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N° 2602

_______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2005

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la réforme de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre
(COM [2005] 263 final/E 2916)
,

ET PRÉSENTÉ

par M. Jean-Marie SERMIER,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

_____

Pages

INTRODUCTION 7

I. LA REFORME DE L'ORGANISATION COMMUNE DES MARCHES (OCM) DU SUCRE EST INEVITABLE 11

A. Une OCM faisant figure d'exception 11

1) Un système inchangé depuis 1968... 11

2) ...Mais critiqué avec une certaine mauvaise foi 14

a) Quelques idées fausses sur un secteur de production tendant à l'équilibre 14

b) Une contribution au développement des ACP 17

B. Une production qui, bientôt, ne pourra plus être exportée et risquera d'être étranglée par l'afflux des importations préférentielles 20

1) Les effets potentiellement pervers des concessions accordées à certains pays pauvres 21

2) La remise en cause de notre indépendance alimentaire par l'OMC 27

a) Un régime d'exportations et de soutiens condamné par le "juge" multilatéral 27

(1) Une plainte exemplaire 27

(2) Trois griefs, une quasi-interdiction d'exporter 28

b) Des engagements pris à Doha pour éliminer les restitutions et réduire les droits de douane 30

(1) La fin des restitutions à l'exportation 30

(2) Des négociations tarifaires lourdes de menaces 31

3) Un « marché mondial » fictif, dominé par l'expansionnisme agricole du Brésil et les variations de prix 32

II. LE PROJET DE LA COMMISSION DOIT ETRE AMELIORE : IL EST EN PARTIE INEQUITABLE ET DELAISSE LA QUESTION CLEF DU CONTRÔLE DES IMPORTATIONS PREFERENTIELLES 39

A. La Communication de juillet 2004 : des premières options irréalistes, qui détruisaient la notion de « marché commun » 40

1) Un calendrier initial de réforme irresponsable sur le plan interne et international 40

2) Une absurdité économique et juridique : le système d'échange des quotas de production 41

B. Les propositions législatives de juin 2005 : un objectif de réduction de la production, qui ne s'accompagne pas d'un effort de solidarité suffisant 43

1) Une baisse des prix importante qui conduira à des abandons de production 44

2) Un dispositif de restructuration volontaire et autofinancé devant être mieux contrôlé et abondé 47

3) Une compensation partielle de la chute du revenu agricole 50

a) Des injustices manifestes 50

b) Une "avarice" inacceptable pour les DOM 54

4) De sérieuses interrogations sur les volumes des quotas et les possibilités transitoires de recours à l'exportation 57

a) Les quotas 57

(1) La fusion du A et du B 57

(2) Le C 57

(3) L'isoglucose 58

b) Un volet à l'exportation ne donnant pas assez de souplesse pour la régulation du marché intérieur 59

5) Des instruments de régulation affaiblis 60

a) Le remplacement du prix d'intervention par des outils à l'efficacité contestée 60

(1) Un prix de référence qui n'équilibrera rien... 60

(2) ...A l'instar du régime de stockage 61

b) Un retrait de quotas aléatoire 61

C. Le talon d'Achille de la réforme : un marché européen ouvert à tous les vents, sans capacité de régulation des entrées de vrai et de faux sucre PMA 62

1) La clef de la réussite...ou de l'échec 62

2) Une OCM qui sera rapidement aux abois 63

a) Des clauses "sabres de bois" peu efficaces 63

(1) Les textes et les engagements 63

(2) Une Commission qui sera de facto paralysée 66

b) Un Office "antifraude" aux moyens limités 67

D. Un volet d'aide aux pays ACP affectés par la baisse des prix délicat à négocier 69

1) Des demandes fortes motivées par un sentiment d'urgence et illustrant les contradictions des politiques communautaires 69

2) Une réponse visant à appuyer, de manière réaliste, l'adaptation des économies ACP 73

3) La nécessité d'une démarche contractuelle et centrée davantage sur les populations plutôt que sur les opérateurs 75

III. NOTRE POSITION : POUR DURER, L'OCM SUCRE DEVRA ALLIER COMPETITIVITE, SOLIDARITE ET PROTECTION TARIFAIRE 77

A. Créer les conditions d'une réduction maîtrisée, sur le plan économique et social, de la production 77

1) Faire dès 2006 le choix de la compétitivité 77

2) Mieux abonder le fonds de restructuration pour mieux indemniser les planteurs 78

3) Appliquer la subsidiarité à la gestion des enveloppes d'aides compensatoires et supprimer les paramètres aggravant la baisse des prix pour les planteurs 80

4) Conserver des souplesses internes et externes 81

B. Protéger l'Europe et les pays pauvres d'un marché mondial déloyal 82

1) Obtenir des sauvegardes automatiques contre les importations de sucre trafiqué et les opérations spéculatives 82

2) Modifier les règles d'origine 83

3) Engager une double démarche auprès des pays ACP et des PMA 83

a) Conclure des protocoles sur la "police" des exportations 83

b) Renforcer la sécurité alimentaire 84

4) Placer l'Europe en position de force à l'OMC 84

a) S'affranchir du piège tendu par le Brésil 84

b) Négocier la mise en œuvre du panel sucre 85

CONCLUSION 87

TRAVAUX DE LA DELEGATION 89

1. Audition de Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne à l'agriculture, sur le cadre budgétaire et les évolutions de la politique agricole commune, mercredi 29 juin 2005 89

2. Réunion du mercredi 19 octobre 2005 104

PROPOSITION DE RÉSOLUTION 109

ANNEXES 115

Annexe 1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur 117

Annexe 2 : Bilan prévisionnel 2005/2006 de l'approvisionnement en sucre de l'Union européenne 119

Annexe 3 : Production communautaire de sucre 2004/2005 120

Annexe 4 : Production et exportations de sucre des pays ACP du Protocole 123

Annexe 5 : Statistiques relatives aux cinq principaux acteurs du marché mondial du sucre 125

Annexe 6 : Nombre de sucreries et de raffineries dans l'Union européenne 127

Annexe 7 : Nombre de planteurs de betteraves dans l'Union européenne 129

Annexe 8 : Nombre d'emplois dans les industries fabricant du sucre de l'Union européenne 131

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport d'information s'inscrit dans le cadre du travail de suivi, que la Délégation a confié au rapporteur, des textes réformant la politique agricole commune (PAC), exercice ayant débuté, sous cette législature, par l'examen, en 2003, des propositions de règlement de la Commission visant à découpler certaines aides directes(1).

Après les secteurs des grandes cultures, du riz, du lait et des produits laitiers et de la viande bovine, réformés par l'accord de Luxembourg de juin 2003, puis ceux du tabac, du coton, de l'huile d'olive et du houblon, révisés en 2004, puis l'examen du nouveau règlement proposé pour la politique de développement rural(2), la Délégation est, une fois de plus, saisie, en application de l'article 88-4 de la Constitution, d'un nouveau « paquet agricole », comportant trois propositions(3).

Celles-ci, déposées à l'Assemblée nationale le 13 juillet 2005, concernent l'organisation commune des marchés (OCM) du sucre, qui expire le 30 juin 2006.

Baisse des prix, compensation - mais seulement partielle - de la chute du revenu des agriculteurs qui en découle et découplage de cette aide sont prévus. Ce sont là autant de perspectives connues, qui obéissent au nouveau paradigme de la PAC, issu des réformes de 1992, 1999 et 2003.

C'est la preuve que la plus ancienne et la plus intégrée des politiques communes de l'Europe connaît, depuis plus de 13 ans, une révolution permanente : la PAC ne cesse de s'adapter aux nouvelles demandes des consommateurs-contribuables et à la pression des négociations commerciales multilatérales.

Pour autant, la réforme du secteur du sucre, qui est attendue depuis 2000, après l'échec, bienvenu, d'une première tentative - extrêmement maladroite - de la Commission, alors analysée par notre collègue François Guillaume, n'est pas une réforme comme les autres(4).

Il s'agit, sans doute, de la plus complexe des réformes des OCM sur laquelle la représentation nationale aura été appelée à se prononcer.

D'abord, l'OCM sucre constitue, avec ses mécanismes de fonctionnement, quasiment inchangés depuis leur création, une quintessence de la PAC « ancien régime », désormais obligée de prendre en marche le train de la « nouvelle politique agricole ».

Ensuite, pour la première fois de son histoire, l'Europe doit réduire l'une de ses productions agricoles, au point d'y perdre son indépendance alimentaire, pour se mettre en conformité avec les conclusions de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce dernier a en effet condamné, le 28 avril 2005, certains aspects du régime communautaire de soutien aux producteurs de sucre et d'aide aux exportations, contraignant ainsi l'Europe à modifier en profondeur l'OCM. La portée de cet événement est historique, à l'heure où l'Europe joue sa souveraineté agricole à l'OMC.

Enfin, cette OCM repose sur des équilibres économiques et commerciaux étroitement imbriqués, qui, sans interdire les adaptations nécessaires, excluent toute remise en cause de l'existence d'un marché régulé, de la relation vitale entre les industriels et les planteurs et d'une protection tarifaire adaptée.

Aussi toute démarche qui ne serait pas guidée par l'esprit de solidarité provoquerait-elle des pertes d'emplois et de revenus insupportables en Europe et, au-delà, dans plusieurs pays en développement liés à l'Union par un accord préférentiel.

C'est pourquoi, avant même d'être saisie des propositions de règlement révisant l'OCM, la Délégation, à l'instigation du rapporteur, avait souhaité prendre position sur les premières options de réforme, présentées par la Commission, le 14 juillet 2004, dans le cadre d'une Communication. Le 16 octobre 2004, elle adoptait, sur la proposition du rapporteur, des conclusions, dont le texte figure dans l'encadré ci-après.

« La Délégation...

1. Demande au Gouvernement d'obtenir, à l'occasion du prochain Conseil des ministres de l'agriculture, un engagement clair de la Commission de ne pas réformer le règlement sucre actuel avant sa date prévue d'expiration, fixée le 30 juin 2006 ;

2. Estime qu'après ce terme, le rééquilibrage du marché européen du sucre imposé par l'augmentation des importations préférentielles et l'interdiction des exportations subventionnées passera par une réduction contrôlée du différentiel de prix entre la Communauté et le marché mondial et une restructuration de la filière qui s'appuie sur la compétitivité des acteurs ; juge, à cet égard, le recours à un fonds de reconversion financé par les professionnels préférable au mécanisme de transfert des quotas de production, ce dernier étant juridiquement complexe et économiquement aventureux ;

3. Considère que la réorganisation de la filière impliquera le maintien d'une préférence communautaire suffisamment élevée pour le sucre, qui soit accompagnée d'un contrôle rigoureux de l'origine du sucre préférentiel importé ;

4. Souhaite que l'architecture de la nouvelle OCM couvre une période suffisamment longue, par exemple jusqu'en 2013, afin de donner des perspectives claires aux producteurs, et ne sacrifie pas la solidarité due aux régions ultrapériphériques de l'Union et aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. 
»

Il faut se féliciter que les orientations de juillet 2004, à la fois politiquement inacceptables et économiquement absurdes, aient été repoussées par une majorité d'Etats membres, ce qui a conduit la Commission à retravailler sa copie, avant de présenter, le 22 juin 2005, ses propositions législatives.

A cet égard, les propositions du 22 juin 2005 marquent un réel progrès par rapport à la Communication de 2004 : elles constituent, en effet, une base de départ acceptable.

Mais cette observation ne vaut pas approbation : pour être approuvés par la France et ses partenaires en développement, les textes de la Commission doivent être rendus plus justes et ne pas délaisser la question, centrale, de la préférence communautaire.

C'est pourquoi le rapporteur s'attachera à présenter les enjeux d'une réforme devenue inévitable, puis à évaluer les mesures suggérées par la Commission, avant d'apporter sa propre contribution à la négociation sur l'avenir de cette OCM « pas comme les autres ».

Pour survivre, la filière sucre devra allier compétitivité, solidarité et protection tarifaire à l'encontre des importations frauduleuses et spéculatives.

I. LA REFORME DE L'ORGANISATION COMMUNE DES MARCHES (OCM) DU SUCRE EST INEVITABLE

A. Une OCM faisant figure d'exception

1) Un système inchangé depuis 1968...

Créée en 1968, l'organisation commune des marchés du secteur du sucre est une réalisation remarquable par sa cohérence interne et externe, qui a parfaitement rempli ses deux missions.

En premier lieu, l'OCM sucre assure un revenu stable aux producteurs, agriculteurs et industriels, grâce à deux prix garantis :

- un prix d'intervention auquel doit être acheté le sucre proposé par les producteurs aux organismes publics d'intervention. Depuis la campagne 1984/1985, ce prix est de 631,90 euros/tonne pour le sucre blanc (523,70 euros/tonne pour le sucre brut) ;

- un prix minimal de la betterave sucrière, que les sucreries doivent payer aux agriculteurs.

En second lieu, l'un allant avec l'autre, ce régime de soutien est assorti d'une politique de maîtrise de l'offre : la garantie de prix n'est accordée que pour les quantités produites à l'intérieur de quotas maximums.

En effet, deux quotas de production ont été mis en place, afin de réguler les quantités livrées sur le marché intérieur : le quota « A », destiné à l'approvisionnement de ce marché, et le quota « B », qui est destiné à l'exportation. Quant au prix minimal de la betterave, il a été fixé, par le Conseil, jusqu'à la fin de la campagne 2005/2006, à 46,72 euros/tonne pour la betterave utilisée pour la production de « sucre A » et à 32,42 euros/tonne pour la betterave utilisée pour la production de « sucre B ». Enfin, il existe des quotas pour la production d'isoglucose et de sirop d'inuline de, respectivement, 0,5 et 0,3 million de tonnes.

Les entreprises peuvent produirent au-delà de ces quotas, mais ce surplus, appelé « sucre C », ne peut bénéficier ni du soutien communautaire, ni être vendu sur le marché intérieur. Il doit faire l'objet soit, d'un report à la campagne suivante, soit être exporté tel quel, sans restitutions, c'est-à-dire sans subventions(5).

Les quotas de production de sucre dans l'Union à 25

(tonnes de sucre blanc)

Régions

Sucre

Quota A

Quota B

TOTAL

Rep. tchèque

Danemark

Allemagne

Grèce

Espagne

France (hexagone)

France (départements d'outre-Mer)

Irlande

Italie

Lettonie

Lituanie

Hongrie

Pays-Bas

Autriche

Pologne

Portugal

Archipel des Açores

Slovaquie

Slovénie

Finlande

Suisse

Union économique belgo-luxembourgeoise

Royaume-Uni

441 209,0

325 000,0

2 612 913,3

288 638,0

957 082,4

2 536 487,4

433 872,0

181 145,2

1 310 903,9

66 400,0

103 010,0

400 454,0

684 112,4

314 028,9

1 580 000,0

63 380,2

9 048,2

189 760,0

48 157,0

132 806,3

334 784,2

674 905,5

1 035 115,4

13 653,0

95 745,5

803 9852,2

28 863,8

39 878,5

752 259,5

46 372,5

18 114,5

246 539,3

105,0

0,0

1 230,0

180 447,1

73 297,5

91 926,0

6 338,0

904,8

17 672,0

4 816,0

13 280,4

33 478,0

144 906,

103 511,5

454 862,0

420 745,5

3 416 895,5

317 501,8

996 960,9

3 288 746,9

480 244,5

199 259,7

1 557 443,2

66 505,0

103 010,0

401 684,0

864 559,5

387 326,4

1 671 926,0

69 718,2

9 953,0

207 432,0

52 973,0

146 086,7

368 262,2

819 811,6

1 138 626,9

Total Union européenne à 25

14 723 213,3

2 717 321,2

17 440 534,5

Source : Commission européenne, DG agriculture.

Le montant total des quotas A et B est de 17,4 millions de tonnes pour les 25 Etats membres, dont 82 % en quota A et 18 % en quota B.

Quant à la production de sucre C, elle atteint, en moyenne, 3 millions de tonnes, soit environ 20 % de la production sous quota(6).

Ce système a donc permis une parfaite adéquation entre l'offre et la demande, à laquelle contribuent deux autres instruments, les droits de douane, d'une part, qui protègent les prix garantis et la politique des quotas des fluctuations du marché mondial, et, les restitutions, d'autre part, qui permettent à l'Europe de vendre le surplus de sa production aux pays tiers.

¬ La protection tarifaire du sucre produit dans l'Union permet d'assurer la préférence communautaire, c'est-à-dire le maintien des prix de la Communauté à un niveau élevé, en moyenne plus du triple du prix mondial. Elle combine deux droits de douane. L'un, établi à 419 euros la tonne (339 euros la tonne pour le sucre brut destiné à être raffiné) est fixe, l'autre, dit « additionnel », est variable. Celui-ci résulte de l'application de la « Clause de sauvegarde spéciale » de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, qui se déclenche en cas de forte variation du prix mondial. En 2003, par exemple, le droit moyen additionnel s'est élevé à 115 euros/tonne.

¬ Les restitutions à l'exportation sont destinées à couvrir la différence entre le prix communautaire et le prix mondial du sucre, afin de permettre au sucre européen, ainsi qu'au sucre importé dans le cadre du Protocole ACP/Inde, à l'isoglucose et au sirop d'inuline, d'être vendus sur le marché mondial.

Le montant moyen des restitutions est très élevé, soit 485 euros/tonne en 2002/2003 et 512 euros/tonne en 2003/2004, mais le volume total de sucre, d'isoglucose et de sirop d'inuline pouvant être exporté à l'aide des restitutions est plafonné par l'Accord sur l'agriculture de l'OMC à 1,273 million de tonnes ou 499 millions d'euros.

Les spécificités de ce système, qui font du sucre la plus régulée des productions couvertes par une OCM, ont eu pour effet de le mettre à l'abri des changements ayant bouleversé, depuis plus de dix ans, la PAC.

Ceux-ci ont mis en place une politique agricole « nouveau régime », qui répond à deux nécessités : adapter la PAC aux règles commerciales multilatérales, orientées vers la baisse des prix et des aides agricoles, ainsi qu'aux nouvelles attentes de la société, concernant la sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale.

Ces évolutions ayant été retracées dans les précédents travaux du rapporteur, on se bornera ici à rappeler que les réformes de 1992, 1999 et 2003, ont baissé les prix des céréales, de la viande bovine et du lait, augmenté les quotas laitiers, institué des aides directes au revenu compensant partiellement la baisse des prix et découplé, avec la réforme de Luxembourg, ces soutiens de la production, en instituant un « paiement unique », dont le versement est conditionné au respect de normes concernant l'environnement, la sécurité sanitaire des aliments, ainsi que la santé et le bien-être des animaux.

L'Europe agricole connaît ainsi une asymétrie entre des secteurs ayant fourni un effort considérable d'adaptation aux nouvelles réalités économiques et sociales et une production affranchie, depuis presque quarante ans, de ces évolutions.

Il est donc juste que l'OCM sucre intègre le « droit commun » de la PAC.

2) ...Mais critiqué avec une certaine mauvaise foi

a) Quelques idées fausses sur un secteur de production tendant à l'équilibre

Lors des précédents travaux du rapporteur, il a été souligné à quel point la PAC est présentée, par les organisations économiques internationales et les experts de certaines ONG, comme une politique coupable, qui doit être mise hors d'état de nuire.

En effet, elle serait, peu ou prou, à l'origine de la chute des prix agricoles, du sous-développement des pays du Sud et de l'insécurité alimentaire mondiale. Sans compter, bien sûr, les conséquences pour le consommateur européen, dont le portefeuille fait les frais d'un régime de soutien avantageant exclusivement les producteurs...

Tout ce discours ignore volontairement la révolution agricole accomplie par l'Europe depuis douze ans : cette dernière sera toujours, pour certains commentateurs et responsables, une grande fautive, sommée de se défaire des tares qu'elle ne possède plus et que possède, à l'inverse, son partenaire outre-Atlantique. Pour mémoire, rappelons ici que les Etats-Unis accordent, dans le cadre du dernier Farm Bill ou « Loi sur la sécurité agricole et l'investissement rural » de mai 2002, des paiements dits contra-cycliques, qui compensent les farmers de prix faibles, les incitant ainsi à produire sans tenir compte des évolutions du marché mondial.

Sur ce fond de campagne anti-PAC s'ajoute le fait que le secteur sucrier européen est souvent accusé, avec délices, d'incarner l'OCM nocive par excellence, l'ennemi à abattre en priorité, pour assurer un fonctionnement harmonieux des marchés agricoles.

Sans reprendre l'argumentation justifiant la reconnaissance d'une exception agricole, en vertu de laquelle les produits qui nourrissent les hommes ne peuvent être traités comme des biens industriels, destinés à être échangés sur un marché libéralisé, il convient de rappeler ici quelques vérités concernant les effets de la politique sucrière européenne.

En ce qui concerne l'accusation de surproduction, notons qu'en moyenne, l'Europe produit environ 20 millions de tonnes de sucre, en comptant le sucre C, pour une consommation d'un peu moins de 16 millions de tonnes.

Le bilan sucrier européen est excédentaire, mais il ne se traduit pas pour autant par un déséquilibre, perturbateur, pour les marchés communautaire et mondial, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, sur le plan interne, le régime des quotas tend à l'équilibre, car il permet d'ajuster les surfaces emblavées en fonction de l'évolution de la demande. La conséquence en est qu'il n'y a pas eu de mise à l'intervention entre 1986 et ... 2005. Pour l'année en cours, les 700 000 tonnes concernées par l'intervention reflètent une situation exceptionnelle, qui résulte d'un comportement ponctuel, celui des nouveaux Etats membres. Ces derniers ont, en effet, augmenté, dans la perspective de leur adhésion, les quantités produites pour tenter de se faire attribuer des quotas plus importants.

En second lieu, un mécanisme de déclassement des quotas, institué en 1995 pour respecter les contraintes du plafond à l'exportation de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, permet de diminuer, de façon automatique, les quotas. Cet instrument n'a pas été utilisé lors de la dernière campagne, mais l'a été pour les campagnes de 2001/2002, 2002/2003, et 2003/2004. Pour l'année en cours, en raison des effets de l'élargissement, la Commission a décidé, le 28 septembre, de déclasser 1,8 million de tonnes de sucre, d'isoglucose et de sirop d'inuline. L'annonce de l'arrivée prochaine, sur le marché mondial, de ces quantités, exportées sans restitutions comme du sucre C, a été immédiatement dénoncée par l'Australie, le Brésil et la Thaïlande, le 27 septembre, à l'OMC. Le Brésil est allé jusqu'à prophétiser une chute des cours mondiaux de plus de 6 %...

Or si l'Union a, effectivement, recours au marché mondial pour retirer, par ses exportations, les quantités excédentaires sur le marché intérieur, elle le fait, en second lieu, de façon limitée et régulière.

Depuis 1989, l'Union européenne, a exporté, entre 5 à 6 millions de tonnes de sucre, environ, en comptant le sucre C, ce qui dénote la stabilité de sa présence, en volume, sur le marché mondial. On ne peut donc pas l'accuser d'avoir une stratégie prédatrice, surtout au regard de l'ascension fulgurante du Brésil, qui sera examinée plus loin.

En outre, il faut se rappeler qu'une partie non négligeable des exportations européennes de sucre, soit près de la moitié, va sur le marché mondial sans restitutions.

Enfin, il ne faut pas oublier que l'Europe est aussi un importateur de sucre, pour deux millions de tonnes environ. Son impact final sur le marché mondial est donc d'autant plus réduit : il ne représente, environ, que 3,5 millions de tonnes net.

Ce chiffre est à comparer avec « le volant de manœuvres » dont dispose le Brésil, entre le sucre et l'alcool. En équivalent sucre, le potentiel de production brésilien, selon l'édition 2004 de Cyclope, les marchés mondiaux, dépasse les 52 millions de tonnes, avec un potentiel exportable d'au moins 13,5 millions de tonnes.

Quant au surcoût que représenterait, pour le consommateur européen, l'OCM, cet argument n'a pas de portée réelle. Car il n'existe pas de pays développés où le prix du sucre payé par le consommateur est égal au prix mondial. Le prix du sucre dans l'Union, ramené à la parité de pouvoir d'achat, se situe exactement dans la moyenne des prix du sucre dans les pays riches : selon la Confédération générale des planteurs de betteraves, il est, par exemple, équivalent en Europe et en Australie, alors même que ce membre du groupe de Cairns pratique une politique sucrière libérale.

De même, les études de l'Organisation internationale du sucre tendent à montrer que le prix de détail des produits transformés sucrés n'est pas plus élevé, en Europe, que dans d'autres pays où le sucre est vendu moins cher. La canette de Coca ou la barre de Mars coûte aussi cher en Europe que dans le reste du monde, car ce sont les coûts de marketing et de distribution qui déterminent, pour l'essentiel, le prix de ces produits. Or le sucre utilisé dans les produits transformés représente 75 % de la consommation sucrière européenne...

Enfin, il convient de souligner que cette OCM tant décriée est...autofinancée par le biais de cotisations prélevées sur les industries sucrières, les seules restitutions concernant les réexportations de sucre ACP étant financées par le FEOGA(7).

b) Une contribution au développement des ACP

Loin de constituer un fardeau pour les pays pauvres, l'OCM sucre s'accompagne, depuis l'Accord de Lomé de février 1975, d'un régime préférentiel d'importations, qui contribue directement au développement économique des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Il s'agit là du seul exemple d'association contractuelle de pays, figurant parmi les plus pauvres de la planète, aux avantages d'une politique agricole menée par des pays riches.

Selon la Commission européenne, les dix premiers fournisseurs de sucre de la Communauté, en pourcentage du total, sont tous, à l'exception de Cuba, des pays ACP du Protocole sucre.

18 pays ACP bénéficient effectivement du Protocole sucre, qui est annexé à l'Accord de Cotonou, le « successeur » des différents accords de Lomé, entré en vigueur en avril 2003. L'article 1 du Protocole permet d'écouler, pour une durée indéfinie, sans payer de droits de douane et à un prix égal au prix d'intervention communautaire, un quota de 1,304 million de tonnes de sucre de canne sur le marché européen(8).

