COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 5

Jeudi 31 mars 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Michel Régereau, président du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et du conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'UNCAM et de la CNAMTS, et Mme Rénée Babel, directrice déléguée aux ressources et au réseau de la CNAMTS

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- Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), et M. Patrick Hermange, directeur

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- Audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et M. Philippe Georges, directeur général

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu, M. Michel Régereau, président du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et du conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'UNCAM et de la CNAMTS.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je vous rappelle que notre mission a été mise en place, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à la suite du vote de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, afin d'essayer de mieux exercer le contrôle parlementaire sur le fonctionnement des organismes de sécurité sociale, notamment de l'assurance maladie, qui est au cœur de nos préoccupations. Dans le contexte de la renégociation de la convention d'objectifs et de gestion, nous allons donc vous poser un certain nombre de questions sur le fonctionnement des structures que vous représentez et sur les évolutions engagées dans l'ensemble de vos métiers.

M. Pierre Morange, coprésident : Une étude publiée récemment dans la presse montre des écarts de gestion entre les caisses primaires d'assurance maladie. Nous aimerions savoir comment vous entendez réaliser les gains de productivité et réaliser les 200 millions d'euros d'économies annoncés lors de la discussion de la réforme de l'assurance maladie. Que les choses soient claires : notre philosophie n'est pas tant de chercher à mettre en évidence des marges de manœuvre budgétaire que des rationalisations qui permettraient que les compétences et les ressources humaines soient utilisées au mieux.

M. Frédéric Van Roekeghem : Effectivement, cette enquête fait état de différences assez importantes entre les caisses, notamment en termes de coûts de gestion. Il est vrai aussi que nous avons pris l'engagement, dans le cadre du plan de réforme de l'assurance maladie, de réaliser 200 millions d'euros d'économies à l'horizon 2007.

Il faut rappeler que nous nous inscrivons dans une activité d'assurance maladie en constante augmentation, de 5 % par an. Ainsi, le nombre de bénéficiaires s'est accru de 7,3 % entre 1999 et 2003 tandis que le nombre de décomptes payés augmentait de 25 %. En outre, deux modifications de la législation et de la réglementation ont eu un fort impact sur l'activité des caisses : la réduction du temps de travail, qui s'est traduite par une perte de productivité nécessitant l'embauche de 5 200 équivalents temps plein, et l'institution de la couverture maladie universelle (CMU), qui a demandé la création de 1 500 équivalents temps plein afin de permettre aux populations les moins favorisées de faire valoir leurs droits. De 2000 à 2003, les gains de productivité ont ainsi été partiellement absorbés et les effectifs se sont accrus.

L'évolution a été à nouveau favorable à partir de 2004, et je suis heureux d'informer votre mission qu'au 31 décembre dernier les effectifs avaient diminué de 1 950 équivalents temps plein. Cette diminution sera poursuivie sur la base du remplacement d'un seul départ en retraite sur deux, qui devrait permettre une nouvelle diminution de 1 150 équivalents temps plein en 2005. Compte tenu des efforts réalisés par l'assurance maladie, on peut donc évaluer les économies attendues sur la masse salariale à environ 160 millions d'euros fin 2006.

Ces efforts s'accompagneront d'une réduction des écarts de coûts de gestion entre les caisses, car il est logique que celles qui ont la productivité la plus faible fassent davantage d'efforts. Cette politique n'est pas nouvelle, puisque l'écart entre les treize caisses les moins coûteuses et les treize les plus coûteuses est passé de 2,23 en 2000 à 1,98 en 2003, ce qui reste toutefois trop élevé.

J'ajoute que notre gestion sociale des effectifs permet que ces évolutions se fassent graduellement et s'accompagnent de rationalisations, notamment du nombre de points d'accueil, qui nécessitent des négociations avec les élus locaux.

Parce que nous tenons à atteindre l'objectif de 200 millions d'euros d'économies, j'ai engagé un audit sur la fonction achats du réseau de l'assurance maladie. Ayant nécessité des entretiens avec les responsables des achats, le traitement de cent vingt-huit questionnaires et des extractions informatiques, il montre qu'on pourrait atteindre 40 millions d'euros d'économies. 25 millions seraient obtenus sur l'affranchissement, en utilisant l'éditique centrale, en accélérant la dématérialisation, en travaillant à un changement des pratiques et en renégociant avec la Poste afin d'obtenir de meilleures conditions. Dix millions d'économies pourraient aussi être réalisés sur l'informatique et les télécommunications, les benchmarks externes montrant qu'il existe un potentiel important. Enfin, cinq millions d'économies proviendraient des efforts faits sur les fournitures et prestations diverses, en particulier sur le volume et le prix du papier. Un audit sera également conduit sur les achats de la caisse nationale.

Un plan d'action sera donc nécessaire, qui combinera revue systématique des segments d'achat, pilotage de la performance économique avec la définition d'indicateurs dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG), professionnalisation du réseau d'acteurs et communication sur la conduite du changement.

Nous considérons donc qu'une gestion rigoureuse des effectifs associée à une modernisation de notre processus d'achats peut nous permettre d'atteindre les deux cents millions d'économies prévus dans la réforme de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous exercez tous deux vos fonctions depuis peu, mais vous connaissez parfaitement les rouages de notre système de sécurité sociale. La Cour des comptes a noté que les précédentes COG avaient privilégié la qualité de service plutôt que la réduction des coûts de gestion. La nouvelle COG de la branche accidents du travail et maladies professionnelles vient d'être conclue, la vôtre doit être signée avant le 31 décembre. Cette audition n'en est que plus opportune. La Cour a aussi observé une certaine aisance financière des caisses. Faut-il en conclure que le bilan des COG est plutôt mitigé et que les objectifs étaient sans doute trop faciles à atteindre ? Enfin, les coûts de gestion étant sensibles à la grande complexité des règles en vigueur, que risque d'aggraver encore la nouvelle loi sur l'assurance maladie, avez-vous des suggestions à faire en vue d'une simplification ?

M. Michel Régereau : Pour l'UNCAM, l'objectif est bien d'agir, dans le cadre de la loi du 13 août 2004, sur la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et de réduire cette année les dépenses d'un milliard d'euros, par une meilleure utilisation des dépenses de soins. L'essentiel de nos efforts est tourné vers cela, au sein d'une entreprise qui élabore de nouveaux produits, qui s'est dotée de nouvelles orientations et de nouveaux objectifs, et qui doit maintenant disposer de commerciaux pour « vendre » cette action sur le terrain. La question est donc moins de faire des économies sur les coûts de gestion que de savoir qui fait quoi dans le réseau de l'assurance maladie, quels personnels et quels moyens on affecte à ces objectifs, et s'il est vraiment utile que l'effort porte sur les 5 % que représentent les coûts de gestion par rapport à l'ensemble. Car il faut savoir que même si l'ensemble des personnels cessait d'être rémunéré et si la sécurité sociale ne payait plus aucune facture, le problème du financement ne serait pas réglé.

Bien évidemment, nous sommes attentifs à la réduction des écarts de coûts mais, s'agissant de la gestion de l'assurance maladie comme de l'organisation du système de soins, nous préférons mettre en avant la notion d'efficience, qui combine les coûts les plus maîtrisés possible avec l'efficacité la plus grande possible.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il semble qu'il y ait une légère différence d'approche entre le directeur général et le président. Pour ma part, je ne considère pas la CNAMTS et l'UNCAM comme des instruments uniquement destinés à la liquidation, pour laquelle des gains de productivité pourraient être obtenus grâce à l'informatisation. La loi, à laquelle on sait que je n'étais guère favorable, a confié à l'assurance maladie un rôle de pilotage de l'ensemble du système, ce qui lui confère une responsabilité particulière vis-à-vis tant des assurés que des médecins.

Afin que nous soyons correctement informés, pouvez-vous nous indiquer les perspectives de développement des nouveaux métiers ? Comment mettez-vous en place les nouvelles qualifications, les nouveaux objectifs et les nouveaux indices, en particulier pour la liquidation médicalisée ? Quels sont également les moyens engagés et les coûts ? Nous aimerions aussi connaître l'état de votre informatique, en particulier au regard de l'introduction de la participation forfaitaire d'un euro et du plafond annuel de cinquante euros.

Dans la COG précédente, vous aviez prévu des plates-formes d'accueil, d'écoute, de conduite des relations avec les assurés, mais elles ont été développées surtout en dehors de la caisse nationale, avez-vous la possibilité de les développer vous-mêmes ? Pensez-vous qu'il vous sera possible à la fois de vous investir dans cette nouvelle politique et d'obtenir les gains de productivité dont vous avez parlé ?

Pouvez-vous également nous dire ce que vous attendez des restructurations ? Jugez-vous le réseau de la CNAMTS adapté ? Quelle devrait être l'évolution du contrôle médical ? Quels gains de productivité escomptez-vous de la numérisation de la photo sur la carte SESAM-Vitale ?

