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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 199

Réunion du mardi 13 février 2007 à 16 h 15

Présidence de M. Christian Philip, Vice-Président

I. Examen du rapport d'information de M. Christian Philip sur les échanges d'informations et la protection des données dans le troisième pilier

M. Christian Philip, rapporteur, a indiqué que l'Union européenne a adopté de nombreuses mesures visant à renforcer les échanges d'informations, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ces mesures doivent s'accompagner d'un cadre commun garantissant la protection des données personnelles. C'est l'objectif de la proposition de décision-cadre relative à la protection de ces données dans le cadre de la coopération policière et pénale déposée par la Commission européenne le 4 octobre 2005.

Le cadre juridique actuel apparaît en effet insuffisant. La directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ne s'applique pas aux activités répressives. Les législations nationales de transposition de cette directive les ont souvent incluses dans leur champ d'application, comme en France, mais les solutions adoptées sur ce point varient d'un Etat membre à l'autre. Il existe également une convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981, complétée par un protocole additionnel signé à Strasbourg le 8 novembre 2001, mais elle est trop générale pour pallier l'inapplicabilité de la directive 95/46/CE aux activités répressives. En l'absence de cadre général, des régimes spécifiques de protection ont dû être mis en place. Trois autorités de contrôle communes ont ainsi été créées pour le système d'information Schengen, Europol, le système d'information douanier, ainsi qu'un organe de contrôle commun pour Eurojust. Dans ces conditions, des normes communes relatives à la protection des données personnelles dans le cadre de la coopération policière et pénale sont indispensables, comme l'ont souligné à plusieurs reprises les autorités européennes de la protection des données et le contrôleur européen de la protection des données, M. Peter Hustinx.

La proposition de décision-cadre relative à la protection des données marquerait un pas en avant considérable dans ce domaine. Son champ d'application est large, incluant les transferts de données entre Etats membres mais aussi les traitements de données dans un cadre strictement national. Les régimes de protection existants pour Europol, Eurojust, le système d'information Schengen et Eurojust ne seraient en revanche pas remis en cause. Le texte fixe des conditions générales de licéité du traitement des données et précise les droits de la personne concernée, notamment celui d'être informée. Il prévoit qu'une autorité de contrôle indépendante doit exister dans tous les Etats membres et qu'un groupe de protection des personnes, inspiré du « groupe de l'article 29 » mis en place par la directive 95/46/CE, sera créé. La transmission de données aux autres Etats membres est encadrée, de même que le transfert de données reçues d'un autre Etat membre aux pays tiers. Un tel transfert ne peut être autorisé, notamment, que si l'Etat membre ayant initialement transmis les informations y a consenti et si le pays tiers assure un « niveau adéquat » de protection des données.

L'adoption de la décision-cadre a été retardée par d'importantes divergences de vues entre les Etats membres. En ce qui concerne le champ d'application de la décision-cadre, plusieurs délégations s'opposent à l'inclusion des données recueillies et utilisées dans un cadre strictement national. Elles considèrent qu'aucune base juridique n'autorise cette inclusion et qu'elle serait contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. D'autres Etats membres soutiennent l'approche de la Commission, faisant valoir qu'une distinction entre données nationales et données de coopération internationale serait impraticable. Le service juridique du Conseil a rendu un avis affirmant que l'Union européenne peut réglementer le traitement des données nationales, sans convaincre les délégations qui y sont opposées.

Le rapporteur s'est déclaré favorable à l'inclusion des données nationales au motif qu'il est difficile, voire impossible, de distinguer en pratique les données qui sont susceptibles de faire l'objet à un stade ultérieur d'une transmission transfrontière de celles qui ne le sont pas. Il serait très complexe et coûteux de mettre en place deux régimes différents de protection des données, qui coexisteraient pour des informations contenues dans un même fichier.

De fortes divergences existent aussi sur le transfert de données à des pays tiers. Certains Etats membres souhaitent étendre les conditions restrictives posées au transfert de données vers des pays tiers à toutes les données, y compris nationales. La majorité des Etats membres voudrait au contraire que ces conditions ne s'appliquent qu'au transfert de données reçues d'un autre Etat membre, comme le suggérait la Commission dans sa proposition initiale. Enfin, un troisième groupe d'Etats membres aimerait que la question du transfert aux pays tiers ne soit même pas mentionnée dans la décision-cadre. Le rapporteur a estimé que les règles régissant le transfert des données à des pays tiers devraient englober toutes les catégories de données, y compris nationales, et que les conditions posées devraient être exigeantes, afin de s'assurer que les pays tiers destinataires assurent un niveau de protection adéquat.

