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N° 819

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 avril 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'avenir d'Europol,

ET PRÉSENTÉ

par M. Jacques floch,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Politiques communautaires.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. L'EVOLUTION D'EUROPOL VERS UNE POLICE CRIMINELLE EUROPEENNE 9

A. La montée en puissance d'Europol 9

1) Des moyens croissants 9

a) L'augmentation des effectifs 9

b) Un budget en forte progression 10

2) Des compétences renforcées 12

a) Un champ d'intervention étendu à l'ensemble de la criminalité organisée transnationale 12

b) Le développement de pouvoirs opérationnels 13

3) Le développement des relations d'Europol avec les organisations et les pays tiers 14

a) Les accords conclus avec d'autres organisations 15

b) Les accords conclus avec les pays tiers 15

c) Les accords projetés avec Chypre, la Bulgarie, la Slovaquie et la Russie 16

B. Un outil d'une efficacité croissante dans la lutte contre la criminalité organisée 16

1) L'échange d'informations 17

a) Le rôle des bureaux de liaison 17

b) Un volume d'échanges croissant 18

2) L'analyse criminelle 18

3) La coordination opérationnelle 19

a) L'appui d'Europol aux opérations de police des Etats membres 19

b) Le soutien apporté aux futurs Etats membres 19

4) La mise en place, à terme, du Système d'information Europol 19

C. Les propositions formulées au sein de la Convention européenne 20

a) Les propositions franco-allemandes 20

b) Le projet d'article présenté par le Praesidium de la Convention 22

II. UN ORGANISME INSUFFISAMENT CONTRÔLE ET SOUS-UTILISE PAR LA FRANCE 23

A. Un contrôle démocratique insuffisant 23

1) Les faiblesses du contrôle exercé par le conseil d'administration et le conseil des ministres 23

a) Un conseil d'administration aux effectifs pléthoriques 23

b) L'absence de définition d'orientations stratégiques par le conseil « Justice et affaires intérieures » 24

2) Un contrôle parlementaire limité 24

a) Un Parlement européen marginalisé 24

b) Des parlements nationaux mal informés 25

3) Une autorité de contrôle commune aux moyens insuffisants 25

a) Les missions de l'autorité de contrôle commune 25

b) Les faiblesses de ce contrôle 26

4) Un contrôle juridictionnel réduit 26

B. Un instrument insuffisamment exploité par la France 27

1) Les services répressifs français sous-alimentent et sous-utilisent l'Office 27

a) Une utilisation qui n'est pas à la hauteur de la participation financière française 27

b) Des taux et des délais de réponse aux demandes peu satisfaisants 27

c) Une pluralité de facteurs 28

2) La faiblesse de la représentation française au sein d'Europol 28

III. DOUZE RECOMMANDATIONS POUR L'AVENIR D'EUROPOL 31

A. Développer l'utilisation d'Europol par les services français 31

1) L'assouplissement du monopole détenu par les « Unités nationales Europol » 31

2) La désignation de « correspondants Europol » 32

3) Le développement de formations communes 32

4) Raffermir l'organisation européenne et internationale du ministère de l'intérieur 32

B. Accroître la représentation française au sein d'Europol 33

C. Renforcer le contrôle politique et juridictionnel d'Europol 34

1) Des compétences accrues pour le Parlement européen 34

a) Les améliorations apportées par le projet de protocole 34

b) Les perspectives ouvertes par la Convention européenne 35

2) La création d'une commission interparlementaire pour le contrôle d'Europol 35

a) Le renforcement du rôle des parlements nationaux préconisé par la Convention européenne 35

b) Les avantages d'un contrôle interparlementaire d'Europol 36

3) Doter le conseil d'administration d'une présidence permanente et renforcer le recours à la majorité qualifiée 37

4) Conforter l'indépendance de l'autorité de contrôle commune 37

5) Placer les activités d'Europol sous le contrôle d'un parquet européen 37

D. Rationaliser le fonctionnement de l'Office européen de police 38

1) La simplification du régime linguistique d'Europol 38

2) Fusionner Europol et l'Office européen de lutte anti-fraude 39

CONCLUSION 41

TRAVAUX DE LA DELEGATION 42

Exposé des motifs de la proposition de résolution 53

PROPOSITION DE RESOLUTION 55

ANNEXES 57

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées 59

Annexe 2 : Proposition d'amendement à l'article 20 de la partie II de la Constitution, relatif à « l'espace de liberté, de sécurité et de justice » 60

Annexe 3 : Proposition d'amendement à l'article 3 de la partie II de la Constitution, relatif à « l'espace de liberté, de sécurité et de justice » 63

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'avenir d'Europol est aujourd'hui au centre des débats européens, notamment au sein de la Convention européenne présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing. La France et l'Allemagne, dans une contribution commune présentée en novembre 2002, ont présenté des propositions ambitieuses dans ce domaine, tendant à transformer Europol en « une autorité coercitive européenne », dotée du droit de mener des enquêtes.

Dans le même temps, la Convention Europol, déjà modifiée à plusieurs reprises pour étendre la compétence matérielle de l'Office européen de police ou permettre à ses agents de participer à des équipes communes d'enquête, devrait à nouveau être amendée, à la suite d'une initiative de la présidence danoise. Europol continue, par ailleurs, de développer ses relations avec les pays tiers ; quatre projets d'accords avec Chypre, la Bulgarie, la Slovaquie et la Fédération de Russie ont ainsi été transmis au Parlement français en février 2003.

Ces projets d'actes du Conseil constituent l'occasion, pour l'Assemblée nationale, de dresser un bilan du fonctionnement actuel d'Europol et de prendre position sur le débat en cours au sein de la Convention européenne et, prochainement, de la Conférence intergouvernementale.

L'Office européen de police, installé à La Haye, a débuté ses activités, à titre expérimental, le 3 janvier 1994. Alors connu sous la dénomination « Unité drogues Europol » (UDE), l'institution se limitait à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Sa création est née d'une initiative du chancelier Helmut Kohl, qui a évoqué le premier, en 1988, la création d'une « sorte de police fédérale européenne ». Depuis cette date, deux conceptions de cette structure se sont opposées. La première, soutenue, en particulier, par l'Allemagne, souhaite doter Europol de compétences opérationnelles le plaçant, vis-à-vis des Etats membres, dans une position assez comparable à celle du BKA allemand (Bundeskriminalamt) vis-à-vis des Länder. Cette approche revenait à créer une sorte de « FBI européen ». Pour la France, en revanche, Europol devait rester une simple centrale d'échanges d'informations, chaque Etat conservant la plénitude de ses compétences opérationnelles.

Ces logiques différentes ont rendu la négociation de la Convention Europol, décidée lors du Conseil européen de Luxembourg, en 1991, très difficile. La Convention, adoptée le 26 juillet 1995, est finalement conforme à la vision française d'Europol : quoiqu'intégré dans le système institutionnel de l'Union européenne, comme le prévoyait le traité de Maastricht de 1992, Europol ne dispose d'aucune compétence opérationnelle et demeure globalement soumis aux règles de la coopération intergouvernementale, au sein du « troisième pilier » de l'Union. Mais cette situation change, et Europol évolue, depuis le traité d'Amsterdam, vers une véritable police criminelle européenne, au fil des modifications de la Convention Europol, sans qu'un débat public n'ait lieu sur cette mutation ou que son contrôle n'ait été renforcé.

La France ne tire, en outre, pas suffisamment profit de ce nouvel instrument : elle ne représente ainsi que 7,74 % des échanges d'informations, alors qu'elle participe à hauteur de 16 % au budget d'Europol, soit plus de huit millions d'euros.

Ce rapport a pour objet de faire le point sur cette évolution et sur l'apparition de certains dysfonctionnements, en ce qui concerne le contrôle démocratique d'Europol et la participation française à son fonctionnement. Il formule, à partir de ce constat, quelques recommandations sur l'avenir de l'Office.

I. L'EVOLUTION D'EUROPOL VERS UNE POLICE CRIMINELLE EUROPEENNE

L'Office européen de police, depuis l'entrée en vigueur de la Convention Europol le 1er octobre 1998, a connu une montée en puissance impressionnante. Le renforcement de ses moyens et de ses compétences et le développement de ses relations avec les organisations et pays tiers en ont fait un outil d'une efficacité croissante dans la lutte contre la criminalité organisée. Les propositions formulées par la Convention européenne, si elles sont retenues, devraient conduire le futur traité constitutionnel à renforcer cette évolution vers une police criminelle européenne.

A. La montée en puissance d'Europol

Les moyens budgétaires et humains d'Europol ont été considérablement renforcés, ses compétences matérielles et opérationnelles étendues et ses relations avec les organisations et les pays tiers se sont intensifiées.

1) Des moyens croissants

Les effectifs et le budget d'Europol ont connu une progression très forte depuis le démarrage effectif de la structure, le 1er juillet 1999.

a) L'augmentation des effectifs

Les effectifs d'Europol, qui étaient de 210 personnes (dont 40 officiers de liaison des Etats membres) en 1999, s'élèvent aujourd'hui à 304 emplois budgétaires. Les dépenses de personnel, pour 2003, devraient représenter plus de 25 millions d'euros, soit 45 % environ du budget global de l'Office. Ces effectifs, qui représentent 386 personnes si l'on inclut les 59 officiers de liaison et le personnel de sécurité, devraient continuer de croître pour atteindre le chiffre de 496 à la fin de l'année 2003.

En 2002 et 2003, la répartition des postes entre les différents services d'Europol se présente ainsi :

Répartition par services

Budget ordinaire 2002

Budget rectificatif 2002

Nouveaux postes 2003

Total 2003

1. Direction + Assistants

12

-

 

12

2. Soutien à la Direction

9

-

+1

10

3. Criminalité grave

111

+ 15

+27

138

4. Développement et Recherche

40

+ 3

+6

46

5. Ressources et Sécurité

38

+ 2

+5

43

6. Services technologiques

50

-

+5

55

Total, Titre 2

260

(20)

+44

304

Source : Projet de budget d'Europol pour 2003 - note explicative, 6 mai 2002, 8332/02 ADD1.

L'affectation des deux tiers des nouveaux personnels à l'unité de la criminalité grave témoigne de la priorité accordée à cette activité, conformément aux orientations figurant dans le programme de travail d'Europol pour 2003.

b) Un budget en forte progression

Le budget d'Europol est alimenté par des contributions des Etats membres calculées en fonction de leur PNB. Ce budget est passé de 19 millions d'euros en 1999 à 55,5 millions d'euros en 2003, avec une augmentation de 37 % en 2001, de 45,7 % en 2002 et de 7,5 % en 2003.

La ventilation des dépenses par catégorie est la suivante :

Europol

Budget 2002 (€)

Budget 2003 (€)

Augmentation

Personnel

22 523 000

25 319 000

12,4 %

Autres coûts

9 923 000

11 032 000

11,1 %

Instances et organes

2 084 000

2 408 000

15,5 %

Sous-total, Section A

34 530 000

38 759 000

12,2 %

TECS et autres projets

     

Équipe de projet etc.

2 184 000

2 791 000

27,8 %

Développement et mise en œuvre

14 950 000

13 969 000

-6,6 %

Sous-total, Section B

17 134 000

16 760 000

-2,2 %

Total, Sections A + B

51 664 000

55 519 000

7,5 %

État d'accueil, Section C

2 969 000

2 128 000

-28,3 %

En 2003, la France a contribué à hauteur de 16 % de ce budget, soit plus de 8 millions d'euros, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Sa contribution pour 2004 devrait s'élever à 8,5 millions d'euros.

Contributions des Etats membres

Projet de budget pour 2004

 

PNB 2002 en millions d'euros

Part du PNB

Contribution pour 2004
en euros

A

B

c

D

       
       

Autriche

217 633,3

2,35 %

1 220 574

Belgique

274 265,4

2,97 %

1 542 598

Danemark

188 472,4

2,04 %

1 059 562

Finlande

143 588,4

1,55 %

805 059

France

1 527 822,9

16,52 %

8 580 375

Allemagne

2 162 668,8

23,38 %

12 143 413

Grèce

142 978,7

1,55 %

805 059

Irlande

110 569,7

1,20 %

623 272

Italie

1 271 692,3

13,75 %

7 141 656

Luxembourg

21 364,0

0,23 %

119 460

Pays-Bas

462,919,8

5,00 %

2 596 966

Portugal

126 835,3

1,37 %

711 569

Espagne

677 458,6

7,32 %

3 801 598

Suède

246 069,8

2,66 %

1 381 586

Royaume-Uni

1 674 905,3

18,11 %

9 406 211

Total

9 249 244,7

100,00 %

51 939 319

 

Solde 2002

 

4 019 681

 

Autres recettes

 

2 800 000

 

Total des recettes

 

58 759 000

Un contrôleur financier, nommé par le conseil d'administration à l'unanimité, est responsable de l'engagement et du paiement des dépenses ainsi que du calcul et de la collecte des fonds. Les comptes de chaque exercice sont soumis à un comité de contrôle commun, composé de trois membres nommés par la Cour des comptes européenne, qui constitue l'auditeur externe d'Europol. Le règlement financier d'Europol ne prévoit cependant pas, contrairement aux normes d'audit généralement admises, la publication du rapport. Selon M. Jean-François Bernicot, membre de la Cour des comptes européenne et de ce comité de 1999 jusqu'à décembre 2002, les rapports annuels comportaient de sérieuses réserves quant à la gestion financière d'Europol, mais n'ont pas été suivis de beaucoup d'effet(1).

