COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 10

Jeudi 16 juin 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de M. Hubert Allemand, directeur du service médical de la CNAMTS, et de M. Denis Richard, conseiller technique informatique à la CNAMTS

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- Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), M. Hubert Allemand, directeur du service médical de la CNAMTS, et M. Denis Richard, conseiller technique informatique à la CNAMTS.

M. Pierre Morange, coprésident : Avant de commencer nos travaux, je rappelle que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, d'ores et déjà, arrêté les thèmes d'étude pour 2006 de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), afin de permettre à la Cour des comptes, qui assiste la MECSS et lui apporte son expertise, de réaliser le travail d'enquête préalable préparatoire aux propres travaux de la Mission.

Ces thèmes sont les suivants : d'une part la tarification à l'activité dans les établissements de santé, d'autre part l'action sociale du régime général de sécurité sociale et l'action sociale des collectivités territoriales. Un courrier sera adressé incessamment à la Cour des comptes à ce propos.

J'en viens à la présente audition, au cours de laquelle nous avons le plaisir d'accueillir à nouveau M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), que nous avions déjà auditionné le 31 mars dernier, ainsi que M. Hubert Allemand, directeur du service médical de la CNAMTS, et M. Denis Richard, conseiller technique informatique à la CNAMTS. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Avant de laisser la parole au rapporteur, je rappelle que les informations demandées aux personnes auditionnées par la MECSS doivent lui être transmises dans les délais fixés.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Notre étude des coûts de gestion des branches de la sécurité sociale approche de son terme et nous souhaitons donc aborder un certain nombre de sujets qui n'avaient pu être traités complètement lors de la précédente audition.

Pouvez-vous tout d'abord nous dire où vous en êtes des négociations relatives à la convention d'objectifs et de gestion de l'assurance maladie ? Allez-vous établir des indicateurs plus pertinents ? Couvrira-t-elle tout le champ de l'assurance maladie, y compris le service médical ? Nous voulons aussi revenir sur l'informatique, compte tenu du rapport d'audit, d'octobre 2004, de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), sur les dépenses informatiques de la CNAMTS, que nous avons maintenant reçu. Nous aimerions par ailleurs que M. Hubert Allemand nous en dise davantage sur le management du service médical. Enfin, nous souhaiterions connaître vos propositions et savoir comment vous envisagez la gouvernance de l'assurance maladie, en particulier au niveau régional.

M. Frédéric Van Roekeghem : La convention d'objectifs et de gestion (COG) couvrira une nouvelle période de quatre ans, de 2006 à 2009. Je vous rappelle que la précédente est arrivé à son terme à la fin de 2003 et qu'elle a été reconduite pour deux ans par un avenant, afin d'assurer la continuité du fonctionnement de l'assurance maladie tout en tenant compte de l'intervention à venir de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Il est nécessaire, désormais, de réexaminer les conditions de fonctionnement pour tenir compte de l'extension des missions de l'assurance maladie. Nous en sommes donc à la préparation de la future COG, en liaison avec le conseil de la CNAMTS, qui fixe les orientations pour la négociation que mènera le directeur général.

Nous avons défini une méthode et un calendrier afin de préciser progressivement, au cours de 2005, un cahier des charges qui permettra d'élaborer le projet d'entreprise de l'assurance maladie, dont les relations avec l'État seront traduites dans la COG. Pour cela, les thèmes ont été définis. Il s'agit bien sûr de préciser notre rôle dans l'évolution de la gestion du risque, mission qui nous est explicitement confiée par la loi du 13 août 2004. Le cahier des charges est extrêmement important car il est susceptible de faire évoluer les missions comme l'organisation des branches, en particulier au niveau régional. Le texte fondateur, adopté le 2 juin 2004 par le conseil de la CNAMTS, a fixé les 17 orientations majeures et les 30 objectifs associés qui font l'objet du plan d'action du 6 septembre dernier. Il me paraît utile de vous préciser un certain nombre de ces orientations.

Il s'agit tout d'abord de développer la prévention et l'information de l'assuré, notamment sur les conditions générales de fonctionnement du système et ses règles du jeu, ainsi que sur les caractéristiques de l'offre de soins, locale et nationale ; de faire participer l'assuré à la politique de prévention coordonnée par les pouvoirs publics ; de développer des programmes personnalisés de prévention ainsi que l'accompagnement des patients atteints de pathologies lourdes ou chroniques ; de lutter contre les inégalités en matière de santé.

S'agissant des professionnels de santé, l'assurance maladie entend : participer à la formation, à l'information professionnelle et au développement de la qualité des soins ; favoriser l'adoption des meilleures pratiques par la formation et le développement des services adaptés aux professionnels ; donner une information régulière sur le cadre réglementaire et les enjeux conventionnels ; favoriser la coordination des soins et l'évaluer, en liaison avec les référentiels que la haute autorité pourra mettre en place.

D'autres orientations, enfin, visent à : définir le périmètre d'intervention de la prise en charge collective ; gérer les droits des assurés en faisant appliquer la réglementation existante ; favoriser les économies sur les soins les moins efficaces ; renforcer l'efficacité du contrôle pour lui donner un rôle pédagogique.

