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N° 2102

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 février 2005

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le suivi de la stratégie de Lisbonne
(E 2752, COM[2005] 24 final / E 2829),

ET PRÉSENTÉ

par MM. Michel DELEBARRE et Daniel GARRIGUE,

Députés.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. UNE STRATEGIE INITIALE TROP AMBITIEUSE 9

A. Les ambitions d'origine 9

1) Devenir la première économie mondiale dans le cadre d'une société de l'information 9

2) Une stratégie reposant sur trois piliers 10

a) Le pilier économique : préparer la transition vers une économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance 10

b) Le pilier social : moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en créant un Etat social actif 10

c) Le pilier environnemental 11

B. Un bilan décevant à mi-parcours 11

1) Des points positifs qui ne doivent pas être ignorés 12

a) Une volonté stratégique d'ensemble 12

b) Un objectif clair et bien intégré : 3 % du PIB consacrés à la recherche 12

c) Les indicateurs et la comparaison des bonnes pratiques 12

2) De profondes faiblesses 13

a) Des objectifs irréalistes 13

(1) Des objectifs et indicateurs trop nombreux 13

(2) Des objectifs ne prenant pas en compte les différences initiales et les capacités de chaque pays à les atteindre 14

b) Des objectifs trop dépendants des Etats 14

c) Une absence de mobilisation et d'adhésion 15

II. LA REACTIVATION DE LA STRATEGIE DE LISBONNE 17

A. Le diagnostic du rapport de Wim Kok 17

a) Les progrès accomplis 17

b) Les retards 18

c) Les défis 19

(1) Le vieillissement démographique : un défi majeur pour l'Union européenne 19

(2) La mondialisation 19

d) Des propositions pour relancer la stratégie 19

e) Les réactions des Etats membres au rapport Kok 21

(1) La réaction des autorités françaises 21

(2) Les réactions de nos partenaires 22

B. Les propositions de la Commission 23

1) Resserrer autour de mesures plutôt que d'indicateurs 24

2) Un ensemble de propositions plutôt équilibré 26

a) La priorité donnée à la croissance et à l'emploi 26

b) D'autres aspects sont abordés 27

c) Un effort de clarification et de simplification 28

(1) Une distinction claire des compétences communautaires et étatiques 28

(2) Une simplification des processus européens de coordination des politiques économiques et de l'emploi 28

(a) Le fatras actuel de la coordination économique 29

(b) Une « approche intégrée » souhaitable 32

(i) L'allégement du nombre et de la présentation des rapports 32

(ii) La synchronisation des calendriers de coordination 34

(3) Une répartition plus précise des responsabilités de chaque institution communautaire 35

d) La volonté d'impliquer les Etats et, au-delà, les autres acteurs 35

(1) Un M. ou une Mme Lisbonne 36

(2) Un programme d'action national 36

(a) Des objectifs adaptés à la situation de chaque pays 37

(b) L'abandon de la méthode ouverte de coordination 38

(c) Un renoncement à toute idée de classement des Etats 38

(3) Une mobilisation de toutes les forces politique, économique et sociale 39

(a) L'implication des parlements nationaux 39

(b) L'implication des partenaires sociaux 40

III. UNE STRATEGIE QUI DOIT ETRE RENFORCEE ET PRECISEE 41

A. Dans ses ambitions 41

1) La nécessité d'une stratégie industrielle européenne doit être affirmée 41

a) La prise en compte de la dimension industrielle par la Commission est le signe d'un évolution positive 41

b) La nécessité d'une stratégie industrielle 43

c) Une meilleure défense des intérêts industriels de l'Union dans les négociations commerciales 44

2) La cohésion sociale doit rester un élément fort de la stratégie 45

3) La protection de l'environnement n'est pas nécessairement un frein à la compétitivité 47

4) L'initiative pour la jeunesse doit se traduire dans les conclusions du Conseil européen de printemps 49

a) Une proposition faite par la France, l'Allemagne, la Suède et l'Espagne 49

b) Une dimension transversale 49

c) Un engagement fort que le Conseil européen devrait affirmer 50

5) D'autres questions mériteraient d'être précisées 51

a) Le brevet communautaire 51

b) L'institut européen de technologie 51

c) L'impôt sur les sociétés 51

d) La réforme des aides d'Etat 52

B. Dans ses instruments et dans son périmètre 52

1) La nécessaire remise à plat de la directive générale sur les services 53

2) Le lien indispensable entre révision de la stratégie de Lisbonne et réforme du pacte de stabilité 54

3) Les fonds structurels, complément nécessaire de la stratégie de Lisbonne 55

C. Dans sa mise en œuvre 55

1) La méthode ouverte de coordination ne doit pas être abandonnée 56

2) Le suivi permanent de la stratégie de Lisbonne doit être organisé par chacun des Etats 57

3) Les plans d'action nationaux doivent comporter un minimum d'engagements contraignants 58

4) La déclinaison de la stratégie de Lisbonne doit associer l'ensemble des collectivités 59

5) L'implication spécifique des nouveaux Etats membres 60

6) La prise en compte de la stratégie de Lisbonne dans le budget européen 61

TRAVAUX DE LA DELEGATION 63

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 67

ANNEXES 71

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs 73

Annexe 2 : Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 75

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis la déclaration Schuman, la construction européenne n'a pu progresser qu'en se fixant, à échéance régulière, de grandes ambitions. Après avoir établi le marché unique, puis institué une monnaie commune dans la plupart des Etats membres, les responsables européens réunis à Lisbonne, à l'occasion d'un Conseil européen du printemps 2000, ont choisi de fixer « un nouvel objectif stratégique » pour 2010, qui - faute de mieux - a reçu le nom peu explicite de « stratégie de Lisbonne ».

Pour la première fois dans son histoire, l'Union européenne s'est donc dotée d'une stratégie globale (couvrant les domaines économiques, sociaux et environnementaux) pour la décennie à venir.

Ce projet novateur était d'abord le fruit de la prise de conscience de l'écart économique grandissant entre l'Europe et les Etats-Unis. L'économie américaine s'appuyant notamment sur une large diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication, enregistrait des performances significativement supérieures à celles de l'Europe aussi bien en matière de croissance, de productivité ou d'emploi.

La conjoncture se prêtait néanmoins à l'engagement d'une ambitieuse politique de rattrapage - voire de dépassement - susceptible de faire de l'économie européenne, l'économie la plus compétitive en 2010. Les conclusions du Conseil de Lisbonne notaient ainsi que « les perspectives macro-économiques qui s'offrent actuellement sont les meilleures que l'Union ait connues depuis une génération ». La forte croissance rendait possible un assainissement des finances publiques et faisait apparaître le plein emploi comme une perspective réalisable à moyen terme. Toutes les conditions étaient donc remplies pour entreprendre de vastes réformes économiques et sociales.

Depuis cinq ans, pourtant, la mise en œuvre de cette stratégie peine à trouver ses marques : les objectifs fixés - probablement trop ambitieux - n'ont été atteints que dans des cas isolés et il est manifeste que la plupart des protagonistes ne se sont pas pleinement investis dans ce grand projet communautaire.

Le bilan à mi-parcours, établi par un groupe de haut niveau présidé par l'ancien Premier ministre néerlandais, M. Wim Kok, a clairement décrit les « résultats décevants » de la stratégie de Lisbonne, mais préconise de ne pas l'abandonner.

La nouvelle Commission européenne a décidé de « relever le défi », comme l'y invitait le rapport Kok, et de donner une nouvelle impulsion à un programme que le Président José Manuel Barroso a désigné comme la première priorité de son mandat. Dans un document rendu public le 2 février 2005, la Commission a ainsi proposé de nouvelles orientations touchant tant au contenu qu'aux modalités de la mise en œuvre de la stratégie.

Avant le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005, qui se prononcera sur les propositions de la Commission et qui décidera en dernier lieu des adaptations susceptibles de transformer un programme désincarné et largement ignoré en une référence incontournable de toute action publique au cours des prochaines années, la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne a souhaité faire le point sur les enjeux de la révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne.

I. UNE STRATEGIE INITIALE TROP AMBITIEUSE

Le Conseil européen de Lisbonne en 2000 avait affiché de très grandes ambitions, qui peuvent parfaitement se comprendre si l'on rappelle le contexte dans lequel cette réunion s'était tenue. Cinq années plus tard, il est manifeste que les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des ambitions initiales, même si des points positifs ne doivent pas être ignorés.

A. Les ambitions d'origine

1) Devenir la première économie mondiale dans le cadre d'une société de l'information

Au printemps 2000, l'économie européenne enregistrait d'excellentes performances : l'inflation et les taux d'intérêt étaient peu élevés, les déficits publics tendaient généralement à se réduire, la balance des paiements de l'Union européenne était saine, la croissance reprenait, de même que la création d'emplois.

Le second trait marquant de ce début de millénaire était l'enthousiasme démesuré suscité par la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication (les « TIC »). Il conduisait à voir dans chaque « start up » une multinationale en puissance et donnait à certains l'occasion d'annoncer une révolution dans la civilisation, bousculant les fondements traditionnels de l'économie.

La conjugaison de ces deux facteurs autorisait la « vieille Europe » à se poser en « challenger » des Etats-Unis et à afficher sa volonté de devenir, en 2010, l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde.

Afin de concrétiser cette ambition, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Lisbonne ont souhaité adopter une « stratégie globale », comportant des volets économique, social et environnemental.

2) Une stratégie reposant sur trois piliers

A vrai dire, la distinction de ces « trois piliers » ne s'est pas imposée d'emblée. Elle résulte d'un enrichissement progressif de la stratégie, réalisé à l'occasion de plusieurs Conseils européens postérieurs à celui de Lisbonne.

En 2000, deux piliers seulement transparaissaient dans les conclusions de la présidence portugaise. Un troisième pilier, relatif à l'environnement, a complété la stratégie en 2001.

a) Le pilier économique : préparer la transition vers une économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance

Dans ce domaine, l'accent est surtout mis sur la nécessité d'assurer une « société de l'information pour tous », ce qui implique la création d'un espace européen de la recherche et de l'innovation, l'achèvement du marché intérieur et la coordination des politiques macro-économiques.

b) Le pilier social : moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en créant un Etat social actif

En la matière, il s'agit non seulement d'investir dans l'éducation et la formation, et de mener une politique active de l'emploi, mais aussi de moderniser la protection sociale et de lutter contre l'exclusion. Il est expressément affirmé que le passage à l'économie de la connaissance doit se faire sur la base du modèle social européen, avec ses régimes de protection sociale très développés.

Les Conseils européens qui se sont tenus par la suite ont régulièrement examiné l'évolution de la stratégie de Lisbonne, en particulier les Conseils de printemps à qui cette mission a été dévolue. Ces réunions ont fréquemment donné l'occasion de compléter le dispositif initial. A cet égard, l'apport de plus grande portée a été effectué lors du Conseil européen de Göteborg de juin 2001 qui a ajouté « une troisième dimension, celle de l'environnement ».

c) Le pilier environnemental

Il s'agit principalement de faire face au changement climatique et de dissocier la croissance économique de l'utilisation des ressources. En mettant l'accent sur le moyen terme (2010), ce volet de la stratégie de Lisbonne vient en complément de la seconde grande stratégie transversale de l'Union européenne, à savoir la stratégie en faveur du développement durable, adoptée également en juin 2001, et qui couvre les problèmes à long terme, ainsi que la dimension internationale du développement durable.

D'autres compléments ont été effectués au fur et à mesure des années. Par exemple, c'est à l'issue du Conseil de Barcelone de mars 2002 qu'il a été décidé d'insérer dans le volet social un nouvel objectif visant, d'ici 2010, à « augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge moyen effectif auquel cesse, dans l'Union européenne, l'activité professionnelle ».

B. Un bilan décevant à mi-parcours

Si l'on se réfère à l'objectif principal de la stratégie visant à rattraper et dépasser l'économie américaine, il est certain qu'il n'a guère de chance d'être atteint en 2010. Au contraire, les principaux indicateurs témoignent de la poursuite du creusement de l'écart en faveur des Etats-Unis, au moment même où le dynamisme de plusieurs pays asiatiques constitue un nouveau défi pour l'économie européenne.

La stratégie de Lisbonne ne peut être présentée comme un échec total, car, sur plusieurs aspects, elle mérite une appréciation positive. Toutefois, avec le recul, il apparaît nettement que le projet initial souffrait de profondes faiblesses, fragilisant ses chances de réussite.

1) Des points positifs qui ne doivent pas être ignorés

L'idée d'un échec de la stratégie de Lisbonne est fréquemment évoquée. Pourtant, il est important de ne pas dresser un bilan entièrement négatif des cinq premières années de sa mise en œuvre. A cet égard, trois points positifs méritent d'être soulignés.

a) Une volonté stratégique d'ensemble

La stratégie de Lisbonne telle que définie en 2000 témoigne d'une vision globale des défis qui se posent à l'Union européenne. Par la diversité des thèmes abordés et des politiques envisagées, elle se distingue des autres projets européens. Elle vise à établir une stratégie globale de progrès économique, social et environnemental, avec une échéance de long terme pour mettre en œuvre les réformes nécessaires. De plus, elle témoigne d'une volonté de coordonner les efforts nationaux, hors des domaines d'intervention de l'Union européenne, afin de renforcer sa place internationale.

b) Un objectif clair et bien intégré : 3 % du PIB consacrés à la recherche

Cet objectif, intégré à la stratégie de Lisbonne par le Conseil européen de Barcelone en mars 2002, est sans doute aujourd'hui le plus visible de la stratégie. Il est en effet très fréquemment cité et constitue une référence en matière d'effort de recherche.

c) Les indicateurs et la comparaison des bonnes pratiques

La méthode ouverte de coordination créée dans le cadre de la stratégie de Lisbonne a étendu le recours aux indicateurs, afin de comparer les performances des Etats et d'échanger les meilleures pratiques. Cette démarche de benchmarking - en français étalonnage des performances - était à l'origine utilisée dans le secteur privé mais l'a été au cours des dernières années dans le secteur public. Son usage doit être encouragé car il peut permettre d'éclairer les débats nationaux et de faciliter les choix en matière de réformes.

La Délégation pour l'Union européenne a d'ailleurs adopté cette approche à plusieurs reprises, à travers des rapports comparatifs, lorsque des réformes importantes sont prévues en France.

2) De profondes faiblesses

Les performances de l'économie européenne en matière de croissance, de productivité ou d'emploi, ne sont pas à la hauteur, aujourd'hui, de ce qui était attendu. A l'analyse, il ressort que la conception même de la stratégie de Lisbonne et sa mise en œuvre ont comporté plusieurs points faibles.

a) Des objectifs irréalistes

(1) Des objectifs et indicateurs trop nombreux

Dès l'origine la stratégie a inclus trop d'objectifs. Selon certains observateurs, elle comprend 28 objectifs principaux, 120 objectifs secondaires et 117 indicateurs, mais ces chiffres mêmes sont sources d'incertitudes.

Cette tendance à tout inclure dans la stratégie s'est aggravée au fil du temps. Elle est d'autant plus regrettable que l'objectif principal de la stratégie, « devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde en 2010 », bien qu'il témoigne d'une ambition légitime, est lui-même très général, si on le compare à d'autres grands projets européens comme le marché unique ou la monnaie unique.

Cette dispersion a deux conséquences négatives : elle nuit à la cohérence du projet et restreint sa visibilité et sa dynamique. Elle a aussi des répercussions sur la méthode car il est très difficile d'identifier les compétences et les niveaux de responsabilité.

Ce diagnostic est fait dans le rapport Kok, qui souligne que « le champ d'action de la stratégie de Lisbonne est devenu trop vaste pour être perçu comme un ensemble intégré. Lisbonne traite de tout, et donc de rien. ». Cette observation figure aussi dans le rapport de printemps de la Commission.

(2) Des objectifs ne prenant pas en compte les différences initiales et les capacités de chaque pays à les atteindre

Les divers objectifs et indicateurs ont été fixés de façon similaire pour l'ensemble des Etats membres, quelle que soit leur situation de départ et leur potentialité.

Tous les Etats ont un intérêt évident à voir la compétitivité de l'Union européenne s'accroître, tout en préservant le modèle social européen et en veillant à la durabilité de ce développement. Mais il est tout aussi évident que les Etats membres ne partent pas du même point : d'une part, chacun d'entre eux a ses points forts et faibles (que la Commission a d'ailleurs mis en exergue dans une annexe au rapport précédant le Conseil européen du printemps 2004(1)) ; d'autre part, leur capacité à contribuer à certains objectifs de la stratégie peut varier sensiblement. Comme l'a indiqué aux rapporteurs un collaborateur du Président Barroso, Malte ne doit peut-être pas fournir un effort de recherche équivalent à celui de la France, par exemple.

Par ailleurs, dans un récent rapport du Conseil d'analyse économique(2) les professeurs Guido Tabellini et Charles Wyplosz observent : « Ces objectifs quantitatifs ressemblent aux plans soviétiques : ils communiquent une impression de précision trompeuse (...). Plus important encore, les objectifs de Lisbonne sont définis en terme de résultats et non pas de mesures à prendre. On sait comment augmenter le taux d'emploi, mais pas comment atteindre une valeur cible particulière. ».

b) Des objectifs trop dépendants des Etats

Une grande partie des objectifs visés par la stratégie de Lisbonne relève de la compétence des seuls Etats membres. En soi, cet aspect n'est pas critiquable, car il témoigne de la volonté des initiateurs de la stratégie de rendre plus efficace la coopération intergouvernementale.

Cependant, les multiples indicateurs fixés par la stratégie sont plus ou moins prioritaires et plus ou moins difficiles à atteindre.

Comme l'a indiqué le professeur Wyplosz lors de son audition, les gouvernements peuvent alors choisir librement certaines mesures, de préférence les plus banales, et ignorer les autres, souvent les plus importantes. Ils peuvent ainsi montrer à bon compte qu'ils ont agi comme promis, et pourtant rien de substantiel n'est accompli.

Il semblerait d'ailleurs que cette tendance à ne pas accorder une attention suffisante aux engagements souscrits dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, soit plus prononcée dans les « grands » Etats (Allemagne, France, Italie) que chez les autres partenaires, où les positions prises par les gouvernants au sein des institutions communautaires font l'objet de véritables débats publics.

c) Une absence de mobilisation et d'adhésion

Faire de l'Europe l'économie mondiale la plus dynamique impose pour le moins une mobilisation de l'ensemble de la société européenne.

