. Désormais, c'est une réalité qui s'avérera certainement très fertile. Il serait d'ailleurs agréable de poursuivre entre nous ces discussions, à Bucarest, après les échéances électorales françaises.

Le Président Pierre Lequiller a évoqué plusieurs initiatives prises ces dernières années pour améliorer le travail des parlementaires français en matière européenne.

La Délégation travaille en liaison étroite et régulière avec le Secrétariat général pour les affaires européennes et son Président qui est consulté avant chaque comité interministériel pour les affaires européennes, communique ses relevés de conclusions aux membres de la Délégation.

Un débat sur l'Europe se déroule dans l'hémicycle avant chaque Conseil européen.

La nécessité d'une association réelle des Parlements nationaux aux débats européens a été prise en compte à l'initiative des Présidents Jose Manuel Barroso et Josep Borrell sous la forme de réunions communes du Parlement européen et des parlements nationaux qui devraient se poursuivre sous la présidence de M. Hans-Gert Pöttering.

Le ministre des affaires européennes a pris l'initiative d'inviter députés et sénateurs à l'accompagner à Bruxelles pour leur faire mieux connaître les arcanes des institutions communautaires.

La Délégation a tenu une réunion au Parlement européen pour débattre avec des parlementaires européens du projet de directive Bolkestein et elle les invite souvent à Paris pour discuter des réformes en cours, même s'il est difficile d'organiser des réunions interparlementaires sur les seuls jours disponibles du mardi au jeudi midi dans les deux institutions parlementaires.

Le Président Pierre Lequiller a rejoint totalement le Président de la délégation roumaine pour conclure qu'il est du devoir des parlementaires de parler de l'Europe afin de corriger une vision exagérément critique de l'Union, même s'il reste des points à améliorer. Au total, nous devrions être sensibles au fait que nous avons accompli tous ensemble des progrès très importants.

M. Mario-Ovidiu Oprea, sénateur, membre du parti national libéral, a déclaré que la Roumanie était heureuse de célébrer les cinquante ans de la fondation de l'Union européenne en tant qu'Etat membre à part entière. En réaffirmant les valeurs et les objectifs de l'Europe et en prenant l'engagement de surmonter ensemble les défis, la déclaration commune aura une grande valeur symbolique.

La France est le premier partenaire de la Roumanie pour la coopération décentralisée. Plus de quatre cents relations se sont établies au niveau local, sous la forme de jumelages, de relations d'amitié, de coopération ou de partenariat.

Les intérêts prioritaires de la Roumanie concernent la sécurité des routes énergétiques, les progrès en matière de justice et d'affaires intérieures et le développement de la politique européenne de voisinage.

M. Cristian Cucuian, sénateur, membre du parti démocrate, a déclaré que l'Union européenne et la Roumanie ne pouvaient pas être indifférentes à leurs évolutions respectives. Les Roumains expriment un soutien enthousiaste à l'Union européenne parce que la population a accepté les explications de la classe politique sur la nécessité pour leur pays de s'intégrer à l'Union et de s'appuyer sur ses valeurs.

L'Union a également besoin des nouveaux Etats membres et du soutien qu'ils apportent au Traité constitutionnel d'une manière plus enthousiaste que les pays promoteurs de ce projet. Pour que le peuple roumain ne perde pas confiance dans le Traité constitutionnel et sa réaffirmation d'une communauté entre Européens, les anciens Etats membres devraient le soutenir et être plus réceptifs à des problématiques comme celles de la société roumaine. Les Roumains et les Bulgares demandent le dépassement des différences actuelles de développement respectif et souhaitent ne pas être regardés avec réserves, même s'ils sont les membres de la famille le plus récemment arrivés. Ils doivent être épaulés, considérés et conscients que les autres membres de la famille se préoccupent d'eux.

En matière de libéralisation de la circulation des travailleurs, la Roumanie connaît actuellement un problème de main-d'œuvre pour réaliser les projets européens, notamment parce que les salariés du secteur du bâtiment-travaux publics sont partis travailler à l'ouest de l'Europe. La Roumanie dispose désormais des moyens financiers mais pas de la main-d'œuvre pour réaliser ses projets d'investissement. L'intérêt de tous les membres de l'Union est de trouver l'équilibre pour que certains d'entre eux ne restent pas en état d'infériorité.

Il faut créer une communauté autour d'un intérêt commun pour qu'elle dispose d'une structure économique et politique similaire à celle des Etats-Unis dans quelques années. Il ne faut donc pas négliger les régions de l'Europe différentes du reste de l'Union et les soutenir pour dépasser rapidement les différences existantes.