Rappelons ici qu'un contingent de 10 000 tonnes est ouvert, dans les mêmes conditions et par un accord également conclu en 1975, aux importations de sucre en provenance de l'Inde.

Cette dernière, ainsi que les signataires du Protocole sucre, bénéficient, en outre, d'un dernier contingent à droit zéro, dit « SPS », qui est ouvert dans le but de couvrir les besoins des raffineries européennes, au cas où elles ne pourraient pas s'approvisionner en quantités suffisantes auprès des pays du Protocole et des pays et territoires d'outre-mer. Ce quota, d'environ 150 000 tonnes, est attribué chaque année.

L'existence d'un quota ACP vendu à 523,70 euros/tonne pour le sucre brut, contre un prix mondial souvent égal à 200 euros/tonne, permet aux pays ACP d'en tirer un bénéfice économique et financier considérable.

En 2003, par exemple, l'île Maurice, le plus important producteur de sucre ACP, a exporté pour 23 % de ce quota, ce qui lui a rapporté 261 millions d'euros. L'ambassadeur du Malawi en Belgique a, pour sa part, indiqué au rapporteur que les exportations de sucre avaient rapporté à son pays 11 millions d'euros pour les 21 500 tonnes de quota ouvert au titre du sucre, 5,2 millions d'euros pour les 10 000 tonnes du quota « SPS » et 5 millions d'euros pour le quota « Tout sauf les armes ».

Cet avantage commercial, qui combine, ce qui est rare pour des pays pauvres exportateurs de denrées alimentaires, stabilité des prix et garantie d'écoulement, assure le maintien d'une production agricole qui emploie, directement, 300 000 personnes.

Dans certains pays ACP, la contribution de la production sucrière à l'économie nationale est vitale, comme l'illustre le tableau ci-dessous : le sucre représente, ainsi, plus de 17 % du PIB du Guyana et plus de 24 % de celui du Swaziland, tandis que dans les îles Fidji, il assure 90 % de la production agricole totale.

La production de sucre dans les pays ACP

PAYS

SUCRE EN 2003

SUCRE EN %

EMPLOIS DANS LE SECTEUR SUCRIER

PRODUCTION

EXPORTATIONS

PIB

SECTEUR AGRICOLE

Barbade

36,00

35,161

1.8

41.4

9,500

Belize

111,109

100,462

9.5

61.9

10,600

Congo

45,000

42,524

1.0

NA

1,000

Côte d'Ivoire

145,000

31,518

0.9

3.3

5,000

Fidji

330,356

273,756

8.1

93.0

101,600

Guyana

302,000

261,207

15.8

30.0

33,100

Jamaïque

153,670

131,117

1.0

13.9

51,500

Kenya

NA

NA

NA

NA

NA

Madagascar

35,000

6,837

3.9

NA

18,000

Malawi

257,000

118,059

4.9

NA

21,800

Ile Maurice

537,723

517,506

8.0

70.0

51,600

Mozambique

NA

NA

NA

NA

NA

St Kitts et Nevis

22,000

15,921

28.0

74.0

9,400

Swaziland

615,949

478,648

24.0

51.0

93,000

Tanzanie

217,513

22,723

3.1

5.0

52,000

Trinidad et Tobago

66,914

54,202

0.6

27.8

41,400

Zambie

229,757

118,784

2.3

15.0

62,000

Zimbabwe

482,309

124,284

2.3

17.2

162,000

Total

3,587,300

2,332,744

   

729,500

Source : Secrétariat général du groupe des pays ACP.

B. Une production qui, bientôt, ne pourra plus être exportée et risquera d'être étranglée par l'afflux des importations préférentielles

Si l'OCM ne peut plus rester, pour des raisons de cohérence, à l'écart de la « nouvelle PAC », d'autres facteurs, tous externes, imposent une adaptation rapide des marchés sucriers européens.

Ces facteurs se présentent sous la forme de quatre chocs extérieurs, dont trois sont directement issus de l'OMC. Cumulés, ceux-ci menacent l'Europe d'une « déferlante » d'importations, alors qu'elle ne pourra plus exporter sa production.

Et il faut garder à l'esprit que ce risque d'asphyxie de notre production de sucre se présentera dans un marché erratique, dont la seule permanence est la domination qu'y exerce le Brésil.

Ces quatre chocs sont :

- l'augmentation prévisible des importations préférentielles, sous l'effet de l'initiative « TSA » ou « Tout sauf les armes », adoptée en faveur des pays les moins avancés (PMA) ;

- la mise en œuvre du panel « sucre » de l'OMC, qui, à la suite d'une plainte déposée par l'Australie, le Brésil et la Thaïlande, a condamné le régime des exportations européennes de sucre ;

- l'engagement pris par les membres de l'OMC à Genève, au travers de la décision du Conseil Général de l'Organisation du 1er août 2004, d'éliminer les restitutions à l'exportation de produits agricoles. Les Etats-Unis et le Premier ministre britannique, M. Tony Blair, ont pris position pour un retrait définitif de ces soutiens d'ici 2010 ;

- la baisse des droits de douane sur les produits agricoles en cours de négociation à l'OMC, qui affectera fortement la protection tarifaire du sucre européen.

1) Les effets potentiellement pervers des concessions accordées à certains pays pauvres

Adopté en février 2001, le règlement « Tous sauf les armes » constitue une concession commerciale sans équivalent dans le monde. Celui-ci ouvre, sans quotas ni droits de douane, le marché européen à la totalité des exportations, sauf les armes, des 50 pays considérés, par l'ONU, comme étant les plus pauvres de la planète, les PMA.

La plupart des PMA, soit 40 sur 50, sont aussi des pays ACP. On compte cinq pays ACP parties au Protocole sucre (Madagascar, Malawi, Mozambique, Tanzanie et Zambie), qui exportent sous le régime « TSA », et quatre pays PMA également ACP, non-parties au Protocole, le Burundi, le Burkina, l'Ethiopie et le Soudan. Le seul PMA exportateur de sucre ACP ne faisant pas partie du Protocole est le Népal.

Pour le sucre, le règlement « TSA » prévoit d'ouvrir des contingents tarifaires à droits nuls à partir de la campagne 2001/2002, qui augmenteront, de campagne en campagne, de 15 % jusqu'en 2005/2006 (de 74 851 tonnes à 129 751 tonnes). Puis, à partir du 1er juillet 2006, le sucre exporté par ces pays pourra entrer, sans quotas, et, à partir du 1er juillet 2009, sans droits de douane sur le marché communautaire.

Par ailleurs, la Commission indique que son objectif, en ce qui concerne le lien de la réforme de l'OCM avec les préférences accordées aux PMA, est d'offrir à ces pays, les mêmes prix garantis que ceux prévus par le Protocole sucre.

Les conditions sont donc réunies pour qu'à partir de 2009, le marché communautaire du sucre, rendu structurellement attractif par ses prix très élevés (selon des analyses communiqués à l'Organe de règlement des différends de l'OMC, le prix du sucre du quota A correspondait à environ 350 % du prix sur le marché mondial, celui du sucre B à environ 250 % du prix sur le marché mondial ; même après la réforme, les prix européens resteront deux fois plus élevés que les prix mondiaux), soit en passe « d'aspirer » la production exportée par les PMA, sous le régime préférentiel « TSA ».

Celle-ci, en raison du potentiel des PMA, risque, en effet, de suivre une courbe ascendante, qui, si elle était exportée en totalité vers l'Europe, déstabiliserait, rapidement et fortement, le marché communautaire.

Les PMA minimisent ce risque, en faisant valoir que 19 d'entre eux, en 2004, ont produit seulement 3 millions de tonnes de sucre pour leur consommation locale.

Cependant, le potentiel d'exportation des PMA n'est pas une chimère : la Commission elle-même estime que les exportations de PMA vers l'Union pourraient atteindre, au maximum, 2,2 millions de tonnes en 2012/2013. Dans un entretien avec le rapporteur, la Commissaire européenne à l'agriculture et au développement rural, Mme Mariann Fischer Boel, a précisé qu'il s'agissait de la partie haute des estimations, la partie basse se situant plutôt aux alentours du million de tonnes. Les raffineries opérant dans l'Union ont, de leur côté, indiqué à la Commissaire européenne qu'en raison de l'effet dissuasif de la baisse des prix sur les exportateurs de sucre des PMA, qui rendra le marché communautaire moins intéressant, elles tablaient, elles aussi, sur un volume d'importations d'un million de tonnes.

Les autres estimations sont, en revanche, nettement moins « optimistes ».

Par exemple, la Confédération générale des planteurs de betteraves, qui a conduit une mission dans 6 PMA africains (Ethiopie, Malawi, Mozambique, Soudan, Tanzanie et Zambie), estime, quant à elle, que d'ici 2015, la production de sucre de ces pays, de l'ordre de 1,965 million de tonnes en 2003/2004, pourrait doubler pour atteindre 4,1 millions de tonnes.

Il ne faut pas oublier, en effet, qu'il existe au sein des PMA producteurs de sucre un « biais à l'exportation », qui résulte de trois facteurs.

Premièrement, la plupart des complexes sucriers des pays considérés comme exportateurs actuels ou potentiels, le Soudan, le Mozambique, le Malawi, la Tanzanie et l'Ethiopie, sont des structures intégrées, avec des plantations immenses, idéales pour une production destinée à l'export. Par exemple, le rapport Cyclope sur les marchés mondiaux en 2004 note que le périmètre irrigué de l'usine de la KENANA au Soudan s'étend sur plus de 60 000 hectares. Par ailleurs, deux nouveaux projets de développement de la production sont relevés dans ce pays, l'un concernant 350 000 tonnes pour 65 000 hectares, l'autre, 250 000 tonnes. Au Mozambique, sur quatre usines, deux font appel à des planteurs indépendants, qui ne représentent que moins de 15 % des surfaces, les deux autres s'approvisionnant auprès des plantations d'usine, qui elles couvrent 10 000 hectares. En Tanzanie, Zambie et Malawi, ce sont les capitaux étrangers, provenant surtout d'Afrique du Sud, qui « redéveloppent » les sucreries.

Les professionnels rencontrés par le rapporteur ont cité d'autres exemples de projets de développement, à l'étude ou en cours d'élaboration, qui misent, à des fins d'exportation, sur les capacités de pays a priori surprenants, tel le Népal ou le Bhoutan.

Deuxièmement, la perspective alléchante que constitue l'initiative « TSA » pour des opérateurs peu scrupuleux, prêts à tricher sur l'origine du sucre, ne peut être ignorée. La démarche frauduleuse consisterait à exporter vers l'Europe, grâce à un régime commercial exempté de droits de douane, du sucre de canne brésilien, transformé en sucre « préférentiel », après une simple opération de raffinage, voire un changement d'emballage, destinés à « requalifier » l'origine des quantités importées. Il y a lieu de noter, d'ailleurs, que le principe selon lequel le raffinage vaut origine ne résulte d'aucun texte communautaire, mais de la seule jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

Pour avoir perçu et mis en avant ce danger, la France a été le seul Etat membre à émettre, lors de la négociation du règlement « Tout sauf les armes », des réserves sur le principe d'une libéralisation totale du sucre PMA.

Sa position a été caricaturée, alors que l'exemple du sucre des Balkans lui a donné raison, a posteriori : celui-ci, bénéficiant depuis la fin 2001 d'un droit zéro, a fait l'objet d'un tel détournement de trafic, que cela a conduit à une explosion des importations communautaires de sucre provenant de cette région (de zéro tonne en 1999 à 270 000 tonnes en 2003) et à la suspension, après une enquête menée sur place par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), de la concession accordée par l'Europe. La Commission a, par la suite, été contrainte de proposer de fixer, pour le sucre originaire de cette région, des contingents tarifaires par pays. En février 2005, le Conseil adoptait un règlement établissant des quotas de 1 000 tonnes pour l'Albanie, de 12 000 tonnes pour la Bosnie et de 180 000 tonnes pour la Serbie-et-Monténégro.

Enfin, aux dangers susceptibles d'être créés par des comportements frauduleux, s'ajoute celui qui peut résulter d'opérations commerciales parfaitement légales, les fameux « SWAP », ainsi nommés d'après un terme boursier anglo-saxon, dont l'effet final sur la production communautaire pourrait être tout aussi dévastateur.

En effet, l'initiative « TSA » permettra à un PMA, qui, traditionnellement, consomme la moitié de sa production, de l'exporter, en réalité, en totalité (par exemple, 100 tonnes vendues en Europe), tout en s'approvisionnant sur le marché mondial pour assurer sa propre consommation (soit 50 tonnes achetées au Brésil). Elle constitue donc une incitation au développement d'échanges « triangulaires », qui permettent, ainsi, aux opérateurs commerciaux de se dégager d'importantes marges. La tentation risque d'être très forte...

La Confédération générale des planteurs de betteraves a procédé à des estimations, d'après lesquelles les exportations des PMA vers l'Union seraient à 75 % des opérations de SWAP et à 25 % des exportations nettes. Cette organisation estime par ailleurs que « toute pratique commerciale irrespectueuse des règles d'origine entraînerait des exportations SWAP supplémentaires, dont l'intérêt deviendrait pratiquement indépendant du prix européen et du prix mondial ». Ainsi, dans l'hypothèse où les règles d'origine seraient contournées, les volumes de SWAP atteindraient 2,3 millions de tonnes, pour porter les exportations totales de sucre des PMA à 3,2 millions de tonnes.

Pour terminer cette analyse du choc économique que représentera l'afflux des importations préférentielles, il convient, en dernier lieu, de procéder à un calcul tenant compte des importations PMA et ACP, pour établir un total, qui, même approximatif, ne peut laisser d'inquiéter.

La Commission européenne envisage, en effet, d'intégrer le Protocole sucre, à l'occasion du réexamen de celui-ci, dans le cadre des « accords de partenariat économique », qu'elle négocie avec les ACP et qui sont destinés à remplacer, en 2008, la Convention de Cotonou. Or comme ces accords de partenariat devraient être modelés sur le régime « TSA », en ce qui concerne les exportations en direction de l'Union, la Banque mondiale, dans une étude de février 2004, considère que les importations européennes de sucre ACP et PMA pourraient, à terme, représenter la moitié de la production communautaire !

En conclusion, la plus grande incertitude règne quant au volume prévisible des importations préférentielles de sucre en Europe et aux dangers que celles-ci impliquent pour l'OCM : de un à trois millions de tonnes pour les seuls PMA, selon la Confédération internationale des betteraviers européens, ou de quatre à cinq millions de tonnes, selon la Confédération générale des planteurs de betteraves, s'agissant du volume total d'importations préférentielles dans l'Union, en additionnant le sucre PMA, le sucre ACP et le sucre des Balkans.

Toutefois, cette incertitude incite le rapporteur à affirmer ici une évidence : le marché européen du sucre sera soumis, assez rapidement, à des oscillations d'importations, qui, quel que soit leur volume total, déséquilibreront, de toute manière, l'OCM, en exerçant une pression, constante et à intensité variable, sur les prix.

L'important n'est pas, en effet, d'avancer un chiffre précis, mais de garder à l'esprit la variabilité des ordres de grandeur qui, pour cette raison même, rendront délicate la régulation d'un marché qui se veut commun et organisé.

Dans ces conditions, les planteurs de betteraves et les sucreries ne pourront disposer, pour les décisions concernant les semis et les investissements, d'une lisibilité suffisante des évolutions du marché communautaire du sucre.

Il faut souligner ce point avec force : toute prévision concernant l'équilibre de ce marché sera rendue très difficile.

Or, au même moment, outre-Atlantique, les producteurs de sucre des Etats-Unis, protégés par les quotas à l'importation du Sugar Act, ne connaîtront jamais un tel choc « préférentiel ».

L'American Sugar Alliance, qui représente 146 000 emplois dans le secteur, a en effet obtenu de l'administration américaine qu'elle retire le sucre de la négociation de l'accord de libre-échange avec l'Australie, finalement signé l'année dernière.

Quant aux négociations avec les cinq pays d'Amérique centrale ou CAFTA (Costa Rica, Guatemala, Honduras, Salvador et Nicaragua), elles ont vu le lobby sucrier porté ses efforts sur la défense du mécanisme de quotas de mise en marché, institué par le Farm Bill de 2002. Ce dernier prévoit l'activation d'un tel mécanisme (marketing allotments), qui empêche, de fait, la commercialisation de l'offre excédentaire pour l'alimentation humaine, dès que les importations dépassent 1,390 million de tonnes. La concession finalement accordée aux pays d'Amérique centrale, soit un quota équivalent à 1,7 % de la production américaine de sucre d'ici quinze ans, a eu pour contrepartie un engagement écrit du ministère du commerce, qui a reconnu le risque de dépassement du seuil d'importations autorisées, résultant des importations CAFTA ou ALENA (la libéralisation du marché sucrier entre le Canada, les Etats-Unis, le Mexique intervenant au premier janvier 2008). L'engagement, pris devant le Congrès, consiste, en cas de risque d'excès d'offre par rapport au quota global de 1,39 million de tonnes, à autoriser l'achat des quantités excédentaires par l'organisme d'intervention du ministère de l'agriculture, dans la limite des nouveaux contingents ouverts par l'accord CAFTA, pour leur transformation en éthanol ou leur utilisation en dehors de l'alimentation humaine.

Moralité : il semble qu'à l'inverse des Etats-Unis, qui savent prendre leurs précautions en matière de préférences commerciales, l'Union européenne ait du génie pour se mettre en difficulté.

2) La remise en cause de notre indépendance alimentaire par l'OMC

L'OMC est, à elle seule, à l'origine de trois des quatre chocs sucriers qui rendent inéluctable une réforme de l'organisation commune de marché.

L'un de ces trois chocs, la condamnation de l'OCM sucre par l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'Organisation, revêt une portée historique : il a pour conséquence d'obliger l'Europe à renoncer à son autosuffisance et à son indépendance alimentaires pour le sucre.

Il s'agit, en effet, d'une première : si l'Europe a déjà accepté lors du Dillon Round du GATT, en 1962, sous la pression des Etats-Unis, qu'elle soit déficitaire en matière de protéines végétales, en ouvrant son marché, sans droits de douane, au soja américain, cette fois-ci, c'est la première fois qu'elle est mise en demeure d'abandonner une partie de sa souveraineté agricole pour se conformer au jugement d'une organisation internationale.

a) Un régime d'exportations et de soutiens condamné par le "juge" multilatéral

(1) Une plainte exemplaire

En juillet 2003, l'ORD était saisi d'une plainte contre le régime sucrier de l'Union, déposée par l'Australie, le Brésil et la Thaïlande.

C'est la démarche brésilienne que le rapporteur souhaiterait examiner ici. Elle doit être mise en parallèle avec une plainte déposée la même année, par le même pays, contre les aides à la production de coton versées par les Etats-Unis. Dans les deux affaires, le Brésil a obtenu gain de cause, puisque les deux seuls membres de l'OMC conduisant des politiques agricoles structurées, ont vu leurs mécanismes de soutien condamnés, toutefois pour des motifs différents.

La stratégie du Brésil est limpide : ce pays veut ouvrir deux marchés qu'il juge protégés par des droits de douane et des soutiens internes élevés, pour mettre en concurrence son agriculture, qui combine gigantisme, compétitivité prix et dumping social, avec des modèles d'agriculture mariant petites et grandes exploitations, dont l'existence dépend du maintien de politiques publiques.

Pour obtenir l'accès à ces marchés, le Brésil ne joue pas seulement la carte des négociations tarifaires, il s'appuie aussi sur la procédure de règlement des différends, qu'il agite comme une épée de Damoclès sur l'ensemble des aides agricoles américaines et européennes. Et cette menace voilée est d'autant plus efficace qu'il a déjà obtenu deux victoires, qui pourraient donc être rééditées avec d'autres productions et d'autres soutiens. Autrement dit, « Ouvrez-moi, nous dit implicitement le Brésil, davantage votre marché ou je fais condamner vos aides, les unes après les autres, par le juge multilatéral ». Ou encore, pour les seuls Etats-Unis : « Derrière le coton, qui ne m'intéresse pas directement, je visais, en réalité, le marketing loan pour le soja, qui crée des conditions de concurrence déloyale pour mes propres producteurs ».

(2) Trois griefs, une quasi-interdiction d'exporter

La décision du 28 avril 2005, qui confirme, en appel, le panel du 8 septembre 2004, condamne trois aspects de l'OCM sucre, sur la base des « disciplines » de l'Accord sur l'agriculture de 1994 et de l'engagement, pris par l'Union lors de la conclusion de cet accord, de réduire de 21 %, à 1,273 millions de tonnes par an, ses exportations de sucre subventionnées avec des restitutions.

Les trois aspects condamnés sont :

- ce plafond, contrairement à ce qu'à affirme l'Europe, en s'appuyant sur une note en bas de page de l'Accord, dépourvue, selon l'ORD, d'effet juridique, concerne aussi la quantité annuelle de sucre de 1,6 million de tonnes importées à prix garantis des pays ACP et de l'Inde que l'Europe réexporte avec restitutions ;

- celui-ci s'applique également au sucre C, exporté sans restitutions, car le sucre hors quota bénéficie de subventions indirectes, du fait de la fourniture de betteraves à bas prix aux fabricants de sucre C ;

- le sucre C bénéficie d'un subventionnement croisé, interdit par les règles de l'OMC, du fait des bénéfices réalisés sur la vente de sucre A et B sur le marché intérieur.

Le raisonnement appuyant les deux derniers griefs mérite d'être cité, tant il illustre combien nos politiques agricoles sont étroitement surveillées et fortement contraintes par l'OMC.

Le panel a ainsi considéré que « les sucres A, B et C font partie de la même chaîne de production et donc, dans la mesure où les coûts fixes des sucres A, B et C sont largement couverts par les bénéfices réalisés sur les ventes de sucre A et B, le régime communautaire applicable au sucre fournit l'avantage qui permet aux producteurs de sucre communautaire de produire et d'exporter du sucre C à un prix inférieur au coût de production total...Ce subventionnement croisé constitue un versement sous la forme d'un transfert de ressources financières », et donc « constitue un versement à l'exportation ».

Cette analyse s'inspire de celle qui a débouché sur la condamnation, en 2002, du régime laitier du Canada, à la suite d'une plainte déposée par les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande. Dans cette affaire, l'ORD a estimé que la production canadienne de lait pour l'exportation jouissait d'un avantage, car les bénéfices tirés, grâce à des mesures de contrôle des prix des pouvoirs publics, de la vente de lait destiné au marché intérieur avaient des retombées, qui permettaient la vente de lait à l'étranger à des prix réduits. Tous les défenseurs des quotas laitiers de la PAC doivent garder à l'esprit ce précédent...

Quant aux conséquences de cette condamnation pour l'Europe, elles sont aussi claires que brutales : nous ne pouvons plus exporter de sucre, en dehors du plafond autorisé de 1,2 million de tonnes de l'OMC, qui, comme on le verra plus loin, est voué, lui aussi, à disparaître.

Au total, 4,6 millions de tonnes d'exportations de sucre sont condamnées, soit les 3 millions de tonnes de sucre C et la réexportation de 1,6 million de tonnes de sucre ACP.

En raison de cette condamnation, l'Europe passe ainsi d'un engagement, prévu par l'accord agricole de l'OMC, de réduction de 21 % de ses exportations subventionnées, à une obligation de diminution de 72 % de ses exportations de sucre.

Dans le même temps, elle passe d'un bilan sucrier excédentaire à 125 % à un bilan sucrier déficitaire à 75 %.

Mais, après tout, pourquoi s'inquiéter, nous disent les Etats membres libéraux de l'Union, puisque le sucre ainsi éliminé pourra être, dans leur esprit, avantageusement remplacé par celui importé du marché mondial ou dans le cadre des régimes préférentiels ?

b) Des engagements pris à Doha pour éliminer les restitutions et réduire les droits de douane

(1) La fin des restitutions à l'exportation

Le 1er août 2004, les membres de l'OMC adoptaient , à Genève, un « accord cadre » sur les objectifs du Cycle de Doha, qui mettait fin aux « négociations sur les négociations », enlisées depuis novembre 2001.

Il n'y a pas lieu de revenir sur les enjeux de l'ensemble du volet agricole des négociations, qui mobilise toutes les énergies des diplomates à Genève, mais il suffit de rappeler qu'aux termes de l'accord cadre, les mesures ci-après « seront éliminées pour des dates butoirs à venir » :

- les subventions aux exportations visées par les engagements de réduction pris en 1994, soit, essentiellement, les restitutions européennes ;

- les crédits à l'exportation d'une durée de remboursement supérieure à 180 jours, soit les subventions américaines ;

- certaines pratiques des sociétés commerciales d'Etat exportatrices, ce qui vise les marketing boards de l'Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande.

A cause de cet engagement, nos dernières exportations de sucre subventionnées encore autorisées par l'OMC, c'est-à-dire le plafond de 1,3 million de tonnes fixé à Marrakech, seront, bientôt, elles aussi, appelées à disparaître.

L'Europe risque donc, dans quelques années, d'être entièrement interdite d'accès au marché mondial.

Il ne sert à rien de contester une telle évolution, puisqu'elle répond à un accord politique, dont le respect est essentiel à la réussite du Cycle de Doha.

Toutefois, il convient d'insister ici sur le fait que le retrait des subventions à l'exportation doit obéir à deux conditions :

- il doit être étalé dans le temps pour éviter toute perturbation du marché communautaire, car il sera soumis à rude épreuve entre 2006 et 2010, avec la montée en puissance des importations PMA. Une période de dix ans semble être le minimum indispensable ;

- il doit s'accompagner d'un parallélisme total pour l'élimination des autres formes de subventions, l'Europe ne devant renoncer à ses restitutions qu'au même rythme et à la même amplitude que ses partenaires américains et océaniens. Il ne saurait y avoir de désarmement unilatéral.

(2) Des négociations tarifaires lourdes de menaces

Le respect des deux conditions évoquées précédemment est d'autant plus indispensable que l'interdiction d'exporter du sucre sera en quelque sorte « asymétrique » : si l'Europe ne pourra plus vendre du sucre sur le marché mondial, elle devra, à l'inverse, en importer davantage, avec la baisse des droits de douane qui résultera des négociations à l'OMC.

