COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 9

Jeudi 2 juin 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

puis de M. Pierre Morange, coprésident

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la Confédération générale du travail (CGT), responsable du financement de la protection sociale, de M. Yves Vérollet, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique des travailleurs (CFDT), en charge du pôle santé au service de la protection sociale, de M. Franck Urbaniak et de Mme Fabienne Ratajek, en charge du secteur protection sociale à la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), de M. Jean-Louis Deroussen, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), chargé du paritarisme et de la protection sociale, et de Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la Confédération française de l'encadrement - CGC (CFE-CGC), en charge du pôle protection sociale

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- Audition de M. Bernard Caron, directeur du groupe propositions et actions protection sociale du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de M. Jean-François Veysset, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), chargé des affaires sociales, et de Mme Dany Bourdeaux, présidente de la commission sociale de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu, sous la présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents, M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la Confédération générale du travail (CGT), responsable du financement de la protection sociale, M. Yves Vérollet, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique des travailleurs (CFDT), en charge du pôle santé au service de la protection sociale, M. Franck Urbaniak et Mme Fabienne Ratajek, en charge du secteur protection sociale à la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), M. Jean-Louis Deroussen, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), chargé du paritarisme et de la protection sociale, et Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la Confédération française de l'encadrement - CGC (CFE-CGC), en charge du pôle protection sociale.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite la bienvenue à cette audition, qui s'inscrit dans le cadre de notre étude des coûts de gestion des branches de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Au fil de nos auditions, il nous est apparu également intéressant de nous pencher sur l'organisation et les structures des diverses branches et caisses de l'assurance maladie sur le territoire national.

C'est donc de ce point de vue que je vous demanderai tout d'abord si vous ressentez véritablement la nécessité d'une évolution d'un système qui a peu changé depuis 1945 et si vous jugez nécessaire, par exemple, d'adapter le réseau aux changements géographiques, économiques et démographiques intervenus depuis lors.

M. Pierre-Yves Chanu : Si nous sommes très préoccupés par la situation financière de la sécurité sociale, la question des coûts de gestion ne nous paraît pas essentielle au regard de l'ampleur des besoins, même s'il est normal de rechercher l'usage le plus économe possible des ressources.

S'agissant plus précisément de l'organisation territoriale, nous ne sommes pas figés sur l'idée que les choses ne doivent pas bouger, mais nous jugeons essentiel de conserver un réseau de proximité, ce qui implique de rester centré sur l'échelon départemental.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Pourquoi ?

M. Pierre-Yves Chanu : Parce que c'est l'échelon de proximité qui nous paraît le plus pertinent.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais, dans la mesure où ce qui importe vraiment, c'est le service rendu à l'assuré, donc le guichet de proximité et les points d'accueil, en quoi est-ce le département qui répond le mieux à ce besoin ? L'échelon régional n'est-il pas mieux adapté à des réflexions d'ensemble sur la réforme de l'assurance maladie comme à la déclinaison locale, en contact direct avec les assurés ?

M. Pierre-Yves Chanu : La question du service aux assurés est fondamentale, mais ce service ne passe pas seulement par un guichet. Nous, nous restons attachés à un système fondé sur la participation des assurés sociaux à la gestion du régime, et nous sommes convaincus que cette gestion doit rester au niveau du département.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous sommes tous attachés à la démocratie sociale, mais pour vous est-il indispensable qu'elle se situe dans le département plutôt que dans la région ?

M. Pierre-Yves Chanu : Oui !

M. Yves Vérollet : La pyramide des âges et les progrès techniques permettent aujourd'hui d'envisager plus sereinement les choses, même du point de vue des syndicalistes. Pour l'assurance maladie, de 2003 à 2004, les dépenses de personnel n'ont augmenté que de 0,3 % grâce aux économies permises par le non remplacement des départs en retraite.

Cela dit, pour nous, la première réponse n'est pas organisationnelle mais se situe dans les différentes branches et dans leurs nouvelles missions : gestion des risques pour l'assurance maladie, droit à l'information pour l'assurance vieillesse, gestion des minima sociaux pour la branche famille. Face à cette variété, il ne saurait donc y avoir une réponse unique pour toutes les branches.

Pour l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), dont les missions ont aussi changé, si la notion de proximité est importante, nous sommes également favorables à la mutualisation des missions avec des regroupements de caisses.

Pour l'assurance maladie, éclatée entre les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), les unions régionales de caisses d'assurance maladie (URCAM), les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), nous sommes partisans d'une plus grande cohérence et nous prônons une structure régionale de pilotage du régime général, les instances locales déclinant pour leur part la politique régionale établie à partir des orientations nationales.

M. Franck Urbaniak : Pour faire un peu de provocation, je dirai que nous sommes pour le maintien des conseils généraux et contre l'idée de tout transférer aux conseils régionaux. Cela signifie que la sécurité sociale a vocation à être gérée au niveau départemental. Nous sommes donc favorables au maintien d'un pouvoir de décision politique dans le département, ce qui ne signifie pas que nous soyons hostiles à un renforcement du rôle de la région et à un pilotage national.

Il est sans doute possible de faire évoluer le réseau, notamment en mutualisant certaines activités, on l'a vu avec les plates-formes téléphoniques - et il existe aussi des possibilités en matière de contentieux. Mais cela n'est pas antinomique avec le maintien d'une présence de proximité.

S'agissant de la nécessité d'agir en priorité sur les coûts de gestion des branches, il faut replacer le débat dans un cadre plus général en rappelant que ces coûts ne représentent que 5 % des dépenses de la sécurité sociale. C'est pourquoi, si la Cour des comptes considère que la réduction des coûts de gestion pourrait être un facteur d'économies, nous pensons au contraire qu'il y aurait intérêt à investir dans la gestion administrative pour faire des économies sur les 95 % restants. Car on ne mettra pas en œuvre la maîtrise médicalisée en réduisant le personnel, au contraire !

M. Jean-Louis Deroussen : Nous ne sommes pas crispés sur les fondements historiques et nous sommes prêts à réorganiser un réseau quelque peu obsolète. Mais, pour nous, le niveau départemental est bien le plus pertinent. La loi de décentralisation donne des pouvoirs au département, il est donc important que les partenaires sociaux puissent s'exprimer, à ce niveau, au sein des conseils d'administration. C'est aussi cela, la proximité. J'ajoute que l'on ne peut pas confondre la gestion des caisses d'allocations familiales (CAF) et des CPAM avec de simples points d'accueil. Le fait qu'il existe plusieurs caisses dans certains départements tient à des facteurs divers : sociologique dans le Finistère, géographique en Ardèche. Il n'est donc pas possible de décréter arbitrairement qu'il n'y aura qu'une seule institution par département. Qui plus est, même quand les partenaires sociaux sont d'accord pour que les choses changent, ils se heurtent souvent aux élus, qui ont déjà vu fermer la perception, la poste, la gendarmerie, et qui ont du mal à admettre qu'on supprime aussi une CAF ou une CPAM. D'ailleurs, le résultat du référendum de dimanche dernier exprime un besoin de proximité, il faudrait le comprendre.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous laisse la responsabilité de ce rapprochement.