M. Lionnel Luca s'est réjoui de ce que la Roumanie soit membre de l'Union européenne, situation que personne n'aurait pu imaginer il y a vingt ans. Le miracle de l'Union est de s'étendre maintenant de l'Atlantique à la Mer Noire.

S'agissant des relations entre la Roumanie et la France, il y a toujours eu une politique d'amitié entre les deux sœurs latines, laquelle s'est traduite par une solidarité en faveur de l'entrée de la Roumanie dans l'Union. Au-delà cependant, on observe un certain détachement de la Roumanie vis-à-vis de la France, et un rapprochement avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, notamment en matière de politique étrangère. Ce sentiment d'une distance tient certes aux orientations données par le Président roumain et a pu être atténué tant lors du sommet de la francophonie à Bucarest que de la visite récente du Premier ministre français. Néanmoins certaines orientations apparaissent problématiques.

Par ailleurs, l'image de la Roumanie est brouillée en France, notamment en raison de l'immigration clandestine de la minorité des Roms, qui crée des conflits relationnels pour des raisons multiples et variées. Ce problème se pose aussi en Italie. Il y a une confusion dans l'opinion publique entre l'ensemble des Roumains et les ressortissants de cette minorité. Une grande attention doit donc être accordée à la circulation des personnes, qui se traduit par des installations un peu sauvages et sans but actif. Un accord entre les deux pays est donc nécessaire.

Enfin, l'expérience des relations entre la chambre des métiers de la Côte d'Azur et la chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Timişoara, montre l'importance des relations entre les institutions consulaires. Celles-ci permettent aux entreprises françaises de ne pas craindre la concurrence roumaine et peuvent leur donner des orientations sur les perspectives de développement économique en Roumanie. Ce type de partenariat doit être privilégié.

Après avoir insisté sur le fait qu'on ne pouvait que se réjouir de l'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne, M. Pierre Forgues a considéré que l'accueil réservé à cet Etat n'était en aucune manière obéré par le fait qu'il soit l'un des derniers arrivés. Dans les familles, le dernier enfant est d'ailleurs souvent mieux accueilli que le premier.

D'un point de vue historique, la Roumanie appartient à l'Europe et l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie permet à l'Union européenne de se réorienter vers le sud, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, ces motifs de satisfaction ne doivent pas occulter plusieurs problèmes.

L'adhésion de deux nouveaux membres exige ainsi un effort supplémentaire de solidarité et il est difficile de considérer que l'Union est, en l'état, une merveille. La merveille européenne reste à construire. Actuellement, l'Union est un espace économique humain qui a encore beaucoup de chemin à faire. Les Français n'ont pas voté non à l'Union européenne. Ils ont simplement voté contre le projet du Traité constitutionnel qui leur était présenté. L'Europe a besoin d'une Constitution, c'est indéniable, mais elle n'a pas besoin de cette Constitution précisément. Un Traité constitutionnel doit en effet renforcer les institutions et ne doit pas avoir pour objet de définir les politiques qui vont être menées. Si le projet de Traité avait été soumis au Parlement, le vote aurait été favorable à plus de 90 %. Le rejet par le peuple indique une difficulté de la population à s'approprier l'Europe, même dans les anciens Etats membres.

En ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, on peut envisager des échanges entre les deux Etats puisque la France manque d'ouvriers, dans le secteur du bâtiment par exemple, alors que la Roumanie manque de techniciens. Mais la France n'est peut-être pas le pays fondateur le mieux placé pour accueillir dans les circonstances actuelles l'ensemble des travailleurs de l'Union européenne qui le désirent. La libre circulation des hommes ne sera pas dans l'immédiat ce que l'on souhaite qu'elle devienne.

S'agissant de l'immigration sauvage, celle-ci concerne la minorité des Roms, laquelle ne donne pas une image réelle de la Roumanie. Les instances européennes avaient par ailleurs fait d'une action en faveur des minorités, Roms et Hongrois notamment, une condition d'adhésion. A quel stade en sont les lois prévues dans ce cadre ?

M. Daniel Garrigue s'est félicité de ce que la Délégation accueille pour la première fois des Roumains en tant que membres à part entière de l'Union européenne. De nombreux échanges ont eu lieu sur le mode d'organisation du suivi des questions européennes par les parlements nationaux. Aucune solution n'apparaît vraiment idéale. Les parlementaires français peuvent cependant envier le choix du Parlement roumain qui a créé une commission des affaires européennes à part entière.