M. Jean-Luc Préel : Nous souhaitons tous une meilleure utilisation des fonds publics afin d'aboutir à de meilleurs soins et à de meilleurs remboursements. Pour votre part, est-il vrai que vous attendez du dossier médical personnel 3,5 milliards d'économies d'euros en dix-huit mois ? Il convient par ailleurs de faire de gros efforts en ce qui concerne le service médical si l'on veut savoir si les soins sont utiles et comment ils sont dispensés. Comment comptez-vous contrôler les gros prescripteurs et les gros consommateurs ? Disposerez-vous de suffisamment de médecins pour cela ? S'agissant des affections de longue durée, j'ai cru comprendre qu'un contrat devait être passé entre le patient, le médecin traitant et le médecin de la caisse. Mais s'il y a effectivement huit millions d'affections de ce type, quand pourrez-vous passer tous les contrats et comment les suivrez-vous ? Par ailleurs, il est prévu dans le parcours de soins que l'accès direct aux spécialistes coûtera plus cher et sera moins bien remboursé. Comment pourrez-vous le contrôler et veiller à ce que le remboursement corresponde bien aux engagements souscrits ? Enfin, dans la mesure où vous êtes directeur de trois caisses, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la gestion de chacune et comment il serait possible d'améliorer l'ensemble ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Il n'y a pas de décalage entre le discours du président et le mien, et nous considérons l'un comme l'autre que l'enjeu principal est que l'assurance-maladie devienne un opérateur de gestion du risque efficace. Cela ne veut pas dire que les efforts de productivité doivent être abandonnés, mais qu'il va falloir les redéployer pour exercer plus efficacement ce nouveau métier. L'assurance maladie va être confrontée à une mutation de sa culture d'entreprise et de ses métiers. La part des métiers dits de production, qui représentaient plus de 60 % des effectifs en 1999, devrait tomber à moins de 50 %, en particulier grâce à l'amélioration des conditions de la liquidation. Dans le même temps les métiers dédiés aux relations avec la clientèle devraient passer de moins de 10 % des effectifs à plus de 15 %, et les métiers liés à la régulation, qui revêtent une grande importance stratégique, devraient retrouver une place plus importante alors qu'ils occupent actuellement moins de 5 % des effectifs. Cette évolution sera au cœur de la prochaine COG.

L'assurance maladie a montré sa capacité de réaction en mettant en place en six mois, dans le cadre de l'opération du médecin traitant, un système de traitement de masse de 38 millions de déclarations nouvelles, tout en réduisant considérablement les coûts de gestion et sans embaucher de personnel. Il est donc possible de mobiliser le réseau autour d'un objectif clair. Aujourd'hui, la réforme confie de nouvelles compétences à l'assurance maladie, l'enjeu des années 2004-2006, c'est qu'elle se montre à la hauteur. Il faut donc modifier notre stratégie, et c'est ce que nous sommes en train de faire avec les nouvelles orientations sur la gestion du risque qui comporteront, notamment, un développement des services dédiés aux assurés, en particulier en direction des plus gros consommateurs.

Je ne suis pas certain que le contrôle soit la réponse la plus appropriée aux patients qui souffrent d'affections de longue durée. Nous devons développer l'accompagnement en prévention primaire et secondaire, mettre en place de nouveaux protocoles et les gérer de façon active. C'est un véritable enjeu car il est vrai que nous avons devant nous huit millions de protocoles à réaliser et à suivre. De ce point de vue, les effectifs du service du contrôle médical ne sont vraisemblablement pas suffisants, d'autant que deux cents postes sont actuellement vacants. Il va donc falloir trouver les moyens d'insuffler une nouvelle dynamique à ce service, notamment pour clarifier ses métiers : accompagnement des assurés, relations avec les professionnels de santé, contrôle. De ce point de vue, la décision que nous avons prise d'annoncer à l'avance, chaque année, quels seraient les thèmes du contrôle confirme notre volonté de transparence.

Cette évolution stratégique majeure ne sera possible que si nous parvenons à des gains de productivité substantiels dans nos activités traditionnelles, dont le chiffrage relève, aux termes de la réforme, du conseil de la CNAMTS. C'est donc essentiellement pour la liquidation que nous ne remplacerons qu'un départ en retraite sur deux, en profitant pleinement des effets de la dématérialisation, grâce à la généralisation de la carte SESAM-Vitale et à la scannérisation des feuilles de soins papier. Dans la mesure où nous enregistrons actuellement 2 000 départs chaque année et où nous devrions passer bientôt à 4 000, les effectifs devraient diminuer de 2 000 équivalents temps plein. Une partie de ces emplois et des gains de productivité devront être recyclés au profit des nouveaux métiers et des nouvelles compétences. À défaut, nous ne parviendrions pas à optimiser les dépenses de santé, ce qui passe aussi par le développement de notre fonction de régulation, actuellement insuffisamment assurée. Tel sera l'enjeu de la prochaine COG.

Les précédentes ont-elles été insuffisantes ? Je ne le crois pas. À partir de 1996 nous avons engagé l'assurance maladie et les autres branches dans une logique professionnelle de programmation pluriannuelle qui a permis progressivement de gagner en efficacité. Réduire les coûts n'est pas un objectif en soi, ce qui est important c'est que le service au public soit aussi efficient que possible.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela semble sous-entendre une gestion administrative unique et une direction nationale des ressources humaines, capable de prendre en compte l'ensemble de ces mouvements.

M. Frédéric Van Roekeghem : La gestion des ressources humaines est déterminante pour les évolutions à venir. Aujourd'hui, la direction des ressources humaines est gérée, en liaison avec l'évolution du réseau, au sein d'une direction des opérations. Ce n'est pas une organisation bien efficace. Nous avons toutefois une vision globale de nos effectifs. Mais si la question est de savoir si le directeur de la CNAMTS a autorité sur la gestion des ressources humaines dans telle ou telle caisse primaire, la réponse est non. Nous avons des cadres dirigeants dans nos caisses et nous passons des contrats avec eux sur les évolutions, à partir de masses budgétaires. Cela donne des résultats. Ainsi, dans les grandes caisses parisiennes, le taux de remplacement est actuellement de 10 %, ce qu'aucun service de l'État ne serait capable de réaliser. Cela se fait sans mouvement social lourd, dans le cadre d'une négociation menée dans chacune des caisses. Les caisses parisiennes ferment des centres de production qui ne sont pas nécessaires et maintiennent des points d'accueil ; elles l'expliquent aux élus locaux et tout se passe de manière déconcentrée. Il faut donc trouver un bon équilibre entre le pilotage au niveau national, qui est indispensable pour réguler le monopole, et la capacité d'action au niveau local, qui permet parfois d'aller plus loin. C'est cet équilibre que nous recherchons.

M. Georges Colombier : Vous avez beaucoup insisté sur les suppressions de postes, mais pouvez-vous nous en dire davantage sur la réalisation d'objectifs communs à l'ensemble des caisses ?

M. Jacques Domergue : Vous avez utilisé un vocabulaire qui laisse penser que la gestion de l'assurance maladie va se rapprocher de celle d'une entreprise, ce qui n'est pas pour me déplaire car il faut en effet rationaliser son fonctionnement. L'application de la réforme est fondée essentiellement sur une modification des comportements des prescripteurs - qu'il sera bon que vos commerciaux aillent démarcher car les médecins ont souvent besoin qu'on leur tienne la main pour rédiger leurs prescriptions -, mais aussi des comportements des utilisateurs du système de santé, qui semblent plus difficiles à atteindre. Allez-vous utiliser les grands médias pour toucher nos 62 millions de compatriotes et lancer une campagne d'information à destination du grand public ? Il me semble que c'est ainsi que les Français se sentiront directement concernés par ce changement d'état d'esprit, on l'a vu avec la campagne précédente sur les antibiotiques.

Ma seconde question porte sur les relations entre l'UNCAM et les caisses primaires. Le classement de L'Expansion place certaines caisses en tête. Or, les conseils d'administration de ces caisses ne sont pas toujours en phase avec la direction et avec sa conception d'une gestion plus entrepreneuriale. Comment faire comprendre aux salariés et aux conseils d'administration qu'il faut changer de mode de gestion non pour faire des économies mais pour soigner au mieux les Français ?

M. Michel Régereau : Ce classement est distribué largement dans le réseau, mais le mensuel a omis de dire que l'assurance maladie travaillait à la fois sur les coûts et sur l'efficacité.

Il est vrai qu'il y a parfois conflit entre les conseils d'administration et la direction, parce que les premiers considèrent qu'on ne peut réduire les coûts tant que les objectifs de qualité, comme la réduction des délais d'attente et de paiement, ne sont pas atteints. C'est donc bien sur cette question de l'efficacité qu'il peut y avoir débat. Dans les directives et dans les contrats pluriannuels de gestion (CPG) qui sont négociées entre la CNAMTS et les caisses locales figure l'ensemble de ces objectifs. Il s'agit bien de se préoccuper à la fois des coûts de gestion et du service rendu. Il serait en outre illusoire de vouloir tout gérer depuis Paris. On entraîne et on mobilise mieux les directions et les cadres si on leur laisse des responsabilités au sein d'un engagement collectif.

La réflexion, qui n'est pas encore engagée, sur la reconfiguration du réseau devra partir de la déclinaison régionale des objectifs nationaux pour être mise en oeuvre au niveau le plus pertinent, qui est d'abord le département.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes satisfaits par ces grandes orientations, mais pourriez-vous étayer votre discours par des données précises sur les indicateurs d'activité que vous souhaitez mettre en œuvre, qu'il s'agisse de la dématérialisation des feuilles de soins ou des mesures de simplification administrative ?

M. Michel Régereau : Nous avons en effet des objectifs chiffrés en matière de qualité : moins de vingt minutes d'attente pour 95 % des personnes qui se présentent à l'accueil, moins de trente secondes avant une réponse à un appel téléphonique. La caisse nationale vérifie chaque année si ces objectifs sont atteints et nous sommes pour l'instant en avance.