L'Allemagne souhaite la fusion des autorités de contrôle communes compétentes, respectivement, pour le système d'information Schengen, Europol, Eurojust et le système d'information douanier. Elle estime que l'existence parallèle de ces organismes de contrôle est synonyme de bureaucratie inutile et empêche les effets de synergie en matière de contrôle de la protection des données. Elle souhaiterait qu'une autorité de contrôle unique soit créée pour le troisième pilier de l'Union européenne, auquel un rôle consultatif pourrait être confié. Le rapporteur a soutenu cette initiative, qui entraînerait une clarification bienvenue, sous réserve que cet ajout ne retarde pas exagérément l'adoption de la décision-cadre.

La proposition de décision-cadre relative au principe de disponibilité des informations, déposée par la Commission européenne le 12 octobre 2005, est étroitement liée à la proposition de décision-cadre sur la protection des données. Le principe de disponibilité, consacré par le programme pluriannuel de La Haye, signifie que les informations nécessaires à la lutte contre la criminalité doivent pouvoir traverser sans entrave les frontières intérieures de l'Union européenne. Sa mise en œuvre permettra d'aller au-delà du cadre européen actuel applicable aux échanges d'informations entre services répressifs.

La proposition de décision-cadre imposerait aux Etats membres de faire en sorte que les informations utiles à l'action répressive soient partagées avec les autorités compétentes équivalentes des autres Etats membres et Europol. Son champ d'application est étendu, car elle englobe non seulement la détection d'infractions pénales, mais aussi la prévention de telles infractions et les enquêtes relatives à ces infractions. Six types d'informations sont visés : les données ADN, les empreintes digitales, la balistique, les informations relatives à l'immatriculation des véhicules, les numéros de téléphone et les autres données relatives aux communications, et les données d'identification des personnes figurant dans les registres de l'état civil. Le texte prévoit que les autorités équivalentes des autres Etats membres auront un accès en ligne aux informations contenues dans les bases de données électroniques auxquelles les autorités compétentes correspondantes de l'Etat membre concerné ont un tel accès. Pour les autres données, auxquelles un accès direct en ligne n'est pas possible, les Etats membres devront prévoir un accès via un index permettant au pays requérant de savoir si une information l'intéressant existe et de formuler ainsi une demande d'information complémentaire. Les refus sont strictement limités à quatre motifs : éviter de compromettre les enquêtes en cours ; protéger une source d'information ou l'intégrité d'une personne physique ; préserver la confidentialité des informations à tous les stades du traitement ; protéger les droits fondamentaux des personnes dont les données sont traitées.

La Commission européenne a souhaité « geler » les discussions sur ce texte en raison de l'intégration, projetée par la présidence allemande, du traité de Prüm dans le cadre de l'Union européenne, celui-ci traitant pour partie des mêmes questions. Ce traité, signé le 27 mai 2005 par sept Etats membres (l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas) comporte en effet des dispositions particulièrement novatrices en matière d'échanges d'informations, relatives notamment à l'ADN, aux empreintes digitales et aux plaques d'immatriculation des véhicules, pour lesquelles un accès automatisé à certains fichiers nationaux est prévu. Ces dispositions ne vont cependant pas aussi loin que celles proposées par la Commission dans la proposition de décision-cadre, car elles ne permettent un accès direct aux données que pour les registres d'immatriculation des véhicules et les types d'informations visés sont plus limités. Une clarification de l'articulation entre les deux textes est indispensable.

M. Jacques Floch a relevé que ce rapport vient à point pour rappeler combien il est difficile de faire travailler ensemble les services qui ont pour mission de protéger les citoyens. Cela fait pourtant des années que l'on essaie, notamment, de faire travailler les autorités nationales avec Europol. Un précédent rapport d'information de la Délégation, également présenté par M. Christian Philip, avait montré qu'Europol est insuffisamment utilisé. Auparavant, un rapport sur Europol présenté par M. Jacques Floch lui-même avait constaté la méfiance dont faisaient preuve les policiers français à l'égard d'Europol ; quant à l'éventualité d'échanger avec Europol des informations, les policiers français craignaient une certaine « perte en ligne », ne sachant pas si les informations transmises seraient utilisées à bon escient, tandis que la collaboration avec Interpol, basé à Lyon et en français, ne posait pas ce problème.