2) Des compétences renforcées

Les compétences matérielles d'Europol ont été progressivement étendues, jusqu'à couvrir l'ensemble de la criminalité organisée transnationale. Ses compétences opérationnelles seront prochainement renforcées, avec l'entrée en vigueur du protocole permettant à Europol de participer aux équipes communes d'enquête.

a) Un champ d'intervention étendu à l'ensemble de la criminalité organisée transnationale

Les compétences matérielles de l'Office ont été progressivement étendues. Jusqu'à une date récente, Europol n'était compétent que pour les formes de criminalité suivantes : trafic de stupéfiants, trafic de matières nucléaires et radioactives, filières d'immigration clandestine, traite des êtres humains, trafic de véhicules volés, terrorisme et blanchiment d'argent, pour autant qu'il existe une structure d'organisation criminelle et que deux Etats membres au moins soient affectés.

Depuis le 1er janvier 2002, grâce à une décision prise à l'unanimité par le Conseil en décembre 2001, Europol peut s'attaquer à toutes les formes graves de criminalité internationale énumérées à l'annexe de la Convention (atteinte à la vie, à l'intégrité physique, etc.) et est donc compétent pour 25 types d'infractions, sous réserve que les critères précités soient réunis (présence d'une organisation criminelle et affectation d'au moins deux Etats membres). Le protocole du 30 novembre 2000 modifiant l'article 2 de la Convention Europol2 étendra également sa compétence au blanchiment, une fois entré en vigueur.

Liste des infractions pour lesquelles Europol est compétent

- trafic illicite de stupéfiants,
- trafic illicite de matières nucléaires et radioactives,
- filières d'immigration clandestine,
- la traite des êtres humains,
- trafic de véhicules volés,
- infractions commises ou susceptibles d'être commises dans le cadre d'activités de terrorisme portant atteinte à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté des personnes ainsi qu'aux biens,

- homicide volontaire, coups et blessures graves,
- trafic illicite d'organes et de tissus humains,
- enlèvement, séquestration et prise d'otage,
- racisme et xénophobie,
- vols organisés,
- trafic illicite de biens culturels y compris antiquités et oeuvres d'art,
- escroqueries et fraudes,
- racket et extorsion de fonds,
- contrefaçon et piratage de produits,
- falsification de documents administratifs et trafic de faux,
- faux monnayage, falsification de moyens de paiement,
- criminalité informatique,
- corruption,
- trafic illicite d'armes, de munitions et d'explosifs,

- trafic illicite d'espèces animales menacées,

- trafic illicite d'espèces et d'essences végétales menacées,

- criminalité au détriment de l'environnement,

- trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance,

- blanchiment d'argent se rapportant à ces infractions et infractions qui leur sont connexes.

Le projet de protocole présenté par le Danemark3 visait à étendre davantage ce mandat, en visant toute forme de criminalité internationale grave, sans référence à une liste d'infractions ou à une structure criminelle organisée. La plupart des Etats membres s'y sont opposés, et la formulation ayant finalement fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 19 décembre 2002 n'apporte qu'une modification mineure (la compétence d'Europol est étendue aux infractions visées lorsqu'« il y a raisonnablement lieu de croire qu'une structure ou organisation criminelle est impliquée », et non plus seulement « lorsqu'il existe des indices concrets »).

b) Le développement de pouvoirs opérationnels

Les compétences opérationnelles d'Europol ont également été accrues, conformément aux objectifs fixés par le traité d'Amsterdam. Celui-ci invite en effet le Conseil, dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur (soit le 1er mai 2004 au plus tard), à conférer à Europol deux catégories de compétences opérationnelles en l'autorisant, d'une part, à donner aux autorités nationales des instructions afin qu'elles mènent ou coordonnent des enquêtes et, d'autre part, à participer lui-même à des opérations policières conjointes menées par plusieurs services nationaux pour soutenir ces investigations (article 30.2 TUE). Ces dispositions s'inspirent des orientations données par le Président de la République, M. Jacques Chirac, et le chancelier allemand, M. Helmut Kohl, dans une lettre conjointe (dite « lettre de Nuremberg ») adressée, au lendemain de l'attentat du R.E.R. de Port Royal, au président de la conférence intergouvernementale de 1996, dans laquelle ils demandaient aux négociateurs du traité de faire d'Europol « un office policier efficace doté de compétences opérationnelles ».

Sur ce fondement, le Conseil a adopté, en novembre 2002, à la suite d'une initiative de la Belgique et de la Suède, un protocole modifiant la Convention, visant à permettre la participation d'Europol aux équipes communes d'enquête et à leurs actions opérationnelles, ainsi qu'à autoriser l'Office à demander aux Etats membres d'ouvrir des enquêtes dans des affaires précises. La création d'équipes communes d'enquêtes, inscrite à l'article 13 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale conclue le 29 mai 2000, a été rendue possible par l'adoption d'une décision-cadre, le 13 juin 2002.

Une fois entré en vigueur, le protocole précité permettra aux agents d'Europol de prêter leur concours à toutes les activités de ces équipes (dans la mesure où elles enquêtent sur des infractions relevant de la compétence d'Europol) et à échanger des informations avec tous ses membres. Ils seront, dans le cadre de ces opérations, soumis au droit interne de l'Etat membre d'intervention, en ce qui concerne les infractions dont ils seraient victimes ou qu'ils commettraient. Le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, déposé le 9 avril 2003 sur le bureau de l'Assemblée nationale, détermine les conditions et les limites de l'intervention des agents étrangers détachés auprès de ces équipes. Le nouvel article 695-2 du code pénal donne à ces agents des pouvoirs de police judiciaire analogues à ceux d'un agent de police judiciaire et une compétence nationale.

3) Le développement des relations d'Europol avec les organisations et les pays tiers

Europol a renforcé sa coopération en matière répressive sur le plan international en signant de nombreux accords bilatéraux avec des organisations et des pays tiers.

a) Les accords conclus avec d'autres organisations

L'Office européen de police a conclu des accords de coopération avec des institutions communautaires. Un accord avec la Banque centrale européenne a ainsi été conclu en décembre 2001, afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre la contrefaçon de l'euro. Cet accord autorise notamment Europol à consulter les informations du système de surveillance de la fausse monnaie de la BCE. Un autre accord a été conclu en février 2003 avec la Commission européenne, qui permettra notamment à Europol de développer sa coopération avec l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). Il en va de même avec l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies

Des accords ont aussi été signés avec des organisations hors Union européenne, telles l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol) et l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

b) Les accords conclus avec les pays tiers

Les relations d'Europol avec les pays tiers se sont intensifiées. Des accords bilatéraux ont été conclus avec l'Estonie, les Etats-Unis, la Hongrie, l'Islande, la Norvège, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie. Certains accords, dits « stratégiques », ne prévoient pas d'échange de données personnelles. Les autres accords, qualifiés d'« opérationnels », entraînent en revanche des échanges de données personnelles et sont subordonnés à l'existence d'une législation sur la protection des données personnelles conforme aux règles en vigueur dans l'Union européenne.

Cette indispensable garantie, dont l'Autorité de contrôle commune contribue à assurer le respect, n'a pas été apportée de manière satisfaisante lors de la conclusion de l'accord entre les Etats-Unis et Europol relatif à l'échange de données à caractère personnel, en décembre 2002. Les Etats-Unis ont en effet une approche différente de la protection des données, fondée sur l'autorégulation assortie de sanctions privées, alors que la nôtre repose sur l'intervention du législateur et la mise en place d'autorités publiques contrôlées par les tribunaux. Ils n'ont pas d'autorité de contrôle comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en France, ni de législation globale comme la loi française de 1978.

Des précisions ont été apportées au texte de l'accord, à la suite des observations de l'autorité de contrôle commune, mais aucune garantie n'a finalement été fournie en matière de durée de conservation des données, ni en ce qui concerne le contrôle par une autorité indépendante. Face à ces incertitudes, l'engagement pris de procéder à une évaluation conjointe dans les deux ans qui suivent l'entrée en vigueur de l'accord constitue une garantie bien fragile. C'est pourquoi la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a demandé à ce que les parlements nationaux et l'autorité de contrôle commune soient associés à cette évaluation.

c) Les accords projetés avec Chypre, la Bulgarie, la Slovaquie et la Russie

Les accords projetés avec Chypre, la Bulgarie, la Slovaquie et la Russie ne soulèvent pas de telles difficultés. Le projet d'accord avec la Fédération de Russie est un « accord stratégique », qui ne comporte pas d'échange de données personnelles. Les trois projets d'accords entre Europol et trois Etats adhérents ou candidats (Chypre, la Slovaquie et la Bulgarie) organisent, en revanche, la transmission d'informations avec les autorités de ces Etats, y compris de données personnelles. Ils prévoient également la désignation par les autorités de ces pays d'un point de contact national et d'un ou plusieurs officier(s) de liaison détaché(s) auprès d'Europol.

L'autorité de contrôle commune, saisie pour avis, a estimé qu'il n'y avait aucun obstacle à la conclusion de ces accords du point de vue de la protection des données, avec une réserve concernant la Bulgarie, tenant à ce qu'elle n'a reçu aucune confirmation concernant l'existence de la commission bulgare de protection des données, dont la création a été annoncée. La transmission des données ne pourra, en tout état de cause, commencer qu'une fois cette commission mise en place.

B. Un outil d'une efficacité croissante dans la lutte contre la criminalité organisée

Europol est ainsi devenu, en dépit de quelques dysfonctionnements, un outil d'une efficacité croissante, dont la plus-value est réelle. L'Office s'est recentré, à la suite de certaines critiques, sur des priorités bien définies. Son programme d'activité pour 2004 cible le trafic d'êtres humains, la pédopornographie, la lutte contre l'immigration clandestine, le trafic de stupéfiants, le terrorisme, la criminalité organisée et la contrefaçon de l'euro. A cette fin, l'Office fournit trois types de services aux Etats membres : l'échange d'informations, l'analyse criminelle et la coordination opérationnelle.

1) L'échange d'informations

a) Le rôle des bureaux de liaison

L'échange d'informations est réalisé entre les officiers de liaison Europol (OLE) détachés par les Etats membres auprès d'Europol. Chaque Etat membre dispose d'un bureau de liaison établi dans l'enceinte d'Europol, qui constitue une extension des unités nationales Europol des Etats membres et forment le point de communication central avec l'Office. Ces officiers de liaison ont un rôle de « facilitateurs » et s'emploient, avec le concours d'officiers de liaison d'autres Etats membres, à permettre une conduite plus efficace et plus rapide des opérations de police judiciaire pour les infractions relevant du champ de compétence d'Europol.

L'une des caractéristiques de l'Office est de réunir au sein de la même structure des représentants de pratiquement tous les services répressifs des Etats membres. Cela en fait un lieu opérationnel unique d'échanges et de vérifications d'informations. Comme le résume M. Jürgen Storbeck, directeur d'Europol, « pour la police, le nerf de la guerre, c'est le renseignement », et les officiers de liaison d'Europol permettent aux enquêteurs, qu'ils soient marseillais ou bruxellois, d'avoir « accès à toutes les banques de données criminelles et administratives des Etats membres. Pas seulement celles de la police judiciaire. Celles des douanes aussi, de la Guardia di finanza italienne, de la Guardia civil espagnole et de bien d'autres services »(4). C'est une « mise en réseau unique au monde ».

La France dispose, pour sa part, de cinq officiers de liaison : un commissaire principal, deux officiers de police judiciaire, un officier de gendarmerie et un inspecteur des douanes. Au total, 66 officiers de liaison sont détachés par les Etats membres auprès d'Europol.

b) Un volume d'échanges croissant

Cette activité d'échange par le biais des bureaux de liaison est en forte augmentation : en 2000, 8 300 requêtes ont été transmises, donnant lieu à 9 409 réponses ; en 2001, les chiffres correspondant étaient de 11 212 et 11 803. Le nombre de messages échangés est passé de 45 222 en 2001 à 69 822 en 2002, soit une augmentation de 54,4 %. La croissance importante de ces flux d'informations souligne l'intérêt que ces bureaux de liaison représente pour les services de police.

2) L'analyse criminelle

L'analyse criminelle constitue le « second pilier » de l'activité d'Europol. Elle repose sur le traitement de « fichiers d'analyse » créés par le conseil d'administration, à la demande des représentants des Etats membres, sur un thème précis de la criminalité internationale. Europol dispose d'une soixantaine d'analystes à cette fin. Ces fichiers d'analyse permettent aux Etats membres de mettre en commun les informations et renseignements recueillis par leurs services répressifs nationaux. L'information peut ensuite être analysée et comparée avec celle déjà disponible, et éventuellement retournée aux Etats membres sous forme de rapports d'analyse stratégique ou opérationnel.