M. Pierre Morange, coprésident : Je me permets de vous interrompre car nous avons bien compris la philosophie qui vous anime. Mais ce que nous aimerions c'est que vous nous donniez un certain nombre d'éléments précis et chiffrés, notamment en ce qui concerne la gestion des ressources humaines et les relations avec les professionnels de santé et avec les assurés.

Avant de vous donner la parole, je salue la présence de M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et de M. Yves Bur, vice-président de l'Assemblée nationale et rapporteur spécial de la commission des finances pour les lois de financement de la sécurité sociale.

M. Frédéric Van Roekeghem : C'est à partir du cahier des charges, des orientations sanitaires et sociales et du schéma directeur informatique, que nous devons construire le projet d'entreprise. Les orientations doivent être votées par le conseil à la fin du troisième trimestre et c'est sur cette base qu'interviendra, avant la fin de l'année, la négociation financière avec l'État. Vous comprendrez qu'il me soit donc difficile de vous donner aujourd'hui des montants car c'est de la rencontre entre les exigences de l'État et les orientations du conseil que naîtra un équilibre.

Il y a néanmoins des constantes. Il s'agit tout d'abord de réaliser des gains de productivité dans le contexte d'un choc démographique majeur puisque les départs en retraite, pour l'ensemble du réseau, vont passer de 1 600 par an actuellement à 3 200 au cours de la période 2005-2009. L'avenant 2004-2005 à la COG pose le principe du non-remplacement d'un départ sur deux, qui peut être modulé en fonction de la situation des caisses : pour les grandes caisses parisiennes, le taux de remplacement prévu est de 10 %.

Cette évolution va poser la question de la réorganisation de nos métiers. La stratégie que nous allons proposer au conseil sera de continuer à gagner en productivité sur la fonction de production et à redéployer vers la fonction de gestion du risque. En effet, si nous voulons à la fois augmenter la qualité des soins et limiter l'augmentation des dépenses d'assurance maladie, il faut mener une gestion beaucoup plus active, en relation avec les assurés et avec les professionnels de santé. Nous sommes en train d'engager cette politique avec le déploiement des délégués de l'assurance maladie, qui ont réalisé plus de 40 000 visites chez les professionnels de santé pour leur présenter les objectifs de la nouvelle convention médicale, mais aussi les profils individuels.

La COG couvrira bien sûr le champ de l'ensemble des organismes de sécurité sociale : caisses primaires, caisses régionales, service médical, unions pour la gestion des établissements des caisses d'assurance maladie (UGECAM).

M. Pierre Morange, coprésident : Vous nous aviez présenté cette logique lors de votre première audition. Pouvez-vous nous dire quelles en seront les conséquences sur la mobilité des personnels ? Cette politique implique-t-elle une gestion des effectifs plus souple ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Dans la mesure où nous devrons interrompre cette audition au moment de l'arrivée du ministre, je souhaite que vous répondiez plus directement aux questions du rapporteur. Il vous a en particulier demandé si la COG toucherait le service médical - j'ai cru comprendre que oui - et quels indicateurs vous proposiez pour améliorer le contrôle et la productivité de ce service. Il vous a aussi interrogé sur l'informatique - c'est l'une des raisons de votre retour devant nous aujourd'hui -, ainsi que sur la problématique plus large du contrôle médical.

M. Frédéric Van Roekeghem : Notre stratégie est de nous positionner en tant qu'opérateur de la gestion du risque. Or nous ne pouvons le faire qu'avec l'appui du service médical de l'assurance maladie, qui intervient non seulement en tant que contrôleur, mais aussi en tant que conseiller interne et externe. Par ailleurs, nous ne pouvons nous placer au cœur de la réforme du 13 août 2004, c'est-à-dire la coordination des soins, que si nous sommes en mesure de mieux intégrer dans notre réflexion les soins hospitaliers, ce qui suppose une meilleure coordination entre les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), les unions régionales de caisses d'assurance maladie (URCAM) et les agences régionales de l'hospitalisation (ARH). D'où l'importance de dynamiser le service médical, ce à quoi nous allons nous atteler dans les négociations à venir.

Il sera également nécessaire, en cours de négociation, d'accroître la capacité de mobilité des agents.

Je vais maintenant laisser M. Hubert Allemand vous exposer la politique du contrôle médical.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous ne sommes pas dans une séance de l'Assemblée où chacun arrive avec ses présupposés : ce qui nous importe, c'est de pouvoir exercer le contrôle qui nous incombe. Pour cela, nous n'avons pas besoin d'orientations générales sur la politique du contrôle médical mais de réponses précises sur les indicateurs que vous allez proposer dans la COG.

M. Hubert Allemand : Le management du service médical présente des spécificités puisqu'il s'agit d'un corps d'experts, composé de 2 500 praticiens conseil et de plus de 7 000 agents techniques qui exercent de nombreuses fonctions. Son action essentielle est d'une part de permettre aux assurés sociaux de bénéficier de droits, d'autre part de donner des avis médicaux individuels. Le service en donne 4,5 millions par an, ce qui représente la moitié de l'activité de ses praticiens. Nous avons dans ce domaine des indicateurs extrêmement précis à tenir, qui sont liés à la fois à la demande et à la gestion du système. Ainsi, actuellement, avec l'avènement du médecin traitant, nous traitons un million de nouvelles affections de longue durée (ALD) par an, ce qui ne pose pas de problème, mais la loi du 13 août 2004 nous impose aussi de revoir 5 millions de personnes qui sont déjà en ALD afin d'adapter les protocoles de soins en fonction des nouvelles dispositions. C'est un gros travail, qui nécessiterait la totalité des moyens du service médical pendant un an. Nous réfléchissons donc à un lissage sur deux ou trois ans, en commençant par les patients pour lesquels la révision est la plus urgente en raison de la nécessité de coordination des soins.