M. Jacques Floch a souligné qu'il convient, comme le montre le rapport présenté, de faire preuve de vigilance en cette matière. La grande criminalité ignore les frontières et échange des informations en se passant de règles. En revanche, les législateurs se doivent d'encadrer les échanges d'informations car les libertés fondamentales et les libertés individuelles sont en cause : comment les citoyens européens peuvent-ils savoir s'ils sont « référencés » par différents organismes et, si c'est le cas, en quels termes et pour quel usage ?

La presse a révélé des cas d'individus qui, ayant été « fichés » à leur insu, se sont rendus compte à l'occasion de contrôles dans un Etat de l'Union européenne ou dans un Etat tiers (les Etats-Unis en l'occurrence), que ces informations les concernant avaient été transmises à un Etat autre que leur Etat d'origine ; ils se sont alors trouvés, sur la base de ces données, refoulés, questionnés, voire arrêtés. Il y a donc bien un problème de transmission des informations à des Etats tiers. On sait qu'actuellement les Etats-Unis, depuis les attentats du 11 septembre 2001, sont très sensibles à cette question et ont mis en place des contrôles très stricts à leurs frontières. Ceci pourrait créer des problèmes si un contrôle européen n'est pas mis en place afin de savoir quelles informations ont été diffusées et pour quel usage.

Or les législateurs européens n'ont pour l'heure pas instauré de règles. Si le texte proposé n'est pas adopté, c'est la Cour de justice qui « fera le droit ». Il faut donc effectivement inciter le législateur communautaire et les législateurs nationaux à écrire le droit. On peut espérer que l'Assemblée nationale, lors de la prochaine législature, pourra se prononcer sur ces sujets importants. M. Jacques Floch a conclu que le rapport présenté est d'une grande utilité pour l'information qu'il apporte à la fois sur le problème et sur les solutions préconisées.

M. Jérôme Lambert a indiqué que des données nombreuses circulent, sans que les citoyens en aient une connaissance suffisante. Paradoxalement, aucune distinction n'est faite, notamment, entre auteurs et victimes d'infractions : il suffit parfois d'être la victime dans une affaire criminelle pour que des données personnelles se trouvent enregistrées et diffusées. Et s'agissant de la circulation des données relatives au casier judiciaire, qui peuvent comporter la mention de telle ou telle condamnation, que se passe-t-il le cas échéant lorsqu'une amnistie vient effacer cette mention en France ? La mention de la condamnation est-elle alors également effacée ailleurs ? Quels sont les moyens pour le citoyen concerné de le vérifier dans les 27 pays membres, sachant qu'il est déjà difficile de le faire en France ? Or ceci peut avoir des conséquences graves.

M. Jérôme Lambert a indiqué qu'il partage l'objectif de rendre plus efficace le travail des services de justice et de police contre la criminalité transfrontalière, mais qu'il faut se garder de créer une situation qui rendrait le citoyen complètement démuni face à la toute-puissance de systèmes d'information dont il ne maîtrise ni le flux ni le contenu.

M. Jacques Floch a demandé que les références du texte relatif aux échanges d'informations liées au casier judiciaire soient mentionnées dans le rapport d'information présenté par M. Christian Philip.

Sur proposition du rapporteur, la Délégation a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation pour l'Union européenne,

Vu la proposition de décision-cadre relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (COM [2005] 475 final / E 2977),

Vu la proposition de décision-cadre relative à l'échange d'informations en vertu du principe de disponibilité (COM [2005] 490 final /n° E 2981),

1. Considère que les avancées réalisées ou envisagées en matière d'échanges d'informations entre les services répressifs des Etats membres doivent s'accompagner des garanties nécessaires en matière de protection des données à caractère personnel ;

I. En ce qui concerne la proposition de décision-cadre relative à la protection des données à caractère personnel :

2.  Souhaite l'adoption rapide de la proposition de décision-cadre, car un cadre juridique commun applicable à la protection des données à caractère personnel dans le cadre de coopération policière et judiciaire en matière pénale est indispensable ;