M. Daniel Garrigue a ensuite souhaité savoir quelle conception avait la Roumanie de l'Union européenne et sur la manière dont cette dernière doit se développer. Cette question de la conception qu'ils ont de l'Europe concerne tous les nouveaux Etats membres, notamment au prisme de leurs relations avec les Etats-Unis. L'Europe doit-elle être, du point de vue roumain, un simple marché de libre échange ou au contraire une entité ayant tous les attributs d'une grande puissance à l'échelle planétaire ?

En ce qui concerne l'élargissement de l'Union à de nouveaux Etats dans le futur, quels sont les sentiments de la Roumanie sur l'entrée des Etats de l'ex-Yougoslavie, laquelle se profile selon un ordre dispersé, ce qui pose un problème de pondération de voix ? Par ailleurs, la Roumanie envisage-t-elle un élargissement au-delà de la Mer Noire, à la Turquie ou vers d'autres pays de l'ex-Union soviétique ?

M. François Guillaume a déclaré se réjouir de l'entrée de la Roumanie dans l'Union, ce qui, selon lui, a permis d'y renforcer le camp latin, alors que cette dernière avait eu tendance à être de plus en plus anglo-saxonne.

Evoquant tout d'abord la situation actuelle de l'agriculture roumaine et les problèmes découlant du passage d'une agriculture de subsistance centralisée à une agriculture moderne, il a rappelé qu'une répartition des terres était intervenue après la chute du régime communiste. Il a souhaité savoir si la Roumanie était parvenue à créer des exploitations viables de taille familiale, compte tenu des résultats mitigés enregistrés par les grandes exploitations qui ont été constituées.

Il s'est également interrogé sur les conditions dans lesquelles les nouveaux agriculteurs, en particulier les jeunes, pourraient être aidés afin qu'ils puissent maîtriser le développement des exploitations.

S'agissant de la situation de la Roumanie au regard de la PAC, M. François Guillaume a fait remarquer que cet Etat membre en tirera profit, même si, pour le moment, ses agriculteurs ne bénéficient pas encore de l'ensemble des aides accordées aux autres Etats membres. Il a toutefois fait remarquer que, grâce à ces aides, le niveau de vie des agriculteurs roumains sera meilleur que celui de leurs concitoyens, ce qui, à ses yeux, pourrait entraîner des difficultés d'ordre social et politique.

Puis M. François Guillaume, abordant la question des relations avec les Etats-Unis et celle de l'adhésion à l'OTAN, a considéré que pour tous les nouveaux entrants de l'Europe centrale et orientale, l'adhésion à l'OTAN aurait prévalu sur l'entrée dans l'Union européenne si le choix leur avait été accordé, en raison du besoin de protection dicté par leur histoire. Il a toutefois fait valoir que l'adhésion de ces Etats à l'Union européenne pourrait désormais leur offrir des garanties identiques à celles dont jouissent les citoyens allemands ou français. C'est pourquoi il a souhaité savoir si la Roumanie serait prête à accepter l'idée d'une défense européenne qui, sans être anti-américaine, pourrait leur offrir une indépendance réelle.

Enfin, M. François Guillaume a soulevé le problème des enfants accueillis dans les hospices, résultant de la politique nataliste qui avait été mise en œuvre par le régime communiste. Rappelant que, dans le cadre de la procédure d'adhésion, l'Union européenne avait demandé à la Roumanie d'abroger la législation concernant ces enfants, il a souligné que la nouvelle législation qui a été adoptée interdisait l'adoption d'enfants roumains par les étrangers, alors même qu'augmente le nombre de ces enfants, la Roumanie se trouvant confrontée, en conséquence, à un grave problème humanitaire.

Mme Arlette Franco a rappelé qu'elle a pu prendre connaissance des problèmes de la Roumanie à travers les échanges sportifs et de deux visites qui lui ont permis de prendre la mesure des progrès accomplis dans le domaine de l'agriculture. Elle a également constaté que depuis quelques années une forte demande concernant le développement des échanges touristiques avec la Roumanie était apparue. Elle s'est toutefois demandé pour quelles raisons les Roumains donnaient l'impression d'être inquiets quant à la qualité de l'accueil qui leur est réservé dans l'Union.

Evoquant les difficultés auxquelles la France et la Roumanie sont respectivement confrontées en ce qui concerne les besoins de main-d'œuvre, elle a estimé qu'une coopération devait être instaurée entre les deux Etats dans le domaine de la formation en vue d'y faire face.