Aujourd'hui, les discussions à Genève ne portent pas encore sur des offres tarifaires précises, mais elles se concentrent, depuis quelques semaines, sur une proposition du G20, qui regroupe les pays émergents, dont l'Argentine, le Brésil, l'Inde et la Chine. Celle-ci prévoit quatre fourchettes de tarifs à l'importation, comprenant, respectivement, les droits inférieurs à 20 %, de 20 à 50 %, de 50 à 75 % et au-delà, avec des réductions d'importance décroissante à l'intérieur de chaque « bande tarifaire », ainsi qu'un plafonnement des droits (à 100 % pour les pays développés).

Les Etats-Unis sont proches de cette proposition, avec un texte défendant quatre seuils : inférieurs à 20 %, de 20, à 40 %, de 40 à 60 % et plus de 60 %.

Toutefois, le Représentant au commerce extérieur américain, Robert Portman, a « radicalisé » la position de son pays : il défend des propositions consistant, dans une première phase, qui ne doit pas excéder cinq ans, à diminuer de 90 % les tarifs les plus élevés, puis à réduire, dans une seconde phase, l'ensemble des droits à zéro, avec une catégorie restreinte de produits sensibles faisant l'objet d'un traitement distinct(9).

L'approche promue par les pays émergents ou les Etats-Unis risque de porter de sérieux coups de boutoir à la préférence communautaire, qui abrite les productions sous OCM avec des droits proches, égaux ou supérieurs aux 100 %. Dans le cas du sucre, d'ailleurs, la protection tarifaire est proche des 200 %.

C'est pourquoi l'Europe défend une proposition comprenant quatre fourchettes, de respectivement 30 %, 60 %, 90 % et au-delà, avec pour chacune d'entre elles une baisse de réciproquement 20 %, 30 %, 40 % et 50 % et une flexibilité pour traiter les produits sensibles, qui ne devraient pas excéder une limite de 8 % des lignes tarifaires.

3) Un « marché mondial » fictif, dominé par l'expansionnisme agricole du Brésil et les variations de prix

Arrivant aujourd'hui en deuxième position derrière le Brésil, l'Europe est, on l'a déjà vu, un exportateur de sucre, avec un volume moyen d'environ 5,5 millions de tonnes(10).

Ce dernier chiffre est mis en avant pour accuser l'Europe de déstabiliser les cours mondiaux, en pratiquant une politique agricole déloyale.

Or la politique sucrière de l'Europe ne joue, au mieux, qu'un rôle minime sur le cours mondial du sucre.

D'abord, pour ce qui est de l'avenir, l'Europe n'est, on le sait, qu'un exportateur en sursis.

Ensuite, si l'on prend la peine d'examiner le passé et la situation présente, il est intellectuellement malhonnête et économiquement infondé de faire de l'Europe un acteur qui perturbe le marché mondial.

Car elle pèse peu dans les échanges mondiaux, comparée au triumvirat Australie, Brésil et Thaïlande. Selon la Confédération générale des planteurs de betteraves, ces trois pays représentaient 45 % des exportations mondiales en 2002/2003, contre 21,3 % en 1989/1990, alors que, dans le même temps, la part de l'Union a diminué de 14,1 % à 12,7 %.

S'agissant du seul Brésil, entre 1990 et 2002, lorsque les cours mondiaux s'effondraient, l'Europe exportait, comme cela a déjà été dit, en moyenne 5 millions de tonnes par an, tandis que les exportations du Brésil sont passées de 1,4 million de tonne à 12 millions de tonnes.

Cette accélération vertigineuse des exportations du Brésil est le fruit d'une politique délibérée de conquête des marchés, que stimule un plan d'appui à la production d'éthanol, érigée en priorité nationale en 1975, après le premier choc pétrolier.

Depuis lors, le Brésil, produisant entre 340 et 350 millions de tonnes de canne, avec un coût de production de l'ordre de 115 à 138 euros la tonne, dispose d'un potentiel théorique de 50 millions de tonnes de sucre, dont la moitié est utilisée en production d'alcool. Comme le fait observer l'édition Cyclope de l'année 2004, « il suffit d'une légère inflexion du programme (de production d'alcool) pour se retrouver encore au-delà de 24 millions de tonnes de production de sucre et donc avec un potentiel de production exportable qui écrase tous les autres concurrents sur le marché libre ». L'édition 2005 de Cyclope note qu'avec l'expansion prévue des surfaces plantées, de 5,5 à 7,5 millions d'hectares en 2010, et les investissements dans de nouvelles capacités de production, plus de quarante nouveaux projets étant à l'étude dans la région du Centre Sud, le Brésil devrait maintenir, sans difficultés, son rôle de leader.

L'impact de la production brésilienne sur le déclin du prix mondial du sucre est d'ailleurs illustré par le graphique suivant :

Source : Commission européenne.

Or cette force de frappe à l'exportation s'appuie une main d'œuvre d'environ un million de personnes, qui travaillent dans des conditions extrêmement pénibles, 80% de la canne étant récoltée manuellement.

Le secteur de la canne emploie 45 % de la main d'œuvre disponible dans les zones rurales, et dans l'Etat le plus développé, celui de Sao Paulo, 70 % des coupeurs n'ont pas effectué trois années d'école primaire.

Selon l'Organisation internationale du travail, il y aurait encore au Brésil entre 20 000 et 40 000 ouvriers travaillant dans des conditions de semi-esclavage, principalement dans les zones agricoles.

Le 15 juin dernier, la police brésilienne « libérait » 1 200 travailleurs agricoles spécialisés dans la récolte de la canne, qui vivaient sur les terres de l'hacienda Gameleira, dans le Mato Grosso.

En outre, la violence exercée dans les zones rurales du Brésil reste très élevée, à des niveaux qui semblent inimaginables : la Commission pour la terre pastorale, citée par le rapport 2005 de l'ONG Human Rights Watch, a reporté l'assassinat de 1 439 personnes dans les zones rurales entre 1985 et 2003, dont 73 ouvriers agricoles pour la seule année 2003.

Ce « modèle » brésilien comporte, de surcroît, d'autres dérives, qui agissent négativement sur la dégradation, la pollution et la contamination des sols, ainsi que sur l'érosion. Comme l'écrit Mme Elisabeth Lacoste, agronome, au terme d'une analyse sur « Le sucre et les pays en développement », l'expérience brésilienne met en évidence les limites de la monoculture intégrée de canne à sucre, qu'elles soient sociales, environnementales et économiques.

Ainsi, ce sont d'autres pays que les Etats membres de l'Union qui « mènent la danse » sur le marché mondial du sucre. Les chiffres des deux dernières campagnes sont éclairants : en 2004/2005, environ 21 % du sucre mondial a été produit au Brésil, pays qui fournit désormais le tiers des exportations mondiales (18,4 millions de tonnes). D'autre part, si les cours se sont améliorés au cours de la campagne 2003/2004, c'est grâce une baisse de la production globale, provoquée une chute de 30 % de celle constatée...en Inde, en raison de la sécheresse qui y a sévi.

Enfin, la très grande volatilité des cours du sucre, qu'amplifient encore les variations des taux de change des monnaies, comme le dollar, l'euro et le real brésilien, constitue une donnée importante et permanente des marchés mondiaux du sucre. En 1974, le prix moyen du sucre calculé sur les marchés de New York et Londres, dit prix ISA, était de 30 cents la livre, donc près de trois fois supérieur au prix européen. Selon le rapport Cyclope 2005, depuis 1981, les prix sont restés entre 5 et 15 cents la livre et sous la barre des 10 cents les sept dernières années.

Le graphique suivant illustre, pour les années 1991-2003, l'extrême volatilité du cours du sucre.

Prix du sucre ISA - moyenne mensuelle - 1991-2003

Prix ISA US $ / MT Prix ISA euro/ecu / MT

Source : Commission européenne.

Cette tendance structurelle s'explique par au moins cinq facteurs, que rappelle par la Commission européenne :

- la consommation de sucre ne cesse de croître sur le plan mondial, mais suivant un rythme différent entre groupes de pays (développés et en développement) et zones géographiques, la demande asiatique « explosant » ;

- l'offre ne peut répondre immédiatement à ces évolutions, avec une production qui, à hauteur 75 %, est replantée pour des cycles de vie de 6 ans ;

- le nombre de pays exportateurs reste limité, avec un marché fortement dominé par le Brésil ;

- le marché mondial est résiduel et étroit, car une grande partie des échanges se fait dans le cadre de régimes spécifiques : contrats d'achat à terme et préférences commerciales, comme celles des Etats-Unis et de l'Union européenne ;

- nombre d'importants producteurs approvisionnent d'abord le marché domestique, et, par ailleurs, sont eux-mêmes d'importants utilisateurs. C'est pourquoi le sucre blanc est peu échangé sur le marché mondial.

Dans ces conditions, on comprend pourquoi une réforme radicale de l'OCM, que demande, par exemple, l'OCDE, qui aurait pour but d'aligner le prix européen du sucre sur le prix mondial tuerait, à terme, la production communautaire : à ce jeu, le Brésil, comme pour d'autres denrées, est le seul acteur capable de rivaliser ... avec lui-même et de nourrir la planète.

II. LE PROJET DE LA COMMISSION DOIT ETRE AMELIORE : IL EST EN PARTIE INEQUITABLE ET DELAISSE LA QUESTION CLEF DU CONTRÔLE DES IMPORTATIONS PREFERENTIELLES

La réforme de l'OCM sucre est rendue inévitable pour trois raisons principales. D'abord, l'Europe ne pourra, bientôt, plus exporter de sucre. Ensuite, ses importations préférentielles vont, très vite aussi, au plus tard dès 2009, augmenter. Enfin, la poursuite du Cycle de Doha contraint l'Europe à se préparer à une baisse de la protection tarifaire de son agriculture, notamment du secteur sucrier.

Il est donc nécessaire que l'Europe retrouve, par rapport au reste du monde, une compétitivité minimale pour le sucre qu'elle produit, en baissant les prix institutionnels, sans que cet effort aille jusqu'à l'alignement sur le cours mondial. Cet objectif, imposé par les engagements commerciaux internationaux de l'Union, a déjà conduit, pour les autres grandes OCM, aux réductions de prix décidées par le Conseil européen de Berlin de mars 1999 et le Conseil des ministres de Luxembourg de juin 2003.

Face à la triple contrainte pesant sur le secteur du sucre, la Commission propose une réforme à l'objectif limpide : la réduction de la production, par une diminution importante des prix.

Dans cette partie du présent rapport, les modalités de cette double baisse seront évaluées, et, à cette occasion, les éléments qui paraissent inéquitables seront indiqués.

A. La Communication de juillet 2004 : des premières options irréalistes, qui détruisaient la notion de « marché commun »

Avant de présenter le contenu des propositions législatives du 22 juin 2005, il convient de rappeler les premières orientations de réforme, proposées pratiquement un an avant le paquet dont la Délégation est saisie et contenues dans une Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, en date du 14 juillet 2004.

Le 16 octobre 2004, le rapporteur faisait état, devant la Délégation, de cette première tentative, qui a heureusement échoué.

Ses insuffisances, ses contresens et son caractère franchement irresponsable méritent d'être rappelés, ne serait-ce que pour souligner à quel point la Commission a, effectivement, amélioré sa position.

1) Un calendrier initial de réforme irresponsable sur le plan interne et international

D'abord, le calendrier de réforme préconisé par la Commission, dans le document de juillet 2004, était prématuré.

La Communication prévoyait, en effet, une anticipation de la réforme dès 2005, ce qui était évidemment inacceptable, le règlement sucre actuel ayant été décidé pour 5 campagnes de 2001 à 2005, jusqu'au 30 juin 2006.

Cette précipitation se justifiait d'autant moins que le nouveau règlement, pour bénéficier d'une espérance de vie réelle et donner, ainsi, des perspectives claires aux producteurs, devait logiquement, prendre en compte les résultats définitifs du panel « sucre » à l'OMC, qui n'ont été connus qu'en avril 2005, en raison de l'appel interjeté par l'Europe.

Cette anticipation était d'ailleurs marquée par un certain irréalisme, la Communication prévoyant que « les dispositions relatives au sucre C ne seront pas modifiées », alors qu'au vu des premiers résultats du panel, il apparaissait d'ores et déjà que les exportations de sucre C étaient vouées à disparaître.

Enfin, le projet de réforme 2004 ne disait rien sur l'après 2007/2008. Or le principe de réalité impose que la réforme de l'OCM sucre donne des perspectives durables à la filière, c'est-à-dire jusqu'à l'année 2013, terme du budget de la PAC plafonné par l'accord de Bruxelles d'octobre 2002.

2) Une absurdité économique et juridique : le système d'échange des quotas de production

Les mesures proposées par la Communication de juillet 2004 peuvent être ainsi présentées :

¬ S'agissant des prix, la Commission prévoyait de baisser les prix du sucre de, respectivement, -33 % pour le prix de soutien du sucre et de -37 % pour le prix minimal de la betterave.

On verra que la Commission est allée plus loin avec ses propositions législatives.

D'ores et déjà, les professionnels français rencontrés l'année dernière par le rapporteur indiquaient qu'une telle réduction pouvait être « supportable » pour les planteurs bénéficiant de bons rendements, car la compensation prévue pour la perte de revenu induite (à hauteur de 60 %), en s'ajoutant au nouveau prix minimal, permettrait à ce dernier de se fixer de facto au niveau du prix moyen de la betterave dans les zones les plus compétitives.

¬ En deuxième lieu, une réduction de la production de sucre de 2,8 millions de tonnes, accompagnée d'une fusion des quotas A et B, était prévue.

Or la méthode choisie à cet effet par la Commission, tout comme son plan de restructuration, étaient, en 2004, imprécis, illogiques et insuffisants.

S'agissant de la méthode, la Commission proposait une diminution des quotas, sans préciser comment se répartirait cette baisse entre les Etats membres. Parmi les solutions évoquées lors des échanges de vues, au Conseil, portant sur la Communication, celle consistant à réduire la production proportionnellement au volume des quotas a semblé particulièrement inéquitable ; elle se serait heurtée en outre à la résistance, d'une part, des Etats membres disposant de quotas peu importants, mais dans lesquels des sociétés ont investi en raison du faible coût du travail, comme à celle des Etats membres les plus compétitifs, qui auraient, dans ce cas de figure, connu une réduction globale de leurs capacités, pesant ensuite sur l'ensemble de leur potentiel de production.

La France, qui bénéficie d'une compétitivité forte, lui permettant de produire du sucre hors quota et d'en exporter, aurait donc payé, avec cette réforme, un prix industriel, social et territorial très élevé par rapport à ses partenaires européens.

En ce qui concerne la restructuration du secteur sucrier, la Commission prévoyait de mettre en place un dispositif incitatif de sortie, sous la forme d'un « filet de sécurité » de 250 euros/tonne pour les unités de production qui, économiquement, ne seraient plus viables du fait de la baisse des prix. Selon les professionnels rencontrés par le rapporteur, ce montant était nettement insuffisant pour permettre de couvrir les frais environnementaux et sociaux de la fermeture d'une usine ; celui-ci aurait dû, pour ce faire, être de l'ordre, selon certaines estimations, des 800 euros la tonne.

Le coût de la restructuration aurait, dans le schéma proposé par la Communication, été payé par les industriels eux-mêmes, grâce à la possibilité de vendre les quotas de sucre entre les Etats membres, le vendeur restant responsable de l'état environnemental du site et de la réaffectation de la main d'œuvre.

Il s'agissait de la mesure la plus spectaculaire et la plus controversée de la Communication, qui a disparu, sans laisser de trace, dans les propositions législatives. A l'époque, la Commission, voulant tester la réaction des Etats membres, s'est laissée emportée par son parti pris idéologique du « tout marché » appliqué à l'agriculture, ce qui l'a conduit à proposer un système irréaliste.

La Commission préconisait de créer, de toutes pièces, un marché qui ne pouvait, en aucune manière, fonctionner. En effet, un tel système d'échanges suppose que des industriels achèteront un bien, le quota, dont la valeur sera diminuée à cause de la réduction de la production. En outre, cet instrument, qui doit créer un marché, tout en finançant la restructuration industrielle, attribue deux finalités économiques à un même outil, ce qui constitue un contresens. Enfin, sur le plan juridique, il n'existe pas de définition claire et uniforme du statut du quota dans l'Union. Il était dès lors difficile de mettre en place un système satisfaisant, lequel implique de connaître précisément l'identité du « vendeur » et de déterminer les modalités de répartition des retours financiers de la vente entre les planteurs et les sucreries.

B. Les propositions législatives de juin 2005 : un objectif de réduction de la production, qui ne s'accompagne pas d'un effort de solidarité suffisant

La Commission a déposé sur la table du Conseil un paquet législatif qui fixe les règles du jeu depuis 2006/2007, jusqu'à la 2014/2015, avec des nouvelles dates pour « l'ouverture » de chaque campagne, qui passerait du 1er juillet au 1er octobre, et sa « fermeture », qui passerait du 30 juin au 30 septembre.

Ce choix d'un horizon temporel réaliste doit être salué, car celui-ci contrebalance, par la garantie de règles du jeu suffisamment durables, les efforts de restructuration demandés.

En outre, la Commission ne prévoit pas de remise en cause, à mi-parcours, de la nouvelle OCM, une assurance supplémentaire contre des réformes « surprises », qui permet ainsi aux acteurs de la filière de nouer, dans la durée, les relations professionnelles indispensables à leur sécurité.

Le projet comporte, par ailleurs, deux mesures principales : la baisse des prix et un mécanisme de restructuration, ce dernier étant destiné à financer le rachat des quotas des fabricants de sucre qui décident d'abandonner leur production.

Ces propositions s'appuient sur une logique économique saine. Car, comme on l'a vu avec la lecture critique de la Communication de juillet 2004, imposer une réduction, uniforme, des quotas dans l'ensemble des Etats membres aurait compromis la viabilité de l'ensemble de la production, en sacrifiant les éléments les plus sains. Cela revenait à jeter le bébé avec l'eau du bain.

Pour faire le pari de la compétitivité, mieux vaut donc, et c'est le choix finalement retenu par la Commission, après qu'elle ait écarté l'idée funeste de l'échange de quotas, tabler sur une réduction des prix, qui fasse ressortir la disparité des rentabilités économiques en Europe et opère une rationalisation de la filière, fondée sur des éléments objectifs.

D'autre part, cette adaptation, pour être équitable, doit être financée par le fonds de restructuration, évoqué précédemment, qui, indemnisera les décisions d'abandon de la production.

Ces deux éléments forment un tout rigoureux, mais leur fonctionnement peut être rendu encore plus attractif et juste pour les agriculteurs.

1) Une baisse des prix importante qui conduira à des abandons de production

En matière de prix, la Commission prévoit la suppression du mécanisme d'intervention et du prix d'intervention du sucre, qui sont remplacés par un prix de référence, base pour le déclenchement du stockage privé.

Ce prix de référence net, une fois déduit le montant prévu pour financer le plan de restructuration, serait fixé à 385,5 euros la tonne pour le sucre blanc, à partir de 2007/2008, soit, au total, une réduction de -39 %.

BAISSES PROPOSEES POUR LE PRIX DU SUCRE

 

Prix de référence du sucre blanc (en euro/tonne)

Prix de référence du sucre brut (en euro/tonne)

Année 2006/2007

631,9

496,8

Année 2/007/2008

476,5

394,9

Année 2008/2009

449,9

372,9

Année 2009/2010

385,5

319,5

Source : Commission européenne.

Le prix minimum de la betterave passerait, quant à lui, à 32,86 euros/tonne en 2006/2007 (-24,7 %), puis à 25,05 euros à partir de 2007/2008, soit -42,6 % au total. Il est, de plus, prévu que si le prix de marché était inférieur au prix de référence, le prix de la betterave pourrait encore être abaissé de 10 % au maximum.

Sur le plan multilatéral, selon la Confédération générale des planteurs de betteraves, cette baisse aura pour effet de permettre à l'Europe de réduire ses droits de douane sur le sucre, à l'OMC, d'environ 50 %.

Sur le plan interne, les effets de la réforme sur la production sont importants et se répartissent, comme prévu, suivant la rentabilité des zones de production.

A cet égard, la Commission européenne a publié, en juin 2005, une étude d'impact économique, qui classe les Etats membres en fonction du degré d'équivalence, après la réforme, entre le prix de revient actuel de la betterave chez eux et le prix minimal final prévu par sa proposition.

Le tableau ci-après en est extrait :

Répartition des Etats membres selon le prix de revient,
à la ferme, de la betterave

Très supérieur à 25 €/t

Niveau intermédiaire

Proche de 25 €/t

Etats membres

Prix de vente

Etats membres

Prix de vente

Etats membres

Prix de vente

Espagne

36

Autriche

40

Allemagne

30

Finlande

44

RU

40

Belgique/Pays-Bas

30

Grèce

34

Suède

34

Danemark

25

Italie

42

   

France

26

Source : Commission européenne.

Ce document fait apparaître clairement trois groupes d'Etats membres : les Etats membres « gagnants », au sein desquels le prix de revient est proche des 25 euros du prix minimal de la betterave, ceux situés dans une position intermédiaire et ceux qui se classent nettement au-dessus du prix minimal final.

Cette étude comporte un autre tableau, figurant ci-après, qui, à partir des chiffres de la production de sucre 2003/2004, distingue trois groupes d'Etats membres, cette fois-ci en fonction de l'effet de la réforme sur la réduction de la production : drastique, significatif et limité.

Impact de la réforme sur la production dans l'Union

 

Drastique

Significatif

Limité

 


Etat membre

Production actuelle (tonnes)


Etat membre

Production actuelle (tonnes)


Etat membre

Production actuelle (tonnes)

   

1 000

 

1 000

 

1 000

 

Grèce

311

République tchèque

455

Australie

382

 

Irlande

197

Danemark

413

Belgique

808

 

Italie

954

Finlande

145

France

3 497

 

Portugal

70

Hongrie

402

Allemagne

3 341

     

Espagne

991

Pays-Bas

851

     

Autres nouveaux Etats membres : Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Slovénie

430

Pologne

1 672

         

Suède

365

         

Royaume Uni

1 129

Sous-total

 

1 532

 

2 836

 

12 044

% de la production actuelle

 

9 %

 

17 %

 

73 %

Production UE 15

13 454

Quota UE 10

2 958

Total UE 25

16 412

Source : Commission européenne.

Ces enseignements sont corroborés par le ministère de l'agriculture, selon lequel ce seront essentiellement les Etats membres « à la périphérie de l'Union » qui verront, si le projet de la Commission était appliqué tel quel, leur production disparaître ou être fortement réduite : l'Europe du Sud, avec l'Espagne, la Grèce l'Italie et Portugal, l'Irlande, l'Europe centrale et orientale, avec la Pologne et la Hongrie, et l'Europe du Nord, avec la Finlande.

Au final, cette réforme rendra la production européenne de sucre incontestablement « OMC compatible », en la réduisant de 20 à 12 millions de tonnes.

Son effet sur le revenu des producteurs de betteraves sera, par ailleurs, important : la Confédération internationale des betteraviers européens estime que la perte de revenus, par planteur, s'élèvera, en moyenne, à 6 500 euros.

C'est pourquoi la baisse des prix se heurte à une minorité de blocage au sein du Conseil, et suscite de fortes oppositions au sein du Parlement européen, ainsi que parmi certaines organisations professionnelles.

¬ De nombreux Etats membres souhaitent, soit ne pas voir fermer toutes leurs sucreries quand ils en possèdent un très petit nombre, soit en conserver un minimum, lorsqu'ils en possèdent un certain nombre(11). Pour ce faire, ils proposent de réduire l'ampleur de la baisse de prix proposée par la Commission ou d'étaler celle-ci dans le temps ou, encore, d'appliquer une combinaison de ces deux éléments de « ticket modérateur ».

¬ De son côté, le rapporteur du Parlement européen, M. Jean-Claude Fruteau, propose une baisse du prix du sucre de 25 %, sur deux campagnes.

¬ S'agissant des planteurs, la Confédération internationale des betteraviers européens demande d'étaler dans le temps, sur trois, voire quatre campagnes, la baisse du prix de la betterave.

Par rapport à ces débats, le rapporteur préconise une position cohérente et lisible, qui repose sur le double pari de la compétitivité et de la solidarité. Elle sera détaillée dans la troisième partie de ce rapport.

2) Un dispositif de restructuration volontaire et autofinancé devant être mieux contrôlé et abondé

La Commission propose la mise en place d'un régime de restructuration temporaire, pendant quatre ans (de 2006/2007 à 2009/2010), du secteur du sucre.

La France a défendu l'idée d'un tel mécanisme devant la Commission, avant que cette dernière ne publie ses propositions. La mesure suggérée constitue d'ailleurs, dans ses grandes lignes, l'un des bons points du projet, puisqu'en facilitant le rachat de quotas, par l'attribution d'une prime, elle permet de diminuer le potentiel de production sur une base volontaire.

Cet instrument est conçu de manière satisfaisante : par rapport à l'idée de l'échange des quotas, il a l'avantage de s'appuyer sur la réalité des comportements économiques. En outre, il remplira sa mission, à partir du moment où la baisse des prix sera suffisamment importante pour inciter les sucreries peu compétitives à se tourner vers le fonds pour vendre leurs quotas.

¬ Ce fonds, qui relèvera du Feoga-Garantie, financera une aide à la restructuration par tonne de quota libéré pour les sucreries, ainsi que pour les producteurs d'isoglucose et de sirop d'inuline. Celle-ci sera versée par quota libéré et dégressive, soit de 730 euros/tonne pour 2006/2007, de 625 euros pour 2007/2008, de 530 euros pour 2008/2009 et de 420 euros pour 2009/2010.

L'aide permettra, en outre, de faire face aux retombées sociales et environnementales de la fermeture des usines, en finançant les plans sociaux, ainsi que les programmes de reconversion et de redéploiement.

Par ailleurs, l'abandon de production sera strictement encadré, puisqu'il requerra non seulement la renonciation au quota, mais l'arrêt définitif et total de la production dans au moins une usine, la fermeture de celle-ci et la réhabilitation environnementale du site.