Cette mission réfléchit à l'organisation de la sécurité sociale. Nous ne sommes pas obsédés par les économies, mais nous nous intéressons à la façon de rationaliser les moyens humains et techniques pour améliorer la qualité du service, la proximité, l'accessibilité. Par exemple, optimiser le contrôle médical dans le cadre d'une maîtrise médicalisée aurait sans doute un effet levier qui entraînerait des économies substantielles.

Mme Danièle Karniewicz : Les assurés sont très attachés au réseau de proximité pour la maladie, la famille, et même la vieillesse, avec les agences retraite. Les partenaires sociaux se réjouissent également de disposer de cet échelon politique de proximité. On voit bien dans les DOM, avec les caisses générales de sécurité sociale, qu'il n'est pas facile de gérer le multirisque, d'autant qu'on est tenu de respecter plusieurs conventions d'objectifs et de gestion.

Le service que leur offre la sécurité sociale est fondamental pour les Français, qui se préoccupent avant tout de ce qu'elle pourrait devenir. De ce point de vue, les coûts ne sont qu'un prétexte : les frais de fonctionnement d'une CRAM ne représentent souvent que 1 à 1,5 % des prestations versées. Connaissez-vous un seul autre organisme qui se situe à ce niveau ? Alors, nous ne disons pas qu'il ne faut pas faire d'économies, mais qu'il faut les faire au bon endroit et sans bouleversement trop profond par rapport aux attentes des Français.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Si je comprends bien, il ne faut pas bouger. Ou bien avez-vous des propositions pour restructurer, pour mutualiser certains postes et lesquels ? Nous avons visité des CPAM et des CRAM et les directeurs comme le personnel nous ont dit qu'il y avait des possibilités. Nous souhaitons donc tout simplement savoir quels postes de dépenses peuvent être mutualisés pour un meilleur service aux assurés.

M. Pierre Morange, coprésident : Que pensez-vous, de ce point de vue, de l'offre globale de services de la mutualité sociale agricole (MSA) ?

M. Yves Vérollet : Il faut éviter les faux débats : dire qu'on doit passer d'un échelon local à un échelon régional ne signifie pas qu'il y aura des fermetures car il faut bien maintenir les services de proximité, bien sûr en évitant les doublons. Autre faux débat, celui sur les conseils, qu'il faut dédramatiser en montrant qu'il y a des responsabilités différentes. Il nous semblerait intéressant d'avoir des conseils locaux avec tous les acteurs : usagers, partenaires sociaux, professionnels de santé, qui seraient là pour voir comment ça marche.

M. Pierre Morange, coprésident : Qu'entendez-vous par « locaux » ?

M. Yves Vérollet : Nous ne sommes pas fermés à l'idée d'une caisse par département, mais cela ne signifierait pas forcément, pour prendre l'exemple de l'Isère, que c'est la plus petite, à Vienne, qui serait fermée.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous pensez à une caisse par branche ou à une caisse interbranches ?

M. Yves Vérollet : Le regroupement des branches est sans doute une fausse bonne solution. La MSA est un petit régime, qu'il serait absurde de diviser en plusieurs branches. En revanche, pour le régime général, une caisse interbranches serait une structure énorme. Pour autant, il pourrait y avoir des maisons de la protection sociale rassemblant plusieurs services.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Si nous parlons d'organisation, c'est pour améliorer qualitativement la gestion. La proximité avec les usagers est une règle évidente et les choses s'améliorent, en particulier grâce aux plates-formes téléphoniques et à l'implantation de bureaux au plus près des bassins d'emploi. Les usagers comme le système lui-même ont beaucoup à gagner au renforcement de la qualité de l'accueil.

Je m'interroge en revanche sur l'utilité et la fonctionnalité de structures politiques auxquelles vous semblez très attachés mais dont je ne vois pas très bien ce qu'elles font. Quel est exactement le rôle des caisses primaires ? Peut-être avez-vous des propositions pour qu'elles prennent plus de responsabilités. Devraient-elles selon vous gérer le contrôle de l'offre de soins ? Car la question « qui gère ? » est au cœur de toute réforme : s'il s'agit simplement de vérifier que la caisse primaire fonctionne bien, a-t-on besoin d'un conseil d'administration ? S'il s'agit en revanche de gérer le risque, très bien, mais voulez-vous vraiment que cela se fasse au niveau départemental ?

M. Franck Urbaniak : Prenons la commission de recours amiable : quand il manque quelques semaines à un assuré pour valider le bon nombre de jours, on a bien besoin d'un pouvoir politique pour apprécier, sur le terrain, la nécessité sociale de déroger à l'application d'une réglementation technique. C'est donc bien là que se fait le lien avec les assurés et que l'on gère concrètement la politique de protection sociale.

La Cour des comptes a dit que le nombre des caisses ne se justifiait plus dans certains départements en raison des modifications des bassins d'emploi. Nous ne sommes donc pas opposés à toute évolution, mais nous voulons qu'elle soit pilotée au niveau national pour ne pas dépendre de tel ou tel intérêt local.

Pour répondre à la question sur l'éventualité d'une fusion des branches de la sécurité sociale, il faut se demander quels en sont les usagers : ceux des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) sont les entreprises et il est normal de raisonner en termes de bassins d'emploi, mais une CAF n'a pas le même public et il paraît donc impossible de fusionner les deux. Par ailleurs, quand on parle de prestations, on a tendance à oublier la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Or, en la matière, on voit mal comment s'applique le raisonnement qui a souvent été celui de votre mission. Comment, en effet, parler d'économies, de productivité, d'équivalents temps plein pour les contrôleurs de sécurité, les ingénieurs conseil et toute l'activité de prévention ?

Une réflexion sur l'organisation suppose qu'on détermine des indicateurs de productivité qui ne soient pas exclusivement financiers, qui varient selon les branches et qui soient établis au niveau national.

M. Jean-Louis Deroussen : Les plates-formes téléphoniques sont un exemple de mutualisation : on améliore bien le service de proximité en étant capable de répondre aux assurés de 8 heures à 20 heures. De même, on n'a pas besoin, dans chaque petit département, qu'un employé s'occupe spécifiquement du pôle juridique ou du conseil en immobilier. Mais mutualisation ne veut pas dire déshumanisation : il faut conserver le côté accessible et pratique des services.

M. Pierre Morange, coprésident : L'offre globale de services aux assurés vous semble une approche déshumanisée ?

M. Jean-Louis Deroussen : Il faut bien expliquer que la réforme ne signifie pas que vous n'aurez plus un homme ou une femme en face de vous pour répondre à vos questions. Aujourd'hui, les gens ont de plus en plus besoin de parler pour se rassurer, de savoir qu'ils disposent d'un service de proximité, et ils ressentent la nécessité d'aller dans une CAF pour s'en rendre compte. Quand on perçoit le revenu minimum d'insertion (RMI), on a davantage besoin de pouvoir s'adresser à une personne qu'à une technostructure déshumanisée.

