COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 6

Jeudi 14 avril 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et de M. Louis-Charles Viossat, directeur

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- Audition de M. Denis Piveteau, directeur de la mission de préfiguration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

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- Audition de MM. Christian Crespel, directeur de la Caisse d'allocations familiales (CAF) d'Armentières, Hervé François, directeur de la CAF de Seine-et-Marne, Robert Ligier, directeur de la CAF du Sud-Finistère et Jean-Pierre Péquignot, directeur de la CAF de Montpellier

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et M. Louis-Charles Viossat, directeur.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L'ACOSS est appelée à conclure bientôt une nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG). Or, le rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2004, faisant le point sur l'organisation et la gestion des caisses de sécurité sociale, mentionne l'« aisance financière non négligeable des enveloppes de gestion ». Serait-ce que l'on aurait fixé des objectifs trop faciles à atteindre, avec des ressources trop largement calculées ? En ce qui concerne votre agence, la Cour des comptes constate que le coût de gestion d'un compte « employeur de personnel de maison » géré de manière traditionnelle par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) est de 96,12 euros en moyenne contre 21,70 euros grâce à l'utilisation du chèque emploi service. Pourquoi celui-ci, qui est d'un usage très simple, n'est-il pas généralisé alors que, selon les termes de la COG, il aurait dû l'être dès 2003 ? Et pourquoi ne pas généraliser aussi la procédure du versement en lieu unique (VLU) ?

M. Pierre Burban : Je me félicite que la représentation nationale s'intéresse au fonctionnement et au coût de gestion des caisses de sécurité sociale, mais ce débat ne doit pas conduire à affoler les troupes. Je n'ai pas lu dans le rapport de la Cour des comptes qu'elle considère que les ressources de l'ACOSS auraient été trop largement calculées. Qui plus est, la collecte, qui s'établit à 297 milliards d'euros auprès de 5,7 millions de comptes, ne cesse d'augmenter, de même que le nombre de comptes. Nous avons atteint, en 2004, un taux de recouvrement historique, le « reste à recouvrer » n'étant plus que de 0,91 %. De nombreux efforts ont donc été faits.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : La gestion de votre organisme a une réputation flatteuse, mais nous aimerions toutefois entendre vos réponses aux questions précises du rapporteur.

M. Pierre Burban : On peut toujours faire des économies, et notre réflexion à ce sujet ne date pas d'hier. Nous avons fait porter nos efforts sur la qualité du service, car toute amélioration dans ce domaine permet, en corollaire, d'améliorer le taux de recouvrement. J'ai été gêné d'entendre, ici ou là, présenter les URSSAF comme les « fossoyeurs des entreprises ». Dans le cadre de la future COG, nous continuerons d'améliorer les relations entre les URSSAF et les cotisants, particulièrement les très petites entreprises et les travailleurs indépendants. Un effort d'accompagnement s'impose à leur égard car ils ne disent pas spontanément les difficultés auxquelles ils peuvent se trouver confrontés.

M. Pierre Morange, coprésident : Le rapporteur parlait plus particulièrement de simplifier la gestion du recouvrement par la généralisation, prévue dans la COG, du chèque emploi service. Ce dispositif ne concerne à ce jour que 60 % des cotisants alors même que, de par l'efficacité de vos services, la centralisation de son traitement à l'URSSAF de Saint-Etienne a permis une forte réduction du coût de recouvrement. Pourquoi en reste-t-on là ?

M. Louis-Charles Viossat : Les COG sont d'excellents outils, qui nous ont permis d'accomplir des progrès notables. Il apparaît en effet que le coût de gestion du chèque emploi service est moindre que celui du dispositif traditionnel mais, selon la comptabilité analytique dont nous disposons depuis fin 2004, l'écart, s'il est important, n'est pas de l'ampleur calculée par la Cour des comptes. Selon nous, en 2003, le coût de gestion était de l'ordre de 60 euros pour la déclaration traditionnelle et de 25 euros pour le chèque emploi service. Sa généralisation est souhaitable, et c'est pour nous un axe prioritaire. Nous avons d'ailleurs atteint en 2004, pour la première fois, un million d'utilisateurs. Notre deuxième orientation est le développement de la dématérialisation du formulaire, dont le taux est actuellement de 10 %. Nos objectifs sur ce point sont très ambitieux, car il y a là un gisement d'économies considérable.

Plusieurs raisons expliquent que l'utilisation du chèque emploi service ne soit pas encore généralisée. En premier lieu, de nombreux cotisants sont des gens âgés et parfois très âgés, attachés au système de déclaration nominative trimestrielle et qui ne souhaitent pas en changer. C'est particulièrement vrai à Paris. D'autre part, les associations mandataires ne peuvent utiliser les chèques emploi service, si bien que nous avons mis au point avec elles un dispositif d'échanges dématérialisés. Enfin, l'articulation est encore imparfaite entre le centre national de traitement de Saint-Etienne et les URSSAF, et il est exact que notre système d'allocations budgétaires ne les incite pas à promouvoir l'utilisation du chèque emploi service. Nous y travaillons, et la généralisation, dans les limites décrites, sera l'une des priorités de la prochaine COG.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Dans quel délai ?

M. Louis-Charles Viossat : La négociation de la nouvelle COG n'ayant pas commencé, tout ce que je puis dire est que la nouvelle procédure budgétaire sera mise en œuvre à partir de 2006.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans les 40 % de cotisants qui n'utilisent pas le chèque emploi service, quelle est la part des personnes âgées, celle des associations mandataires et celle que l'on peut attribuer à vos procédures budgétaires ?

M. Louis-Charles Viossat : On peut estimer que les utilisateurs de déclarations traditionnelles se répartissent pour moitié entre les associations mandataires et les autres utilisateurs.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Ne serait-il pas de bonne politique d'engager une démarche pédagogique plus active en direction des personnes âgées ? Tout le monde y gagnerait.

M. Louis-Charles Viossat : Nous faisons beaucoup d'efforts en ce sens, mais il est certainement possible de les accroître encore, en nouant des partenariats avec d'autres organismes sociaux.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous nous avez parlé d'objectif ambitieux. Quel est-il ?

M. Louis-Charles Viossat : Exception faite des associations mandataires, dont la situation réglementaire est particulière, notre objectif est de parvenir à 100 % de chèques emploi service à la fin de la prochaine COG.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce qui correspond à quelque 80 % de l'ensemble ?

M. Louis-Charles Viossat : A peu près.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Qu'en est-il du versement en lieu unique ?