Les initiateurs de la stratégie avaient d'ailleurs précisé dans les conclusions du Conseil de Lisbonne que « les collectivités régionales et locales, ainsi que les partenaires sociaux et la société civile seront activement associés dans diverses formes de partenariats ».

Une telle association n'a manifestement pas encore été réalisée.

Les parlements nationaux, qui devraient constituer des relais indispensables pour parvenir à une véritable appropriation de la stratégie par les diverses forces des sociétés nationales, n'ont guère débattu du contenu et de la mise en œuvre de la stratégie. Les grandes orientations de politique économique et les lignes directrices pour l'emploi auraient pourtant mérité des débats en séance publique.

La « stratégie de Lisbonne » associe si peu les Européens à sa mise en œuvre que rares sont d'ailleurs ceux qui savent ce que ces termes recouvrent. L'expression « stratégie de Lisbonne » n'est en rien évocatrice de la politique qu'elle désigne et, par-là même, ne facilite guère une appropriation de ses objectifs par la population européenne. Si l'on ajoute que la stratégie de Lisbonne interfère avec les processus de Bologne, Cardiff, Cologne et Luxembourg, on conviendra facilement qu'il y a de quoi déboussoler les « eurocrates » les plus convaincus et renforcer le scepticisme spontané des citoyens à l'encontre de tout ce qui vient de « Bruxelles » ...

Les diverses faiblesses affectant la stratégie de Lisbonne auraient pu conduire à l'abandon pur et simple de ce programme. La Commission européenne, prenant appui sur le rapport du groupe de haut niveau présidé par M. Wim Kok, propose plutôt de la réactiver.

II. LA REACTIVATION DE LA STRATEGIE DE LISBONNE

L'Union européenne et les Etats membres n'ont pas souhaité abandonner la stratégie de Lisbonne. Ils ont engagé une réflexion visant à expliquer l'insuffisance de ses résultats et trouver les moyens de la relancer.

A. Le diagnostic du rapport de Wim Kok

Le Conseil européen de mars 2004 a chargé M. Wim Kok, ancien Premier ministre des Pays- Bas, de constituer un groupe de haut niveau chargé de dresser le bilan à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne et de formuler des propositions en vue du Conseil européen de mars 2005. Le groupe de haut niveau, composé de treize personnalités qualifiées, a rendu son rapport début novembre 2004.

Celui-ci dresse un bilan nuancé de la stratégie de Lisbonne : « A mi-chemin de l'échéance de 2010, le tableau d'ensemble est très mitigé et il reste beaucoup à accomplir pour éviter que Lisbonne devienne synonyme d'objectifs manqués et de promesses non tenues ».

a) Les progrès accomplis

Deux points sont jugés positifs. Il s'agit en premier lieu de l'augmentation du taux d'emploi dans l'Union européenne, qui est passé de 62,5 % en 1999 à 64,3 % en 2003. Le rapport cite les progrès du taux d'emploi des femmes (56 % en 2003) et de celui des travailleurs âgés(3) (41,7 %).

D'autre part, les progrès dans la diffusion des technologies de l'information et de la communication et d'internet sont identifiés comme des signes de succès.

b) Les retards

Malgré la progression des taux d'emploi, le groupe de haut niveau fait le constat du ralentissement de la création nette d'emplois. Il exprime la crainte que l'objectif de 70 % de taux d'emploi en 2010 ne soit pas atteint, ainsi que celui de 50 % de taux d'emploi des travailleurs âgés.

Le second point faible mis en évidence est l'insuffisance de l'investissement dans la recherche et développement. Seuls deux Etats membres (la Suède et la Finlande) atteignent l'objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche.

Le rapport souligne que l'élargissement va rendre plus difficile la réalisation des objectifs, du fait des performances moindres des nouveaux Etats membres.

Au-delà de ces éléments, il faut constater que l'Union européenne a connu une période de ralentissement économique depuis 2001 et qu'une reprise s'amorce depuis 2004 mais que celle-ci reste limitée. Les performances de l'Union européenne restent inférieures à celles des Etats-Unis, qui ont aussi connu un net ralentissement en 2001 mais ont depuis retrouvé une croissance élevée.

Taux de croissance

 

2000

2001

2002

2003

2004

UE25

3,6 %

1,7 %

1,1 %

0,8 %

2 %

Etats-Unis

3,7 %

0,5 %

2,2 %

3,1 %

4,2 %

Japon

2,8 %

0,4 %

-0,3 %

2,5 %

3,4 %

Taux de chômage

 

2000

2001

2002

2003

2004

UE25

8,8 %

8,5 %

8,8 %

9, 1%

9,1 %

Etats-Unis

4%

4,7%

5,8%

6%

5,5%

Japon

4,7%

5%

5,4%

5,3%

4,8%

Source : Commission européenne et OCDE

c) Les défis

(1) Le vieillissement démographique : un défi majeur pour l'Union européenne

Le principal défi mis en évidence par le groupe de haut niveau est le vieillissement démographique. D'après les projections, la population totale de l'Union européenne devrait diminuer à partir de 2020, ce qui réduira la population active et augmentera la proportion de retraités, menaçant le potentiel de croissance et la soutenabilité des systèmes de protection sociale.

Cette menace n'avait pas été assez soulignée dans les conclusions du Conseil européen de Lisbonne en 2000, qui ne l'évoquaient que comme l'une des raisons justifiant des réformes de la protection sociale. Le rapport Kok va donc dans le bon sens. Il faut souhaiter que cette prise de conscience amène l'Union européenne et les Etats membres à une réflexion plus approfondie sur les moyens de lutter directement contre le vieillissement démographique.

(2) La mondialisation

Les défis externes identifiés dans le rapport Kok sont liés à la mondialisation et concernent la concurrence des Etats-Unis et de l'Asie. Les Etats-Unis bénéficient d'une très large avance dans le domaine des nouvelles technologies. Par ailleurs, la Chine devient compétitive non seulement pour les produits industriels mais aussi pour ceux à haut contenu technologique.

d) Des propositions pour relancer la stratégie

En mettant l'accent sur les résultats décevants de la stratégie, le rapport Kok a permis d'ouvrir une réflexion sur les moyens de la relancer.

A partir du bilan, le groupe de haut niveau a formulé un certain nombre de recommandations en vue de la révision à mi-parcours.

Il ne propose pas de révision des objectifs principaux, ni de report de l'échéance de 2010.

Estimant que les échecs et les retards dans la mise en œuvre de la stratégie s'expliquent en premier lieu par son champ d'action trop vaste, le groupe présidé par M. Wim Kok propose de recentrer la stratégie sur la croissance et l'emploi, tout en rappelant l'engagement envers la cohésion sociale et l'environnement. A cette fin, il recommande de se concentrer désormais sur cinq domaines prioritaires pour lesquels des recommandations-clés sont formulées.

Les propositions du rapport Kok

¬ La société de la connaissance
- Rendre l'Europe plus attrayante pour les chercheurs
- Faire de la recherche-développement une priorité
- Promouvoir l'utilisation des technologies de l'information et de la communication
- Protéger la propriété intellectuelle

¬ Le marché intérieur
- Achever le marché intérieur des marchandises et des capitaux
- Mettre en place un marché unique des services

¬ L'environnement des entreprises
- Améliorer la législation
- Alléger les charges administratives
- Faciliter la création d'entreprises

¬ Le marché du travail
- Appliquer les recommandations de la task force sur l'emploi(4) (augmenter la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises, attirer davantage de personnes sur le marché du travail)
- Elaborer des stratégies pour l'éducation et la formation tout au long de la vie et le vieillissement actif

¬ L'environnement
- Diffuser les éco-innovations et acquérir une position prépondérante dans l'éco-industrie
- Améliorer durablement la productivité grâce à l'éco-efficacité

Les recommandations reprennent le plus souvent des initiatives existantes (par exemple, le Conseil européen de la recherche, le brevet communautaire, la libre circulation des services) sans apporter de réelle nouveauté quant au contenu de la stratégie.

Le rapport Kok traite également des questions de méthode et de mise en œuvre de la stratégie. Il souligne le manque d'engagement et de volonté politique, tant au niveau national qu'européen. Afin de renforcer l'efficacité de la stratégie, il est proposé que les gouvernements des Etats membres présentent des programmes d'action nationaux avant la fin de 2005. Ceux-ci devraient faire l'objet de débats avec les Parlements nationaux et les partenaires sociaux.

Au plan européen, il n'est pas proposé d'abandonner la méthode ouverte de coordination mais le rapport indique que celle-ci devrait être renforcée par la réduction du nombre d'indicateurs utilisés, qui passerait de plus d'une centaine à quatorze. Ces indicateurs permettraient à la Commission d'établir des classements des Etats « soulignant les bonnes performances et stigmatisant les mauvais résultats ».

e) Les réactions des Etats membres au rapport Kok

(1) La réaction des autorités françaises

Le gouvernement français a fait connaître sa position dans un « non-papier » élaboré pour le Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004.

Il se déclare attaché à la préservation des fondements de la stratégie - la priorité accordée à la croissance et à l'emploi, l'équilibre entre les trois piliers économique, social et environnemental, le développement d'une économie de la connaissance et la diversité des moyens d'action (législation et programmes communautaires, coordination contraignante de certaines politiques et méthode ouverte de coordination).

La nécessité d'adapter certains objectifs est soulignée. Il est proposé de mieux prendre en compte les cycles économiques, de stimuler la dynamique démographique, de mettre en place de nouveaux mécanismes harmonisés d'incitation à la recherche et à l'innovation, de renforcer les bases industrielles de l'Union européenne, de favoriser le développement équilibré des territoires et le rapprochement de la fiscalité des entreprises et enfin de mettre en place de nouveaux instruments en faveur d'une croissance durable.

Les autorités françaises souhaitent également que la gouvernance de la stratégie soit améliorée, ce qui implique un renforcement de sa lisibilité et de sa transparence.

(2) Les réactions de nos partenaires

Les réactions émanant de la majeure partie des capitales européennes traduisent une approbation globale des grandes lignes du rapport, ce qui ne signifie pas un accord total avec l'ensemble de ses propositions.

Les seuls gouvernants ayant exprimé leur déception sont :

- les autorités italiennes, qui considèrent que ce document ne reflète que partiellement ce qui leur semble être les orientations prioritaires (dérégulation économique, grands projets d'infrastructures) et envisage une méthode de mise en œuvre trop lourde ;

- les Portugais, qui critiquent son absence d'originalité et réfutent également les propositions de classement des Etats en fonction de leurs résultats ;

- le gouvernement belge, qui estime que le rapport Kok ne maintient pas l'équilibre entre les trois piliers de la stratégie de Lisbonne et que les procédures de mise en œuvre de la stratégie ne sont pas suffisamment renforcées. Ces deux questions sont d'ailleurs celles qui semblent le plus diviser les partenaires européens.

Sur le fond, tous les Etats semblent s'entendre pour ne pas remettre en cause le bien-fondé de la stratégie de Lisbonne, ainsi que l'échéance de 2010. La question qui fait débat a trait aux priorités de la stratégie.

Si la Belgique, le Luxembourg (peut-être en raison de sa fonction de Président du Conseil), le Portugal, la Finlande, la Hongrie, Malte et - surtout - l'Allemagne se prononcent en faveur du maintien d'un équilibre entre les trois piliers de la stratégie, d'autres indiquent clairement qu'ils souhaitent privilégier la croissance (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Estonie). On peut noter à cet égard que les Premiers ministres danois et polonais ont publié, à la veille du Conseil européen de novembre 2004, une contribution commune invitant l'Union à se concentrer sur la croissance, les objectifs sociaux et environnementaux étant perçus comme des conséquences de la compétitivité.

A l'opposé, le nouveau Premier ministre slovène a déclaré qu'un léger retard de croissance de l'Europe par rapport aux Etats-Unis ou à l'Asie pourrait se justifier si la qualité de vie restait supérieure, insistant ainsi sur le volet « développement durable » de la stratégie.

Plusieurs Etats souhaitent que la révision de la stratégie de Lisbonne implique une réflexion au niveau de la discussion des futures perspectives financières (Allemagne, Luxembourg, Hongrie, Slovaquie).

Sur la méthode, la majorité des Etats membres paraissent vouloir refuser l'établissement de classements par la Commission. Néanmoins, cette proposition du rapport Kok reçoit le soutien du Royaume-Uni (du moins s'agissant de l'indicateur relatif aux transpositions des directives) et de la Finlande.

De la même façon, la proposition concernant l'établissement de plans d'action nationaux reçoit un accueil mitigé.

B. Les propositions de la Commission

Face au constat des résultats décevants de la stratégie de Lisbonne, la Commission européenne propose dans sa communication au Conseil européen de printemps, publiée le 2 février 2005 et intitulée « Travaillons ensemble pour la croissance et l'emploi : un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne », une profonde révision des objectifs et de la méthode.

1) Resserrer autour de mesures plutôt que d'indicateurs

Afin de renforcer l'efficacité de la stratégie et de la rendre plus opérationnelle, la Commission souhaite désormais privilégier les actions plutôt que les objectifs et les indicateurs chiffrés. Ceci répond à l'une des critiques que l'on pouvait adresser à la stratégie de Lisbonne, qui se focalisait sur des objectifs ambitieux, en restant floue sur les moyens de les atteindre.

La communication de la Commission du 2 février 2005 fait preuve d'une très grande discrétion à l'égard des indicateurs chiffrés. Seul l'objectif de 3 % du PIB en 2010 pour les dépenses en recherche et développement figure expressément dans ce document. S'agissant des indicateurs relatifs aux taux d'emploi, la Commission se contente désormais de proposer aux Etats de fixer des objectifs nationaux pour 2008 et 2010 (dans leurs programmes d'action nationaux).

Les indicateurs chiffrés ont probablement constitué, ces dernières années, la partie la plus visible de la stratégie de Lisbonne. Retrouvant à certains égards des réflexes dignes de la grande époque de la planification, les Européens ont mis en place un véritable arsenal, avec des cibles finales, intermédiaires, par genre, par âge... Au total, ce sont plus d'une centaine d'indicateurs qui devaient être pris en compte.

Aujourd'hui, cette approche statistique semble fortement mise en cause :

- Par leur nombre même, régulièrement augmenté au fur et à mesure des Conseils européens, les indicateurs ont fait perdre de vue la hiérarchisation des objectifs et la collecte des données a pu s'inscrire dans une routine administrative. Dès 2003, une liste restreinte d'indicateurs a d'ailleurs été élaborée, sans pour autant que les autres indicateurs soient totalement abandonnés.

Liste restreinte des indicateurs structurels

· PIB par tête
· Productivité du travail par salarié
· Taux d'emploi
· Taux d'emploi des femmes
· Taux d'emploi des travailleurs âgés
· Niveau d'instruction
· Dépenses en recherche-développement
· Investissement des entreprises
· Niveaux de prix comparatifs
· Risque de pauvreté
· Taux de chômage de longue durée
· Dispersion des taux d'emploi régionaux
· Emissions de gaz à effet de serre
· Intensité énergétique de l'économie
· Volumes transportés

- La variété des indicateurs suivis implique que chaque pays peut forcément mettre en avant de bonnes performances et faire l'impasse sur ses échecs. D'une façon générale, la spécificité de chaque pays n'est guère reflétée par des indicateurs définis pour l'ensemble de l'Union.

- Sans même évoquer les incertitudes pesant sur certaines données nationales transmises à Eurostat, il est indubitable que les chiffres ne permettent pas d'apprécier les résultats avec une objectivité complète. Ainsi, par exemple, la France figure parmi les meilleurs du classement en ce qui concerne la productivité du travail par tête (en quatrième position, derrière le Luxembourg, l'Irlande et la Belgique). Or, le récent rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus(5) constate :

« La productivité par heure travaillée est élevée en France. Les chiffres sont même flatteurs, puisqu'elle est plus élevée qu'aux Etats-Unis. Ils ne nous permettent pas de pavoiser : une fois corrigée du fait que le taux d'emploi est plus faible en France qu'aux Etats-Unis, et que la durée du travail y est également plus faible, notre performance apparaît alors légèrement inférieure à celle des Etats-Unis ».

- Enfin, l'élargissement à dix nouveaux pays rend difficilement évitable la révision d'indicateurs établis pour quinze Etats ayant généralement de meilleures performances individuelles.

2) Un ensemble de propositions plutôt équilibré

a) La priorité donnée à la croissance et à l'emploi

Le 2 février 2005, le Président de la Commission José Manuel Barroso a déclaré devant le Parlement européen : « Globalement, les objectifs de Lisbonne étaient pertinents, mais l'action engagée pour les atteindre n'était pas satisfaisante. La leçon à tirer de ces cinq années est que nous devons revoir les priorités de cet agenda en vue de parvenir à des résultats ».

La Commission propose un très net resserrement des objectifs autour de la croissance et de l'emploi, considérés comme prioritaires par rapport à la cohésion sociale et à l'environnement. Elle indique que ces deux piliers ne sont pas abandonnés mais estime que la réalisation des objectifs sociaux et environnementaux repose sur la croissance et sur l'emploi.

Elle justifie cette évolution par l'idée que les résultats obtenus en matière de cohésion sociale et de développement durable sont bien meilleurs que ceux concernant la croissance, la compétitivité et l'emploi. Le Président Barroso a utilisé une métaphore très explicite : « Si l'un de mes enfants est malade, je lui accorde toute mon attention, mais cela ne signifie pas que j'aime moins les autres pour autant. »

La nouvelle dénomination de la stratégie proposée par la Commission, le « partenariat pour la croissance et l'emploi », reflète ce recentrage.

Dans le cadre de cette réorientation, il est intéressant de souligner que la Commission considère que l'existence d'infrastructures modernes dans le domaine de l'énergie et des transports est une condition sine qua non pour tirer parti d'une stratégie de Lisbonne revigorée.

