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Communication de M. Christian PHILIP,
Vice-président de la délégation pour l’Union européenne, 

   sur la XXXe COSAC de Rome (6-7 octobre 2003)

 

             La XXXe COSAC a eu lieu les 6 et 7 octobre à Rome, sous présidence italienne de l’Union européenne. J’y ai représenté notre délégation auprès du Président Pierre Lequiller et de M. Jacques Floch lors des débats qui se sont tenus dans l’hémicycle du Sénat italien.

            Cette COSAC s’est déroulée dans un contexte particulier, deux jours après l’ouverture de la Conférence intergouvernementale chargée d’examiner le projet de traité constitutionnel élaboré par la Convention présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing. Elle a ainsi permis le premier échange de vues entre parlementaires nationaux depuis l’achèvement des travaux de la Convention en juillet dernier. 

Outre la Constitution européenne, la présidence italienne avait également inscrit à l’ordre du jour un débat sur les politiques de proximité de l’Union européenne élargie vers la Méditerranée, les Balkans et l’Europe de l’Est. M. Javier Solana, secrétaire général du Conseil et Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune est ainsi venu exposer le nouveau cadre des relations entre l’Union européenne et son voisinage proche et a répondu aux questions des parlementaires.

La XXXe COSAC a aussi marqué l’aboutissement d’un processus engagé à Madrid en mai 2002 sur la création d’un secrétariat permanent. Un compromis a pu être trouvé sur ce sujet controversé qui, avec la réforme du règlement intérieur, monopolisait les débats depuis près de deux ans, au point de s’interroger sur l’intérêt de ces rencontres interparlementaires. Mais à Rome, la COSAC est probablement entrée dans une phase plus apaisée de son histoire et l’on peut espérer que les sujets de fond l’emporteront  désormais sur les débats de structure.

I – DÉBAT SUR LE PROJET DE TRAITÉ CONSTITUTIONNEL ET LES TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE

·         « Un texte équilibré qui représente un pas en avant fondamental dans la construction européenne et devrait représenter la base pour les conclusions de la CIG »     Extrait de la contribution de la XXXe COSAC

M. Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères, a présenté les objectifs poursuivis par la présidence italienne dans la conduite des travaux de la Conférence intergouvernementale. Après avoir souligné l’apport des parlementaires nationaux à l’élaboration du projet de traité constitutionnel, il a souligné l’importance de leur association à la construction européenne. Il a plaidé en faveur du respect, par la CIG, des équilibres du texte de la Convention et a souhaité que la future Constitution européenne puisse être signée dès le mois de mai 2004, avant les élections européennes du 13 juin. Les citoyens devront en effet être fixés sur les lignes directrices de l’avenir de l’Union pour élire leurs représentants européens en connaissance de cause.

Le débat qui a suivi l’exposé du ministre a révélé une certaine convergence de vues entre les orateurs. Il est vrai qu’un nombre significatif de membres de la COSAC ont également participé à la Convention. Ceux-là ont été conforté dans leur appel à ce que leur projet, qui doit constituer la « base de travail » de la CIG, ne soit pas « détricoté ». Pourtant, si chacun s’est déclaré satisfait par 95% du projet de traité constitutionnel, la plupart des intervenants ont exprimé des réserves sur 5% du texte, sans toutefois s’accorder sur le périmètre de ces 5%.  Un débat sémantique s’est aussi amorcé sur ce qui serait susceptible de porter atteinte ou non à l’équilibre général du texte. La reconnaissance du principe d’un commissaire par État membre et le maintien des dispositions du traité de Nice ont été défendues par les membres de plusieurs délégations, notamment l’Espagne et la Pologne, qui y voient la condition sine qua non au respect du principe d'égalité entre les États membres. La présidence italienne a toutefois réaffirmé sa volonté de ne pas ouvrir la boîte de Pandore, au risque de défaire un compromis difficilement atteint au sein de la Convention. Or le débat à la COSAC l’a une nouvelle fois souligné : un nouveau compromis sera probablement nécessaire pour que la conférence intergouvernementale aboutisse. Mais plus la CIG durera, moins le compromis sera facile…

Au-delà des dispositions spécifiquement institutionnelles, certains sujets demeurent encore controversés, tels que la référence à l’héritage chrétien. Manifestement, la formule retenue par la Convention des « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe » ne convainc pas certains pays, dont l’Italie qui pourrait proposer un compromis fondé sur une double référence aux valeurs laïques et chrétiennes de l’Europe.