Je veux aussi revenir sur l'évolution des métiers, en fonction de la loi, mais aussi autour de la classification commune des actes médicaux (CCAM). Avec la tarification à l'activité, la caisse d'assurance maladie va mieux savoir ce qu'elle rembourse. Un pas considérable a déjà été franchi avec le codage en pharmacie, qui a permis de voir ce qui était délivré et d'agir. De même, avec la CCAM, on comprendra mieux quels actes techniques sont réalisés. Cela nécessite des travaux de statistiques, d'études et de cartographie. Ils sont en cours à propos des gros prescripteurs, des gros consommateurs, autour, en priorité, des objectifs fixés dans la convention qui a été signée avec les médecins. Pour avancer sur d'autres sujets comme les indemnités journalières, nous attendons que la Haute Autorité de santé définissent plus précisément les protocoles, notamment en matière d'affections de longue durée.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous ne sommes pas ici pour parler de la politique de gestion du risque et de la maîtrise médicalisée mais, conformément aux missions de la MECSS, des outils. Il convient donc que nous revenions aux objectifs ainsi qu'aux financements dont vous avez besoin.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Comment voyez-vous la future COG ? Quels indicateurs nouveaux devrait-elle comporter ? Quelles méthodes de simplification demanderiez-vous à l'État ? Pensez-vous que le réseau actuel, qui date de 1945, et sa multitude d'échelons sont encore adaptés ? Avez-vous déjà une idée quant à d'éventuelles restructurations ? C'est sur ces questions précises que nous souhaitons vous entendre puisque notre mission doit traiter de l'organisation et des coûts de gestion des caisses et non de la maîtrise médicalisée.

M. Frédéric Van Roekeghem : Le travail de préparation de la prochaine COG va s'étaler sur plusieurs mois, en passant en revue l'ensemble de nos missions afin de voir quels outils et quel format de réseau sont les mieux à même de nous permettre de les remplir. Il m'est donc quelque peu difficile d'anticiper sur les résultats des travaux à venir. En octobre, nous disposerons d'orientations sur l'évolution du réseau qui tiendront compte des cahiers des charges pour la gestion des risques et pour les relations avec les usagers, en particulier en ce qui concerne l'hospitalisation et le médicament. Mais on peut d'ores et déjà tracer un certain nombre de pistes. En particulier, une gestion plus entrepreneuriale de l'assurance maladie est nécessaire pour lui permettre de développer ses compétences d'assureur en santé. Cela signifie qu'il faudra dégager des enveloppes financières importantes pour rénover notre système d'information. L'audit mené par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) montre qu'il faudra investir 1,1 milliard d'euros en quatre ans pour transformer un système trop peu réactif et trop segmenté, qui n'offre pas de connexion, par exemple, entre les logiciels médicaux et administratifs. L'informatique est un investissement indispensable à toute modernisation.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Si je comprends bien, vous escomptez 200 millions d'euros d'économies de la réduction de la masse salariale, tandis que la modernisation de l'informatique devrait coûter 1,1 milliard.

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous avons besoin d'un système d'information très évolué. Je prends un exemple : lorsque le service du contrôle médical refuse une entente préalable, il faut le notifier aux services administratifs, mais il n'y a pas de lien informatique entre les systèmes et l'on n'est pas certain qu'une deuxième demande ne serait pas acceptée. Ce sont des problèmes simples mais qui nécessitent un traitement informatique approfondi.

M. Pierre Morange, coprésident : On peut quand même s'étonner que de telles réflexions de bon sens n'aient pas été faites plus tôt. Par ailleurs, la gestion très lourde des indemnités journalières fait partie des fameux indicateurs d'activité et nous aimerions qu'on nous fournisse des informations sur ce sujet, comme sur un certain nombre d'autres, en particulier l'absentéisme du personnel.

M. Frédéric Van Roekeghem : Vous m'avez interrogé également sur les mesures de simplification. Le service du contrôle médical est en partie bloqué par la nécessité de délivrer des ententes préalables sur des dossiers qui ne sont pas prioritaires au regard des enjeux et des dépenses. Il faut donc que nous ayons la possibilité de proposer rapidement, dans la future COG, des dispositifs permettant d'alléger les contraintes qui pèsent sur ce service et de le recentrer sur le suivi des patients. Ce travail est en cours. Dans le même esprit, j'étais hier à la caisse de Bordeaux, où l'on m'a confirmé que les procédures internes qui nous sont imposées par la réglementation devaient être allégées pour gagner en efficacité. Il y aura donc une partie relative à la réglementation dans nos propositions de simplification.

M. Pierre Morange, coprésident : Les dernières mesures dépendent-elles de vous-même, de l'exécutif ou du législatif ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Une grande partie relève de l'exécutif, qu'il s'agisse de notre organisation générale ou du service du contrôle médical, encore régi par des textes réglementaires. Nous devons, dans les mois qui viennent, récapituler l'ensemble des points que nous souhaitons voir évoluer.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Avez-vous l'intention, parallèlement, de demander une modification du fonctionnement hiérarchique au sein de l'assurance maladie, y compris pour le contrôle médical ? Demanderez-vous, de même, une modification de l'empilement, du périmètre, de la structure de l'ensemble caisse nationale, caisses régionales, caisses primaires ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous aurons à ce propos un débat avec le conseil de la caisse nationale et le gouvernement, mais il me semble que l'existence d'un nombre important de caisses n'empêche pas des gains de productivité, on l'a vu en 2004 et en 2005. Ce qui pose problème, c'est plutôt la mise en cohérence, notamment au niveau régional, de l'ensemble des acteurs de l'assurance maladie, en ce qui concerne, par exemple, l'offre de soins hospitaliers.

Faut-il réduire le nombre de caisses ? Il est vrai qu'elles sont très nombreuses dans certains départements, on en compte ainsi neuf dans le Nord. Nous n'écartons pas cette possibilité. On peut s'inspirer de ce qui a été fait pour le réseau de recouvrement, notamment entre les URSSAF d'Arras et de Douai. Il faudra choisir entre un renforcement de la coordination, avec le maintien d'un grand nombre d'organismes pour des raisons historiques, et des rapprochements et une mutualisation qui nous permettraient de gagner en efficacité.

S'agissant de la hiérarchie et du commandement, vous avez vu que nous jugeons important de donner une gestion plus entrepreneuriale à l'assurance maladie. De ce point de vue, la nomination des directeurs des caisses primaires et régionales par le directeur de la caisse nationale est un élément de management. Notre vision n'est pas administrative, une entreprise de 100 000 personnes ne fonctionne pas comme cela. Nous voulons disposer de cadres dirigeants responsables dans le cadre d'une politique et d'une stratégie clairement affichées, définies par le conseil et mises en œuvre par l'exécutif.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il reste encore quelques incohérences. Que pensez-vous, par exemple, des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Il est vrai que la réforme les a laissées de côté parce qu'il s'agissait de modifier l'architecture de la branche maladie et que ce sont des organes mixtes, qui travaillent en partie pour l'hospitalisation en liaison avec les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), en partie pour la branche accidents du travail, et en partie pour la vieillesse. Nous voulons utiliser leurs compétences pour développer une politique cohérente au niveau de l'UNCAM en tant qu'acheteur de soins puisque 40 % des dépenses d'assurance maladie sont hospitalières et que 10 % sont consacrées aux établissements médico-sociaux. Il faudra mettre en cohérence la réforme de l'assurance maladie et la gestion des CRAM, mais cela se fera plus facilement quand on aura homogénéisé la gestion des différentes branches.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous aimerions vivement, afin de pouvoir en suivre la mise en œuvre effective, avoir connaissance de la liste des mesures de simplification administrative que vous proposerez.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : La certification ISO des caisses, qui marquerait un progrès, fait-elle partie de vos objectifs ?

Mme Marie-Renée Babel, directrice déléguée aux ressources et au réseau : La certification de toutes les caisses primaires sera achevée le 30 juin. La procédure commence cette année pour les caisses régionales et les centres informatiques.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Comment envisagez-vous l'évolution de l'offre médicale de l'assurance maladie, dans un contexte de pénurie de personnels médicaux ?

M. Michel Régereau : La restructuration de l'offre de soins est récente et on n'a sans doute pas achevé l'analyse de cette réorientation. Les unions pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM) ont été regroupées sur une douzaine de régions. Il est envisagé d'axer les établissements sur les soins de suite et la réadaptation, secteurs pour lesquels on manque cruellement de lits. Mais bouleverser le système perturberait les équipes et dégraderait le climat social.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais une réflexion est-elle en cours sur la répartition des compétences entre le médical et le social au sein de la nouvelle architecture ?

M. Michel Régereau : La restructuration est simple. Les établissements s'orientent vers un certain nombre de spécificités, certains étant axés sur les soins, d'autres sur le médico-social. Au bout du compte, il faudra regarder, en fonction des compétences de chaque établissement, quel est le bon interlocuteur, ARH ou conseils généraux.

