Document

mis en distribution

le 21 novembre 2003

   

N° 1240

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 2003

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions, notamment pénales, en cas d'infractions de pollution
(COM [2003] 92 final/document E 2244)
et sur
la proposition de décision-cadre du Conseil visant
le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires
(COM [2003] 227 final/document E 2291)

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par MM. Guy LENGAGNE et Didier QUENTIN

Rapporteurs de la Délégation

pour l'Union européenne,

Députés.

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Voir le numéro : 1239.

Europe.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil européen de Bruxelles des 20-21 mars 2003 a souhaité que l'Union européenne se dote, sur la base juridique appropriée, d'un système de sanctions destiné à lutter contre la pollution par les navires, avant la fin de l'année 2003.

Dans cette perspective, la Commission a présenté une proposition de directive qui érige en sanction pénale le fait de rejeter des substances polluantes ainsi que d'y participer et d'y inciter, du moins de façon intentionnelle, et qui sanctionne les plus graves de ces agissements de peines privatives de liberté.

Certes, on devrait se féliciter d'une telle initiative, qui montre bien que le principe pollueur-payeur ne peut être appliqué de façon pleinement satisfaisante dans le seul cadre du régime international de responsabilité civile fondée sur les conventions CLC(1) et FIPOL(2). Car il est clair que, malgré la décision prise par la conférence diplomatique de Londres, qui s'est tenue le 16 mai 2003 au sein de l'Organisation maritime internationale, de relever de 200 millions environ à un milliard d'euros le plafond d'indemnisation des victimes, le nouveau fonds ne sera jamais en mesure de réparer les dommages d'une ampleur comparable à celle du Prestige puisque, pour les seules victimes espagnoles, ils sont estimés à 5 milliards d'euros.

Si la proposition de directive peut être saluée comme un premier pas encourageant vers une lutte préventive efficace contre la délinquance maritime, il est toutefois à craindre qu'elle ne réponde pas aux attentes de plus en plus fortes de l'opinion en matière de sécurité maritime.

En effet, à peine la discussion de la proposition de directive a-t-elle été entamée au sein du Conseil que les Etats membres ont exprimé des réserves quant à la pertinence de la base juridique, en estimant que le régime des sanctions pénales devait relever, non pas d'une directive, mais d'une proposition de décision-cadre. C'est pourquoi, le 2 mai 2003, la Commission a présenté une proposition de décision-cadre.

Or, cet instrument juridique du troisième pilier doit être adopté à l'unanimité des Etats membres, alors que la directive l'est à la majorité qualifiée. En outre, la Commission ne peut exercer un recours en manquement, comme c'est le cas lorsqu'un Etat membre n'a pas respecté le délai de transposition ou a mal transposé une directive.

Cette controverse sur la base juridique n'est, à vrai dire, qu'une argutie, car non seulement il existe déjà des règlements communautaires, par exemple certains textes pris dans le cadre de la politique commune de la pêche, qui définissent des sanctions pénales, mais, en outre, l'article 80, paragraphe 2, du traité habilite le Conseil à prendre, à la majorité qualifiée, les dispositions appropriées en matière de navigation maritime et aérienne.

A cette controverse s'ajoute le fait que les premières discussions de la proposition de décision-cadre font apparaître clairement la volonté de plusieurs Etats membres d'en restreindre la portée.

Au total, les Etats membres reprennent leurs vieilles habitudes, qui les amènent à freiner les efforts de la Commission en vue de renforcer réellement la protection de l'espace maritime européen, dès lors que disparaissent progressivement l'émotion et la pression médiatique suscitées par la catastrophe du Prestige.

Une telle situation est d'autant moins acceptable qu'il y a lieu de redouter l'enlisement de la discussion des textes au-delà même du 1er mai 2004, date de l'adhésion des nouveaux Etats membres, dont certains ne présentent pas toutes les garanties en matière de sécurité maritime.

C'est pour prévenir le pire - c'est-à-dire le cas où l'Europe se verra contrainte de légiférer sous la pression de la prochaine marée noire - que nous vous demandons d'adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu le traité instituant la Communauté européenne et notamment ses articles 80, paragraphe 2, et 174, paragraphe 2,

- Vu le traité sur l'Union européenne et notamment ses articles 29, 31 et 34, paragraphe 2, point b),

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions, notamment pénales, en cas d'infractions de pollution (COM [2003] 92 final/E 2244),

- Vu la proposition de décision-cadre du Conseil visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires (COM [2003] 227 final/E 2291),

I. SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

1. A l'article 3 relatif au champ d'application, souhaite que :

- au paragraphe premier, soit ajoutée la notion de zone de protection écologique ;

- au deuxième paragraphe, soient supprimées les références aux navires de guerre et aux navires de guerre auxiliaires.

2. A l'article 5 relatif à l'application en ce qui concerne les navires en transit, demande que les mesures administratives appropriées visées au deuxième alinéa puissent aller jusqu'à l'immobilisation du navire.

3. A l'article 6 relatif aux infractions pénales et aux sanctions, juge nécessaire d'ajouter l'interdiction temporaire ou permanente d'accès à tout port communautaire dans la liste des sanctions énumérées au cinquième paragraphe.

4. Demande aux autorités françaises de veiller à ce que la définition des infractions et des sanctions soit maintenue dans la proposition de directive et obtienne du Conseil l'adoption rapide de ce texte.

II. SUR LA PROPOSITION DE DECISION-CADRE

1. A l'article 2 relatif aux définitions, demande que soit inséré un alinéa précisant que les termes « navire étranger » s'appliquent à tout navire battant le pavillon d'un Etat non-membre de l'Union européenne.

2. A l'article 3 relatif aux modalités d'application des sanctions, estime souhaitable que le deuxième paragraphe soit remplacé par des dispositions prévoyant :

- d'une part, que chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l'article 3 soient punissables d'un montant ne pouvant être inférieur à 500 000 euros et que chaque Etat membre pourra porter ce montant à l'équivalent des deux-tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret du navire qui est à l'origine de l'infraction ;

- d'autre part, que ces amendes peuvent être des amendes pénales ou des sanctions pécuniaires administratives pouvant faire l'objet d'un recours devant une juridiction ayant compétence, notamment en matière pénale.

1 () Convention sur la responsabilité civile.

2 () Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.

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