Une vingtaine de fichiers ont ainsi été ouverts, sur les groupes de motards (« Monitor »), le terrorisme islamique (« Islamic »), les réseaux pédophiles (« Twins), etc. Ces fichiers permettent d'obtenir des résultats significatifs. Le fichier « Girasole », créé à la demande de l'Italie sur les filières et la traite des êtres humains, a ainsi permis de réaliser une opération dans six Etats membres, qui a conduit à l'interpellation de quatre-vingt personnes. De même, le fichier « Kuala Lumpur » sur les réseaux malais organisant des falsifications de cartes de crédit a permis ou facilité l'arrestation de 46 personnes en 2002, dont vingt en France, seize au Royaume-Uni, sept en Italie et trois aux Pays-Bas.

3) La coordination opérationnelle

a) L'appui d'Europol aux opérations de police des Etats membres

La coordination opérationnelle s'appuie sur l'expertise et l'assistance technique qu'Europol fournit en appui à des opérations de police organisées par les Etats membres. Cet appui prend la forme de mises à disposition de matériels techniques et de traducteurs, notamment en matière d'interceptions des communications.

L'Office a ainsi apporté son expertise technique à neuf reprises en 2001, en matière de démantèlement de laboratoires de fabrication de drogue synthétique. Il a également coordonné plusieurs actions conjointes de police liées à la lutte contre l'immigration illégale : les opérations « Visa » et « Rio », en 2002, ont abouti au refoulement de 4 600 clandestins, à la saisie de 1000 passeports falsifiés et à l'interpellation de 34 passeurs. Europol a aussi apporté son soutien lors de l'opération « Twins », qui a permis de démanteler, en juillet 2002, un réseau pédophile international concernant douze Etats.

b) Le soutien apporté aux futurs Etats membres

Cet appui opérationnel sera particulièrement utile aux futurs Etats membres. Cinq de ces Etats (la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie) sont déjà associés à Europol et reliés à son système d'échange rapide d'informations. Les cinq autres nouveaux Etats membres devraient faire l'objet d'accords similaires d'ici la fin de l'année. Europol a organisé, en avril dernier, un séminaire sur la préparation à l'adhésion à l'Union à l'attention des services répressifs de ces Etats. L'élargissement renforcera leur coopération avec Europol et contribuera, de ce point de vue, à réduire la menace que constituent le trafic de drogue, l'immigration illégale ou la contrefaçon de l'euro.

4) La mise en place, à terme, du Système d'information Europol

A terme, le Système d'information Europol (SIE) devrait être l'une des fonctionnalités importantes d'Europol. Ce système informatisé sera constitué d'une base de données concernant toutes les informations relatives à une infraction criminelle d'une certaine importance internationale, par exemple sur les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction ou condamnées et les personnes pour lesquelles existe une présomption qu'elles commettront des infractions. Ce sera le premier fichier d'information européen de police criminelle.

Sa mise en place a cependant pris un retard considérable, en dépit d'investissements informatiques très lourds. La livraison, prévue en juin 2002, a été repoussée à juin 2003, et il est vraisemblable que ce délai ne sera pas tenu en raison de difficultés liées au régime linguistique d'Europol. Seule une première version, qui contient les principales fonctionnalités relatives à la lutte contre la contrefaçon de l'euro, est opérationnelle depuis le 30 décembre 2001.

C. Les propositions formulées au sein de la Convention européenne 

La Convention européenne a formulé des propositions ambitieuses en ce qui concerne Europol, qui renforceront son évolution vers une police criminelle européenne.

a) Les propositions franco-allemandes

Un « saut qualitatif » devrait vraisemblablement être franchi sur cette question à l'issue de la prochaine Conférence intergouvernementale. Plusieurs chefs d'Etat ou de gouvernement ont en effet appelé à la constitution d'une police criminelle européenne. Le chancelier allemand Gerhard Schröder a demandé que « soit renforcé Europol dans l'esprit d'une police européenne opérationnelle »(5), et la déclaration de Nantes, adoptée à l'issue du 78ème sommet franco-allemand du 23 novembre 2001, évoque « le renforcement d'Europol, dans la perspective de la création d'une police intégrée chargée de la lutte contre le terrorisme international et la criminalité organisée ».

Au sein du groupe de travail de la Convention européenne consacré à l'espace de liberté, sécurité et justice, un consensus s'est également dégagé en ce sens. La contribution franco-allemande déposée par MM. Dominique de Villepin et Joschka Fischer, le 27 novembre 2002 prévoit qu'Europol doit se voir « attribuer le droit de mener des enquêtes » et devenir une « autorité coercitive européenne »(6). Le rapport final du groupe affirme aussi que le futur Traité constitutionnel devrait permettre à Europol de réaliser des enquêtes et de participer à des actions opérationnelles menées conjointement avec les services des Etats membres ou au moyen d'équipes communes. Les mesures coercitives devraient cependant toujours être appliquées par les agents compétents des Etats membres.

Propositions conjointes franco-allemandes pour la Convention européenne

dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (extrait)

Autorité policière européenne : Europol

Nous avons pour objectif d'attribuer à Europol le droit de mener des enquêtes. Cet objectif devra être recherché parallèlement au développement progressif d'Eurojust et, à terme, du parquet européen.

Europol deviendra ainsi une autorité coercitive européenne.

Europol sera développé, en tant qu'organe central. La façon d'utiliser le système d'information Schengen à cet égard doit encore faire l'objet d'approfondissements.

L'activité d'Europol et la coopération policière devraient s'appliquer aux domaines suivants :
- échange et analyse de données ;

- mise en service d'un système de recherche commun ;

- coopération opérationnelle, y compris les opérations policières transfrontières conduites par un ou plusieurs Etats membres ;
- appui mutuel dans l'accomplissement des tâches policières, y compris l'affectation et le détachement réciproques de forces de police ;
- transfert de certaines tâches policières aux Etats voisins ou à des services de police communs ;
- coopération dans les domaines technique, de la recherche, de l'équipement, de la formation, y compris la création de structures communes si nécessaire ;
- coopération avec d'autres autorités, notamment les autorités douanières et autres autorités financières ;

- coopération entre la police et la justice pour les procédures pénales transfrontières.

Il peut également être prévu que les forces de police d'un Etat membre soient autorisées à exercer sur le territoire d'un autre Etat membre des droits de souveraineté dans certains cas de figure, dans la mesure où cela permet d'augmenter l'efficacité du travail de la police et où les autorités compétentes de l'Etat concerné sont informées sans délai.

Les règles communautaires concernant les domaines susmentionnés n'affectent pas :

- la responsabilité des Etats membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure ;
- les missions de renseignement lorsqu'elles sont effectuées par des forces de sécurité intérieure au bénéfice du gouvernement d'un Etat ;

- le droit des Etats membres d'édicter des mesures renforcées, soit individuellement, soit à plusieurs au titre du droit international, soit avec des Etats tiers (sans limitation de compétences) ;

- le droit des Etats membres d'édicter des mesures d'exécution portant sur les règles européennes - et là aussi soit individuellement, soit à plusieurs au titre du droit international, soit avec des Etats tiers.

En mars 2003, la France a également proposé à la Convention européenne, cette fois avec l'Espagne, de renforcer la coopération policière opérationnelle en créant un comité de sécurité intérieure (COSI), dont le président pourrait être membre du conseil d'administration d'Europol. Ce comité se substituerait à la « task force » des chefs de police dont l'efficacité n'a pas, à ce stade, été démontrée.

b) Le projet d'article présenté par le Praesidium de la Convention

Le projet d'article présenté par le Praesidium de la Convention le 14 mars 2003(7), dont la Convention a débattu lors de sa session plénière du 3 avril 2003, reprend ces orientations. L'article 22 de la partie II, consacré à Europol, prévoit que celui-ci peut être compétent en ce qui concerne « la coordination, l'organisation et la réalisation d'enquêtes et d'actions opérationnelles, menées conjointement avec les services des Etats membres ou dans le cadre d'équipes conjointes d'enquête ». Il précise cependant que l'application de mesures de contrainte relève exclusivement des autorités nationales compétentes, ce qui apparaît en deçà des perspectives proposées, notamment, dans la contribution franco-allemande.

II. UN ORGANISME INSUFFISAMENT CONTRÔLE ET SOUS-UTILISE PAR LA FRANCE

Le développement des capacités opérationnelles d'Europol ne s'est pas accompagné d'un renforcement de son contrôle politique et juridictionnel. A cette première source de dysfonctionnements s'ajoutent, en ce qui concerne la France, une utilisation insuffisante d'Europol par nos services répressifs et une sous-représentation de notre pays au sein de l'Office européen de police.

A. Un contrôle démocratique insuffisant

Les modalités de contrôle d'Europol sont devenues inadaptées. La montée en puissance d'Europol ne s'est en effet pas accompagnée d'un renforcement de son contrôle, en dépit de la multiplicité des acteurs concernés.

1) Les faiblesses du contrôle exercé par le conseil d'administration et le conseil des ministres

a) Un conseil d'administration aux effectifs pléthoriques

Le conseil d'administration est doté par la Convention Europol de pouvoirs très importants. Ses tâches incluent notamment l'adoption du rapport annuel d'activité, la préparation des règles d'adoption des fichiers, l'approbation des instructions de création de fichiers, la participation à la nomination et à la révocation éventuelle du directeur et des directeurs adjoints, et la participation à l'établissement du budget.

Mais le contrôle du directeur par le conseil d'administration est inefficace. Chaque Etat membre est, en principe, représenté en son sein par un représentant, doté d'une voix. La Commission européenne y est également représentée par un représentant. En pratique, chaque délégation compte près de quatre personnes, élevant le nombre des participants à 60 personnes, 100 après l'élargissement. Combinés à une présidence tournante, qui change chaque semestre avec celle de l'Union, ces effectifs pléthoriques l'empêchent de peser réellement sur l'action de la direction. Le conseil d'administration est en effet souvent divisé et incapable de définir une ligne d'action cohérente.

b) L'absence de définition d'orientations stratégiques par le conseil « Justice et affaires intérieures »

Le conseil des ministres, dans sa formation « Justice et affaires intérieures », est doté de compétences importantes à l'égard d'Europol. Toutes les propositions de nomination à des emplois de direction, le projet de budget, les projets de décision, de modification de la convention Europol ou d'accords avec des pays tiers ou d'autres organisations lui sont soumis.

Le conseil semble pourtant peu au fait de la réalité de l'activité d'Europol et peu préparé à lui définir de grandes orientations d'action. Le fonctionnement peu satisfaisant du conseil d'administration tend en effet à reporter certains débats d'organisation sur le conseil « JAI », sans le mettre à même de déterminer de grandes orientations d'action.

2) Un contrôle parlementaire limité

a) Un Parlement européen marginalisé

Les compétences du Parlement européen à l'égard d'Europol sont limitées en raison de sa nature intergouvernementale. Le Parlement européen est destinataire, chaque année, d'un rapport spécial sur l'activité d'Europol, qui est une version retouchée du rapport général annuel qui est présenté au conseil de l'Union. Il est également consulté avant toute modification de la Convention et pour l'adoption des actes du titre VI (décisions-cadre, décisions et conventions) concernant Europol. Cette intervention reste cependant très réduite, et le Parlement européen a exprimé dans plusieurs recommandations sa volonté que soit renforcé le contrôle parlementaire d'Europol.

Le Parlement a ainsi rejeté, le 9 avril dernier, quatre initiatives concernant Europol, et recommande qu'Europol soit intégré au sein du premier pilier communautaire et que son budget soit mis à la charge de l'Union européenne, afin de renforcer son contrôle sur l'Office.

b) Des parlements nationaux mal informés

Les parlements nationaux sont associés, selon les règles constitutionnelles respectives de chaque Etat membre, à la ratification des modifications de la Convention Europol. En France, cette association prend la forme d'une loi autorisant cette ratification, en application de l'article 53 de la Constitution. Le Parlement français peut également prendre position, en amont, sur les actes concernant Europol et comportant des dispositions de nature législative selon les modalités prévues à l'article 88-4 de la Constitution. Ce contrôle, adapté tant qu'Europol ne dispose d'aucune compétence opérationnelle, devra nécessairement être renforcé si celles-ci sont augmentées et si la Convention Europol est remplacée par un instrument communautaire, comme le préconise la Convention sur l'avenir de l'Europe.

3) Une autorité de contrôle commune aux moyens insuffisants

a) Les missions de l'autorité de contrôle commune

La Convention Europol a institué une autorité de contrôle commune (ACC) indépendante, composée de représentants de chacune des autorités de contrôle nationales et chargée de s'assurer qu'Europol respecte les dispositions de la convention sur la protection des données. Les représentants français sont M. Alex Türk, sénateur et vice-président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui a assuré la présidence de l'ACC depuis sa création jusqu'en décembre 2002, et Mme Florence Fourets, chef du service des contrôles de la CNIL.