M. Louis-Charles Viossat : Cette offre de service déjà ancienne, puisqu'elle remonte à 1973, a connu un développement assez marqué, si bien que 45 milliards d'euros ont été ainsi collectés l'an dernier. Le VLU permet aux entreprises qui ont plusieurs établissements de verser l'ensemble de leurs cotisations à une même URSSAF. Faut-il étendre ce dispositif ? Ce serait souhaitable tant pour les entreprises que pour l'ACOSS, mais cela suppose de réfléchir à l'organisation du réseau de recouvrement pour moderniser l'offre. Nous y travaillons, dans le respect de notre organisation spécifique, en nous inspirant de ce qu'a fait la direction des grandes entreprises de l'administration fiscale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Un engagement ferme sera-t-il pris à ce sujet dans la future COG ou demeure-t-il hypothétique ?

M. Pierre Burban : La discussion relative à la future COG n'est pas engagée. Une réunion spécifiquement consacrée au recouvrement auprès des grandes entreprises aura lieu début juin. Notre objectif est bien de répondre à leurs besoins tout en rationalisant nos procédures de recouvrement.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le potentiel de développement supplémentaire du versement en lieu unique ? Ne peut-on d'autant mieux envisager de le centraliser que, dans ce cas, il ne devrait y avoir ni résistance ni réticences ?

M. Louis-Charles Viossat : Les 45 milliards d'euros recouvrés en VLU représentent le quart du recouvrement total des cotisations par les URSSAF. Mais il y a certainement matière à évoluer pour ce qui est de l'organisation de la collecte et du contrôle des grandes entreprises, afin d'assurer le strict respect de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, une meilleure sécurité juridique et une qualité de service uniforme.

M. Pierre Morange, coprésident : Ne pourriez-vous prévoir dans la prochaine COG de centraliser les VLU sur un seul site ?

M. Louis-Charles Viossat : Je doute du bien-fondé d'une telle solution. Nous réfléchissons en revanche à l'idée de mettre en réseau les URSSAF chargés de la collecte des cotisations auprès des grandes entreprises.

M. Laurent Wauquiez : Entendez-vous mutualiser les bonnes pratiques de gestion ? Qu'en est-il de l'expérience pilote menée au Puy-en-Velay pour la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) ? Selon vous, la gestion globale du recouvrement par l'ACOSS présente-t-elle un avantage ou est-elle source de pesanteurs et donc de coûts ?

M. Pierre Burban : L'idée centrale de la COG en vigueur est la mutualisation des bonnes pratiques, vecteur évident de rationalisation. Nous poursuivrons évidemment en ce sens, car l'histoire des différents organismes explique des disparités qui entraînent une inégalité de traitement. Nous souhaitons rationaliser cet ensemble, ce qui suppose des efforts constants. L'expérimentation du traitement de la PAJE au Puy-en-Velay traduit ce souci de simplification.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Le réseau des URSSAF, qui compte des organismes de tailles très diverses, est-il adapté aux besoins actuels des cotisants ? Ne peut-on envisager des économies de gestion ? N'est-ce pas une anomalie qu'à l'heure de l'informatique une seule ville puisse compter vingt-deux URSSAF ?

M. Louis-Charles Viossat : Nous sommes convaincus de la nécessité de développer le contrôle de gestion et la comptabilité analytique, installée fin 2004, mais encore en rodage, a commencé de nous y aider, d'autant que nous avons créé une sous-direction du contrôle de gestion. Quant à la diffusion des bonnes pratiques, c'est une excellente politique à laquelle nous recourons déjà, notamment pour la diffusion de l'information, et que nous amplifierons. La création du centre de gestion de la PAJE au Puy-en-Velay nous a permis de constater qu'il y a matière à nouer des partenariats avec les branches, et nous le ferons. Elle a aussi montré que l'ouverture de centres nationaux permet de réaliser des économies de gestion tout en améliorant la qualité de service. Nous l'avons fait au Puy-en-Velay pour la PAJE et à Saint-Etienne pour le chèque emploi service mais aussi à Paris, Bordeaux et Lyon pour le titre emploi entreprise et à Arras pour le chèque emploi associatif.

L'avantage de la gestion centralisée du recouvrement est qu'elle donne à l'ACOSS, qui joue le rôle de direction financière de la sécurité sociale, une vision globale de la situation de trésorerie. Il est souhaitable que cette vision, nécessaire, perdure et se développe le cas échéant. Par ailleurs, je n'ai pas le sentiment que la branche recouvrement se trouve dans une situation d'« aisance financière ». Notre coût de gestion est très bas, et notablement inférieur au ratio de l'administration fiscale, puisque nous dépensons 3,40 euros pour mille euros collectés, et il a baissé de 7,7 % depuis 1998. En outre, un budget pluriannuel nous est fixé, avec des coûts qui n'évoluent pas d'une année à l'autre, et notre taux d'exécution budgétaire sera proche de 100 % à la fin de la période conventionnelle, ce qui montre au contraire que notre situation budgétaire est un peu tendue.

M. Pierre Burban : Le nombre de cent trois URSSAF n'est pas excessif, et la question de l'implantation territoriale n'est pas le vrai problème en matière de rationalisation. Ce serait même plutôt l'inverse car, souvent, la proximité facilite la collecte. Nous avons encouragé les fusions volontaires, et c'est ainsi qu'ont successivement fusionné les URSSAF de Beauvais et de Creil, de Laon et de Saint-Quentin, de Montbéliard et de Belfort ; celles d'Arras et de Douai fusionneront en 2006. Mais le sujet est sensible tant pour les conseils d'administration que pour les personnels et pour les élus locaux. C'est pourquoi nous n'encourageons les fusions que lorsqu'elles sont justifiées et nécessaires. La COG demande une même qualité de service et de performance aux très petites URSSAF et à celle de Paris. Comme ce n'est pas toujours possible pour les plus petites entités, la mutualisation a joué. Mais l'exemple de l'URSSAF de Paris montre que des difficultés peuvent surgir même dans les plus grands organismes. On se félicitera donc de la déconcentration exemplaire de cette URSSAF, menée dans le strict respect du coût initialement prévu, pour des résultats meilleurs qu'avec l'organisation antérieure. Je maintiens que l'on ne peut occulter le besoin de proximité.

M. Jean-Luc Préel : De fait, un coût de gestion administrative de 0,4 % est relativement faible. L'ACOSS opère des recouvrements pour compte de tiers pour plus de 10 % de ses encaissements ; est-elle rémunérée pour cela ? Quelle économie la gestion commune de la trésorerie fait-elle réaliser à la sécurité sociale ? Enfin, vous avez estimé vos besoins de trésorerie à 12,3 milliards en 2003 et à 17,55 milliards fin 2004. Quel est le coût de vos besoins de financement ? Comment réduire les frais d'agios ? Quelle est la situation actuelle ?

M. Louis-Charles Viossat : Nous sommes liés par des conventions avec les tiers pour le compte desquels nous assurons la collecte et la gestion de trésorerie mais aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit de rémunération de l'ACOSS. Il va sans dire que je serais favorable à un changement de cette nature. Nous sommes une centrale de trésorerie et, chaque jour, deux milliards en moyenne transitent sur notre compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avec des pointes à sept milliards quand les pensions doivent être servies.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Est-ce la Caisse des dépôts qui gère votre trésorerie ou n'est-elle que l'établissement financier dans lequel votre compte est ouvert ?