M. Pierre Morange, coprésident : Le système de la MSA ne vous paraît donc pas pouvoir être adapté au régime général ?

M. Jean-Louis Deroussen : C'est un bon système, dont certains éléments pourraient être repris, mais le régime général a une autre dimension.

M. Pierre Morange, coprésident : Si je comprends bien, ce serait donc difficile en termes d'organisation, mais la philosophie est bonne ?

M. Laurent Wauquiez : En Auvergne, au lieu de procéder à une simple répartition géographique, le réseau des CAF a opéré une mutualisation par compétences : le central téléphonique dans une zone, le service juridique dans une autre. Il faut toutefois veiller à ce que ce mouvement se fasse en fonction de l'expertise de chaque CAF et pas systématiquement au profit des métropoles régionales, au risque de priver les départements de compétences et de savoir-faire.

Mme Danièle Karniewicz : La mutualisation de certaines missions - service juridique, gestion des marchés, organisation logistique - paraît logique et on ne peut y être opposé. Mais il est important d'avoir une structure dédiée à l'assuré et proche de lui dans la gestion des différentes branches. En matière de retraites, on a développé un réseau de super-proximité grâce aux agences retraite dans les petites communes, et on voit bien qu'il y a vraiment un besoin énorme de l'assuré de pouvoir poser des questions à un conseiller, le rôle de ce dernier étant d'autant plus important que le choix entre les différentes offres est de plus en plus ouvert. Cela vaut pour l'ensemble de l'action sociale.

S'agissant de la gestion politique, je crois en effet que nous, partenaires sociaux, pouvons faire davantage pour être de véritables acteurs des orientations du régime. C'est un rôle que nous revendiquons depuis longtemps.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : On a vu ce qui s'est passé pour l'assurance maladie avec la création de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), dont je n'ai pas eu l'impression qu'elle se soit traduite par plus de responsabilité pour les partenaires sociaux. Vous nous dites que les instances politiques départementales sont fondamentales, nous en prenons acte. Mais si une des leçons du vote de dimanche dernier est que l'on veut avoir des gens responsables, force est de constater qu'en matière de sécurité sociale les responsabilités ne sont clairement identifiées ni au plan national ni au niveau local. S'agissant par exemple du risque maladie, en quoi êtes-vous demandeurs de nouvelles responsabilités ? Sur la proximité du service à l'usager, je crois que tout le monde est d'accord, y compris sur le fait qu'elle doit être humaine et ne pas prendre seulement la forme électronique. Mais sur l'aspect politique, si vous demandez plus de pouvoirs, il faut dire lesquels.

M. Pierre-Yves Chanu : Insister sur la pertinence de l'échelon départemental ne signifie pas que toutes les caisses doivent tout faire : il y a des choses que les caisses les plus petites ont du mal à bien faire et pour lesquelles il est donc nécessaire de rechercher une mutualisation. Mais il y a quand même un socle commun, les choses qui doivent continuer à être faites par tout le monde. Et c'est bien, parce que la mutualisation ne doit pas se faire au profit du seul chef-lieu de région qu'on a besoin d'un pilotage national.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Mais si on mutualise à Brioude, il faudra aussi que le personnel accepte de s'y rendre. Ce peut être une difficulté.

M. Pierre-Yves Chanu : Ce genre de questions doit se régler par la concertation et par la négociation. Il faut expliquer, faire avec le personnel et non pas tout décider d'en haut.

Nous avons regretté la modification de l'équilibre des pouvoirs au niveau national et local auquel a procédé la loi du 13 août 2004. Si on continue comme cela, il sera difficile d'expliquer pourquoi on a besoin au niveau local d'un conseil d'administration aux pouvoirs limités. Pour notre part, nous sommes au contraire partisans d'un renforcement des pouvoirs de ces conseils d'administration.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais quels pouvoirs ? Selon quelles modalités ? Dans quels domaines ? Avec quels moyens d'action ? Avec quels moyens de contrôle ?

M. Pierre-Yves Chanu : Si on prend l'exemple de l'assurance maladie, un renforcement des pouvoirs des conseils d'administration dans la politique de contrôle médical serait une excellente chose. En effet, si le contrôle n'est pas effectué au niveau local, il risque de se fonder uniquement sur les statistiques. Or, si, à un endroit donné, trois médecins sont au-dessus de la moyenne des prescriptions, cela peut s'expliquer par la situation locale. Pour ce type de questions, il serait extrêmement souhaitable de fixer des règles précises de fonctionnement du contrôle médical.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Quand on constate une irrégularité dans les prescriptions ou dans l'activité médicale, on peut se dire soit que c'est normal parce que ça répond aux besoins de la population, soit qu'il y a vraisemblablement des prescripteurs qui abusent. Et les deux peuvent être vrais. Mais pourquoi les caisses primaires n'ont-elles pas jusqu'ici - avant même la réforme du 13 août 2004 - regardé de plus près ce qui se passait ? Et encore ne parle-t-on que de la médecine de ville. Or n'oublions pas que la moitié des dépenses de l'assurance maladie concernent l'hôpital. Pourquoi les caisses primaires n'ont-elles pas pris des initiatives en ce qui concerne la qualité et l'efficience, qui sont deux critères essentiels pour la gestion du risque ?

M. Jean-Louis Deroussen : Dans le Nord-Pas-de-Calais, on a constaté un dérapage important des arrêts de travail, le conseil d'administration s'en est saisi, il a renforcé les vérifications et, en trois mois, le nombre des journées d'arrêt de travail a diminué de 25 %. On voit bien que, quand le conseil peut être saisi, quand il prend ses responsabilités, il obtient des résultats. Son rôle est de rechercher les raisons, de prendre, en fonction de l'ensemble des éléments, des décisions politiques et, éventuellement, de sanctionner. Cela vaut aussi pour le service du RMI par les CAF : pour certains, c'est une simple fonction administrative, mais le conseil d'administration pourrait aussi chercher à comprendre pourquoi on en verse plus à certains endroits qu'à d'autres. Qu'on rappelle donc aux conseils d'administration qu'ils ont des responsabilités et qu'ils doivent les assumer !

M. Pierre Morange, coprésident : Les caisses primaires sont-elles compétentes pour orienter le contrôle médical qui dépend de la structure nationale ?

M. Jean-Louis Deroussen : Le conseil d'administration ne remet en cause ni l'arrêt de travail prescrit par le médecin, ni la décision du médecin-conseil, mais le simple fait qu'il soit alerté peut entraîner une modification des comportements.

Mme Danièle Karniewicz : S'agissant de la gouvernance, nombreux étaient ceux, avant la réforme, qui insistaient sur la confusion des rôles entre l'État, les services et les partenaires sociaux. Il paraît donc difficile de reprocher aujourd'hui à ces derniers de ne pas avoir agi avant. On a dit que le système ne fonctionnait pas parce qu'il se bloquait lui-même. On sait par exemple qu'on a eu bien des problèmes avec le contrôle médical parce que la direction des médecins conseil ne voulait pas qu'ils fassent du contrôle. En fait, les partenaires sociaux n'avaient pas la main pour exercer leurs responsabilités. Ce n'est donc vraiment pas une raison pour les leur ôter et pour les transférer au directeur.