Nos conseils sont très attachés à l'action sociale et nous savons que, même si nous renforçons la prise en charge, les textes ne règleront jamais tout. Ainsi, les centres communaux d'action sociale doivent intervenir au cas par cas. Il faut donc préciser des critères d'action sociale pour lesquels le directeur a pleine compétence, mais aussi prévoir un regard des conseils sur les aides individuelles, ce qui leur permettrait également de constater les difficultés juridiques et politiques et d'alimenter ainsi la réflexion de l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vous avez insisté sur les gains de productivité dans les métiers traditionnels de la liquidation et de la production. Pourquoi n'avez-vous pas jugé utile d'introduire dans la nouvelle convention médicale une obligation de télétransmission pour les professionnels de santé ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : J'ai bien entendu ce que vous avez dit sur la nécessité de définir les responsabilités des uns et des autres. Pour ma part, je suis persuadée qu'on trouvera le bon dispositif si on évalue correctement ce qui se passe. Je souhaite donc savoir quels mécanismes d'évaluation sont prévus au niveau national et local.

M. Frédéric Van Roekeghem : Je crois que ce n'est pas en contraignant les professionnels de santé qu'on améliorera le taux de télétransmission. Ils se sont engagés, dans la convention médicale, à augmenter ce taux de 5 % par an. Aujourd'hui, si les généralistes télétransmettent assez largement, avec un taux de 80 %, ce n'est pas le cas des spécialistes, pour lesquels le taux tombe à 60 %. Tout l'enjeu de la maîtrise médicalisée est de parvenir à convaincre les professionnels qu'ils doivent coopérer avec l'assurance maladie. S'il n'y a pas de résultats, nous pourrons dire qu'ils ne coopèrent pas et proposer d'autres mesures.

M. Pierre Morange, coprésident : Il faudrait disposer des informations en fonction des différents types de prescripteurs et de leur statut. Enregistre-t-on le plus mauvais taux de télétransmission dans le secteur libéral, dans les établissements publics ou dans les établissements privés ? Quels sont les obstacles administratifs à l'amélioration de ce taux ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous vous fournirons cette répartition ultérieurement. Nous sommes encore, pour un temps sans doute assez bref, dans une période de montée en puissance de l'incitation à la télétransmission. Quand nous serons parvenus à plus de 80 %, nous pourrons rechercher la généralisation par des mesures obligatoires, notamment pour éviter les fraudes. Mais, pour l'instant, mieux vaut inciter que contraindre.

Mme Marie-Renée Babel : S'agissant des établissements sanitaires et sociaux de l'assurance maladie, les critères d'évaluation sont regroupés dans des contrats d'engagement. Les indicateurs retenus sont liés à l'activité et à la qualité des soins. Nous y ajouterons cette année des indicateurs liés aux différents champs de la maîtrise médicalisée, car nous souhaitons que nos établissements s'engagent dans ce domaine.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais comment faire la part, dans l'évaluation, entre le médical et le social ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : On a dit qu'il était important de voir, dans le secteur médico-social, quelle est la place des conseils généraux, des CRAM, des caisses. Mais il est évident qu'il faut traiter la question du lien entre médical et médico-social et que les responsabilités sont plutôt moins clairement établies depuis les lois de décentralisation. Pour savoir qui est le chef de file et qui exerce les responsabilités, on a besoin d'une évaluation. Je souhaite donc savoir de quels dispositifs vous vous dotez pour la mener.

M. Frédéric Van Roekeghem : Pour l'analyse de l'offre de soins dans les territoires, y compris pour les établissements de l'assurance maladie, le pivot est l'ARH. Pour notre part, notre métier est plutôt celui de gestionnaires de risques mais il se trouve qu'à travers les UGECAM, nous sommes aussi opérateurs. Cela étant, quand on voit que nous sommes, par le biais de l'UGECAM d'Alsace, propriétaires d'un centre de médico-chirurgie obstétrique situé à quelques mètres du CHU, on se dit qu'il est effectivement nécessaire de rationaliser pour obtenir de meilleurs résultats.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), et M. Patrick Hermange, directeur.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, je vous remercie de vous être rendus à l'invitation de la MECSS et donne d'entrée de jeu la parole à notre rapporteur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je vous remercie, à mon tour, de votre présence ce matin. Vous êtes en train de négocier la future convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche vieillesse du régime général pour 2005-2008, qui intégrera à la fois les tâches nouvelles liées à la réforme des retraites et l'augmentation de la productivité. La Cour des comptes a fait un bilan mitigé de la précédente COG, et la comptabilité analytique dont vous êtes maintenant dotés fait apparaître un accroissement des coûts de production, notamment du fait des coûts de personnel. Quels seront, sachant cela, vos objectifs de performance et de productivité ? Comment remédier aux défauts des COG précédentes ? Quels nouveaux indicateurs introduire ? Et quelle échéance est prévue pour la signature de la convention ?

Mme Danièle Karniewicz : Nous venons d'achever la COG 2001-2004, qui était orientée avant tout vers la qualité du service rendu et vers la proximité. Bilan « mitigé » ? Il faut tout de même rappeler que les évolutions législatives intervenues durant ces quatre années ont été très importantes, et ont constitué une charge considérable : le passage à l'euro, les 35 heures, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), la réforme des retraites. Et cette dernière a dû s'appliquer très vite, avec des décrets d'application dont certains sont sortis au tout dernier moment.

M. Patrick Hermange : Nous avons naturellement lu avec beaucoup d'attention les analyses et les recommandations de la Cour des comptes, et si la nouvelle COG a été bâtie en tenant compte de ce bilan « mitigé », je souhaite néanmoins le remettre en perspective, au regard de deux éléments principaux.

Tout d'abord, il n'est pas facile de faire des progrès de productivité importants quand 70 % des dépenses sont des dépenses de personnel, un personnel dont il est difficile, qui plus est, de se séparer. C'est pourquoi la convention 2001-2004 a surtout recherché l'amélioration, d'ailleurs reconnue par la Cour des comptes, de la qualité du service, ainsi que la construction d'instruments et de politiques ayant vocation à dégager dans un deuxième temps des progrès de productivité, notamment par la dématérialisation du transfert des données sociales des entreprises et la modernisation des supports informatiques, le tout dans un contexte où très peu de nos employés sont partis à la retraite.

Ensuite, la branche a su prendre en charge la réforme des retraites, et notamment sa mesure-phare : les départs anticipés avant soixante ans pour les longues carrières. A moyens à peu près équivalents, puisqu'un certain nombre de créations d'emplois avaient été accordées, la branche a accru sa production de 25 %. Au total, les progrès de productivité ont été évalués à 14 % pour la période 2001-2004.

Quels sont nos objectifs de performance ? Ceux de la nouvelle COG, adoptée par le conseil d'administration au début de mars, sont davantage tournés vers les progrès de productivité. Nous avons une fenêtre d'opportunité majeure, avec 1 600 départs à la retraite prévus dans les prochaines années sur un effectif de 13 700, pour mettre en œuvre les chantiers élaborés en 2001-2004, qui devraient amener des gains non négligeables, avec une progression prévue de la charge de travail de 16 % sur quatre ans. Nous avons regardé avec beaucoup d'attention les constatations de la Cour des comptes, qui a mis en relief, et nous adhérons à cette analyse, la place sans doute insuffisante des progrès de productivité dans la précédente convention. C'est dans ce contexte que nous avons densifié à la fois les politiques mises en place et le nombre d'indicateurs chiffrés relatifs à cette notion.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous entendons bien tout ce que vous nous dites, mais y a-t-il, in fine, des objectifs précis et chiffrés ? En matière de remplacement des départs à la retraite, par exemple ? De coût de liquidation par pension ? Quels objectifs vous donnez-vous, compte tenu à la fois des complexités liées à la diversification des parcours professionnels et des possibilités ouvertes par la dématérialisation des données et l'informatisation des processus ?

M. Patrick Hermange : Pour la liquidation, qui est notre cœur de métier, la nouvelle COG prévoit des progrès annuels de productivité de 2,5 %, soit environ 10 % en quatre ans. Pour la collecte des données sociales auprès des entreprises, autre cœur de métier de la branche, les progrès prévus sont plus importants encore, de l'ordre de 6,5 % de plus.

M. Pierre Morange, coprésident : Et pour les départs à la retraite ?

M. Patrick Hermange : Nous en prévoyons, je parle sous le contrôle de M. André Fito, quelque 1 600 au total en 2005-2008. Mais il faut savoir que la progression de l'activité, évaluée à 16 % comme je l'ai dit à l'instant, connaîtra une « bosse » importante en 2005-2006, liée à la montée en puissance du droit à l'information, c'est-à-dire à l'abaissement de 58 à 54 ans de l'âge où nous devrons donner aux assurés des estimations de leurs droits à pension. Afin de faire face à ce surcroît d'activité au cours de ces deux années sans augmenter nos effectifs permanents, nous avons prévu trois dispositifs.

La précédente COG nous autorisait à créer 1 200 emplois supplémentaires en 2003-2004, pour anticiper le « papy-boom » ; ces emplois sont consolidés. En second lieu, 300 autres postes seront créés en 2005, dont 60 nous ont d'ailleurs été accordés par la tutelle dès la fin de 2004 à la suite de l'intervention du conseil d'administration, soucieux des difficultés de mise en œuvre de la réforme des retraites. Enfin, nous avions prévu, pour faire face au pic d'activité de 2005-2006, l'embauche de 300 personnes sur CDD ; le conseil d'administration ne nous a pas suivis, et a choisi une autre option, que Mme la Présidente va vous exposer.

Mme Danièle Karniewicz : Nous avons préféré, s'agissant d'emplois forcément limités dans le temps, embaucher trois cents seniors. Il nous a semblé que nous devions saisir cette occasion, que c'était à nous de le faire, mais cela n'a pas été facile.