·         L’information des parlementaires nationaux sur le déroulement de la CIG

Une partie importante du débat a porté sur la manière dont les parlementaires nationaux – notamment ceux issus des commissions pour les Affaires européennes – seront tenus informés de l’état d’avancement des négociations au sein de la CIG. Plusieurs intervenants ont souligné que les parlementaires nationaux sont les seuls à ne pas être associés, d’une façon ou d’une autre, aux travaux de la CIG . Aucun consensus ne s’est toutefois dégagé pour demander, dans la contribution officielle de la COSAC, un ou plusieurs sièges d’observateurs à la CIG, malgré l’insistance de la délégation grecque qui a décidé de voter contre l’adoption de la contribution de la COSAC[1]

M. Franco Frattini s’est dit particulièrement ouvert à ce que la présidence assure une information régulière et fidèle. En réponse à une question posée par M. Hubert Haenel, président de la Délégation du Sénat pour l’Union européenne, il a accepté de participer à une réunion de représentants des parlements nationaux. Il a également indiqué que la CIG 2003 travaillera sous le signe de la transparence, puisque les documents de travail et les positions exprimées par les différentes délégations seront disponibles sur le site Internet du Conseil immédiatement après les sessions ministérielles de la CIG[2].

Il a ainsi été convenu d’organiser vers la fin du mois de novembre, à une date qui reste à déterminer, une réunion des présidents des commissions des Affaires européennes, à laquelle participera M. Franco Frattini. La délégation du Parlement européen a par ailleurs réitéré l’invitation lancée aux membres des parlements nationaux à participer aux réunions de sa Commission des Affaires constitutionnelles consacrées au suivi de la CIG. Le Parlement européen y est en effet représenté par deux observateurs qui rendent compte régulièrement de l’état d’avancement des négociations. Enfin, une réunion des anciens conventionnels issus des Parlements nationaux devrait se tenir en novembre à Bruxelles, à l’initiative de M. Lamberto Dini, ancien représentant du Sénat italien à la Convention.

·         L’adoption de la Contribution de la XXXe COSAC

La contribution adoptée par la COSAC porte exclusivement sur le projet de traité constitutionnel et sur le déroulement des travaux de la Conférence intergouvernementale. Dans ce texte, la COSAC :

-          se réjouit des résultats de la Convention et souligne le succès de la méthode conventionnelle ;

-          estime que le projet de traité constitutionnel est un texte équilibré qui devrait représenter la base de travail de la CIG ;

-          salue le renforcement du rôle des Parlements nationaux dans la construction européenne, notamment à travers l’instauration d’un mécanisme d’alerte précoce pour contrôle le respect du principe de subsidiarité ;

-          demande que les travaux de la CIG soient transparents afin que les parlementaires nationaux puissent être informés de l’état d’avancement des négociations ;

-          se félicite de la disponibilité manifestée par la présidence du Conseil de participer à une réunion avec les présidents de la COSAC avant la fin de l’année 2003 ;

-          recommande que la signature du traité constitutionnel ait lieu immédiatement après l’adhésion définitive des nouveaux États membres, le 1er mai 2004, et avant les élections européennes du 13 juin prochain.

II – DÉBAT SUR LES POLITIQUES DE PROXIMITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE : LA MEDITERRANÉE, LES BALKANS, L’EUROPE DE L’EST

M. Javier Solana, Secrétaire général du Conseil de l’Union européenne et Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, a exposé devant la COSAC la stratégie de l’Union élargie en direction de son nouveau voisinage, dans la continuité du document intitulé « Une Europe sûre dans un monde meilleur » qu’il avait présenté le 20 juin dernier lors du Conseil européen de Thessalonique. Il a rappelé le souhait exprimé par l’Europe que le monde soit gouverné selon des schémas multipolaires

Il a développé son propos autour de trois idées :

-          Quelles relations l’Union élargie doit-elle entretenir avec ses voisins les plus proches ?

-          Comment peser sur le gouvernement du monde ?

-          Comment appréhender les enjeux du XXIe siècle en matière de stabilité et de sécurité ?

S’exprimant sur les relations avec les États de la méditerranée, M. Javier Solana a estimé indispensable de donner un nouvel élan aux relations qu’entretient l’Union avec ces pays. Faisant état des difficultés passées, il a souligné la nécessaire constance dont il faut faire preuve dans la gestion du processus de paix au Moyen-Orient.