Cela étant, il faut clarifier les rôles : si les partenaires doivent prendre davantage la main dans les caisses locales, il est nécessaire de définir des indicateurs. C'est ce que nous demandons.

M. Yves Vérollet : En ce qui concerne le contrôle médical, il y a quand même une bonne nouvelle : c'est que le travail engagé depuis plusieurs années dans les caisses porte ses fruits et que les indemnités journalières sont en diminution.

La loi du 13 août 2004 transfère des pouvoirs à l'assurance maladie tout en transformant les conseils d'administration en conseils d'orientation et de surveillance et en laissant la mise en oeuvre à la direction générale. Il est trop tôt pour faire le bilan de cette gouvernance. Avec le transfert à l'UNCAM, le mouvement syndical a pu se demander s'il aurait dû aller jusqu'à gérer complètement le système. Je ne le pense pas car, d'une part, sa légitimité ne me semble pas suffisante, et d'autre part je ne crois pas qu'une majorité se dégagerait en son sein pour décider d'admettre ou de refuser telle ou telle prestation ou pour diminuer ou augmenter le ticket modérateur et les cotisations. Nous pensons donc que le monde syndical ne peut gérer, seul, l'assurance maladie, que le paritarisme pur n'a pas de sens dans ce contexte et que c'est l'ensemble de la société civile qui aurait dû être impliqué, ce que la réforme n'a, hélas, pas fait.

Cela m'amène au rôle des conseils locaux qui doivent, pour reprendre l'expression de M. Guillaume Sarkozy devant le conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), « suivre comme des chiens », au jour le jour, l'application de la convention médicale et faire ensuite des propositions qui pourront être mises en œuvre par les directions. Le bilan de la réforme devra être fait ultérieurement, mais, dès à présent, ce rôle d'orientation et de surveillance me paraît important pour les caisses locales.

M. Pierre-Yves Chanu : Il n'y a pas de contradiction à ce que les caisses nationales fixent les orientations et à ce qu'elles soient ensuite déclinées localement. Les conventions d'objectifs et de gestion (COG), bien utilisées, sont de très bons outils pour cela. Pour ce qui est de l'exercice de leurs prérogatives par les conseils avant la réforme, je pense, comme Mme Danièle Karniewicz, que la confusion des responsabilités ne facilitait certainement pas les choses, mais j'observe que le reproche ne vaut pas pour tous les conseils. Le retour à des élections directes renforcerait les liens entre les conseils et les assurés sociaux et constituerait un puissant levier pour la prise de responsabilités.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quel sentiment vous inspirent le classement des caisses paru dans la presse et les très grands écarts qu'il révèle? Considérez-vous tous qu'il faille en revenir à l'élection directe des conseils ?

Mme Danièle Karniewicz : Je n'envisage pas le rôle des partenaires sociaux au sein des conseils avec autant de modestie. A condition que leur mandat soit clair, ils sont parfaitement aptes à prendre leurs responsabilités dans la gestion du système. Sans doute, étant donné la multiplicité des acteurs, les choses sont-elles plus compliquées pour l'assurance maladie, mais il n'empêche.

M. Georges Colombier : Les retraités, qui demandent à cor et à cri à être représentés au sein des conseils, constatent que les syndicats ne souhaitent pas. Pourquoi ?

M. Pierre-Yves Chanu : La mode est au benchmarking, chacun le sait. Puisque des objectifs ont été fixés, il est juste que chaque branche, en interne, apprécie leur degré de réalisation et les progrès accomplis. A cet égard, si l'on prend l'exemple des URSSAF, on constate, en dépit d'écarts importants, que l'on va dans le bon sens. Mais que la presse se plaise à faire le palmarès des caisses comme elle le fait pour les hôpitaux et les universités me paraît dangereux. Je ne suis pas certain que les journalistes qui se livrent à cet exercice connaissent aussi bien que nous le sujet et le terrain. Pour ce qui est de la participation des assurés sociaux à la gestion des caisses, nos propositions de gouvernance sont indissociables du retour aux élections directes. Mais l'un des dangers auxquels nous sommes confrontés est une opposition croissante entre actifs et retraités, alors que, pour nous, les retraités sont des salariés en position d'inactivité. Nous avons des organisations de retraités, parfois très importantes, et dans les caisses complémentaires, un nombre significatif d'administrateurs sont des retraités, qui doivent pouvoir exercer leurs responsabilités.

Mme Danièle Karniewicz : Si l'on s'engage dans la voie de la représentation des retraités, il faudrait prévoir celle des retraités autonomes, celle des retraités non autonomes et, bientôt, pourquoi pas, celle des femmes enceintes et des hommes chauves... Au-delà de cette formulation volontairement provocante, je considère que l'on ne peut favoriser le corporatisme, sauf à vouloir diviser. On n'y gagnerait ni en efficacité ni en consensus, et ce n'est pas ainsi que l'on vivra mieux ensemble.

M. Georges Colombier : J'ai été syndiqué un quart de siècle à la CGT-FO et je ne suis pas favorable à la division mais je ne comprends pas l'hostilité syndicale à la représentation des retraités, dont le nombre va pourtant croissant.

Mme Danièle Karniewicz : Nous sommes confrontés au problème inverse avec la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), en cours de création, au conseil de laquelle ne sont représentés ni les financeurs ni les partenaires sociaux, si bien que l'on va se casser la figure. D'une manière générale, on a déjà multiplié les interlocuteurs. Peut-on croire que les choses seront vraiment plus simples si, de surcroît, on favorise le corporatisme ?

Dans un autre domaine, nous sommes favorables aux comparaisons à condition qu'elles soient fondées sur des critères intelligents, intelligibles et rigoureux, destinés à permettre une meilleure gestion des caisses et non des classements par la presse.

Enfin, nous avons toujours été favorables à un système électif.

M. Jean-Louis Deroussen : Les moyens de chaque caisse étant différents comme sont différentes les populations assujetties, leur classement est aussi ridicule et dénué de sens que l'est celui des lycées. Il n'y a rien à redire, en revanche, au fait de fixer des objectifs et d'évaluer leur degré de réalisation. Pour ce qui est des élections, nous sommes favorables au retour au système en vigueur avant 1983. S'agissant des retraités, ils ont toute leur place au sein des organisations syndicales et ils siègent dans nombre d'instances d'anciens salariés où ils expriment leur point de vue.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles orientations les prochaines COG devraient-elles retenir s'agissant de la mobilité des personnels, de la gestion des ressources humaines, de l'outil informatique, de la mutualisation des services ou de la politique d'achats ?

M. Yves Vérollet : Nous ne sommes pas favorables à des élections directes, mais à ce que les élections au sein des branches professionnelles déterminent la représentativité des organisations syndicales, qui induit elle-même la désignation des administrateurs représentant ces organisations au sein des conseils des caisses. Ce lien est nécessaire. Pour ce qui est de l'assurance maladie, la politique de santé relevant de l'État, une double légitimité - le législateur d'une part, les représentants des assurés sociaux d'autre part - n'est pas judicieuse. S'agissant de la transparence, mieux la communication des caisses sera faite, plus intéressantes seront les informations parues dans la presse. Seulement, la communication avec les journalistes date d'un siècle, et ils ont tendance à privilégier ce qui est croustillant... Sur un autre plan, nous aimerions que, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et des COG et sous le contrôle du Parlement, les directeurs administratifs des branches de la sécurité sociale puissent gérer plus librement leur politique d'emploi et de rémunération. Cela éviterait sans nul doute des conflits locaux, qui se multiplient.