¬ Le fonds financera également un « paiement supplémentaire compensatoire », en faveur des producteurs de betteraves à sucre ayant cessé de livrer leur production à une usine pour cause d'abandon de la production de sucre au cours de la campagne première campagne, celle de 2006/2007.

Il s'agit d'une mesure incitative forte, qui complète, cette fois du côté des agriculteurs, celle prévue pour encourager les industriels à sortir de la production. Elle va permettre à ses bénéficiaires de percevoir l'intégralité du paiement direct final, à compter de la première campagne. Comme l'a souligné Mme Mariann Fischer Boel, la Commissaire européenne à l'agriculture, au rapporteur, un lien doit être fait entre, d'une part, l'ampleur de la baisse des prix et, d'autre part, l'importance de cette compensation.

Le fonds sert donc une logique de solidarité, qui cependant doit, aux yeux du rapporteur, être encore renforcée, comme cela sera précisé plus loin.

¬ En ce qui concerne le financement du fonds, celui-ci sera assuré par un prélèvement spécifique sur l'ensemble des quotas détenus par les entreprises productrices de sucre, d'isoglucose ou de sirop d'inuline. Le montant de ce prélèvement est dégressif sur trois ans : 126,40 euros/tonne pour la campagne 2006/2007 ; 91 euros/tonne en 2007/2008 et 64,50 euros/tonne en 2008/2009.

¬ La proposition instituant ce fonds a été plutôt bien accueillie par les Etats membres, mais depuis lors, elle oppose ceux qui défendent une grille de lecture de son utilisation qui soit la plus communautaire possible, comme l'Allemagne et la France, et ceux qui souhaitant disposer d'une grande capacité d'intervention dans son utilisation, pour atténuer ainsi l'ampleur de la restructuration. Ce « droit de veto » consisterait, par exemple, à empêcher l'accès au fonds, dès qu'un seuil d'abandon d'usines trop important serait atteint.

Le rapporteur penche, de son côté, vers une solution qui permette d'élaborer des règles communes, celles-ci étant indispensables à la bonne conduite du processus de restructuration. Pour cela, la capacité d'intervention des Etats doit être limitée : ces derniers ne doivent pas pouvoir s'opposer au processus de restructuration s'il répond à des critères, à définir, comme cela sera proposé dans la troisième partie de ce rapport.

D'autre part, afin de ne pas encourager les démarches visant à créer une compétitivité artificielle, le recours au fonds ne doit pas excéder quatre campagnes, comme cela est prévu. Le timing de cette phase de restructuration doit en effet rester court, pour en garantir les effets sur la réduction de la production.

A l'inverse, une restructuration en « trompe l'œil », qui conduirait à l'apparition de déséquilibres de marché, conduirait la Commission à procéder, à compter de février 2010, comme l'y autorise l'article 10 de la proposition, à une réduction linéaire des quotas.

Or le recours à cette mesure « d'autorité » doit être évité à tout prix, car celle-ci frapperait tous les Etats membres, y compris les plus compétitifs.

En gardant à l'esprit cette contrainte, il convient de prévoir des dispositions dans l'OCM permettant de faire face à « l'année perdue » pour la restructuration qui s'annonce en 2006/2007, en raison des incertitudes concernant les excédents, les décisions de report de sucre et la durée, dans chaque Etat membre, des négociations entre planteurs et industriels concernant les arrêts de production.

Il faut donc se donner une assurance, en jouant sur le renforcement de l'attractivité du mécanisme. Le Syndicat national des fabricants du sucre propose à cet effet d'augmenter l'aide à la reconversion en maintenant, pour la campagne 2007/2008, son niveau à 730 euros/tonne, soit le niveau pour 2006/2007, au lieu de la baisser, comme prévu, à 625 euros/tonne.

Enfin, les crédits disponibles au titre du fonds doivent être augmentés, afin d'atténuer davantage les effets de la réforme sur les planteurs. Deux méthodes peuvent être utilisées : ajouter une campagne supplémentaire d'utilisation du fonds, une solution qui ne peut emporter l'adhésion du rapporteur en raison des arguments déjà avancés en faveur d'une restructuration rapide, ou réduire la dégressivité du prélèvement servant à le financer, ce qui semble plus opportun et sera détaillé plus en avant.

3) Une compensation partielle de la chute du revenu agricole

a) Des injustices manifestes

La Commission propose l'octroi d'un paiement direct aux planteurs ayant produit des betteraves sucrières sous quota, au cours d'une période de référence historique couvrant les années 2000 à 2002.

Cette aide compenserait à hauteur de 60 % la baisse des prix, serait découplée et intégrée dans le paiement unique introduit par la réforme de Luxembourg de juin 2003.

Elle serait versée au travers d'enveloppes budgétaires nationales, qui seraient réparties selon le tableau ci-après :

Enveloppes nationales pour le paiement unique
(en milliers d'euros)

Etat membre

2006

2007 et exercices suivants

Belgique

48 588

83 729

République tchèque

27 849

44 245

Danemark

19 312

34 478

Allemagne

154 780

277 946

Grèce

17 939

29 384

Espagne

60 267

96 203

France

151 144

270 081

Hongrie

25 433

39 912

Irlande

11 258

18 441

Italie

79 854

135 994

Lettonie

4 219

6 616

Lituanie

6 547

10 260

Pays-Bas

42 027

74 013

Autriche

18 929

32 891

Pologne

99 125

159 392

Portugal

3 939

6 452

Slovaquie

11 812

19 289

Slovénie

2 993

4 902

Finlande

8 254

13 520

Suède

10 807

34 082

Royaume-Uni

64 333

105 376

La mise en place de cette aide appelle les remarques suivantes.

¬ D'abord, sa création représente un coût important pour l'Union européenne et son budget agricole, lesquels doivent respecter le plafond de dépenses fixé par l'accord de Bruxelles d'octobre 2002.

L'objectif consistant à mettre en œuvre une réforme neutre sur le plan budgétaire ne cesse d'être rappelé par la Commission : Mme Mariann Fischer Boel a indiqué au rapporteur que ce souci a été dominant dans la préparation de la réforme. Le coût annuel de l'aide au revenu s'élèvera à 1,542 milliard d'euros ; il sera compensé, pour l'essentiel, par les économies réalisées grâce à la réduction des dépenses de restitution et à la suppression de l'aide au raffinage.

On observera, toutefois, que la réforme de l'OCM supprime les cotisations à la production (cotisation de base, cotisation « B » et cotisation complémentaire), qui actuellement constituent des ressources propres, versées au budget de la Communauté.

D'un montant de 416,8 millions d'euros pour le budget adopté en 2004 et de 793,5 millions pour le budget adopté en 2005, ces prélèvements, effectués par les Etats membres auprès de leurs sucreries, en fonction de leurs productions sous quotas, s'additionnent pour couvrir la « perte globale », égale au produit de la restitution moyenne par l'excèdent de la production des quotas sur la consommation communautaire.

¬ Ensuite, la Commissaire européenne à l'agriculture a estimé que le paiement destiné aux planteurs, une fois institué, représentera une aide au revenu substantielle, dont le montant sera supérieur à celui versé pour d'autres cultures. Sur ce point, certains calculs tendent à montrer qu'en France, l'aide aux planteurs sera équivalente à deux fois le montant des aides en surfaces aux céréales et aux oléoprotéagineux.

D'autre part, la Commissaire européenne à l'agriculture a souligné au rapporteur que le principe des compensations partielles de baisse de prix est au cœur des réformes de la PAC adoptées depuis 1992.

¬ Enfin, au cours des négociations, des propositions de compensations plus élevées sont apparues, que ce soit chez certains Etats membres, en particulier, ceux qui ont à fournir l'effort de restructuration le plus important, ou au sein du Parlement européen. Sur ce dernier point, le rapporteur de la commission de l'agriculture du Parlement européen sur la réforme de l'OCM, M. Jean-Claude Fruteau, propose un paiement direct compensant la baisse des prix à hauteur de 80 %.

Cependant, aux yeux du rapporteur, la réforme de l'OCM doit, impérativement, ne pas déborder le cadre fixé, en 2002, pour les dépenses de la PAC.

La prudence budgétaire s'impose d'autant plus que beaucoup d'Etats membres ont contesté l'analyse de la Commission, selon laquelle la réforme serait financièrement neutre. Un surcoût, pour la réforme, de 0,5 milliard d'euros, pour l'ensemble du budget, a ainsi été avancé, lors des discussions au Comité Spécial Agriculture du Conseil.

En outre, la Commission a établi ses premiers calculs, qui se sont dès lors révélés fragiles, sur la base d'hypothèses constantes pour la période 2007-2013, avec notamment un taux de change à un 1 euro pour 1,3 dollar et un prix mondial du sucre à 230 euros/tonne.

Outre le fait qu'une augmentation de la compensation serait trop coûteuse, cette démarche présente l'inconvénient de ne pas être opportune. En effet, elle peut être écartée au bénéfice d'une solution plus satisfaisante, tant sur le plan de l'équité que sur celui de la rigueur budgétaire : la suppression des éléments du projet de réforme, qui, de façon injustifiée, empêchent de facto la compensation de s'établir à hauteur de 60 %.

C'est sur ce terrain que l'Europe dispose de marges pour réformer l'OCM dans un esprit de justice.

A cet égard, il convient de souligner que la baisse des prix sera, en réalité, bien supérieure à celle avancée par la Commission.

En effet, cette dernière propose d'instituer une cotisation à la production sur les quotas, fixée à 12 euros la tonne, pour le sucre et le sirop d'inuline, et à 50 % de la taxe sur le sucre, pour l'isoglucose. Or 50 % de ce prélèvement, soit 6 euros, seront à la charge des planteurs, pour peu que les entreprises productrices de sucre et de sirop d'inuline l'exigent.

Par ailleurs, la Commission propose également de permettre d'abaisser, par un accord interprofessionnel, de 10 % au maximum le prix de la betterave, si le prix de marché était inférieur au prix de référence.

En combinant les deux effets, la compensation promise par la Commission pourrait ne plus être de 60 %, mais plutôt de 50 %.

Ces deux mesures ne sont pas acceptables.

En premier lieu, la cotisation à la production est une taxe, qui pénalise les planteurs, en réduisant la compétitivité des sucres qu'ils produisent avec ceux importés, qui eux échappent à ce prélèvement injustifié. Ou alors la Commission cherche à créer une ressource propre traditionnelle, ce qui ne doit pas se faire à l'occasion de la réforme d'une OCM.

En second lieu, les 10 % de baisse supplémentaire pouvant toucher le prix de la betterave constituent une remise en question de la notion même de prix minimum, ce qui doit être vigoureusement combattu.

De plus, cette « flexibilité » offerte à la filière, qui ne pourra être mise en œuvre que par un accord interprofessionnel, affaiblira la solidarité entre planteurs et industriels : si les professionnels d'une zone de production conviennent d'une telle réduction, cette entente exercera une pression forte sur les planteurs des zones avoisinantes, qui seront alors entraînés, dans une course au moins-disant.

Créer un mécanisme qui encourage de telles démarches n'est pas souhaitable. A moins que l'objectif, non avoué, de la Commission ne soit, au final, par de telles surenchères, de pousser à la constitution d'un marché du sucre « cartellisé », dominé par quelques grandes sociétés qui s'entendent pour « tenir » le prix de vente du sucre. Une telle perspective ne peut être défendue, ni sur le plan économique, ni sur le plan moral.

b) Une "avarice" inacceptable pour les DOM

La canne à sucre est également cultivée dans certaines des régions dites « ultrapériphériques » (RUP), dont les spécificités sont reconnues par l'article 299.2 du traité instituant la Communauté européenne.

Les RUP sont les Açores, les îles Canaries, Madère et les départements d'outre-mer français, avec, comme producteurs de sucre, la Réunion, pour un total de 220 000 tonnes, et la Guadeloupe, pour 75 000 tonnes.

Comparée à la filière betteravière du continent, celle de la canne à sucre des DOM souffre de deux handicaps structurels.

Le premier est la faiblesse des rendements obtenus, soit, à la Réunion, 7 à 8 tonnes de sucre à l'hectare, par rapport à ceux des zones les plus efficientes du continent, dont les rendements peuvent atteindre 10 à 11 tonnes par hectare dans l'Hexagone.

Ce différentiel s'explique par l'agronomie et la nature des terrains : la Réunion se caractérise par l'étroitesse du territoire, un peu moins de 1/5ème de la surface est utilisable pour les activités agricoles, la petite taille des exploitations cannières, avec une surface moyenne de 5,5 hectares, des conditions de relief et de pierrosité difficiles et l'éloignement du marché, qui renchérit les importations d'intrants et de moyens de production, ainsi que l'expédition de la récolte.

Le second handicap résulte de l'existence d'un prix de vente du sucre roux dans les DOM plus proche de celui du sucre ACP que de celui du sucre blanc vendu sur le continent.

Ces deux spécificités pèsent sur la rentabilité des producteurs de sucre des DOM, qui opèrent dans des conditions en rien comparables à celles que connaissent les planteurs du continent.

A elle seule, cette situation exceptionnelle justifie un statut dérogatoire dans la politique sucrière européenne, qui doit perdurer dans la future OCM.

En effet, l'Union européenne ne peut forcer ces régions à suivre, sans les adaptations requises par leur situation, la logique de compétitivité inspirant le projet de la Commission.

En outre, l'Etat s'est fortement impliqué dans le soutien financier à un secteur qui, à la Réunion, en représentant le tiers de la production agricole locale, les trois quarts des exportations et 12 000 emplois agricoles, industriels et de services, ne dispose d'aucune alternative.

Ce soutien est d'ailleurs complété par celui accordé par l'Union européenne, qui depuis plus de quinze ans a contribué, par ses crédits, au développement de la production de la canne à sucre dans les DOM. Cette dernière continue de le faire, notamment avec les fonds de la politique régionale qui financent, à hauteur de 50 %, à la Réunion, la gigantesque opération de « basculement des eaux d'Est en Ouest », destinée à améliorer l'irrigation des cultures.

L'engagement politique et financier de l'Union européenne prend également la forme d'une aide spécifique pour les DOM, dite aide à l'écoulement, qui vise à compenser les handicaps liés à l'éloignement entre les zones de production et les raffineries situées sur le continent européen.

Concrètement, cette aide permet de prendre en charge le transport de la canne des régions de production vers les ports européens, c'est-à-dire principalement ceux de Marseille et de Nantes. D'un montant de 66 euros/tonne, elle est versée au producteur de sucre des DOM et calculée sur les coûts de transport et de stockage. Elle est complétée par une aide au raffinage, versées aux raffineries du continent, d'un montant de 8,1 euros/tonne.

La Commission européenne propose d'attribuer une enveloppe à l'écoulement de 15 millions d'euros, dans le cadre de la réforme de l'OCM sucre.

Elle prévoit, par ailleurs, d'appliquer deux dérogations, qu'elle présente comme une reconnaissance, par la PAC, de la situation particulière des DOM :

- l'exclusion du système de paiement unique des aides compensatoires pour les producteurs de sucre des DOM ;

- l'exonération, pour ces régions ultrapériphériques, du paiement de la cotisation au fonds de restructuration.

Enfin, la Commission propose d'attribuer une enveloppe spécifique de 44 millions d'euros aux paiements compensatoires pour les DOM, cette somme étant calculée sur la totalité du quota DOM, soit 480 244 tonnes.

La Commissaire européenne à l'agriculture a souligné au rapporteur que ces trois « gestes » étaient généreux et compensaient, en quelque sorte, le fait que l'enveloppe prévue pour l'aide à l'écoulement soit, en raison du choix de la période de référence utilisée, inférieure à celle de la dernière exécution budgétaire, représentant une dépense effective de 19,8 millions d'euros.

Cette réponse, qui a été donnée à une question du rapporteur portant spécifiquement sur les raisons justifiant un tel différentiel, n'est pas satisfaisante : les sommes en jeu, environ 5 millions d'euros, ne sont pas si colossales qu'elles puissent empêcher de demander une augmentation, a due concurrence, de l'aide.

Si la Commission se veut généreuse, il faut qu'elle le soit jusqu'au bout pour les régions qui forment l'avant-garde géographique de l'Europe.

4) De sérieuses interrogations sur les volumes des quotas et les possibilités transitoires de recours à l'exportation

a) Les quotas

(1) La fusion du A et du B

En préalable, on observera qu'aucune réduction obligatoire des quotas ne sera appliquée pendant la période de restructuration. Le jeu combiné des deux instruments que sont la baisse des prix et la restructuration volontaire rend, en effet, inutile le recours à une démarche aussi autoritaire et administrative.

Toutefois, la Commission se réserve le droit, si nécessaire et d'ici la fin février 2010, de fixer le pourcentage de réduction des quotas par Etat membre ou région, afin d'éviter tout déséquilibre de marché pour les campagnes à compter de 2010/2011.

Ce couperet, dont l'ombre plane sur le potentiel de production des zones les plus compétitives, constitue une menace sérieuse, qui, comme cela a déjà été souligné, impose une restructuration, en temps et en heure, du secteur sucrier européen.

(2) Le C

La Commission prévoit l'attribution, au plus tard le premier juillet 2006, d'un million de tonnes de sucre C, ainsi réparti :

Quotas supplementaires pour le sucre C

Etat membre

Quota supplémentaire

Belgique

62 489

République tchèque

20 070

Danemark

31 720

Allemagne

238 560

France

351 695

Lituanie

8 985

Pays-Bas

66 875

Autriche

18 486

Pologne

100 551

Suède

17 722

Royaume-Uni

82 847

TOTAL

1 000 000

L'ouverture de ce quota est essentielle pour les principaux producteurs de sucre C, au premier chef ceux de France.

En outre, notre pays a d'autant plus besoin de cette souplesse pour ses producteurs, que celle-ci est indispensable au respect des livraisons prévues par les contrats d'achats de betteraves, qui sont signés par les planteurs et les industriels.

Par ailleurs, ainsi que l'a souligné la Commissaire européenne à l'agriculture au rapporteur, la non-attribution de ce quota supplémentaire, dès la première année, pénaliserait les zones les plus compétitives. Car alors ces dernières, privées de cette flexibilité, verraient le sucre excédentaire reporté sur la campagne suivante, ce qui augmenterait, de surcroît, les risques d'accumulation de déséquilibres.

Enfin, on observera que cette souplesse jouera aussi en la faveur d'unités assez petites, qui, tout en étant relativement, compétitives, sont excentrées par rapport aux zones très efficientes : l'attribution de sucre C compensera la réduction de leurs quotas A et B, de telle façon que la diminution globale de leur production ne conduira pas à la fermeture de ces usines.

(3) L'isoglucose

L'isoglucose ou sirop de maïs ou de blé à haute concentration en fructose est un édulcorant. La matière première agricole est le blé ou le maïs d'où est extrait l'amidon. Le produit industriel de base est le glucose, dérivé de l'amidon par hydrolyse, qui est utilisé par l'industrie pour ses qualités nutritives.

Ce produit a été introduit dans l'OCM en 1977, avec l'institution d'un quota de 300 000 tonnes, auxquelles ont été ajoutées, avec l'élargissement, 200 000 tonnes. Ainsi, le quota total de 0,5 million de tonnes représente moins de 3 % du marché européen du sucre.

Bien que peu important, ce quota a permis le démarrage, dans l'Union, d'une l'industrie de l'amidonnerie, qui aujourd'hui comprend 39 usines, employant, directement ou indirectement, 15 000 personnes. Chaque année, celle-ci investit quelque 100 millions d'euros par an pour la recherche et le développement et valorise près de 13 millions de tonnes de céréales, assurant ainsi une production annuelle d'amidon de 7 millions de tonnes.

Le projet de réforme prévoit une augmentation annuelle et proportionnelle des quotas applicables à l'isoglucose de 100 000 tonnes durant trois années, à compter de 2006/2007.

Selon l'industrie de l'amidonnerie, le nouveau quota proposé, même en s'ajoutant à celui existant, ne suffira pas à compenser la réduction du prix du sucre, dont le niveau élevé a permis, jusqu'ici, de compenser les coûts de production induits par l'existence d'un marché étroit de l'isoglucose. En effet, celle-ci va affecter, à la baisse, le prix de l'isoglucose, comme de la plupart des édulcorants, qui, à eux seuls, représentent 70 % de la production des amidonniers.

Les industries de l'amidonnerie proposent donc, afin de limiter les effets de la baisse des prix, d'ouvrir, durant quatre années successives, un quota de production de 300 000 tonnes, représentant un total de 1,2 million de tonnes.

b) Un volet à l'exportation ne donnant pas assez de souplesse pour la régulation du marché intérieur

La Commission propose le maintien de l'exportation, avec restitutions, de 400 000 tonnes de sucre contenu dans tous les produits transformés.

A l'inverse, l'arrêt de toutes les exportations de sucre du quota, en l'état, est prévu, à compter de la campagne 2007/2008, tandis qu'est interdite l'exportation de sucre hors quota.

La Commission se montre « plus royaliste que le roi » qu'est, en l'occurrence, l'OMC.

En effet, le panel sucre ne nous interdit pas, comme le reconnaît la Commission elle-même dans une note transmise le 10 octobre 2005 aux Etats membres, de continuer à exporter chaque année, avec ou sans restitutions, du sucre de quota ou du sucre hors quota, jusqu'à 1 273 500 tonnes.

Si l'Europe respecte ce plafond, elle peut donc recourir à cette flexibilité, jusqu'à ce que toutes les formes de subventions à l'exportation soient éliminées, conformément à l'un des volets du futur accord agricole en cours de négociation.

En outre, le maintien de cette souplesse permettrait à l'Europe de retrouver ou de conserver des marchés à l'exportation de proximité, comme l'Islande, la Norvège et la Suisse ou certains pays tiers méditerranéens, et de réguler ainsi, avec plus de facilité, l'équilibre du marché européen.

5) Des instruments de régulation affaiblis

a) Le remplacement du prix d'intervention par des outils à l'efficacité contestée

(1) Un prix de référence qui n'équilibrera rien...

La réforme de l'OCM devrait marquer la fin du prix d'intervention, qui sera, cela a déjà été dit, remplacé par un prix de référence.

Il s'agit d'un tournant majeur dans l'histoire de l'OCM, dont les effets potentiellement dangereux doivent être soulignés.

L'intervention constitue une garantie solide et automatique, car elle oblige, par un mécanisme public, les organismes compétents à acheter les quantités de sucre éligibles qui leur sont présentées.

Elle fonctionne donc comme un véritable filet de sécurité pour les producteurs qui, par ailleurs, continue d'opérer pour l'autre grande production végétale que sont les céréales.

Cet instrument protecteur de la filière est, de plus, étroitement lié à la préférence communautaire : l'intervention peut, en effet, limiter les conséquences négatives qu'aurait, sur la production communautaire mise en vente sur le marché, un afflux d'importations.

A cet égard, le rapporteur a souvent entendu les professionnels, comme les fonctionnaires du ministère de l'agriculture, reprocher à la Commission de manquer de cohérence dans ses choix pour la réforme de l'OCM. Si l'Europe décide d'ouvrir son marché, et donc d'affaiblir la préférence communautaire, il lui faut, en toute logique, conserver des outils solides sur le marché intérieur. Or elle fait tout le contraire, en affaiblissant simultanément les instruments de régulation, tant externes qu'internes.

(2) ...A l'instar du régime de stockage

En dehors de la Commission, l'ensemble des interlocuteurs du rapporteur ont fait preuve de leur scepticisme quant à l'efficacité du régime de stockage privé, qui consistera à retirer du sucre du marché, sur une initiative du fabricant ; « ça n'a jamais marché » a-t-il souvent entendu dire.

Il est vrai que l'on passe d'un système d'intervention publique à des mécanismes relevant de comportements privés : on peut donc douter de l'effet stabilisateur de décisions « éparpillées ».

En outre, l'efficacité de ce système sera réduite par le fait qu'il faudra, nécessairement, un certain délai pour constater le niveau des prix et celui nécessaire à l'adoption d'une décision.

b) Un retrait de quotas aléatoire

La Commission propose de maintenir le mécanisme de report de quota, en cas de dépassement sur la campagne de commercialisation suivante, ainsi que le mécanisme de retrait.

Sur ce dernier point, il est prévu que la Commission puisse décider, avant le 1er novembre, quel pourcentage de sucre, d'isoglucose et d'inuline du quota doit être retiré et reporté à l'année suivante, comme première production du quota.

Selon la Confédération internationale des betteraviers européens, l'utilisation de cet outil peut être dangereuse, en raison de l'inconnue que représentent les futures importations de sucre des PMA. En effet, pour fonctionner sans heurts pour la filière, le retrait exige de connaître précisément ce ou ces tonnages : un retrait trop important, en faisant monter le prix de marché, formera un appel d'air pour les SWAP. Inversement, un retrait trop faible freinera les SWAP, mais, en abaissant le prix de marché, réduira d'autant le revenu des planteurs et des industries.

C. Le talon d'Achille de la réforme : un marché européen ouvert à tous les vents, sans capacité de régulation des entrées de vrai et de faux sucre PMA

1) La clef de la réussite...ou de l'échec

De deux choses l'une.

Ou bien l'Europe fait le choix d'une OCM moins forte sur le plan externe, ce qui est le cas avec l'initiative « TSA », et cela rend indispensable le maintien d'instruments de régulation interne forts.

Ou bien elle met en place une OCM moins régulée sur le plan interne, comme cela est prévu par le projet de réforme, ce qui impose alors une contrepartie externe : l'existence de mécanismes permettant de limiter les importations potentiellement dangereuses pour l'équilibre du marché.

Or la Commission, avec ses propositions, ne fait ni l'un ni l'autre : l'Europe et ses producteurs de sucre se trouvent donc, à ce stade, dans la pire des situations possibles.

Ce constat est unanimement partagé par les professionnels rencontrés par le rapporteur. L'appel d'air, en faveur de l'achat de vrai ou de faux sucre PMA, que constituera un marché libéralisé par l'initiative « TSA » pourrait donc déboucher sur un scénario catastrophe : un prix interne du sucre mis sous pression, des pertes de revenus pour la filière, le recours, dans un contexte de crise généralisée du marché, à la réduction des quotas, et ainsi de suite. Il est à parier qu'au terme de ce processus, le sucre européen disparaîtrait au profit du sucre brésilien.