3. Estime que la décision-cadre devrait inclure les données traitées dans un cadre strictement national, sans se limiter aux seules données transférées entre Etats membres, car la distinction entre ces deux types de données serait difficile à mettre en œuvre, toute donnée collectée dans le cadre d'une enquête nationale pouvant être, à un stade ultérieur, échangée avec un autre Etat membre ;

4. Souligne que la décision-cadre devrait encadrer strictement le transfert des données à caractère personnel, y compris nationales, aux pays tiers, comme l'ont souligné le contrôleur européen de la protection des données et les autorités européennes de protection des données ;

5. Est favorable à la fusion des autorités de contrôle communes en une autorité de contrôle unique compétente pour l'ensemble du troisième pilier de l'Union européenne ;

II. En ce qui concerne la proposition de décision-cadre relative à l'échange d'informations en vertu du principe de disponibilité :

6. Soutient la mise en œuvre du principe de disponibilité, selon lequel les informations nécessaires à la lutte contre la criminalité doivent pouvoir circuler sans entrave au sein de l'Union européenne, sous réserve qu'il s'accompagne d'un cadre juridique commun relatif à la protection des données ;

7. Souhaite que l'articulation de la proposition de décision-cadre avec les dispositions du traité de Prüm relatives aux échanges d'informations soit clarifiée. »

II. Examen du rapport d'information de M. Jacques Floch sur la médiation en Europe

M. Jacques Floch, rapporteur, a souligné que la médiation constituait une démarche très ancienne, que les élus pratiquaient couramment dans leurs fonctions. Il a noté que la plupart des systèmes juridiques des pays de l'Union intégraient la médiation. En France, l'institution du Médiateur de la République correspond à la même inspiration, mais dans un champ différent, dans la mesure où il s'agit de régler les différends entre l'Administration et les citoyens.

Le rapport sur la proposition de directive relative à la médiation civile et commerciale a été l'occasion de mener une étude comparative à propos du développement de la médiation dans les différents Etats membres. Le concours des ambassades de France dans les pays de l'Union - qui ont répondu à leur quasi unanimité au questionnaire qui leur avait été transmis - a permis de réunir un ensemble très riche d'informations. La médiation apparaît particulièrement avancée dans certains pays, comme le Royaume-Uni et le Portugal. Au Royaume-Uni, lorsqu'un juge propose l'engagement d'une médiation et qu'une des parties la refuse, celle-ci prend en charge les frais de justice. Le Portugal a, quant à lui, mis en place un système de « tribunaux de paix », qui fonctionnent comme des maisons de justice facilement accessibles, sans le cérémonial de la justice. En France, la médiation se développe fortement, d'une façon quelque peu désordonnée. La loi sur la médiation du 8 février 1999 a représenté un progrès important, mais elle doit être actualisée. Il conviendrait de prévoir la création d'un Observatoire de la médiation pour consolider les acquis et accompagner l'évolution nécessaire de la médiation. Le rapporteur a précisé qu'il présidait un groupe de travail, auquel participait notamment le Groupement européen des magistrats pour la médiation, présidé par le Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet.

La proposition de directive tend, quant à elle, à mettre en place un cadre général favorable au développement de la médiation en Europe. Elle définit la médiation et le médiateur, prévoit que le juge peut inviter les parties à engager une médiation et fixe les règles de base auxquelles doit se conformer une procédure de médiation. Il s'agit des règles relatives à la confidentialité, à l'exécution des accords de médiation et à la suspension des délais de prescription.

Il y a un accord très large des partenaires économiques, des professions juridiques et des organisations de médiateurs sur la directive et son contenu. En revanche, il y a débat
- en particulier entre le Conseil et la Commission - quant à l'interprétation de l'article 65 du traité instituant la Communauté européenne, sur la question du champ d'application. La proposition de la Commission prévoit un champ d'application large incluant les litiges internes, alors que la majorité des Etats membres, dont la France, appuyés notamment sur l'avis juridique du Secrétariat général du Conseil, sont en faveur d'un champ d'application restreint aux litiges transfrontières.

La rapporteur de la commission des affaires juridiques du Parlement, Mme Arlene McCarthy, a, à ce stade, proposé un amendement de compromis, qui prévoit des critères transfrontières différenciés en fonction des règles concernées, qui aboutirait concrètement à un système peu opérationnel.