M. Louis-Charles Viossat : Nous déposons à la Caisse des dépôts, sur notre compte unique, les encaissements qui remontent quotidiennement des URSSAF.

M. Pierre Morange, coprésident : La Caisse des dépôts rémunère-t-elle les sommes déposées sur votre compte ?

M. Louis-Charles Viossat : Elle rémunère les excédents, ce qui s'est produit fin 2004, mais elle débite des intérêts lorsque des besoins de financement apparaissent, ce qui est plus fréquent depuis quelque temps. Nous avons notablement amélioré nos conditions de financement, passant, en vingt ans, du taux EONIA + 100 points de base au taux EONIA + 5 à 7 points de base pour les avances prédéterminées qui constituent l'essentiel de nos besoins de financement. Nous avons ainsi gagné 16,5 millions en gestion de trésorerie.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vos prévisions de trésorerie sont-elles fiables ? Peuvent-elles être améliorées ?

M. Louis-Charles Viossat : C'est un métier difficile que d'être prévisionniste, car il est soumis à de nombreux aléas. Notre compétence de base porte sur les prévisions d'encaissement. Pour les dépenses, nous sommes conduits à faire des prévisions de tirage de trésorerie en nous appuyant sur les informations qui remontent des caisses. Globalement, nos prévisions sont assez justes.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Comment interpréter la progression de 6,6 % des tirages de trésorerie que vous prévoyez dans un document interne ?

M. Louis-Charles Viossat : Vous faites référence aux prévisions communiquées, comme chaque mois, à la commission financière et statistique de notre conseil d'administration. Celles qui portent sur le deuxième trimestre 2005 font en effet apparaître des tirages en progression de 6,6 %. Mais il s'agit de trésorerie et non de droits constatés, et ces indications doivent donc être interprétées avec beaucoup de précaution.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans le cadre de la prochaine COG, quels seront vos objectifs en matière de gestion des ressources humaines et d'amélioration de la productivité ?

M. Pierre Burban : Il m'est très difficile de vous répondre à ce stade puisque nous n'en sommes qu'au bilan de la COG en vigueur. Nous ne savons pas si nous pourrons ou non réduire nos effectifs puisque nous ignorons quelles seront nos futures missions. Je rappelle pour mémoire que ni le traitement du titre emploi entreprise ni celui de la PAJE ne figuraient dans la COG 2002-2005. Pourtant, la gestion nous en a été attribuée. C'est dire que nos besoins varieront en fonction des futures missions qui nous serons fixées. Le personnel de la branche recouvrement étant relativement jeune, le nombre de départs à la retraite dans les années qui viennent sera limité.

M. Louis-Charles Viossat : Nous évaluons les départs en retraite à mille deux cents environ entre 2003 et 2009, soit 8,3 % des effectifs. Rapporté aux autres organismes de sécurité sociale, c'est relativement peu. Le mouvement s'amplifiera à partir de 2008 et, en 2015, un tiers au maximum de notre effectif actuel sera parti en retraite. La moyenne d'âge de notre personnel est d'environ quarante-deux ans et l'ancienneté moyenne à l'ACOSS est de dix-neuf ans.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes certains que l'on peut concilier souci de proximité et volonté de réorganiser le réseau sans que la qualité de service en souffre. A cet égard, vous semble-t-il normal que certaines URSSAF ne puissent être jointes par téléphone ?

M. Pierre Burban : Absolument pas.

M. Louis-Charles Viossat : Soixante-sept pour cent des cotisants privilégient les contacts téléphoniques. Nous donnons donc une priorité absolue à l'amélioration de l'accueil téléphonique.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vos métiers étant organisés autour du téléphone et du télétraitement, vous pouvez localiser nombre des emplois de production en n'importe quel point du territoire. Avez-vous engagé une réflexion en ce sens ? Les considérations d'aménagement du territoire  transparaîtront-elles dans la prochaine COG ?

M. Louis-Charles Viossat : C'est une de nos préoccupations, mais elle n'apparaît pas dans la COG en vigueur et la prochaine, comme vous le savez, n'est pas encore négociée.

M. Jean-Luc Préel : Quelles économies permet la gestion unique ? Qui négocie le taux de découvert ? La Caisse des dépôts est-elle maître du jeu ou avez-vous votre mot à dire ?

M. Louis-Charles Viossat : Je vous transmettrai ultérieurement le chiffrage exact des économies que représente pour la sécurité sociale la trésorerie centralisée. Comme indiqué dans la note présentée à la commission ad hoc de notre conseil d'administration, nous nous attendons à une détérioration de notre trésorerie, avec un compte en déficit de 5,4 milliards à fin juin 2005. Mais j'insiste à nouveau sur le fait qu'il s'agit seulement d'une prévision de trésorerie et que l'on ne peut en inférer aucune conclusion sur les comptes du régime général à la même date, et encore moins à fin 2005.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je n'en suis pas si sûr.

M. Pierre Morange, coprésident : Il est exact que les nouveaux dispositifs législatifs ne sont pas pris en compte dans la COG en vigueur ; il est exact, aussi, que les prévisions de trésorerie doivent être interprétées avec une grande prudence car elles ne disent rien des droits constatés.

M. Louis-Charles Viossat : Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale fixe un plafond d'avances qui définit la limite de nos emprunts. Il nous appartient ensuite de négocier avec la Caisse des dépôts les conditions de notre financement, dont je vous ai dit ce qu'elles ont été en 2004. Pour ce qui est de l'accueil téléphonique, il est vrai que le taux de réponses n'était pas bon à l'URSSAF de Paris. Toutefois, de grands progrès ont été accomplis puisque l'on est passé de 56 % en 2002 à 80,5 % après la création d'une plate-forme téléphonique. Les trois directions départementales qui n'y sont pas encore rattachées le seront à la fin de l'année.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Le temps nous manque, malheureusement, pour vous entendre nous faire part de vos propositions de simplifications législatives et réglementaires. Je vous serais donc reconnaissant de nous les faire parvenir.

M. Louis-Charles Viossat : Nous le ferons, bien sûr. Mais je ne saurais conclure sans insister sur l'importance primordiale qu'a pour nous la stabilité législative et réglementaire.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Denis Piveteau, directeur de la mission de préfiguration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Denis Piveteau, directeur de la mission de préfiguration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous avez donc, M. Piveteau, la chance historique de bâtir une nouvelle institution administrative. Selon vous, de combien d'agents la CNSA aura-t-elle besoin ? Quel sera leur statut ? Dépendront-ils de la convention collective nationale de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) ? Quelle estimation faites-vous des frais de gestion de la future entité ?