On verra dans les paragraphes qui suivent que la Commission est elle-même consciente de la faiblesse des « sabres de bois » qu'elle propose d'utiliser pour réguler les importations.

2) Une OCM qui sera rapidement aux abois

a) Des clauses "sabres de bois" peu efficaces

(1) Les textes et les engagements

Il convient de passer en revue les quatre instruments dont disposera la Communauté pour se protéger d'un afflux important d'importations de sucre.

Mais tout d'abord, rappelons qu'il n'existe aucune disposition permettant de limiter les importations résultant de SWAP, alors qu'elles créeront, avec la mise en œuvre complète de « Tout sauf les armes », au mieux, une incertitude sur les volumes d'entrée, rendant ainsi le marché moins lisible, au pire, une pression à la baisse sur les prix communautaires.

Le premier instrument est multilatéral : il résulte de l'article 5 de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, relatif à la « clause de sauvegarde spéciale ». Celle-ci se déclenche automatiquement, en fonction du dépassement du prix de référence consolidé, c'est-à-dire communiqué par l'Europe à l'OMC au moment de la signature de l'Accord, ou de la moyenne, sur trois ans, des importations en volume. Plus précisément, pour ce qui est du prix, la clause s'applique dès que le prix « représentatif » ou le prix CAF à l'importation, hors droit de douane, est inférieur au prix de déclenchement, qui a été fixé lors du Cycle d'Uruguay, à 531 euros/tonne.

Comme le prix représentatif est proche ou en dessous du prix mondial, la clause de sauvegarde est, depuis 1995, appliquée en permanence. Cela permet d'ajouter au droit fixe de 419 euros/tonne un droit additionnel, qui couvre une partie de la différence entre le prix représentatif et le prix de déclenchement. Selon la Commission, durant les dernières campagnes, l'application de cette clause a permis d'établir une protection tarifaire totale dépassant les 500 euros/tonne.

Cependant, le maintien de cette clause, dont la défense est incluse dans le mandat de négociations donné par le Conseil à la Commission, est contesté : cette question est inscrite, depuis la Conférence de Doha, à l'ordre du jour des négociations agricoles de l'OMC avec un Brésil à la pointe des pays revendiquant sa suppression.

Quant aux instruments communautaires, le règlement (CE) n° 980/2005, adopté le 27 juin 2005, qui porte application d'un schéma de préférences généralisées (SPG), prévoit plusieurs dispositifs de protection du marché.

Le règlement SPG accorde, de manière unilatérale, des concessions tarifaires à tous les produits de tous les pays en développement, et comprend, à ce titre, un régime spécial en faveur des PMA, qui incorpore l'initiative « TSA ».

Son article 16 permet le retrait temporaire, en ce qui concerne tout ou partie des produits originaires des pays bénéficiaires, des régimes préférentiels couverts par le règlement, en cas de « fraude, d'irrégularités ou de manquement systématique aux règles d'origine ou à la garantie de leur respect ». La période de suspension, qui en principe dure 6 mois au maximum, mais peut être prorogée, est décidée, après qu'elle en ait informé le Conseil, par la Commission, lorsqu'elle estime qu'il existe des preuves suffisantes. La Commissaire européenne à l'agriculture a souligné au rapporteur le caractère « réactif » de ces dispositions, qui doivent permettre de luter contre les importations de « faux » sucre PMA.

De plus, le règlement SPG contient une clause de sauvegarde générale, permettant de rétablir les droits de douane du tarif commun, qui peut être activée si un produit est importé dans des conditions telles que « des difficultés graves sont ou risquent d'être causées aux producteurs communautaires de produits similaires ». Toutefois, l'application de cette clause n'est pas automatique, et doit, en outre, résulter d'une enquête, dont la durée peut aller jusqu'à six mois.

Sur ce dernier point, la Commission, répondant par une note datée du 10 octobre aux interrogations inquiètes des Etats membres sur cette procédure, précise que les délais d'enquête peuvent être réduits, s'agissant des produits agricoles, en deux occasions : premièrement, lorsque le pays bénéficiaire ne respecte pas les règles d'origine et, deuxièmement, lorsque les importations effectuées sous un régime préférentiel excèdent, de manière massive, les niveaux normaux d'exportations du pays bénéficiaire.

Pour les seuls produits agricoles, le règlement dispose, en outre, qu'ils peuvent être soumis à une « surveillance spéciale », sur décision de la Commission.

Enfin, lors de l'adoption de ce règlement, le Conseil a indiqué, dans une déclaration, qu'en cas de difficultés d'application provoquées par les SWAP, il s'attachera à régler ce problème.

En ce qui concerne la proposition de règlement réformant l'OCM sucre, elle prévoit, à l'article 25, l'application de mesures de sauvegarde lorsque le marché subit ou est menacé de subir, du fait des importations, « des perturbations graves susceptibles de compromettre » la réalisation des objectifs de la politique agricole, tels que définis par le traité instituant la Communauté européenne.

Au total, Mme Mariann Fischer Boel, devant le rapporteur, a considéré qu'en cas d'augmentation subite des exportations de sucre de PMA, susceptible de déséquilibrer l'OCM, l'Europe disposerait d'une capacité de réaction, permettant, à tout moment, de retirer à ces pays leur droit à un accès, sans limites tarifaires, à notre marché.

Toutefois, il est significatif de constater qu'en réponse aux questions du rapporteur sur la portée réelle de ces dispositions, elle a, alors, insisté davantage sur l'effet dissuasif qu'aurait la baisse des prix du sucre européen sur les exportations de sucre PMA !

Si cette dernière observation reste valable, elle ne peut, en aucune manière, servir de garantie suffisante pour les producteurs européens, qui, en la matière, exigent l'application de dispositifs automatiques.

(2) Une Commission qui sera de facto paralysée

La « cuirasse » proposée pour l'OCM sucre possède un gros défaut : les mesures de sauvegarde, qu'elles relèvent du règlement SPG ou du futur règlement sucre, devront être activées par la Commission. Autrement dit, leur application éventuelle sera laissée à l'appréciation d'un organe politique.

Or, comme on le verra, les politiques communautaires concernant l'agriculture, le commerce et le développement sont traversées par des tensions. Ces tensions se retrouvent au sein même du Collège des Commissaires, dont les membres devront décider, à la majorité simple, d'appliquer ou pas une mesure restrictive à l'encontre des pays figurant parmi les plus pauvres de la planète.

Ainsi que l'a reconnu, en toute franchise, le collaborateur d'un Commissaire européen, le Collège « affirme qu'il appliquera les instruments, mais politiquement, ce sera une autre affaire » : il y aura, « toujours, des pressions et des facteurs politiques pour ne pas le faire ».

Cet interlocuteur du rapporteur n'a donc pas écarté l'hypothèse de l'inscription d'une clause plus opérationnelle, liée par exemple à un seuil d'importations, dans l'architecture de la nouvelle OCM.

Mais il a aussitôt ajouté qu'une telle proposition modificative du projet de réforme conduirait l'Europe à se poser une question de nature politique à l'égard des PMA : faudra-t-il inscrire cette clause dans le nouveau règlement, ce qui serait susceptible de renforcer la demande de ces pays visant à prolonger leur régime actuel d'accès au marché communautaire, ou ne l'adopter que plus tard, si des problèmes apparaissent, sur la base d'un engagement pris lors de l'adoption de la réforme ?

Cette question, ainsi que celle portant sur les modalités d'application de clauses de sauvegarde renforcées, seront tranchées dans la troisième partie.

b) Un Office "antifraude" aux moyens limités

« L'OLAF sera là pour limiter les dégâts » entend-on parfois dans le débat sur le contrôle des importations de vrai/faux sucre PMA. Au point que l'on se demande si, avec cet organe relevant de la Commission, l'Europe n'a pas trouvé un FBI, qui traquera sans relâche les détournements de trafics et contribuera à faire arrêter les opérateurs coupables.

Or, l'Office européen de lutte antifraude, qui a une double mission d'investigation, dans la Communauté et à l'intérieur de la Commission, dispose d'une capacité d'intervention limitée. Les limites sont tout d'abord juridiques : l'OLAF ne peut s'appuyer sur des moyens de coercition qui lui soient propres et doit, sur le territoire communautaire, compter sur l'obligation d'assistance des Etats membres et des opérateurs, ces derniers étant tenus de faciliter l'accès aux enquêteurs de l'Office. Sur les territoires extérieurs à l'Union, les administrations nationales ne sont, en revanche, soumises à aucune obligation d'assistance. A cela s'ajoutent des limites opérationnelles et humaines non négligeables, puisque sur les 350 agents de l'OLAF, 250 seulement mènent des enquêtes, dont la quasi-totalité ne font que travailler sur le territoire communautaire.

Comme le reconnaît l'un de ses responsables, il ne faut pas s'attendre, dans ces conditions, à ce que l'OLAF puisse mener une politique de tolérance zéro à l'égard des importations de faux sucre préférentiel.

En revanche, l'Office, à partir des leçons tirées d'une récente opération conduite, avec succès, contre un réseau d'importations de contrefaçons, peut développer des stratégies de prévention et d'intervention, à partir du ciblage des zones, des opérateurs et des vecteurs d'acheminement « à risque ».

Il est incontestable que cette méthodologie sera utile à l'OLAF pour se préparer à repérer et à « contrer » les effets indésirables de la libéralisation complète de l'accès au marché communautaire du sucre PMA.

D'autre part, l'Office dispose d'un nouvel outil informatique, qui sera particulièrement précieux pour surveiller le volume des importations de sucre PMA. Celui-ci recense, mois par mois, les statistiques concernant la production, la consommation et les échanges de cette denrée. Interrogé par le rapporteur sur l'apport que peut constituer ce logiciel, un expert de l'OLAF a estimé qu'il permettrait, par la surveillance en temps quasi réel des flux de sucre PMA, de réduire, en cas d'anomalies constatées, le temps de réaction des enquêteurs à quelques mois. Cela permettrait également à la Commission d'intervenir plus rapidement contre les trafics de sucre violant les règles d'origine.

Cette avancée technologique ne peut être négligée : il ne faut pas oublier, en effet, que l'enquête sur le sucre des Balkans a commencé en 2001 et que le régime préférentiel n'a été suspendu qu'en 2003.

L'enquête de l'OLAF sur les importations de sucre balkanique

Le rapporteur s'est entretenu avec les enquêteurs chargés du dossier du faux sucre balkanique, qui lui ont décrit, avec précision, le chemin suivi pour mettre fin à ces opérations frauduleuses.

Un prélèvement effectué en Grèce sur du sucre importé de Croatie a d'abord révélé que 15 % de l'échantillon comprenait, en fait, du sucre de canne, provenant du Brésil et de Thaïlande. L'OLAF a alerté les douanes et la justice grecques, et ces dernières ont adressé à la justice croate une commission rogatoire, après quoi l'Office a été désigné comme expert pour l'exécution de cette commission. Une mission conduite en Croatie a permis de constater que ce pays n'était pas en mesure de produire les quantités exportées vers l'Union. Ce pays a finalement annulé la certification d'exportation EUR 1, qui permettait de faire entrer, sans payer de droits, le sucre brésilien. D'après les enquêteurs, cela a permis de recouvrir, en droits de douane, plus de quatre millions d'euros.

Une autre affaire a mis en cause la Serbie, l'enquête ayant été menée dans un contexte bien plus difficile. En effet, le propriétaire de l'une des sucreries impliquées dans le trafic était l'un des proches de l'ancien Premier ministre serbe, Zoran Djinjic, dont il a porté le cercueil en terre, après que ce dernier eut été assassiné. Lors de l'enquête sur le terrain, dont la préparation a nécessité un an, l'OLAF s'est aperçue que la douane serbe ne disposait pas du pouvoir légal de faire des contrôles dans les entreprises, ce qui a conduit l'Office à demander aux autorités du pays à modifier la législation. L'Office a constaté, en outre, que de très nombreux commerçants et entreprises serbes impliqués dans le négoce du sucre, si ce n'est la totalité d'entre eux, menaient des opérations frauduleuses. De plus, ces opérateurs, parfois, se « contentaient » d'importer su sucre C communautaire, qu'ils réexportaient vers l'Union, après un simple changement d'emballage. Au final, l'Office a demandé à la Commission de publier un avis aux importateurs, afin d'informer les opérateurs communautaires qu'ils prenaient délibérément un risque en faisant venir du sucre serbe et que, dès lors, en cas de poursuites judiciaires, ils ne pouvaient plus arguer de leur bonne fois. Cependant, cette dernière, pour des motifs politiques, a, au début, accueilli plutôt fraîchement la démarche des enquêteurs. En 2002, l'avis était finalement publié, puis la Commission a suspendu les préférences 6 mois plus tard.

Toutefois, quand bien même l'Office réduirait, avec ce logiciel, son délai d'intervention, au final, ce dernier ne fera que soumettre un dossier à la Commission qui, pour des raisons politiques, pourra hésiter à appliquer une sanction et restera toujours libre de le faire ou non.

Pour le sucre des Balkans, il a été ainsi indiqué au rapporteur, à l'OLAF, que la Commission « a mis trop de temps » pour se décider, malgré l'envoi d'une note dépourvue d'ambiguïté aux directions générales compétentes. Ce retard s'explique par les divergences d'approche existant au sein de la Commission, quant au sort à réserver au régime préférentiel.

D. Un volet d'aide aux pays ACP affectés par la baisse des prix délicat à négocier

1) Des demandes fortes motivées par un sentiment d'urgence et illustrant les contradictions des politiques communautaires

Très vite, les premières options de réforme de la Commission avant même d'être formalisées dans les propositions législatives, ont suscité de vives critiques, de la part des pays ACP et des PMA, qui, par la suite, ont adopté des positions communes sur le sujet.

Doivent être cités ici la proposition alternative des PMA du 4 mars 2004, la réponse, adoptée le 4 octobre 2004, des pays ACP à la Communication de la Commission, puis la plate-forme commune ACP/PMA du 14 septembre 2005.

Lors de réunion du Conseil agriculture du 19 septembre 2005, les ministres des 24 pays ACP/PMA concernés ont fait valoir que les propositions de la Commission européenne, en particulier l'ampleur des réductions de prix, le délai pour leur entrée en vigueur et le démantèlement du mécanisme d'intervention, étaient, en l'état, inacceptables.

A cette occasion, tout comme dans les déclarations adoptées par nos partenaires, l'Europe a été accusée de ne pas respecter le Protocole sucre, aux termes duquel elle s'est engagée à acheter ses quantités de sucre ACP à un prix garanti, qui, depuis 1975, est aligné sur le prix d'intervention. En outre, l'article 36-4 du Protocole stipule clairement que toute révision doit préserver les acquis de cet accord.

Ces accusations traduisent le désarroi sincère de pays, dont certains d'entre eux, en raison d'une réduction de 43 % du prix de vente de leur sucre sur le marché communautaire, seront obligés d'abandonner tout ou partie de leur production.

L'évaluation de l'impact de la réforme de l'OCM sur les pays ACP-PMA ne peut, à ce stade, être précise, d'autant que le travail de chiffrage, destiné notamment à fixer les enveloppes d'aide, ne fait que commencer au sein de la Commission, en liaison avec les pays ACP.

Mais d'ores et déjà, il est incontestable que, pour ces pays, les conséquences, sur l'économie, en général, et la filière, en particulier, seront lourdes.

Pour prendre l'exemple d'un seul pays ACP qui est aussi un PMA, l'ambassadeur du Malawi en Belgique, M. Brian Bowler, a indiqué au rapporteur que la perte de recettes qu'entraînerait, pour son pays, une baisse de 37 % du prix d'intervention, le premier chiffre avancé par la Commission, se chiffrerait à, environ, 8 millions d'euros. Sur le plan social, les conséquences ne peuvent qu'être catastrophiques, avec la mise au chômage et l'exode rural d'une main d'œuvre n'ayant jamais été scolarisée et dont les chefs de famille font parfois vivre dix personnes. Ce tableau est rendu encore plus sombre, si l'on tient compte du lien quasi « naturel » qui existe entre les arrivées de personnes non qualifiées dans des villes pauvres, sous-équipées et sous-alimentées et la montée de la délinquance et de la criminalité urbaines.

Les ACP/PMA ont donc demandé à l'Europe de réviser la réforme projetée, en :

- faisant adopter une baisse de prix strictement limitée à ce qu'exige la mise en œuvre du panel de l'OMC, le chiffre de - 20 % étant parfois présenté comme étant la réduction maximale supportable pour l'économie des partenaires de l'Europe ;

- n'appliquant cette baisse qu'après 2008 et sur une période de 8 ans ;

- interdisant le commerce triangulaire.

De leur côté, les seuls PMA réclament une réduction du prix comprise entre 15 et 20 % et un délai transitoire de dix ans pour s'adapter au nouveau contexte, avant la libéralisation totale de l'accès de leur sucre au marché communautaire.

Il est frappant de constater que les bénéficiaires de l'initiative « TSA » sont les plus demandeurs d'un maintien, aussi prolongé que possible, des quotas, en raison de la garantie de ressources financières que ce mécanisme offre.

Cette revendication montre à quel point l'Europe, agissant sous l'aiguillon du droit d'initiative d'une Commission dont le Collège et les directions générales défendent, parfois, des philosophies divergentes, s'est, avec « Tout sauf les armes », empêtrée dans ses propres contradictions.

Trois d'entre elles peuvent, au minimum, être citées :

- une politique forte d'appui au développement, qui va pourtant à l'encontre d'accords ou d'initiatives instaurant un quasi-libre échange entre des partenaires inégaux, à l'instar des négociations en cours avec les ACP pour le remplacement de la Convention de Cotonou ;

- une politique agricole encore forte, mais, en réalité, mise souvent à contribution par la Commission, qui la fait ainsi « payer » à l'OMC, afin d'atteindre les objectifs commerciaux industriels ou de services de l'Europe ;

- une politique agricole paradoxalement trop peu défendue, sur le plan du discours, par la Commission, qui a mauvaise conscience à l'égard d'une Europe verte encore trop « riche » pour le monde en développement, y compris ses « alliés naturels » ACP.

Le résultat est là : l'Europe, sans le penser trop fort, voudrait bien pouvoir rêver à un aménagement du régime « TSA », mais politiquement, elle ne pourra jamais revenir sur un accord qu'elle valorise auprès de toute la communauté internationale et qu'elle a adopté en faveur de pays qui, eux, n'en demandaient pas tant.

Quant à l'effet d'entraînement de cette initiative généreuse sur les pays développés, Etats-Unis et Japon surtout, il est, faut-il le rappeler, égal à zéro.

Le rapporteur souhaite qu'à tout le moins, cet embarras de l'Europe à l'égard de l'initiative « TSA » serve de leçon, et conduise à une clarification des priorités concernant l'agriculture, le commerce et le développement à l'OMC.

A ses yeux, les contradictions actuelles peuvent être surmontées par l'institution d'une « exception agricole » à l'OMC, qui protége les modèles d'agriculture, sauvegarde l'indépendance alimentaire de tous les pays et discipline les seules pratiques déloyales.

Rappelons ici le texte du point 14 de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale, le 2 avril 2003, sur les négociations agricoles à l'OMC, aux termes duquel cette dernière « juge nécessaire une révision...de l'accord sur l'agriculture signé le 14 avril 1994, afin d'instituer, au sein des règles commerciales multilatérales, une exception agricole fondée sur le caractère spécifique de cette activité et l'impérieuse nécessité d'assurer à tout pays sa sécurité alimentaire »(12).

2) Une réponse visant à appuyer, de manière réaliste, l'adaptation des économies ACP

Les attentes des pays ACP doivent déboucher sur des réponses réalistes.

La première d'entre elle est qu'il doit être clair que l'Europe ne peut renoncer à une réduction des prix suffisamment importante, qui assure une stabilité pour l'OCM jusqu'en 2013, dont bénéficieront ses « cocontractants » ACP.

La baisse des prix aura, certes, des effets importants, mais elle offre une contrepartie, de la durée, qui est un facteur clef pour le développement de pays pauvres.

En outre, cette baisse constitue une garantie, certes relative, mais indispensable, pour l'Europe contre des afflux « spéculatifs » de sucre. Or cette protection ne joue pas qu'à l'avantage de l'Europe : les ACP ont tout intérêt, aussi, à ne pas voir disparaître, sous des montagnes de sucre brésilien « trafiqué », une OCM reposant sur des prix garantis.

De plus, même avec ce niveau de réduction des prix, les ACP et les PMA conserveront un accès préférentiel au marché communautaire, dont le prix sera encore le double de celui du prix mondial. Dans ces conditions, comme l'a indiqué l'ambassadeur du Malawi au rapporteur, les pays ACP continueront à exporter leur sucre vers l'Europe pour se procurer les devises, notamment les euros, nécessaires à l'achat des produits essentiels, tels les médicaments.

Enfin, il faut rappeler que le prix d'importation minimum du sucre ACP importé dans le cadre du Protocole doit s'aligner, selon un rythme qui reste à définir, sur les nouveaux prix de l'OCM. Les fournisseurs de sucre préférentiel disposeront donc d'un délai dans la réduction de leur prix préférentiel de sucre, par rapport aux prix communautaires, ce qui atténuera les conséquences de cette baisse.

Le réalisme commande donc d'accompagner nos partenaires dans la restructuration de leur secteur sucrier. C'est un pari sur l'avenir qui doit être fait par les partenaires de l'Europe, en tournant le dos aux démarches traditionnelles de « captation » de rentes : ainsi que l'a souligné au rapporteur le cabinet du Commissaire européen pour le développement, M. Louis Michel, le but initial de l'Europe, avec l'initiative « TSA », n'était pas de créer ou d'entretenir des économies artificielles.

Notons ici que pour le cas du Malawi, l'ambassadeur de ce pays a fait part au rapporteur du comportement significatif des « profiteurs » de la manne du quota : les industries sucrières du pays commencent à réduire les surfaces qu'elles mettent en culture, car, derrière elles, les banques se désengagent d'une production qui s'annonce moins lucrative avec la baisse du prix du sucre prévue en Europe...

Il faut revenir ici aux conclusions de l'étude précitée de Mme Elisabeth Lacoste sur « Le sucre et les pays en développement », selon lesquelles la création de complexes industriels nécessitant des investissements élevés, des surfaces immenses et une main d'œuvre importante, se fait au détriment des exploitations familiales. Une usine capable de produire 150 000 tonnes coûte, en effet, 35 millions de dollars pour les plantations irriguées, et 65 millions pour la partie industrielle. Se mettent ainsi en place des complexes intégrés, qui forment des poches de richesse dans des zones sous-développées, sans que cela entraîne un développement à plus grande échelle : au bout du compte, ces lieux font seulement vivre des ouvriers. De fait, la filière sucre contribue à mettre en place ce qu'on appelle des économies duales, qui « fabriquent » des inégalités entre communautés et régions.

La réforme de l'OCM peut donc inciter certains pays à sortir d'une impasse, préjudiciable à leur bien être humain et économique.

Mais elle doit s'accompagner, en contrepartie, d'un important volet de coopération au développement des pays ACP producteurs de sucre : c'est faire œuvre de justice que l'Union européenne, cosignataire du Protocole sucre et responsable de l'OCM à l'égard de ses partenaires, aide ces derniers à se préparer à un nouveau départ.

Dans cette perspective, un « Plan d'action » a été publié par la Commission, en janvier 2005, suivi d'une proposition de règlement sur les mesures d'accompagnement des pays signataires du Protocole sucre affectés par la réforme de l'OCM. Ce texte prévoit que les demandes d'aide devront être fondées sur une stratégie d'adaptation pluriannuelle : adoptée par les pays ACP, celle-ci devra soit renforcer la compétitivité du secteur du sucre et de la canne à sucre, soit promouvoir la diversification économique des zones dépendantes ou bien encore traiter les conséquences du processus de restructuration, en termes d'emplois, de services sociaux, d'utilisation du sol, de restauration de l'environnement et de stabilité macro-économique.

Il faut se féliciter de l'éventail des mesures envisagées, sans occulter le fait qu'aujourd'hui, un débat difficile a lieu entre les pays ACP et l'Europe sur le montant de l'enveloppe devant être affectée à ce plan d'action.

Aucune somme globale ne pouvant encore, en raison du blocage des négociations sur les perspectives financières européennes 2007-2013, être fixée pour la durée du processus de restructuration, la Commission s'est contentée de proposer, pour l'année 2006 seulement, une enveloppe, prudente, de 40 millions d'euros. A titre de comparaison, on observera que l'île Maurice a défendu une enveloppe de 250 millions pour son seul bénéfice...

3) La nécessité d'une démarche contractuelle et centrée davantage sur les populations plutôt que sur les opérateurs

Au cours de son entretien avec l'ambassadeur du Malawi, dont les remarques ont été particulièrement utiles, le rapporteur a été convaincu par le fait que le processus d'accompagnement de l'adaptation du secteur sucrier des pays ACP revêt une dimension stratégique.

Cette dimension, dès lors qu'elle est correctement perçue, éclaire ce que doit être l'ambition commune de l'Europe et de ses partenaires ACP.

D'abord, pour réussir la transition vers le nouveau régime sucrier, il faut abandonner les approches comptables, qui raisonnent en termes de « compensation », une démarche devant être proscrite, et réfléchir à ce que doit être une réelle politique de développement alternatif.

Ensuite, pour limiter l'attrait des opérations commerciales, qu'elles consistent en SWAP ou en raffinage de sucre brésilien, les négociants et les industriels des pays ACP doivent comprendre, dès le départ, que leurs gouvernements et l'Europe consacreront une partie des financements du plan d'action au démarrage d'une économie agricole qui profite à tous. Ce point capital sera développé dans la troisième partie.

III. NOTRE POSITION : POUR DURER, L'OCM SUCRE DEVRA ALLIER COMPETITIVITE, SOLIDARITE ET PROTECTION TARIFAIRE

L'unique souci devant guider l'Europe pour la réforme de l'OCM sucre est de garantir la longévité de cette organisation de marché, en la refondant sur des bases économiques justes et saines.