M. Pierre Morange, coprésident : Des seniors de quel âge ? Et qui avaient suivi quel parcours professionnel ?

Mme Danièle Karniewicz : Entre 55 et 57 ans. Les former ne sera pas facile, car la liquidation est un métier très particulier, mais c'est une raison de plus pour investir dans une formation de quelques mois pour des gens qui vont travailler plusieurs années, et non pas le temps d'un CDD. Cela nous a paru important que la branche vieillesse favorise l'emploi des seniors.

M. Pierre Morange, coprésident : Et quel sera le taux de remplacement des départs à la retraite ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Pour ma part, je souhaite savoir comment se répartissent, par grandes familles de métiers, vos 13 700 employés.

Par ailleurs, je crois qu'en Ile-de-France vous faites directement la liquidation, sans passer par la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) comme dans les autres régions. Pourquoi ? Est-il envisageable de procéder de la même façon ailleurs ? Est-ce que cela vous coûte plus cher, ou est-ce l'inverse ? Bref, quelle est votre articulation avec les CRAM, et quel jugement portez-vous sur cette articulation ?

M. Pierre Morange, coprésident : Et quel est le coût de liquidation d'une retraite ?

M. André Fito : Ce coût est de 6,05 euros en 2005 et devrait être de 5,30 euros en 2008. Cela fait partie de nos indicateurs.

S'agissant du taux de remplacement, nous aurons, au 31 décembre 2008, 285 personnes de moins qu'au 31 décembre 2004. Nous allons commencer la période de quatre ans avec plus de recrutements que de départs, et nous l'achèverons avec un taux de remplacement compris entre 50 et 60 %.

M. Patrick Hermange : De 14 926 personnes en 2005, les effectifs passeront à 14 393 en 2008, compte tenu de la « bosse » d'activité que j'évoquais il y a un instant.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quelle est la répartition par métiers ?

M. André Fito : En 2004, sur 14 246 personnes, 933 travaillaient au traitement des déclarations annuelles des données sociales des entreprises ; elles seront 791 en 2008, soit environ 15 % de moins.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Ces déclarations vous arrivent-elles sur papier ou par transmission électronique ?

M. André Fito : La moitié des déclarations nous sont transmises par l'Internet, l'autre moitié sur papier ou support magnétique. Mais la dématérialisation concerne les trois quarts des salariés, étant donné que ce sont surtout les petites entreprises qui recourent encore au support papier.

Le droit à l'information, qui comprend notamment les rectifications et réclamations, devrait occuper 234 personnes en 2008. Les retraites proprement dites, c'est-à-dire la régularisation des carrières, la liquidation des droits, le contrôle et le versement des prestations, occupent 9 226 personnes, qui seront 9 557 en fin de COG, soit 3,6 % de plus. L'action sociale, 424 personnes, qui ne seront plus que 394, les processus transversaux, 2 076 personnes, qui ne seront plus que 1 926, soit 7 % de moins. L'informatique, 778 personnes en 2004 et 628 en 2008, soit une diminution de 19 %, grâce à la concentration des centres de traitement. Enfin, les fonctions nationales occuperont 818 personnes au lieu de 780, soit une hausse de 4,9 %.

M. Pierre Morange, coprésident : De quoi s'agit-il ?

M. André Fito : Du rôle de tête de réseau joué par la CNAMTS : gestion budgétaire, une partie de la comptabilité, de l'informatique, etc...

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est votre réflexion sur les 394 postes prévus pour l'action sociale en 2008 ?

M. Patrick Hermange : Ce volume d'emplois est à mettre en regard des orientations de la nouvelle COG, dont un chapitre particulier tire les conséquences de la création de l'APA, désormais confiée aux conseils généraux, tandis que nous-mêmes nous occupons davantage des personnes en faible perte d'autonomie, avec une forte politique de prévention, des partenariats renforcés avec les conseils généraux, les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) ou les coordinations gérontologiques, de la fonction d'évaluation des besoins globaux de la personne, ainsi que du maintien d'une aide non négligeable à la modernisation des établissements et à la diversification  des lieux d'accueil. Tout cela requiert tout de même un certain volume de personnel, même si l'informatisation et le recours à l'Internet permettent des gains de productivité.

M. Pierre Morange, coprésident : Je voudrais revenir à la question précise posée par M. Jean-Marie Le Guen sur l'Ile-de-France et sur vos liens contractuels avec les CRAM des autres régions. Et je voudrais aussi faire le lien avec celle posée par Mme Paulette Guinchard-Kunstler lors de l'audition précédente, sur la frontière entre le médical et le social, qui sera d'ailleurs le troisième thème de réflexion de la MECSS. Il est important en effet de clarifier les choses, et ce sans contester la compétence des uns ou des autres, mais tout simplement pour rationaliser les moyens et pour rendre le système plus lisible, aussi bien par le citoyen qui le finance que par celui qui en bénéficie.

M. Patrick Hermange : Historiquement, la CNAVTS est également caisse régionale pour l'Ile-de-France pour le traitement des retraites. C'est un sujet qui fait débat depuis de nombreuses années, notamment au conseil d'administration, mais mon expérience de directeur général me fait dire que le fait que la caisse nationale soit opérateur sur le terrain est loin d'avoir des effets négatifs, bien au contraire. Il s'agit certes d'une lourde charge pour les 4 000 agents de la caisse nationale, mais j'y vois un avantage considérable : cela nous donne une plus grande légitimité pour dialoguer avec les caisses régionales, car nous savons ce que c'est que d'être opérateur nous-mêmes, nous savons ce qu'il est possible de leur demander de mettre en œuvre sur le terrain et où sont les difficultés. C'est une originalité dans l'architecture de la sécurité sociale française, j'en conviens, mais ce n'est pas un handicap, loin de là. Et c'est sans doute une source d'économies.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans ces conditions, pourquoi ne pas généraliser ce système aux autres régions, au nom de l'efficacité, de la rationalisation ? Ou faire l'inverse, pour ceux qui estiment que la caisse nationale doit avoir plus de distance par rapport au terrain ? J'aimerais que Mme la Présidente nous donne son point de vue.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je voudrais que nous parlions de votre réseau. Vous auriez, semble-t-il, un peu plus de 2 000 structures de proximité. Avez-vous une stratégie de restructuration ou de réorganisation de votre implantation territoriale ?

D'autre part, si la liquidation des retraites, qui est votre métier principal, est plutôt centralisée, vous faites également de l'action sociale, dont la compétence appartient désormais essentiellement aux conseils généraux. Quelles relations vos antennes locales entretiennent-elles avec eux ? Et est-il indispensable que vous conserviez des antennes locales ?

M. Patrick Hermange : J'ai dit que ce n'était pas un handicap d'être à la fois caisse nationale et caisse régionale, je n'ai pas parlé du réseau lui-même. J'estime que sa structure actuelle, avec des caisses régionales en nombre limité - seize en métropole, plus quatre caisses générales de sécurité sociale (CGSS) dans les départements d'outre-mer - est une bonne architecture, performante, et facile à gérer. Nous réunissons tous les deux mois les directeurs de caisses régionales, et nous avons en outre des réunions thématiques avec leurs collaborateurs. Cela permet un management très rapproché.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Mais pourquoi ces seize caisses ne sont-elles pas intégrées à la CNAVTS ? Quel intérêt y a-t-il à ce que ce soient des caisses d'assurance maladie qui s'occupent de retraites ? Autrement dit, pourquoi la CNAVTS ne fait-elle pas partout ce qu'elle fait en Ile-de-France ?

M. Patrick Hermange : Il serait tout à fait envisageable de créer des caisses régionales d'assurance vieillesse (CRAV). Il en existe d'ailleurs une en Alsace-Moselle.

M. Pierre Morange, coprésident : Même sans créer quoi que ce soit, pourquoi ne pas simplement étendre le dispositif actuel, en reprenant les compétences actuellement assumées, dans les régions, par les CRAM, au titre du parallélisme des formes et de la lisibilité du système ? Y a-t-il, au sein de la CNAVTS, une réflexion sur ce sujet ?

M. Patrick Hermange : Nous n'envisageons pas une gestion centralisée au niveau national de l'ensemble du régime général d'assurance vieillesse. Nous considérons que le fait de s'appuyer sur des caisses régionales est une bonne chose. Est-il légitime ou non que ces caisses régionales soient, comme c'est le cas depuis trente ou quarante ans, des caisses d'assurance maladie ? Il serait tout à fait légitime de créer des CRAV, et cela donnerait assurément au système la lisibilité dont il manque, mais le fait que les CRAM assurent plusieurs fonctions génère des synergies utiles, et non négligeables, pour la branche vieillesse. La première illustration, importante, en est la politique d'action sociale des CRAM, qui permet de faire le lien entre le sanitaire et le social. Le directeur régional de la CRAM, rappelons-le, est aussi vice-président de l'ARH, et siège dans de nombreuses instances sanitaires. Et l'on sait combien les politiques menées en direction des personnes âgées souffrent, et ce depuis longtemps, de la coupure entre le social et le sanitaire.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Quelles sont les sommes affectées par l'assurance vieillesse à l'action sociale ?

M. Patrick Hermange : Environ 2,5 milliards de francs, soit 375 millions d'euros.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Dès lors que l'essentiel de l'action médico-sociale en direction des personnes âgées est du ressort des conseils généraux, avec une articulation éventuelle avec les municipalités et un financement possible par la future caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), quelle est la valeur ajoutée de l'action sociale de la CNAVTS, mis à part le fait qu'elle apporte de l'argent ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : J'ai une question complémentaire sur le nombre d'antennes locales dans l'hexagone, qui semble relativement important ?