M. Pierre Morange, coprésident : Le principe de la mobilité géographique ne vous choque pas ?

M. Yves Vérollet : Si des redéploiements sont rendus possibles par les gains de productivité eux-mêmes permis par les progrès techniques, il faut, dans le cadre financier fixé, donner davantage de liberté aux gestionnaires des caisses, faute de quoi il y aura des blocages et des conflits sociaux sérieux.

M. Franck Urbaniak : Le classement des caisses est actuellement sans intérêt puisque, comme l'a souligné la Cour des comptes, aucune liste de critères d'évaluation pertinents n'a été établie. Elle doit être définie après discussion au niveau des conseils de branche. A ce sujet, nous sommes plus attachés aux critères qualitatifs qu'aux critères quantitatifs et nous saluons le travail des caisses qui recherchent la certification, car l'évaluation des caisses ne peut porter uniquement sur le temps de travail. Ce qui compte, c'est le service rendu à l'usager, car la durée de liquidation d'un dossier n'est pas la même selon qu'il s'agit, par exemple, de maladie ou d'accident du travail. De plus, on ne peut évaluer pareillement une plate-forme téléphonique, qui traite les dossiers les plus simples et où il est facile d'améliorer la productivité, et une caisse où aboutissent les dossiers les plus compliqués. L'évaluation doit être fondée sur le service rendu, et il devient bien difficile d'évaluer quelque gain de productivité que ce soit lorsque des missions nouvelles sont confiées aux caisses en cours de COG. S'agissant des élections, elles n'auraient d'intérêt que si les pouvoirs de gestion des conseils d'administration des caisses et les responsabilités que l'on entend leur confier étaient redéfinis. Pour l'heure, elles ne se justifient pas.

M. Georges Colombier : Il y a quand même un problème de représentativité !

M. Franck Urbaniak : Je ne suis pas opposé à une certaine présence de la société civile au sein des conseils d'administration des caisses mais c'est précisément la question de la représentativité qui suscite ma réticence. Le Gouvernement paye d'ailleurs chèrement, en termes de gestion, le fait d'avoir fait entrer des associations au sein du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). Le préalable à toute réorganisation des conseils, ce sont des garanties sur la légitimité de certaines associations déclarant représenter la société civile ; actuellement, elles manquent.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment parvenir à la mobilité géographique ? Quels objectifs fixer à la gestion des ressources humaines ?

M. Franck Urbaniak : Si une réorganisation a lieu, la politique de gestion des ressources humaines devra être pilotée et cadrée au niveau national, sans quoi on n'arrivera à rien. Ensuite, la discussion au niveau local suppose des marges de manœuvre, qu'il s'agisse de moyens de formation ou de politique salariale.

M. Jean-Louis Deroussen : S'agissant des COG, la tendance actuelle, qui est de dire que l'on ne remplacera qu'un salarié partant à la retraite sur deux, met les personnels mal à l'aise. On ne peut demander des prestations de qualité si le manque de personnel est patent. Or, on vise avant tout à réduire un effectif par ailleurs composé de titulaires d'un Bac+2 rémunérés au SMIC et sommés d'appliquer une législation et une réglementation démesurées. Sait-on qu'un agent doit connaître 18 000 règles de droit, règles qui, en outre, changent tout le temps ? Imagine-t-on la complexité nouvelle induite par le système du médecin traitant ? Malgré cela, on demande au personnel une qualité irréprochable. Si l'on accepte le principe de la mutualisation, on sous-entend que l'on accepte du même coup une certaine mobilité. Mais si l'on veut la qualité, on ne peut commencer par réduire les moyens.

Mme Danièle Karniewicz : Les indicateurs de qualité de service et de productivité se sont améliorés au fil des COG successives. Le personnel de la sécurité sociale se caractérise par un très grand professionnalisme et par un souci très élevé du service rendu en dépit de la faible souplesse du système de rémunération. Malgré la convention collective unique, la mobilité interbranches est très faible et les comités de carrière gèrent plus le flux que le stock ; autrement dit, on attend un départ pour faire une promotion. Une plus grande souplesse est nécessaire, qui passe par l'utilisation des outils plus modernes de gestion du personnel que sont la prime de résultat et l'intéressement, pour rendre les rémunérations plus attrayantes. En l'état, on a bien du mal à retenir les compétences les plus pointues, attirées par le secteur privé.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : A-t-on une idée du nombre de certifications obtenues par les caisses ou en passe de l'être ?

Mme Danièle Karniewicz : Je suis incapable de répondre à cette question.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Il nous serait utile que vous nous transmettiez vos suggestions de simplifications législatives et réglementaires.

Mme Danièle Karniewicz : Nous le ferons, bien sûr. Sur le plan général, je doute que l'on se rende bien compte de ce que représente l'application des décrets relatifs à la réforme des retraites. Le législateur doit s'attacher à rendre progressivement les textes immédiatement applicables, sans que des juristes doivent être consultés pour interprétation.

M. Pierre Morange, coprésident : Mesdames, Messieurs, je vous remercie.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu, sous la présidence de M.  Pierre Morange, coprésident, M. Bernard Caron, directeur du groupe propositions et actions protection sociale du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Jean-François Veysset, vice-président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), chargé des affaires sociales, et Mme Dany Bourdeaux, présidente de la commission sociale de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir les organisations patronales représentées aux conseils d'administration des branches de la sécurité sociale. Je souhaite la bienvenue à M. Bernard Caron, à M. Jean-François Veysset et à Mme Dany Bourdeaux.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Dans le cadre de son analyse de l'organisation et du coût de gestion des branches de la sécurité sociale, notre mission a souhaité vous interroger sur les moyens d'améliorer le service rendu aux assurés tout en augmentant la productivité de chaque branche, vous demander si des évolutions sont nécessaires et possibles et connaître votre opinion sur le maillage territorial des caisses, figé depuis 1945.

M. Bernard Caron : Je n'ai pas de vérité définitive sur ces affaires compliquées mais je constate que, comme vous l'avez souligné, le dispositif date de 1945 et que, lorsque des évolutions ont eu lieu, elles se sont faites selon la méthode qui, trop souvent, caractérise notre pays : on accumule des strates sans revoir la cohérence d'ensemble du dispositif. En l'espèce, on a constitué un millefeuille sans se préoccuper ni de transparence ni d'efficacité. Cela dit, il faut aborder la question par branche, car leurs situations sont diverses. A titre personnel, j'ai le sentiment que les organismes sont très professionnels. Ils ont fait la preuve de leur capacité à gérer un traitement de masse qui n'a rien d'évident sans qu'au cours des années écoulées ne se soit jamais produit un bogue majeur, et le service est rendu très convenablement, qu'il s'agisse du recouvrement des cotisations et contributions sociales ou de la liquidation des prestations.