Autre champ important, le contrôle des professionnels de santé et les personnes dont la consommation est atypique. Pour cela, nous ciblons au maximum notre activité car le contrôle est « chronophage ». Nous avons pour indicateur de contrôler au moins 1 % des professionnels chaque année. L'an dernier nous avons réussi à en contrôler 1,4 % : ceux chez lesquels nous suspections des anomalies ou des fraudes. Le résultat est probant puisque plus de la moitié des contrôles conduisent à des contentieux. Ces contrôles sont importants, non pour réguler le système mais pour le moraliser, et il est donc bon de maintenir la pression. Nous intervenons aussi auprès des professionnels pour analyser avec eux le système de soins, afin de corriger d'éventuels écarts, notamment en ce qui concerne les grandes pathologies.

Notre troisième champ d'action est l'organisation du système de soins, essentiellement en lien avec les ARH. Nous donnons en effet des avis sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) et nous contrôlons les établissements. Nous effectuons notamment des contrôles de conformité. Nous avons ainsi contrôlé l'an dernier 4 600 services hospitaliers, des anomalies étant repérées dans 48 % des cas.

Il nous arrive aussi de mobiliser l'ensemble du service médical pour analyser tel ou tel domaine : chirurgie cardiaque, chirurgie de l'obésité, chimiothérapie, traitement de l'insuffisance rénale chronique.

Chaque médecin-conseil régional passe chaque année un contrat d'engagement avec le directeur du service médical sur des indicateurs extrêmement précis qui couvrent l'ensemble de la maîtrise médicalisée. Ce contrat fixe le nombre de professionnels à contrôler, détermine les grandes études à mener, la planification des soins et comporte une obligation de résultats. Des objectifs sont aussi fixés en ce qui concerne l'accompagnement des professionnels : cette année, nous devons tenir 70 000 entretiens confraternels destinés à développer la maîtrise médicalisée.

Les engagements sont chiffrés par région et par échelon local. Ainsi, chaque praticien-conseil a une feuille de route pour l'année, avec pour cette année l'objectif global de contrôler un tiers des établissements assujettis à la tarification à l'activité.

Je puis donc dire que le contrôle médical fonctionne aujourd'hui sur des indicateurs de moyens et de résultats tout à fait précis.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : On dit parfois qu'il est difficile de recruter des praticiens conseil. Qu'en est-il ? Ils sont aujourd'hui 2 500, qu'accompagnent 7 500 agents techniques. Quel est leur rôle ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Si 2 500 postes sont budgétés, nous avons 2 222 praticiens-conseil en activité, assistés d'agents administratifs qui relèvent encore partiellement des CRAM.

Nous devons nous préparer à l'évolution démographique et à la difficulté de recruter des professionnels de santé. Un des objectifs de la négociation qui vient de s'ouvrir sur la nouvelle convention collective spécifique aux médecins-conseil prévue par la loi du 13 août 2004, est de préparer ces évolutions et de dynamiser l'ensemble du corps pour lui permettre de bénéficier à la fois d'une meilleure formation initiale et continue et d'une rémunération plus valorisante.

En raison des difficultés de recrutement, nous avons dû cette année faire un peu de publicité pour le concours. Nous avons à peu près autant de praticiens qui se présentent que de postes à pourvoir. Nous allons sans doute être amenés à modifier la grille des rémunérations et les perspectives de carrière pour tenir compte des évolutions récentes dans le corps des praticiens hospitaliers. Plus globalement, j'ai reçu récemment l'intersyndicale pour engager une réflexion sur l'évolution de l'ensemble du corps, qu'il s'agisse des rémunérations, des conditions d'exercice et de la formation. Nous n'excluons pas de modifier quelque peu le concours, ce qui permettait aussi de donner plus de visibilité aux affectations. Sans doute conviendrait-il également de relever la limite d'âge, qui est actuellement de 45 ans. Je l'ai dit, ces négociations sont en train de s'ouvrir avec l'UCANSS, en liaison avec la CNAMTS.

Vous avez été rendus destinataires de la répartition des moyens en fonction des différentes missions qui viennent de vous être indiquées. Nous expérimentons dans deux régions une clarification de l'affectation des médecins-conseil à chacune des missions afin de mieux fixer les objectifs, et donc les indicateurs. Nous constatons que le contrôle des prestations et des relations avec les assurés occupe aujourd'hui la moitié des effectifs, soit 1 085 praticiens. Les relations avec les professionnels de santé mobilisent 410 équivalents temps plein, le contrôle contentieux 387, 320 praticiens étant affectés à l'organisation du système de soins et 240 au management.