Dans ce but, la cohérence du volet interne et externe de la réforme doit être assurée.

A. Créer les conditions d'une réduction maîtrisée, sur le plan économique et social, de la production

1) Faire dès 2006 le choix de la compétitivité

Il faut, dans cette perspective, défendre le principe d'une baisse des prix de l'ordre de celle proposée par la Commission européenne, ainsi que le respect du calendrier envisagé par cette dernière.

Tout élément de ticket modérateur, s'agissant de ces deux paramètres, retardera la mise en place d'une filière compétitive. Cela perturbera les stratégies des planteurs et des industriels, qui doivent y voir clair et ne pas être leurrés par des options recréant une compétitivité artificielle.

Le respect du calendrier proposé revêt à cet égard une importance stratégique, en raison d'une année 2006 qui risquerait d'être partiellement perdue pour la restructuration du secteur sucrier. En effet, des semis sont effectués aujourd'hui, dans le Sud de l'Europe notamment, ce qui impose de baisser les prix dès 2006.

De même, il faut insister sur l'importance que revêt la fixation du prix de la betterave à un niveau assez bas pour enclencher le processus : la restructuration dépendra, en effet, beaucoup plus des décisions des planteurs, qui, en arrêtant, cesseront de fournir la matière première aux sucreries, que des décisions prises par les industriels.

Aussi, pour être pleinement efficace, la combinaison baisse de prix/fonds de restructuration doit-elle miser sur un démarrage rapide de la rationalisation de la filière, qui encourage le plus vite possible les abondons de la part des producteurs les moins efficaces.

Par ailleurs, la baisse des prix doit être suffisamment forte pour créer un effet dissuasif à l'égard des importations de sucre en provenance des PMA.

Ainsi réduit, le prix de sucre européen ne constituera pas un bouclier, mais, à tout le moins, il permettra à l'Europe de limiter les opérations commerciales spéculatives, destinées à enrichir les négociants et les opérateurs, et non les économies nationales, de ces pays.

A l'inverse, parce que l'effort demandé à la filière est important, c'est au niveau de la compensation, c'est-à-dire de la solidarité, que l'Europe devra se montrer, comme on le verra plus loin, généreuse.

Enfin, il convient de donner une chance aux zones de production proches de la rentabilité, mais seulement à celles-ci. C'est pourquoi des souplesses peuvent être éventuellement accordées, non sur la baisse des prix, mais sur un autre paramètre, le recouplage, pendant une période limitée et sur une quantité minimale de sucre, de l'aide, qui, lui, n'obérera pas la restructuration.

2) Mieux abonder le fonds de restructuration pour mieux indemniser les planteurs

L'architecture et la durée du schéma volontaire de restructuration sont plutôt bien conçues, mais il est proposé d'augmenter les moyens financiers du fonds, afin de mieux indemniser les planteurs.

C'est une mesure à la fois juste et logique : le planteur doit bénéficier des aides à la restructuration, puisque c'est lui qui, par la baisse des prix, finance la majeure partie du fonds.

Dans ce but, il convient, d'abord, d'accroître, par rapport aux sommes proposées par la Commission, le montant de la cotisation dégressive qui finance, pendant trois ans, le fonds. Ensuite, la prime d'abandon de quota doit être partagée, selon un pourcentage à fixer dans le règlement, entre les planteurs et les industriels. Les crédits ainsi dégagés permettraient de financer deux mesures : une prime spécifique pour les planteurs qui arrêteront de cultiver des betteraves, en raison de la fermeture de l'usine avec laquelle ils sont liés par un contrat de livraison ; une compensation plus importante de la baisse des prix pour les autres planteurs, en faisant en sorte que le pourcentage de 60 % ne soit atteint, par exemple, qu'au bout de deux années.

Par ailleurs, la capacité d'intervention des Etats membres dans le schéma de restructuration doit être limitée, afin que celui-ci produise réellement ses effets. Dans cette perspective, ces derniers ne doivent pas pouvoir s'opposer au processus de restructuration, s'il répond à des critères précis, qui doivent être définis. Il convient, en particulier, de s'assurer que les accords interprofessionnels qui encadreront le processus d'abandon de la production soient respectés par les Etats membres. Par ailleurs, les Etats membres devront être chargés de veiller au respect des conditions attachées à l'abandon d'une usine. Enfin, le paiement de l'aide à la restructuration devra être échelonné, afin qu'à chaque étape, le versement fasse l'objet d'un contrôle.

Exceptionnellement, une porte de sortie pour la production d'éthanol, pourrait être, sous des conditions strictes, laissée ouverte, afin de ne pas casser l'outil industriel, lorsqu'il n'en existe qu'un seul ou deux dans un Etat membre.

D'ailleurs, à ce stade des négociations au Conseil, la Commission considère qu'un Etat membre ne devrait pas s'opposer au maintien d'une activité en dehors du secteur, ni pour une activité de production d'éthanol. Si l'éthanol constitue une option envisageable, en revanche, le maintien de l'outil industriel à des fins de raffinage doit être interdit : il ne faudrait pas que l'Europe permette à des usines de survivre pour raffiner ... du sucre PMA.

Enfin, afin de préserver l'effet incitatif du fonds, malgré les risques « d'année perdue » qui se profilent pour la campagne 2006/2007, il convient que le montant de l'aide à la restructuration, pour la campagne 2007/2008, reste au niveau de celui de la campagne précédente.

3) Appliquer la subsidiarité à la gestion des enveloppes d'aides compensatoires et supprimer les paramètres aggravant la baisse des prix pour les planteurs

La gestion des enveloppes prévues pour les paiements uniques doit être confiée aux Etats membres. Ces derniers doivent en effet disposer de la liberté nécessaire pour que la compensation aille aux planteurs, selon les modalités suivantes : un montant unitaire exprimé en euros par hectare ou en euros par tonne.

Pourraient être notamment prévus un paiement à l'hectare pour les planteurs de betteraves destinées au sucre hors quota et un paiement pour les producteurs du quota fusionné A et B.

S'agissant de la situation spécifique des DOM, la liberté donnée à l'Etat membre doit aller jusqu'au « recouplage » des aides compensatoires. Cette spécificité implique, en outre, de maintenir à son niveau actuel l'aide à l'écoulement.

Par ailleurs, la cotisation à la production proposée par la Commission, qui n'obéit à aucune logique particulière, budgétaire ou autre, mais pèse indûment sur les seuls sucres européens, doit être supprimée.

Enfin, la possibilité permettant d'abaisser, par un accord interprofessionnel, de 10 % au maximum le prix institutionnel de la betterave doit, elle aussi, être supprimée. Non seulement elle vide de son sens la notion même de prix minimum, mais encore, elle introduit une logique de compétition entre les planteurs et les industriels, qui risque, au final, une fois éliminés les acteurs n'ayant pu survivre à la nouvelle donne, d'aboutir à une cartellisation du marché, en vue de tirer les prix vers le haut.

4) Conserver des souplesses internes et externes

En ce qui concerne les souplesses internes, l'attribution, au plus tard le 31 juillet 2006, du contingent supplémentaire de sucre C doit être respectée pour deux raisons impératives : ne pas pénaliser le potentiel des producteurs les plus compétitifs et garantir le respect des droits de livraison conclus entre planteurs et fabricants.

S'agissant des souplesses externes, l'Europe doit conserver, jusqu'à ce que toutes les formes de subventions aux exportations soient éliminées, conformément au futur accord agricole, la possibilité d'exporter, avec ou sans restitutions, du sucre de quota ou du sucre hors quota, dès lors que ces exportations se situent en dessous des limites quantitatives ou budgétaires actuellement fixées à l'OMC.

A cette première flexibilité doit s'ajouter une deuxième, qui tienne compte des conclusions du panel de l'OMC : le droit de vendre, sur le marché mondial, du sucre européen, sans restitutions, si le cours mondial du sucre est supérieur aux prix communautaires. Il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école : lors de ces dernières semaines, le cours mondial a atteint 320 euros la tonne, à comparer avec un prix institutionnel du sucre qui devra baisser à 380 euros la tonne. De plus, outre le fait que des variations monétaires importantes pourraient replacer nos producteurs en situation d'exporter, entre 2005 et 2014, la consommation mondiale de sucre, selon l'OCDE et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), devrait, comme lors de la période précédente, encore progresser de 2 % par an. Enfin, compte tenu de la situation du marché de l'énergie, il convient de ne pas écarter a priori l'hypothèse d'un scénario d'augmentation massive et généralisée de la demande d'éthanol, ce qui pourrait tirer les cours mondiaux à la hausse. Cette flexibilité devrait donc figurer dans le futur règlement.

B. Protéger l'Europe et les pays pauvres d'un marché mondial déloyal

1) Obtenir des sauvegardes automatiques contre les importations de sucre trafiqué et les opérations spéculatives

La protection aux frontières du prix communautaire du sucre est le problème central de la réforme : sans cette assurance, l'OCM sucre risque de ne jamais trouver son équilibre.

C'est pourquoi deux clauses de sauvegarde doivent être introduites dans le nouveau règlement sucre.

En effet, il faut, dès le début de la réforme, donner un signal clair aux planteurs européens et aux producteurs des PMA, qui ont tous deux besoin de prix communautaires stables.

Ainsi protégée, l'OCM sera assise sur des fondements durables, qui lui permettront de garantir l'achat des quantités livrées à un prix qui, d'une part, constitue la contrepartie des normes sanitaires, sociales et environnementales élevées encadrant l'agriculture européenne et, d'autre part, un outil de développement pour les pays pauvres producteurs de sucre.

Comme l'a déclaré au rapporteur l'ambassadeur du Malawi, il est dans l'intérêt des partenaires de l'Europe que son marché ne s'écroule pas sous les coups de boutoir du sucre brésilien « entré » frauduleusement.

En outre, les deux clauses doivent être automatiques, afin d'éviter que des appréciations politiques n'interfèrent avec la priorité que constitue la protection des prix communautaires.

L'une serait déclenchée en même temps le stockage privé, qui, dans le projet de réforme, est mis en œuvre par la Commission dès que le prix de marché tombe en dessous du prix de référence. C'est obliger ainsi la Commission à agir au moment même où elle reconnaît qu'il y a un déséquilibre sur le marché. Cette mesure de protection s'appliquerait à l'ensemble des importations de sucre.

L'autre clause de sauvegarde viserait spécifiquement le sucre provenant des PMA, et serait déclenchée dès lors qu'il est constaté que ces pays exportent, vers le marché communautaire, des quantités de sucre supérieures à leur production. Les données figurant sur le logiciel précité de l'OLAF pourraient servir de « base statistique » au déclenchement de ce mécanisme.

2) Modifier les règles d'origine

Parallèlement, la réforme des règles d'origine étant annoncée depuis mars 2005, le nouveau règlement en la matière devra explicitement prévoir que le raffinage, par un pays bénéficiant d'un régime préférentiel, du sucre importé d'un pays non couvert par ce régime ne suffit pas à conférer l'origine.

Le règle actuelle, qui découle de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, doit être renversée : il est temps de modifier le droit communautaire de telle façon qu'il n'encourage pas certains pays à « transformer » leur industrie sucrière en simple raffinerie installée dans un port.

3) Engager une double démarche auprès des pays ACP et des PMA

a) Conclure des protocoles sur la "police" des exportations

Afin de limiter l'attrait, chez nos partenaires, des opérations commerciales violant les règles d'origine, le Fonds européen de développement, l'aide aux PMA et l'enveloppe destinée à diversifier l'économie des pays ACP du Protocole sucre doivent être mis à contribution pour renforcer la capacité administrative, policière, judiciaire et douanière de ces pays.

Les interlocuteurs du rapporteur à la Commission ont indiqué que la politique de coopération au développement de l'Union peut constituer un moyen utile pour faire prendre conscience à ces pays qu'ils ont tout intérêt à lutter contre des comportements de type spéculatif, qui ne rapportent rien à leur économie nationale. Dans cette perspective, ces pays pourraient être encouragés à communiquer leurs statistiques sur leur bilan d'approvisionnement en sucre.

Les améliorations juridico-administratives permettant de se prémunir contre les opérations illicites pourraient être formalisées dans des protocoles, qui seraient, par ailleurs, appuyés sur un programme d'aide et de formation, géré par l'Europe. Ce dernier pourrait être suspendu en cas de problèmes frauduleux graves et persistants.

b) Renforcer la sécurité alimentaire

Le fonds destiné à accompagner les pays ACP dans leurs efforts de diversification économique doit être utilisé dans l'intérêt des populations.

Comme l'a souligné l'ambassadeur du Malawi lors de son entretien avec le rapporteur, l'Europe et ses partenaires doivent poursuivre une double priorité :

- d'une part, s'assurer que les populations s'approprient, dans le cadre d'une démarche contractuelle associant planteurs, ouvriers, industriels et pouvoirs publics, la politique d'accompagnement qui sera mise en place par l'Europe ;

- d'autre part, faire en sorte que l'aide ne reste pas aux mains des entreprises, mais serve à renforcer la sécurité alimentaire du pays. L'argent ainsi redistribué doit financer le développement d'une agriculture vivrière, qui nourrisse les familles, comme la culture des céréales par exemple.

Quant au montant de l'enveloppe pour l'aide aux ACP, celui-ci devrait, au minimum, s'élever à 300 millions d'euros.

4) Placer l'Europe en position de force à l'OMC

a) S'affranchir du piège tendu par le Brésil

L'Europe doit éviter que son régime sucrier ne subisse, à l'OMC, une déconvenue tarifaire, à laquelle pousse le Brésil, et qui serait redoutable pour le maintien, ultérieur, de l'équilibre de son marché.

De quoi s'agit-il ?

L'Europe doit, à tout prix, se garder de la stratégie consistant à classer le sucre dans la liste de ses produits agricoles sensibles. Ceux-ci devraient bénéficier, aux termes de l'accord-cadre de Genève adopté le 1er août 2004, d'une réduction des droits de douane moins forte que celle prévue pour tous les autres produits. A première vue, on pourrait croire qu'au contraire, l'Europe aurait tout intérêt à placer son sucre dans la liste des produits soumis à un traitement tarifaire spécial. Or il n'en est rien : la contrepartie d'un tel traitement serait l'augmentation des contingents tarifaires, c'est-à-dire, pour le sucre, l'institution de quotas d'importations en faveur de pays autres que les PMA. Un « glissement » du sucre dans cette position tarifaire aurait donc pour effet final d'accorder à celui produit au Brésil un quota important, dont on peut penser qu'il aurait des conséquences immédiates sur la production et les prix communautaires.

Ainsi, en faisant classer le sucre comme un produit sensible, l'Europe se priverait de cette flexibilité pour d'autres produits agricoles qui, eux, en raison d'une préférence communautaire déjà faible, doivent, avant toute autre considération, bénéficier d'une réduction tarifaire moins importante, comme le beurre, les produits laitiers et les volailles.

En évitant que le sucre ne tombe dans ce « panneau » tarifaire, l'Europe pourra donc se dégager des marges de manœuvre pour d'autres OCM, et améliorer ainsi sa position globale de négociation.

b) Négocier la mise en œuvre du panel sucre

Comme on l'a vu, l'Organe de règlement des différends de l'OMC a considéré que la réexportation, avec restitutions, de l'équivalent du sucre ACP devait être comptabilisée dans les engagements de réduction des exportations subventionnées contractées par l'Europe à Marrakech.

Or ces réexportations résultent, elles aussi, d'un engagement pris auprès des ACP. L'Europe doit préserver celui-ci, en demandant une exemption au sein de l'OMC, comme les règles de l'Organisation le prévoient, pour qu'elle soit autorisée à corriger son plafond d'exportations avec restitutions.

Cette correction viserait à inclure l'équivalent sucre ACP dans le calcul des engagements de réduction des exportations avec restitutions. L'Union demanderait, ainsi, d'inclure 1,6 million de tonnes supplémentaires de sucre dans la quantité de référence négociée lors du Cycle d'Uruguay.

Son obtention serait liée à une attitude coopérative de l'Europe à Hong Kong, en ce qui concerne toute avancée sur la suppression, à terme, des subventions aux exportations. En effet, l'Europe a déjà donné beaucoup de gages de sa bonne volonté à l'OMC, notamment en réformant, en 2003, avec le découplage, la PAC, et en acceptant que ses restitutions soient, un jour, éliminées.

Il est donc temps d'affirmer qu'elle n'acceptera de bouger encore sur les restitutions que si elle obtient satisfaction sur la correction de son plafond d'exportations et l'élimination, par les Etats-Unis et des pays de l'Océanie, de leurs pratiques déloyales en matière de crédits à l'exportation et de sociétés commerciales d'Etat.

CONCLUSION

La construction d'une OCM sucre viable jusqu'à la campagne 2014/2015 constitue un défi exigeant. Jamais dossier agricole n'aura comporté, depuis que le sort de la PAC se joue à l'OMC, autant d'enjeux multilatéraux et industriels.

C'est pourquoi l'Europe doit négocier la réforme proposée, en gardant à l'esprit une certitude : ne rien faire, c'est laisser s'étouffer, bientôt, notre production de sucre ; c'est donner, en conséquence, à un seul émergent, le Brésil, le pouvoir de fixer, seul, le prix mondial et c'est fermer une porte de développement économique au nez de pays avec lesquels l'Europe entretien une coopération Nord/Sud exemplaire, sans équivalent dans le monde.

Une fois encore, l'Europe est mise en demeure, pour réformer un aspect important de sa politique agricole, de choisir entre vraie et fausse régulation, entre une OCM structurée sur le plan interne et externe ou une OCM doublement affaiblie.

Elle doit le faire en respectant ce qui fait la grandeur de son modèle agricole : ce dernier permet de faire vivre ensemble, sur un vaste espace, tous les types d'exploitations, en reconnaissant la place qu'occupe, dans notre civilisation, l'agriculture.

Si elle réussit sa réforme, grâce à un bon dosage entre compétitivité et solidarité, elle pourra alors défendre, sans complexe, ses valeurs agricoles à l'OMC.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1. Audition de Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne à l'agriculture, sur le cadre budgétaire et les évolutions de la politique agricole commune, mercredi 29 juin 2005

Le Président Pierre Lequiller a souligné combien la venue, devant la Délégation, de la commissaire européenne à l'agriculture est importante, à l'heure où, après l'échec du Conseil européen de Bruxelles, la politique agricole commune (PAC) est au cœur de la crise que traverse actuellement l'Europe.

Derrière le « gel » du processus de ratification du projet de traité constitutionnel et l'incapacité à trouver un compromis sur les perspectives financières, se profile, en effet, une véritable « crise d'identité » de la construction européenne. Il est donc tout à la fois naturel et symbolique que la politique qui a cimenté, depuis 1960, l'Union se trouve placée au cœur des débats.

Le Président Pierre Lequiller a demandé à la commissaire si, malgré l'attitude de certains Etats membres, l'Europe pourra parvenir à un accord sur les perspectives financières qui respecte intégralement l'engagement du Conseil européen d'octobre 2002 de « sanctuariser » les aides de la PAC jusqu'en 2013.

Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne à l'agriculture, a remercié le Président Pierre Lequiller de son invitation, qui lui permet de s'exprimer sur certains sujets agricoles « brûlants », comme le cadre financier de la PAC, les réformes en cours et le développement rural.

La commissaire européenne a toutefois souhaité, en préalable, évoquer le projet de traité constitutionnel. A ce sujet, elle a émis le vœu que la France puisse mettre à profit la période de réflexion décidée par le dernier Conseil européen. Puis elle a considéré qu'il serait regrettable que le « non » français conduise notre pays à perdre son rôle de moteur de la construction européenne. En effet, l'Union européenne a besoin de la France, tout comme la France a besoin de l'Union européenne.

La commissaire européenne a alors abordé le premier point de son exposé, le cadre financier de la PAC pour les années 2007-2013.

Après les discussions difficiles du Conseil européen de Bruxelles, les différentes institutions européennes « reprennent leur souffle ». Cependant, la commissaire européenne a jugé regrettable l'absence d'accord sur le paquet financier pour la période 2007-2013 : les agriculteurs ont besoin d'un cadre financier stable pour une mise en œuvre sereine de la réforme de 2003 et de la nouvelle politique de développement rural.

Le compromis de 370 milliards d'euros proposé par la présidence luxembourgeoise pour les dépenses de développement rural et celles du premier pilier aurait donc été acceptable. Certes, ce compromis aurait signifié, pour la Commission, une révision à la baisse de certaines de ses ambitions concernant d'autres politiques, notamment la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne. Mais il reste que ce « paquet » aurait permis d'étoffer la politique de développement rural, en la dotant d'une enveloppe conséquente, et d'écarter les menaces de cofinancement ayant pesé sur les aides du premier pilier.

Sur ce dernier point, la commissaire européenne a marqué son opposition à toute tentative, ouverte ou rampante, de cofinancement, avant de souligner combien l'Europe doit s'attacher à trouver, le plus rapidement possible, un bon compromis sur le budget pluriannuel de l'Union.

Par ailleurs, la commissaire européenne a souligné combien la mise en œuvre de la PAC dans les nouveaux Etats membres, ainsi que celle des réformes décidées ou prévues en 2003 et 2004, rendent absolument indispensable un accord sur un cadre financier stable. D'autre part, elle a mis en avant le fait que l'application de la nouvelle politique de développement rural sera gelée tant que son enveloppe budgétaire restera inconnue. Or plus l'Europe tardera à élaborer un bon compromis budgétaire, moins les Etats membres disposeront de temps pour soumettre à la Commission leurs programmes de développement rural.

Ne voulant pas rendre le contexte des prochaines discussions alarmant, la commissaire européenne a estimé qu'il n'y avait aucune raison que l'Europe ne parvienne pas à négocier un compromis satisfaisant sur les perspectives financières, pour autant que cette discussion essentielle ne soit pas noyée dans d'autres débats. S'il est légitime que l'Europe débatte de ses priorités pour l'avenir, cette réflexion ne doit pas l'écarter de l'objectif essentiel qu'est la conclusion d'un accord budgétaire.

La commissaire européenne a alors souligné que la PAC avait changé de nature avec la réforme de 2003. Pour la plupart des secteurs, cette politique aide désormais les agriculteurs, et non plus la production.

En outre, la part, dans le budget global, de l'effort financier consacré aux dépenses du premier pilier ira en diminuant. Cette évolution inéluctable est une conséquence directe de l'accord de Bruxelles d'octobre sur le plafonnement des aides directes.

Contrairement à ce qu'affirment certains détracteurs de la PAC, la part consacrée à l'agriculture, représentant aujourd'hui 40 % du total, tomberait à 33 % d'ici 2013 si les propositions de la présidence luxembourgeoise étaient mises en œuvre.

Par ailleurs, les aides directes qui représentaient 0,65 % du PIB en 1988 vont, elles aussi, baisser pour atteindre 0,33 % en 2013. L'Europe diminuera donc de moitié les crédits qu'elle consacre à l'agriculture.

La commissaire européenne a fait part de la volonté de la Commission de travailler sur cette question avec l'Etat membre qui assurera la prochaine présidence de l'Union à compter du 1er juillet 2005. Dans cette perspective, elle compte rappeler à tous les Etats membres que l'accord de Bruxelles de 2002 plafonnant les paiement directs entraîne, de fait, un déclin de ces aides dans les anciens Etats membres. Ceux qui décrient cet accord doivent ainsi se souvenir que, grâce au mécanisme de la discipline financière, les paiements directs seront automatiquement diminués à partir de 2007.

De plus, le Conseil européen ayant convenu de réévaluer la situation en 2008, la commissaire européenne a jugé qu'il était « difficile » de comprendre la crispation actuelle sur le budget de la PAC. Elle a en outre salué le geste, qu'elle a qualifié « d'encourageant », des dix nouveaux Etats membres consistant à renoncer à une partie des financements auxquels ils avaient droit. La commissaire européenne a estimé qu'à cette occasion, ils ont donné une véritable « leçon » aux anciens Etats membres.

Puis elle a rappelé que, le mois dernier, le Conseil des ministres de l'agriculture est parvenu à un accord sur les nouvelles règles juridiques du financement de la PAC et du développement rural. C'est ainsi qu'un fonds unique pour le développement rural est prévu par le nouveau règlement, ce qui souligne à quel point la Commission continue de travailler dans la « salle des machines malgré l'agitation régnant sur le pont ».

La commissaire européenne a d'ailleurs indiqué que le mouvement général de réforme de la PAC commencé depuis plusieurs années va se poursuivre, notamment dans le domaine du sucre.

Abordant le deuxième point de son exposé, la commissaire européenne a évoqué les grandes lignes de la réforme de l'organisation commune du marché du sucre.

Elle a tout d'abord souligné que ce secteur ne peut plus rester à l'écart du vent de réformes ayant soufflé sur la PAC. La situation est à terme intenable : le prix du sucre européen est, en effet, trois fois plus élevé que celui constaté sur les autres grands marchés.

Il existe donc plusieurs raisons impérieuses pour réformer la politique sucrière de l'Union.

Premièrement, la PAC doit constituer un ensemble cohérent, ce qu'elle n'est plus aujourd'hui. Depuis 2003, la PAC aide les agriculteurs et non la production. Les paiements découplés introduits pour les grandes cultures et l'élevage constituent un filet de sécurité pour les agriculteurs, qui laissent à ces derniers la liberté de produire ce qu'ils souhaitent, tout en leur incitant à respecter des normes environnementales et de bien-être animal.

Le secteur du sucre brille par sa différence : il n'a pratiquement pas été réformé depuis sa création, en 1968. Reposant sur une garantie de prix interne, l'OCM sucre risque, dans ce nouveau contexte, de créer des distorsions de concurrence à l'égard des autres secteurs de production.

Deuxièmement, le contexte commercial international contraint l'Europe à réformer sa politique sucrière.

D'abord, l'Union a perdu la bataille qu'elle a menée à l'OMC, ce qui a pour conséquence de l'obliger à réduire sa production de 4,6 millions de tonnes.