En ce qui concerne les Balkans, il a rappelé l’objectif qui consiste à donner aux pays concernés une visibilité vers une intégration possible à l’Union européenne. Un nouveau cadre de relations s’est d’ores et déjà instauré, qu’il s’agisse des relations politiques, des échanges économiques ou bien du traitement des questions de sécurité.  

            Evoquant les relations avec l’Europe de l’Est, il a insisté sur la différenciation qu’il convient d’établir entre des pays tels que l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie et la Russie, qu’il s’agisse par exemple de l’ouverture au commerce international ou du niveau de démocratisation politique.

Le débat qui a suivi a notamment porté sur les questions suivantes :

-          le développement des instruments de coopération avec les nouveaux voisins de l’Union ;

-          l’intérêt d’un protocole consacré au rôle des parlements nationaux dans le domaine de la défense ;

-          les relations entre l’Europe et les pays du Sud et la nécessité pour ces États de développer entre eux des relations horizontales ;

-          la distinction entre « vieille Europe » et « nouvelle Europe » ;

-          la clause de solidarité envisagée dans le projet de traité constitutionnel, mais limitée au champ des catastrophes naturelles.

 III – DÉBAT SUR LES MODALITÉS DE CRÉATION D’UN SECRÉTARIAT DE LA COSAC

            L’accord de principe sur la création d’un secrétariat de la COSAC avait été obtenu lors de la précédence COSAC d’Athènes, en mai 2003, sur la base des conclusions d’un groupe de travail créé au second semestre 2002, sous présidence danoise.

            Il n’en restait pas moins à définir précisément les modalités de fonctionnement de ce secrétariat : règles de composition, missions, localisation, financement… Or à Athènes, des divergences étaient apparues entre d’une part, les partisans d’un « soutien secrétariat léger de la présidence et de la troïka », essentiellement représentés par les délégations du Parlement européen, de l’Italie, de l’Allemagne  et des Pays-Bas et d’autre part, les délégations prônant la création d’un secrétariat plus structuré et plus permanent. Cette position, soutenue par la France, était essentiellement défendue par la délégation danoise.

            Un compromis avait finalement pu se dégager – grâce à la médiation habile de  M. Herman de Croo, Président de la Chambre des représentants de Belgique – autour des lignes directrices suivantes :

1.       Le secrétariat sera instauré à Bruxelles avant la fin de la présidence italienne.

2.       Le secrétariat travaillera sous la responsabilité de la Présidence de la COSAC et de la troïka présidentielle.

3.       Le secrétariat sera composé par un maximum de cinq membres : quatre membres seront détachés par respectivement les pays membres de la troïka et le Parlement européen, pendant une période de 18 mois.

4.       Le cinquième membre sera permanent, sélectionné et désigné par la Conférence des Présidents des délégations nationales, sur présentation de la troïka. Pour des raisons pratiques, le membre permanent sera détaché par un des parlements nationaux.

Il appartenait donc à la présidence italienne, sur le fondement de ces lignes directrices, d’établir un document de mise en œuvre du secrétariat. Un projet, adressé aux délégations une dizaine de jours avant la réunion de la COSAC, avait suscité le dépôt d’amendements, notamment de la part de la délégation française. Une contribution commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, adressée à la présidence italienne, proposait ainsi de préciser que le cinquième membre issu de l’administration d’un Parlement national assure la fonction de coordination du secrétariat, et que son mandat de deux ans puisse être renouvelable une fois par la Conférence des Présidents. La contribution française suggérait aussi d’élargir les missions du secrétariat à des tâches de conception alors que la présidence entendait les limiter à des fonctions d’organisation, de gestion et d’exécution. Nous proposions enfin de ne pas préciser que le secrétariat devait nécessairement se situer dans les locaux du Parlement européen mais de s’en tenir à une localisation à Bruxelles et de laisser à la troïka le soin d’en définir l’emplacement.

En se focalisant sur le statut du cinquième membre permanent, le débat a une nouvelle fois révélé deux conceptions divergentes du rôle de la COSAC et de l’opportunité de la doter d’un secrétariat permanent. Ceux-là même qui se sont sentis contraints d’accepter la création d’un secrétariat ont ainsi tenté de limiter au maximum ses fonctions et sa collégialité afin qu’il n’ait pas pour effet de transformer la COSAC en une nouvelle institution communautaire. L’idée même que ce « cinquième élément » puisse assurer la fonction de coordination du secrétariat ayant été fermement rejetée par les délégations du Parlement européen et de l’Allemagne, le compromis a consisté à ne pas évoquer cette fonction de coordination et à s’en remettre à la pratique. Il a en revanche été admis par toutes les délégations que la coordination politique relevait de la troïka présidentielle et non du secrétariat.