Un partenariat européen pour la croissance et l'emploi

Trois domaines prioritaires sont définis, ainsi que dix politiques :

¬ Un endroit plus attrayant pour les investisseurs et les travailleurs
- Développer et approfondir le marché intérieur
- Améliorer les réglementations européennes et nationales
- Assurer des marchés ouverts et compétitifs en Europe et à l'extérieur
- Etendre et améliorer les infrastructures européennes

¬ La connaissance et l'innovation, facteurs de croissance
- Accroître et améliorer l'investissement dans la recherche et développement
- Faciliter l'innovation, l'adoption des TIC et l'utilisation durable des ressources
- Contribuer à la création d'une base industrielle européenne solide

¬ Créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité
- Attirer un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail
- Améliorer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et accroître la flexibilité des marchés du travail
- Investir davantage dans le capital humain par l'amélioration de l'éducation et des compétences

b) D'autres aspects sont abordés

Outre la compétitivité et la croissance, la communication de la Commission aborde différents thèmes, présents dès les origines de la stratégie, comme la connaissance et la formation ou bien plus nouveaux, comme les services publics ou l'industrie.

La principale innovation concernant le contenu de la stratégie est la prise en compte de la dimension industrielle, intégrée au volet « connaissance et innovation ». La Commission se réfère à son projet de réformer les aides d'Etat de soutien à la recherche et à l'innovation, qui devrait surtout concerner les PME. Elle annonce qu'elle soutiendra et favorisera les pôles d'innovation associant la recherche et l'industrie, ainsi que les initiatives technologiques européennes, en s'appuyant sur l'expérience du système de navigation par satellite Galileo.

La Commission innove également en évoquant les questions démographiques dans le volet « emploi ». Elle indique que « l'avenir de l'Europe et celui de la stratégie de Lisbonne sont étroitement liés aux jeunes », ce qui tranche avec les précédentes versions de la stratégie, qui évoquaient de préférence les questions liées aux personnes âgées (notamment sous l'angle de la participation à la population active). La Commission affirme également que l'Union doit mener une réflexion sur les moyens de relever le défi démographique et développer « une approche bien développée de la migration légale ». Un livre vert sur l'immigration économique a été publié en janvier dernier et devrait donner lieu à des propositions fin 2005.

c) Un effort de clarification et de simplification

(1) Une distinction claire des compétences communautaires et étatiques

Les diverses personnalités rencontrées à Bruxelles par les rapporteurs ont insisté sur la volonté de la Commission de préciser les champs de compétences, afin de renforcer l'efficacité de la stratégie mais aussi de justifier l'idée selon laquelle sa mise en œuvre relève essentiellement des Etats membres.

Dans l'un des documents de travail accompagnant sa communication du 2 février 2005(6), la Commission présente un tableau distinguant, pour chacune des dix politiques prioritaires, les mesures relevant de la compétence de l'Union et les actions recommandées aux Etats membres.

(2) Une simplification des processus européens de coordination des politiques économiques et de l'emploi

L'union économique et monétaire a souvent été présentée, depuis Jacques Delors, comme présentant un fort déséquilibre entre la « jambe » monétaire représentée par la Banque centrale européenne (BCE), avec des pouvoirs clairement établis, et la « jambe » économique atrophiée, qui relève surtout de la compétence des Etats membres. L'article 4 du traité instituant la Communauté européenne ne prévoit, en effet, que « l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des Etats membres, sur le marché intérieur et sur la définition d'objectifs communs. » Par ailleurs, depuis le traité de Maastricht, l'article 99, paragraphe 1, dispose que « les Etats membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil. »

L'enjeu de la coordination économique est essentiel, le Président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, M. Pierre Lequiller, soulignait dans un rapport d'information sur la Convention sur l'avenir de l'Europe(7) qu'« aujourd'hui le réveil économique de l'Europe n'est possible que si une véritable coordination des politiques économiques en Europe est mise en œuvre ». Lors de son audition par les rapporteurs, M. Elie Cohen, économiste auteur de plusieurs rapports pour le Conseil d'analyse économique, s'est d'ailleurs déclaré favorable à une communautarisation des politiques budgétaires. Une telle réforme peut se heurter évidemment à de nombreux obstacles d'ordre politique, comme l'ont illustré les travaux préparatoires du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ce traité se contente, pour l'essentiel, d'une remise en forme des dispositions précitées du traité instituant la Communauté européenne (articles
I-15, III-177, III-178 et III-179), même s'il est désormais prévu que la Commission pourra adresser un avertissement à l'Etat membre dont les politiques économiques ne sont pas conformes aux grandes orientations des politiques économiques (GOPE).

(a) Le fatras actuel de la coordination économique

Sans disposer d'une compétence exclusive en matière économique, l'Union européenne a effectivement mis en place, depuis quelques années, plusieurs mécanismes de coordination concernant à la fois les politiques macro-économiques, l'emploi et les politiques structurelles, largement fondés sur le dialogue et la recherche du consensus.



Les processus européens de coordination des politiques économiques


1. La coordination des politiques macroéconomiques : les Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE)


Le dispositif des Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE) a été introduit par le traité de Maastricht. Le Conseil élabore annuellement un projet à la majorité, sur la base d'une recommandation de la Commission (qui élabore également un rapport sur l'effectivité des précédentes grandes orientations). Le Conseil européen examine ensuite ce projet. Sur la base des conclusions du Conseil européen, le Conseil statuant à la majorité qualifiée fixe définitivement les GOPE. Le Conseil en informe ensuite le Parlement européen.

Le traité ne précise pas quel doit être le contenu des GOPE ; l'article 98 mentionne seulement les principes d'« économie de marché ouverte » et de « concurrence libre ». Dans les faits, l'objectif assigné aux GOPE est d'atteindre une croissance non-inflationniste à forte création d'emplois, grâce à un mélange de bonnes politiques macro-économiques et de réformes structurelles.

2. Les politiques de l'emploi : le processus de Luxembourg


Le traité d'Amsterdam, s'il a laissé la responsabilité des politiques d'emploi aux Etats membres, a étendu l'objectif de convergence des politiques économiques aux politiques de l'emploi. Ainsi, d'après les articles 125 et 126, « les Etats membres [élaborent] une stratégie coordonnée pour l'emploi », afin de promouvoir « une main d'œuvre qualifiée, formée et susceptible de s'adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie ».

L'article 128 du traité définit concrètement comment cette coordination des politiques de l'emploi doit être mise en œuvre :

· chaque année, le Conseil, à la majorité qualifiée, établit des « lignes directrices », après consultation du Parlement européen ;
· les Etats membres tiennent compte de ces lignes directrices pour déterminer leurs politiques nationales, et transmettent chaque année leurs Plans d'action nationaux (PAN) ;
· le Conseil procède, sur la base de ces PAN, à l'examen des politiques nationales pour l'emploi à la lumière des lignes directrices ;
· le Conseil peut, à la majorité qualifiée, adresser des recommandations non contraignantes aux Etats membres (même procédure que pour les GOPE).
Ce processus fait par ailleurs l'objet d'un dialogue social au niveau européen grâce au comité permanent pour l'emploi, qui regroupe les partenaires sociaux et les ministres de l'emploi.

3. Les politiques structurelles : le processus de Cardiff et la stratégie pour le marché intérieur


Ce processus, initié au Conseil européen de Cardiff de juin 1998, vise à accélérer les réformes structurelles, par la pression des pairs et l'échange des bonnes pratiques.

Les Etats membres doivent remettre chaque année un rapport sur l'amélioration du fonctionnement des marchés des biens, des services et des capitaux. Une fois soumis à l'examen des autres Etats membres, ces rapports donnent lieu à une synthèse faite par le Comité de politique économique, puis la Commission européenne rédige des rapports d'ensemble sur le fonctionnement des marchés. Ils sont soumis à l'approbation du Conseil.

Parallèlement au processus de Cardiff, a été initié en 1999 (Conseil européen d'Helsinki) la « stratégie pour le marché intérieur ». La Commission définit (a priori tous les cinq ans) les priorités en matière de mise en œuvre du marché intérieur, après consultations du Parlement européen, des Etats membres et des représentants des différents acteurs économiques. Les priorités définies dans cette stratégie sont plus particulièrement étudiées dans le cadre du processus de Cardiff.

Le simple énoncé de ces divers processus suffit à apprécier la lourdeur et la complexité de ces mécanismes de coordination. Des efforts de mise en cohérence ont déjà été engagés : depuis le Conseil européen d'Helsinki de décembre 1999, les GOPE occupent un rôle central en servant de « réceptacle » des processus de Cardiff et de Luxembourg ; la Commission européenne a adopté une communication le 3 septembre 2002 relative à la rationalisation des cycles annuels de coordination de la politique économique.

Il est certain, cependant, que la Commission doit de nouveau intervenir pour réorganiser un dispositif qui « produit trop de papier, mais peu d'action ». La publication de plus de 300 rapports par an transforme l'Union en un « bureau d'études non appliquées » selon l'expression même de l'actuel Président du Conseil, M. Jean-Claude Juncker.

La communication de la Commission de 2 février 2005 et, surtout, son document d'accompagnement, intitulé « Créer la croissance et l'emploi : un nouveau cycle de coordination intégrée de l'emploi et de l'économie »(8), semblent prendre en compte cette préoccupation en proposant une « approche intégrée ».

(b) Une « approche intégrée » souhaitable

La réforme envisagée par la Commission va manifestement dans la bonne direction, en proposant d'alléger le nombre et la présentation des rapports et de préciser le cycle temporel de coordination.

(i) L'allégement du nombre et de la présentation des rapports

La principale initiative annoncée vise à fusionner les GOPE et les lignes directrices pour l'emploi dans un « ensemble intégré d'orientations », qui servirait aux Etats membres pour établir un programme d'action national unique.

Il est aussi proposé que ces programmes nationaux sur la stratégie de Lisbonne soient présentés dans un format normalisé comportant trois parties : la première partie traiterait des mesures macro-économiques et budgétaires (nécessaires pour créer des conditions macro-économiques saines), la deuxième serait consacrée aux politiques du marché du travail et la troisième porterait sur les questions liées aux réformes micro-économiques ou structurelles (s'agissant de ce dernier point, il est indiqué que les Etats pourront s'appuyer dans une large mesure sur les rapports existants dans le cadre du processus de Cardiff). Les programmes devraient rester des instruments suffisamment flexibles pour permettre aux Etats membres de les adapter à leurs besoins spécifiques.

La rationalisation introduite par la proposition de la Commission apparaît plus visiblement dans ces deux schémas annexés à sa communication, d'où il ressort qu'il ne devrait plus exister désormais qu'un seul rapport annuel sur Lisbonne pour l'Union européenne et un seul rapport annuel pour chaque Etat membre.

Processus actuel de coordination de Lisbonne

Orientations politiques

 

Lignes directrices

 

Politiques

 

Rapports intérimaires

 

Rapports de synthèse

 

Evaluation de Lisbonne

                     

Conclusions des Conseils européens de printemps

2000

2001

2002

2003

2004

 

GOPE

LDE

 

programmes nationaux de réforme (Agenda 2010)

 

Rapports de Cardiff

 

Rapport annuel sur les réformes structurelles

 

Rapport de printemps de la Commission

         
               
   

Plans d'action pour l'emploi

     

Rapport conjoint pour l'emploi

 
               
   

Programmes de stabilité & de convergence

     

Rapport de mise en œuvre des GOPE

 
                   
     

Plan d'action national

 

Rapport national

 

Synthèse

   
             
                   
     

- inclusion sociale

- retraites

 

MOC

 

- inclusion sociale

- retraites

- Charte européenne

   
             
                 
                   
         

- retraites

- charte européenne

 

- Tableau de bord de l'innovation

- Tableau de bord politique d'entreprise

   
               
                   
 

Stratégie pour le marché intérieur

     

Rapport de mise en œuvre de la stratégie pour le marché intérieur

     

Rapport de printemps de la Commission

                 
         

Tableau de bord du marché intérieur

 

Rapport sur la compétitivité

 

Proposition de processus de coordination simplifié

Orientations politiques

 

Lignes directrices

 

Politiques

 

Rapports intérimaires

 

Rapports de synthèse

 

Evaluation de Lisbonne

                     

Partenariat pour l'emploi et la croissance

 

GOPE

LDE

 

Programmes nationaux sur Lisbonne

 

Rapport intérimaire annuel de l'UE/

Rapport stratégique de l'UE

     
     
     
     
             
 

Programme communautaire sur la stratégie de Lisbonne

     
       
       
       

(ii) La synchronisation des calendriers de coordination

L'adoption en 2005 d'un document unique rassemblant les GOPE et les lignes directrices pour l'emploi constituerait, selon la Commission, le début d'un cycle de coordination triennal (2005-2008), à l'issue duquel une évaluation « approfondie » de l'application de la stratégie de Lisbonne serait effectuée. A ce stade, il pourrait être jugé nécessaire de réexaminer le processus de planification et de présentation des rapports, afin d'évaluer s'il y a lieu de poursuivre la rationalisation.

Selon le schéma élaboré par la Commission, le nouveau cycle de coordination pourrait suivre le calendrier suivant :

Nouveau cycle de coordination

Proposition pour l'année t (des dispositifs transitoires sont prévus pour 2006 et 2007)

Hiver

Printemps

Eté

Automne

Hiver

JANVIER

FEVRIER/MARS

AVRIL

     

Rapport intérimaire annuel de l'UE en t, fondé sur les programmes nationaux sur Lisbonne de l'année t-1

Proposition de la Commission pour un paquet de lignes directrices intégrées (LDE et GOPE)

Contribution des formations du Conseil sur l'intégration des lignes directrices

Conseil européen de printemps

Adoption des lignes directrices intégrées

Le Conseil adopte les lignes directrices intégrées ; ECOFIN adopte les GOPE ; EPSSC adopte les LDE

Programmes nationaux sur Lisbonne (rétrospectifs/prospectifs)

Programmes de stabilité et de convergence soumis séparément

La Commission évalue la mise en œuvre

Le projet de la Commission écarte toute référence à l'échéance 2010, retenue par le Conseil de Lisbonne en 2000. Le rapport Kok considérait qu'il ne fallait pas repousser ce point de mire, afin d'insister sur la nécessité d'une action urgente, mais reconnaissait que la stratégie de Lisbonne devant être perçue comme un processus permanent, ne prenant pas fin à une date précise et devant constamment faire l'objet de renouvellements, de réévaluations et de nouveaux engagements.

Même si en 2005, un an après le plus important élargissement de l'Union européenne, l'échéance 2010 semble peu crédible, il pourrait être opportun d'afficher des dates butoirs, autres que celle de la fin du cycle de coordination triennal (2008) ou de préciser que ce cycle sera répétitif.

(3) Une répartition plus précise des responsabilités de chaque institution communautaire

La Commission devra aider les Etats membres à élaborer leur programme d'action national. Elle évaluera les objectifs et les mesures prises par ces Etats dans son propre rapport annuel stratégique. En outre, elle fera usage des pouvoirs qui lui sont conférés par le traité pour s'assurer de la transposition correcte de la législation et vérifier que les engagements de Lisbonne sont tenus (à cet égard, il convient de rappeler que le traité établissant une Constitution pour l'Europe donne compétence à la Commission pour adresser un avertissement à un Etat ne respectant pas les GOPE).

Le Conseil européen continuera à assumer la responsabilité générale du pilotage du processus, à l'occasion de sa réunion du printemps.

Le Parlement européen participera également au processus en émettant un avis sur le rapport stratégique annuel qui sera « pris en considération » par le Conseil. Les Présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission se réuniront à intervalles réguliers pour examiner l'avancée des objectifs de Lisbonne dans le processus législatif. Enfin, la Commission informera régulièrement le Parlement européen sur son analyse des progrès enregistrés et sur les mesures adoptées par les Etats membres.

La concrétisation des objectifs de la stratégie repose effectivement, en dernière analyse, sur l'échelon national.

d) La volonté d'impliquer les Etats et, au-delà, les autres acteurs

L'une des principales faiblesses de la stratégie de Lisbonne est l'insuffisance de son appropriation par les Etats membres.

La Commission propose la mise en place de plans d'action nationaux (PAN), qui devraient constituer le principal instrument d'appropriation de la stratégie par les Etats, avec la désignation au sein de chaque gouvernement d'un M. ou d'une Mme Lisbonne. Elle rappelle en même temps qu'un tel engagement ne pourra réussir sans la participation effective de toutes les forces politique, économique et sociale de chaque Etat.

(1) Un M. ou une Mme Lisbonne

Conformément aux préconisations du rapport Kok et aux propositions de la Slovénie, la communication de la Commission demande à chaque Etat de désigner, au niveau du gouvernement, un responsable chargé de coordonner les différents éléments de la stratégie et de présenter le programme national.

S'agissant de la France, une telle obligation devrait permettre de clarifier les responsabilités dans un pays où trois ministres sont compétents pour siéger au Conseil « Compétitivité ».

On peut regretter, d'ailleurs, qu'une telle identification de la stratégie à une personne ne soit pas expressément réalisée au niveau communautaire : même si le Président Barroso préside le groupe de Commissaires chargés de la stratégie, le rôle exact du Commissaire à l'entreprise et à l'industrie, M. Günter Verheugen, demeure difficile à déterminer.

(2) Un programme d'action national

Dans le cadre de la rationalisation du processus de Lisbonne, les Etats n'auraient plus qu'un document unique à établir, évitant à certaines administrations d'épuiser toutes leurs forces dans la rédaction de dizaines de rapports sans retombées concrètes.

En contrepartie de cet allégement des tâches bureaucratiques, il est attendu une concentration des efforts sur le PAN, qui deviendrait l'instrument de référence en matière économique et d'emploi.

Ce programme devra faire état des résultats obtenus et comporter des engagements au regard des objectifs de la réforme, adaptés aux conditions prévalant dans l'Etat concerné.

La communication de la Commission n'impose donc plus des objectifs similaires pour tous les Etats membres. Par ailleurs, tout en étant très discrète sur l'utilisation d'indicateurs chiffrés, elle ne fait aucune allusion à un éventuel classement des performances constatées.

(a) Des objectifs adaptés à la situation de chaque pays

Il s'agit de l'une des principales nouveautés proposées pour la remise à plat de la stratégie de Lisbonne.

Dès lors, compte tenu des situations initiales diverses, il est normal que le PAN puisse être adapté aux besoins spécifiques de chaque pays. Prenant en compte la logique de la subsidiarité, qui régit en grande partie l'action économique et sociale, la Commission souligne même que « les orientations et lignes directrices laisseront aux Etats membres suffisamment de marge de manœuvre pour faire face à des obligations spécifiquement nationales ».

