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mis en distribution

le 21 octobre 2005

   

N° 2603

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2005

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la réforme de l'organisation commune des marchés
dans le secteur du sucre
(COM [2005] 263 final / E 2916)

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Jean-Marie SERMIER

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

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Voir le numéro : 2602.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ; la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 établissant des règles communes pour les régimes de soutien en faveur des agriculteurs et la proposition de règlement du Conseil établissant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999 relatif au financement de la politique agricole commune (COM (2005) 263 final du 22 juin 2005 / document E 2916),

- Considérant qu'une réforme de l'organisation commune des marchés (OCM) du sucre est nécessaire pour préparer ce secteur aux quatre chocs extérieurs qu'il devra subir :

. l'entrée, sans quotas en 2006, et, en franchise de droits en 2009, du sucre importé des pays les moins avancés (PMA),

. la mise en œuvre des conclusions du « panel sucre » de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ayant condamné certains aspects du régime européen d'exportations de sucre,

. l'impossibilité, à terme, d'exporter, avec ou sans restitutions, du sucre, qui résulte de ce jugement, ainsi que de l'engagement pris par la Conférence ministérielle de l'OMC de Doha d'éliminer toutes les formes de subventions aux exportations,

. la baisse des droits de douane protégeant les productions sous OCM, qui sera programmée par le prochain accord agricole multilatéral, issu du cycle de négociations commerciales en cours ;

- Considérant que l'Union européenne doit réformer cette OCM dans un sens qui préserve le potentiel de production des acteurs les plus compétitifs de la filière, à condition que la recherche de l'efficacité économique s'appuie sur une solidarité forte à l'égard des planteurs, en particulier ceux des régions ultrapériphériques ;

- Considérant que les efforts demandés par la restructuration du secteur sucrier doivent être justement compensés et aboutir à une OCM viable, qui donne, jusqu'en 2013/2014, des perspectives claires aux agriculteurs et aux industriels, ainsi qu'aux producteurs des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

- Considérant que le volet externe de cette réforme, dont la faiblesse constitue le point le plus contestable du projet de la Commission, doit être impérativement amendé, afin de permettre au marché européen du sucre de trouver, après la réforme, son équilibre ;

Sur la baisse des prix et les quotas

1. Soutient une baisse de prix de l'ordre de celle proposée par la Commission, selon le calendrier prévu, afin de diminuer, de manière économiquement fondée, la production, qui se fixera ainsi dans les zones les plus compétitives, et de rendre moins attractif le marché européen pour les importations de sucre frauduleuses ou spéculatives ;

2. Approuve le maintien de quotas nationaux, ainsi que la mise en place d'un quota supplémentaire d'un million de tonnes, lequel permettra de ne pas pénaliser le potentiel des zones produisant du sucre hors quota ;

Sur le fonds de restructuration

3. Se félicite de la création d'un fonds de restructuration de l'industrie du sucre, financé par un prélèvement spécifique, qui rendra attractif, grâce à une durée de vie courte, de quatre ans, l'abandon indemnisé de quotas de production et réorganisera, de manière rapide, la filière, permettant ainsi d'éviter une réduction linéaire des quotas, applicable par la Commission, à partir de février 2010, en cas de déséquilibres de marché ;

4. Souhaite qu'afin de se prémunir des effets d'une année perdue lors de la campagne 2006/2007, le caractère incitatif de l'aide à la restructuration soit renforcé, en maintenant, pour la campagne 2007/2008, son niveau égal à celui de la campagne précédente ;

5. Demande que ce fonds soit davantage abondé, grâce à une augmentation du prélèvement spécifique, afin de mieux indemniser les planteurs, par un partage de la prime d'abandon entre ces derniers et les industriels, qui pourront ainsi bénéficier d'une aide plus importante, s'ils arrêtent de produire, ou d'une compensation plus élevée de la baisse des prix, s'ils continuent de produire ;

6. Demande que les Etats membres ne puissent pas pouvoir s'opposer au processus de restructuration, s'il répond à des critères stricts à définir, pour que celui-ci conserve son efficacité, et veillent, en revanche, au respect des accords interprofessionnels et des conditions, environnementales et sociales, attachées à la fermeture des usines ;