M. Bogdan Niculescu-Duvăz, député, a apporté les éléments de réponse suivants :

Sur la question de l'axe américano-britannique, c'est une déclaration du Président de la République qui a engagé la Roumanie dans ce rapprochement, mais cette déclaration a été faite au début de son mandat et cette orientation n'a pas été une constante de la politique étrangère roumaine de ces dernières années. M. Bogdan Niculescu-Duvăz a estimé qu'à l'issue du processus d'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, il est possible de considérer que cette déclaration appartient au passé.

Sur la question des migrations et en particulier de celle des Roms, avec les conséquences qu'elle a malheureusement en termes d'image auprès des Français, les autorités roumaines mènent une politique active d'assimilation des populations roms par l'éducation, en ayant recours à la discrimination positive selon des dispositifs très complexes, pour l'accès à l'enseignement ; cette politique concerne également l'enregistrement formel des mariages et des naissances. Il convient d'attendre les résultats de ces actions. Sur le terrain des relations avec les autres pays européens, M. Bogdan Niculescu-Duvăz a souligné la signature par le Premier ministre français et le Premier ministre roumain, le 1er février 2007, d'un accord sur la protection et le rapatriement des mineurs roumains isolés présents sur le sol français. Il a également indiqué que les mineurs roumains ayant commis des infractions dans d'autres pays et revenus en Roumanie se voient désormais refuser pendant plusieurs années l'octroi ou le renouvellement de leur passeport.

Sur le traité constitutionnel, il ne soutient pas le texte rejeté par la France mais l'idée selon laquelle l'Europe doit avoir une Constitution. Dans l'ensemble la classe politique roumaine a cette position.

S'agissant de la libre circulation des travailleurs, il a souhaité corriger une impression erronée. Le pic de l'immigration roumaine vers l'Union européenne est passé. Aujourd'hui, c'est-à-dire depuis le 1er janvier 2007, il y a moins de ressortissants roumains qui quittent le pays qu'il y a un ou deux ans. Bien que les statistiques disponibles ne soient pas très exactes, il y a entre 1,5 et 2 millions de Roumains expatriés, et ce sont en général des travailleurs qualifiés. C'est pourquoi il y a en Roumanie une pénurie de main-d'œuvre qualifiée, notamment dans le secteur de la construction où il faut aller rechercher des travailleurs installés en Italie ou en France.

S'agissant des lois sur le statut des minorités, il faut distinguer deux questions :

- les droits des minorités en Roumanie sont très protégés, et sur ce point la situation de la Roumanie est différente par rapport au autres pays européens. La minorité la plus importante en Roumanie est la minorité hongroise, qui représente 6 % de la population. De grands pas ont été faits pour satisfaire ses revendications, de larges possibilités lui ont été ouvertes en matière d'enseignement jusqu'à l'université, d'autonomie locale, et de liberté culturelle. Là où les membres de la communauté hongroise constituent plus de 20 % de la population, les autorités sont même obligées de recourir au bilinguisme, la justice et l'administration doivent disposer de fonctionnaires parlant le hongrois ;

- une loi générale sur les minorités est en cours d'examen au Parlement. Elle vise à définir a priori ce qu'est une minorité et à rassembler toutes les dispositions existantes dans un seul texte. La minorité hongroise est favorable à cette loi. Mais elle est pour l'instant bloquée au Parlement à cause de quelques articles qui visent à aller plus loin que les dispositions existantes en matière d'autonomie territoriale sur critère minoritaire. Ces dispositions soulèvent en effet un problème constitutionnel. Il est d'ailleurs difficile de comprendre pourquoi il serait nécessaire d'accroître encore les possibilités d'autonomie locale.

En réponse à la question de M. Daniel Garrigue, M. Bogdan Niculescu-Duvăz a affirmé qu'il veut une Europe politique et que la majorité de la classe politique roumaine et des citoyens roumains veulent une Europe politique et pas seulement un Marché commun. Il a toutefois reconnu qu'il est plus facile d'avoir ce point de vue en Roumanie. S'agissant de l'élargissement de l'Union vers les Balkans occidentaux, la Roumanie espère que cet élargissement se fera car alors seulement l'Europe sera complète. Il a souhaité que cela se fasse pour tous ces pays ensemble, sans faire de différence entre eux afin d'éviter de créer de nouvelles tensions.