L'ACC doit surveiller l'activité d'Europol afin de s'assurer que le stockage, le traitement et l'utilisation des données dont disposent les services d'Europol ne portent pas atteinte aux droits de la personne. Elle contrôle aussi la licéité de la transmission des données qui ont pour origine Europol, qui est tenu de l'assister dans l'exercice de ses fonctions, en particulier en lui donnant librement accès à ses locaux, en lui fournissant les renseignements qu'elle demande et en lui donnant accès à toutes les données. Toute personne a droit de demander à l'ACC de s'assurer que le traitement des données à caractère personnel est effectué au sein d'Europol de façon licite et correcte. L'autorité établit à intervalles réguliers un rapport qui est transmis au Conseil. Un organe spécifique, le comité des recours, émanation de l'ACC, est quant à lui chargé d'examiner les recours formés par les personnes à l'occasion de l'exercice de leur droit d'accès aux fichiers détenus par Europol.

b) Les faiblesses de ce contrôle

Le contrôle exercé par l'autorité de contrôle commune souffre cependant de deux faiblesses importantes. La première tient à sa dépendance budgétaire à l'égard d'Europol. L'ACC dispose d'un secrétariat, qu'elle partage avec les autorités de contrôle communes instituées par les conventions Schengen et la convention sur l'emploi de l'information dans le domaine des douanes. Elle n'a cependant pas les moyens budgétaires lui permettant de faire appel à l'expertise indispensable pour l'examen de certains dossiers, tel l'accord projeté avec les Etats-Unis, qui aurait nécessité de consulter un expert de la protection des données dans cet Etat.

La seconde faiblesse tient à un recours croissant aux « MSOPES » (« Member State Operational Projects With Europol Support », que l'on pourrait traduire par « projets opérationnels des Etats membres avec le soutien d'Europol »), qui permettent aux autorités nationales de s'adresser directement à Europol pour créer des fichiers d'analyse, sans recourir à la procédure prévue par la Convention. Le protocole présenté par le Danemark comporte une disposition visant à donner un fondement juridique à cette pratique, qui affaiblit le contrôle de l'ACC. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la durée de conservation des données est, en outre, portée de trois à cinq ans, avec un réexamen triennal.

4) Un contrôle juridictionnel réduit

La compétence de la Cour de justice à l'égard d'Europol est très réduite. Les difficultés soulevées par cette question ont rendu la rédaction d'un protocole à la Convention nécessaire. Ce protocole, signé le 24 juillet 1996, prévoit une compétence préjudicielle facultative de la Cour, chaque Etat pouvant faire à tout moment une déclaration d'acceptation. L'intervention de la Cour a, depuis, été accrue par le traité d'Amsterdam. La compétence préjudicielle de la Cour reste cependant facultative, le recours en annulation n'est ouvert ni au Parlement européen ni au personnes physiques, et le recours en manquement est réservé aux Etats, à l'exclusion de la Commission (article 35 TUE).

B. Un instrument insuffisamment exploité par la France

Troisième contributeur au budget d'Europol, la France n'est pas impliquée dans le fonctionnement de cet organisme à hauteur de son engagement financier et de ses besoins opérationnels. Europol reste en effet insuffisamment exploité par la France, qui y souffre en outre d'une sous-représentation.

1) Les services répressifs français sous-alimentent et sous-utilisent l'Office

a) Une utilisation qui n'est pas à la hauteur de la participation financière française

Alors qu'elle participe à hauteur de 16 % au budget d'Europol (soit plus de 8 millions d'euros), la France ne représente que 7,74 % des échanges, loin derrière le Royaume-Uni (18,32 %) ou l'Allemagne (14,40 %). Les échanges concernent principalement le trafic de stupéfiants et l'immigration. On observe une très forte concentration géographique des flux de demandes : sur 113 demandes émanant de services régionaux de police judiciaire (SRPJ), la moitié provenait de Montpellier et un quart de Lille.

b) Des taux et des délais de réponse aux demandes peu satisfaisants

Dans l'ensemble, les services français tardent et parfois ne répondent pas aux demandes qui leur sont adressées par les bureaux de liaison des autres Etats membres. Ces retards suscitent des relances régulières de la part de nos partenaires européens et nuisent à la crédibilité internationale des services répressifs français. L'alimentation des fichiers d'analyse est également très aléatoire, et varie fortement en quantité comme en qualité selon les fichiers concernés. Les experts désignés ne participent, pour certains fichiers, que rarement aux réunions d'évaluation.

L'alimentation d'Europol, via l'unité nationale, constitue pourtant une obligation légale pour les services de la police nationale et de la gendarmerie, en application des articles D.8 et D.8-2 du code de procédure pénale.

c) Une pluralité de facteurs

Ce faible investissement français, dénoncé publiquement par le directeur d'Europol, M. Jürgen Storbeck, a plusieurs causes.

Les services français ignorent trop souvent l'existence d'Europol, ou préfèrent utiliser leurs canaux habituels de coopération bilatérale avec des interlocuteurs bien identifiés, avec lesquels ils entretiennent de longue date des relations directes. Il existe également un frein culturel, lié à la spécificité des échanges d'informations dans le domaine policier, où le besoin de confiance prime. La concurrence d'Interpol, qui bénéficie de l'antériorité (il a été créé en 1923) et de la proximité (son siège est fixé en France, à Lyon), est également un facteur d'explication. Enfin, les méthodes d'analyse criminelle développées par Europol, d'inspiration anglo-saxonne et dont les policiers français ne sont pas familiers, est aussi mise en avant.

Cette situation est d'autant plus regrettable que la France a su mettre en place une structure particulièrement efficace dans ses relations avec Europol, avec la création de la section centrale de coopération opérationnelle de police (SCCOPOL), gérée par la Direction centrale de police judiciaire. Située à Nanterre, la SCCOPOL regroupe, au sein d'une seule plate-forme opérationnelle, les trois canaux de coopération Interpol, Schengen et Europol. Elle constitue un véritable centre opérationnel d'aiguillage, qui traite environ 130 000 messages par an en provenance ou à destination de l'étranger. Les enquêteurs et magistrats peuvent, sans se préoccuper du choix du canal (Interpol, Schengen ou Europol), s'adresser à ce point de contact unique qui déterminera, en fonction de la nature des demandes, la solution appropriée.

2) La faiblesse de la représentation française au sein d'Europol

S'ajoute à cette situation une sous-représentation de la France au sein de la structure administrative d'Europol. Hormis les cinq officiers de liaison affectés auprès d'Europol, on ne compte ainsi que vingt-trois personnels français, soit 9 % de l'effectif d'Europol (alors que les Pays-Bas comptent 55 agents, le Royaume-Uni 33 et la Belgique 27). En outre, depuis le départ de M. Gilles Leclair, qui occupait l'un des trois postes de directeurs adjoints, la France n'est plus représentée au niveau du directorat.

Cette sous-représentation tient à une absence de stratégie française de placement d'agents à Europol, alors que nos partenaires européens ont développé des méthodes sophistiquées de présélection et de préparation de leurs candidats aux épreuves de recrutement par l'Office. Cette absence relative est d'autant plus regrettable que la présence d'un fonctionnaire français à la tête du service de gestion des ressources humaines pourrait constituer un atout. D'une manière générale, les candidatures ne sont pas assez préparées et le passage à Europol n'est pas valorisé dans le déroulement des carrières.

III. DOUZE RECOMMANDATIONS POUR L'AVENIR D'EUROPOL

Ces évolutions et les dysfonctionnements relevés appellent plusieurs recommandations, qui visent à développer l'utilisation d'Europol par les services français, à accroître la représentation française en son sein, à renforcer son contrôle politique et juridictionnel, ainsi qu'à rationaliser son fonctionnement.

A. Développer l'utilisation d'Europol par les services français

Une première série de recommandations vise à renforcer l'utilisation d'Europol par les services répressifs français.

1) L'assouplissement du monopole détenu par les « Unités nationales Europol »

L'utilisation d'Europol par les services français devrait être facilitée par les modifications envisagées par le projet de protocole présenté par le Danemark, précité. Le monopole détenu par les « Unités nationales Europol » (UNE) dans les relations des Etats membres avec Europol doit en effet être assoupli. Les Etats membres pourront autoriser des contacts directs entre les services compétents désignés et Europol, dans les conditions qu'ils auront déterminées (y compris, s'ils le souhaitent, l'intervention préalable de l'unité nationale). Le rôle de filtrage et de centralisation de l'information des UNE sera cependant préservé, dans la mesure où les unités nationales recevront toutes les informations échangées dans ce cadre et qu'elles continuent de constituer le circuit normal. Les services nationaux compétents auront également la possibilité de consulter le système d'information Europol, sans passage obligé par les unités nationales Europol. Cette évolution devrait renforcer la connaissance et la confiance des enquêteurs à l'égard de l'Office.

2) La désignation de « correspondants Europol »

Il convient également de promouvoir l'utilisation d'Europol par les services français en désignant un « correspondant Europol » au sein des principaux services concernés, c'est-à-dire auprès de chacune des directions interrégionales de police judiciaire (DIPJ) qui ont été mises en place récemment, des sept régions de gendarmerie, des offices centraux et du service technique de rapprochement judiciaire et de documentation (STRJD) de la gendarmerie. Ces « correspondants Europol » devraient bénéficier d'une formation soutenue en anglais. Cette mesure permettrait de rendre clairement identifiable le réseau français Europol auprès des enquêteurs, et devrait se combiner à la diffusion d'une doctrine d'emploi auprès de l'ensemble du personnel des services concernés.

Cette mise en place de personnes relais ne devra, évidemment, pas porter préjudice au renforcement des liens entre l'Office européen et les offices centraux de la police nationale (offices centraux pour la répression du faux monnayage, du trafic illicite de stupéfiants, du banditisme, ...).

3) Le développement de formations communes

L'émergence d'une culture policière européenne pourrait aussi être promue par le développement de formations communes, en liaison avec le Collège européen de police (CEPOL), constitué par le réseau des écoles de police et de gendarmerie des différents Etats. Ces actions de formation pourraient se dérouler dans les locaux d'Europol, à La Haye, et dans les Etats membres, avec le concours des agents de l'Office européen de police.

4) Raffermir l'organisation européenne et internationale du ministère de l'intérieur

Au niveau de l'administration centrale également, la prise en compte de la dimension européenne pourrait être renforcée. L'organisation du ministère de l'intérieur constitue en effet un handicap dans le suivi de la coopération policière européenne(8). Ce suivi est éclaté au sein de plusieurs structures, relevant principalement de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, d'une part, et de la direction générale de la police nationale, d'autre part. La création d'une délégation aux affaires internationales, en décembre 1997, n'a que très partiellement atténué ces inconvénients, d'autant que le poste de Délégué aux affaires internationales est actuellement vacant.

Cette dilution des responsabilités constitue un obstacle à l'adoption rapide d'une position du ministère de l'intérieur au cours des discussions communautaires, compte tenu du lourd travail d'harmonisation des différentes directions concernées. Elle complique également la tâche des négociateurs français, qui ne disposent pas d'un interlocuteur bien identifié au ministère de l'intérieur et sont tenus de s'adresser à tous les services intéressés. L'organisation du ministère n'est plus adaptée au développement de la coopération policière européenne depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam.

Pour remédier à ces dysfonctionnements, il a été proposé à plusieurs reprises, par le président Paul Masson notamment, de créer une direction des affaires européennes au ministère de l'intérieur. Celle-ci permettrait d'assurer la cohérence et l'efficacité de la gestion des dossiers européens relevant du ministère de l'intérieur. Elle serait chargée notamment de la négociation et de la représentation du ministère de l'intérieur dans les différentes instances européennes, et bénéficierait de l'assistance technique des différentes directions actives concernées.

B. Accroître la représentation française au sein d'Europol

La présence française au sein d'Europol pourrait être renforcée en développant une stratégie concertée entre les différences services intéressés de recrutement et de placement et une politique active de valorisation des détachements au sein d'Europol. Les agents concernés se voient trop souvent pénalisés par leur détachement, alors que leur expérience pourrait être mise à profit utilement lors de leur retour en France. Cette stratégie devrait viser, entre autres, à permettre à la France d'être présente au sein de l'équipe de direction d'Europol, qui sera prochainement renouvelée (M. Storbeck doit être remplacé en septembre 2004). L'opportunité qu'offrait le renouvellement de deux postes de directeurs adjoints a, en tout état de cause, été manquée puisque ce sont deux candidats danois et britannique qui ont été nommés (MM. Jens Henrik Hobjerg et Kevin Philip O'Connel) lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » du 8 mai 2003.

Une meilleure formation aux langues étrangères et une sensibilisation accrue aux questions européennes devraient aussi être développés au sein du ministère de l'intérieur. Un vivier de candidats à des postes internationaux pourrait être constitué, en repérant dès l'école nationale supérieure de police les personnes intéressées, de manière à qu'ils puissent postuler quelques années après leur sortie de l'école à ce type de postes, après avoir acquis une expérience sur le terrain.

C. Renforcer le contrôle politique et juridictionnel d'Europol

Le contrôle démocratique d'Europol pourrait être amélioré, en renforçant les compétences du Parlement européen et des parlements nationaux à son égard, en rationalisant le fonctionnement de son conseil d'administration et en créant un parquet européen compétent pour coordonner et superviser ses enquêtes.