7. Demande que soit laissée ouverte, de manière encadrée, la possibilité de conserver l'outil industriel pour la production d'éthanol, tout en interdisant les reconversions d'usines vers le raffinage ;

Sur l'institution d'aides compensatoires pour les planteurs et leur gestion par les Etats membres

8. Demande que la gestion des enveloppes prévues pour les paiements directs aux planteurs obéisse au principe de subsidiarité et, qu'à ce titre, soit laissé aux Etats membres le soin :

. de décider de verser la compensation sur la base d'un montant unitaire exprimé en euros par hectare ou en euros par tonne ;

. de « recoupler », pour le maintien d'une activité industrielle dans des zones précises, l'aide sur des quantités minimales ;

9. Demande pour les départements d'outre-mer que, compte tenu de leurs spécificités, reconnues par le traité, leurs handicaps structurels et l'inexistence d'alternatives agricoles viables, les paiements puissent être « recouplés » et que l'aide à l'écoulement soit maintenue dans son montant actuel, à hauteur de 20 millions d'euros ;

10. Demande la suppression de la cotisation à la production de 12 euros la tonne, répartie, pour moitié, entre les planteurs et les industriels, dont la création n'obéit à aucune logique et pèse, de manière inéquitable, sur les acteurs de la filière européenne, sans frapper les importations de sucre ;

11. Demande la suppression de la possibilité permettant d'abaisser, par un accord interprofessionnel, de 10 % au maximum le prix institutionnel de la betterave, qui vide de son sens la notion même de prix minimum et introduit une logique de compétition entre planteurs et industriels, susceptible de nuire à la cohérence du marché ;

Sur le volet externe de la réforme

12. Demande, compte tenu des risques d'importations frauduleuses de sucre brésilien, auxquelles aura été conférée l'origine PMA, l'institution, dans le futur règlement, des deux clauses de sauvegarde automatiques suivantes, permettant de rétablir des droits de douane, sans lesquelles la réforme de l'OCM conduira à l'effondrement des prix garantis, ainsi qu'à d'insoutenables déséquilibres sur le marché intérieur :

- une clause visant toutes les importations de sucre, qui se déclenche concomitamment au stockage privé, mis en œuvre par la Commission dès que le prix du marché tombe en dessous du prix de référence ;

- une clause visant les importations de sucre PMA, qui se déclenche dès que ces pays exportent, vers le marché communautaire, des quantités de sucre supérieures à leur production ;

13. Recommande l'adoption, en parallèle avec le nouveau règlement sucre, de nouvelles règles d'origine, qui ne confèrent pas à du sucre simplement raffiné l'origine lui permettant d'entrer sans limitations sur le marché communautaire ;

14. Demande que soit maintenue, jusqu'au terme fixé pour la suppression de toutes les subventions à l'exportation, la possibilité d'exporter, avec ou sans avec restitution, jusqu'à 1 273 000 tonnes de sucre du quota ou de sucre hors quota, prévue par l'actuel Accord sur l'agriculture de l'OMC, et que soit négociée l'inclusion de l'équivalent de sucre ACP réexporté dans le calcul des engagements de réduction des exportations subventionnées ;

15. Demande que soit permis, par le nouveau règlement, le recours à l'exportation, sans restitution, du sucre européen sur le marché mondial si le cours mondial de ce produit est supérieur au prix européen ;

16. Recommande la négociation de protocoles d'assistance avec les pays ACP et les PMA, destinés à renforcer, avec l'aide de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), leur capacité de surveillance des opérations contournant les règles d'origine ;

17. Demande que l'enveloppe destinée à accompagner la diversification des économies des pays ACP affectés par la baisse des prix du sucre soit fixée à 300 millions d'euros et que celle-ci bénéficie non seulement aux industriels, mais aussi aux planteurs et aux récolteurs, dans le but de développer l'agriculture vivrière de nos partenaires ;

18. Rappelle au Commissaire européen en charge du commerce extérieur que son mandat de négociation à l'OMC inclut, conformément aux principes fondateurs de la politique agricole commune, la défense de la préférence communautaire qui, en protégeant nos prix du marché mondial et en contribuant à rendre notre agriculture la plus sûre au monde, garantit notre autosuffisance alimentaire.

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