M. Denis Piveteau : J'ai pour mission de mettre en place la future structure. Aussi le nombre des agents qui m'entourent n'est-il pas représentatif des besoins à venir, que j'estime à quelque soixante-dix personnes, sous réserve de ce que sera le budget de la CNSA. L'effectif comprendra les huit agents de la fonction publique de l'Etat sous statut UCANSS actuellement chargés, au sein du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la gestion du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA), fonds absorbé par la CNSA en application de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie, des personnes âgées et des personnes handicapées. En feront aussi partie les douze membres de la mission de préfiguration, appelés à devenir les cadres de la caisse. Parmi ces derniers, neuf sont issus de la fonction publique de l'Etat, deux sont des agents de la sécurité sociale ; le dernier, issu du secteur privé, a été intégré à la mission sous statut UCANSS. Le statut des agents de la CNSA est fixé par la loi. Ceux qui s'agrègeront à ce groupe initial seront donc soit des membres de la fonction publique en détachement, soit des agents sous statut UCANSS, soit, éventuellement, des agents de droit privé placés sous une convention collective à définir.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Bien que la CNSA ne soit encore qu'en gestation, avez-vous déjà travaillé à la négociation de la future COG ? D'autre part, comment s'organiseront les relations entre la caisse et les maisons départementales des personnes handicapées, et de quelle nature seront-elles ?

M. Denis Piveteau : La COG structurera la manière dont la Caisse prendra en charge ses missions. La première est d'assurer la continuité avec le FFAPA, auquel elle se substituera le 31 décembre 2005 au plus tard mais vraisemblablement plus tôt, en contribuant au financement des prestations individuelles, selon un cadrage légal et réglementaire sur lequel la caisse n'a aucun pouvoir.

La deuxième mission de la CNSA sera d'animer le réseau des maisons départementales et de lui donner un appui d'expertise technique, ce qui se fera par le biais de conventions de qualité de service signées avec chaque département. Pour déterminer la bonne prestation de compensation du handicap (PCH), le cadrage réglementaire sera appliqué dans l'esprit de la loi, qui est d'épouser au plus près les situations individuelles, en fonction des besoins. Latitude sera donc laissée aux équipes locales de définir les projets de vie, si bien qu'il n'y aura pas d'automatisme tendant au versement d'une somme selon un seuil d'invalidité. Aussi, la CNSA devra faire davantage que de mesurer le respect de la légalité. Il lui faudra engager une démarche plus ambitieuse pour veiller à l'égalité du niveau de compensation du handicap sur l'ensemble du territoire. La caisse devra à cette fin mettre au point une batterie d'indicateurs uniformes permettant de définir la qualité du service administratif et le niveau de couverture, et de fixer des objectifs de résultat avec les départements, qui sont très désireux d'une telle démarche.

La troisième mission de la CNSA est d'une autre nature. La caisse est en effet chargée de répartir les crédits de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM) médico-social pour les établissements accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées. Il s'agira là de financer des structures et non plus des personnes, en partant des besoins locaux pour fixer les priorités financières. Dans ce domaine, les interlocuteurs de la CNSA seront les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et la caisse, agence budgétaire, se verra chargée d'une partie des missions qui, aujourd'hui, relèvent de l'Etat.

Enfin, la CNSA devra installer un système d'information. Cet outil de pilotage des politiques en direction des personnes âgées et handicapées devra permettre d'une part, de suivre l'activité des maisons départementales des personnes handicapées et de mieux connaître le public qui s'adresse à elles, d'autre part de mesurer la consommation de l'ONDAM afin que DRASS et DDASS puissent procéder à des analyses solides.

M. Pierre Morange, coprésident : L'effectif que vous envisagez est-il suffisant pour assumer un tel champ d'activités ? Entendez-vous passer des conventions avec la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et avec la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ? Si tel est le cas, sur quoi porteront-elles ?

M. Denis Piveteau : L'effectif de la CNSA a été esquissé en extrapolant ceux qui sont actuellement affectés au suivi de l'ONDAM médico-social. Le parti pris peut paraître modeste au regard des sommes gérées, mais la CNSA conduira ses missions en s'appuyant sur le réseau des maisons départementales, des DRASS et des DDASS. Comme elle n'aura pas à faire mais à faire faire, mieux vaut partir de l'idée d'une structure légère pouvant rassembler des groupes ad hoc en tant que de besoin.

La loi prévoit que des conventions seront passées avec la CNAVTS et avec la CNAMTS, mais à ce stade de la préfiguration, ce travail n'est pas engagé. Puisque l'Etat définira une COG tant avec la CNAMTS qu'avec la CNSA, il conviendra, par ces conventions, d'éviter les redondances en s'assurant de la bonne articulation des systèmes d'information entre des organismes qui agissent dans des champs voisins. Il serait en effet inutile de reconstruire ce qui existe déjà à la CNAMTS, en matière de suivi de la consommation des crédits par exemple. De même, un accord devra être trouvé entre l'Etat, la CNSA et la CNAMTS pour la prise en charge globale des aides techniques. L'esprit de la loi suppose des stratégies communes.

M. Laurent Wauquiez : L'impératif d'assurer un minimum d'égalité sur un territoire décentralisé suppose un organisme central permettant la mutualisation des bonnes pratiques, sans lequel chaque département gérera ses prestations comme il l'entend. Mais l'on a le sentiment d'une redoutable complexité et, aux soixante-dix personnes qui constitueront l'effectif de la CNSA s'ajouteront toutes celles qui géreront le dispositif dans les départements, si bien que le coût de gestion global sera très important. Je ne puis non plus taire ma perplexité devant la multiplicité annoncée de vos interlocuteurs : conseils généraux, DRASS, DDASS... Enfin, je comprends mal comment vos parviendrez à imposer la mutualisation des bonnes pratiques alors que vous n'aurez ni pouvoir de contrôle ni pouvoir de tutelle. Tout ne dépendra-t-il pas de la bonne volonté de chacun ? N'y aurait-il pas moyen de simplifier cet ensemble et d'augmenter les contrôles sans porter atteinte à l'autonomie des collectivités locales ?

M. Denis Piveteau : Je crois au pouvoir d'influence et à celui de l'interpellation, par les associations par exemple. La CNSA n'a pas pour rôle d'ajouter un niveau de contrôle mais de permettre la comparaison des actions menées par un organisme impartial, ce que la composition de son conseil garantit, puisque toute la société civile s'y trouve représentée. Ce peut donc être un aiguillon suffisant.