1) Des compétences accrues pour le Parlement européen

Les compétences du Parlement européen seront renforcées, à moyen terme, lorsque le protocole présenté par le Danemark entrera en vigueur. A plus long terme, les modifications proposées par la Convention européenne devraient accroître considérablement son pouvoir de contrôle à l'égard de l'Office.

a) Les améliorations apportées par le projet de protocole

Le contrôle exercé par le Parlement européen devrait être renforcé par le protocole précité. Celui-ci prévoit qu'une version non « expurgée » du rapport annuel, le programme de travail ainsi que le plan financier quinquennal d'Europol seront communiqués au Parlement européen. Il permet aussi au Parlement d'auditionner la présidence du Conseil ou son représentant au sujet d'Europol, accompagné éventuellement du directeur de l'Office.

Le Parlement européen a cependant considéré que ces changements sont « d'ordre cosmétique » et que le conseil n'a toujours pas donné suite à ses requêtes. Le Parlement européen a en effet demandé à plusieurs reprises, notamment dans les rapport Nassauer, Karamanou, Turco, et Deprez, un renforcement de ses pouvoirs budgétaires à l'égard d'Europol, à travers la « communautarisation » de son financement, une association à la désignation et à la destitution du directeur et des directeurs adjoints, la participation au conseil d'administration, une information et des pouvoirs décisionnels plus étendus avec la « communautarisation » de la Convention Europol et, enfin, un renforcement du contrôle juridictionnel exercé par la Cour de justice. C'est pourquoi le Parlement européen a rejeté, le 9 avril 2003, quatre initiatives relatives à Europol, dont le projet de protocole danois.

b) Les perspectives ouvertes par la Convention européenne

Les propositions formulées par la Convention européenne et le groupe de travail consacré à l'espace de liberté, sécurité et justice, répondent aux souhaits du Parlement européen. La Convention européenne propose en effet de supprimer la structure en piliers de l'Union européenne. La Convention Europol serait transformée en une loi européenne, qui pourrait être modifiée sans faire l'objet d'une ratification par chaque Etat membre. Europol cesserait par conséquent de relever d'une logique strictement intergouvernementale et sa structure, son fonctionnement, son domaine d'action et ses compétences seraient fixés par le Conseil et le Parlement, en codécision. Les pouvoirs du Parlement européen seraient donc considérablement renforcés par rapport à la situation actuelle.

2) La création d'une commission interparlementaire pour le contrôle d'Europol

a) Le renforcement du rôle des parlements nationaux préconisé par la Convention européenne

La « communautarisation » de la Convention Europol diminuera le pouvoir des parlements nationaux, qui ne seront plus associés à sa ratification et à celle de ses éventuels protocoles en application des règles constitutionnelles respectives de chaque Etat membre.

La Convention européenne prévoit, en contrepartie, de renforcer le rôle des parlements nationaux. Elle préconise, en premier lieu et d'une manière générale, de créer un mécanisme « d'alerte précoce », permettant aux parlements nationaux d'adresser un avis motivé à la Commission européenne lorsqu'ils considèrent qu'une proposition législative méconnaît le principe de subsidiarité. Présenté par le groupe de travail présidé par M. Mendez de Vigo, cette proposition a été reprise par le projet de protocole sur la subsidiarité présenté par le Praesidium de la Convention, qui prévoit que si un tiers des parlements nationaux émettent un avis motivé, la Commission européenne doit réexaminer sa proposition (sans leur reconnaître cependant le droit de saisir directement la Cour de justice, comme le préconisait le groupe de travail). Elle recommande, en second lieu, d'associer les parlements nationaux au contrôle politique des activités d'Europol (article 3 du projet d'article présenté par le Praesidium), sans en préciser cependant les modalités. Votre rapporteur a déposé un amendement tendant à les préciser, visant à créer une commission interparlementaire à cette fin.

b) Les avantages d'un contrôle interparlementaire d'Europol

Ce contrôle renforcé devrait en effet prendre la forme d'une commission mixte composée de membres des commissions compétentes en matière policière des parlements nationaux et du Parlement européen. Cette commission mixte, dont la création a été proposée lors de la conférence interparlementaire de La Haye organisée par le Parlement néerlandais, les 7 et 8 juin 2001, et dont la Commission européenne préconise également la création dans sa communication du 26 février 2002 consacrée au contrôle démocratique d'Europol, est indispensable.

Elle permettrait de mettre en place un contrôle structuré et unifié au niveau de l'Union européenne, et non plus un contrôle morcelé, donc moins efficace. Elle pourrait se réunir deux fois an, avec une antenne plus restreinte qui assurerait le contact permanent avec Europol à La Haye. Elle éviterait la duplication des contrôles et favoriserait la spécialisation des parlementaires. Le Parlement européen y a récemment apporté son soutien, lors du vote de recommandations sur Europol le 9 avril dernier. Cette association plus étroite des parlements nationaux constitue la contrepartie nécessaire de la transformation, recommandée par la Convention européenne, de la Convention Europol en un instrument communautaire. C'est pourquoi sa disparition du projet de protocole danois, dans lequel elle figurait, est regrettable.

3) Doter le conseil d'administration d'une présidence permanente et renforcer le recours à la majorité qualifiée

Le contrôle de la direction d'Europol par le conseil d'administration pourrait être accru par l'adoption d'une présidence permanente. Ce président permanent pourrait être, parallèlement, responsable de la coopération policière auprès du conseil « JAI » et président du comité de sécurité intérieure, afin d'assurer une meilleure coordination avec l'autorité politique du Conseil.

Il apparaît également impératif, dans la perspective de l'élargissement, de renforcer le recours à la majorité qualifiée au sein du conseil d'administration et du conseil « Justice et affaires intérieures ».

4) Conforter l'indépendance de l'autorité de contrôle commune

L'autorité de contrôle commune devrait être dotée d'une autonomie financière, et le recours aux « MSOPES » sévèrement encadré et placé sous son contrôle. La fusion des autorités de contrôle commune Schengen, Eurodac et Europol, pourrait également être envisagée, dans un souci de rationalisation.

5) Placer les activités d'Europol sous le contrôle d'un parquet européen

Dans la perspective d'un Europol doté de pouvoirs opérationnels, la création d'un parquet européen apparaît indispensable. Le contrôle qui serait exercé par la Cour de justice - dont le régime général de compétence devrait être étendu, si les propositions de la Convention européenne sont suivies, à l'ensemble de l'espace de sécurité, de liberté et de justice - serait en effet insuffisant. Il interviendrait a posteriori, et non pendant le déroulement des enquêtes, et l'article proposé exclut que la Cour puisse se prononcer sur la validité d'une opération de police. Un élargissement significatif des pouvoirs d'enquête d'Europol nécessitera par conséquent la mise en place d'un contrôle juridictionnel efficace, exercé dès la phase d'investigation.

L'article 20 du projet d'article présenté par le Praesidium de la Convention européenne prévoit une base juridique permettant de créer un parquet européen. Cette disposition reste cependant très insuffisante, parce qu'elle ne constitue qu'une clause d'habilitation, permettant au conseil de créer un parquet européen à l'unanimité, sans fixer de calendrier contraignant. Une telle rédaction rend la création de ce parquet très improbable, pour ne pas dire impossible, dans une Europe réunifiée à vingt-cinq Etats membres, ou au-delà. L'obstacle constitué par l'unanimité ne pourrait en effet sans doute jamais être levé. C'est pourquoi votre rapporteur a déposé un amendement à ce projet d'article visant à instituer immédiatement un procureur européen, compétent pour contrôler les activités d'Europol et de l'Office de lutte anti-fraude (OLAF).

Dans une perspective de plus long terme, les futures activités opérationnelles d'Europol devront être placées sous le contrôle d'un parquet européen compétent pour tous les « eurocrimes » relevant de la compétence d'Europol. A titre transitoire et dans l'attente de la création du parquet, les enquêtes auxquels Europe participe devraient être placées sous la supervision d'Eurojust.

Les immunités et les privilèges des agents d'Europol devraient également être revus, lorsque des pouvoirs opérationnels leur seront conférés.

D. Rationaliser le fonctionnement de l'Office européen de police

1) La simplification du régime linguistique d'Europol

Le régime linguistique d'Europol constitue une difficulté réelle pour son fonctionnement. La traduction des travaux et des réunions d'Europol dans les onze langues officielles nécessite un lourd et coûteux travail et a créé des problèmes non surmontés s'agissant de la mise en place du système informatique Europol. Ces difficultés seront accrues par l'élargissement, avec neuf ou dix langues supplémentaires. L'efficacité d'Europol pourrait donc être sensiblement accrue par la simplification de son régime linguistique, avec l'adoption d'un nombre limité de langues de travail.

2) Fusionner Europol et l'Office européen de lutte anti-fraude

La fusion d'Europol avec l'Office européen de lutte anti-fraude permettrait de rationaliser l'empilement des structures européennes observable en matière policière et judiciaire. La répression de la fraude aux intérêts communautaires constitue en effet clairement un « eurocrime » requérant la mise en place d'un corps de policiers européens indépendant des Etats et disposant de prérogatives de police judiciaire, sous le contrôle d'un parquet européen. Si cette fusion n'est pas opérée, les compétences d'Europol et de l'Office européen de lutte anti-fraude finiront par s'enchevêtrer.

Cette fusion permettrait également de clarifier le statut de cet organisme, qui constitue une véritable « police financière », dont une partie significative de l'activité opérationnelle est transmise aux autorités judiciaires, tout en restant doté du statut d'un service administratif. Le contrôle exercé sur l'OLAF est en effet sans commune mesure avec l'importance des pouvoirs d'investigation qui lui ont été confiés. Elle aurait aussi pour effet d'accroître l'indépendance organique de l'OLAF à l'égard de la Commission, dans le contexte d'un cadre institutionnel européen unique, et de mettre ainsi fin aux critiques récurrentes portant sur la relation ambiguë qu'entretient l'OLAF avec la Commission dans le cadre de ses activités d'enquête interne.

Douze recommandations pour l'avenir d'Europol

1. Développer l'utilisation d'Europol par les services français :

- Assouplir le monopole d'accès détenu par les unités nationales Europol ;

- désigner des « correspondants Europol » au sein des principaux services concernés pour diffuser la connaissance d'Europol auprès des enquêteurs ;

- développer des formations communes en liaison avec le collège européen de police (CEPOL) pour favoriser l'émergence d'une culture policière européenne ;

- raffermir l'organisation européenne du ministère de l'intérieur en créant une direction des affaires européennes.

2. Accroître la représentation française au sein d'Europol :

- Développer une stratégie concertée de recrutement et de placement et une politique active de valorisation des détachements au sein de l'Office.

3. Renforcer le contrôle politique et juridictionnel d'Europol :

- Renforcer les compétences du Parlement européen en « communautarisant » Europol ;

- Créer une commission mixte interparlementaire, composée de membres des commissions compétentes en matière policière des parlements nationaux et du Parlement européen ;

- doter le conseil d'administration d'Europol d'une présidence permanente et renforcer le recours à la majorité qualifiée en son sein et au conseil « Justice et affaires intérieures » ;

- conforter l'indépendance de l'autorité de contrôle commune en la dotant d'une autonomie financière et en plaçant les « MSOPES » sous son contrôle ;

- placer les activités opérationnelles d'Europol sous le contrôle d'un parquet européen compétent pour les « eurocrimes » ;

4. Rationaliser le fonctionnement d'Europol :

- simplifier le régime linguistique de l'Office en adoptant un nombre limité de langues de travail ;

- fusionner Europol et l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF).

CONCLUSION

CONCLUSION

Europol change progressivement de nature : d'un office de police chargé simplement d'assister les Etats membres par le traitement et la diffusion d'informations et de renseignements, il devient un organe plus opérationnel. Les propositions franco-allemandes à la Convention européenne tendent à en faire une véritable force de police européenne, doté d'un pouvoir direct d'enquête. Cette évolution, qui permettra de rendre plus efficace la lutte contre la criminalité organisée, doit s'accompagner d'un renforcement des contrôles, aussi bien politiques que juridictionnels, dont Europol fait l'objet.

Les recommandations figurant dans ce rapport visent à atteindre cet objectif, en veillant à trouver un équilibre entre cette exigence de contrôle, d'une part, et la préservation de la confidentialité et de la liberté d'action indispensables à toute organisation policière pour pouvoir combattre le crime organisé.

Les observations formulées tendent également à renforcer l'utilisation et l'alimentation d'Europol par les services français, ainsi que leur représentation au sein de l'Office européen de police, parce que celles-ci restent actuellement très en deçà de la participation française au financement d'Europol. La France, qui a présenté des propositions ambitieuses à l'égard d'Europol et a joué un rôle moteur, avec l'Allemagne, dans sa création, doit tirer pleinement profit de cet instrument à l'efficacité croissante. Europol devient en effet un acteur majeur de l'espace de sécurité, liberté et justice, et son développement contribue à mettre fin au paradoxe consistant à ouvrir les frontières nationales aux criminels, tout en les laissant fermées à ceux chargés de les combattre, au risque de transformer nos pays en « paradis criminels ».