Mais les choses s'apprécient différemment si l'on considère le rapport entre coût et service rendu. En ce domaine, le seul indicateur est celui des coûts de gestion, qui varient de 20 %, 30 %, voire 100 % selon les caisses sans que l'on trouve toujours d'explications à ces différences. Le dispositif repose sur un système informatique très complexe mais il arrive que l'on privilégie le traitement de données par rapport à la fiabilité de la collecte. Par ailleurs, à chaque fois que des sommes, parfois pharamineuses, sont consacrées aux investissements informatiques, on se trouve incapable d'en mesurer la rentabilité car nos camarades salariés vérifient que ces investissements ne se traduiront par aucune suppression de postes. De ce fait, les organismes sont conduits à accomplir des missions qui ne figuraient pas au nombre de leurs missions initiales et réorientent leurs activités au-delà du raisonnable. C'est le cas de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et c'est aussi celui des caisses d'allocations familiales (CAF), devenues des caisses d'action sociale. Il est donc de plus en plus difficile d'évaluer les coûts de gestion à mesure qu'augmentent la confusion et l'ambiguïté des missions. Une clarification s'impose.

M. Jean-François Veysset : Pourquoi ce qui a été fait pour l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) ou avec le rapprochement de l'Association générale des institutions de retraites des cadres (AGIRC) et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) ne pourrait-il être envisagé pour la gestion des caisses de la sécurité sociale, branche par branche ? Mais cela suppose de recenser les locaux, les personnes, les métiers et les emplois concernés par la gestion de l'assurance maladie. La difficulté tient à ce que l'on a mené séparément des actions qui auraient dû être conduites de manière concomitante, par exemple en dissociant informatique et questions d'organisation ou d'offre de soins.

Je me suis rendu dans plusieurs caisses pour constater comment elles fonctionnaient et, en particulier, pour comprendre comment les mêmes personnes pouvaient assurer l'accueil du public et le traitement des dossiers. J'ai constaté que cela posait certains problèmes mais que, dans tel département où l'on compte neuf caisses, on pourrait descendre à trois, tandis que dans tel autre où il en existe deux ou trois, on pourrait passer à une. La priorité, comme dans n'importe quelle entreprise, doit être donnée à l'optimisation de la gestion, sous peine de ne pouvoir faire face aux défis. Rien ne justifiant que les budgets publics ne bénéficient pas de la même attention que les budgets privés, nous souhaitons, dans le respect des personnes mais avec une vision prospective, faire bouger les choses. Au vu des résistances qui se sont manifestées dès que nous avons voulu prendre des rendez-vous pour visiter les caisses, nous savons que ce sera long, et malaisé pour le législateur. Les réformes ne pourront se faire que très progressivement, au rythme auquel les personnels consentiront à aller de l'avant.

Mme Dany Bourdeaux : Nous sommes d'avis qu'il faut regrouper certaines institutions et que la région est le niveau pertinent. Mais l'on pourrait déjà beaucoup améliorer la logistique et les politiques d'achats par une mutualisation qui réduirait les coûts de gestion des caisses les plus petites. Pour autant, la qualité du service rendu suppose que l'on veille à maintenir un service de proximité, qui ne doit pas disparaître au motif qu'il faudrait faire des économies. Le rapprochement en cours des caisses de l'artisanat et du commerce au sein du régime social des travailleurs indépendants (RSI), exercice qui consiste à passer de trois caisses départementales à une seule, ne se fait pas sans difficultés, mais nous nous sommes engagés à le conduire dans le respect des personnes. Notre objectif est bien de réaliser des économies de gestion tout en maintenant la qualité du service rendu.

M. Pierre Morange, coprésident : La convergence entre les branches qui s'opère au sein du RSI et qui caractérise aussi la mutualité sociale agricole (MSA) vous semble-t-elle envisageable pour le régime général, dont les structures sont plus lourdes ?

M. Bernard Caron : Votre rapporteur a rappelé que le réseau est celui de 1945, tel que modifié en 1967. Il convient à présent de distinguer le service de proximité des fonctions de gestion administrative, pour lesquelles il n'y a aucun besoin de démultiplication. On peut très bien concevoir un dispositif régional constitué d'une caisse et de comptoirs. D'ailleurs, tout le monde est d'accord sur le principe. Pourtant, on ne le fait pas, alors que c'est faisable, si ce n'est que l'assurance maladie a pour particularité extravagante un embrouillamini total de compétences, qui impose une redéfinition pour éviter des superpositions malvenues. Nous pensons que l'on peut redéployer le réseau du régime général en maintenant la spécificité des branches et le service de proximité et en regroupant les services fonctionnels.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Pourquoi vos propositions ne reçoivent-elles pas un accord unanime ?

M. Bernard Caron : Pour les raisons que j'ai dites : il n'est jamais question de redéployer, mais toujours d'empiler des strates, alors que ce devrait être l'impératif de départ. Ne vient-on pas de créer l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) ? S'il n'y a pas obligation de redéploiement, tout continuera sur la même lancée.

M. Pierre Morange, coprésident : Préconisez-vous la création de guichets interbranches ?

M. Jean-François Veysset : Il faudrait définir ce que doivent être les cœurs de métier. Si, au lieu de dériver sans cesse en affectant mission sur mission à certains organismes sans même s'interroger pour savoir s'il ne serait pas plus judicieux de les externaliser, on s'en tenait, pour chaque branche, à son cœur de métier, ce serait déjà un grand progrès. Que l'on se rende compte de l'extrême diversité des missions allouées aux caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), très éloignées de l'assurance maladie et de la prévention ! Une remise en question objective est indispensable, mais les corporatismes seront autant de foyers de résistance. Des missions plus précises doivent être confiées à des équipes fortes et réduites. Or la tendance est, pour n'oublier personne, à la multiplication d'instances consultatives où une place telle est faite aux élus et aux représentants de la société civile qu'il n'y en a plus pour ceux qui ont un savoir-faire réel. Alors on met l'organisme en sommeil, puis on en crée un nouveau. Le problème de gouvernance est réel.

Mme Dany Bourdeaux : En tant que simple usager, on ne peut qu'appeler cette simplification de ses vœux. Elle a d'ailleurs commencé pour le recouvrement. Mais quand je vois que dans certains départements il y a deux caisses primaires et trois unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), je me dis que nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Je vois bien, avec le RSI, que cela n'est pas facile. Il y faut de la volonté et du courage. J'espère que nous en aurons tous assez pour nous atteler à la tâche dans le régime général.

M. Laurent Wauquiez : Vous soulignez les pesanteurs auxquelles on se heurte pour rationaliser l'organisation territoriale. Il semble, en effet, bien difficile de secouer la machine. Mais la solution est-elle vraiment de procéder à une régionalisation pure et dure, en transférant toutes les compétences et au risque de rencontrer de forts corporatismes ? Ainsi, si on supprime les caisses départementales, on va se heurter à tous les élus, y compris à ceux - moi le premier - qui prônent une rationalisation des moyens. Le meilleure solution ne serait-elle pas, par conséquent, de rationaliser en créant des pôles de compétences et en les rattachant à telle ou telle caisse ? En contournant de la sorte les corporatismes, ne regagnerait-on pas ce qu'on perdrait en termes de pilotage national ?