M. Pierre Morange, coprésident : On peut aussi s'interroger sur la notion de synergie, qui conduit souvent à justifier une action par le fait qu'elle est conduite selon un mode opératoire différent. Je reviens à ma question : pourquoi ne pas généraliser ce qui se fait en Ile-de-France ? Quelle est la pertinence de l'intervention des CRAM dans la liquidation des pensions ? Et s'agissant plus généralement des relations entre le sanitaire et le social, il demeure que la multiplicité des acteurs - conseils généraux, CNSA, assurance maladie - pose quand même problème.

Mme Danièle Karniewicz : Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par « généraliser » la structure nationale : s'agirait-il de créer des directions régionales ?

M. Pierre Morange, coprésident : La question est simple : pourquoi les retraites ne sont-elles gérées par l'assurance vieillesse elle-même qu'en Ile-de-France, et dans les autres régions par l'assurance maladie ?

Mme Danièle Karniewicz : Il y a un besoin de proximité, de structures d'accueil des assurés. C'est évident.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous ne nous situons pas dans une perspective de régionalisation ni de projection sur le terrain. Nous demandons simplement pourquoi l'assurance vieillesse ne gère pas directement ses propres prestations dans toute la France ? Si vous le faisiez, est-ce que cela vous fait gagner en légitimité, en efficacité, en productivité ? Ou est-ce qu'au contraire tout le système serait frappé d'embolie ? Ou est-ce qu'il s'agit en fin de compte d'une question purement politique, liée à l'histoire ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : Je suis impressionnée, pour ma part, par le grand nombre de cabinets de consultants qui s'installent, partout en France, sur le créneau de l'assistance à la liquidation de la retraite. Est-ce que cela vous a amenés à réfléchir à la complexité du système, qui est une grande source de préoccupation pour les gens ? Et est-ce que, sur un plan plus terre-à-terre, l'activité de ces cabinets, que je vois sans arrêt en train de téléphoner aux caisses, vous donne du travail en plus ? Je voudrais également savoir, comme M. Jean-Marie Le Guen et M. Pierre Morange, si une liquidation organisée nationalement serait plus économique, sachant que la proximité n'est pas forcément synonyme d'efficacité, compte tenu des possibilités offertes par l'Internet.

Deuxièmement, et je sais que c'est une question à laquelle vous êtes sensibles, le lien entre le médical et le social est, de toutes les questions relatives à l'organisation de notre protection sociale, l'une des les plus importantes, peut-être même la plus importante, ne serait-ce qu'à cause de la prévention, qui ne sera jamais organisée de façon satisfaisante tant que cette question ne sera pas traitée. Vos liens avec les CRAM illustrent d'ailleurs cette question, tout comme, dans le sens inverse, votre politique d'action sociale. Or il n'y a pas de lieu prévu pour des décisions prises en commun. Je lis dans la COG qu'il y a une logique de partenariat, notamment dans le domaine de l'action sociale, mais y a-t-il une réflexion de votre part sur les liens, au niveau local notamment, entre le social, le sanitaire, le médico-social ?

La caisse d'allocations familiales (CAF) a la chance extraordinaire d'être seule à décider dans le champ de la petite enfance. On a voulu faire des « contrats personnes âgées » sur le modèle des contrats petite enfance, mais on s'est heurté à la multiplicité des structures. Ce qui manque, c'est d'une part une logique de recherche de la connaissance, que la CNAVTS a mais qu'il reste à démultiplier sur le terrain, et d'autre part un lieu où seraient organisées les politiques. Je voudrais que vous nous expliquiez ce sur quoi vous achoppez.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : C'est une question qui relève plutôt du troisième thème de réflexion de la MECSS.

J'envisagerai, pour ma part, les choses d'une façon pour ainsi dire transversale : quel intérêt y a-t-il à ce qu'il y ait dans les CRAM, hors Ile-de-France, des dispositifs qui pourraient être chez vous ? Vous avez argué de la coordination entre le médical et le social. Mais quel intérêt y a-t-il, indépendamment de l'affectation des sommes, à cette multiplicité d'intervenants sur des prestations qui devraient être coordonnées ?

Mme Danièle Karniewicz : La notion de proximité est fondamentale. Le besoin des assurés, aujourd'hui, n'est pas d'accéder à l'Internet, mais de disposer de points d'accueil, avec des gens en face d'eux qui traitent leur dossier, depuis le moment où ils viennent exposer leur problème jusqu'à la liquidation complète des droits. Quant aux liquidateurs privés, qui sont nombreux c'est vrai, ils aident les gens à faire le point entre le régime général et les complémentaires, et entre les régimes privés et publics pour ceux qui ont des carrières mixtes. Tout cela sera résolu quand sera mis en place le droit à l'information des assurés, droit qui sera assuré à chacun par le dernier régime auquel il aura été affilié. Mais le besoin de proximité est fondamental.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous ne le contestons pas, mais notre question n'est pas celle-là. Pourquoi l'organisation qui vaut pour l'Ile-de-France ne vaudrait-il pas ailleurs ? Quant à la frontière entre le médical et le social, fait-elle l'objet d'une réflexion au sein de votre branche, ainsi qu'avec les CRAM, et si oui, dans quel délai est-il prévu qu'elle aboutisse ?

Mme Danièle Karniewicz : Ma réponse portait sur la liquidation, mais s'agissant du médico-social, il y a des instances territoriales de coordination, dont nous faisons d'ailleurs partie, entre l'action sociale et l'action médicale.

M. Pierre Morange, coprésident : Ma question portait surtout sur l'étage régional, sur l'application possible à toute la France du modèle en vigueur en Ile-de-France.

M. Patrick Hermange : Le mode de traitement des dossiers est exactement le même en Ile-de-France et ailleurs : décentralisation et proximité. Il n'y a pas de processus spécifique à l'Ile-de-France.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Combien de personnes sont chargées de la liquidation des retraites en Ile-de-France ?

M. André Fito : 1 200 personnes.

M. Patrick Hermange : J'insiste sur le fait que le mode d'organisation est le même.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Alors, pourquoi ne pas faire les choses de la même façon dans les autres régions ?

Mme Danièle Karniewicz : Je ne comprends pas l'angle de la question.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : C'est très simple, n'y voyez pas malice. J'entends bien que les dossiers sont traités et que les gens touchent leur retraite, mais pourquoi est-ce fait par les CRAM plutôt que par l'assurance vieillesse ?

M. Pierre Morange, coprésident : Pourquoi n'appliquez-vous pas les principes établis par l'ordonnance de 1967 ?

M. Patrick Hermange : Nous pourrions le faire, et reprendre toute la gestion des retraites sous notre autorité. Mais pour cela, il nous faudrait des points d'appui, créer des caisses régionales d'assurance vieillesse, des directions régionales de la CNAVTS.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Quels seraient les avantages et les inconvénients, selon vous, de cette solution ? Est-ce une recommandation que vous nous faites, ou attendez-vous que le Parlement dise son mot sur le sujet ?

Mme Danièle Karniewicz : L'avantage que j'y vois serait d'assurer une meilleure lisibilité, je le dis depuis le début.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes heureux d'avoir enfin une réponse à la question que nous posons depuis un certain temps déjà.

Mme Danièle Karniewicz : Par contre, il faut aussi une certaine complémentarité d'action, qui devrait alors être organisée autrement, entre le sanitaire et le social. Mais cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas le faire.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce n'est pas contradictoire. Mais nous enregistrons le fait que cela vous paraît plus lisible et plus cohérent.

Mme Danièle Karniewicz : Plus lisible, certainement. Plus cohérent, pas forcément.

M. Jacques Domergue : On gagnerait certainement en lisibilité, mais en moyens humains ?

M. Patrick Hermange : Sans doute pas, car l'un des avantages de l'organisation actuelle est de mutualiser certaines fonctions transversales, comme les paiements, la comptabilité, la gestion des ressources humaines.

M. Georges Colombier : Il y a quelque chose qui m'échappe. Vous avez dit qu'il y avait 13 700 salariés, et une chance à saisir avec le départ de 1 600 personnes à la retraite d'ici à 2008. Mais ensuite, vous avez fait état de 14 926 salariés en 2005, et de 14 393 en 2006. Cela signifie-t-il que les départs seront compensés par des embauches, éventuellement dans d'autres métiers, auquel cas il n'y aurait pas réduction des effectifs ?

M. Patrick Hermange : Il y aura des restructurations importantes. Dans certains secteurs, les départs ne seront pas compensés, alors qu'ils le seront, parfois même au-delà, dans ce qui est notre cœur de métier.

M. André Fito : Au total, les effectifs seront réduits en fin de période, c'est-à-dire en 2008.

Mme Danièle Karniewicz : Vous semblez conclure que nous serions d'accord pour créer des caisses régionales d'assurance vieillesse. Nous avons reconnu que la lisibilité y gagnerait, mais non pas que les coûts en seraient abaissés. Je suis même persuadée du contraire, sans pouvoir vous dire de combien.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons aussi noté que vous aviez reconnu que la lisibilité serait plus grande. Le coût est une autre question, qui fait d'ailleurs partie des réflexions de la MECSS.