M. Pierre Morange, coprésident : Le manque de temps nous oblige à passer immédiatement aux dépenses informatiques, notamment à l'écart entre le montant de 2,5 milliards d'euros initialement demandé par la CNAMTS pour la future COG et l'estimation de 1,5 milliard, aux termes du rapport d'audit IGAS-IGF. Mais je crois que notre rapporteur a d'autres questions à vous poser.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L'informatique actuelle est-elle assez solide pour gérer le nouveau parcours de soins ? Quand débuteront les opérations d'extension de la télétransmission aux établissements hospitaliers ? Quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur la mise en place du dossier médical personnel (DMP) ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il n'y a pas que la CNAMTS qui mette un peu de temps à répondre au contrôle parlementaire : nous n'avons reçu qu'au début de ce mois un rapport du Gouvernement datant d'octobre 2004. Mais la MECSS est de création récente et nous allons peu à peu apprendre à travailler tous ensemble.

J'ai moi aussi quelques questions précises en ce qui concerne l'informatique. Comment expliquez-vous qu'entre juin et septembre 2004 la CNAMTS ait diminué ses estimations de 25 %, soit 300 à 400 millions d'euros ? S'agissant de ce que les rapports - celui de l'IGAS-IGF et celui commandé par la CNAMTS - appellent l'« urbanisation », comment est-il possible de passer de 480 à 85 millions d'euros ? Le chantier de la dématérialisation a, semble-t-il, disparu. Pourquoi ? Pourquoi avez-vous diminué les dépenses orientées vers la relation au client ? Comment se fait-il que la provision pour la carte SESAM-Vitale diminue de 35 % et que l'aide aux professionnels doive être maintenue puisque 60 % des facturations sont toujours manuelles ? Comment est-on passé, pour l'aide à la maîtrise d'ouvrage, de 374 à 49 millions d'euros ?

Il semble que le DMP ne figure pas dans les comptes. Certains parlent toutefois de 500 à 600 millions d'euros, mais ce qui me préoccupe, c'est le coût du soft. On estime parfois que 2 000 informaticiens seraient mobilisés pour un coût de 100 millions d'euros par an. Confirmez-vous ce chiffre ?

Le fait que les dépenses informatiques aient été revues à la baisse tient-il à un étalement sur plusieurs années ou à une sous-estimation ? Et l'informatique médicale sera-t-elle à la hauteur de l'ambition affichée avec le DMP ?

Quel sera le coût de l'adaptation des logiciels aux réformes liées à la nouvelle convention médicale ? Sera-t-il par exemple possible de contrôler en temps réel que les médecins ne vont pas au-delà des 30 % de leur activité en dépassement ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Il y a quatre grands volets dans les évolutions de l'informatique. Trois ont été pris en compte dans le rapport IGAS-IGF : les opérations de relations techniques de basculement sous Unix, l'urbanisation - qui couvre à la fois la rénovation de l'architecture applicative et l'ouverture des informations vers les partenaires -, l'évolution de SESAM-Vitale. Le volet qui n'est pas compris dans le rapport et qui relève du groupement d'intérêt économique (GIE) de préfiguration, c'est le DMP.

Il y a eu un moment de consolidation de l'ensemble des demandes, où le rapport IGAS-IGF a montré, comme celui commandé par la CNAMTS, qu'un certain nombre d'entre elles avaient été surévaluées pour des montants très importants. Il s'en est suivi un travail très précis d'évaluation poste par poste.

Au cours de la COG antérieure, 1999-2003, le coût des moyens informatiques a été de 1,1 milliard d'euros. L'évaluation de la mission IGAS-IGF, qui n'est pas très éloignée de la position de la CNAMTS durant l'audit, est d'un milliard d'euros, 400 à 500 millions d'euros étant en outre nécessaires pour développer SESAM-Vitale 2 et l'ensemble des actions du GIE SESAM-Vitale. C'est donc une augmentation substantielle des moyens qui est validée par le rapport, certes moins importante que la demande initiale de l'assurance maladie, mais qui représente tout de même 100 millions d'euros par an pendant quatre ans.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment expliquez-vous les variations importantes des montants destinés au soft et à la maintenance ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Même en admettant qu'il y a eu « consolidation des demandes » et que le rapport est assez nuancé, on peut quand même s'étonner que, quand la CNAMTS réfléchit à son informatique, on soit obligé de diligenter un audit pour obtenir des chiffres fiables, d'autant qu'il ne s'agissait pas de réflexions internes mais de demandes faites à l'État dans le cadre de la COG.

Mais tout cela est du passé. Il nous faut maintenant savoir si votre informatique sera performante et adaptée aux ambitions technologiques du DMP et de la carte SESAM-Vitale sécurisée. Et puis confirmez-vous l'augmentation de 100 millions d'euros par an alors que, dans le récent débat sur la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), le ministre a fait état de 20 millions d'euros ?

M. Frédéric Van Roekeghem : 821 millions d'euros, soit la moitié de l'évaluation par la mission IGAS-IGF des besoins pour quatre ans, ont déjà été engagés par l'avenant conventionnel 2004-2005, et il faut donc simplement continuer dans cette voie. Mais, sur 410 millions d'euros budgétés pour un an, nous n'avons consommé aujourd'hui que 266 millions.