On peut penser néanmoins que la Commission veillera particulièrement, dans son rapport annuel sur la stratégie, à contrôler que chaque PAN s'attache aux points faibles relevés précédemment par les organes communautaires.

Dans le cas de la France, par exemple, il serait donc accordé une attention spéciale aux actions suivantes, qui sont présentées comme des faiblesses dans le rapport pour le Conseil du printemps 2004 :

- déficit excessif depuis plusieurs années, avec des dérapages répétés sur le plan des dépenses par rapport à ce que prévoit le Pacte de stabilité ; viabilité à long terme des finances publiques non assurée ;

- réformes du marché du travail risquant d'être insuffisantes à ce stade ;

- ouverture des marchés du gaz et de l'électricité demeurant faible ;

- déficit de transposition le plus important en ce qui concerne les directives « marché intérieur », combiné à un nombre élevé de cas d'infractions.

Pour autant, la marge de manœuvre accordée désormais à chaque Etat devrait conduire la Commission à apprécier les résultats obtenus au regard des priorités nationales. Un déficit des finances publiques résultant d'un effort important en faveur de la recherche et de l'éducation pourrait ainsi être plus admissible par Bruxelles. Or, un tel effort est vivement recommandé par les récents rapports de MM. Camdessus(9), Aghion et Cohen(10) ou Herbillon(11).

(b) L'abandon de la méthode ouverte de coordination

Vue de Bruxelles, la méthode ouverte de coordination (MOC) « n'a pas tenu ses promesses » (rapport Kok). Le responsable du Cabinet de M. Barroso, auditionné par les rapporteurs, avait indiqué que la Commission porterait sur cette méthode introduite en 2000 un « regard critique ».

Dès lors, la communication de la Commission renonce à la MOC (comme l'illustrent parfaitement les schémas sur le processus de coordination de Lisbonne, reproduits précédemment, où la MOC disparaît dans le schéma retraçant le processus simplifié).

La Commission préfère mettre l'accent désormais davantage sur un « dialogue bilatéral approfondi » entre elle-même et les Etats membres touchant au plan d'action national.

(c) Un renoncement à toute idée de classement des Etats

Après la publication du bilan à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne dressé par le rapport Kok, les réactions des gouvernements européens se sont focalisées sur deux débats : le maintien des trois piliers de la stratégie et le classement des Etats en fonction de leurs performances.

Adoptant les accents d'un prédicateur, le rapport Kok recommandait à la Commission de « présenter, de la manière la plus publique possible, un classement annuel des progrès accomplis par les Etats membres sur la voie de la réalisation des quatorze indicateurs et objectifs clés de Lisbonne. Les pays qui ont obtenu de bons résultats devront être félicités, tandis que ceux dont les performances sont médiocres devraient être blâmés (ou même « stigmatisés ») ».

A l'exception du Royaume-Uni et de quelques pays nordiques, cette approche contraignante de la « pression par les pairs » résultant du benchmarking a rencontré de fortes résistances dans la plupart des Etats membres.

La Commission a manifestement tenu compte de ces réticences. Aucune référence à un quelconque classement des Etats ne figure dans sa communication ou dans les documents d'accompagnement. Seuls un « suivi des progrès » et des « encouragements » sont mentionnés.

(3) Une mobilisation de toutes les forces politique, économique et sociale

La Commission indique, à juste raison, que « tous ceux qui ont un intérêt au succès de l'Europe - les parlements nationaux, les régions, les communautés urbaines et rurales ainsi que la société civile - doivent participer » à la réalisation de la stratégie de Lisbonne.

(a) L'implication des parlements nationaux

On a pu considérer(12) que, jusqu'à présent, le Parlement européen était « le grand absent de la stratégie ». La communication de la Commission souhaite remédier à cela en prévoyant que le Parlement européen émettra un avis sur le rapport stratégique annuel qui « sera pris en considération par le Conseil ». S'il ne s'agit que d'une compétence consultative, on peut néanmoins apprécier la volonté de renforcer la dimension parlementaire du processus de Lisbonne.

La Commission européenne suggère que les Etats membres s'engagent à soumettre le programme d'action national à un débat au sein de leur parlement avant que le gouvernement n'adopte ce programme.

(b) L'implication des partenaires sociaux

Au niveau communautaire, la Commission invite les partenaires sociaux à élaborer, avant la réunion du Conseil européen du printemps 2005, un « programme d'action conjoint sur la stratégie de Lisbonne » exposant leur contribution à la réalisation des objectifs de la stratégie. En outre, le sommet tripartite régulier devrait être consacré à l'évaluation des progrès réalisés et à des échanges de bonnes pratiques.

Avec le diagnostic dressé par le rapport de Wim Kok et les récentes propositions de la Commission européenne, la révision à mi-parcours est maintenant en chantier.

Au Parlement européen, un groupe de coordination sur le suivi de la stratégie a été créé par la Conférence des Présidents le 16 novembre 2004. Présidé par M. Joseph Daul (membre du groupe du Parti Populaire Européen), il est chargé de coordonner le travail des commissions et de préparer une recommandation pour la résolution que le Parlement adoptera avant le Conseil européen de printemps. Un forum parlementaire associant des parlementaires européens et des parlementaires de chacune des chambres des Etats membres aura lieu les 16 et 17 mars 2005.

Le Conseil européen qui adoptera des conclusions sur la révision à mi-parcours se tiendra les 22 et 23 mars 2005.

III. UNE STRATEGIE QUI DOIT ETRE RENFORCEE ET PRECISEE

Si les propositions de la Commission ont le mérite de prévoir une révision tant du contenu de la stratégie que de sa méthode, afin d'en renforcer l'efficacité, certains aspects exigent une réflexion plus approfondie.

A. Dans ses ambitions

Il serait regrettable que la réduction du nombre d'objectifs de la stratégie se fasse au détriment de son ambition globale. En particulier, il importe de conserver l'engagement en faveur de la cohésion sociale et du développement durable, ainsi que d'affirmer avec force la nécessité d'une solide politique industrielle et d'une large initiative en faveur de la jeunesse.

1) La nécessité d'une stratégie industrielle européenne doit être affirmée

L'industrie joue un rôle fondamental dans la croissance de l'Union européenne. Elle représente 25% de la production nette réelle sur le marché intérieur, et a aussi un poids très important en termes d'emplois (45 millions d'emplois dans l'Union européenne à quinze en 2003). Elle est de plus étroitement liée aux services et contribue à leur développement. Enfin, elle génère un excédent commercial élevé avec les pays tiers (55 milliards d'euros en 2000).

a) La prise en compte de la dimension industrielle par la Commission est le signe d'un évolution positive

Alors qu'en 2000, la stratégie de Lisbonne mettait très fortement l'accent sur les technologies de l'information et de la communication, ce qui peut sans doute s'expliquer par l'essor qu'elles ont connu à cette période, elle négligeait la dimension industrielle de l'économie européenne. Le rapport Kok n'y fait d'ailleurs pas référence.

La politique industrielle a en effet longtemps été un sujet tabou pour l'Union européenne car elle était considérée comme incompatible avec la politique de concurrence. Un article relatif à la compétitivité de l'industrie, l'article 157, a cependant été introduit dans le traité instituant la Communauté européenne par le traité de Maastricht en 1992. En décembre 2002 et avril 2004, la Commission a publié des communications sur la politique industrielle, cherchant à en définir les grandes lignes. Elle y affirme l'importance de l'industrie dans l'économie européenne et souligne les mutations structurelles qui l'affectent. Elle propose trois axes afin d'accompagner ces mutations et de renforcer la compétitivité : l'amélioration du cadre réglementaire, le développement des synergies entre les politiques communautaires et le développement de la dimension sectorielle.

Au plan de la méthode, la mise en œuvre d'une politique industrielle de l'Union européenne est difficile car elle est transversale et implique de nombreuses politiques (concurrence, marché intérieur, recherche, formation).

La meilleure prise en compte de l'industrie par la Commission européenne a été confirmée par le commissaire à l'industrie et aux entreprises, Günter Verheugen, dans une interview au journal Le Monde parue le 6 janvier 2005, dans laquelle il déclarait être favorable à « l'apparition de champions européens ».

Elle est aussi reflétée dans la position actuelle de la Commission sur la proposition de directive REACH (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques), qui a suscité une grande inquiétude dans l'industrie chimique, en raison des coûts que sa mise en œuvre pourrait impliquer. La Commission affiche à présent la volonté de parvenir à une solution permettant un équilibre entre la compétitivité de l'industrie chimique et la protection de la santé et de l'environnement.

Si l'on peut se réjouir de la proposition d'intégration dans la stratégie de Lisbonne d'un objectif concernant la création d'une base industrielle solide, il conviendrait cependant de renforcer ce volet et de mettre l'accent sur deux priorités : la nécessité d'une approche stratégique et celle d'une meilleure défense de nos intérêts industriels dans nos relations commerciales avec les pays tiers.

b) La nécessité d'une stratégie industrielle

Si la notion de politique industrielle a toujours été controversée au sein de l'Union, parce qu'elle sous-entend, aux yeux de certains de nos partenaires, une intervention trop précise des pouvoirs publics, celle de la stratégie industrielle mériterait par contre d'être plus clairement affirmée.

D'abord, parce que tous nos grands concurrents, y compris les Etats-Unis, développent de manière explicite ou implicite, une telle stratégie.

Mais aussi parce que l'Union européenne est en mesure, aujourd'hui, de mettre en œuvre un ensemble d'instruments aptes à soutenir une telle stratégie.

Elle a, depuis de longues années, dans les domaines de l'aéronautique (Airbus), de l'espace (Ariane, Galileo), et du nucléaire (Jet, et demain Iter), dans un cadre communautaire ou intergouvernemental, de grands projets qui, au-delà de leur finalité spécifique, permettent d'irriguer une infinité d'acteurs et de secteurs de la recherche et de l'industrie. Les récentes propositions du groupe de travail présidé par Jean-Louis Beffa, tendant à focaliser tout un ensemble d'acteurs et de moyens sur dix technologies du futur(13), pourraient, si elles étaient transposées au niveau de l'Union, compléter cette démarche.

La mise en place de l'Agence européenne d'armement, inscrite dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe, peut également permettre à l'Europe de disposer d'un outil comparable aux grandes agences américaines.

De même, la préparation du futur programme-cadre de recherche-développement (7e PCRD) si elle doit privilégier la recherche fondamentale, doit également favoriser les instruments et procédures les mieux capables de diffuser les connaissances et les technologies. Il en va ainsi de la constitution de pôles d'excellence, proches à bien des égards du nouveau concept français de pôles de compétitivité. Il en va ainsi également de l'appel à projets, notamment dans le cadre du futur Conseil européen de la recherche. Dans des secteurs tels que les biotechnologies, les nanotechnologies ou les nouvelles technologies de l'information, où la frontière entre recherche fondamentale et applications tend de plus en plus à se réduire et où la réactivité aux projets portés par les équipes de chercheurs est essentielle, la mise en place d'une telle démarche est indispensable si nous ne voulons pas que l'Europe soit distancée.

De même encore, nous y reviendrons, une nouvelle génération de fonds structurels applicable à l'ensemble de l'Union et privilégiant dans le cadre régional, la formation, l'innovation et la diffusion des technologies numériques, devra contribuer à mobiliser l'ensemble des acteurs.

On ne saurait enfin négliger l'importance d'une politique énergétique volontaire et cohérente pour l'avenir des industries européennes. Alors que la plupart des grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine) font de l'énergie l'un des éléments majeur de leur développement, l'Europe est restée jusqu'ici trop en retrait sur cet enjeu.

c) Une meilleure défense des intérêts industriels de l'Union dans les négociations commerciales

L'accès des produits industriels européens au marché mondial est un enjeu important, l'industrie de l'Union ayant une vocation exportatrice.

Il s'agit de l'un des dossiers en négociation dans le cadre du cycle de Doha. L'accord cadre obtenu à Genève le 1er août 2004 n'est à cet égard pas totalement satisfaisant. L'obtention d'une formule non linéaire de réduction des droits de douane, permettant une réduction plus importante des tarifs les plus élevés, pratiqués par les pays émergents, est un point positif. Cependant, les flexibilités accordées aux pays en développement risquent de limiter la portée de l'accord.

Une baisse importante des tarifs élevés pratiqués par les pays émergents serait d'autant plus justifiée que ces derniers, et en premier lieu la Chine, bénéficient fortement de la suppression des quotas sur le commerce mondial du textile depuis le 1er janvier 2005.

2) La cohésion sociale doit rester un élément fort de la stratégie

Le resserrement des objectifs de la stratégie de Lisbonne proposé par la Commission autour de la croissance et de l'emploi peut faire craindre un certain abandon de son volet social, pourtant présent depuis 2000. L'objectif alors fixé était de moderniser le modèle social européen, ce qui couvrait trois domaines : l'emploi, la protection sociale et l'intégration sociale. Le modèle social européen a été défini par le Conseil européen de Barcelone en mars 2002 : « Le modèle social européen est fondé sur une économie performante, un niveau élevé de protection sociale, l'éducation et le dialogue social ».

L'Agenda social européen pour 2000-2005 a été élaboré dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, afin de remplir l'objectif de modernisation du modèle social européen.

On doit donc se féliciter que le réexamen de l'Agenda social intervienne parallèlement au réexamen de la stratégie de Lisbonne, les deux sujets devant être à l'ordre du jour du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005.

Dans le domaine social, les propositions de la Commission dans sa communication du 2 février 2005 se concentrent sur l'emploi et la réforme de la protection sociale (systèmes de retraites et de soins). La cohésion sociale n'est pas traitée de façon autonome : elle n'est évoquée que comme une conséquence de l'augmentation du taux d'emploi. Pourtant, elle devrait rester une priorité de la stratégie. Le rapport conjoint sur la protection sociale et l'inclusion sociale, publié le 27 janvier 2005, indique que plus de 68 millions de personnes au total, soit 15% de la population de l'Union européenne, restent exposées au risque de pauvreté en 2002, les chômeurs, les sans domicile et les femmes (mères célibataires et personnes âgées vivant seules) demeurant les catégories les plus vulnérables.

La question du lien qui unira le futur agenda pour la période 2006-2010 et la stratégie redéfinie peut se poser. Dans sa communication sur l'agenda social, publiée le 9 février 2005, la Commission affirme qu'elle « souscrit totalement à la modernisation et au développement du modèle social européen ainsi qu'à la promotion de la cohésion sociale en tant que partie intégrante à la fois de la stratégie de Lisbonne et de la stratégie en faveur du développement durable ». L'Agenda social « complète et appuie l'examen à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne ».

La communication sur l'Agenda social réaffirme un certain nombre d'ambitions de caractère général, en premier lieu le plein emploi et un haut niveau de taux d'emploi. Elle exprime aussi la volonté de mieux traiter certaines priorités, comme les restructurations, l'approche intergénérationnelle et l'initiative européenne pour la jeunesse, l'égalité des chances. Il conviendra néanmoins de lever certaines ambiguïtés et d'approfondir un certain nombre de problèmes : mieux affirmer les objectifs de cohésion sociale et d'intégration, clarifier le sens des initiatives sur les services sociaux d'intérêt général, avoir une approche pragmatique sur l'immigration économique.

Le Conseil économique et social, dans sa communication sur le processus de Lisbonne en préparation du sommet de printemps 2005(14), estime à juste titre qu'il convient de conforter le modèle social européen et de favoriser son rayonnement : « La notion de modèle social européen apparue dans les conclusions du Sommet de Lisbonne, et qui vise à favoriser, dans un cadre démocratique, l'équilibre entre, d'un côté les dynamiques nécessaires à la création compétitive de richesse, et de l'autre, la cohésion de la société, notamment grâce à des formes originales de solidarité, de redistribution, ainsi que des services d'intérêt général, mériterait d'être mieux connue ».

Comme l'a souligné le groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une Union élargie, dans son rapport publié en mai 2004, il est nécessaire de maintenir l'équilibre entre la politique économique et la politique sociale que la stratégie de Lisbonne a tenté d'établir. Cet équilibre est très certainement une condition de la mobilisation des citoyens en faveur de la stratégie et, plus généralement, du projet européen.

3) La protection de l'environnement n'est pas nécessairement un frein à la compétitivité

On peut rappeler, à ce stade, que le volet « environnement », absent des conclusions du Conseil européen de Lisbonne en 2000, a été ajouté à la stratégie lors du Conseil européen de Göteborg en 2001. Cette dimension n'est cependant pas très développée. Ainsi, les propositions du rapport Kok concernant l'environnement se limitent aux éco-innovations, qui ont certes un impact sur la compétitivité mais sur lesquelles ne peut reposer entièrement l'action de l'Union européenne en matière d'environnement dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.

Les auteurs du rapport du Conseil d'analyse économique « Politiques environnementales et compétitivité », Dominique Bureau et Michel Mougeot, font ressortir qu'a priori, malgré les craintes souvent exprimées que les politiques environnementales ne handicapent la compétitivité, il n'existe pas de contradiction entre les deux. Des Etats comme la Finlande et la Suède combinent croissance économique et bonnes performances en matière de protection de l'environnement.

Les grands défis environnementaux comme le réchauffement climatique ont des conséquences directes sur les objectifs de croissance de la stratégie de Lisbonne. Il est donc essentiel de réaliser des progrès vers les objectifs du protocole de Kyoto et de parvenir à des politiques harmonisées au niveau mondial, car l'absence d'engagement des Etats-Unis en limite considérablement l'efficacité.

Afin de mieux concilier développement durable et compétitivité, il conviendrait de recourir plus fréquemment à la fiscalité et aux marchés de droits, plus neutres économiquement que les instruments réglementaires, qui peuvent être très coûteux. Quand le recours à la réglementation est nécessaire, il faut veiller à sa qualité.

Le Conseil européen de Göteborg a adopté en 2001 une stratégie européenne de développement durable, qui s'articule avec la stratégie de Lisbonne. A mi-parcours, celle-ci doit être révisée, ce qui pourrait être l'occasion de la clarifier car elle est encore trop dispersée. La Commission a lancé une consultation au deuxième semestre 2004 et a fait connaître ses premières propositions dans une communication publiée le 9 février 2005(15). Celles-ci seront discutées lors du Conseil européen de printemps, avant l'adoption d'une révision prévue pour fin 2005.