Madame, Messieurs, nous vous remercions.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), et M. Philippe Georges, directeur général.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie de vous être rendus à notre invitation. L'objet de la MECSS, je le rappelle, est de réfléchir à la rationalisation et à l'optimisation des moyens des différentes branches de la sécurité sociale, en procédant par questions et réponses précises plutôt qu'en se livrant à de longues considérations de politique générale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je vous remercie également d'être venus ce matin. Vous avez reçu il y a quelques mois le rapport de la Cour des comptes, qui a évalué votre convention d'objectifs et de gestion (COG) pour 2001-2004 et révélé une légère dégradation des indicateurs de gestion, ainsi que l'absence de comptabilité analytique, et donc de possibilité d'évaluer les gains de productivité. Vous êtes en train de négocier la COG pour 2005-2008 ; c'est une excellente occasion de discuter de ces questions. La Cour des comptes a constaté en outre une progression de 10 % des effectifs en sept ans. Quels sont les facteurs qui expliquent cette croissance ? Y a-t-il de nouvelles créations d'emplois en vue ? Et pourquoi ne vous êtes-vous pas dotés d'une comptabilité analytique ?

Mme Nicole Prud'homme : Sans doute souhaitez-vous que je commence par vous présenter la CNAF et ses activités.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous les connaissons très bien. L'objet de cette réunion est de procéder par questions et réponses sur des sujets précis, en particulier la COG, ses indicateurs et ses objectifs.

Mme Nicole Prud'homme : Je dirai donc simplement que, sur les dix millions d'allocataires de la CNAF, quelque 40 % ne sont pas des personnes chargées de famille stricto sensu. Nous avons 13 % d'allocataires du RMI en plus, 12 % d'allocataires de l'allocation adulte handicapé (AAH), 16 % d'allocataires de l'allocation de parent isolé (API), ce qui représente pour nous une charge supplémentaire non négligeable, qui se traduit notamment par 10 % de visites et 15 % de courriers en plus.

S'agissant du public « familial » au sens strict, les situations familiales se modifient, et ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, ce qui contribue également à accroître notre charge de travail, indépendamment de la dégradation des situations sociales proprement dites. J'ajoute que l'évolution de la réglementation et de la législation crée aussi des charges supplémentaires. Quelques exemples : la décentralisation du RMI, la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), le barème unique de logement, ainsi que la prise en charge des allocations familiales versées aux fonctionnaires de l'Etat, de la Poste et de France Télécom.

Il y a donc une légère, une très légère dégradation des indicateurs de gestion, la part des frais de gestion rapportés aux prestations servies étant de l'ordre de 3 %. J'ai apporté les graphiques, qui sont plus parlants qu'un long discours. De 3 % en 2001, nous sommes passés à 3,3 % en 2002 et revenus à 3,2 % en 2003 - mais il faut se rappeler que nous étions à 3,8 % en 1994. Il y a donc bien une très légère dégradation, mais les variations restent de l'ordre de quelques dixièmes de point.

M. Philippe Georges : Nous n'avons pas, c'est vrai, de comptabilité analytique, mais nous avons d'autres dispositifs de connaissance des coûts et des activités, comme le Recueil national des données des CAF, ou RNDC, qui fournit les réponses à beaucoup des questions qui nous ont été posées dans le cadre des contrôles. L'outil comptabilité analytique ne répond pas vraiment à nos besoins ; ce n'est pas un refus de notre part, mais nous considérons que le RNDC est suffisamment complet, d'ailleurs il intéresse même des entreprises privées. Il est évidemment perfectible, et nous développons d'ailleurs des outils automatisés de comptage dans les CAF pour s'assurer de la fiabilité des données.

S'agissant de la croissance des effectifs, il importe de tenir compte des données de cadrage. La branche a connu une période très difficile autour de l'an 2000, le nombre de dossiers s'est accru et le service s'est réellement dégradé. La raison principale en était la croissance du nombre d'allocataires, notamment du RMI. L'un de mes prédécesseurs s'était engagé à gérer le RMI à effectifs constants, mais c'était sur la base de 300 000 allocataires, qui sont devenus plus d'un million en quelques années ! Nous sommes depuis longtemps autour de ce niveau, ce qui a provoqué une réelle crise, que le changement de système informatique n'a fait que rendre plus criante encore, notamment en Ile-de-France. C'est pourquoi nous avons demandé 900 postes supplémentaires aux pouvoirs publics, qui nous les ont accordés, et cela nous a permis de rétablir un bon niveau de qualité de service.

M. Pierre Morange, coprésident : Des postes en CDD ou en CDI ?

M. Philippe Georges : En CDI.

M. Pierre Morange, coprésident : Pour faire face à un surcroît temporaire d'activité ?

M. Philippe Georges : Pas si temporaire que cela, puisque le nombre de bénéficiaires du RMI est resté à un niveau très élevé.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels seront précisément les indicateurs d'activité contenus dans la nouvelle COG en cours d'élaboration ?

S'agissant d'autre part des ressources humaines, quelles conséquences tirez-vous de la pyramide des âges ? Avez-vous une réflexion sur le taux de remplacement ? Y a-t-il une gestion administrative unique, au niveau national, des ressources humaines ?

Enfin, vous avez évoqué les complexités administratives, mais la PAJE a précisément vocation à simplifier les choses, puisqu'elle regroupe plusieurs prestations. Comment expliquez-vous la complexification dont vous faites état, et qu'est-ce qui serait susceptible, selon vous, de simplifier votre travail ?

Mme Nicole Prud'homme : Compte tenu de la composition des conseils d'administration, national et locaux, tout ce qui touche à l'emploi est très sensible. L'évaluation du nombre des départs à la retraite a été faite. S'agissant de la nouvelle COG, je suis en attente de la décision du conseil d'administration la semaine prochaine, mais les choses paraissent à peu près stabilisées, et prennent en compte les attentes générales de la MECSS et l'environnement global de l'évolution de l'emploi dans le secteur public. Notre posture me paraît raisonnable, puisque nous acceptons une légère diminution des effectifs par non-remplacement des départs à la retraite. Au 1er janvier 2005, nous avons absorbé les fonctionnaires de l'Etat hors éducation nationale, ces derniers devant être absorbés au 1er juillet, soit un total de près de 220 000 allocataires en plus des prestations familiales. La fonction publique m'a indiqué que leur gestion employait, dans les ministères, 600 équivalents temps plein. Si le conseil d'administration accepte non seulement de gérer ces nouveaux allocataires sans coût de personnel supplémentaire, mais encore en ne remplaçant qu'une partie des départs, cela signifie bien que nous sommes dans une logique d'accroissement de la productivité.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris que la charge de travail augmentait avec l'évolution des structures familiales, la hausse du nombre des érémistes, la prise en charge des prestations familiales des fonctionnaires, mais au total, pour reprendre le rapport de la Cour des comptes, il y a tout de même eu 24 % d'effectifs en plus en sept ans, soit un total de 33 000 salariés. Vous disposez forcément d'éléments sur la pyramide des âges au sein de la caisse, et donc sur le nombre probable des départs à la retraite au cours des cinq prochaines années. Combien y en aura-t-il chaque année ? Quelles réflexions cela vous inspire-t-il ? Quelle réduction des effectifs envisagez-vous au cours des cinq prochaines années ? Tout cela nous renvoie à ma question de tout à l'heure : y a-t-il une gestion administrative unique ?

Mme Nicole Prud'homme : Nous prévoyons 3 000 départs en quatre ans.

M. Philippe Georges : Avec toutefois une incertitude liée à l'évolution des régimes de retraite et à celle des comportements. Le taux de remplacement est l'un des deux principaux éléments de la négociation de la COG avec l'Etat. Nous sommes d'accord pour ne remplacer que partiellement les départs, mais la négociation porte sur le pourcentage.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : 3 000 départs sur 33 000 salariés, cela fait moins de 3 % par an.

M. Philippe Georges : Raisonner en nombre de salariés est une chose, raisonner en nombre d'heures travaillées en est une autre : compte tenu de la réduction du temps de travail, ce nombre n'a pas augmenté par rapport à 1991.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous l'avons bien compris. Dans les documents que vous nous avez fait parvenir, vous évoquiez trois orientations pour améliorer la performance économique et n'excluiez pas des regroupements de caisses. Selon quelle logique, et comment seraient-ils mis en œuvre ?

Mme Nicole Prud'homme : Nous avons une réflexion sur les caisses infra-départementales, mais nous ne sommes pas les seuls acteurs. Il y a dans cette maison même des acteurs dont les opérations n'accélèrent pas le mouvement.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous apprécions cette formulation très diplomatique. Notre propos n'est pas de jouer les « cost-killers », mais de rationaliser les moyens. Sans nous mettre dans le secret des négociations ni préciser, bien sûr, la localisation territoriale des regroupements envisagés, de combien envisagez-vous de réduire le nombre des structures ? De 5 %, de 10 % ?

Mme Nicole Prud'homme : Ce sera dans la future COG, dont nous ne sommes pas les seuls rédacteurs. La question ne se pose pas tant, d'ailleurs, en pourcentage qu'en opportunité : un directeur de caisse qui part à la retraite, par exemple, c'est une occasion de rationaliser les choses au niveau du département. Nous le faisons chaque fois que nous pouvons, nous l'avons d'ailleurs fait très récemment, mais avec beaucoup de difficultés. Les élus sont même venus défiler dans mon bureau, et j'ai dû faire quelques pas en arrière. J'aimerais donc bien que tout le monde marche du même pas.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Nous avons bien compris que vous rencontriez quelques difficultés, mais y a-t-il, quand même, dans les indicateurs de la future COG, un schéma éventuel de mutualisation et de restructuration territoriale ? La Cour des comptes a regretté que la démarche reste timide. N'est-ce pas le moment d'en rediscuter avec votre conseil d'administration ? Et quels sont les autres indicateurs, outre la gestion du personnel et celle des retraites ?