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) La Délégation s'est réunie le mardi 29 avril 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour auditionner M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur la politique de l'Union en matière d'asile, d'immigration et de coopération policière.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la construction d'un espace de liberté, de sécurité, de justice est devenue une priorité majeure, depuis le traité d'Amsterdam, de la construction européenne. Les questions d'asile et d'immigration, la gestion des frontières extérieures et la coopération policière sont, de plus en plus fréquemment, placées au sommet de l'agenda politique européen, comme en témoignent les conclusions des nombreux conseils européens consacrés à ces sujets, de Tampere à Séville, en passant par celui de Laeken. Les progrès enregistrés en la matière ont été, jusqu'à présent, particulièrement lents, et les avancées réalisées souvent décevantes, en dépit d'une activité législative soutenue. La querelle franco-britannique sur le centre de Sangatte, à laquelle le ministre de l'intérieur a su mettre un terme, a souligné les insuffisances de la coopération européenne. Il est inacceptable que les frontières soient ouvertes pour les criminels, alors qu'elles restent fermées pour les magistrats et les policiers.

C'est pourquoi la Convention européenne a formulé des propositions très fortes dans ce domaine, lors du débat consacré aux articles concernant la « Justice et les affaires intérieures », le 3 avril dernier, qui s'inspirent des orientations présentées par la France et l'Allemagne dans une contribution commune en novembre 2002 ; propositions qu'a complétées, en mars dernier, une contribution franco-espagnole préconisant la création d'un « Comité de sécurité intérieure » (COSI).

L'Assemblée nationale et sa Délégation pour l'Union européenne suivent ces questions avec attention, comme en témoignent les deux rapports qui vont être examinés tout à l'heure, sur la politique européenne d'asile, de M Thierry Mariani, et sur l'avenir d'Europol, de M. Jacques Floch. Le Président Pierre Lequiller s'est réjoui que cette audition permette à la Délégation de faire le point sur l'état des négociations au sein du Conseil et à la Convention européenne sur ces sujets.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, a déclaré que le débat sur l'immigration a été confisqué aux Français pendant vingt ans, parce qu'il a été victime de deux obscurantismes : à droite, celui des tenants d'une « immigration zéro », à gauche, celui de ceux qui contestent à la France le droit de déterminer qui peut entrer sur son territoire. Ces deux extrêmes se sont nourris l'un de l'autre, et ont empêché les républicains de faire entendre la voix de la raison. Il n'y a eu que des anathèmes, et la question de l'immigration n'a pas pu être réellement débattue. Le projet de loi sur l'immigration qui va être présenté en conseil des ministres, demain mercredi 30 avril 2003, devrait permettre d'ouvrir un débat sans tabou.

Il ne peut y avoir de politique de l'immigration sans une ferme volonté de faire exécuter les décisions d'éloignement. Seuls 17 % des décisions d'éloignement sont appliquées, ce qui est très insuffisant. Ceux qui ont des papiers ne doivent pas être traités comme ceux qui n'en ont pas, et les décisions de justice doivent être exécutées. Il ne peut y avoir de politique républicaine d'immigration si l'on n'applique pas les procédures d'éloignement. Dans cet esprit, le ministre a annoncé qu'il rendrait compte, tous les mois, de l'exécution des décisions d'éloignement, comme pour la lutte contre la délinquance, parce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans transparence.

Le ministre a annoncé son intention de développer les vols groupés européens. Les Etats membres sont confrontés aux mêmes difficultés et doivent y apporter des réponses communes. La France a, dans ce sens, déjà réalisé plusieurs éloignements en coopération avec l'Espagne, vers la Roumanie. Depuis le 1er janvier 2003, 528 personnes ont ainsi été reconduites collectivement, soit par des lignes régulières, soit par des vols spéciaux. Un vol groupé par semaine sera organisé vers la Roumanie. La coopération avec les pays d'origine doit également être intensifiée. Ainsi, la semaine dernière, ce sont des policiers sénégalais qui ont raccompagné des Sénégalais chez eux, en application d'un accord conclu avec le Président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade. Le ministre a rappelé qu'il ne voit pas ce qui pourrait constituer une atteinte aux droits de l'homme dans cette politique. La France n'est pas la seule à organiser régulièrement des reconduites groupées. L'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume Uni en ont déjà réalisé plusieurs. Les Pays-Bas, par exemple, ont mené 26 vols groupés en 2002. Cette question transcende clairement les clivages politiques. La France va intensifier ce partenariat, notamment avec le Royaume-Uni vers l'Afghanistan.

Le ministre a ensuite abordé la question du renforcement des contrôles à l'entrée de l'espace Schengen et, en particulier, du compostage des passeports. L'espace Schengen n'a pas été créé pour que chaque Etat se « repasse » les personnes dont il ne veut pas. Le délai de séjour autorisé de trois mois pour les ressortissants étrangers qui ne sont pas soumis à visa ou pour les personnes entrées avec un visa touristique n'est, trop souvent, pas respecté. Il faut un compostage systématique des documents de voyage à l'entrée et à la sortie de l'espace Schengen et que tout étranger arrivant avec un passeport non composté soit présumé avoir dépassé ce délai. Il y a une règle, il faut pouvoir la faire respecter et, le cas échéant, sanctionner les infractions. Aujourd'hui, trop d'étrangers entrent en France de manière légale et s'y maintiennent illégalement.

M. Nicolas Sarkozy a également évoqué la nécessité de trouver d'autres techniques, pour rendre les contrôles aux frontières extérieures plus fluides et plus fiables. La France a présenté au Conseil « Justice et affaires intérieures » une demande portant sur l'introduction de données biométriques dans les documents de voyage, les visas et les titres de séjour. Les Allemands préféreraient que l'on ait recours à l'iris de l'œil, les Français plutôt aux empreintes digitales. Cette question n'est pas essentielle ; ce qui importe c'est d'adopter des contrôles biométriques identiques. Ce sujet sera abordé lors de la réunion des ministres de l'intérieur et de la Justice du G8 du 5 mai prochain, à Paris.

En ce qui concerne la création d'une police européenne des frontières, le ministre a souligné qu'avec l'élargissement de l'Europe, une part importante du contrôle aux frontières reviendrait aux Etats adhérents. Demain, ce seront, par exemple, la Roumanie et la Bulgarie qui seront le nouveau garde-frontières de la zone Schengen. Leurs ressortissants seront, avec l'adhésion, moins candidats à l'émigration compte tenu de l'élévation attendue de leur niveau de vie, mais ces pays n'auront pas la capacité d'effectuer un contrôle effectif de ces frontières. La France doit jouer un rôle moteur dans la mutualisation des moyens de contrôle des frontières extérieures et aider les pays qui ont une frontière extérieure à l'Europe à la contrôler. Cela coûtera d'ailleurs moins cher que d'assurer seul cette fonction. On peut s'interroger sur la nécessité d'aller jusqu'à la création d'un corps de gardes-frontières européens. Le ministre a estimé que cela pouvait être un objectif de long terme, et qu'il faut, en tout cas, au moins mettre en place des formations communes. A défaut d'un corps commun, une aide financière, la création d'officiers de liaison et l'intensification des échanges d'informations sont indispensables. C'est grâce à cela que des résultats concluants, comme ceux des opérations « Babylone », qui ont permis de démanteler des filières irako-kurdes de trafic d'êtres humains en 2002, pourront être obtenus. Il est, en tout état de cause, nécessaire que les patrouilles communes se développent. Le ministre a par ailleurs regretté que la liberté des personnes et des biens, principe général en Europe, ne s'applique pas aux policiers.

M. Nicolas Sarkozy a ajouté que la nécessité d'harmoniser les législations constitue un deuxième grand débat. Il a rappelé que l'Europe devait faire face à plusieurs flux migratoires, venant principalement d'Afrique, d'Europe de l'Est (en particulier de la Russie, de l'Ukraine et de la Moldavie), d'Amérique du Sud et, plus récemment, d'Asie (de la Chine notamment, qui compte 17 millions de personnes de plus chaque année). Faute d'une telle harmonisation, l'Union européenne serait confrontée non seulement à un problème de flux migratoire extérieur, mais aussi à des problèmes de migrations internes. L'affaire de Sangatte
- devenue la capitale mondiale du passage vers l'Angleterre - l'a bien montré. On peut se féliciter à cet égard que la Grande-Bretagne ait modifié sa législation en matière de contrôle d'identité.

Etant donné que la condition, pour faire partie de l'Europe, est avant tout d'être une démocratie, si un Etat européen refuse l'asile à un ressortissant d'un pays tiers, il est logique que ce refus soit immédiatement exécutable dans tous les autres Etats de l'Union. De même, la liste des pays dits non reconductibles devrait être la même dans l'ensemble des Etats de l'Union.

Le ministre s'est également déclaré favorable à une procédure d'asile allégée lorsque les demandeurs viennent de pays d'origine sûrs. On ne peut, à l'évidence, pas traiter de la même manière les demandes éventuelles émanant de ressortissants des futurs Etats membres et celles de la Corée du Nord. Il convient, là aussi, de définir des règles communes, qui ne conduisent pas à abdiquer pour autant la souveraineté nationale, mais au contraire, à la renforcer. Le ministre a marqué son intérêt pour la proposition avancée par le gouvernement britannique de créer une zone protégée pour recevoir les demandeurs d'asile dans un pays limitrophe d'un lieu de guerre ou d'une catastrophe humanitaire ; cette zone serait placée sous le contrôle du Haut commissariat aux réfugiés et pourrait bénéficier d'un financement communautaire et de l'action de bureaux européens sur place.

Il a constaté la difficulté de progresser dans ces domaines en raison, d'une part, de traditions diverses d'un pays européen à l'autre et, d'autre part, du fait que le problème de l'immigration se pose avec une acuité différente selon les Etats. Cette situation le conduit à plaider en faveur d'une coopération renforcée - ou de la création d'un groupe pionnier - par les Etats de l'Union particulièrement confrontés à ces problèmes d'immigration - à savoir l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Italie, et, dans une certaine mesure, la Belgique. En outre, il est nécessaire de passer, dans ce domaine, à l'adoption de décisions du Conseil à la majorité qualifiée pour pouvoir prendre rapidement les mesures adéquates. En effet, s'il faut attendre l'accord des Quinze, puis des Vingt-cinq, pour agir, on peut craindre de devoir attendre longtemps. Il s'agit moins, d'ailleurs, de prendre des mesures définitives, que des mesures concrètes, pragmatiques, immédiates, qui peuvent être, au besoin, réversibles. C'est en additionnant un ensemble de mesures pertinentes qu'on peut mener une politique efficace dans ce domaine, alors que l'addition d'absences de décision pourrait être, au contraire, catastrophique et favoriser la xénophobie.

M. Thierry Mariani, rapporteur, après avoir souligné que les réformes communautaires s'accéléraient dans ce secteur, a rappelé que l'on a compté environ 80 000 demandes d'asile en 2001 (48 000 demandes d'asile conventionnel et 31 000 demandes d'asile territorial) et qu'environ 8 000  demandes ont été acceptées. On se trouve donc confronté à plus de 70 000 déboutés du droit d'asile. Il a précisé, à ce sujet, que si certains demandeurs d'asile attendent trop longtemps pour obtenir l'asile, d'autres profitent des procédures existantes pour se maintenir illégalement sur le territoire.

Il a demandé au ministre si, compte tenu du caractère incomplet de la réglementation existante, une politique commune de reconduite des déboutés du droit d'asile sera mise en place. Il a souhaité savoir si la liste des pays d'origine sûrs doit être définie en fonction de critères déterminés ou simplement par l'énumération des pays concernés. Il a demandé des précisions sur les discussions communautaires relatives à la proposition britannique de zones d'accueil et de transit pour les demandeurs d'asile.

M. Jacques Floch, rapporteur, a indiqué qu'il convenait d'évoquer non seulement les conséquences, mais aussi les causes de l'immigration, en particulier les difficultés économiques de nombreux pays en développement. Cette situation doit inciter à une politique d'aide au développement adaptée vis-à-vis de ces pays.

Il a souligné qu'Europol, qui n'existe que depuis cinq ans et fonctionne véritablement depuis seulement deux ans, présente des dysfonctionnements. Il est par ailleurs nécessaire d'utiliser davantage cet organisme : la France, qui contribue pour 17 % à son financement, ne représente que 7,74 % des échanges d'informations. Enfin, on note un manque de fonctionnaires français au sein de cette instance. Il a rappelé que les cinq grands pays européens particulièrement confrontés au problème de l'immigration - cités par le ministre - font aussi partie des pays les plus riches du monde.

Il a souligné, par ailleurs, le fait que l'absence de compostage des passeports était autant le fait des migrants que des services douaniers. Or, les travaux de la Convention européenne ont montré, sur ce point, certaines résistances à renforcer les contrôles.

En réponse aux rapporteurs, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- les personnes qui se verront refuser le droit d'asile seront raccompagnées dans leur pays d'origine. L'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) fera l'objet d'une prochaine réforme. Les personnes en zone de transit à l'aéroport de Roissy sont en attente d'une éventuelle admission en France, alors que les demandeurs d'asile ont été provisoirement admis en France pendant la durée de l'examen de leur demande ;

- en ce qui concerne les pays d'origine sûrs, il est préférable d'opter pour une liste de pays plutôt que pour un ensemble de critères ;

- il est prioritaire de s'attacher concrètement à résoudre les problèmes liés à l'immigration, ce qui n'exclut pas une réflexion sur les causes de l'immigration. Parmi celles-ci, il y a le sous-développement, mais aussi la volonté inhérente à la nature humaine d'aller chercher ailleurs une vie meilleure. Le mélange et la diversité sont des sources de vitalité pour les civilisations.