La Commission précise que la stratégie de développement durable et la stratégie de Lisbonne poursuivent le même but et qu'elles se renforcent mutuellement mais qu'elles mettent l'accent sur des actions différentes et suivent des calendriers différents.

Le resserrement des priorités de la stratégie de Lisbonne proposé par la Commission - qui n'intègre dans sa communication que « l'utilisation durable des ressources » dans le volet « connaissance et innovation » - et l'absence de coïncidence entre les calendriers de révision peuvent amener à s'interroger sur les liens qui uniront désormais les deux stratégies, qu'il serait regrettable de dissocier.

En tout état de cause, il convient de s'interroger sur une recherche de la croissance pour la croissance. A partir d'un certain seuil, un taux de croissance inférieur à celui réalisé par un partenaire économique peut s'accompagner d'une qualité de vie supérieure pour les populations. Dans une telle approche le volet « développement durable » de la stratégie révèle toute son importance.

4) L'initiative pour la jeunesse doit se traduire dans les conclusions du Conseil européen de printemps

a) Une proposition faite par la France, l'Allemagne, la Suède et l'Espagne

La stratégie de Lisbonne n'aborde pas les questions relatives à la jeunesse. Avant le Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, au cours duquel ont été discutées les conclusions du rapport Kok, les chefs d'Etat ou de gouvernement de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne et de la Suède ont adressé au Président du Conseil européen une lettre commune demandant à ce que l'Union européenne s'engage en faveur de la jeunesse, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Ils ont souhaité la création d'un « Pacte européen pour la jeunesse », afin de répondre aux défis du chômage des jeunes, qui s'élève à 18,2% - soit deux fois plus que le taux de chômage global - et du vieillissement démographique.

b) Une dimension transversale

Ce pacte pour la jeunesse devra être transversal, parce qu'il convient d'éviter de multiplier les instruments de la stratégie, mais surtout parce que la prise en compte de la jeunesse doit se traduire dans de nombreuses politiques : l'emploi, la cohésion sociale, l'éducation et la formation, la politique démographique et familiale.

En matière d'emploi des jeunes, il serait souhaitable qu'un objectif soit intégré à la stratégie de Lisbonne, jusqu'ici plus centrée sur l'emploi des travailleurs âgés. Cet objectif devrait concerner la réduction du taux de chômage plutôt que l'augmentation du taux d'emploi. La faiblesse du taux d'emploi peut en effet s'expliquer par l'allongement de la durée des études, qui n'est pas en soi négative, si les jeunes arrivent ensuite à trouver un emploi correspondant à leurs compétences. La lutte contre le chômage des jeunes a des implications sur les politiques d'éducation et de formation, qui doivent notamment permettre le développement de passerelles entre emploi et formation.

Il convient également de mettre en œuvre des politiques visant à lutter contre le vieillissement démographique. La démographie est un élément fondamental du dynamisme et de la croissance. Si la stratégie de Lisbonne part notamment du constat du défi démographique, elle ne comporte pas de propositions sur les moyens d'y remédier.

Le rapport de printemps de la Commission fait référence à la politique migratoire. Le suivi du Livre vert sur l'immigration économique, publié en janvier 2005, qui devrait déboucher sur un plan sur l'immigration légale, revêt une grande importance.

La politique familiale est un second levier. Les couples européens doivent avoir la possibilité d'avoir le nombre d'enfants qu'ils désirent. Le rapport du groupe de haut niveau sur l'avenir de la politique sociale souligne l'écart entre le nombre d'enfants désiré et le nombre d'enfants qu'ont réellement les couples : 2,3 enfants contre 1,5. Différentes politiques pourraient concourir à la réduction de cet écart : celles visant à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, le développement des modes de garde, la politique du logement.

Certes, les situations des Etats sont différentes et les politiques à mettre en œuvre relèvent de leurs compétences, mais il est souhaitable que l'Union européenne donne une impulsion forte dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. L'annonce par la Commission dans sa communication sur l'agenda social de la préparation d'un Livre vert sur la dimension intergénérationnelle est un point très positif. L'intégration d'un indicateur démographique dans la liste restreinte et l'échange de bonnes pratiques seraient particulièrement profitables dans ce domaine.

c) Un engagement fort que le Conseil européen devrait affirmer

La communication de la Commission tout comme l'Agenda social font référence à « l'initiative européenne en faveur de la jeunesse ». Elles soulignent les mesures concernant la jeunesse dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et de la recherche. Il est précisé que les mesures concernant l'emploi des jeunes seront intégrées à la stratégie européenne pour l'emploi et bénéficieront de financements par le Fonds social européen (FSE).

Les quatre Etats à l'origine de l'initiative ont élaboré en janvier 2005 un document commun qui a été remis à la présidence luxembourgeoise. Il est maintenant souhaitable que le Conseil européen renforce la prise en compte de la jeunesse dans toutes les dimensions de la stratégie.

5) D'autres questions mériteraient d'être précisées

a) Le brevet communautaire

La Commission mentionne ce dossier comme prioritaire pour l'achèvement du marché unique. Rappelons que cette proposition de règlement date du 1er août 2000 et vise à établir un brevet unique valable dans l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Après avoir longtemps été bloquées par les discussions sur le système juridictionnel applicable, les négociations ne butent plus désormais que sur la question de la valeur juridique des traductions.

La Commission ne fournit malheureusement aucune précision sur les moyens de parvenir à un accord mais appelle seulement de ses vœux « une solution acceptable qui soutienne l'innovation ».

b) L'institut européen de technologie

Dans ses propositions sur la recherche et l'innovation, la Commission évoque la création d'un « Institut européen de technologie » comme « pôle d'attraction pour les meilleurs cerveaux, idées et entreprises du monde entier ».

On peut s'interroger sur l'objet et la forme de ce projet. Il s'agit peut-être d'un organisme inspiré du nouvel Institut italien de technologie (IIT), créé conjointement par le ministère de l'éducation, de l'université et de la recherche et le ministère de l'économie et des finances. L'idée est de mettre en place une nouvelle structure permettant d'associer enseignement et recherche, d'une part, et acteurs publics et privés, d'autre part.

c) L'impôt sur les sociétés

Dans sa partie consacrée au marché intérieur, la communication de la Commission fait référence à ses travaux en vue de parvenir à une base d'imposition consolidée commune de l'impôt sur les sociétés. Un groupe de travail sur ce sujet a été créé.

Il s'agit d'un enjeu important car il convient de lutter contre les effets négatifs de la concurrence fiscale. Pour que cette lutte soit efficace, l'harmonisation ne devrait pas se limiter à l'assiette comme le propose la Commission, mais concerner aussi les taux, afin de parvenir à la fixation d'un taux plancher.

d) La réforme des aides d'Etat

La Commission évoque, dans le volet « connaissance et innovation » de sa communication, la réforme de l'encadrement des aides d'Etat en cours d'élaboration. La commissaire à la concurrence, Mme Neelie Kroes, a annoncé un plan pour le printemps 2005 et a exprimé sa volonté de limiter les aides d'Etat à caractère régional dans les pays les plus riches de l'Union.

Cette réforme devrait pourtant servir dans l'ensemble de l'Union des objectifs horizontaux comme l'emploi, le développement régional et la protection de l'environnement, qui concourent aux objectifs de Lisbonne.

B. Dans ses instruments et dans son périmètre

L'étendue des domaines couverts par la stratégie de Lisbonne donne à cette dernière un périmètre englobant des compétences communautaires exclusives, des compétences partagées ou des compétences réservées aux Etats membres.

Comme l'observe le rapport précité établi par l'Institut Montaigne(16) :

« Le texte arrêté à Lisbonne ne fait pas toujours clairement la part entre ce qui incombe aux Etats membres et ce qui relève de l'Union. Ainsi lit-on « le Conseil et la Commission, en liaison avec les Etats membres, eu égard à leurs compétences respectives », ou « il conviendrait de prendre des mesures pour », etc. De fait, il est malaisé de savoir qui fait quoi, et qui est responsable de quoi. ».

La communication de la Commission procède à une utile clarification des compétences respectives des organes communautaires et des Etats membres.

Plus précisément, la répartition des tâches est effectuée dans un document d'accompagnement de la communication(17), qui - sous forme de tableaux - indique les mesures à prendre par l'échelon communautaire et les actions relevant des Etats membres dans dix domaines prioritaires, tout en suggérant les instruments normatifs susceptibles d'être employés ainsi que les échéances à respecter.

Cet effort louable ne permet pas néanmoins de dissiper toutes les interrogations s'agissant, en particulier, de la libre circulation des services et des liens unissant la stratégie de Lisbonne avec, d'une part, le pacte de stabilité et de croissance et, d'autre part, la réforme des fonds structurels.

1) La nécessaire remise à plat de la directive générale sur les services

La proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur(18), dite « directive Bolkestein », du nom du commissaire de l'ancienne Commission européenne ayant proposé ce texte, a provoqué de sérieuses critiques(19). Son objet visant à créer un marché intérieur des services dans le but d'insuffler une nouvelle dynamique à la croissance économique, à la création d'emplois et à la cohésion sociale en Europe, est généralement admis. En revanche, de vives préoccupations ont été exprimées sur l'application du principe du pays d'origine en cas de fourniture transfrontalière de services sans établissement.

Il est donc important de souligner que la communication de la Commission prend en compte les multiples réticences qui se sont exprimées. Il est indiqué que la Commission cherche à collaborer de façon constructive avec toutes les parties prenantes et qu'une attention particulière sera portée aux inquiétudes exprimées dans les domaines tels que l'application des dispositions du pays d'origine et son incidence possible pour certains secteurs.

Cette position de la Commission est appréciable. Toutefois, il faut bien reconnaître qu'elle ne préjuge en rien de la solution qui sera finalement retenue pour mettre en œuvre la libre circulation des services en Europe. On aurait souhaité que la Commission s'engage plus résolument en faveur d'une remise à plat de la directive « services » et d'un processus d'harmonisation par le haut du droit applicable aux services. En tout état de cause, ces questions doivent absolument être traitées dans le cadre communautaire et ne pas être tranchées au sein d'autres organismes internationaux.

2) Le lien indispensable entre révision de la stratégie de Lisbonne et réforme du pacte de stabilité

La réforme du pacte de stabilité et de croissance - c'est-à-dire des règles qui au niveau de l'Union européenne régissent les politiques budgétaires nationales - et celle de la stratégie de Lisbonne coïncident dans le temps car elles seront toutes deux adoptées par le Conseil européen des 22 et 23 mars 2005.

Or, on ne peut manquer de relever que toute une part du débat sur la réforme du pacte de stabilité est en réalité étroitement liée à la stratégie de Lisbonne, en particulier s'agissant de la prise en compte des dépenses liées à la recherche et développement ou aux infrastructures dans l'appréciation portée sur les déficits budgétaires. Pour beaucoup, il apparaît évident aujourd'hui que la qualité des dépenses est un critère que le pacte de stabilité et de croissance ne peut ignorer.

La communication de la Commission demeure pourtant très prudente sur cette question et se contente de noter que de solides conditions macro-économiques sont essentielles pour étayer un effort crédible pour augmenter la croissance potentielle et créer des emplois.

On doit donc souhaiter que le lien entre les deux réformes soit clairement affirmé. Leur inscription à l'ordre du jour du même Conseil européen du 22 mars prochain devrait favoriser ce lien. Au-delà, on ne pourra manquer de poser à terme la question d'un gouvernement économique de l'Europe.

3) Les fonds structurels, complément nécessaire de la stratégie de Lisbonne

La communication de la Commission confirme la volonté de cette dernière d'orienter le nouveau cadre des fonds structurels, pour la période postérieure à 2007, vers un meilleur ciblage en matière de croissance et d'emploi.

Cette orientation devrait, en principe, assurer la cohérence de la stratégie de Lisbonne et des aides communautaires à l'aménagement du territoire. La Commission invite d'ailleurs les autorités régionales et locales à concevoir des projets se rapprochant de l'ambition définie à Lisbonne.

Il importe cependant de souligner que cette cohérence serait remise en cause si les propositions de la Commission en matière de fonds structurels aboutissaient à exclure les régions des quinze anciens Etats membres du bénéfice des aides attribuées au titre de l'«objectif 2 », pour ne profiter exclusivement qu'aux régions des dix nouveaux adhérents.

L'objectif 2 de la politique régionale de l'Union européenne permet de soutenir la reconversion économique et sociale des zones connaissant des difficultés structurelles (zones dont l'industrie et/ou les services sont en phase de mutation, zones rurales en déclin, zones urbaines en difficulté et zones dépendantes de la pêche). Il est certain que l'arrêt du versement des aides attribuées à ce titre altérerait gravement la politique de cohésion sociale et serait en contradiction avec les objectifs définis par la stratégie de Lisbonne.

C. Dans sa mise en œuvre

Les questions de méthode occupent une place fondamentale dans la stratégie de Lisbonne et aussi bien le rapport Kok que la communication de la Commission au futur Conseil européen du printemps consacrent de longs développements au processus de mise en œuvre de cette stratégie.

Les axes principaux des modifications proposées par la Commission visent essentiellement à simplifier le processus de coordination des politiques économiques et de l'emploi en vue de favoriser la mobilisation de toutes les parties prenantes.

Ces propositions vont généralement dans le bon sens. L'abandon de la méthode ouverte de coordination constitue néanmoins une proposition vivement critiquable. Par ailleurs, de nombreuses interrogations subsistent sur le rôle d'un éventuel « M. Lisbonne », la portée exacte du programme d'action national, la place attribuée aux régions, l'implication des nouveaux Etats membres et, finalement, sur les moyens financiers dont la stratégie de Lisbonne pourra bénéficier.

1) La méthode ouverte de coordination ne doit pas être abandonnée

L'un des aspects les plus contestables de la communication de la Commission réside certainement dans l'abandon de la méthode ouverte de coordination (MOC), en faveur d'un dialogue bilatéral approfondi.

Loin de mettre en place une communautarisation des domaines économique et social, la MOC accroît l'efficacité du travail des Etats membres dans les secteurs relevant de leurs seules compétences. Grâce au benchmarking et à la pression des pairs, elle donne aux Etats membres la faculté de se renseigner pleinement sur les réformes engagées chez leurs partenaires, tout en gardant le libre choix des modalités de leurs propres interventions.

De plus, la pression des pairs est un facteur susceptible de renforcer la détermination des gouvernements à réformer et de faire contrepoids aux inévitables oppositions qui apparaissent dans ce genre de situation.

L'exemple du « Tableau d'affichage » publié, une à deux fois par an, par la Commission pour faire le point sur la transposition des directives relatives au marché intérieur, illustre l'impact que la MOC est susceptible d'avoir sur les Etats. Certes, ce « Tableau d'affichage » n'a pas encore permis d'atteindre partout l'objectif de 1,5 % de déficit de transposition au maximum, mais la publicité qu'il donne aux mauvaises performances d'un pays conduit généralement les dirigeants concernés à faire de ce problème de transposition une priorité politique nationale. Dans son dernier rapport d'information annuel sur la transposition des directives(20), notre collègue Christian Philip a ainsi souligné le rôle joué par ce classement dans les décisions prises par les plus haut responsables irlandais, espagnols, portugais ou allemands de s'impliquer personnellement dans ce dossier (avec d'ailleurs des résultats très probants).

2) Le suivi permanent de la stratégie de Lisbonne doit être organisé par chacun des Etats

En suggérant aux Etats membres de désigner au niveau du gouvernement un « Monsieur » ou une « Madame » Lisbonne qui serait chargé de coordonner les différents éléments de la stratégie et de présenter le programme de Lisbonne, la Commission européenne demeure relativement imprécise sur le rôle exact qu'elle entend voir jouer par ces responsables.

Deux interprétations sont, en effet, envisageables.

On peut concevoir, tout d'abord, une personnalité en charge du suivi de la progression des objectifs de la stratégie de Lisbonne dans son pays, dont le rôle essentiel consisterait à signaler aux ministères compétents les retards éventuels les concernant.

De façon plus ambitieuse, on pourrait aussi envisager que Monsieur ou Madame Lisbonne soit le titre générique d'une équipe, une sorte de task force rassemblée autour du Premier ministre, dont la fonction ne serait pas limitée au contrôle des résultats effectifs, mais s'étendrait à la coordination de l'action gouvernementale liée à la mise en œuvre de la stratégie et, plus généralement, viserait à entraîner l'ensemble des parties participant à ce processus.

En tout état de cause, il paraît indispensable que chacun des Etats soit déterminé à s'organiser pour assurer un suivi permanent de la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

3) Les plans d'action nationaux doivent comporter un minimum d'engagements contraignants

La simplification du dispositif de coordination des politiques économique et de l'emploi grâce à la réalisation d'un rapport annuel unique dans chaque Etat membre et d'un seul rapport de la Commission est appréciable, même si l'on peut estimer que tout ce mécanisme est toujours empreint de forts accents bureaucratiques.

Le document de base de la nouvelle procédure serait donc le programme d'action national (PAN).

Là encore, cependant, on est en droit de s'interroger sur la portée que la Commission souhaite conférer aux engagements mentionnés dans le PAN.

Dans les grands Etats membres où l'Europe est parfois perçue par les principales administrations plus comme une contrainte extérieure que comme un partenaire à part entière, la tentation sera forte de ne voir dans le PAN qu'un simple instrument d'orientation sans valeur contraignante. Dans cette perspective, le PAN ne serait qu'un catalogue de vœux pieux que le pouvoir exécutif pourrait aisément remettre en cause.

La révision de la stratégie de Lisbonne semble exiger une autre approche. Resserré autour des objectifs prioritaires, le PAN doit être conçu comme un instrument contenant de véritables engagements. Il doit traduire la volonté de tout un Etat de contribuer à la réalisation des objectifs communautaires. Ainsi envisagé, Il devrait faire l'objet d'un débat d'orientation annuel devant l'Assemblée nationale et le Sénat avant la réunion du Conseil européen de printemps.

Certes, le précédent du pacte de stabilité et de croissance a montré que les contraintes exercées sur les Etats dans les domaines relevant de la souveraineté nationale doivent être sélectionnées avec beaucoup de soin. En proposant que les engagements pris par chaque Etat ne soient plus similaires et prennent en compte les conditions prévalant dans chaque pays, la Commission favorise l'adoption de contraintes crédibles, susceptibles d'être acceptées par les forces politiques, économiques et sociales. De la même façon, la volonté de mettre l'accent sur des mesures à prendre plutôt que sur des indicateurs chiffrés devrait rendre l'exercice du PAN plus concret et donc faciliter son intégration dans les processus nationaux.