Ensuite, l'Europe s'est engagée à importer, sans quotas ni droits de douane, à partir de 2009, le sucre produit par les pays les moins avancés (PMA).

Par conséquent, si le régime de soutien continuait d'opérer sans être réformé, les conditions de production deviendraient rapidement insoutenables : l'Europe devrait alors réduire, dans les pires conditions imaginables, tous les quotas de productions, y compris ceux des pays les plus compétitifs, comme la France.

La commissaire européenne a déclaré que la Commission ne souhaite pas léser les intérêts des agriculteurs et des producteurs européens. C'est pourquoi la proposition de réforme de l'OCM sucre prévoit de baisser le prix du sucre de 39 %, en compensant partiellement les effets de cette diminution sur le revenu des producteurs.

La baisse de prix proposée permettra ainsi de respecter les engagements à l'OMC.

En outre, le prix d'intervention sera transformé en prix de référence, par l'élimination des mécanismes publics d'achat. Ces derniers seront remplacés par un régime de stockage privé, qui se déclenchera quand le prix du marché européen sera inférieur au prix de référence.

En contrepartie de la baisse de prix, la perte de revenu des agriculteurs sera compensée à hauteur de 60 %, par une aide versée dans le cadre du droit à paiement unique.

La Commission propose également d'inciter les industries sucrières à se restructurer, lorsqu'elles opèrent dans les régions où la production ne sera plus viable. A cet effet, une aide de 730 euros par tonne sera mise en place, la première année, pour permettre au secteur industriel de se réorganiser. En complément du fonds de restructuration, la Commission prévoit d'attribuer un quota de production supplémentaire d'un million de tonnes, à répartir entre les Etats membres, afin de rendre l'effort de restructuration de la production plus attractif.

La réforme comprend par ailleurs un important volet externe : le commissaire européen en charge du développement, M. Louis Michel, propose ainsi d'aider les pays ACP producteurs de sucre affectés par la réforme de l'OCM à surmonter leurs difficultés économiques. Ces pays recevront donc des crédits, soit pour rendre plus efficaces leurs industries, soit pour financer leur reconversion dans des conditions économiques et sociales satisfaisantes.

Enfin, la Commission a pris soin de proposer des mesures favorables aux régions ultra-périphériques, qui concerneront ainsi les départements d'outre-mer français.

La commissaire européenne a déclaré connaître les critiques suscitées par la proposition, avant d'insister sur son caractère réaliste. Par exemple, si le prix du sucre n'était baissé que de 25 %, le futur contexte budgétaire ne permettrait pas à la Commission de compenser d'une manière aussi satisfaisante que celle actuellement proposée la chute de revenu des producteurs. Elle ne pourrait le faire que dans une moindre mesure, ce qui, compte tenu du contexte international créé par l'OMC et de l'initiative en faveur des PMA, placerait les agriculteurs dans une situation très difficile. Dans une telle hypothèse, la Commission ne disposerait plus d'un seul euro supplémentaire pour financer, par la suite, les compensations qu'imposerait la situation des agriculteurs.

En conclusion, la commissaire européenne a souligné combien cette réforme est utile pour les agriculteurs et les industriels européens, avant de se déclarer prête à répondre aux questions des intervenants.

Le Président Pierre Lequiller a remercié Mme Mariann Fischer Boel de la clarté de son exposé. Il a en particulier salué la fermeté manifestée par la commissaire européenne sur le respect de l'accord d'octobre 2002 garantissant le financement de la PAC, et de la nécessité d'aboutir rapidement à un accord sur les perspectives financières 2007-2013.

Le rapporteur a évoqué la réforme de la filière sucre. Il a souligné que la proposition initiale faite en 2004, dans le cadre d'une communication, était préoccupante et que la nouvelle proposition de la Commission présentait en revanche un certain intérêt. Il faut une réforme forte pour permettre une véritable restructuration de la filière sucre, permettant aux agriculteurs les plus performants de poursuivre leur activité. La productivité des exploitations françaises s'établit en moyenne à douze tonnes l'hectare, ce qui est cinq à six fois supérieur à la productivité constatée dans certains autres Etats membres. Mais la baisse des prix garantis va entraîner une baisse des volumes produits, et par conséquent une baisse des revenus qui ne sera qu'insuffisamment compensée, soit à hauteur de 60 %, par l'aide actuellement prévue par la proposition de la Commission.

D'autre part, la production européenne de sucre correspond actuellement à une autosuffisance de 125 %, qui devrait passer à 95 % après la réforme. Toutefois, cette réduction de production ne servirait à rien si les contrôles sur l'origine du sucre importé n'étaient pas renforcés. A cet égard, les accords conclu avec les PMA ne doivent pas être remis en cause, mais il est inacceptable que des importations de sucre transitent par des PMA, pour pouvoir bénéficier de leur régime préférentiel d'exportation vers l'Union, alors qu'elles sont originaires d'autres pays. Ce risque de commerce triangulaire ou « SWAP » est réel, comme l'a montré l'exemple du sucre importé des Balkans. L'Europe a été obligée en effet de rétablir, pour ces importations de sucre, les quotas. Par ailleurs, la réduction des exportations de sucre induite par les résultats du panel de l'OMC correspond à environ 4 millions de tonnes de sucre exporté et non pas à 1,2 million de tonnes, comme prévu par la proposition de la Commission. Enfin, la condamnation par l'OMC des soutiens européens à l'exportation dans le secteur du sucre doit inciter l'Europe à négocier globalement, en intégrant cette question dans le cadre des négociations agricoles du cycle de Doha, comme l'ont fait les Etats-Unis après leur condamnation par l'OMC à propos du coton. L'Europe doit s'affirmer comme un acteur politique majeur sur la scène internationale et ne pas se contenter d'appliquer, à un secteur très particulier, les principes de l'économie de marché.

M. François Sauvadet a jugé que ce dialogue avec la Commission était particulièrement utile dans le contexte actuel, après l'échec du référendum et des discussions sur les perspectives financières. Il a plaidé pour que l'évaluation de la politique agricole ne porte pas seulement sur les moyens budgétaires mis en œuvre, mais aussi sur les objectifs de fond de cette politique, à la suite notamment des réformes intervenues ces dernières années. Le modèle agricole européen doit affirmer sa spécificité, en particulier vis-à-vis du modèle américain. L'évaluation doit porter sur les grandes productions, notamment sur la viande bovine, les céréales, les protéines et le soja. La baisse des prix observée et l'augmentation des importations dans certains secteurs sont préoccupantes. On ne peut exclure l'éventualité d'un futur « choc alimentaire » en Europe et il convient de réfléchir - en ce qui concerne le domaine agricole - à la place de l'Europe dans le monde. S'agissant du sucre, la baisse prévue de la production en Europe comporte des contraintes importantes, alors même que les Etats-Unis ont décidé d'augmenter leurs aides agricoles et de maintenir leur système de quotas de production.

Il a interrogé la commissaire européenne sur trois points particuliers :

- souhaite-t-on toujours assurer l'autosuffisance alimentaire de l'Europe ?

- veut-on préserver une agriculture européenne diversifiée et de qualité, largement présente sur le territoire et exportatrice ?

- quelle politique prévoit-on de mettre en œuvre en matière de sécurité alimentaire et de préservation de l'environnement ? Quelles mesures envisage-t-on en particulier, du point de vue de la sécurité alimentaire, en ce qui concerne les conditions d'accès au marché européen de productions de pays tiers ?

En réponse aux intervenants, Mme Mariann Fischer Boel a apporté les précisions suivantes :

- la précédente proposition de la Commission avait été difficilement accueillie par le Conseil. A la suite de ce rejet, et compte tenu de l'expiration du régime actuel de la filière, prévue en juillet 2006, la commissaire européenne s'est efforcée de consulter l'ensemble des parties prenantes pour aboutir à une nouvelle proposition. La nécessité d'une restructuration du secteur est apparue clairement. Par ailleurs, la décision de l'OMC implique une réduction de la production de sucre au sein de l'Union. En l'absence d'une telle réduction, le marché européen risquerait d'être envahi par les importations de pays tiers ;

- le secteur du sucre en Europe a bénéficié de bonnes conditions climatiques et la productivité de la production française est élevée. La commissaire européenne a rappelé que son mari était lui-même producteur de sucre et que celui-ci, en l'absence de réforme de la filière, aurait été amené à cesser son exploitation dans ce secteur ;

- le niveau de 60 % de compensation de la perte de revenus, prévu par la réforme, est dans la ligne de ce qui a été fait antérieurement pour d'autres secteurs (58 % pour le lait, 50 % pour les céréales) ;

- la réduction de la production de sucre laisse les exploitants libres de s'engager dans d'autres productions. Par exemple, l'augmentation du prix du pétrole renforce actuellement l'intérêt de la filière bioéthanol ;

- la proposition faite par les pays ACP d'établir des contingents fixes d'exportation de sucre vers l'Union fait en outre référence à des niveaux de prix du sucre « rémunérateurs », ce qui exclut une baisse de ce dernier de plus de 20 %. Cependant, le risque d'un système de contingentement est, dans tous les cas, de devoir en sortir à un moment ou à un autre, les pays exportateurs se retrouvant alors dans une situation pire qu'au départ ;

- la baisse des prix du sucre rendra le transit par les PMA moins intéressant pour les producteurs de pays tiers. En tout état de cause, la surveillance de l'origine des importations sera renforcée. L'OLAF doit s'investir dans cette surveillance accrue ;

- la réforme sucrière proposée est décente et il convient de se féliciter de ce que ses termes puissent faire l'objet d'un accord de la France ;

- en ce qui concerne l'application de la PAC réformée de 2003, il est prématuré de se prononcer, à ce stade. Il convient d'aider les Etats membres à en mettre les mécanismes en place de la manière la plus souple possible. Mais il faut souhaiter autant de découplage que possible au niveau européen, de manière à donner à tous les agriculteurs la faculté d'opter pour les productions de leur choix. En tout état de cause, la décision de procéder ou non au découplage relève de chacun des Etats membres. Il appartient à la France de prévoir les mécanismes qu'elle souhaite instaurer pour le secteur bovin. D'ailleurs, il y a lieu de noter qu'elle a déjà décidé de procéder à un découplage, de 25 %, pour la production céréalière ;

- s'il faut définir un modèle, l'avenir de l'agriculture européenne repose sur la recherche de la qualité, compte tenu du fait qu'il est difficile de penser qu'elle puisse, face aux pays très compétitifs, rester concurrentielle sur les grandes productions. Il faudra donc tirer parti de la valeur ajoutée et développer la transformation des produits, lesquels devront être aussi élaborés que possible ;

- en ce qui concerne les négociations dans le cadre de l'OMC, l'Europe, de même que les autres grandes économies, va devoir ouvrir son marché. S'il leur est possible d'exporter des produits d'une qualité élevée et offrant d'importantes garanties en matière de sécurité alimentaire, aux autres régions du monde, d'immenses opportunités s'offrent aux agriculteurs européens. Ainsi la Chine devient-elle peu à peu un marché important, grâce au nombre croissant de ses consommateurs à hauts revenus demandeurs de produits européens ;

- l'Europe est importatrice nette de viande bovine. Celle-ci, de bonne qualité, provient d'Amérique latine et notamment d'Argentine. A l'avenir, l'Union ne sera pas autosuffisante dans ce secteur. Elle ne doit d'ailleurs pas viser l'autosuffisance pour toutes les productions agricoles. En effet, si l'ensemble des grandes régions était autosuffisant, il n'y aurait pas d'échanges internationaux ;

- le prix des céréales en Europe est, cette année, peu élevé. C'est en partie lié à l'évolution du taux de change entre l'euro et le dollar, ainsi qu'au niveau élevé des dernières récoltes. D'une manière générale, l'activité agricole est un défi permanent où les risques sont constamment présents, notamment la sécheresse comme actuellement dans le Sud de l'Europe. De même, le niveau trop élevé des récoltes peut poser problème ;

- lors des réunions de l'OMC, les préoccupations dites « non commerciales », la sécurité alimentaire, le bien-être animal et les normes environnementales, font l'objet de discussions permanentes. L'Europe insiste beaucoup pour qu'elles soient prises en compte ;

- l'avenir de l'agriculture européenne permet d'envisager des structures diversifiées avec la coexistence de grandes exploitations et d'exploitations familiales, ces dernières étant maintenues grâce à la politique de développement rural. Les exploitations familiales, qui peuvent faire de la vente directe, bénéficient par ailleurs d'une certaine notoriété auprès des consommateurs, lesquels sont prêts à acquitter un prix plus élevé pour des produits dont ils connaissent l'histoire.

M. Daniel Garrigue s'est félicité de le volonté de la commissaire de respecter l'accord de Bruxelles d'octobre 2002. Il est d'ailleurs important de souligner auprès des agriculteurs français que peu de secteurs bénéficient de telles garanties économiques à un horizon aussi éloigné.

Il a ensuite souhaité savoir si les dépenses agricoles résultant de la future entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union s'imputeraient sur l'enveloppe prévue lors de la conclusion de l'accord précité.

Evoquant ensuite la conditionnalité des aides qui impose aux agriculteurs de respecter certaines normes et de subir certains contrôles en contrepartie de la garantie de leurs ressources, il a noté que beaucoup d'exploitants âgés comprenaient mal les enjeux de ces normes. Celles-ci leur imposent d'engager des investissements très importants, alors qu'ils envisagent, à brève échéance, de cesser leur activité. Ne peut-on pas prévoir des assouplissements leur permettant d'éviter de telles contraintes ?

Rappelant ensuite que la commissaire avait indiqué que la force de l'agriculture européenne devait à l'avenir reposer sur le niveau élevé de la qualité de ses produits, M. Daniel Garrigue a estimé que ce secteur pouvait également avoir pour objectif de répondre aux besoins d'un marché intérieur considérable, lequel compte actuellement 450 millions de consommateurs environ.

M. Charles de Courson s'est félicité de la présence de la commissaire à l'Assemblée nationale, ce qui permet de mieux faire connaître l'Europe et d'éviter certaines critiques. Il a suggéré que cet exemple soit étendu aux autres Etats membres.

Il a ensuite relevé que l'absence de lien entre le foncier et les droits à paiement unique (DPU) perturbait actuellement le marché des terres agricoles. Il a demandé les raisons pour lesquelles l'Union n'avait pas fixé de critère de répartition des DPU entre l'exploitant et les acquéreurs. La France a tenté d'établir un tel lien mais, dans l'incertitude, de nombreuses successions et de nombreux transferts ne peuvent actuellement être réglés.

En ce qui concerne la réforme sucrière, M. Charles de Courson a émis l'hypothèse d'un lissage de la compensation de manière que le seuil de 60 % ne soit atteint qu'après un certain délai, puis a souhaité savoir si les négociations en cours dans le cadre de l'OMC permettraient de maintenir un droit de douane de l'ordre de 200 euros, lequel correspondrait à la différence entre le cours du sucre dans l'Union et celui du sucre de canne. Dans la négative, la stratégie prévue ne pourrait être maintenue.

Il s'est ensuite interrogé sur la nature des contrôles que l'Union pourrait prévoir pour éviter les importations indirectes, notamment celles en provenance du Brésil. La solution pourrait consister en un quota annuel, égal pour chaque Etat concerné à la différence entre sa production et sa consommation intérieure. En effet, il est actuellement impossible de contrôler la provenance du sucre.

Concluant son intervention, il a estimé que le développement des biocarburants et notamment du bioéthanol devait être promu. Qu'en est-il des possibilités de créer des DPU pour les terres à vocation énergétique et de renforcer les normes sur l'oxygénation des essences ?

En réponse, la commissaire européenne a apporté les précisions suivantes :

- concernant les paiements directs, la commissaire a indiqué qu'ils seraient réduits afin de répondre aux exigences financières. Cette baisse sera de 7 à 8 % pour les Quinze à l'horizon 2013 ;

- s'agissant du respect des normes, les exigences ont pris effet le 1er janvier 2005, le dernier Conseil Agriculture a décidé de donner la priorité aux jeunes agriculteurs. Ils disposent de trois ans pour remplir leurs obligations, mais doivent élaborer un plan d'action s'ils veulent bénéficier des 25 000 euros d'aide au démarrage. Cette décision du Conseil a été acceptée par tous les Etats membres. La commissaire a indiqué qu'elle avait rencontré des représentants des jeunes agriculteurs au cours de réunions informelles à Bruxelles et qu'elle trouvait très positif leur esprit d'entreprise et leur volonté de relever les défis. Pour les agriculteurs âgés, une période de trois ans est prévue par la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Cette réforme ne crée aucune nouvelle obligation, mais introduit un mécanisme de sanction, sous forme d'un versement de 5 % des paiements directs, si les obligations ne sont pas respectées ;

- le marché unique crée des opportunités, accentuées par les élargissements passés et à venir. Il est fondamental d'établir un dialogue entre la Commission et les agriculteurs dans les Etats membres ;

- s'agissant du paiement unique, l'idée de la réforme de la PAC était de découpler les aides de la production, celles-ci pouvant ensuite faire l'objet de transferts, avec ou sans terre. Certains Etats membres auront des difficultés à appliquer le nouveau système. Il faut espérer qu'ils pourront les régler, notamment grâce à la réserve nationale, qui sera abondée par les droits à paiement unique non utilisés ;

- pour la compensation proposée par la Commission dans le cadre de la réforme de l'OCM sucre, le taux de 60 % est le maximum acceptable au plan budgétaire. Il appartient maintenant aux Etats membres de se prononcer au sein du Conseil ;

- il est nécessaire d'élaborer des règles sur le pays d'origine pour les importations. Si certaines entrent illégalement, la Commission informera l'Office de lutte antifraude.

M. Louis-Joseph Manscour a souligné que les agriculteurs d'outre-mer avaient encore plus de raisons d'être inquiets que ceux de métropole. L'outre-mer souffre de nombreux handicaps, comme l'éloignement et les conditions climatiques. L'Union européenne lui a beaucoup apporté. Le vote de l'outre-mer à 69 % pour le oui au référendum sur la ratification du traité constitutionnel européen illustre la confiance des citoyens dans l'Europe. Cependant, on peut craindre que cette confiance ne soit altérée. Le sucre européen est trois fois plus cher que le sucre extra-européen. Les mesures de compensation risquent de ne pas être suffisantes. Des difficultés existent aussi pour la banane : comment expliquer que les Antilles écoulent difficilement les 400 000 tonnes qu'elles produisent par an alors que l'Union européenne en consomme 4 millions de tonnes ? On peut donc s'interroger sur les raisons pour lesquelles la préférence communautaire pour cette production ne joue pas.

M. Louis-Joseph Manscour a demandé à la commissaire les messages et les garanties qu'elle pouvait apporter face aux inquiétudes des producteurs de bananes, de canne et d'ananas.

M. Philippe-Armand Martin a évoqué la réforme de l'OCM vin. Il a indiqué qu'il avait été le rapporteur de la réforme de 1999 au Parlement européen. Depuis lors, le contexte a changé. La concurrence s'est amplifiée, les récoltes sont supérieures, certains nouveaux Etats membres sont producteurs de vin. La viticulture européenne est en crise, particulièrement la viticulture française. Il est important de réformer l'OCM.

M. Philippe-Armand Martin a interrogé la commissaire sur l'utilisation, depuis 1999, des instruments régulateurs de marché et le respect des normes, ainsi que sur les instruments qui seront prévus par la réforme annoncée. Il a également souhaité savoir si les spécificités de la viticulture européenne seraient respectées, et si la distillation de crise imposée par la Commission en 1999 serait maintenue. Par ailleurs, il a estimé qu'il serait préférable d'investir dans les actions de promotion pour mieux faire connaître les produits européens. Enfin, il a souhaité savoir comment seraient réglementées les plantations et si leur augmentation serait autorisée.

M. Léonce Deprez a déploré la campagne d'inquiétude et même d'intoxication menée dans la presse au sujet de la réforme de la PAC et dont les agriculteurs ont été victimes, alors que la commissaire européenne a rappelé que les aides directes bénéficieront d'une garantie de financement pour la période 2007-2013. Evoquant une réunion de la FNSEA, qui s'est tenue dans sa circonscription, il a estimé que l'absence de communication sur la réforme de la PAC n'avait pas réduit les inquiétudes du monde paysan et l'avait incité à voter non au référendum. Dans ce contexte, il s'est enquis des difficultés rencontrées à faire admettre que les engagements seront respectés.

Abordant la situation des nouveaux Etats membres au regard de la réforme de la PAC, il a fait valoir que ces derniers - plus que la France - avaient besoin d'un engagement stable pour la période 2007-2013, du fait de l'importance du poids économique des paysans et de l'étendue de l'espace rural à aménager. Dans des pays tels que la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, ou encore la Lettonie, l'agriculture devra disposer de cet engagement de longue durée pour procéder aux adaptations nécessaires, afin que ces Etats réussissent leur pleine intégration dans l'Union.

Enfin, il a regretté que la paperasserie et la bureaucratie auxquelles les agriculteurs sont confrontés pour l'obtention de primes ou l'adaptation aux normes soient de nature à favoriser leur découragement. Il a souhaité que la commissaire européenne apporte des clarifications, afin que la réforme de la PAC puisse bénéficier d'une approche plus positive en France.

Le Président Pierre Lequiller, déclarant partager les observations de M. Léonce Deprez, a fait part de son incompréhension devant le vote des paysans sur le référendum, alors que ces derniers reconnaissent le bien-fondé de la politique agricole commune. Il a estimé que cette position qu'il a qualifiée de schizophrène était imputable au sentiment des agriculteurs de devenir des assistés, faute de ne plus pouvoir bénéficier d'incitations à la production. C'est pourquoi, selon lui, la PAC qui aurait pu jouer un rôle positif dans la campagne référendaire n'a pas séduit le monde agricole et, dès le 30 mai 2005, a fait l'objet d'attaques. Il a estimé qu'à cet égard, l'Union européenne n'était pas fautive et qu'un travail de communication devait être effectué au sein des Etats membres, en particulier en France.

En réponse, Mme Mariann Fischer Boel a apporté les précisions suivantes :

- dans les discussions qui ont précédé la présentation de la proposition sur le marché du sucre, la Commission a rencontré les représentants des régions ultrapériphériques. Ces dernières bénéficieront de compensations généreuses. En outre, les producteurs ne paieront aucune cotisation et ne contribueront pas au fonds de restructuration. Dès le départ, ces solutions - qui étaient absentes de la communication de 2004 - ont été retenues, démarche qui devrait être de nature à faciliter l'application de nouvelles mesures ;

- le problème de la banane est délicat, car il faudra trouver un nouveau système de droits de douane à partir du 1er janvier 2006. Par ailleurs, il existe un système de compensation pour la production d'un montant de 200 millions d'euros pour ce qui concerne la zone européenne. Il sera donc nécessaire de procéder à de nouvelles discussions, parallèlement à celles sur les fruits et légumes, à la fin de l'année 2006 ;

- en 1999, une réforme du marché du vin est effectivement intervenue. Les difficultés actuelles résultent du fait que les importations en provenance de l'Australie, d'Afrique du Sud, du Chili, de l'Argentine et de la Californie continuent de s'accroître, alors que, parallèlement, la production au sein de l'Union européenne est considérable et que la consommation diminue. Il sera dès lors nécessaire de présenter une proposition de réforme en 2006, afin d'éviter la distillation continue de quantités considérables de vins de qualité. Dans cette perspective, il conviendra de procéder à une évaluation de l'impact des mesures envisagées. En tout état de cause, l'immobilisme ne serait pas opportun dans ce contexte d'aggravation continue ;

- s'agissant de la situation des nouveaux Etats membres au regard de la réforme de la PAC, il convient de rappeler que ces Etats ne bénéficient pas de paiements directs pour toutes leurs cultures. Ils seront contraints de procéder à une adaptation de leur agriculture puisque, par exemple, en Pologne, la taille moyenne des exploitations est de 2,8 hectares. Un des autres défis de la réforme de la PAC consistera à permettre à ces Etats de maintenir une gestion foncière traditionnelle ;

- en ce qui concerne les procédures bureaucratiques auxquelles sont confrontés les paysans, les difficultés qui en résultent sont liées au fait que l'on se trouve actuellement dans une période de transition. Lorsque la réforme de la PAC sera mise intégralement en œuvre, les choses seront plus simples, surtout en ce qui concerne le découplage des paiements directs. L'agriculture n'est pas le seul secteur dans lequel des critiques sont formulées à l'encontre de la bureaucratie, ce qui a conduit la Commission à mettre en œuvre un programme visant à faciliter les procédures administratives dans de nombreux domaines ;

- il est vrai que le système des paiements directs est susceptible de créer un sentiment d'assistance chez les jeunes agriculteurs. Une phase de transition est nécessaire afin que les agriculteurs puissent mieux relier le système du paiement direct avec la modernisation d'un certain nombre d'exploitations familiales.

2. Réunion du mercredi 19 octobre 2005

La Délégation s'est réunie le mercredi 19 octobre 2005, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

La présentation du rapport a été suivie d'un débat.

M. René-Paul Victoria s'est déclaré préoccupé par la volonté affichée d'une diminution sensible du prix du sucre et a demandé que l'on donne aux producteurs des DOM la garantie que des mesures compensatoires seront effectivement prises. A la Réunion, la filière du sucre concerne en effet 12 000 emplois agricoles, industriels et de service.

Il a souhaité obtenir des informations sur le point 9 de la proposition de résolution, plus particulièrement sur la notion de « recouplage » des paiements en faveur des départements d'outre-mer.

M. Jérôme Lambert a regretté que le processus engagé remette en cause l'équilibre d'un marché européen qui, tant bien que mal, a fait ses preuves. Les compensations offertes ne seront que partielles, et rien ne garantit leur pérennité. Sans nier les réalités liées à un contexte de mondialisation, il aurait souhaité une approche plus globale, estimant qu'une négociation produit par produit nous est défavorable. Il doit y avoir d'autres moyens de négocier la mondialisation. La mécanique sans freins qui est à l'œuvre à l'OMC réservera de nombreuses déconvenues, non seulement à l'Europe agricole, mais aussi à d'autres secteurs économiques.