Notre principal problème n'est donc pas d'obtenir davantage de crédits mais de faire face aux évolutions liées à la réforme et d'obtenir des résultats. C'est pour cela qu'un audit a été diligenté en interne pour voir comment il était possible d'améliorer l'efficacité de la gestion de l'assurance maladie, notamment en renforçant la maîtrise d'ouvrage et, peut-être, en réorganisant la caisse nationale.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : S'agissant de la maîtrise d'ouvrage, on passe, dans le rapport IGAS-IGF de 374 à 49 millions d'euros.

Mais je vous demande à nouveau d'expliquer le décalage entre les 20 millions d'euros supplémentaires par an annoncé par le ministre lors du débat sur la LOLFSS et les 100 millions dont vous venez de parler.

M. Frédéric Van Roekeghem : De 2000 à 2003, le total des engagements budgétaires a été de 1,141 milliard d'euros. Pour 2004-2005, on a procédé à un renforcement substantiel puisque 821 millions d'euros ont été budgétés. Il faut poursuivre cet effort, mais la négociation avec l'État aura lieu à la fin de l'année. Je ne dis pas qu'il faudra 100 millions d'euros de plus par an mais que cela correspond à la différence entre les montants engagés de 2000 à 2003 et l'évaluation IGAS-IGF et à ce qui a déjà été budgété pour 2004-2005. Si nous nous en tenons aux propositions du rapport IGAS-IGF, nous aurons donc exactement le même budget qu'aujourd'hui et nous bénéficierons même de reports puisque tout n'a pas été engagé en 2004.

M. Denis Richard : L'urbanisation est une technique informatique qui consiste à découper un système par îlots qu'on rénove un par un, ce qui permet d'étaler dans le temps la rénovation de l'ensemble d'une application.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Quelles sont les conséquences sur le service à l'usager ?

M. Denis Richard : Il n'y en n'a pas si on parvient à donner la priorité à la rénovation des applications qui le concernent.

Jean-Marie Le Guen, coprésident : Dans ce cas, il ne faut pas le faire.

M. Frédéric Van Roekeghem : Le faire permet parfois des économies mais surtout donne une souplesse dans l'évolution qui nous fait aujourd'hui défaut. En effet, nous avons deux systèmes d'application différents, des matériels Bull et IBM, avec des applicatifs qui fonctionnent dans des systèmes d'exploitation dits propriétaires. La rénovation par le passage sous Unix nous permet d'unifier notre parc, de réduire les coûts, tant des matériels que du développement des logiciels, et de renforcer la sécurité.

Prenons l'exemple de la réforme du médecin traitant. Nous avons mis en place, dans les délais, le forfait de 1 euro et la rémunération du médecin traitant. Mais il y a eu une erreur de date dans le paramétrage du logiciel qui permet d'envoyer aux médecins le récapitulatif de leurs versements. Or cette erreur n'est intervenue que dans un seul des deux systèmes. Elle a été corrigée sans délai, mais il est clair que le fait d'avoir deux systèmes à nettoyer augmente les coûts et que le basculement sous Unix les réduira.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Comment est-on passé d'une estimation de 400 à 85 millions d'euros pour l'urbanisation ? Est-ce une erreur totale de prévision ou un changement d'orientation stratégique, avec quelles conséquences ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Je ne souhaite pas revenir sur la gestion antérieure.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Vous parlez de la gestion ou des prévisions ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Entre 1,8 et 2,5 milliards d'euros, il y a quand même un écart très important. Désormais, les demandes qui seront adressées à l'État feront l'objet d'une validation personnelle de ma part.

S'agissant de l'urbanisation des applicatifs, nous poursuivons notre stratégie, validée par l'IGAS-IGF, car nous avons besoin d'une organisation logicielle plus souple qui permette par exemple de mettre en relation des bases constituées avec les contrats individuels attachés aux professionnels et de ne pas être obligés, en cas de modification de la réglementation, de retoucher l'ensemble des programmes. Nous allons par ailleurs favoriser le développement de services en ligne afin de pouvoir mieux contrôler le périmètre de soins remboursables. Mais je répète que notre problème n'est pas tant d'accroître notre budget que d'améliorer la consommation des crédits pour atteindre les résultats souhaitables pour déployer la réforme.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite qu'afin de nourrir nos recommandations, vous nous adressiez des réponses écrites argumentées qui justifient le changement d'échelle dans vos demandes budgétaires.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous pourrions en outre demander à vous revoir si nous ne comprenions pas ces réponses.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Merci de nous faire part également des réflexions de la caisse nationale en ce qui concerne la télétransmission par les établissements de santé et sa montée en charge chez les professionnels de santé.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités et M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, ainsi qu'à M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, qui les accompagne et que la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a auditionné le 3 mars dernier. Messieurs les ministres, je vous remercie d'avoir répondu favorablement à cette première invitation de la MECSS.

Avant de laisser notre rapporteur vous poser les premières questions et alors que nous approchons de la fin du premier cycle d'auditions, je voudrais rappeler dans quel esprit travaille la MECSS.

Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, vous avez rappelé, Monsieur le ministre délégué, que 350 milliards d'euros, soit plus d'un cinquième de la richesse nationale, transitent chaque année par les comptes de la sécurité sociale et qu'il est essentiel que le Parlement ait une vision claire du circuit de ces sommes et fixe les priorités pour qu'elles soient employées à bon escient. Vous rappeliez ainsi l'esprit de la réforme.