Il nous paraît donc très souhaitable que les futurs plans d'action nationaux comportent un minimum d'engagements volontaires et contraignants.

4) La déclinaison de la stratégie de Lisbonne doit associer l'ensemble des collectivités

Dans de nombreux champs d'action de la stratégie de Lisbonne, les autorités politiques nationales sont loin de disposer de tous les leviers. Cela se vérifie aussi bien dans les Etats fédéraux que dans les pays décentralisés comme la France, où les régions disposent de vastes compétences concernant l'éducation, les universités ou encore la formation continue.

La participation des collectivités territoriales est donc une condition indispensable à la réussite de la stratégie.

Les conclusions du Conseil européen de Lisbonne en 2000 avaient d'ailleurs précisé que « l'approche retenue sera totalement décentralisée (...) les collectivités régionales et locales (...) seront activement associées dans diverses formes de partenariats. ».

On a déjà souligné précédemment que la réforme en cours des fonds structurels pourrait aller à l'encontre de ces bonnes intentions, si elle conduisait à priver les régions d'Europe occidentale du bénéfice des aides attribuées au titre de « l'objectif 2 ».

La procédure suivie pour réviser à mi-parcours la stratégie de Lisbonne suscite également l'inquiétude des élus régionaux.

Si la Commission a invité les partenaires sociaux à élaborer, avant le Conseil du printemps 2005, un programme d'action conjoint exposant leur contribution à la réalisation des objectifs de la stratégie, aucune véritable consultation des entités régionales n'a été prévue.

Lors d'une réunion de la commission des affaires économiques et sociales du Comité des Régions tenue le 11 février 2005, certains représentants des régions européennes ont soulevé cette lacune, ainsi que l'absence, dans la communication de la Commission, de lignes directrices quant à l'action des régions.

S'agissant des régions françaises, elles devront, sans aucun doute, être consultées à l'occasion de la préparation du programme d'action national. On pourrait aussi envisager que les objectifs de la stratégie de Lisbonne constituent un axe prioritaire de la réforme en cours des contrats de plan Etat-région, qui, depuis deux décennies, sont devenus le support privilégié du partenariat entre ces deux échelons.

5) L'implication spécifique des nouveaux Etats membres

Décidée en 2000, la stratégie de Lisbonne a été conçue par les quinze premiers Etats membres de l'Union, dont les performances présentent une certaine homogénéité.

L'élargissement à dix nouveaux pays d'Europe centrale et orientale fait que la révision de la stratégie et sa future mise en œuvre seront également assumés par des Etats qui peuvent la percevoir comme un acquis communautaire imposé sans leur participation au processus de décision.

De plus, si l'élargissement augmente le potentiel de croissance à long terme, dans l'immédiat les performances économiques, sociales et environnementales de ces nouveaux adhérents redent peu crédibles certains indicateurs fixés initialement pour l'ensemble de l'Union.

Ce dernier point explique en partie la relativisation de l'importance des indicateurs dans les propositions de la Commission. On aurait aussi souhaité que la Commission formule quelques suggestions relatives à l'appropriation de la stratégie par les derniers Etats membres. Ce n'est malheureusement pas le cas.

6) La prise en compte de la stratégie de Lisbonne dans le budget européen

La Commission souligne que le débat sur le futur cadre financier pour l'Union applicable jusqu'en 2013 (« les perspectives financières ») doit tirer les conséquences de l'ambition affichée dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et garantir un soutien aux priorités de celle-ci au sein du futur budget de l'Union européenne.

Cette formulation est évidemment un plaidoyer en faveur des propositions de la Commission visant à porter le plafond des ressources communautaires à 1,24 % du PNB de l'Union.

L'opposition du gouvernement français à cette hausse du budget de l'Union est bien connue, mais il est certain qu'un projet aussi volontariste que la stratégie de Lisbonne ne pourra réussir sans un effort financier à l'échelon national et à l'échelon communautaire.

Le débat sur les perspectives financières devra obligatoirement intégrer cette dimension, même si l'importance de la hausse du budget communautaire peut faire l'objet d'appréciations variables.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie, le mercredi 16 février 2005, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé des rapporteurs a été suivi d'un débat.

Le Président Pierre Lequiller a remercié les deux rapporteurs pour leur exposé très complet et leur travail très complémentaire. Il a noté que la stratégie de Lisbonne est absolument capitale et peut préfigurer la politique industrielle qui n'avait pas pu recueillir l'adhésion dans le cadre de la Convention sur l'avenir de l'Europe en raison des réticences notamment britanniques et néerlandaises. Il a remarqué combien le Président Barroso insiste sur la stratégie de Lisbonne et sa relance. Il a enfin remercié les rapporteurs d'avoir analysé les carences de la stratégie et les possibilités pour la relancer.

M. Jérôme Lambert a souhaité faire quelques commentaires sur les propositions de conclusions présentées par les rapporteurs. S'agissant du point 6, qui fait référence au Livre vert sur l'immigration économique, il a relevé que la Délégation ne l'avait pas encore étudié, et s'est donc interrogé sur l'opportunité de le citer.

M. Michel Delebarre, rapporteur, a répondu en indiquant que le projet de rapport ne se prononce pas sur le contenu de ce Livre vert mais en constate simplement l'existence pour s'en féliciter, car ce Livre vert montre l'existence du débat sur ce sujet.

La Délégation a adopté un amendement afin que la dernière phrase du point 6 des propositions de conclusions soit ainsi rédigée : « A cet égard, le récent Livre vert sur l'immigration économique, publié en janvier 2005, justifie un véritable débat ».

M. Jérôme Lambert a regretté que la rédaction du point 8 des propositions de conclusions évoque « la réforme du pacte de stabilité et de croissance » dans la mesure où, à l'heure actuelle, il est tout au plus possible de parler des négociations relatives à une éventuelle réforme. Il a demandé à ce que le mot « souhaitable » soit introduit après le mot « réforme ». La Délégation a adopté cet amendement.

Il a ensuite indiqué que la rédaction du point 9 lui semblait comporter une contradiction puisque la première phrase de ce paragraphe semble prévoir à la fois que les fonds structurels seront attribués aux nouveaux Etats membres, et que ces fonds continueront d'être versés aux anciens Etats membres. Il a toutefois observé que les rapporteurs avaient ainsi souligné, avec raison, un sujet sensible. Il a proposé que le point 9 soit modifié pour indiquer que les Etats membres doivent se donner les moyens de réaliser ce double objectif.

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a fait observer qu'il est fait mention, dans le point 15, des perspectives financières de l'Union européenne pour 2007-2013.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur la signification de ce point 15, qui demande « que les objectifs de la stratégie de Lisbonne soient pris en compte dans le débat sur les perspectives financières, afin de bénéficier d'un financement adéquat », dans la mesure où la position exprimée jusqu'à présent par le gouvernement français est de limiter à 1 % du PNB communautaire le budget de l'Union.

M. Marc Laffineur a répondu qu'il avait prôné, dans son rapport au Gouvernement sur les perspectives financières, que le budget communautaire atteigne plutôt 1,05 % en crédits de paiement et 1,10 % en crédits d'engagement. Il a souligné que la France ne bénéficie des fonds structurels que dans un rapport de un à trois.

M. Jérôme Lambert a considéré que cette position allait dans le bon sens. La France a certes besoin de fonds structurels, mais s'il est nécessaire de verser « trois » pour percevoir « un », il serait peut-être préférable d'agir directement, à condition toutefois qu'il soit encore possible pour les Etats de le faire.

S'agissant du rapport de M. Jean-Louis Beffa, il a relevé qu'il proposait de bonnes pistes de réflexion. M. Jean-Louis Beffa insiste beaucoup sur la coopération franco-allemande et le resserrement nécessaire de la politique industrielle dans le cadre d'une politique, en quelque sorte, de « coopération renforcée ». M. Jérôme Lambert lui avait demandé si une telle politique pouvait être mise en place prochainement. La réponse a été négative dans la mesure où M. Jean-Louis Beffa s'est montré extrêmement pessimiste sur le fonctionnement d'une Europe à vingt-cinq.

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a noté que dans le rapport de M. Jean-Louis Beffa, un certain nombre de conclusions vont dans le sens d'une appropriation de la démarche par l'Europe, sans se limiter à une approche purement nationale. Il a par ailleurs indiqué que c'est la méthode suivie dans ce rapport qui a paru intéressante aux rapporteurs de la Délégation, et que ceux-ci se sont interrogés sur la possibilité de transposer cette méthode au niveau européen. Les grands projets précédemment évoqués, dans le domaine spatial ou aéronautique, par exemple, relèvent tantôt de l'action communautaire, tantôt de l'action intergouvernementale.

M. Jérôme Lambert a fait remarquer que la coopération renforcée est souvent utilisée dans les faits mais sans qu'elle fasse l'objet d'une décision formelle préalable.

M. Michel Delebarre, rapporteur, en réponse aux remarques exprimées par M. Jérôme Lambert sur le point 9 des propositions de conclusions, a proposé de modifier la première phrase. La Délégation a donc adopté l'amendement suivant : dans la première phrase du point 9, les mots : « mais demande le maintien, en faveur des collectivités des anciens Etats membres, du bénéfice des aides » sont remplacés par les mots « mais demande que les collectivités des anciens Etats membres puissent encore bénéficier des aides ».

M. Jérôme Lambert a souhaité obtenir l'assurance que, sur ce problème de l'attribution des fonds structurels, la Délégation n'était pas en train d'émettre un « vœu pieux » alors que les décisions correspondantes auraient déjà été prises.

Le Président Pierre Lequiller a répondu que les décisions n'ont pas encore été prises, et que MM. Didier Quentin et Michel Delebarre ont été chargés de présenter à la Délégation un rapport sur ce thème.

M. Marc Laffineur a rappelé qu'il y avait eu de nombreux abus en matière de fonds structurels et que ceux-ci n'ont pas toujours été utilisés au mieux pour la croissance.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le rapport du groupe de haut niveau présidé par M. Wim Kok (novembre 2004), « Relever le défi. La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi » (document E 2752),
Vu la communication de la Commission européenne au Conseil européen de printemps « Travaillons ensemble pour la croissance et l'emploi. Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne » (COM[2005]24, document E 2829),

1. Considère que l'objectif de la stratégie de Lisbonne - visant à faire de l'économie européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable, accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale, dans le respect de l'environnement - doit constituer l'ambition prioritaire de l'Union européenne dans les prochaines années ; que cet objectif stratégique est d'autant plus essentiel que l'Europe doit faire face aux défis résultant de l'écart croissant par rapport à l'économie américaine, de la montée en puissance des économies asiatiques, de l'élargissement et du vieillissement démographique ;

2. Partage toute une partie du diagnostic réalisé par le rapport de M. Wim Kok, notamment sur le nécessaire resserrement des objectifs de la stratégie, et donc approuve le choix de la Commission européenne visant à donner un nouvel élan à la stratégie de Lisbonne ;

3. Se félicite des efforts de clarification et de simplification effectués par la Commission européenne ;

4. Soutient la volonté d'intégrer la dimension industrielle dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et insiste sur la nécessité de développer les instruments au service de cette dimension et d'assurer une meilleure défense des intérêts industriels de l'Union européenne dans le cadre des négociations commerciales du cycle de Doha ;

5. Affirme l'impérieuse exigence de maintenir les piliers de la stratégie de Lisbonne concernant la cohésion sociale et la protection de l'environnement, tout en veillant à ce qu'un lien soit bien établi, au niveau communautaire, avec l'Agenda social européen et avec la stratégie pour le développement durable.
6. Souligne l'intérêt de l'initiative européenne pour la jeunesse, dont la dimension transversale complète les actions vers les personnes âgées prévues par l'approche initiale de la stratégie. Cette initiative a également le mérite de mettre l'accent sur l'importance des questions démographiques dans le débat européen, qui doivent conduire à développer la politique familiale et à réfléchir sur les politiques migratoires. A cet égard, le récent Livre vert sur l'immigration économique, publié en janvier 2005, justifie un véritable débat ;

7. Prend acte que la Commission affirme vouloir porter une attention particulière aux inquiétudes suscitées par la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, mais aurait souhaité qu'elle s'engage plus résolument en faveur d'une remise à plat de cette proposition ;

8. Souhaite que les dépenses des Etats contribuant manifestement à la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne soient prises en compte dans le cadre de la réforme souhaitable du pacte de stabilité et de croissance ;

9. Reconnaît la priorité d'attribution des fonds structurels en faveur des dix nouveaux Etats membres, mais demande que les collectivités des anciens Etats membres puissent encore bénéficier des aides attribuées au titre de « l'objectif 2 » des fonds structurels. Toute décision contraire, prise dans le cadre de la réforme des fonds structurels pour la période postérieure à 2007, serait en contradiction manifeste avec la volonté de relancer la stratégie de Lisbonne ;

10. Souligne le rôle essentiel des différentes collectivités dans la mise en œuvre des objectifs de la stratégie de Lisbonne et regrette que la Commission n'ait pas prévu un mécanisme de consultation de ces dernières avant l'échéance du printemps 2005. En outre, souhaite que dans chaque plan d'action national, l'effort de cohérence entre l'Etat et les collectivités soit bien recherché, avec une mention particulière pour les régions qui sont en déclin démographique ;

11. Insiste pour que la méthode ouverte de coordination soit maintenue, compte tenu de son apport positif dans le domaine de la coopération intergouvernementale ;

12. Estime indispensable que chacun des Etats membres s'organise pour assurer le suivi de la stratégie de Lisbonne au niveau national ;

13. Considère que les plans d'action nationaux doivent contenir des engagements contraignants tout en prenant en compte les conditions prévalant dans chaque Etat et en privilégiant les actions à entreprendre plutôt que les indicateurs chiffrés ;

14. Suggère que le Parlement français puisse se prononcer chaque année, avant le Conseil européen de printemps, sur le plan d'action national ;

15. Demande que les objectifs de la stratégie de Lisbonne soient pris en compte dans le débat sur les perspectives financières, afin de bénéficier d'un financement adéquat.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteursAnnexe-1

I - A PARIS

- Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes ;

- Mme Anne-Marie Idrac, présidente de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), membre du groupe de haut niveau présidé par M. Wim Kok ;

- M. Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS, co-auteur du rapport du Conseil d'analyse économique « Education et croissance » ;

- M. Dominique Bureau, directeur des études économiques et de l'évaluation environnementale au ministère de l'Ecologie et du développement durable, co-auteur du rapport du Conseil d'analyse économique « Politiques environnementales et compétitivité » ;

- M. Henri-Luc Thibault, chef du service des affaires internationales au ministère de l'Ecologie et du développement durable ;

- M. Raoul Briet, conseiller maître à la Cour des comptes, chargé par le Président de la République d'une mission de préparation de la mise en œuvre du pacte européen pour la jeunesse ;

- M. Charles Wyplosz, professeur d'économie internationale à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, co-auteur du rapport du Conseil d'analyse économique « Réformes structurelles et coordination en Europe ».

II - A BRUXELLES

- M. Jacques Barrot, commissaire européen en charge des transports ;

- M. Pierre Sellal, ambassadeur à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Antonio Cabral, conseiller spécial du Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, pour la stratégie de Lisbonne ;

- M. Peter Tempel et Mme Anne-Laure de Coincy, membres du cabinet de M. Günter Verheugen, commissaire européen en charge de l'entreprise et de l'industrie.

Annexe 2 :
Conclusions de la Présidence du Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000Annexe-1

Le Conseil européen a tenu une réunion extraordinaire les 23 et 24 mars 2000 à Lisbonne afin de définir pour l'Union un nouvel objectif stratégique dans le but de renforcer l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale dans le cadre d'une économie fondée sur la connaissance. La réunion a commencé par un échange de vues avec la Présidente du Parlement européen, Madame Nicole Fontaine, sur les principaux thèmes de discussion.

I. EMPLOI, REFORME ECONOMIQUE ET COHESION SOCIALE

UN OBJECTIF STRATEGIQUE POUR LA DECENNIE À VENIR

Le nouveau défi

1. L'Union européenne se trouve face à un formidable bouleversement induit par la mondialisation et par les défis inhérents à une nouvelle économie fondée sur la connaissance. Ces changements touchent tous les aspects de la vie de chacun et appellent une transformation radicale de l'économie européenne. L'Union doit aborder ces changements d'une manière conforme à ses valeurs et à sa conception de la société et dans la perspective du prochain élargissement.

2. Compte tenu de la rapidité et de l'accélération du changement, l'Union doit agir dès maintenant pour tirer pleinement parti des possibilités qui se créent. Il faut donc qu'elle se fixe un objectif stratégique clair et qu'elle adopte un programme ambitieux en vue de mettre en place les infrastructures nécessaires à la diffusion des connaissances, de renforcer l'innovation et la réforme économique, et de moderniser les systèmes de sécurité sociale et d'éducation.

Les atouts et les points faibles de l'Union

3. Les perspectives macro-économiques qui s'offrent actuellement sont les meilleures que l'Union ait connues depuis une génération. Grâce à une politique monétaire axée sur la stabilité et soutenue par des politiques budgétaires saines dans un climat de modération salariale, l'inflation et les taux d'intérêt sont peu élevés, les déficits publics ont été réduits de façon remarquable et la balance des paiements de l'UE est saine. L'introduction de l'euro a été réussie et apporte les avantages qu'on en attendait pour l'économie européenne. Le marché intérieur est largement achevé et procure des avantages tangibles tant aux consommateurs qu'aux entreprises. L'élargissement futur créera de nouvelles possibilités de croissance et d'emploi. L'Union dispose d'une main-d'œuvre en général bien formée ainsi que de systèmes de protection sociale capables d'assurer, au-delà de leur valeur intrinsèque, la stabilité indispensable à la gestion des changements structurels dont s'accompagne la transition vers une société de la connaissance. La croissance a repris, de même que la création d'emplois.