M. Jérôme Lambert a noté que le projet de rapport d'information mentionnait que les premières orientations définies par la Commission en juillet 2004 étaient « à la fois, politiquement inacceptables et économiquement absurdes » et que les dernières propositions, en date du 25 juin 2005, marquaient « un réel progrès » tout en ne faisant pas une place suffisante « à la question, centrale, de la préférence communautaire ». Or, il ne semble pas que cette question soit suffisamment abordée dans la proposition de résolution. D'une façon générale, sans remettre en cause la qualité du rapport d'information, les propositions et recommandations suggérées s'inscrivent trop dans le cadre de la réforme envisagée par la Commission, qui conduira inévitablement à placer nombre d'agriculteurs européens dans une situation difficile. Mais il faut convenir que c'est le problème global de la mondialisation qui devrait être réexaminé et que les vraies questions ne pourront pas trouver de solution en n'abordant que le marché du sucre.

M. Guy Lengagne a évoqué le débat qui a récemment eu lieu au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le rapport présenté par le Britannique M. Flynn relatif à la réforme de la politique agricole commune. Il s'agissait d'une attaque en règle contre la PAC, et particulièrement contre l'OCM sucre qui, en encourageant la production dans les pays européens, pénaliserait sérieusement les pays en développement. M. Guy Lengagne a suggéré qu'un argumentaire synthétique soit préparé pour être en mesure de répondre à ces attaques répétées, qui touchent en réalité l'ensemble de la politique agricole commune.

Il a observé que les capacités de production des PMA pourraient également faire l'objet d'une évaluation frauduleuse. Par ailleurs, il est évident que la proposition de résolution ne peut que constater la nécessité de réformer l'OCM dans les meilleures conditions possibles.

M. André Schneider a également indiqué que la réforme proposée par la Commission le mettait mal à l'aise.

Le Président Pierre Lequiller a estimé qu'il faudrait également faire référence à la notion d'autosuffisance alimentaire européenne.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur, a apporté les éléments de précision ci-dessous :

- une baisse de prix de l'ordre de celle proposée par la Commission, soit 39 %, doit être soutenue, même si le rapporteur du Parlement européen, souhaite la limiter à 25 %. Des contraintes impérieuses de calendrier, les semis commençant à être effectués dans certaines régions du Sud de l'Europe, imposent de donner une visibilité aux producteurs, afin qu'ils soient en mesure, dès 2006, d'adapter ou d'arrêter leur production en conséquence ;

- cette baisse de prix doit impérativement s'accompagner de mesures compensatoires, et à plus forte raison dans les régions ultrapériphériques en raison des coûts d'acheminement liés à l'éloignement géographique. A cet égard, le rapporteur a indiqué avoir plaidé la cause des régions ultrapériphériques auprès de Mme Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne à l'agriculture et au développement rural, et a précisé que le président du syndicat des fabricants de sucre de la Réunion soutenait les principales orientations formulées dans le rapport ;

- les compensations financières sont vitales pour les départements d'outre-mer qui ne disposent pas, à la différence de la métropole, d'une capacité de diversification de leur production. Le projet prévoit de ne pas demander aux régions ultrapériphériques de financer le fonds de restructuration de l'industrie du sucre et qu'il leur sera versé une aide dérogatoire pour l'acheminement de la production. Celle-ci doit toutefois bénéficier d'une enveloppe plus importante, à la hauteur de la dernière exécution budgétaire. Par ailleurs, le « recouplage » des aides dans les DOM, demandé par la proposition de résolution, permettrait de maintenir le niveau actuel de production ;

- s'agissant de la critique accusant l'Union européenne de limiter la production de sucre dans les pays en développement, il ne faut pas oublier que l'exportation de sucre ne concerne en réalité essentiellement que le Brésil. Quant aux pays les plus pauvres, à l'instar du Malawi, le processus d'accompagnement de l'adaptation du secteur sucrier des pays ACP revêt une dimension stratégique pour structurer la production dans ces pays. En tout état de cause, la politique européenne dans le secteur du sucre a jusqu'alors constitué une illustration particulièrement intéressante de l'aide Nord/Sud ; remettre en cause la PAC, c'est aussi remettre en question cet exemple de solidarité.

- le point 12 de la proposition de résolution fait volontairement référence au sucre brésilien pour indiquer clairement d'où proviennent les risques d'importations frauduleuses. En outre, les deux clauses de sauvegarde demandées doivent être automatiques, afin de ne plus connaître les longs temps de réaction de l'Union européenne, tels ceux sur la question des importations en provenance des Balkans ;

- les propositions de la Commission, sur lesquelles la Délégation doit se prononcer, ne visent que la réforme d'une OCM, mais il est évident que des réponses satisfaisantes ne pourront être obtenues que si l'Union européenne parvient à obtenir un accord convenable dans le cadre plus général des négociations au sein de l'OMC. Pour le moment, les accords conclus en 2004 dans le cadre de cette institution ne permettent pas de se référer à la préférence communautaire. Ce n'est donc pas la commissaire en charge de l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, qui dispose de marges de manœuvre, mais son collègue en charge du commerce, M. Peter Mandelson. Ce dernier doit donc veiller à ce que l'OMC n'aboutisse pas à un simple accord sur les denrées agricoles, ce qui est pourtant envisageable actuellement et ce qui déboucherait sur les mêmes conséquences dommageables pour les producteurs que la suppression des quotas dans le secteur du textile.

Après que la Délégation ait ajouté un point 18 demandant au négociateur communautaire d'être particulièrement attentif au problème de la préférence communautaire, elle a ensuite adopté la proposition de résolution ainsi modifiée dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

- Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ; la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien en faveur des agriculteurs et la proposition de règlement du Conseil établissant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999 relatif au financement de la politique agricole commune (COM (2005) 263 final du 22 juin 2005 / document E 2916),

- Considérant qu'une réforme de l'organisation commune des marchés (OCM) du sucre est nécessaire pour préparer ce secteur aux quatre chocs extérieurs qu'il devra subir :

. l'entrée, sans quotas en 2006, et, en franchise de droits en 2009, du sucre importé des pays les moins avancés (PMA),

. la mise en œuvre des conclusions du « panel sucre » de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ayant condamné certains aspects du régime européen d'exportations de sucre,

. l'impossibilité, à terme, d'exporter, avec ou sans restitutions, du sucre, qui résulte de ce jugement, ainsi que de l'engagement pris par la Conférence ministérielle de l'OMC de Doha d'éliminer toutes les formes de subventions aux exportations,
. la baisse des droits de douane protégeant les productions sous OCM, qui sera programmée par le prochain accord agricole multilatéral, issu du cycle de négociations commerciales en cours ;

- Considérant que l'Union européenne doit réformer cette OCM dans un sens qui préserve le potentiel de production des acteurs les plus compétitifs de la filière, à condition que la recherche de l'efficacité économique s'appuie sur une solidarité forte à l'égard des planteurs, en particulier ceux des régions ultrapériphériques ;

- Considérant que les efforts demandés par la restructuration du secteur sucrier doivent être justement compensés et aboutir à une OCM viable, qui donne, jusqu'en 2013/2014, des perspectives claires aux agriculteurs et aux industriels, ainsi qu'aux producteurs des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

- Considérant que le volet externe de cette réforme, dont la faiblesse constitue le point le plus contestable du projet de la Commission, doit être impérativement amendé, afin de permettre au marché européen du sucre de trouver, après la réforme, son équilibre ;

Sur la baisse des prix et les quotas


1. Soutient une baisse de prix de l'ordre de celle proposée par la Commission, selon le calendrier prévu, afin de diminuer, de manière économiquement fondée, la production, qui se fixera ainsi dans les zones les plus compétitives, et de rendre moins attractif le marché européen pour les importations de sucre frauduleuses ou spéculatives ;

2. Approuve le maintien de quotas nationaux, ainsi que la mise en place d'un quota supplémentaire d'un million de tonnes, lequel permettra de ne pas pénaliser le potentiel des zones produisant du sucre hors quota ;



Sur le fonds de restructuration


3. Se félicite de la création d'un fonds de restructuration de l'industrie du sucre, financé par un prélèvement spécifique, qui rendra attractif, grâce à une durée de vie courte, de quatre ans, l'abandon indemnisé de quotas de production et réorganisera, de manière rapide, la filière, permettant ainsi d'éviter une réduction linéaire des quotas, applicable par la Commission, à partir de février 2010, en cas de déséquilibres de marché ;

4. Souhaite qu'afin de se prémunir des effets d'une année perdue lors de la campagne 2006/2007, le caractère incitatif de l'aide à la restructuration soit renforcé, en maintenant, pour la campagne 2007/2008, son niveau égal à celui de la campagne précédente ;

5. Demande que ce fonds soit davantage abondé, grâce à une augmentation du prélèvement spécifique, afin de mieux indemniser les planteurs, par un partage de la prime d'abandon entre ces derniers et les industriels, qui pourront ainsi bénéficier d'une aide plus importante, s'ils arrêtent de produire, ou d'une compensation plus élevée de la baisse des prix, s'ils continuent de produire ;

6. Demande que les Etats membres ne puissent pas pouvoir s'opposer au processus de restructuration, s'il répond à des critères stricts à définir, pour que celui-ci conserve son efficacité, et veillent, en revanche, au respect des accords interprofessionnels et des conditions, environnementales et sociales, attachées à la fermeture des usines ;

7. Demande que soit laissée ouverte, de manière encadrée, la possibilité de conserver l'outil industriel pour la production d'éthanol, tout en interdisant les reconversions d'usines vers le raffinage ;




Sur l'institution d'aides compensatoires pour les planteurs et leur gestion par les Etats membres


8. Demande que la gestion des enveloppes prévues pour les paiements directs aux planteurs obéisse au principe de subsidiarité et, qu'à ce titre, soit laissé aux Etats membres le soin :

. de décider de verser la compensation sur la base d'un montant unitaire exprimé en euros par hectare ou en euros par tonne ;

. de « recoupler », pour le maintien d'une activité industrielle dans des zones précises, l'aide sur des quantités minimales ;
9. Demande pour les départements d'outre-mer que, compte tenu de leurs spécificités, reconnues par le traité, leurs handicaps structurels et l'inexistence d'alternatives agricoles viables, les paiements puissent être « recouplés » et que l'aide à l'écoulement soit maintenue dans son montant actuel, à hauteur de 20 millions d'euros ;

10. Demande la suppression de la cotisation à la production de 12 euros la tonne, répartie, pour moitié, entre les planteurs et les industriels, dont la création n'obéit à aucune logique et pèse, de manière inéquitable, sur les acteurs de la filière européenne, sans frapper les importations de sucre ;

11. Demande la suppression de la possibilité permettant d'abaisser, par un accord interprofessionnel, de 10 % au maximum le prix institutionnel de la betterave, qui vide de son sens la notion même de prix minimum et introduit une logique de compétition entre planteurs et industriels, susceptible de nuire à la cohérence du marché ;

Sur le volet externe de la réforme


12. Demande, compte tenu des risques d'importations frauduleuses de sucre brésilien, auxquelles aura été conférée l'origine PMA, l'institution, dans le futur règlement, des deux clauses de sauvegarde automatiques suivantes, permettant de rétablir des droits de douane, sans lesquelles la réforme de l'OCM conduira à l'effondrement des prix garantis, ainsi qu'à d'insoutenables déséquilibres sur le marché intérieur :

- une clause visant toutes les importations de sucre, qui se déclenche concomitamment au stockage privé, mis en œuvre par la Commission dès que le prix du marché tombe en dessous du prix de référence ;

- une clause visant les importations de sucre PMA, qui se déclenche dès que ces pays exportent, vers le marché communautaire, des quantités de sucre supérieures à leur production ;

13. Recommande l'adoption, en parallèle avec le nouveau règlement sucre, de nouvelles règles d'origine, qui ne confèrent pas à du sucre simplement raffiné l'origine lui permettant d'entrer sans limitations sur le marché communautaire ;

14. Demande que soit maintenue, jusqu'au terme fixé pour la suppression de toutes les subventions à l'exportation, la possibilité d'exporter, avec ou sans avec restitution, jusqu'à 1 273 000 tonnes de sucre du quota ou de sucre hors quota, prévue par l'actuel Accord sur l'agriculture de l'OMC, et que soit négociée l'inclusion de l'équivalent de sucre ACP réexporté dans le calcul des engagements de réduction des exportations subventionnées ;

15. Demande que soit permis, par le nouveau règlement, le recours à l'exportation, sans restitution, du sucre européen sur le marché mondial si le cours mondial de ce produit est supérieur au prix européen ;

16. Recommande la négociation de protocoles d'assistance avec les pays ACP et les PMA, destinés à renforcer, avec l'aide de l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF), leur capacité de surveillance des opérations contournant les règles d'origine ;
17. Demande que l'enveloppe destinée à accompagner la diversification des économies des pays ACP affectés par la baisse des prix du sucre soit fixée à 300 millions d'euros et que celle-ci bénéficie non seulement aux industriels, mais aussi aux planteurs et aux récolteurs, dans le but de développer l'agriculture vivrière de nos partenaires.

18. Rappelle au Commissaire européen en charge du commerce extérieur que son mandat de négociation à l'OMC inclut, conformément aux principes fondateurs de la politique agricole commune, la défense de la préférence communautaire qui, en protégeant nos prix du marché mondial et en contribuant à rendre notre agriculture la plus sûre au monde, garantit notre autosuffisance alimentaire.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

A. A PARIS

1. Ministère de l'agriculture

- M. Christian LIGEARD, chef du service des relations internationales.

2. Organisations professionnelles

- M. Philippe SOUBESTRE, président du Syndicat national des fabricants de sucre ;

- M. Bruno BOURGES, directeur du Syndicat national des fabricants de sucre ;Annexe-1

- M. Xavier THIEBLIN, président du Syndicat des fabricants de sucre de la Réunion ;

- M. Dominique DUCROQUET, président de la Confédération générale des planteurs de betterave ;

- M. Alain JEANROY, directeur général de la Confédération générale des planteurs de betterave.

B. A BRUXELLES

1. Parlement européen

- M. Joseph DAUL, président de la commission de l'agriculture ;

- M. Bernard LE HIDEUX, rapporteur pour avis de la réforme sucre pour la commission du développement.

2. Commission européenne

- Mme Mariann FISCHER BOEL, commissaire européenne à l'agriculture et au développement rural ;

- M. Lars HOELGAARD, directeur général adjoint de la direction générale de l'agriculture ;

- M. Hervé DELPHIN, membre du cabinet de M. Louis MICHEL, commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire ;

- Mme Renate NIKOLAY, membre du cabinet de M. Peter MANDELSON, commissaire européen au commerce extérieur.

3. Représentation permanente de la France

- M. Jean-Marc BOURNIGAL, chef du secteur agricole.

4. Ambassade du Malawi

- M. Brian G. BOWLER, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire ;

- M. Bertrand KHANYIZIRA, premier secrétaire ;

- M. Alan CHIPASULA, conseiller.

5. Office européen de lutte antifraude OLAF

- M. Claude LECOU, directeur ;

- Mme Elisabeth SPERBER, chef d'unité B.6 « Agriculture » ;

- M. Eddy WEYNS, chef d'unité A.3 « Douanes, ressources propres, coordination du suivi » ;

- M. Yves DISCORS.

6. Organisations professionnelles

- M. Jean-Louis BARJOL, directeur général du Comité européen des fabricants de sucre ;

- M. Hubert CHAVANES, secrétaire général de la Confédération internationale des betteraviers européens (CIBE).

Annexe 2 :
Bilan prévisionnel 2005/2006 de l'approvisionnement en sucre de l'Union européenne

1 000 tonnes équivalent sucre blanc

Sucre

Isoglucose

Sirop d'inuline

Total

Disponibilités

         

Production A + B

 

17 223

508

260

17 991

Importations en l'état

 

2 129

25

0

2 154

- Protocole ACP/Inde

1 300

       

- TSA/PMA

130

       

- MFN (1)

82

       

- SPS ACP/Inde

147

       

- Balkans

350

       

- Sucre C«Poseidom »

70

       

- Autres

50

       

Importations dans les produits transformés

 

500

   

500

Variation de stocks (2)

 

1 200

0

0

1 200

Total disponibilités

 

21 052

533

260

21 845

Destinations

         

Consommation

 

15 700

508

180

16 388

Variation

 

-

-

-

0

Exportation dans produits transformés

 

800

-

-

800

Exportation en l'état

 

4 552

25

80

4 657

Total destinations

 

21 052

533

260

21 845

Source : Commission européenne - septembre 2005

(1) MFN : Clause de la nation la plus favorisée, appliquant le tarif de droit commun aux importations.

(2) Déstockage entre le 1er juillet 2005 et le 30 juin 2006.

Annexe-1

Annexe 3 :
Production communautaire de sucre 2004/2005

1. SUCRE (en tonnes de sucre blanc)

Etat membre

Production « fraîche » de la campagne

RReports 2003/2004 vers 2004/2005

Total

Répartition

Reports 2004/2005 vers 2005/2006

A

B

C

Rep. Tchèque

Danemark

Allemagne

Grèce

Espagne

France (Hexagone)

France (départements d'Outre-Mer)

Irlande

Italie

Lettonie

Lituanie

Hongrie

Pays-Bas

Autriche

Pologne

Portugal

Archipel des Açores

Slovaquie

Slovénie

Finlande

Suisse

Union économique Belgo-luxembourgeoise

Royaume-Uni

558 416

471 518

4 334 165

259 500

1 060 760

4 143 348

291 829

213 178

1 158 163

67 111

132 924

499 419

1 036 762

458 137

2 001 415

74 367

806

233 005

37 994

148 583

371 632

991 666

1 390 089

0

0

69 053

0

109 837

270 199

0

11 779

0

0

0

0

0

14 739

0

65

0

0

0

5 466

28 142

65 696

47 069

538 537

471 518

4 328 649

259 500

1 021 703

4 217 168

291 829

213 178

1 149 054

67 111

131 141

452 945

1 021 762

445 198

2 001 415

69 718

806

216 457

37 994

154 049

384 118

996 244

1 359 158

441 209

325 000

2 612 913

259 500

957 082

2 536 487

291 829

181 145

1 149 054

66 400

103 010

400 454

684 112

314 029

1 579 969

63 380

806

189 760

37 994

132 806

334 784

674 906

1 035 115

13 653

95 746

803 951

0

39 879

752 260

0

18 115

0

105

0

1 230

180 447

73 298

91 923

6 338

0

17 672

0

13 280

33 478

144 906

103 512

83 675

50 772

911 785

0

24 742

928 421

0

13 918

0

606

28 131

51 261

157 203

57 872

329 523

0

0

9 025

0

176 432

220 531

19 879

0

74 569

0

148 895

196 378

0

11 779

9 108

0

1 783

46 474

15 000

27 679

0

4 714

0

16 548

0

0

15 656

61 118

78 000

Total Union européenne à 25

19 934

622 046

19 829 253

14 371 747

2 389 790

3 067 715

727 580

       

16 761 538

   

2. ISOGLUCOSE (en tonnes de sucre blanc)

Etat membre

PProduction totale

Répartition

A

B

C

Allemagne

Grèce

Espagne

France

Italie

Hongrie

Pays-Bas

Pologne

Portugal

Slovaquie

Finlande

Union économique belgo-luxembourgeoise

Royaume-Uni

34 620

12 961

82 579

19 846

20 302

132 516

9 094

26 839

9 792

42 547

11 178

75 656

29 112

28 643

10 435

74 620

15 747

16 432

127 627

7 365

24 911

8 027

37 522

10 792

56 151

21 502

5 977

2 256

7 959

4 099

3 870

4 889

1 729

1 870

1 765

5 025

386

15 441

5 735

58

4 064

1 875

Total Union européenne à 25

506 771

439 773

61 001

5 997

   

500 774

 

3. SIROP D'INULINE (en tonnes de sucre blanc)

Etat membre

PProduction totale

Répartition

A

B

C

France

Pays-Bas

Union économique Belgo-luxembourgeoise

19 778

52 406

170 588

19 778

52 046

170 588

-

-

-

-

-

-

Total Union européenne à 25

242 772

242 772

0

0

Source : Commission européenne

Annexe 4 :
Production et exportations de sucre des pays ACP
du Protocole

Source : Commission européenne.

Annexe 5 :
Statistiques relatives aux cinq principaux
acteurs du marché mondial du sucre

Production

 

1994/1995

% de la production mondiale

2004/2005

% de la production mondiale

UE

19,36

17 %

21,7

15 %

Australie

4,8

4 %

5,5

4 %

Inde

15,9

14 %

14,7

10 %

Brésil

12,7

11 %

31,4

21 %

Thaïlande

5,5

5 %

7,1

5 %

         

Monde

116

 

148

 

Consommation

 

1994/1995

% de la consommation mondiale

2004/2005

% de la consommation mondiale

UE

16,95

15 %

17,4

12 %

Australie

0,9

1 %

1,2

1 %

Inde

13,3

12 %

19,2

13 %

Brésil

8

7 %

10,4

7 %

Thaïlande

1,6

1 %

2,3

2 %

         

Monde

115,2

 

145,5

 

Importations

 

1994/1995

% des importations mondiales

2004/2005

% des importations mondiales

UE

2,3

7 %

2,3

5 %

Australie

0

0 %

0

0 %

Inde

0,9

3 %

2,2

4 %

Brésil

0

0 %

0

0 %

Thaïlande

0

0 %

0

0 %

         

Monde

35,3

 

50,1

 

Exportations

 

1994/1995

% des exportations mondiales

2004/2005

% des exportations mondiales

UE

5,5

15 %

6,6

12 %

Australie

4,2

12 %

4,2

8 %

Inde

0

0 %

0,1

0 %

Brésil

4,0

14 %

18,4

35 %

Thaïlande

3,7

10 %

5

9 %

         

Monde

35,8

 

52,9

 

Source : Confédération internationale des betteraviers européens.

NB : Les statistiques concernant le sucre sont exprimées en valeur « brut », 1 tonne de « brut » = 0,92 tonne de « blanc ».

Annexe 6 :
Nombre de sucreries et de raffineries
dans l'Union européenne

Régions

2004/2005

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Hongrie

Irlande

Italie

Lettonie

Lituanie

Pays-Bas

Pologne

Portugal

République tchèque

Slovaquie

Slovénie

Suède

Royaume-Uni

6

1

2

1

3

1

13

1

3

1

9

2

2

2

53

3

7

5

1

1

2

Total Union européenne à 15

46

Total Union européenne à 25

119

Source : Comité européen de fabricants du sucre

Annexe 7 :
Nombre de planteurs de betteraves
dans l'Union européenne

Régions

2004/2005

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Hongrie

Irlande

Italie

Lettonie

Lituanie

Pays-Bas

Pologne

Portugal

République tchèque

Slovaquie

Slovénie

Suède

Royaume-Uni

45 428

9 472

14 684

4 609

20 000

2 302

29 800

13 423

809

3 706

46 000

2 470

15 227

78 010

700

938

412

3 917

6 970

Total Union européenne à 15

219 574

Total Union européenne à 25

298 877

Source : Comité européen de fabricants du sucre.

Annexe 8 :
Nombre d'emplois dans les industries
fabricant du sucre de l'Union européenne

Régions

2004/2005

Allemagne

Autriche

Belgique

Danemark

Espagne

Finlande

France

Grèce

Hongrie

Irlande

Italie

Lettonie

Lituanie

Pays-Bas

Pologne

Portugal

République tchèque

Slovaquie

Slovénie

Suède

Royaume-Uni

6 721

1 049

970

821

2 930

196

8 606

2 549

1 249

650

4 700

1 443

1 459

15 578

285

1 281

1 078

747

1 264

Total Union européenne à 15

32 947

Total Union européenne à 25

53 576

Source : Comité européen de fabricants du sucre.

1 () Rapport d'information n° 889, « Une PAC forte pour l'Europe élargie », déposé le 28 mai 2003.

2 () Rapport d'information n° 1430 « Maîtriser le découplage pour le tabac, le coton, l'huile d'olive et le houblon », déposé le 11 février 2004, et rapport d'information n° 2286, « Vers un nouveau dessein pour les campagnes européennes », déposé le 3 mai 2005.

3 () Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ; proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et proposition de règlement du Conseil établissant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999 relatif au financement de la politique agricole commune (COM (2005) 263 final du 22 juin 2005/document E 2916).

4 () Rapport d'information n° 2816, « Sucre : une organisation de marché à préserver », déposé le 14 décembre 2000.

5 () Le mécanisme du report consiste, pour la sucrerie ayant produit au-delà de son quota, à stocker son excédent pendant une période minimale de 12 mois, à l'issue de laquelle le sucre est reclassé comme sucre A, c'est-à-dire considéré comme étant produit par la sucrerie au cours de cette campagne.

6 () Voir les données sur le bilan sucrier et la production de l'Union figurant dans les annexes 2 et 3 de ce rapport.

7 () En 2004, les dépenses de cette OCM ont atteint 1,278 milliard d'euros. Pour l'année 2005, y ont été affectés 1,770 milliard d'euros, dont 1,286 milliard pour les restitutions. Les autres dépenses se répartissent ainsi : restitutions pour l'utilisation du sucre dans l'industrie chimique (232 millions d'euros), restitutions pour les produits transformés, autres que les fruits et les légumes, contenant du sucre (193 millions d'euros), aide d'ajustement au raffinage (41 millions d'euros).

8 () Voir l'annexe 4.

9 () Notons que Robert Portman fait partie d'un gouvernement dans lequel le secrétaire d'Etat à l'agriculture, M. Mike Johanns, est issu d'un Etat, le Nebraska, qui a reçu, selon le Financial Times du 3 décembre 2004, plus de 7,5 milliards de dollars de subventions agricoles entre 1995 et 2003.

10 () Voir l'annexe 5, qui comprend des données sur la production, la consommation, les importations et les exportations des principaux acteurs du marché mondial du sucre.

11 () Les annexes 6, 7 et 8 comprennent des données, pour l'Union à 15 et à 25, sur le nombre de sucreries, de raffineries, de planteurs et d'emplois dans l'industrie du sucre.

12 () Cette résolution, TA n° 110, a été déposée par notre collègue François Guillaume.

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