S'appuyer sur l'existant, c'est faire le pari d'une mutualisation de moyens avec les groupements d'intérêt public (GIP), mais il est exact que la lisibilité des coûts de gestion en est réduite. Aussi faudra-t-il peut-être ajouter aux indicateurs de qualité des indicateurs de gestion.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : La désorganisation qui caractérise actuellement les relations entre nos dispositifs sanitaire et médico-sociaux est source à la fois d'augmentation des dépenses et d'inefficacité. La CNSA peut donc être un excellent outil. Mais comme elle est aussi chargée de la répartition des crédits du champ de l'ONDAM médico-social et, étant donné le manque criant de moyens des maisons de retraite, je m'inquiète fortement du risque de fongibilité des enveloppes, qui conduirait à la réduction des crédits consacrés aux personnes âgées et handicapées. Par ailleurs, sera-t-il dans les missions de la CNSA de participer avec la CNAMTS à l'évaluation du handicap? Travaillerez-vous à la réforme de la tarification ? Le ministre a déclaré que la suppression d'un jour férié ne suffirait pas à financer l'allocation dépendance ; travaillez-vous à d'autres solutions ? S'agissant enfin des économies de coûts de gestion, pensez-vous que le GIP permettra une bonne organisation ? Les départements sont-ils prêts à travailler avec les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et avec les associations ?

M. Denis Piveteau : Je rappelle que je n'en suis qu'aux schémas et aux projets. Vous vous interrogez sur le jeu combiné de la petite fraction de la contribution sociale autonomie d'une part, de l'ONDAM médico-social d'autre part, qui constituent ensemble l'enveloppe qu'il est demandé à la CNSA de gérer. Ces deux lignes budgétaires ont une origine juridique très différente, puisque l'enveloppe issue de la journée nationale de solidarité est calculée en fonction d'un taux fixé dans la loi cependant que l'ONDAM médico-social se taille chaque année une part variable de l'ONDAM global. Il n'y a aucun doute sur le fait que les besoins de création de places appellent à eux seuls des dépenses supérieures à l'ONDAM médico-social et au produit de la contribution solidarité autonomie. Il sera donc indispensable, pour garantir à l'ONDAM médico-social sa dynamique propre, de conserver, lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), un regard d'ensemble sur les crédits de la CNSA, sans dissocier ses deux ressources.

Quant à l'évaluation, elle fait partie intrinsèque du dispositif. Nous ne savons pas précisément aujourd'hui combien de personnes auront droit à la prestation de compensation du handicap, si bien que nous ne pouvons nous appuyer que sur les chiffres de ceux dont le handicap est reconnu administrativement. Mais l'on sait que ces chiffres ne recoupent pas la réalité objective du besoin d'assistance à domicile. On ne peut que partir des enquêtes et des remontées du terrain, qui s'organisent. Les premières années de la CNSA seront des années d'apprentissage. L'un des rôles de la caisse est de faire que les gens soient mieux connus et que, progressivement, les critères de définition des besoins soient précisés, de manière que l'on puisse gérer les seuils et les modalités de prise en charge pour aider ceux qui en ont vraiment besoin.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler : Il y a là de très importants enjeux de maîtrise financière.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est exact, et ce sera notre mission que de les expliciter dans le cadre de nos travaux ultérieurs.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quel est votre point de vue sur les remarques faites par la Cour des comptes à propos des indicateurs de productivité contenus dans la COG conclue avec la CNAMTS ? En tiendrez-vous compte lors de l'élaboration de la COG de la CNSA ?

M. Denis Piveteau : La particularité de l'exercice est que la COG s'élabore en même temps que se crée l'organisme avec lequel l'Etat va contracter. Il en résulte une plasticité bienvenue, qui permettra de choisir d'emblée certaines modalités de travail et, en particulier, de mettre au point un mécanisme de dialogue fonctionnel direct. Ces questions ne sont pas secondaires, car l'efficacité en dépend. Quant aux indicateurs de productivité, ils seront sans nul doute excellents pour les soixante-dix personnes qui composeront l'effectif de la caisse proprement dite, mais ils ne seront pas significatifs à eux seuls. Aussi, sous réserve que les dispositions réglementaires le permettent, on pourrait imaginer que la CNSA suive l'indicateur de productivité de l'ensemble du dispositif.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu MM. Christian Crespel, directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) d'Armentières, Hervé François, directeur de la CAF de Seine-et-Marne, Robert Ligier, directeur de la CAF du Sud-Finistère et Jean-Pierre Péquignot, directeur de la CAF de Montpellier.

M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, je vous remercie d'être venus et je donne immédiatement la parole au rapporteur pour qu'il vous pose ses premières questions.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Après avoir reçu, il y a peu, la présidente et le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), audition dont vous avez dû avoir quelque écho, nous avons souhaité entendre, tandis que se négocient les contrats pluriannuels de gestion (CPG) pour 2005-2008, des directeurs de caisses locales d'allocations familiales.

Mes premières questions seront simples. Est-il souhaitable, et possible, que le réseau des CAF se dote d'une comptabilité analytique ? Comment se déroule la prise en charge des allocations familiales des fonctionnaires ? Mais peut-être pourriez-vous, avant de répondre, nous présenter brièvement vos caisses respectives.

M. Christian Crespel : La CAF d'Armentières, qui compte 25 000 allocataires, est l'une des huit caisses du Nord, département le plus peuplé de France. Nous n'avons pas de comptabilité analytique au sens strict du terme, avec une définition des coûts par fonction, mais nous disposons d'un tableau de bord national, le TBCAF, qui nous donne, selon une approche qui s'apparente à celle d'une comptabilité analytique, une vue précise de l'activité au jour le jour. Quant à la prise en charge des allocations familiales des fonctionnaires, elle s'est passée chez nous sans difficulté particulière.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Selon les données dont nous disposons, les résultats de la caisse d'Armentières sont bons sur le plan de la qualité du service, mais les coûts sont relativement élevés. Savez-vous quelles en sont les raisons ?

M. Hervé François : La CAF de Seine-et-Marne compte 180 000 allocataires et emploie 600 agents. Peut-être est-elle trop grosse et y a-t-il des des économies d'échelle au-delà d'une certaine taille.

La prise en charge des fonctionnaires, qui sera parachevée par celle des enseignants en juillet, s'est également faite sans difficulté particulière, mais il est vrai qu'il s'agit d'un public moins compliqué à gérer que les bénéficiaires de minima sociaux.

S'agissant de la comptabilité analytique, j'ajouterai que la CNAF nous communique régulièrement la ventilation des coûts sur une centaine de postes - électricité, téléphone, etc. -avec des comparaisons entre caisses au sein d'un même groupe - dans notre cas, celles de l'Île-de-France - ainsi qu'avec la moyenne nationale. Nous connaissons depuis un ou deux mois déjà notre ratio de coût global pour 2004.

M. Pierre Morange, coprésident : S'agissant du taux de traitement des demandes en moins de 21 jours, de celui des attentes au guichet inférieures à 10 minutes, ainsi que du nombre de personnes reçues par chaque agent, l'éventail des performances est assez large. Notre volonté n'est évidemment pas de nous ériger en tribunal, mais de mieux valoriser la ressource humaine et d'optimiser son emploi, au bénéfice des assurés. Nous souhaitons donc savoir quels sont vos objectifs en matière d'amélioration de la productivité, de mutualisation des moyens, de recours aux téléprocédures, d'informatisation ? Participerez-vous aux expériences de mutualisation du réseau que projette la caisse nationale ? Quels moyens de simplification désirez-vous voir mis en œuvre ?