L'immigration de ressortissants maliens en France représente un apport de 60 millions d'euros annuels pour le budget du Mali ; dans certains villages autour de Bamako, jusqu'à 60 % de la population en âge de travailler a immigré en France. Cette population ne pose pas de problèmes importants d'insertion en France. S'agissant de la Chine, on pourrait répondre plus largement aux demandes de visa d'étudiants chinois si on tolérait moins de clandestins ;

- il est exact que dans certains pays membres de l'espace Schengen, comme par exemple l'Allemagne, l'obligation de compostage des passeports n'est pas toujours respectée, ce qui met en cause son bon fonctionnement. En l'absence de compostage, la fraude sera présumée ;

- il existe actuellement deux « eurocrimes » : la contrefaçon de l'euro et l'atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Cette liste pourrait être utilement complétée. N'y figurent, par exemple, ni les trafics de drogues ou d'êtres humains, ni la cybercriminalité. La coopération bilatérale fonctionne bien, ce qui n'est pas le cas de la coopération multilatérale, du fait, en particulier, de la diversité des cultures et des systèmes judiciaires. L'existence d'une coopération policière implique la mise en place d'une autorité judiciaire commune par le biais d'un parquet européen.

M. Jacques Myard a salué le réalisme pragmatique manifesté par le ministre pour prendre en compte les questions liées à l'immigration. Il a estimé que l'on n'était qu'au début d'un phénomène migratoire qui allait se révéler de plus en plus important. Il a considéré que l'espace Schengen était « bon à 95 % », mais qu'il pâtissait de « 5 % d'utopie ». Il a jugé qu'il aurait fallu arrêter avant qu'ils n'arrivent à Sangatte les clandestins désireux d'immigrer en Grande-Bretagne.

Approuvant l'idée de vols groupés pour les personnes en situation illégale, il a estimé que l'on avait tendance à confondre liberté de circulation et absence de contrôle et que dans une Europe à vingt-sept, le principe fondamental de la liberté de circulation sera nécessairement remis en cause.

M. Pierre Lellouche a félicité le ministre pour la force de son engagement. Il a rejoint l'opinion exprimée par M. Jacques Myard en estimant que l'on n'était effectivement qu'au début d'un phénomène d'augmentation des pressions migratoires. Soulignant que la population africaine allait tripler dans les trente prochaines années, il a précisé que la tranche d'âge située entre 15 et 25 ans représenterait alors 500 millions de personnes, dont on pouvait estimer qu'un dixième au moins souhaitera immigrer en Europe. Il a considéré que cette situation devait conduire à un changement qualitatif de la politique de l'immigration.

Il a souhaité connaître le nombre estimé de clandestins en France et a interrogé le ministre sur l'idée de fixer des quotas d'immigration par pays qui pourraient être liés à certains besoins particuliers de main-d'œuvre dans notre pays. En concluant, il a considéré que la « double peine » n'était en réalité qu'une peine accessoire dans la mesure où il était généralement admis que lorsqu'un étranger commet un crime, il est ensuite expulsé.

M. Michel Herbillon a approuvé la démarche pragmatique et réaliste du ministre. Il a souhaité avoir des précisions sur la nature des coopérations renforcées envisagées dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Il a interrogé le ministre sur les informations selon lesquelles un « second Sangatte » serait en train de se mettre en place aux abords de la gare du Nord à Paris.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes : 

- s'agissant de Sangatte, les difficultés rencontrées sont liées à la
non-appartenance du Royaume-Uni à l'espace Schengen. Le système actuel de la Convention de Schengen doit encore être amélioré, notamment en ce qui concerne la prise en charge financière du retour des étrangers en situation irrégulière. Sur ce point, il convient de mutualiser les coûts. La liberté de circulation, acquis communautaire fondamental, ne doit pas être remise en cause par le prochain élargissement. Les craintes exprimées lors des précédents élargissements de l'Europe à la Grèce, à l'Espagne et au Portugal se sont révélées infondées et il faut être confiant quant à la capacité d'intégration des nouvelles démocraties de l'Est ;

- le nombre de clandestins présents en France est évalué entre 200 000 et 300 000, alors que 20 000 à 30 000 nouvelles personnes entreraient chaque année irrégulièrement sur notre territoire. La France a l'objectif d'une reconduite à la frontière d'un nombre similaire d'individus afin de parvenir à stabiliser la situation ;

- la question des quotas est un sujet tabou, ce qui est regrettable. Des précisions doivent cependant être apportées. Devrait-il s'agir de quotas par professions ? par catégories socioprofessionnelles ? En tout état de cause, l'instauration de quotas ne devrait pas aboutir à démunir les pays d'émigration de leurs élites ;

- sur la double peine, il faut clarifier le débat en distinguant les étrangers de ceux qui ne le sont que d'un point de vue formel, en raison de l'ancienneté de leurs attaches sur le territoire français. Pour les cas d'étrangers ayant des enfants français, rien ne justifie d'infliger à une famille française la sanction du retour d'un parent dans son pays d'origine. Il s'agit là d'une discrimination car elle conduit à sanctionner plus sévèrement une infraction lorsqu'elle est commise par un étranger. Le ministre a plaidé en faveur de l'équilibre de la politique du Gouvernement qui doit être ferme pour être juste. Cet équilibre essentiel résulte d'une conciliation entre les principes de répression et de générosité à laquelle les citoyens sont sensibles. L'opinion publique est toujours prête à entendre un discours de vérité, de sincérité et d'authenticité. En établissant un parallèle entre le débat sur la double peine et celui sur la prostitution, on ne peut que se féliciter que le Parlement soit redevenu, à cette occasion, un véritable lieu de débat, digne et respectueux des idées de chacun ;

- en ce qui concerne le recours aux coopérations renforcées, la France a engagé une initiative en ce sens avec cinq pays, une réunion devant avoir lieu le 18 mai prochain en Espagne ;

- s'exprimant sur la question kurde, M. Ruud Lubbers, Haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, propose l'application d'un moratoire de trois mois pour l'expulsion des Kurdes - qui ne sont d'ailleurs pas reconductibles -, l'organisation de leur retour devant être, au terme de cette période, organisée par le HCR. Cette proposition doit être examinée avec soin et il est souhaitable de gérer humainement cette question difficile, mais une régularisation massive n'est pas réaliste.

En conclusion, le ministre s'est déclaré heureux que les questions européennes puissent faire l'objet d'un vrai débat alors qu'elles sont trop souvent traitées de façon théorique et peu claire.

2) La Délégation s'est réunie le même jour pour examiner le présent rapport d'information.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la Délégation a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

EXPOSE DES MOTIFS DE LA PROPOSITION
DE RESOLUTION

L'avenir d'Europol est aujourd'hui au centre des débats européens, notamment au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe. La France et l'Allemagne, dans une contribution commune présentée en novembre 2002, ont pris des initiatives fortes dans ce domaine, tendant à transformer Europol en « une autorité coercitive européenne », dotée du droit de mener des enquêtes.

Dans le même temps, la Convention Europol, déjà modifiée à plusieurs reprises pour étendre la compétence matérielle de l'Office européen de police ou permettre à ses agents de participer à des équipes communes d'enquête, devrait à nouveau être modifiée, à la suite d'une initiative de la présidence danoise. Europol continue, par ailleurs, de développer ses relations avec les pays tiers ; quatre projets d'accords avec Chypre, la Bulgarie, la Slovaquie et la Fédération de Russie ont ainsi été transmis au Parlement français en février 2003.

Ces projets d'actes du Conseil constituent l'occasion, pour l'Assemblée nationale, de dresser un bilan du fonctionnement actuel d'Europol et de prendre position sur le débat en cours au sein de la Convention européenne et, prochainement, de la Conférence intergouvernementale.

Conçu, à l'origine, comme un simple centre d'échanges d'informations, Europol évolue vers une véritable police criminelle européenne, au fil des modifications de la Convention Europol, sans qu'un débat public n'ait lieu sur cette mutation ou que son contrôle n'ait été renforcé. L'Office européen de police est ainsi devenu, en dépit de quelques dysfonctionnements, un outil d'une efficacité croissante, que les services français n'utilisent cependant pas suffisamment et dont le contrôle est insuffisant.

La proposition de résolution qui vous est soumise vise à renforcer l'utilisation d'Europol par les services répressifs français, à accroître la représentation française au sein de cette structure, à améliorer son contrôle démocratique et à conforter son efficacité.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'initiative du Royaume du Danemark en vue de l'adoption d'un acte du Conseil portant établissement, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (Convention Europol), d'un protocole modifiant la dite Convention (10307/02 / E 2064),

Vu les projets d'accords entre Europol, d'une part, et la République slovaque, la Bulgarie, Chypre, et la Fédération de Russie, d'autre part (15747/02 / E 2197 ; 15749/02 / E 2198 ; 15750/1/02 / E 2199 ; 15751/02 / E 2200),

I. En ce qui concerne le renforcement de la participation française au fonctionnement d'Europol 
:

1. Se félicite de l'assouplissement du monopole détenu par les « Unités nationales Europol » dans les relations des Etats membres avec Europol, qui permettra d'accroître la connaissance par les enquêteurs français des services offerts par Europol ;

2. Recommande la désignation, au sein de chacune des directions interrégionales de police, d'un « correspondant Europol », afin de rendre clairement identifiable le réseau français Europol auprès des enquêteurs ;

3. Souhaite que l'émergence d'une culture policière commune soit encouragée grâce au développement de formations communes aux Etats membres, en liaison avec le Collège européen de police ;


4. Estime qu'une stratégie concertée entre les différents services de recrutement et de placement, ainsi qu'une politique active de valorisation des détachements d'agents français au sein d'Europol devraient être promues.

II. En ce qui concerne le contrôle démocratique d'Europol 
:

5. Approuve le renforcement du contrôle exercé par le Parlement européen sur Europol prévu par le projet de protocole présenté par le Royaume du Danemark ;

6. Demande qu'une commission mixte composée de parlementaires européens et de parlementaires nationaux soit mise en place pour contrôler l'Office européen de police ;

7. Suggère que le contrôle de la direction d'Europol par son conseil d'administration soit renforcé par l'adoption d'une présidence permanente de ce conseil ;

8. Souhaite que l'Autorité de contrôle commune soit dotée d'une autonomie financière et que le recours aux « Member State Operational Projects With Europol Support » soit davantage encadré et placé sous son contrôle ;

9. Recommande, qu'à terme, les compétences opérationnelles d'Europol soient placées sous le contrôle d'un parquet européen.

III. En ce qui concerne l'efficacité d'Europol 
:

10. Estime qu'une simplification du régime linguistique d'Europol, à travers l'adoption d'un nombre limité de langues de travail, est indispensable ;

11. Suggère que l'Office européen de lutte anti-fraude, dans un souci de rationalisation, soit fusionné avec Europol.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes auditionnées

I. A La Haye

- M. Jurgen STÖRBECK, directeur d'Europol ;

- M. Raoul FRIEDRICQ, chef de l'unité Ressources humaines d'Europol ;

- M. Lionel DELAPORTE, chef du bureau de liaison français auprès d'Europol.

II. A Bruxelles

- M. Hervé MASUREL, préfet, chef du secteur Justice et affaires intérieures, M. Patrick DEBAERE, conseiller chargé de la coopération policière, représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- Mme Denise SORASIO, directeur, M. Willem ALDERSHOFF, chef d'unité, Direction B, Direction générale « Justice et affaires intérieures, Commission européenne.

III. A Paris

- Mme Florence FOURETS, chef du service des contrôles de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, M. Alex TÜRK, sénateur, vice-président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, autorité de contrôle commune d'Europol ;

- M. Gérard GIREL, directeur central de la police judiciaire, M. Rudolph HIDALGO, chef de la division de logistique opérationnelle, direction centrale de la police judiciaire, ministère de l'intérieur ;

- M. Ramiro RIERA, Inspecteur général de l'administration, M. Patrick RIOU, Inspecteur général de l'administration, ministère de l'Intérieur ;

- M. Bruno STURLESE, sous-directeur de la négociation, service des affaires européennes et internationales (SAEI), ministère de la justice.

IV. A Nanterre

- M. Michel QUILLE, chef de la division des relations internationales, M. Stéphane PIALLAT, chef de la section centrale de coopération policière (SCCOPOL), direction centrale de la police judiciaire, sous-direction des liaisons extérieures, ministère de l'Intérieur.

Annexe 2 :
Proposition d'amendement à l'article 20 de la partie II de
la Constitution, relatif à « l'espace de liberté, de sécurité et
de justice »

Déposée par Monsieur Jacques Floch, député de l'Assemblée nationale française.