Une audition publique a été organisée le 1er février dernier à l'Assemblée nationale dans le cadre du rapport. Elle a réuni des représentants des trois institutions communautaires, de la présidence allemande, du SGAE, des ministères concernés ainsi que des partenaires économiques et juridiques impliqués. Cette audition a permis un large échange de vues, notamment sur le champ d'application.

Le rapporteur a indiqué qu'il proposait de maintenir l'objectif d'un champ d'application large, tout en restant dans le domaine transfrontière. Il s'agit de prendre en compte les phases successives d'un processus de médiation, qui peut ne pas présenter initialement de caractère transfrontière - du fait de la localisation des parties au litige - mais le devenir par la suite, en raison de la localisation du médiateur, de la conclusion de l'accord ou de son exécution.

En outre, M. Jacques Floch a considéré qu'il convenait que la future transposition de la directive soit l'occasion d'étendre aux litiges internes les règles de base prévues par la directive pour les litiges transfrontières. Il a noté que cette proposition rejoignait la position du barreau des avocats anglais et gallois.

Il a estimé que la directive donnerait un développement nouveau à la médiation. En France, 5 millions d'affaires civiles viennent chaque année devant les tribunaux. 30 à 40 % pourraient faire l'objet d'une médiation. Les magistrats sont à présent formés à la médiation. Il s'agit d'un nouvel espace de « liberté et de civilisation », facteur de pacification sociale.

M. Guy Lengagne a demandé des précisions sur la médiation dans les 27 pays de l'Union européenne, le Portugal et le Royaume-Uni apparaissant, a priori, comme des exemples.

M. Jacques Floch, rapporteur, a indiqué que la médiation existait dans l'ensemble des pays de l'Union. Il a précisé que la Pologne n'était pas très en avance, puisque le juge n'y incite pas les justiciables à recourir à ce mode de règlement de leurs litiges. Il incombe en effet aux juges d'indiquer aux parties la possibilité de recourir à une médiation. En ce qui concerne la France, il faut observer que la médiation est en pleine expansion et que, d'ailleurs, quiconque peut proposer ses services dans des conditions extrêmement libres à ses concitoyens. S'agissant des banques, les « médiateurs » ne répondent pas, en réalité, aux critères de l'appellation puisqu'ils sont rémunérés par elles. Ils constituent, dans les faits, des chargés de clientèle, ayant pour mission de résoudre les litiges. Le Médiateur de la République est très conscient, pour sa part, de ces différentes difficultés. Il est donc important de façonner, au niveau communautaire, une image commune de la fonction de médiateur. Il en résulterait un apport essentiel, contribuant d'une manière significative à l'organisation de l'espace commun de sécurité, de liberté et de justice que l'on souhaite pour l'avenir.

Rappelant que le Médiateur de la République était, en France, saisi, par l'intermédiaire des parlementaires, M. Guy Lengagne a souhaité des éléments sur le mode de saisine des médiateurs pour les litiges privés. L'intervention du juge est-elle obligatoire ?

M. Jacques Floch, rapporteur, a rappelé que l'exemple de la médiation familiale était, à cet égard, très éclairant. Les juges aux affaires familiales font appel aux médiateurs désignés par les caisses d'allocations familiales ou aux services sociaux. La médiation est notamment importante pour le règlement des séparations entre les couples non mariés et qui ne sont pas non plus pacsés, ayant des enfants. Elle est également plus adaptée pour le règlement des relations entre les grands-parents et les petits enfants, à l'issue d'une séparation, que ne l'est la procédure civile. Lorsque la justice est saisie, les tensions sont parfois fortement accrues. En outre, la médiation offre l'avantage de désengorger les tribunaux.

Le Président Christian Philip a estimé qu'un texte communautaire ne devait intervenir que s'il apportait une valeur ajoutée aux dispositifs déjà en vigueur et que tel était le cas.

M. Jérôme Lambert a indiqué s'interroger sur l'application, en l'espèce, du principe de subsidiarité. Le bien-fondé d'une directive communautaire sur la médiation est avéré s'agissant des conflits transfrontaliers. En revanche, tel est-il encore le cas dès lors qu'un tel texte incite les Etats membres à agir dans un sens précis ?

Le Président Christian Philip a jugé que le principe de subsidiarité était bien respecté dès lors que la proposition de directive ne prévoyait que des « têtes de chapitre », laissant toute latitude aux Etats pour apporter des règles complémentaires ou de précision.