C'est aussi l'esprit qui anime les membres de la MECSS, et c'est dans cette logique qu'elle conduit ses travaux. Le contrôle parlementaire sur les finances sociales est légitime et nécessaire. Il correspond à une exigence démocratique. La MECSS entend développer la culture du contrôle et de l'évaluation dans ce secteur essentiel pour l'équilibre économique et social de notre pays.

Les responsables des administrations et des organismes de sécurité sociale doivent s'habituer à rendre régulièrement des comptes à la représentation nationale, en toute transparence. C'est notamment pour cette raison, que la MECSS a souhaité entendre à nouveau, juste avant vous, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

La MECSS entend être un acteur qui compte. Elle bénéficie de l'expertise de la Cour des comptes avec laquelle une collaboration, déjà fructueuse, a été engagée. La MECSS exercera un contrôle continu et assurera, de manière très précise, le suivi de la mise en œuvre de ses préconisations.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Nos travaux arrivent à leur terme et nous sommes heureux de vous accueillir ce matin, Messieurs les ministres.

Nous avons constaté une complexité croissante de la législation et de la réglementation sociales, source d'un accroissement des coûts de gestion. Nous aimerions donc que vous nous fassiez part de vos idées sur d'éventuels gisements de simplification.

Par ailleurs, la gestion par les partenaires sociaux a été, depuis 1945, un fondement du système. Quel jugement portez-vous sur l'exercice de la démocratie sociale, en particulier à l'échelon local ? Ne pensez-vous pas que la gestion du risque serait mieux assurée au niveau régional ? Et comment rendre plus lisibles les relations entre les caisses et les citoyens-usagers ?

Nous avons également constaté que l'organisation était trop cloisonnée, entre la tête de réseau et les organismes de base comme entre les branches. Pensez-vous possible de modifier la structure des caisses, peut-être en s'inspirant du modèle de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui paraît plus lisible ?

Enfin, je vous propose que nous parlions de l'informatique, qui est au cœur de la gestion des branches.

M. Xavier Bertrand : Nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui répondre à vos questions sur l'organisation et la gestion des branches de la sécurité sociale. Cette dernière est au centre des préoccupations des parlementaires et vous savez que, dans mes fonctions antérieures, à l'occasion des réformes des retraites et de l'assurance maladie comme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) et lors de l'examen des projets des lois de financement de la sécurité sociale (PLFSS), j'ai toujours eu la volonté d'aller au fond du débat avec vous.

La sécurité sociale est au cœur des préoccupations des Français. Par l'importance des prestations, par la protection qu'elle leur apporte, mais aussi par l'ampleur des sommes qu'elle met en jeu - 350 milliards d'euros, plus d'un cinquième de la richesse nationale -, elle est un élément déterminant de notre modèle social. Il est donc essentiel que le Parlement veille à l'utilisation de ces fonds et à la bonne gestion des organismes qui sont chargés de les collecter et des les répartir.

L'occasion nous est donnée aujourd'hui de voir avec vous comment améliorer encore la gestion de la sécurité sociale, mais aussi de dire un certain nombre de choses qui ne sont pas forcément connues de tous. Elle doit être l'un des tout premiers, sinon le premier, de nos services publics. La sécurité sociale doit être exemplaire, par le service qu'elle rend aux Français comme par sa gestion, qui est celle du patrimoine commun de nos concitoyens. Sa raison d'être est d'instaurer une solidarité qui permette à tous de faire face à la maladie et à la vieillesse et d'élever leurs enfants dans les meilleures conditions. Cet objectif simple recouvre des missions en complète évolution, qui nécessitent une adaptation constante des différentes branches de la sécurité sociale.

Le temps n'est plus où les caisses pouvaient se donner pour unique objectif d'assurer le service rapide de prestations. Dans le domaine de l'assurance maladie, par exemple, la gestion des risques est de plus en plus essentielle pour favoriser la prévention, améliorer la qualité des soins ou assurer le meilleur emploi des dépenses. Cette nouvelle exigence requiert une connaissance plus précise des besoins des assurés sociaux. Elle implique de la part des différents organismes un effort permanent d'adaptation.

Tout en faisant évoluer ses missions, la sécurité sociale a pleinement conscience de la nécessité d'améliorer constamment la qualité de ses prestations et l'efficacité de ses processus. Dans le mouvement de modernisation de nos services publics, elle a souvent joué, ces dix dernières années, le rôle de précurseur. Je pense en particulier à la démarche contractuelle que les conventions d'objectifs et de gestion (COG) ont instaurée, dès 1996, entre l'État et les caisses de sécurité sociale. Clarté dans la fixation des objectifs, exigence de résultats, pratique constante de l'évaluation sont de longue date des réalités bien ancrées, même si vous avez en la matière de nouvelles exigences. A partir d'une négociation au niveau national, les conventions sont déclinées au niveau local et diffusent dans l'ensemble des réseaux une exigence de résultats. Cette démarche sera approfondie et élargie avec les programmes de qualité et d'efficience créés par la loi organique que l'Assemblée nationale vient d'adopter en deuxième lecture. Elle a déjà permis de réels progrès, qui sont l'aboutissement du travail et de la mobilisation de tous les employés des différentes branches. Progrès d'abord dans la qualité du service. La deuxième édition du baromètre BVA montre que 85 % des usagers sont satisfaits des caisses de sécurité sociale. C'est le score le plus élevé de tous les services publics. Les indicateurs du délai de réponse sont également en constante amélioration puisque le délai de remboursement par l'assurance maladie est passé depuis 2002 de 23,5 à 15,9 jours. Progrès aussi dans la maîtrise des coûts de gestion. Les caisses d'allocations familiales peuvent ainsi faire face au transfert des prestations familiales des 500 000 fonctionnaires non enseignants sans accroître leurs effectifs.