M. Hervé François : La caisse de Seine-et-Marne est la seule des huit caisses d'Île-de-France à n'être pas issue de l'ancienne caisse de la région parisienne, qui n'a été découpée qu'en 1991. Étant d'une taille comparable aux sept autres, elle n'a eu aucun mal à s'inscrire dans leur tradition de mutualisation. Nous avons un certain nombre de services communs comme l'imprimerie, le centre informatique, la gestion des marchés, etc. Peut-on aller plus loin ? Certainement, mais le problème ne se pose pas de la même façon dans les caisses ayant une certaine masse critique et dans les autres : il est justifié d'avoir un service de la ressource humaine pour gérer 600 personnes, mais c'est moins le cas lorsque l'effectif est plus réduit. En Île-de-France, région qui concentre près d'un cinquième des allocataires, la plus petite caisse en a 165 000 et la plus grande 360 000, tandis que le nombre d'agents va de 600 à 2 000.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels sont, précisément, les objectifs que vous vous donnez et les mesures que vous souhaitez voir mises en œuvre ?

M. Hervé François : Sur le plan de la qualité du service, la CAF de Seine-et-Marne a connu de grandes difficultés entre 1999 et 2002, mais a redressé la barre en 2004, grâce à une réorganisation permise par des changements de personnes - ce qui n'est pas forcément facile dans le secteur public - et à une meilleure utilisation des moyens informatiques. Nous sommes en train de nous doter d'un nouvel outil, la corbeille électronique, qui permet la dématérialisation totale des documents, scannérisés dès réception afin que les opérateurs n'aient plus de papier à manipuler. Tout fonctionnera à la rentrée. Dans le Val-d'Oise, qui nous a précédés, on a constaté une nette amélioration, en temps et en qualité.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela aura-t-il des conséquences sur la ressource humaine, compte tenu des départs à la retraite ?

M. Hervé François : Notre caisse a la particularité de gagner des allocataires chaque année : en cinq ans, nous sommes passés de 165 000 à 184 000. En outre, le nombre des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) a crû de 13 % entre 2003 et 2004, dans un département qui en comptait relativement peu jusque-là. Nous recevons également 25 % de courriers de plus qu'il y a cinq ans, ce qui n'est pas sans conséquence sur la charge de travail. Il n'est donc pas possible d'annoncer à l'avance le nombre d'emplois que la corbeille électronique permettra de supprimer.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel calendrier vous donnez-vous ?

M. Hervé François : Nous sommes dans la moyenne de notre groupe, qui n'est pas le plus performant de France. Nous étions à 72 % de pièces traitées en moins de 21 jours en 2002, nous sommes descendus à 71 % en 2003, et remontés à 73 % en 2004. Grâce à la corbeille électronique, nous devrions arriver au niveau moyen national, soit 95 %, la moyenne de notre groupe étant de 93 %, en 2006, qui sera la première année pleine. Mais notre objectif est d'être un peu au-dessus de la moyenne.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans quel délai ?

M. Hervé François : Disons deux ans. C'est peut-être optimiste, mais il faut l'être.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Existe-t-il un ratio des effectifs sur le nombre d'allocataires ? Y a-t-il une norme nationale ?

M. Hervé François : Cela dépend en grande partie du volume d'action sociale de chaque caisse. Certaines ont à gérer des foyers de jeunes travailleurs, des centres de vacances, et ont donc besoin de plus de personnel. Indépendamment de cela, le nombre d'allocataires n'est pas un critère suffisant : il faut le pondérer, car un couple avec deux enfants qui ne touche que les allocations familiales coûte beaucoup moins cher que s'il percevait aussi le RMI et l'allocation logement. Notre effectif brut de 184 000 allocataires passe ainsi, en données pondérées, à 257 000. Les ratios devraient être assez proches compte tenu de ces corrections, mais ce n'est pas toujours le cas.

M. Pierre Morange, coprésident : La CAF de Montpellier est dans le haut du classement pour la qualité du service rendu à l'usager. Quels dispositifs ont été mis en place pour parvenir à ce résultat ? Et quelle est votre politique d'implantations ?

M. Jean-Pierre Péquignot : La difficulté, quand on est au premier rang, c'est de s'y maintenir. Or, l'usager perçoit très défavorablement les moindres dégradations. La CAF de Montpellier se trouve dans une région en forte croissance démographique, où il arrive mille nouveaux habitants chaque mois, et où la précarité ne cesse de croître. Sur nos 160 000 allocataires, 20 000 touchent le RMI. Le choix historique que nous avons fait il y a cinq ou six ans consistait à adopter une logique « industrielle », avec vérification de la présence de toutes les pièces dès leur arrivée et relance immédiate des allocataires dans le cas contraire, afin que chaque dossier soit prêt à être traité lorsqu'il arrive sur le bureau du liquidateur. Ce mode d'organisation est le seul qui permette de faire face à la croissance rapide du nombre des allocataires.

La CAF de Montpellier a été la première à mettre en place une corbeille électronique, source de gains de temps et de qualité considérables. Toutes les pièces peuvent maintenant être lues dès l'accueil, dans n'importe quelle antenne, et en présence de l'usager. Nous avons également fait un gros effort pour favoriser la télédéclaration des ressources, en misant sur la présence d'un grand nombre d'étudiants. Nous en sommes à 15 % et notre objectif est d'arriver à 25 %. L'intérêt est triple : il n'y a plus de manipulation de papier, une partie du travail est fait par l'usager lui-même, et cela ne coûte guère que le prix de quelques micro-ordinateurs installés dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ou d'autres lieux - mais il faut reconnaître que la culture montpelliéraine est assez « techno ».

Pour ce qui est des conséquences sur la ressource humaine, il faut insister sur la requalification des personnels, sur la diversification des compétences, sur l'adaptation du potentiel à la charge. Il n'est pas rare qu'un agent change deux ou trois fois d'activité dans une même journée. Cette pratique, assez nouvelle pour notre caisse, nous a permis de faire face aux flux de 2004.

Enfin, la CAF de Montpellier, qui est avec Béziers l'une des deux caisses de l'Hérault, a depuis longtemps son siège en centre-ville, mais emménagera en janvier 2006 dans un immeuble neuf dont le gros œuvre est achevé, dans un quartier où résident un grand nombre de nos allocataires. Nous essayons par ailleurs de redistribuer nos points d'accueil, aussi bien dans la ville que dans les autres localités de notre ressort : Sète, Lunel, Lodève. Une étude doit être remise au conseil d'administration. L'idée, assez communément partagée d'ailleurs par les autres caisses, est d'offrir dans chaque antenne le même service qu'au siège, grâce à la dématérialisation des documents.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela paraît tout à fait évident. Selon les éléments que vous nous avez fait parvenir, il semble qu'il n'y ait pas, dans votre CPG, d'objectif de productivité ni de baisse des coûts de gestion. Pourquoi ? Que pensez-vous, par ailleurs, de l'idée d'intégrer la CAF dans les maisons des services publics ? Et où en est la mutualisation engagée avec la CAF de Bordeaux ?