Sur proposition du rapporteur, la Délégation a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (COM [2004] 718 final/n° E 2844),

Constatant l'importance de la médiation en matière civile et commerciale, comme voie alternative de règlement des litiges,

Considérant que le développement et la diffusion de la médiation dans les pays de l'Union suppose la mise en place d'un cadre européen de référence, fixant les dispositions essentielles relatives à la médiation et laissant aux Etats membres, en vertu du principe de subsidiarité, la responsabilité d'adapter et de préciser les règles nécessaires, en fonction de la diversité des situations nationales,

Prenant acte du soutien apporté à la proposition de directive - à son contenu comme à son champ d'application - par la très grande majorité des acteurs économiques et juridiques, comme par les organisations de médiateurs,

Observant qu'il existe une large convergence de vues entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen sur le contenu de la proposition de directive,

Constatant, en revanche, les désaccords existant - notamment entre la Commission et le Conseil - quant au champ d'application de la directive, du fait des interprétations divergentes - non tranchées à ce stade - de l'article 65 du Traité instituant la Communauté européenne, et le souhait de nombreux Etats membres de limiter le champ de la directive aux litiges transfrontières,

Considérant que la réflexion sur le champ d'application doit notamment tenir compte, d'une part, de l'objectif de sécurité juridique, d'autre part, du fait que la médiation est un domaine nouveau et en développement, qui ne se heurte pas aux mêmes obstacles, en termes de convergence, que d'autres domaines de la procédure civile, marqués par des traditions juridiques anciennes et diverses,

1. Approuve l'initiative de la Commission de proposer une législation cadre donnant une définition commune de la médiation et du médiateur, prévoyant la possibilité pour le juge d'inviter les parties à avoir recours à la médiation et fixant les règles de base auxquelles, dans l'ensemble des pays de l'Union, les démarches de médiation seront soumises, en matière de confidentialité des éléments d'information, d'exécution des accords de médiation et de suspension des délais de prescription ;

2. Estime qu'il est souhaitable de parvenir à un accord en première lecture sur la base des convergences apparaissant à ce stade entre le Conseil et le Parlement ;

3. Souhaite que la solution, qui sera apportée à la question du champ d'application de la directive, privilégie une approche large intégrant notamment l'ensemble des critères - qui doivent être considérés comme alternatifs - de l'appréciation du caractère transfrontière, liés à la localisation de chacun des éléments successifs de la médiation : les faits à l'origine du litige ; la réalisation des dommages ; le domicile des parties au litige ; la désignation et l'établissement du médiateur, la conclusion de l'accord ; l'exécution de l'accord ;

4. Juge que, dans l'hypothèse où la directive exclurait de son champ d'application les litiges internes, il conviendra que la future transposition en droit national de la directive soit l'occasion d'étendre à ces litiges les règles de base prévues pour les litiges transfrontières, afin d'assurer une meilleure sécurité et cohérence juridiques. »

Le Président Christian Philip a alors salué, au nom du Président Pierre Lequiller et en son nom personnel, le travail effectué par M. Jacques Floch à la Délégation et à l'Assemblée nationale, M. Jacques Floch ayant indiqué que c'était le dernier rapport qu'il présentait en sa qualité de député.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point B

Sur le rapport du Président Christian Philip, la Délégation a examiné trois textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (document E 3428).

Le Président Christian Philip, rapporteur, présentant ce texte, a indiqué qu'il visait à réduire le droit de douane sur les importations d'aluminium non allié sous forme brute de 6 à 3 % puis, dans un délai de deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement, à suspendre entièrement le tarif douanier commun. Il a précisé que la suspension proposée devrait permettre de satisfaire les besoins d'approvisionnement des PME qui ne peuvent être comblées par la production communautaire d'aluminium non allié et par les importations de ce produit qui bénéficient d'une franchise de droits de douane. Soutenue par les nouveaux Etats membres et l'Italie, la proposition de la Commission pourrait être inscrite à l'ordre du jour du Conseil « Compétitivité » du 19 février 2007.

