Document

mis en distribution

le 18 avril 2006

   

N° 3043

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2006

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Thierry MARIANI

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

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Voir le numéro : .3042.

EXPOSE DES MOTIFS

La Commission a déposé, le 1er septembre 2005, une proposition de directive visant à établir des normes et des procédures communes en matière d'éloignement. Une harmonisation dans ce domaine est souhaitable, car elle faciliterait la coopération entre les Etats membres et serait une conséquence logique de la suppression des frontières intérieures. La création d'une « interdiction du territoire européen », interdisant toute nouvelle entrée sur le territoire de l'Union européenne à une personne ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement, apporterait, en particulier, une réelle plus value.

La proposition de la Commission apparaît cependant excessivement détaillée par rapport à ce que devrait être une directive, et soulève de nombreuses difficultés. Elle prévoit, par exemple, que le placement en rétention ne peut être décidé, en principe, que par l'autorité judiciaire. Cette disposition méconnaît la répartition des compétences entre autorités administratives et judiciaires qui sous-tend l'ensemble du droit des étrangers en France. Dans notre législation, le préfet peut en effet décider du placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière, et c'est à l'issue d'un délai maximal de 48 heures que le juge judiciaire décide de la prolongation ou non de cette mesure. Cette particularité procédurale - que la France partage, au demeurant, avec de nombreux Etats membres, tels que la Belgique, l'Espagne ou l'Italie - relève du choix de chaque Etat membre et n'a pas à être harmonisée.

Le texte prévoit par ailleurs une procédure en deux étapes, comportant une décision de retour dans un premier temps puis, si nécessaire, une décision d'éloignement dans un second temps. Ces deux étapes visent à donner la priorité au retour volontaire de la personne concernée, à laquelle un « délai approprié » de départ volontaire de quatre semaines au maximum est en principe accordé, sauf s'il y a lieu de penser qu'elle pourrait prendre la fuite. Cette procédure en deux étapes ne tient pas compte notamment des situations dans lesquelles il existe une menace grave à l'ordre public, où l'immédiateté de l'expulsion constitue la seule réponse adaptée.

L'introduction d'un délai maximal de six mois pour le placement en rétention soulève également des interrogations. Ce délai constituerait, certes, un progrès pour les étrangers en situation irrégulière dans certains Etats membres, tels que l'Allemagne, où le délai est de dix-huit mois, ou le Royaume-Uni et les Pays-Bas, où il n'existe pas de durée maximale. Il apparaît en revanche particulièrement long par rapport à notre législation, qui prévoit un délai maximal de 32 jours depuis l'adoption de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Certes, la directive n'imposerait pas de porter notre délai à six mois, mais l'adoption d'un tel délai dans un texte européen tendrait à en faire la norme européenne en la matière.

Le Gouvernement devra, par ailleurs, veiller au cours des négociations à ce que le texte et ses modifications éventuelles ne soulèvent pas de difficultés d'ordre constitutionnel. La jurisprudence du Conseil constitutionnel encadre en effet strictement l'édiction d'interdiction du territoire, prévue par la proposition de directive, ainsi que la durée du maintien en rétention.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (COM [2005] 391 final / E 2948),

1. Estime cette proposition de directive excessivement détaillée et contraire au principe de proportionnalité ;

2. Considère que la répartition des compétences entre les autorités judiciaires et administratives en ce qui concerne le placement en rétention relève de chaque Etat membre et n'a pas être harmonisée ;

3. Souligne que la priorité accordée au retour volontaire doit être notamment conciliée avec la nécessité d'une expulsion immédiate en cas de menace grave à l'ordre public ;

4. S'interroge sur l'opportunité d'introduire une durée maximale de six mois pour le placement en rétention dans la directive ;

5. Appelle le Gouvernement à veiller à ce que la proposition de directive ne soit pas susceptible de porter atteinte aux principes de valeur constitutionnelle applicables en matière d'éloignement.

N° 3043 - Proposition de résolution sur la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (M. Thierry Mariani, rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne) (12/04/2006)

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