Je souhaiterais par ailleurs connaître votre avis sur ce qu'apportent tous les procédés de dématérialisation. J'ai constaté, sur le terrain, les énormes efforts qui étaient faits pour revoir l'ensemble du traitement des dossiers. En mesurez-vous les effets en termes de gestion ? Encouragez-vous ces efforts, ou considérez-vous qu'il s'agit plutôt de gadgets et qu'on traite les dossiers dématérialisés comme sont traités les dossiers papier ?

M. Bernard Caron : S'agissant de la mutualisation des compétences, la grande question est de savoir si on raisonne branche par branche ou interbranches. Il existe déjà un organisme, l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UNCANSS), qui gère de façon centralisée les 180 000 employés de la sécurité sociale, avec une seule convention collective. Cela dit, parler dans ce cas de gestion semble un peu osé, puisqu'on est dans un système dit « attaqué », où on peut toujours faire plus, jamais moins, et en aucun cas redéployer... L'UNCANSS est donc, en fait, un instrument de blocage, et c'est pourquoi nous l'avons quittée, car nous nous y trouvions face à des partenaires qui voulaient bien discuter mais jamais céder. La gestion du personnel dans le secteur public est devenue un problème majeur, pas seulement à la sécurité sociale !

Pour le reste, nous ne sommes pas opposés à ce qu'on envisage des maisons de l'administration, comme il y a des maisons de l'emploi, où on mutualiserait tous les services de proximité. Mais nous ne sommes pas trop ambitieux pour l'instant, notre mission se limite à rechercher une rationalisation propre à chaque branche, conformément à la construction actuelle.

M. Laurent Wauquiez : En fait, je me situais dans la logique de branche et je me demandais simplement si on ne pourrait pas mutualiser à l'échelle régionale, au lieu que chaque caisse ait son petit service juridique, son petit service des marchés, sa petite centrale téléphonique. Il faudrait toutefois prendre garde à ne pas tout concentrer dans la capitale régionale.

M. Bernard Caron : Nous n'avons aucune réserve vis-à-vis d'une telle démarche, qui rejoint même nos préconisations. Si on veut éviter les blocages, mieux vaut redistribuer les compétences afin que nul n'ait le sentiment d'être sacrifié.

S'agissant de la dématérialisation, la situation est très variable selon les branches. Il est certain que nous allons vers la dématérialisation, mais à quel rythme ? Il y a quand même trente ans qu'on parle du « bureau sans papier », or si tout le monde a maintenant un ordinateur dans son bureau, jamais on n'a eu autant de papiers. La dématérialisation est bénéfique en tant qu'outil de travail et en termes de connaissances. Les choses ne sont pas aussi évidentes en ce qui concerne la simplification. Certes, on ne va pas revenir à la plume et à l'encrier, mais ce sont la détermination et la cohérence qui font défaut. Quand on a créé la carte SESAM-Vitale, on n'a même pas dit qu'elle était obligatoire, et la moitié des dossiers est encore aujourd'hui sous la forme papier. De même, qui se soucie de l'organisation administrative du nouveau parcours de soins ? Comme souvent, on prend les décisions d'abord et on fait les études d'impact ensuite.

M. Laurent Wauquiez : Mes questions étaient un peu plus précises : constatez-vous que la dématérialisation entraîne des économies ?

M. Bernard Caron : Non !

M. Laurent Wauquiez : C'est anormal.

Dans les caisses qui la mettent en œuvre, y a-t-il, en amont, une réflexion sur le procédé ?

M. Jean-François Veysset : Pour le dossier UNEDIC-ASSEDIC, nous n'obtenons pas le retour sur investissement attendu dans le délai prévu. Mais cela nous permet toutefois de contenir les effectifs, notamment là où la réduction du temps de travail faisait craindre qu'ils ne progressent trop.

Mais tout est en fait dans le concept de la rationalisation. À l'association de gestion du fonds d'assurance formation des petites et moyennes entreprises (AGEFOS-PME), organisme national ayant vocation à être décliné en réseau dans le tissu régional, nous avons dans un premier temps créé dans chaque région une antenne disposant des pleins pouvoirs. Nous en sommes revenus parce qu'il nous paraît plus efficace de regrouper un certain nombre de régions. Bien sûr, nous laissons dans chaque département une antenne au contact des personnes les mieux à même de conduire des partenariats, mais la partie logistique et administrative de plusieurs régions est regroupée, ce qui permet de consacrer les effectifs aux contacts directs avec les entreprises et leurs salariés.

S'agissant de l'assurance maladie, la difficulté tient au fait que le patient a besoin d'un interlocuteur capable de lui répondre sur son propre dossier. Avec la dématérialisation, on a fait des progrès énormes quand tout va bien, mais dès que ça coince, c'est épouvantable car nous manquons non seulement des personnes ressources mais aussi des concepts pour retrouver une efficacité quand il n'y a pas de retour papier.

Il ne faut donc pas s'étonner que certains pôles se soient approprié les nouvelles technologies de l'information et de la communication, alors que certains autres sont en échec. C'est d'ailleurs l'impossibilité de se mettre d'accord sur un système unifié qui bloque la signature de la convention État-UNEDIC-ANPE. Et cela pose bien évidemment le problème de la future carte SESAM-Vitale, dont il faudra être certain qu'elle permette bien d'identifier celui qui l'utilise, car elle ouvrira tous les droits.

Dans ces conditions, on mesure la difficulté à laquelle vous êtes confrontés quand vous vous demandez comment peser sur les budgets de fonctionnement.

M. Pierre Morange, coprésident : On a évoqué les problèmes liés à la dispersion des fonctions assurées par les différentes branches. Même si chacun est compétent dans son propre corps de métier, force est de constater que l'efficacité n'est pas toujours au rendez-vous. Pourriez-vous expliquer plus précisément à quels blocages vous êtes confrontés ? Sont-ils d'ordre psychologique ou culturel ? Viennent-ils des partenaires sociaux et plus précisément de salariés ?

M. Bernard Caron : Ils se cumulent tous ! Dans nos systèmes de protection sociale, peu ou prou en ruines, personne ne se pose la question des ressources. On part du postulat qu'elles sont illimitées. On ne se dit jamais que ce qu'on paie pour les coûts de gestion vient en moins pour les prestations. Certains considèrent même que plus on dépense, mieux c'est pour l'usager. Avec une telle logique, parvenir à l'équilibre tiendrait du miracle. La nôtre est tout bonnement inverse, simplement parce que nous considérons qu'on ne peut pas dépenser la même somme deux fois, en gestion et en prestations. J'ajoute que dans les rares cas où nous sommes parvenus à un équilibre entre ceux qui bénéficient des prestations et ceux qui en assurent le service, nos camarades salariés ont toujours donné la primeur aux fournisseurs - qui leur causent plus de tracas - plutôt qu'aux bénéficiaires. Il y a bien en France un décalage entre la sphère privée, qui ferme si elle ne fait pas de bénéfice, et la sphère publique, qui est d'autant plus contente qu'elle dépense plus. L'état de notre protection sociale est bien tel qu'on l'imagine, mais on a du mal à ramener les gens à la réalité, surtout quand elle est déplaisante.