Qualité : Membre suppléant

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Rédiger cet article ainsi :

« Article 20 : Parquet Procureur européen

1. En vue de combattre les crimes graves ayant une dimension transfrontalière, ainsi que les activités illégales portant atteinte aux intérêts de l'Union, le Conseil, statuant à l'unanimité, après avis conforme du Parlement européen, peut adopter une loi européenne créant un parquet européen, au sein d'Eurojust. Le Parquet européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et complices des crimes graves affectant plusieurs Etats membres, ainsi que des infractions aux intérêts financiers de l'Union, tels que déterminées par la loi prévue au paragraphe suivant. Il exerce devant les juridictions compétentes des Etats membres l'action publique relative à ces infractions.

2. La loi visée au paragraphe précédent, fixe le statut du parquet européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves et les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure pris par le parquet européen dans l'exercice de ses fonctions. »

1. En vue de combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, il est institué un Procureur européen.

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après avis conforme du Parlement européen, nomme le Procureur européen parmi les personnalités offrant toutes les garanties d'indépendance, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs des plus hautes fonctions juridictionnelles.

Le Procureur européen est nommé pour un mandat de six ans, non renouvelable.

Dans l'accomplissement de ses devoirs, le Procureur européen ne sollicite ni n'accepte aucune instruction. S'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou s'il a commis une faute grave, il peut être déclaré démissionnaire par la Cour de justice à la requête du Parlement européen, du Conseil, de la Commission ou d'un tiers des parlements nationaux.

2. Le Procureur européen est compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs ou complices des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

Il exerce devant les juridictions compétentes des Etats membres l'action publique relative à ces infractions, dans les conditions fixées par la loi prévue au paragraphe 4.

A cette fin, il est assisté par des procureurs délégués dans les Etats membres.

Il supervise les activités d'enquête d'Europol et de l'Office de lutte anti-fraude.

3. Le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider d'élargir la compétence du Procureur européen à d'autres crimes portant atteinte aux objectifs d'une politique de l'Union ou revêtant une dimension transfrontalière. Il statue après avis conforme du Parlement européen.

4. La loi fixe le statut du Procureur européen, les conditions d'exercice de ses fonctions, les règles de procédure applicables à ses activités ainsi que celles gouvernant l'admissibilité des preuves, les règles applicables au contrôle juridictionnel des actes de procédure pris par le Procureur européen dans l'exercice de ses fonctions et les relations entre le Procureur européen, Eurojust et Europol.

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Explication éventuelle :

L'amendement proposé vise à instituer un procureur européen, avec un champ de compétence matérielle étroit, mais immédiatement doté de pouvoirs de centralisation des enquêtes et de déclenchement des poursuites.

L'article proposé par le praesidium ne constitue qu'une clause d'habilitation, permettant de créer le parquet européen à l'unanimité, sans fixer de calendrier contraignant. Une telle rédaction rend la création de ce parquet très improbable, pour ne pas dire impossible, dans une Europe réunifiée à vingt-cinq Etats membres, ou au-delà. L'obstacle constitué par l'unanimité ne pourrait en effet sans doute jamais être levé. Cette solution serait très en deçà des attentes des citoyens, alors que la Convention européenne offre une occasion historique de réaliser un « saut qualitatif » pour l'Europe de la justice.

Le 1er alinéa de l'article proposé précise le statut de ce procureur européen, qui sera indépendant, sans être pour autant irresponsable. Il pourrait ainsi faire l'objet d'une procédure disciplinaire, pouvant aller jusqu'à la destitution s'il a commis une faute grave ou s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Le 2e alinéa prévoit ses compétences, y compris à l'égard des enquêtes menées par Europol et par l'OLAF.

Le 3e alinéa permet au Conseil, à l'unanimité, d'élargir ses compétences à d'autres formes de criminalité transfrontalière grave.

Le 4e alinéa permet enfin au législateur de préciser le statut du procureur européen, les conditions d'exercice de ses activités ainsi que celle gouvernant l'admissibilité des preuves, et les règles applicables au contrôle juridictionnel de ses actes de procédure. Il réserve la possibilité de confier ce contrôle à une chambre préliminaire placée auprès de la Cour de justice, ce dernier point devant être abordé lors de la discussion des articles relatifs à la Cour de justice.

Annexe 3 :
Proposition d'amendement à l'article 3 de la partie II de
la Constitution, relatif à « l'espace de liberté, de sécurité et
de justice »

Déposée par Monsieur Jacques Floch, député de l'Assemblée nationale française.

Qualité : Membre suppléant

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Rédiger cet article ainsi :

« Article 3 : Rôle des parlements nationaux

1. Les parlements nationaux peuvent participer aux mécanismes d'évaluation figurant à l'article 4 de la Constitution et sont associés au contrôle politique des activités d'Europol conformément à l'article 22 de la Constitution.

2. Par dérogation aux dispositions prévues dans le protocole sur le respect de l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, dans le cas où, au moins un quart des parlements nationaux émettrait des avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par une proposition de la Commission présentée dans le cadre des chapitres 3 et 4 du présent titre, cette dernière est tenue de la réexaminer. A l'issue de ce réexamen, la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La présente disposition s'applique également aux initiatives émanant d'un groupe d'Etats membres conformément aux dispositions de l'article 8 du présent titre.

1. Les parlements nationaux peuvent adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé concernant la conformité d'une proposition législative de la Commission ou d'une initiative des Etats membres avec les aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national ou avec les droits fondamentaux garantis par le [titre I bis] de la présente Constitution.

Le Parlement européen, le Conseil et la Commission tiennent compte des avis motivés des parlements nationaux. Dans le cas où au moins un tiers des chambres des parlements nationaux émettraient des avis motivés sur le non-respect par une proposition de la Commission des droits fondamentaux ou des aspects fondamentaux de leur droit pénal et civil national, la Commission est tenue de réexaminer sa proposition. A l'issue de ce réexamen la Commission peut décider, soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer. La Commission motive sa décision. La présente disposition s'applique également aux initiatives émanant d'un groupe d'Etats membres conformément aux dispositions de l'article 8 du présent titre.

2. Les parlements nationaux sont consultés lors de la détermination, par le Conseil européen, des orientations stratégiques et des priorités de la politique européenne en matière de justice pénale.

3. Des conférences interparlementaires, composées de représentants des parlements nationaux et du parlement européen, sont tenues périodiquement sur les activités de l'Union dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

4. Les parlements nationaux sont associés au mécanisme d'évaluation mutuelle existant dans le domaine de l'espace de sécurité, liberté et justice.

5. Une commission mixte, regroupant des membres des commissions compétentes des parlements nationaux et du Parlement européen est étroitement associée au contrôle d'Europol et du parquet européen. »

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Explication éventuelle :

● Le présent amendement reprend les propositions formulées par le groupe de travail présidé par M. John Bruton, qui sont indispensables pour assurer la légitimité démocratique de l'Union :


- association des parlements nationaux à la définition des orientations stratégiques et des priorités de la politique européen en matière de justice pénale ;

- recours aux conférences interparlementaires spécifiques proposées par le groupe de travail sur le rôle des parlements nationaux, qui permettrait de surmonter les blocages lorsque les divergences entre Etats membres font obstacle à un accord, comme cela s'est produit fréquemment lors des discussion de textes « JAI » ;

- association des parlements nationaux au dispositif d'évaluation mutuelle.

● Il reprend également, sous une forme étendue à la protection des droits fondamentaux et au droit civil, le droit d'alerte précoce spécifique évoqué dans le rapport (p.23), qui suggérait la création d'« un mécanisme similaire « d'alerte précoce » pour les cas où certains parlements nationaux estiment qu'une initiative va à l'encontre d'aspects fondamentaux du droit pénal national de leur Etats. L'activation de ce mécanisme pourrait entraîner des conséquences similaires à celles du mécanisme envisagé pour la subsidiarité [...] ».


Les questions relatives à l'espace de sécurité, liberté et justice présentent en effet une spécificité justifiant une procédure particulière, s'inspirant de celle prévue pour la subsidiarité, mais distincte :


- ce secteur touche, plus qu'aucun autre, à des droits constitutionnellement protégés, et se situe au cœur de la compétence des parlements nationaux : la protection des libertés publiques ;

- c'est, en outre, un domaine dans lequel le droit d'initiative de la Commission est partagé avec les Etats membres, et les initiatives des Etats membres, fondées sur leur propre agenda politique, ne prennent pas aussi bien en compte que la Commission la diversité des traditions constitutionnelles des Etats membres.

Cette option est préférable à celle consistant à retenir un seuil différent en matière de subsidiarité.

● Il prévoit la création d'une commission mixte (Parlement européen et parlements nationaux) pour le contrôle d'Europol et du futur parquet européen, conformément à la proposition figurant dans la communication de la Commission sur le contrôle démocratique d'Europol (COM (2002) 95 final). Cette commission, dont la création a été suggérée par la conférence interparlementaire de La Haye des 7 et 8 juin 2001, figurait d'ailleurs dans le projet de rapport du groupe de travail « JAI », mais cette mention a été supprimée, sans qu'aucun débat n'ait eu lieu sur cette question au sein du groupe.

● L'espace de sécurité, de liberté et de justice se situe au centre des compétences des parlements nationaux et de la vie des citoyens européens. Les mesures adoptées dans ce domaine, en particulier en matière pénale, doivent faire l'objet d'un débat démocratique et transparent, aussi bien au niveau européen - les compétences du Parlement européen seront renforcées à cet effet - que national.

Dans ce secteur, des changements majeurs, aux conséquences importantes pour les parlements nationaux, sont envisagés au sein de la Convention européenne :


- les conventions de l'actuel « troisième pilier » de l'Union européenne, couvrant la coopération judiciaire pénale et policière, vont être remplacées par des instruments de droit communautaire classique, non soumis à ratification ;


- les actuelles décisions-cadres et décisions, dépourvues d'effet direct, seront remplacées par les futures lois-cadres et lois, dotées d'effet direct dès leur entrée en vigueur ou à l'expiration de leur délai de transposition, sans qu'une intervention des parlements nationaux ne soit nécessaire ;


- l'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique internationale, et les accords négociés avec des pays tiers en matière pénale (extradition et entraide judiciaire) ou policière ne feront donc plus l'objet d'une autorisation parlementaire nationale avant d'être ratifiés.

Ces évolutions, dans un domaine aussi sensible et touchant profondément aux compétences des parlements nationaux, doivent nécessairement s'accompagner d'un renforcement de leur rôle dans l'élaboration du droit de l'Union. La nature des compétences et des questions traitées par l'Union change en effet radicalement. Les politiques des Etats membres en matière criminelle, d'asile, et d'immigration se définissent, de plus en plus, à Bruxelles. Les questions qui sont abordées au cours de chaque session du Conseil « Justice et affaires intérieures » touchent ainsi au cœur des droits et de la vie de chaque citoyen et des compétences de leurs représentants :


- Faut-il, dans le cadre de la répression de l'exploitation sexuelle des enfants et de la pédopornographie, établir des échelles de peines différentes en fonction du consentement d'une victime mineure ?


- Peut-on accepter d'extrader une personne vers un Etat où elle risque d'être jugée par des juridictions militaires d'exception ?

- Faut-il prévoir un traitement différencié pour le trafic de certaines drogues en petites quantité ?


- Peut-on débouter automatiquement les demandeurs d'asile provenant de pays que l'on aura préalablement définis comme des « pays tiers sûrs » ?

Ces questions, quelle que soit la réponse qu'on leur apporte, doivent être débattues publiquement, dans la transparence, par des représentants élus et responsables devant leurs électeurs. C'est, en particulier, une condition indispensable pour l'élaboration du droit pénal dans une société démocratique, seule à même de conférer au principe de légalité des délits et des peines (« Nullum crimen, nulla poena sine lege ») toute sa portée.

1 () Cf. le compte-rendu de l'audition de M. Jean-François Bernicot, membre de la Cour des comptes européenne par la Délégation pour l'Union européenne du Sénat le 28 janvier 2003.

2 Acte du Conseil 2000/C 358/01, du 30 novembre 2000, établissant, sur la base de l'article 43, par.1, de la Convention portant création d'un Office européen de police (Convention Europol), le protocole modifiant l'article 2 et l'annexe de ladite convention (JOCE C 358/1, du 13 décembre 2000).

3 Initiative du Royaume du Danemark en vue de l'adoption d'un acte du Conseil établissant, sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la Convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol), un protocole modifiant ladite convention, du 2 juillet 2002, JOCE C 172/15 du 18 juillet 2002.

4 () Entretien avec M. Jurgen Storbeck, paru dans Le Figaro du 2 décembre 2002, p. 10.

5 () Motion sur l'avenir de l'Europe du 30 avril 2001.

6 () Propositions conjointes franco-allemandes pour la Convention européenne dans le domaine de la Justice et des affaires intérieures, 27 novembre 2002, WG X - WD 32, p. 3.

7 () Projet d'article 31, partie I ; projets d'articles de la partie II, 14 mars 2003, CONV 614/03.

8 () Cette question a fait l'objet d'une analyse détaillée dans le rapport de la Mission d'information de la Commission des lois du Sénat chargée d'étudier le suivi, par les ministères intéressés, du processus européen de coopération policière : Paul Masson, Alex Türk, Quand les policiers succèdent aux diplomates, rapport d'information n° 523, 1997-1998.

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