S'agissant des coûts de gestion, je veux tordre le cou à de fausses idées. Le rapport du total des dépenses de gestion et des prestations servies est de 4,13 %, ce qui reste très en dessous des coûts d'un certain nombre d'établissements à caractère privé. Vis-à-vis du secteur public, la comparaison est également favorable. Les cotisations sociales ont un coût de recouvrement inférieur à celui des cotisations fiscales : 0,4 % contre 1,6 %.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Il me semble utile de vous préciser que la MECSS ne fonctionne pas comme une commission permanente qui auditionne un ministre et que, pour exercer correctement sa fonction de contrôle, elle privilégie le dialogue direct, sous forme de questions-réponses.

M. Philippe Bas : Je serai donc bref.

Je suis persuadé que nos contacts sont nécessaires et qu'ils doivent être fréquents, car le regard que vous portez sur la gestion de la sécurité sociale nous est indispensable. M. Xavier Bertrand et moi-même sommes à votre disposition pour fournir toutes les informations et pour avoir tous les échanges nécessaires à votre travail. Nous serons, bien sûr, attentifs à vos conclusions.

La sécurité sociale n'a pas découvert aujourd'hui les exigences de performance, de productivité et de qualité du service, puisque c'est dès 1996 que le système des COG a été institué. Et je rends hommage au dévouement et à la qualité des personnels qui ont su s'adapter à leurs nouvelles missions et à de nouvelles méthodes.

Naturellement, des marges de progression subsistent, aussi bien en matière de qualité de service que d'efficacité de l'organisation des réseaux et de maîtrise des coûts de gestion. Elles doivent être exploitées au maximum.

La nécessité de maîtriser les coûts de gestion est d'autant plus impérieuse que la sécurité sociale connaît une situation financière tendue. L'effort de redressement engagé avec les réformes structurelles des retraites et de l'assurance maladie passe également par la maîtrise des coûts de gestion, même si les enjeux financiers ne sont pas comparables.

Il faut donc poursuivre les gains de productivité. C'est pourquoi nous mettons en œuvre une nouvelle génération de COG, avec l'objectif d'obtenir des gains de 2 à 3 % par an pour les caisses de tous les réseaux.

Les relations entre les caisses, les usagers et les professionnels vont évoluer, notamment avec la télétransmission des feuilles de soins ou des déclarations annuelles de données sociales. Cette évolution va également toucher l'organisation interne des caisses, avec la lecture automatisée des documents et leur gestion électronique.

M. Pierre Morange, coprésident : Je me permets de vous interrompre car nous avons, nous aussi, un souci de productivité de nos auditions et je vous rappelle donc que le rapporteur vous a précisément interrogé à propos de la télétransmission. Nous savons qu'elle monte en charge et que 70 % des dossiers en font désormais l'objet, mais quels sont, pour les 30 % restants, vos objectifs pour la médecine de ville comme pour les établissements de soins ? Quels moyens comptez-vous engager pour atteindre un objectif de 100 % ? Et selon quel calendrier ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Avant même d'en venir à la télétransmission, je voulais insister sur le fait que l'État ne saurait se contenter de bonnes paroles sur le contrôle parlementaire. En effet, alors que nous travaillons depuis le mois de janvier sur ce sujet, c'est par la presse que nous avons appris l'existence du rapport d'audit de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les dépenses informatiques de la CNAMTS qui a été remis au Gouvernement au mois d'octobre 2004. Nous en avons officiellement demandé communication en avril et nous l'avons obtenu il y a dix jours seulement. Pensez-vous vraiment que les relations entre le Gouvernement et le Parlement puissent fonctionner dans ces conditions ? Avez-vous des explications à nous donner ?

M. Xavier Bertrand : Vous l'aviez demandé au mois d'avril, mais ce que je constate, c'est que vous l'avez eu trois jours après ma prise de fonctions. Je n'ai pas d'autres commentaires...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je reviens à ma question sur d'éventuels gisements de simplification de la réglementation sociale, car tous nos interlocuteurs ont été frappés par la complexité du système.

Quel jugement portez-vous sur l'organisation actuelle du système, entre antennes de proximité, caisses primaires, caisses régionales et caisse nationale ? La gestion du risque ne serait-elle pas mieux assurée à un seul de ces niveaux ? Comment rendre le système plus lisible et replacer l'assuré en son centre alors qu'il se sent un peu perdu ? Ces questions viennent de nos observations sur le terrain.

M. Philippe Bas : La complexité de la législation sociale est réelle, mais elle répond aussi à la nécessité de prendre en compte la diversité des situations individuelles et il convient donc d'être prudent.