M. Pierre Morange, coprésident : La dématérialisation vous paraît-elle pouvoir aider à débloquer la situation ?

M. Bernard Caron : C'est une tendance historique à laquelle on n'échappe pas, mais il n'est pas évident de la mettre à profit pour mener à bien le nécessaire redéploiement de notre système.

En matière informatique, on nous propose toujours des solutions formidables, mais moi je demande simplement à quoi ça sert, combien ça coûte, et dans combien de temps ça sera fini. Le plus souvent, ça sert à tout et à bien davantage que ce qu'on a demandé, mais on nous explique que c'est dans la machine et qu'il serait idiot de ne pas l'utiliser, sans se préoccuper d'éventuels débordements ultérieurs. Pour le prix, on part toujours de 100 pour finir à 200. Et pour le délai, il y a toujours un dépassement d'au moins 20 à 30 %. Quant au retour sur investissement, il est toujours incertain, parce qu'on ne fonctionne pas à périmètre égal et parce qu'on a ajouté des fonctionnalités. Mais l'efficacité des systèmes informatiques suppose avant tout que les utilisateurs se les approprient. Or, à la CNAMTS, on nous a fait voter un budget informatique considérable pour Médicis, le système informatique des médecins contrôleurs, avant de nous en proposer un nouveau, cinq ans plus tard, parce que les médecins n'utilisaient pas le premier. C'est pourquoi nous préconisons que ces systèmes soient conçus avec les utilisateurs.

Vous comprendrez, dans ces conditions, que je sois bien incapable d'identifier les gains de productivité qui peuvent résulter de la dématérialisation.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment envisagez-vous l'évolution du contrôle médical pour en améliorer l'efficacité ?

M. Bernard Caron : Nous changeons de registre pour basculer dans l'assurance maladie...

Quand la collectivité s'engage massivement pour répondre à la demande légitime de prestations de la majorité de la population, il est logique qu'elle édite un « mode d'emploi ». On essaie de le faire pour l'assurance-chômage, avec ce qu'on appelle, de façon horrible, le contrôle des chômeurs, et pour l'assurance maladie, avec le contrôle médical. C'est dans la logique des choses : on ne peut pas avoir des systèmes collectifs aussi lourds et aussi généreux qui paient, de surcroît, à guichets ouverts.

S'agissant du contrôle médical de la CNAMTS, j'ai tout entendu et je n'ai toujours pas compris quel était son axe majeur, entre la prévention, la statistique, la gestion administrative des arrêts de travail courts ou longs et des affections de longue durée. Comme les médecins contrôleurs ne peuvent pas tout faire, ils devraient concentrer leurs interventions sur les arrêts de travail, dont on sait qu'ils sont parfois distribués avec générosité, et sur les affections de longue durée qui constituent aujourd'hui le poste majeur de dépenses. Ces sujets sont traités par la réforme, mais je ne sais pas comment les choses se passent de façon objective et opérationnelle. Les médecins contrôleurs font de leur mieux, mais ce qui leur manque, c'est un éclairage et une définition claire de leurs objectifs et de leurs missions, puisqu'en matière de contrôle médical chacun fait ce qu'il veut, d'autant qu'il n'est même pas sous la responsabilité du directeur général.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous, employeurs, qui êtes en ligne directe avec la branche recouvrement, pensez-vous qu'il serait possible de restructurer les URSSAF ? On pourrait envisager de conserver des antennes locales, en prise sur les bassins d'emploi, mais de diminuer le nombre de caisses, dans la mesure où de nombreuses opérations sont désormais effectuées par l'Internet.

M. Jean-François Veysset : Vous abordez un autre sujet, celui de l'optimisation des ressources. Le taux de recouvrement a progressé, il est élevé et il sera difficile de l'améliorer. Mais il faut bien voir que si on oblige l'URSSAF à gérer, sans compensation, des allégements assis sur des assiettes différentes, on complique singulièrement sa mission. Si on veut être plus efficace et plus économe, il faut d'abord arrêter de diversifier les assiettes. Or, on envisage encore d'asseoir la taxe professionnelle sur une nouvelle forme de TVA... Tout le monde s'y perd !

Ce qui nous préoccupe, comme vous, c'est de mettre un terme aux excès les plus graves. On observe en effet un grand nombre de divergences, et pas seulement entre les territoires : ce qui est couvert ici ne l'est pas ailleurs, ce qui est toléré là ne l'est pas ici... Il faudrait que vous soyez à l'origine d'une évaluation et d'une autorité retrouvée sur l'ensemble du système.

Mme Dany Bourdeaux : Les fusions sont un sujet sensible. Je l'ai bien vu avec le RSI : alors que nous cherchions à simplifier la vie des artisans, nous nous sommes trouvés confrontés non seulement aux salariés, mais aussi aux directeurs et aux administrateurs des caisses, dont le souci premier n'était d'améliorer ni le sort des artisans ni le fonctionnement des caisses. Faute d'un accord entre l'assurance maladie, qui gérait les indemnités journalières, et l'assurance retraite, qui gérait la partie invalidité-incapacité, certains artisans sont restés des mois sans rien toucher. Quand on parle de simplification, d'économies de gestion, en fait chacun défend son pré carré.

Enfin, s'agissant du financement, j'observe qu'on parle beaucoup d'allégements, mais pas du tout de la compensation par l'État, qu'on ne voit jamais arriver.

M. Pierre Morange, coprésident : La question est traitée dans le projet de loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale qui devrait être prochainement adoptée.

M. Caron nous dira pour finir quelles réflexions inspire au MEDEF son retour au conseil d'administration de l'assurance maladie.

M. Bernard Caron : Nous sommes revenus il y a six mois parce que la priorité a - enfin ! - été donnée à la gestion du risque. Nous sommes des contributeurs forts, et nous voulons savoir où passe notre argent. Le dispositif gagnera en qualité et en rendement si on sait être réaliste. Or, nous sommes convaincus qu'il y a beaucoup à faire, dans de très nombreux domaines et sous toutes les rubriques, pour améliorer la gestion du risque. Nous siégeons donc à nouveau pour soutenir l'axe majeur de la réforme et aussi parce que l'on a donné un pouvoir réel aux directeurs, désormais responsables de l'équilibre des recettes et des dépenses et donc chargés de prendre des mesures correctrices en cas de dérive. Nous sommes convaincus que cette politique nouvelle donnera des résultats certains d'ici quelques années.

M. Laurent Wauquiez : Au motif que les coûts de gestion ne sont qu'epsilon rapportés aux masses brassées, personne ne s'y intéresse. Pourtant, l'addition de ces sommes, même faibles, finit par compter.

M. Bernard Caron : C'est aussi que l'on s'emploie à privilégier l'intérêt du fournisseur plutôt que celui du client, car le premier a une forte capacité de nuisance.

M. Pierre Morange, coprésident : Madame, Messieurs, je vous remercie.

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