4. Ces atouts ne doivent pas détourner notre attention d'un certain nombre de points faibles. Plus de 15 millions d'Européens sont toujours sans travail. Le marché du travail est caractérisé par un taux d'emploi trop faible et par une participation insuffisante des femmes et des travailleurs plus âgés. Le chômage structurel de longue durée et les déséquilibres marqués entre les taux de chômage régionaux sont des problèmes dont continuent à souffrir de façon endémique certaines parties de l'Union. Le secteur des services est sous-développé, en particulier dans les domaines des télécommunications et de l'Internet. Le manque de personnel qualifié ne cesse de s'aggraver, surtout dans le secteur des technologies de l'information où le nombre des emplois qui ne peuvent être pourvus s'accroît sans cesse. La situation économique s'étant améliorée, le moment est venu d'entreprendre des réformes économiques et sociales dans le cadre d'une stratégie positive combinant compétitivité et cohésion sociale.

Ligne d'action

5. L'Union s'est aujourd'hui fixé un nouvel objectif stratégique pour la décennie à venir : devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale. La réalisation de cet objectif nécessite une stratégie globale visant à :

- préparer la transition vers une société et une économie fondées sur la connaissance, au moyen de politiques répondant mieux aux besoins de la société de l'information et de la R&D, ainsi que par l'accélération des réformes structurelles pour renforcer la compétitivité et l'innovation et par l'achèvement du marché intérieur ;

- moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en luttant contre l'exclusion sociale ;

- entretenir les conditions d'une évolution saine de l'économie et les perspectives de croissance favorables en dosant judicieusement les politiques macro-économiques.

6. Cette stratégie doit permettre à l'Union de rétablir les conditions propices au plein emploi et de renforcer la cohésion régionale en son sein. Le Conseil européen doit fixer un objectif pour le plein emploi en Europe dans une nouvelle société naissante, mieux adaptée aux choix personnels des femmes et des hommes. Pour autant que les mesures évoquées ci-après soient mises en œuvre dans un contexte macro-économique sain, un taux de croissance économique moyen de 3 % environ devrait être une perspective réaliste pour les années à venir.

7. L'application de cette stratégie suppose l'amélioration des processus existants par l'introduction d'une nouvelle méthode ouverte de coordination à tous les niveaux, le Conseil européen jouant un rôle renforcé d'orientation et de coordination de manière que cette stratégie soit dirigée de façon plus cohérente et que les résultats obtenus fassent l'objet d'un suivi effectif. Lors d'une réunion qui aura lieu chaque année au printemps, le Conseil européen définira les mandats pertinents et veillera à leur suivi.

PREPARER LA TRANSITION VERS UNE ECONOMIE COMPETITIVE, DYNAMIQUE ET FONDEE SUR LA CONNAISSANCE

Une société de l'information pour tous

8. Le passage à une économie numérique fondée sur la connaissance, favorisé par l'existence de biens et de services nouveaux, sera un puissant facteur de croissance, de compétitivité et de création d'emplois. Il permettra en outre d'améliorer la qualité de vie des citoyens et l'environnement. Pour en tirer le meilleur parti, le Conseil et la Commission sont invités à établir un Plan global d'action eEurope, qui sera présenté au Conseil européen de juin, en appliquant une méthode ouverte de coordination fondée sur l'évaluation des performances des initiatives nationales et en s'appuyant sur l'initiative eEurope récemment présentée par la Commission et sur sa communication intitulée "Stratégies pour l'emploi dans la société de l'information".

9. Les entreprises et les citoyens doivent avoir accès à une infrastructure de communication peu coûteuse de niveau mondial et à un large éventail de services. Chaque citoyen doit être doté des compétences nécessaires pour vivre et travailler dans cette nouvelle société de l'information. Différents moyens d'accès doivent empêcher que des personnes soient exclues de l'information. La lutte contre l'analphabétisme doit être renforcée. Une attention particulière doit être accordée aux personnes handicapées. Les technologies de l'information peuvent servir à renouveler le développement urbain et régional et à promouvoir des technologies écologiquement saines. Les industries de contenu créent de la valeur ajoutée en tirant parti de la diversité culturelle européenne et en l'organisant en réseau. Les administrations publiques à tous les niveaux doivent réellement s'efforcer de mettre à profit les nouvelles technologies pour permettre un accès aussi large que possible aux informations.

10. Pour exploiter pleinement le potentiel électronique de l'Europe, il faut créer les conditions qui permettront au commerce électronique et à l'Internet de prospérer, de manière que l'Union puisse rattraper ses concurrents en raccordant beaucoup plus d'entreprises et de foyers à l'Internet par des liaisons rapides. Les règles du commerce électronique doivent être prévisibles et inspirer confiance aux entreprises et aux consommateurs. Des mesures doivent être prises pour permettre à l'Europe de garder son avance dans des secteurs clés de la technologie comme les communications mobiles. La rapidité des changements technologiques pourrait exiger à l'avenir des modes de réglementation nouveaux et plus souples.

11. Le Conseil européen invite en particulier :

- le Conseil, le cas échéant en liaison avec le Parlement européen, à adopter dès que possible dans le courant de l'année 2000 la législation en instance d'adoption sur le cadre juridique du commerce électronique, le droit d'auteur et les droits voisins, la monnaie électronique, la vente à distance de services financiers, la compétence judiciaire et l'exécution des décisions et le régime de contrôle des exportations de biens à double usage ; la Commission et le Conseil à réfléchir aux moyens de promouvoir la confiance des consommateurs dans le commerce électronique, notamment par de nouveaux systèmes de règlement des litiges ;

- le Conseil et le Parlement européen à achever dès que possible dans le courant de l'année 2001 les travaux relatifs aux propositions législatives que la Commission a annoncées à la suite de la révision du cadre réglementaire des télécommunications en 1999 ; les Etats membres et, le cas échéant, la Communauté à faire en sorte que les besoins en fréquences pour les futurs systèmes de communications mobiles soient satisfaits en temps voulu et de manière efficace. D'ici à la fin de 2001, les marchés des télécommunications doivent être pleinement intégrés et libéralisés ;

- les Etats membres à œuvrer avec la Commission en vue d'introduire une concurrence accrue au niveau de l'accès local au réseau avant la fin de l'an 2000 et de dégrouper les boucles locales de manière à permettre une réduction substantielle des coûts de l'utilisation de l'Internet ;

- les Etats membres à faire en sorte que toutes les écoles de l'Union disposent d'un accès à l'Internet et de ressources multimédias d'ici à la fin de 2001 et qu'un nombre suffisant d'enseignants soient à même d'utiliser l'Internet et les ressources multimédias d'ici à la fin de 2002 ;

- les Etats membres à assurer un accès généralisé par voie électronique aux principaux services publics de base d'ici à 2003 ;

- la Communauté et les Etats membres, avec l'aide de la BEI, à équiper tous les pays européens de réseaux interconnectés à haut débit et à faible coût pour l'accès à l'Internet et à promouvoir le développement des technologies de l'information et des réseaux de télécommunications les plus modernes, ainsi que le contenu destiné à ces réseaux. Des objectifs spécifiques doivent être définis dans le plan d'action eEurope.

Créer un espace européen de la recherche et de l'innovation

12. La recherche et le développement jouant un rôle important dans la croissance économique, la création d'emplois et la cohésion sociale, l'Union doit s'employer à réaliser les objectifs énoncés dans la communication de la Commission intitulée "Vers un espace européen de la recherche". Les activités de recherche au niveau national et au niveau de l'Union doivent être mieux intégrées et coordonnées afin d'être aussi efficaces et novatrices que possible pour que l'Europe offre des perspectives attrayantes à ses meilleurs cerveaux. Il convient d'exploiter pleinement les instruments prévus par le traité et tous les autres moyens appropriés, y compris des accords volontaires, pour réaliser cet objectif de manière souple, décentralisée et non bureaucratique. Ce faisant, l'innovation et les idées doivent être dûment récompensées dans la nouvelle économie fondée sur la connaissance, en particulier au moyen d'une protection par des brevets.

13. Le Conseil européen invite le Conseil et la Commission, le cas échéant en liaison avec les Etats membres, à faire le nécessaire dans la perspective de la création d'un espace européen de la recherche pour :

- établir des mécanismes permettant de mettre en réseau les programmes nationaux et communs de recherche, à titre volontaire et en fonction d'objectifs librement choisis, de manière à mieux mettre à profit les ressources consacrées aux actions concertées de R&D dans les Etats membres, et assurer la présentation de rapports périodiques au Conseil sur les résultats obtenus ; établir d'ici à 2001 une cartographie des centres d'excellence pour la recherche et le développement dans tous les Etats membres de manière à favoriser la diffusion de l'excellence ;

- rendre l'environnement plus propice à l'investissement privé dans la recherche, aux partenariats de R&D et aux jeunes sociétés spécialisées dans la haute technologie, en recourant à des mesures fiscales, au capital-risque et au soutien de la BEI ;

- encourager l'élaboration d'une méthode ouverte de coordination destinée à évaluer les performances des politiques nationales de recherche et de développement et recenser, pour juin 2000, les indicateurs permettant d'évaluer les performances dans différents domaines, en particulier en ce qui concerne le développement des ressources humaines ; mettre en place d'ici à juin 2001 un tableau de bord européen en matière d'innovation ;

- favoriser la création, pour la fin de 2001, avec le soutien de la BEI, d'un réseau transeuropéen à très haut débit pour les communications scientifiques sous forme électronique, qui reliera les instituts de recherche et les universités, ainsi que les bibliothèques scientifiques et les centres scientifiques et, progressivement, les écoles ;

- prendre des mesures pour éliminer, d'ici à 2002, les obstacles à la mobilité des chercheurs en Europe et pour attirer et retenir en Europe des chercheurs de haut niveau ;

- veiller à ce qu'un brevet communautaire soit disponible d'ici à la fin de 2001, ainsi qu'un modèle d'utilité, de manière à ce que, dans l'Union, la protection par brevet à l'échelle de la Communauté devienne aussi simple et aussi peu coûteuse à obtenir et ait une portée aussi large que la protection assurée par nos principaux concurrents.

Instaurer un climat favorable à la création et au développement d'entreprises novatrices, notamment de PME

14. La compétitivité et le dynamisme des entreprises sont directement tributaires d'un environnement réglementaire favorable à l'investissement, à l'innovation et à l'esprit d'entreprise. De nouveaux efforts sont nécessaires pour réduire tant les coûts inhérents aux activités commerciales que l'excès de bureaucratie, qui constituent une charge considérable pour les PME. Les institutions européennes, les gouvernements des Etats membres et les autorités régionales et locales doivent continuer à accorder une attention particulière aux incidences des réglementations proposées et aux coûts qu'entraîne la mise en conformité avec celles-ci et ils doivent poursuivre leur dialogue avec les entreprises et les citoyens en gardant à l'esprit cet objectif. Il est également nécessaire d'encourager spécifiquement les interfaces clés dans les réseaux d'innovation, c'est-à-dire les interfaces entre les sociétés et les marchés financiers, les établissements de R&D et de formation, les services de conseil et les marchés technologiques.

15. Le Conseil européen estime qu'il y a lieu d'appliquer dans ce domaine une méthode ouverte de coordination et demande en conséquence :

- au Conseil et à la Commission de lancer, d'ici à juin 2000, un exercice d'évaluation sur des questions telles que la durée et les coûts afférents à la constitution d'une société, le montant du capital-risque investi, le nombre de diplômés d'écoles de commerce ou d'instituts scientifiques et les possibilités de formation. Les premiers résultats de cet exercice devraient être présentés d'ici à décembre 2000 ;

- à la Commission de présenter sous peu une communication sur une Europe ouverte, novatrice et entrepreneuriale, ainsi que le programme pluriannuel en faveur de l'entreprise et de l'esprit d'entreprise pour 2001-2005, qui jouera un rôle important de catalyseur pour l'exercice en question ;

- au Conseil et à la Commission d'élaborer une charte européenne pour les petites entreprises, qui serait approuvée en juin 2000 et par laquelle les Etats membres s'engageraient à mettre l'accent, dans les instruments susmentionnés, sur les petites entreprises, en tant que premier moteur de création d'emplois en Europe, et à répondre spécifiquement à leurs besoins ;

- au Conseil et à la Commission de faire rapport, d'ici à la fin de 2000, sur le réexamen des instruments financiers de la BEI et du FEI qui a été entamé afin de réorienter les financements vers un soutien au démarrage des entreprises, aux sociétés à haute technologie et aux micro-entreprises, ainsi qu'aux autres initiatives en matière de capital-risque proposées par la BEI.

Des réformes économiques pour achever et rendre pleinement opérationnel le marché intérieur

16. Il importe de mener rapidement les travaux nécessaires pour achever le marché intérieur dans certains secteurs et pour améliorer les résultats insuffisants dans d'autres afin de préserver les intérêts des entreprises et des consommateurs. Il est par ailleurs indispensable, si l'on veut tirer pleinement parti des avantages de la libéralisation des marchés, de définir un cadre efficace permettant de réexaminer constamment la situation et de l'améliorer, sur la base de la stratégie pour le marché intérieur qui a été approuvée par le Conseil européen d'Helsinki. Il est en outre essentiel, pour que les entreprises puissent prospérer et travailler de manière efficace et sur un pied d'égalité dans le marché intérieur, que les règles en matière de concurrence et d'aides d'Etat soient équitables et appliquées de manière uniforme.

17. Le Conseil européen demande donc à la Commission, au Conseil et aux Etats membres, eu égard à leurs compétences respectives :

- de définir d'ici à la fin de 2000 une stratégie pour l'élimination des entraves aux services ;

- d'accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz, l'électricité, les services postaux et les transports. De même, en ce qui concerne l'utilisation et la gestion de l'espace aérien, le Conseil invite la Commission à présenter ses propositions aussitôt que possible. Il s'agit de réaliser un marché intérieur pleinement opérationnel dans ces secteurs ; le Conseil européen évaluera les progrès accomplis lorsqu'il se réunira au printemps prochain, sur la base d'un rapport et de propositions appropriées de la Commission ;

- d'achever les travaux sur les futures propositions de modernisation des règles relatives aux marchés publics, visant notamment à les rendre accessibles aux PME, en temps utile pour que les nouvelles règles puissent entrer en vigueur d'ici à 2002 ;

- de prendre les mesures nécessaires pour que, d'ici à 2003, les marchés publics, tant communautaires que nationaux, puissent être passés en ligne ;

- de définir, d'ici à 2001, une stratégie visant, par une nouvelle action coordonnée, à simplifier l'environnement réglementaire, y compris le fonctionnement de l'administration publique, tant au niveau national qu'au niveau communautaire. Elle devrait comporter un recensement des domaines où il est nécessaire que les Etats membres rationalisent davantage la transposition de la législation communautaire en droit national ;

- de poursuivre leurs efforts visant à favoriser la concurrence et à réduire le niveau général des aides d'Etat, en mettant l'accent, non plus sur un soutien à des sociétés ou à des secteurs individuels, mais plutôt sur la poursuite d'objectifs horizontaux d'intérêt communautaire, tels que l'emploi, le développement régional, l'environnement et la formation ou la recherche.

18. Des améliorations structurelles globales sont nécessaires pour réaliser des objectifs ambitieux en matière de croissance, d'emploi et d'intégration sociale. Le Conseil a déjà déterminé les domaines clés à renforcer dans le cadre du processus de Cardiff. Le Conseil européen invite donc le Conseil à accélérer les travaux relatifs aux indicateurs de performance structurelle et à lui faire rapport, d'ici à la fin de 2000.

19. Le Conseil européen estime qu'il est essentiel, dans le cadre du marché intérieur et d'une économie de la connaissance, de tenir pleinement compte des dispositions du traité relatives aux services d'intérêt économique général et aux entreprises chargées de la gestion de ces services. Il invite la Commission à mettre à jour sa communication de 1996, compte tenu des dispositions du traité.

Des marchés financiers efficaces et intégrés

20. Des marchés financiers efficaces et transparents favorisent la croissance et l'emploi en permettant une meilleure allocation des capitaux à un moindre coût. Ils jouent donc un rôle essentiel dans la mise en valeur des idées nouvelles et dans la promotion de la culture d'entreprise ainsi que de l'accès aux nouvelles technologies et de leur utilisation. Il est indispensable d'exploiter le potentiel de l'euro pour intégrer davantage les marchés financiers de l'UE. Par ailleurs, l'efficacité des marchés de capital-risque joue un rôle majeur pour le développement de PME innovantes à forte croissance, et pour la création d'emplois nouveaux et durables.

21. Afin d'accélérer l'achèvement du marché intérieur des services financiers, il conviendrait de prendre des mesures pour :

- définir un calendrier rigoureux, de manière à ce que le plan d'action pour les services financiers soit mis en œuvre d'ici à 2005, compte tenu des mesures prioritaires telles que : favoriser l'accès le plus large possible aux capitaux d'investissement à l'échelle de l'UE, y compris pour les PME, au moyen d'un "passeport unique" pour les émetteurs ; faciliter la participation constructive de tous les investisseurs à un marché intégré en supprimant les obstacles à l'investissement dans les fonds de pension ; encourager la poursuite de l'intégration et l'amélioration du fonctionnement des marchés des obligations d'Etat par une consultation et une transparence accrues en ce qui concerne les calendriers d'émission des titres, les techniques et les instruments utilisés, ainsi que l'amélioration du fonctionnement des marchés transfrontaliers pour la vente et le rachat de titres (opérations de pensions) ; améliorer la comparabilité des états financiers des sociétés ; intensifier la coopération entre les organismes de réglementation des marchés financiers de l'UE ;

- assurer, d'ici à 2003, la pleine application du Plan d'action relatif au capital-risque ;

- accomplir des progrès rapides sur les propositions, existant de longue date, relatives aux offres publiques d'achat et à l'assainissement et à la liquidation des établissements de crédit et des sociétés d'assurance, afin d'améliorer le fonctionnement et la stabilité du marché financier européen ;

- régler, eu égard aux conclusions du Conseil européen d'Helsinki, le dossier, encore en suspens, du paquet fiscal.

Coordonner les politiques macro-économiques : assainissement, qualité et viabilité des finances publiques

22. Les politiques macro-économiques devraient non seulement préserver la stabilité macro-économique et encourager la croissance et l'emploi mais aussi favoriser la transition vers une économie de la connaissance, d'où un rôle plus important pour les politiques structurelles. Le dialogue macro-économique prévu par le processus de Cologne doit instaurer une relation de confiance entre tous les acteurs concernés afin que chacun d'eux comprenne correctement les positions et les problèmes des autres. Il y a lieu de saisir la chance qu'offre la croissance pour s'employer davantage à assainir les finances publiques et pour en améliorer la qualité et la viabilité.