M. Jean-Pierre Péquignot : Nous estimons avoir déjà fourni un effort important. Nous avons mis en place des assistants de proximité pour fournir un soutien technique à nos agents. Le mot productivité ne figure pas dans notre CPG, c'est vrai, mais notre objectif est d'arriver à une courbe de Gauss parfaite.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris votre philosophie, mais pourquoi ne pas l'écrire noir sur blanc ?

M. Jean-Pierre Péquignot : Le mot figurera dans le prochain CPG. Il n'était pas dans l'ancien, dont je ne suis pas responsable. Nous travaillons à un meilleur couple qualité-productivité.

Avec la CAF de Bordeaux, nous avons travaillé sur la description et l'amélioration des processus de travail, en sachant toutefois que Bordeaux est dans une logique, plus transversale, de management par les processus, et nous dans une logique d'industrialisation, de plus grande fluidité. Mais les deux se rejoignent et nous avons adressé à la direction générale de la CNAF un document de réflexion qui vise à apporter des réponses précises à des questions que tout technicien peut se poser.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous en venons à la CAF du Sud-Finistère. Nous voulons savoir pourquoi celle-ci a connu des difficultés financières et si celles-ci ont été résorbées. La caisse nationale a-t-elle exercé un contrôle de gestion ? Quels dispositifs entendez-vous mettre en œuvre ? Quels critères d'efficacité figureront dans le prochain CPG ?

M. Robert Ligier : Nous avons connu, en effet, quelques difficultés. J'ai pris mes fonctions en juillet 2001, avec la mission de redresser la caisse sans porter atteinte à la qualité du service. Il y avait eu des erreurs sous la gestion précédente, qui ont abouti à des sureffectifs. Pour l'action sociale, le sureffectif était de 70 par rapport à la norme nationale, et de 18 pour l'action administrative.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Il y a donc une moyenne nationale qui sert d'indicateur ?

M. Robert Ligier : Tout à fait.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Mais les caisses locales sont-elles tenues par ces normes, ou se gèrent-elles comme elles veulent ?

M. Robert Ligier : Il y a eu des politiques locales qui n'étaient pas celles souhaitées par la CNAF. Nous avons voulu mettre en place un contrôle par la tutelle, en 2002 puis en 2004, et un avis de la Cour des comptes a confirmé la gestion dispendieuse passée. Nous avons un plan de redressement à long terme. Il faudra trois CPG pour revenir à la normale. Le premier est passé, et nous avons pu rétablir les choses au niveau de l'organisation du service.

M. Pierre Morange, coprésident : Grâce aux départs à la retraite ?

M. Robert Ligier : Notre politique est en effet de ne pas remplacer les départs à la retraite.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela laisse tout de même dubitatif sur la possibilité qu'ont les caisses de s'exonérer des normes et des ratios de la CNAF. Quels sont les éléments qui permettent de justifier une telle autonomie ?

M. Robert Ligier : Un des grands mérites des CPG est de recadrer les choses par rapport à la situation d'autonomie antérieure. Certains ont mal géré, mais la situation de la CAF du Sud-Finistère est tout de même atypique : quand je parle d'erreurs de gestion, le mot est faible.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris que ce n'était pas le cas général. On peut très bien envisager, d'autre part, que la mobilité de la ressource humaine entre les caisses permette de résorber plus rapidement les sureffectifs qu'en attendant simplement que les gens partent à la retraite. Y avez-vous réfléchi ?

M. Hervé François : La CAF de Seine-et-Marne couvre un territoire très étendu, une centaine de kilomètres du nord au sud. Nous sommes dans le droit commun du droit du travail, et il n'est déjà pas facile de trouver des agents pour aller faire de l'accueil à l'autre bout du département, mais avec du temps et de la persuasion, on y arrivera. La mobilité entre les caisses n'est pas facile non plus, mais elle n'est pas impossible. C'est une piste.

M. Robert Ligier : On peut toujours proposer.

M. Pierre Morange, coprésident : Qu'allez-vous faire en matière de dématérialisation, de corbeille électronique ? Selon quel calendrier ? Et quels critères seront retenus dans le CPG ?

M. Robert Ligier : Les difficultés de la CAF du Sud-Finistère tiennent plus à l'action sociale qu'à l'action administrative, dont le sureffectif de 18 postes sera résorbé dès 2008, à la fin de l'actuel CPG. Pour l'action sociale, l'horizon est 2014. Au 1er janvier 2002, nous avons mis en place une nouvelle organisation, reposant sur une politique de qualité du service, qui a donné des résultats. Aujourd'hui, nous sommes dans une nouvelle phase, où il s'agit d'introduire de nouveaux outils : la corbeille électronique, le dialogue avec l'usager grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), les forums sur Internet.

M Pierre Morange, coprésident : Cela fera-t-il partie du futur CPG ?

M. Robert Ligier : Ce sera demandé.

M. Pierre Morange, coprésident : Notre collègue Cécile Gallez a souhaité, lors d'une précédente audition, une gestion plus dynamique des aides au logement, qui permette de tenir compte de la situation actualisée des allocataires. Considérez-vous que cela donnerait des marges de manœuvre budgétaires aux caisses et serait bénéfique à leur situation financière réelle ?

M. Hervé François : Le problème est celui du décalage entre la période de référence et la réalité. Cela joue pour toutes les allocations, mais il est vrai qu'il faudrait le réduire.

M. Pierre Morange, coprésident : Cette simplification est au cœur de notre démarche.  Ce qu'on verse à des gens qui ne remplissent plus les conditions pourrait être donné à d'autres qui sont en situation de détresse.

M. Hervé François : Ce ne serait pas forcément une source d'économie. Mais il serait plus juste de prendre une référence qui date de moins d'un an et demi.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes preneurs de toute suggestion que vous pourriez nous faire, et que nous transmettrions à l'exécutif.

M. Georges Colombier : C'est une des principales causes de mécontentement que nous rencontrons sur le terrain chez les allocataires. Tout le monde gagnerait à une amélioration du dispositif.

M. Pierre Morange, coprésident : Il faut que vous nous suggériez des mesures de simplification qui, si j'ose dire, soient elles-mêmes simples.