La situation des petites exploitations a un peu évolué, avec la vente libre des terrains. Elle s'est améliorée notamment pour les parcelles pouvant produire des céréales. Cependant, il reste beaucoup à faire dans le domaine de la formation et de la mise à niveau des infrastructures dans les zones rurales, qui connaissent un réel décalage avec la situation du reste du pays.

Il est très important de continuer la coopération entre la France et la Roumanie dans les domaines de la jeunesse et du sport. Il y a lieu de noter que le premier accord entre les deux pays après le changement de régime, signé en 1991, a concerné le sport.

M. Cristian Cucuian, sénateur, a précisé que la minorité hongroise est représentée par un parti spécifique au Parlement : elle détient d'ailleurs 7 % des mandats parlementaires roumains. Si, à cela, on ajoute les dix-huit parlementaires représentant toutes les autres minorités présentes en Roumanie, ce sont en fait 18 % des mandats parlementaires qui sont détenus par des représentants des minorités. Outre le fait que ces groupes ont le droit de défendre les intérêts des populations qu'ils représentent, ceux-ci doivent bénéficier d'un statut particulier au sein du Parlement. Ce statut est déjà écrit, mais certaines dispositions, notamment celles qui définissent les critères de constitution de ces groupes et qui consacrent l'autonomie des territoires où la minorité représente plus de 20 % de la population, contraires à la Constitution de Roumanie, sont très débattues. Toutefois, il est probable que, sur cette question, les groupes politiques parviendront à un compromis.

Enfin, il convient d'évoquer la reconnaissance des droits culturels des minorités par l'administration et l'éducation nationale, qui satisfait pleinement les populations concernées.

En conclusion, M. Cristian Cucuian a affirmé qu'il n'y a aucun autre pays dans l'Union européenne qui garantit autant de droits aux minorités.

En ce qui concerne l'agriculture, il a considéré que ce secteur évolue dans des conditions difficiles, après cinquante années de propriété collective des terres. En effet, sous le régime communiste, les paysans n'étaient pas propriétaires, mais travaillaient pour les coopératives qui détenaient les terres. Cette phase historique a été douloureuse pour un monde paysan dans lequel le nombre d'hectares possédés apportait estime et considération. Après la révolution de 1989, le rêve de la propriété était toujours aussi vivace et a pu enfin se concrétiser : il est devenu en effet possible de revendiquer les terrains exploités, même expropriés. Ce retour de la propriété privée a pu combler les rêves des agriculteurs mais, dans le même temps, il a empêché le remembrement des terrains, morcelés entre des exploitations de petite taille, comprises entre deux et cinq hectares.

Un programme a été institué pour inciter les paysans à mettre leur terrain en fermage ou à recevoir une rente viagère s'ils le confient à d'autres personnes, afin d'inciter les producteurs à se regrouper. En outre, si les terrains sont vendus, les anciens propriétaires perçoivent une indemnité encore plus importante que cette rente viagère. Ces nouveaux droits ont surtout profité aux anciens techniciens des coopératives, car ils ont pu acheter plus de terrains que les autres. Il faut espérer que ces mesures permettront à l'agriculture roumaine de se développer, même s'il semble difficile de retourner à la situation d'avant-guerre où la Roumanie était le premier producteur de céréales d'Europe. Dans cette perspective, l'Europe doit apporter plus d'attention aux agriculteurs roumains, car beaucoup reste à faire pour remettre à niveau les structures de production.

M. Mario-Ovidiu Oprea, sénateur, a jugé nécessaire de poursuivre l'élargissement, à certaines conditions. Il a estimé que l'Europe est en mesure d'adopter une stratégie d'élargissement consolidée, qui fixe le rythme des adhésions en fonction de la capacité d'absorption de l'Union européenne. Par ailleurs, l'Europe doit réfléchir à la question du mode de désignation des commissaires européens : les critères doivent être revus.

Il a ensuite cité les nombreuses mesures prises par les gouvernements successifs de Roumanie pour conforter les droits des minorités, en particulier la mise en place d'une agence spécialisée, assurant le suivi des politiques mises en œuvre, le programme de développement communautaire local, le programme d'insertion des Roms, visant à réduire le décalage entre cette minorité et le reste de la population et un programme d'identification des personnes n'ayant pas une identité établie.

Le Président Pierre Lequiller a remercié les parlementaires roumains pour la richesse de leurs réponses et a redit sa joie de les accueillir en ce début de l'année 2007.

M. Bogdan Niculescu-Duvăz a appelé de ses vœux la poursuite du dialogue entre la Délégation et la commission des affaires européennes roumaine.