23. Le Conseil européen invite le Conseil et la Commission à présenter d'ici au printemps 2001, en utilisant les procédures existantes, un rapport évaluant la contribution des finances publiques à la croissance et à l'emploi et examinant, sur la base de données et d'indicateurs comparables, si des mesures concrètes appropriées sont prises pour :

- réduire la pression fiscale qui pèse sur le travail, notamment sur le travail peu qualifié et faiblement rémunéré, améliorer les effets d'incitation en faveur de l'emploi et de la formation des régimes d'imposition et d'allocations ;

- réorienter les dépenses publiques de manière à accroître l'importance relative de l'accumulation de capital - tant humain que physique - et appuyer la recherche et le développement, l'innovation et les technologies de l'information ;

- assurer la viabilité à long terme des finances publiques en examinant les différents aspects de la question, y compris l'impact du vieillissement des populations, à la lumière du rapport devant être établi par le Groupe à haut niveau sur la protection sociale.

MODERNISER LE MODELE SOCIAL EUROPEEN EN INVESTISSANT DANS LES RESSOURCES HUMAINES ET EN CREANT UN ETAT SOCIAL ACTIF

24. Les ressources humaines sont le principal atout de l'Europe et devraient être au centre des politiques de l'Union. L'investissement dans les ressources humaines et la mise en place d'un Etat social actif et dynamique revêtiront une importance capitale tant pour la place de l'Europe dans l'économie de la connaissance que pour faire en sorte que l'émergence de cette nouvelle économie n'ait pas pour effet d'aggraver les problèmes sociaux actuels que sont le chômage, l'exclusion sociale et la pauvreté.

L'éducation et la formation à la vie et à l'emploi dans la société de la connaissance

25. Les systèmes européens d'éducation et de formation doivent s'adapter tant aux besoins de la société de la connaissance qu'à la nécessité de relever le niveau d'emploi et d'en améliorer la qualité. Ils devront offrir des possibilités d'étude et de formation conçues en fonction de groupes cibles et des différentes étapes de la vie : les jeunes, les adultes sans emploi et les travailleurs dont les compétences risquent d'être dépassées en raison de la rapidité des changements. Cette nouvelle approche devrait comporter trois axes principaux : créer des centres locaux d'acquisition des connaissances, promouvoir de nouvelles compétences de base, notamment dans les technologies de l'information, et améliorer la transparence des qualifications.

26. Le Conseil européen invite par conséquent les Etats membres, dans le respect de leurs règles constitutionnelles, le Conseil et la Commission à prendre les mesures relevant de leurs compétences qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs suivants :

__accroître chaque année substantiellement l'investissement par habitant dans les ressources humaines ;

__réduire de moitié, d'ici à 2010, le nombre des personnes de 18 à 24 ans n'ayant accompli que le premier cycle de l'enseignement secondaire et qui ne poursuivent pas leurs études ou leur formation ;

__faire en sorte que les écoles et les centres de formation, disposant tous d'un accès à l'Internet, deviennent peu à peu des centres locaux d'acquisition de connaissances polyvalents et accessibles à tous, en ayant recours aux méthodes les plus appropriées compte tenu de la grande diversité des groupes cibles ; mettre en place entre les écoles, les centres de formation, les entreprises et les établissements de recherche des partenariats pour l'acquisition des connaissances qui soient profitables à tous ;

__adopter un cadre européen définissant les nouvelles compétences de base dont l'éducation et la formation tout au long de la vie doivent permettre l'acquisition : compétences en technologies de l'information, langues étrangères, culture technologique, esprit d'entreprise et aptitudes sociales ; instituer un diplôme européen pour les compétences de base en technologies de l'information, avec des procédures de délivrance décentralisées, afin de promouvoir la culture numérique dans toute l'Union ;

__définir, d'ici à la fin de l'an 2000, les moyens permettant d'encourager la mobilité des étudiants, des enseignants, des formateurs et des chercheurs par une utilisation optimale des programmes communautaires existants (Socrates, Leonardo, Jeunesse), par l'élimination des obstacles et par une transparence accrue dans la reconnaissance des qualifications et des périodes d'étude et de formation ; prendre des mesures pour supprimer les entraves à la mobilité des enseignants d'ici à 2002 et pour attirer des enseignants de qualité ;

- mettre au point un modèle européen commun de curriculum vitae, qui sera utilisé sur une base volontaire pour favoriser la mobilité en aidant les établissements d'enseignement et de formation et les employeurs à mieux évaluer les connaissances acquises.

27. Le Conseil européen demande au Conseil "Education" d'entreprendre une réflexion générale sur les objectifs concrets futurs des systèmes d'enseignement, axée sur les préoccupations et les priorités communes tout en respectant les diversités nationales, en vue de contribuer aux processus de Luxembourg et Cardiff et de présenter un rapport plus complet au Conseil européen au printemps 2001.

Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité pour l'Europe : vers une politique active de l'emploi

28. Le processus de Luxembourg, qui repose sur l'élaboration, au niveau de la Communauté, de lignes directrices pour l'emploi et sur leur transposition en plans d'action nationaux pour l'emploi, a permis à l'Europe de réduire substantiellement le chômage. L'évaluation à mi-parcours devrait donner un nouvel élan à ce processus en enrichissant les lignes directrices et en leur assignant des objectifs plus concrets, en établissant des liens plus étroits avec les autres politiques concernées et en définissant des procédures permettant de mieux y associer les différents acteurs. Les partenaires sociaux doivent être associés plus étroitement à l'élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des lignes directrices appropriées.

29. Dans ce contexte, le Conseil et la Commission sont invités à aborder les quatre domaines clés ci-après :

__améliorer la capacité d'insertion professionnelle et réduire le déficit de qualification, notamment en fournissant aux services de l'emploi une base de données européenne sur les possibilités d'emploi et d'apprentissage ; favoriser la mise en œuvre de programmes visant spécifiquement à permettre aux chômeurs de combler leur manque de qualification ;

__accorder plus d'importance à l'éducation et à la formation tout au long de la vie, composante essentielle du modèle social européen, notamment en encourageant les partenaires sociaux à conclure des accords sur l'innovation et sur l'éducation et la formation tout au long de la vie, en exploitant, grâce à une gestion souple du temps de travail et à l'alternance formation-emploi, la complémentarité entre cette éducation et cette formation et la capacité d'adaptation et en créant un prix européen pour les firmes pionnières. Il conviendrait d'évaluer les progrès réalisés au regard de ces objectifs ;

__accroître l'emploi dans les services, y compris les services personnels, secteur dans lequel la pénurie se fait le plus sentir ; les initiatives privées, publiques ou du secteur associatif peuvent être intégrées à cet effort, en prévoyant des solutions appropriées pour les catégories les plus défavorisées ;

__améliorer l'égalité des chances sous tous ses aspects, y compris en réduisant la ségrégation professionnelle et en permettant de concilier plus aisément vie professionnelle et vie familiale, notamment en fixant un nouveau critère d'évaluation des performances relatif à l'amélioration des structures de garde des enfants.

30. Le Conseil européen estime que l'objectif global de ces mesures devrait consister, sur la base des statistiques disponibles, à porter le taux d'emploi (actuellement de 61 % en moyenne) à un niveau aussi proche que possible de 70 % d'ici à 2010 et à faire en sorte que la proportion de femmes actives (actuellement de 51 % en moyenne) dépasse 60 % d'ici à 2010. Compte tenu de leurs situations de départ différentes, les Etats membres devraient envisager de fixer des objectifs nationaux pour un taux d'emploi accru. La population active sera ainsi plus importante et la viabilité des régimes de protection sociale s'en trouvera renforcée.

Moderniser la protection sociale

31. C'est sur la base du modèle social européen, avec ses régimes de protection sociale très développés, que doit se faire le passage à l'économie de la connaissance. Ces régimes doivent toutefois être adaptés dans le cadre d'un Etat social actif de manière à ce qu'il soit financièrement intéressant de travailler, à garantir leur viabilité à long terme malgré le vieillissement de la population, à promouvoir l'intégration sociale et l'égalité des sexes, et à fournir des services de santé de qualité. Sachant qu'il sera plus efficace de relever ce défi dans le cadre d'un effort commun, le Conseil européen invite le Conseil à :

__renforcer la coopération entre les Etats membres par l'échange d'expériences et de meilleures pratiques, sur la base de réseaux d'information améliorés, qui sont les outils de base en la matière ;

- charger le Groupe à haut niveau sur la protection sociale, compte tenu des travaux effectués au sein du Comité de politique économique, de favoriser cette coopération et, en priorité, de préparer, sur la base d'une communication de la Commission, une étude sur l'évolution future de la protection sociale dans une perspective à long terme, en accordant une attention particulière à la viabilité des régimes de retraite à différentes échéances jusqu'en 2020 et au-delà, si nécessaire. Un rapport sur l'avancement des travaux devrait être disponible en décembre 2000.

Favoriser l'intégration sociale

32. Il est inacceptable que, dans l'Union, tant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et soient touchées par l'exclusion sociale. Il faut prendre des mesures pour donner un élan décisif à l'élimination de la pauvreté en fixant des objectifs appropriés devant être approuvés par le Conseil d'ici à la fin de l'année. Le Groupe à haut niveau sur la protection sociale sera associé à ces travaux. La nouvelle société de la connaissance offre de formidables possibilités pour réduire l'exclusion sociale, que ce soit en créant les conditions économiques d'une plus grande prospérité grâce à des taux de croissance et d'emploi plus élevés ou en créant de nouvelles modalités de participation à la société. Mais elle comporte également le risque de voir sans cesse s'élargir le fossé entre ceux qui ont accès aux nouvelles connaissances et ceux qui en sont exclus. Afin d'éviter ce risque et d'exploiter pleinement les nouvelles possibilités, il faut s'efforcer d'améliorer les qualifications, de favoriser l'accès de tous à la connaissance et aux possibilités offertes et de lutter contre le chômage : l'emploi est la meilleure protection contre l'exclusion sociale. Les politiques de lutte contre l'exclusion sociale devraient reposer sur une méthode ouverte de coordination combinant les plans d'action nationaux et une initiative favorisant la coopération dans ce domaine, que la Commission présentera d'ici à juin 2000.

33. En particulier, le Conseil européen invite le Conseil et la Commission à :

- favoriser une meilleure compréhension de l'exclusion sociale par la poursuite du dialogue et des échanges d'informations et de meilleures pratiques, sur la base d'indicateurs arrêtés d'un commun accord ; le Groupe à haut niveau sur la protection sociale sera associé à l'établissement de ces indicateurs ;

- intégrer la promotion de la solidarité dans les politiques des Etats membres en matière d'emploi, d'éducation et de formation, de santé et de logement, cette intégration étant complétée au niveau communautaire par l'intervention des fonds structurels dans le respect du cadre budgétaire actuel ;

- définir des actions prioritaires pour des groupes cibles déterminés (par exemple les groupes minoritaires, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées), le choix des actions les plus adaptées à leur situation particulière étant laissé à l'appréciation des Etats membres, qui feront ensuite rapport sur la mise en œuvre de ces actions.

34. Compte tenu des présentes conclusions, le Conseil poursuivra ses réflexions sur la future orientation de la politique sociale, sur la base d'une communication de la Commission, afin d'arriver en décembre, au Conseil européen de Nice, à un accord sur un agenda social européen intégrant les initiatives des différents partenaires concernés.

MISE EN PRATIQUE DES DECISIONS : UNE APPROCHE PLUS COHERENTE ET PLUS SYSTEMATIQUE

Améliorer les processus existants

35. Il n'est nul besoin de nouveaux processus. Les grandes orientations des politiques économiques et les processus de Luxembourg, Cardiff et Cologne fournissent les instruments nécessaires, pour autant qu'ils soient simplifiés et mieux coordonnés entre eux, notamment en faisant participer les autres formations du Conseil à l'élaboration, par le Conseil ECOFIN, des grandes orientations des politiques économiques. En outre, ces grandes orientations des politiques économiques devraient se concentrer de plus en plus sur les conséquences à moyen et à long terme des politiques structurelles et sur les réformes visant à valoriser le potentiel de croissance économique, l'emploi et la cohésion sociale, ainsi que sur le passage à une économie de la connaissance. Les processus de Cardiff et Luxembourg permettront d'approfondir les différents sujets abordés.

36. Le Conseil européen consolidera ces améliorations en assumant un rôle phare d'orientation et de coordination, qui lui permettra d'assurer la cohérence générale et un suivi effectif des progrès réalisés sur la voie du nouvel objectif stratégique. Par conséquent, le Conseil européen se réunira chaque année au printemps pour débattre des questions économiques et sociales. Il convient donc d'organiser les travaux tant en amont qu'en aval de cette réunion. Le Conseil européen invite la Commission à élaborer chaque année un rapport de synthèse sur les progrès réalisés sur la base d'indicateurs structurels en matière d'emploi, d'innovation, de réformes économiques et de cohésion sociale, qui seront fixés d'un commun accord.

Mettre en œuvre une nouvelle méthode ouverte de coordination

37. La mise en œuvre de l'objectif stratégique sera facilitée par le recours à une nouvelle méthode ouverte de coordination permettant de diffuser les meilleures pratiques et d'assurer une plus grande convergence au regard des principaux objectifs de l'UE. Conçue pour aider les Etats membres à développer progressivement leurs propres politiques, cette méthode consiste à :

- définir des lignes directrices pour l'Union, assorties de calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long terme fixés par les Etats membres ;

- établir, le cas échéant, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d'évaluation par rapport aux meilleures performances mondiales, qui soient adaptés aux besoins des différents Etats membres et des divers secteurs, de manière à pouvoir comparer les meilleures pratiques ;

- traduire ces lignes directrices européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs spécifiques et en adoptant des mesures qui tiennent compte des diversités nationales et régionales ;

- procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examen par les pairs, ce qui permettra à chacun d'en tirer des enseignements.

38. L'approche retenue sera totalement décentralisée, conformément au principe de subsidiarité ; l'Union, les Etats membres, les collectivités régionales et locales, ainsi que les partenaires sociaux et la société civile seront activement associés dans diverses formes de partenariat. Une méthode d'évaluation des meilleures pratiques en matière de gestion des changements sera élaborée par la Commission européenne en coordination avec différents prestataires et utilisateurs, à savoir les partenaires sociaux, les entreprises et les ONG.

39. Le Conseil européen fait tout particulièrement appel au sens des responsabilités sociales des entreprises en ce qui concerne les meilleures pratiques en matière d'éducation et de formation tout au long de la vie, d'organisation du travail, d'égalité des chances, d'intégration sociale et de développement durable.

40. Un Forum de haut niveau rassemblant les institutions et organes de l'Union et les partenaires sociaux aura lieu en juin pour faire le point des processus de Luxembourg, Cardiff et Cologne et évaluer la manière dont les différents acteurs contribuent à étoffer le contenu du Pacte européen pour l'emploi.

Mobiliser les moyens nécessaires

41. La réalisation du nouvel objectif stratégique reposera essentiellement sur le secteur privé et sur des partenariats entre les secteurs public et privé. Elle dépendra d'une mobilisation des ressources disponibles sur les marchés et des efforts consentis par les Etats membres. Le rôle de l'Union est de servir de catalyseur pour ce processus, en établissant un cadre efficace permettant de mobiliser toutes les ressources disponibles pour assurer la transition vers l'économie de la connaissance et en apportant sa propre contribution à cet effort dans le cadre des politiques communautaires existantes tout en respectant l'Agenda 2000. En outre, le Conseil européen se félicite de la contribution que la BEI est prête à apporter à la formation du capital humain, aux PME et à l'esprit d'entreprise, à la R&D, aux réseaux des technologies de l'information et des télécommunications et à l'innovation. Dans le cadre de l'initiative "Innovation 2000", la BEI devrait, comme elle en a l'intention, dégager une nouvelle tranche d'un milliard d'euros pour des opérations de capital-risque en faveur des PME et consacrer aux domaines prioritaires son programme de prêts spécifique d'un montant de 12 à 15 milliards d'euros pour les trois prochaines années.

(...)

1 () COM(2004) 29 final.

2 () « Réformes structurelles et coordination en Europe », 2004.

3 () De 55 à 64 ans.

4 () La task force sur l'emploi, présidée par M. Wim Kok, a été chargée par le Conseil européen de mars 2003 de faire des propositions sur la mise en œuvre de la stratégie européenne pour l'emploi. Elle a remis son rapport en novembre 2003.

5 () Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France, 2004.

6 () SEC(2005) 192.

7 () Rapport d'information n° 992, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2003.

8 () SEC(2005) 193.

9 () Rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, « Le sursaut. Vers une nouvelle croissance pour la France », 2004.

10 () Philippe Aghion et Elie Cohen, « Education et croissance », rapport du Conseil d'analyse économique n° 46, 2004.

11 () Michel Herbillon, rapport d'information au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (n° 1927), « Les universités au XXIe siècle : pour une nouvelle Europe des Lumières ».

12 () François Scheer, Amélie Castéra et Jean-Paul Tran-Thiet, « Cinq ans après Lisbonne. Comment rendre l'Europe compétitive ».

13 () La recherche sur les maladies infectieuses ; les maladies dégénératives ; la pile à combustible ; la filière hydrogène ; la voiture économe et propre ; les biocarburants ; le solaire photovoltaïque ; la capture et la séquestration du CO; l'automatisation du contrôle aérien ; les réseaux sécurisés à haut débit.

14 () « Le processus de Lisbonne : communication du Bureau à partir des avis du Conseil économique et social en préparation du sommet de printemps 2005 », séance du Bureau du 12 octobre 2004

15 () COM (2005) 37 final.

16 () François Scheer, Amélie Castéra et Jean-Paul Tran-Thiet, « Cinq ans après Lisbonne. Comment rendre l'Europe compétitive ».

17 () SEC(2005) 192.

18 () COM(2004) 2 final.

19 () Voir le rapport d'information de Mme Anne-Marie Comparini, « L'Europe des services : les conditions pour une réussite économique et sociale », n° 2053.

20 () Rapport d'information n° 1709, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2004.

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