M. Philippe Georges : Force est de reconnaître que le sujet n'a pas été pris à bras le corps jusqu'à présent. Toutefois, notre première préoccupation est de remettre aux pouvoirs publics un schéma directeur dans les premiers mois suivant la conclusion de la COG. Nous partons de l'affirmation que le cadre départemental est le plus approprié, ne serait-ce que parce que l'action sociale, élément important de l'activité des CAF, requiert une coopération avec les départements, qui ont compétence en la matière. Il faudra naturellement progresser dans le rapprochement des caisses infra-départementales, mais en tenant compte des réalités démographiques et géographiques : l'objectif n'est évidemment pas de faire une caisse unique pour tout le département du Nord, par exemple. Il y a d'ailleurs, dans le cadre départemental, des disparités très importantes, qui nous font penser qu'il ne faut pas tant raisonner en termes de structures que de mutualisation des moyens. Nous allons donc, dans le cadre du schéma directeur, faire l'inventaire des fonctions qui peuvent être mises en commun, dans un cadre sans doute pluri-départemental, voire régional : la gestion des paies, la logistique, la passation des marchés, l'édition de documents, le contentieux. Nous avons déjà fait une partie du travail en constituant, même si c'est de façon encore timide et à l'initiative des caisses, des pôles régionaux mutualisés, permettant de mettre en commun des postes coûteux, tels que chargés d'études statistiques ou chargés de communication. Nous allons passer d'une démarche spontanée à une démarche plus organisée, avec un véritable pilotage au niveau national.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vous avez laissé entendre que les élus pouvaient être un frein aux plans de restructuration. Quelles sont vos relations sur ce plan avec l'exécutif ? Est-ce que la direction de la sécurité sociale vous incite à aller de l'avant, à ne pas aller trop vite, ou est-ce qu'elle est neutre ? C'est important que nous le sachions, car il nous revient de contrôler l'action de l'exécutif.

M. Philippe Georges : La direction de la sécurité sociale nous imposera probablement, car il s'agit tout de même d'une négociation inégale, une contrainte budgétaire qui supposera la rationalisation de nos moyens.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Est-ce qu'elle vous le dira explicitement ?

M. Philippe Georges : Oui.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : On peut donc dire que l'exécutif, le pouvoir politique, vous incite à la restructuration ?

M. Philippe Georges : Oui, sous réserve des modalités, dont ils attendent que nous disions comment nous les envisageons. Et pour nous, cela passe plus par la mutualisation des fonctions que par la suppression de caisses infra-départementales, dont l'effet serait relativement marginal.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons reçu une lettre d'une présidente de caisse d'allocations familiales, qui s'émouvait que le Parlement ose se saisir du sujet des coûts de gestion et de l'organisation territoriale des branches de la sécurité sociale. Nous lui avons répondu, courtoisement mais fermement, que nous nous étonnions de son étonnement devant le fait que Parlement exerce ses compétences constitutionnelles. L'article 38 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie qui crée la MECSS, de surcroît, a été votée par l'ensemble de l'hémicycle, et ses thèmes d'investigations ont été validées de façon collective et unanime.

Mme Nicole Prud'homme : Qu'attendez-vous de moi en la matière ?

M. Pierre Morange, coprésident : Rien. Je voulais seulement porter le fait à votre connaissance, en aucun cas vous admonester.

Mme Nicole Prud'homme : Ce fait signifie probablement que la présidente en question n'était pas seule dans cette démarche, et que quelqu'un a dû l'aider à tenir la plume. Vous comprenez mieux, sans doute, les difficultés auxquelles nous nous heurtons.

Cela dit, je voudrais tout de même que l'on ne fantasme pas trop sur le nombre des caisses : elles sont au nombre de 123, ce qui n'est pas beaucoup plus que le nombre des départements, surtout si l'on met à part le cas particulier du Nord. Il ne faut pas s'imaginer que l'on va pouvoir supprimer 50 caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Je veux simplement rappeler, pour ma part, que la MECSS n'est pas animée par le fantasme populiste de la combustion des branches de la sécurité sociale en place de Grève, mais qu'elle recherche simplement une organisation lisible, efficace, opérationnelle, au bénéfice des assurés.

Mme Cécile Gallez : Etant députée du Nord, je me garderai de prendre position sur les caisses infra-départementales. Comme élue de terrain, je sais que le nombre des allocataires du RMI augmente, mais je sais aussi que s'il y a des économies à faire, c'est notamment sur la gestion de l'aide personnalisée au logement (APL). Les changements de situation familiale sont très fréquents, or il faut trois mois pour que le taux de l'APL soit revu en conséquence, et il est ensuite très difficile de récupérer, le cas échéant, les versements indus.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je veux rassurer Mme la présidente : nous n'avons reçu qu'une seule intervention écrite du type de celle dont il a été question. Ce n'est donc pas si grave.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : En nombre, non, mais sur le principe, si. C'est tout de même problématique pour la démocratie sociale que l'on tienne la plume aux responsables de caisse !

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous avez raison, mais Mme Nicole Prud'homme n'y est absolument pour rien. Je voudrais maintenant lui demander quelles sont ses suggestions pour simplifier la réglementation ou la législation dans le cadre des activités qui incombent aux CAF. Peut-être pourra-t-elle, d'ailleurs, nous les récapituler par écrit de façon plus exhaustive qu'aujourd'hui et nous les adresser dans quelques jours ?

Mme Nicole Prud'homme : Mme Gallez a mis le doigt là où ça fait mal : tout ce qui touche, en effet, aux allocations logement mériterait d'être simplifié, même si ce n'est ni le lieu ni l'heure d'en discuter en détail. J'ai un conseil d'administration mardi prochain, et je suis toujours en attente des barèmes de revalorisation pour 2004, je dis bien : pour 2004 ! J'ai dit qu'il y avait de plus en plus d'allocataires du RMI, de l'AAH ou de l'API, sans doute un bon nombre d'entre eux touchent-ils également l'APL, sans doute d'autres y auraient-ils droit et ne pourront-ils la toucher qu'avec retard, et peut-être d'autres au contraire vont-ils devoir reverser le trop perçu parce que leur situation a évolué favorablement, ou que le barème a changé. Et il n'est pas facile d'aller récupérer des indus chez des gens dont le revenu global est tout de même très modeste. Une simplification est donc nécessaire, et surtout des décisions plus rapides de la part des pouvoirs publics. Et je rappelle que le Médiateur de la République s'est ému, à propos d'un cas individuel, du passage du seuil de non-versement de l'allocation logement de 15 à 24 euros, ce qui représente pour certains foyers, sur un an, une mensualité de loyer.

Il est louable de vouloir tenir compte aussi finement que possible de la diversité des situations, mais c'est une démarche qui, d'un autre côté, crée des textes complexes. Aussi voudrais-je rendre hommage, au passage, aux techniciens conseils, qui forment les gros bataillons de nos effectifs, et dont certains sont recrutés au niveau du SMIC alors que leur travail consiste à maîtriser et à gérer quelque 18 000 règles de droit. Nous ne mettons pas en cause, évidemment, le rôle du Parlement, qui a raison de pointer ce qui ne va pas et de regarder de près comment les deniers publics sont utilisés, mais il faut prendre conscience qu'il y a aussi, dans notre action sociale, une part que l'on peut qualifier d'invisible, quand nos techniciens conseil reçoivent des gens qui ne viennent pas forcément pour demander quelque chose, mais pour parler à quelqu'un de leur situation. Et nous avons beaucoup de mal à expliquer aux gens que nous serons encore présents même s'il n'y a plus écrit à l'entrée : « CAF de telle ou telle ville ».

M. Philippe Georges : Bien sûr, on peut simplifier la législation, la PAJE en est un exemple. Elle permettra d'économiser des emplois, dont je pourrai vous communiquer le nombre, car c'est un élément de la négociation, lorsque la COG aura été conclue. Cette économie n'apparaîtra d'ailleurs que lorsque nous n'aurons plus à gérer un double dispositif. Si la complexité est en partie liée aux changements de situation individuelle ou familiale, j'insiste pour ma part sur l'instabilité juridique produite par le changement fréquent des règles, changement souvent précédé, en outre, d'effets d'annonces qui génèrent des inquiétudes et des demandes d'information. C'est certainement la principale source de l'accroissement de notre charge de travail.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je crois que vous avez parfaitement raison, et si vous aviez des éléments de modélisation à nous communiquer sur le coût, au moins objectif, d'une modification lambda de la législation, cela nous intéresserait beaucoup, en tant que législateurs, d'en avoir connaissance.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Ah, si on savait ce genre de choses quand on vote un article !

M. Philippe Georges : C'est évidemment très difficile, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer, mais il faudrait déjà commencer par mieux connaître la nature des flux qui sont les nôtres, les raisons pour lesquelles les gens viennent nous voir ou nous appellent, les types de questions posées.

M. Pierre Morange, coprésident : Il me reste à vous remercier d'être venus, et à vous rappeler de nous adresser, comme le rapporteur et moi-même vous l'avons demandé, la liste, précise et exhaustive, des mesures de simplification qui vous apparaissent souhaitables, car nous avons à cœur de vous aider dans votre démarche.

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