Une évaluation du fonctionnement du secrétariat après deux années d’activité opérationnelle, et quoi qu’il en soit lors de l’entrée en vigueur du nouveau Traité constitutionnel, est également prévue.

S’agissant du siège du secrétariat, l’amendement français a été retenu puisqu’il reviendra à la troïka de définir s’il doit ou non se situer dans les locaux du Parlement européen. Cette hypothèse est la plus probable, même si le Parlement belge a renouvelé sa proposition d’un hébergement gracieux.

Afin de recruter le membre désigné par la Conférence des Présidents de la COSAC, chaque Parlement peut présenter des candidatures jusqu’au 31 octobre 2003. Les candidats doivent justifier d’une expérience professionnelle dans le domaine des affaires européennes, et maîtriser l’anglais et le français. La troïka présidentielle procédera à une première évaluation des candidature à soumettre à la Conférence des Présidents pour une réunion envisagée vers la fin du mois de novembre. Le début de l’activité opérationnelle du secrétariat est prévu pour le 15 janvier 2004.

IV – DÉBAT SUR LA PARTICIPATION AUX RÉUNIONS DE LA COSAC DES REPRESENTANTS DES ASSEMBLÉES RÉGIONALES DOTÉES DE COMPÉTENCES LÉGISLATIVES 

            La présidence a été saisie d’un amendement déposé par la délégation du Bundesrat proposant d’autoriser la participation à la COSAC de membres d’assemblées régionales dotées de compétences législatives. Il s’agissait en l’espèce d’autoriser des représentants des Land à siéger à la COSAC, dans la mesure où les membres du Bundesrat représentent les exécutifs des Land et non les assemblées législatives. 

            Il faut souligner que la présidence italienne avait convié trois représentants de la Conférence des assemblées législatives régionales d’Europe (CARLE) à assister à cette XXXe COSAC, avec le statut d’observateur.

            Le débat qui s’est engagé sur l’amendement allemand n’a pas permis l’émergence d’un consensus, pour plusieurs raisons :

-          d’une part, il existe des traditions constitutionnelles différentes d’un pays à l’autre de l’Union, qui accordent plus ou moins de pouvoirs aux institutions infra-nationales.  Or, s’il avait été retenu, l’amendement du Bundesrat aurait probablement conduit les élus régionaux de plusieurs États, notamment l’Espagne, à revendiquer une participation à la COSAC, ce qui n’était pas nécessairement souhaité par les délégations concernées.

-          d’autre part, la COSAC est avant tout une réunion des représentants des commissions pour les Affaires européennes des Parlements nationaux. Élargir sa composition aurait pour effet de diluer la représentation des Parlements nationaux au niveau européen. 

Plusieurs propositions de compromis ont été présentées. L’une consistait à autoriser les représentants des régions dotées de compétences législatives à assister aux réunions de la COSAC avec le statut d’observateur ; une telle option conduirait toutefois à admettre un nombre très élevé d’observateurs, ce qui est difficilement envisageable. L’autre proposait de laisser à chaque parlement national le soin de composer librement sa délégation, supprimant le monopole de représentation que détiennent actuellement les commissions pour les Affaires européennes. Cette solution aurait engendré une instabilité structurelle dans la composition de la COSAC, en rupture avec la permanence qui prévaut actuellement et qui, au fil des réunions, permet aux parlementaires de mieux se connaître. Les règles de composition ne sont ainsi pas neutres sur la conception que se font les délégation du rôle et du statut de la COSAC.

      Faute d’accord, la présidence italienne a annoncé la constitution d’un groupe de travail consacré au rôle des assemblée législatives régionales au sein de la COSAC.



[1] Cela a d’ailleurs permis d’appliquer pour la première fois la disposition du nouveau règlement intérieur de la COSAC qui permet l’adoption des contributions à la majorité qualifiée des ¾ des votes exprimés représentant au moins la moitié de tous les votes.

[2] Les documents de travail de la CIG sont disponibles sur le site Internet du Conseil, à l’adresse : http://ue.eu.int/docs.asp ?content=DOC&lang=FR

 


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