M. Hervé François : Il est illusoire de penser simplifier radicalement, tant les situations sont complexes, diverses et mouvantes. Mais ce qui serait vraiment appréciable, c'est de stabiliser les règles. Lorsqu'elles changent tout le temps, c'est très difficile pour nous, et plus encore pour l'allocataire, qui se trouve privé de sécurité juridique et a encore plus de mal à comprendre qu'en temps ordinaire, d'autant plus que les changements sont précédés de quelques mois par des effets d'annonce.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Dans chacun de vos quatre départements, le réseau des caisses locales est-il satisfaisant, ou est-il temps de réfléchir à sa restructuration, après des décennies durant lesquelles les choses ont été gelées ?

M. Christian Crespel : Une mesure intéressante consisterait à prendre pour référence les déclarations fiscales des allocataires, au lieu de leur faire remplir une déclaration de ressources que l'on confronte ensuite au fichier de la direction générale des impôts (DGI). Cela ferait gagner du temps et de l'énergie.

M. Hervé François : Mais une part non négligeable des allocataires, celle qui vit des seuls minima sociaux, ne fait pas de déclaration fiscale. L'administration fiscale ne trouverait guère d'intérêt à ce qu'ils en fassent une, mais les CAF, si.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Et la restructuration géographique ? Qu'en pensez-vous ?

M. Christian Crespel : Je me sens quelque peu interpellé, car il y a huit caisses dans mon département, et ce depuis 1945. Mais le sujet n'est pas tabou dans la branche. Nous avons une occasion historique, grâce aux départs massifs à la retraite qui auront lieu vers 2009-2010, de regrouper un certain nombre de fonctions. Les CAF de Dunkerque et d'Armentières, par exemple, relèvent du même tribunal des affaires de sécurité sociale, celui de Lille. On pourrait décider, dans le CPG, que lorsqu'il y a une affaire, c'est celui qui est le plus proche qui se déplace. De même, on peut centraliser le système des paies, dès lors qu'il y a un logiciel commun. Il existe d'ailleurs déjà des pôles régionaux, qui dépassent la configuration départementale. Le sujet, je le répète, n'est pas tabou.

M. Robert Ligier : Il l'est d'autant moins que nous menons déjà, à un niveau certes modeste, des actions de mutualisation destinées à améliorer la qualité du service ou à réduire les coûts de gestion. Ainsi, au lieu de passer des marchés séparés, les deux caisses d'un même département peuvent bénéficier d'économies d'échelle en se groupant.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est le bon sens, et l'on peut s'étonner que cela n'ait pas été mis en avant plus tôt. Justement, quel est votre calendrier de mise en œuvre ?

M. Christian Crespel : Notre échéance est 2008, notamment pour le regroupement de deux structures dans le département du Nord, où existe une pratique relativement ancienne de regroupement des moyens.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais vous inscrivez-vous dans les pôles régionaux de mutualisation ?

M. Christian Crespel : Tout à fait. On ne peut pas s'en exonérer.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles missions ces pôles régionaux privilégient-ils ?

M  Christian Crespel : Toutes les missions annexes, tout ce qui est commun à tous les organismes de sécurité sociale, afin de réserver nos forces pour la production, la liquidation, le service de proximité.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Les directeurs de caisses sont-ils tous d'accord ?

M. Hervé François : Sur le principe de la mutualisation, il n'y a pas de problème. Après, il reste à voir les modalités... Nous avons un service d'audit externe commun aux caisses, mieux vaut d'ailleurs qu'il ne dépende pas d'une caisse.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vos conseils d'administration partagent-ils la même vision ?

M. Hervé François : Peut-être...

M. Pierre Morange, coprésident : Nous apprécions la netteté de la réponse ! Dans le Sud-Finistère, par exemple, avez-vous le sentiment que c'est le cas ?

M. Robert Ligier : Les conseils d'administration des deux caisses du département ont mis en place une commission de concertation, où des administrateurs travaillent sur des axes de mutualisation. Il n'y a plus de tabou politique, dès lors qu'on est sur une logique de mutualisation et non pas de fusion.

M. Jean-Pierre Péquignot : Nous sommes dans la même situation. La réflexion porte sur la mutualisation à structure constante, sur les échanges de bonnes pratiques. C'est sans doute là que la complexité est la plus grande, car l'histoire pèse de tout son poids. Le réseau des CAF n'est pas issu d'une vue de l'esprit, mais d'une réalité sociale, avec des logiques de terroir très fortes. On fait tout ce qu'on peut pour les dépasser, pour travailler sur des logiques communes, pour discuter ensemble avec les conseils généraux, avec les services déconcentrés de l'État, mais dans les conseils d'administration, l'idée d'arriver à une caisse unique pour l'Hérault n'est pas présente...

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous une réflexion sur votre articulation avec les CRAM ? On a évoqué l'échelon régional : cela vous paraît-il intéressant ou non ? Je sais que ce sont des métiers différents, mais il y a des passerelles.

M. Hervé François : Votre question me surprend un peu. J'ai travaillé dans une CRAM. Elles ont peu à voir avec nous. Peut-être y a-t-il des synergies à trouver sur le volet des travailleurs sanitaires et sociaux, mais pour le reste, je ne crois pas. Et d'ailleurs, de quelles CRAM parlez-vous ? Des CRAM vieillesse ou des CRAM maladie ?

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons rencontré la présidente de la CNAVTS ; on pourrait envisager une spécialisation, un recentrage sur les cœurs de métier. L'articulation pourrait alors s'envisager autour du réseau qui irrigue le pays par le biais des CAF.

M. Hervé François : Le problème est que les usagers ne sont pas les mêmes, bien que nous ayons des centres sociaux multigénérationnels, où des personnes âgées viennent faire leur partie de trictrac. Si je peux au passage vous enlever de la tête une idée reçue, il n'est pas tout à fait exact que le réseau soit figé depuis 1945. En 1954, la caisse de Seine-et-Marne a repris le nord du département, qui était géré jusque-là par la caisse de la région parisienne.

M. Georges Colombier : La phase technique de la négociation du CPG pour 2005-2008 est maintenant achevée, et il reste à attendre les arbitrages budgétaires. Je voudrais savoir si les quatre directeurs présents partagent les craintes de la présidente d'une des CAF de mon département, l'Isère, pour les contrats enfance, les contrats temps libre, l'animation de la vie sociale.

M. Christian Crespel : Oui. Nous pouvons tous faire la même réponse.

M. Hervé François : Je me suis occupé d'action sociale. La politique d'action sociale des caisses (développement de crèches, de l'accueil du jeune enfant) correspond à une demande de la population comme des collectivités locales, et est comme un vélo : si elle n'avance plus, elle tombe. Nous avons pris des engagements, on attend de nous que nous les tenions et que nous leur donnions un contenu. Une politique de développement n'est pas une politique de gestion. Le taux de progression n'est pas le même. Mais c'est un problème politique.

M. Pierre Morange, coprésident : Je remercie chacun d'entre vous de votre participation.

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