M. Christian Philip a souligné que les autorités françaises étaient opposées à ce texte et tentaient de réunir une minorité de blocage, qui pourrait comprendre l'Allemagne et l'Espagne. D'après le ministère de l'économie et des finances, la suspension unilatérale du droit de 6 % sur l'aluminium primaire comporte des risques pour les emplois liés à la production communautaire de ce type de matériau. En outre, cette suppression bénéficierait principalement aux producteurs russes, alors que ces derniers sont déjà avantagés par leur situation monopolistique sur leur marché intérieur et la double tarification de l'énergie. Enfin, M. Christian Philip a fait observer qu'en cas de reprise des négociations à l'OMC sur les tarifs industriels, l'Europe perdrait un avantage tactique.

Après l'intervention de M. Jacques Floch, qui a approuvé les observations du rapporteur, la Délégation a décidé de rejeter la proposition de règlement, conformément aux conclusions du rapporteur.

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de décision du Conseil concernant la signature de l'accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie (document E 3143).

M. Thierry Mariani, rapporteur, a indiqué que cet accord a été signé lors du sommet de Sotchi, le 25 mai 2006. Sa conclusion apporte déjà, en elle-même, une plus-value non négligeable dans la mesure où un seul Etat membre, la Lituanie, dispose d'un accord de réadmission bilatéral avec la Russie. La réadmission des ressortissants russes en séjour irrégulier en sera facilité. L'accord n'est cependant pas satisfaisant en ce qui concerne le délai de réponse aux demandes de réadmission prévu, qui est de 25 jours pouvant être portés à 60 si des obstacles factuels ou juridiques le justifient. Ce délai, incompatible avec notre législation qui prévoit une durée maximale de rétention administrative de 32 jours, a rendu nécessaire la conclusion d'un protocole bilatéral avec la Russie, afin d'exclure la possibilité d'extension du délai de réponse. Les dispositions relatives à la réadmission des ressortissants de pays tiers ne sont pas satisfaisantes non plus. Ce sont, à ce jour, les moins contraignantes contenues dans un accord communautaire de réadmission, alors que la négociation de cet accord a été adossée à celle d'un accord facilitant la délivrance des visas de court séjour. M. Thierry Mariani a déploré cette dégradation de la qualité des obligations imposées par les accords de réadmission. Il a indiqué que l'accord visant à faciliter la délivrance des visas réduit les frais de visa à 35 euros et prévoit des exemptions de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques. Il simplifie les justificatifs de voyage devant être fournis par diverses catégories de voyageurs, tels que les membres de délégations officielles ou les hommes d'affaires, et autorise la délivrance de visas à entrées multiples dans certains cas.

M. Jacques Floch s'est déclaré favorable à la conclusion d'accords avec la Russie, rappelant par ailleurs que la délivrance des visas par ce pays n'obéissait pas toujours à des règles très claires.

M. Thierry Mariani, rapporteur, a estimé qu'il n'y avait plus guère d'intérêt à maintenir les visas avec la Russie, d'autant que les règles fixées peuvent facilement être contournées.

Sur proposition du rapporteur, la Délégation a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation pour l'Union européenne,

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie et la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de réadmission entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie (COM [2006] 191 final/n° E 3143),

1. Se félicite de la conclusion d'un accord communautaire de réadmission avec la Fédération de Russie, qui permettra de renforcer l'efficacité de la lutte contre l'immigration clandestine ;

2. Regrette cependant qu'un délai de réponse aux demandes de réadmission incompatible avec notre législation nationale ait été prévu dans l'accord, rendant ainsi indispensable la négociation d'un protocole d'application ;

3. Déplore que l'obligation de réadmission de ressortissants de pays tiers, qui aurait dû constituer la principale valeur ajoutée de l'accord, soit encadrée par des conditions très restrictives ;

4. Invite le Gouvernement français à veiller, lors de la négociation des futurs accords communautaires de réadmission par la Commission, à ce que des délais de réponse compatibles avec notre législation et des dispositions satisfaisantes sur la réadmission des ressortissants de pays tiers soient prévus. »

- projet d'accord de coopération opérationnelle et stratégique entre l'Australie et l'Office européen de police (document E 3427).

Ce projet d'accord opérationnel et stratégique entre Europol et l'Australie vise à renforcer la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme en facilitant les échanges d'informations. Il comporte des dispositions relatives à la protection des données personnelles, qui ont été jugées satisfaisantes par l'autorité de contrôle commune d'Europol.

La Délégation a approuvé ce texte.