Cela étant, nous sommes tout à fait prêts à simplifier tout ce qui peut l'être. C'est ce qui a été fait pour les prestations familiales avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) qui, en regroupant plusieurs prestations antérieures, permettra également d'économiser, en régime de croisière, six millions d'euros de frais de gestion.

Pour réussir la simplification des différents régimes, nous avons déjà lancé une étude d'impact. Sur cette base, nous consulterons les caisses. Enfin, nous mesurerons systématiquement les coûts qu'entraîne la complexité, afin que la simplification ait un impact positif sur les dépenses des régimes.

Vous nous avez interrogé sur la pertinence du niveau régional pour la gestion du risque et, plus généralement, sur le fonctionnement de notre démocratie sociale. Ce système, mis en place à la Libération, a connu des évolutions, notamment avec l'affirmation du rôle du Parlement grâce au vote, chaque année, de la loi de financement de la sécurité sociale, qui induit une modification de la répartition des rôles entre les acteurs. La réforme de 2004 poursuit dans cette voie.

Il existe déjà, au niveau régional, les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) qui sont chargées des programmes de définition de la gestion du risque. Nous mettons aussi en place, dans le cadre de la réforme, des missions régionales de santé qui vont fixer un programme annuel de gestion du risque, améliorer la coordination des soins, déterminer des orientations pour la répartition territoriale des professionnels de santé, faire des propositions pour l'organisation du dispositif de permanence des soins. Elles préfigurent ainsi les futures agences régionales de santé au sein desquelles les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les URCAM sont appelées à fusionner.

M. Xavier Bertrand : Le jugement que je porte sur la démocratie sociale au niveau local est très favorable. Dans la réforme de l'assurance maladie, nous avons souhaité à la fois la préserver et renforcer la place des usagers dans les caisses locales, car elle s'exprime aussi à ce niveau et pas seulement dans les négociations nationales avec les partenaires sociaux.

Nous avons aussi souhaité - et vous le savez puisque nous avons associé les rapporteurs des deux Assemblées à la préparation des textes réglementaires - créer un deuxième poste de vice-président dans les caisses primaires, afin de renforcer le dialogue.

Vous le voyez, nous sommes attachés à ce dialogue social qui fait aussi partie de l'héritage de la sécurité sociale que nous devons faire fructifier. Mais je n'ai pas le sentiment que des voies dissonantes se fassent entendre en la matière.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Peut-être celle de M. Yves Bur, qui souhaite vous interroger à ce propos ?

M. Yves Bur : Il y aurait beaucoup à dire sur la démocratie sociale, et le statu quo ne paraît pas vraiment se justifier, quand on voit comment elle fonctionne. Êtes-vous décidés à optimiser la hiérarchie de la chaîne de management de l'ensemble de la sécurité sociale, comme vous l'avez fait pour les caisses territoriales avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) ? En clair, je souhaite que le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) puisse nommer les directeurs des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et les tenir sous son autorité hiérarchique, ce qui permettrait d'éviter des dysfonctionnements comme ceux qu'on a connus dans mon département.

Ne faudrait-il pas, par ailleurs, être plus ambitieux en matière de simplification ? La création d'une commission qui en serait spécifiquement chargée ne donnerait-elle pas un signe fort de notre volonté politique ?

Enfin, puisque nous en sommes à 70 % de télétransmission, le temps n'est-il pas venu, dans la négociation conventionnelle, d'obliger tous les praticiens conventionnés à télétransmettre ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : S'agissant toujours de la démocratie sociale, nous avons essayé de distinguer dans nos travaux ce qui relevait d'une part de cette dernière, d'autre part du service de proximité à l'usager. Pensez-vous que le découpage actuel des différentes caisses soit trop ou pas assez éloigné du terrain ? Le Gouvernement a-t-il l'intention de le maintenir ou d'aller vers une organisation plus régionale, ou au contraire plus locale ?

M. Xavier Bertrand : Vous connaissez la nature des relations entre l'État et l'assurance maladie dans le cadre des COG. Il y aura prochainement de nouvelles négociations, et l'État, s'il entend assumer toutes ses responsabilités, ne souhaite pas se substituer aux partenaires sociaux. Certaines procédures sont engagées, notamment celle de la mutualisation dans de nombreux départements.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je ne parlais ni des moyens ni de la gestion, mais simplement de la démocratie sociale.

M. Xavier Bertrand : Dans ce cadre, il appartient bien aux acteurs sociaux qui ont en charge l'assurance maladie de porter ces questions de redécoupage. Sur le terrain, les regroupements ne sont jamais faciles. À chaque fois, il faut apporter des garanties sur les services aux usagers. Il faut aussi bien mesurer l'impact d'une éventuelle régionalisation car, même si les réponses téléphoniques sont désormais plus nombreuses que celles fournies aux guichets, on a toujours besoin de la proximité. J'ajoute que chaque fois qu'on veut faire bouger les choses, les personnels comme les élus locaux ont besoin de garanties.

Nous suivons avec intérêt vos travaux, mais n'oublions pas qu'une réforme ambitieuse de l'assurance maladie a été engagée l'an dernier, qui entraînera des économies de gestion qui trouveront leur traduction dans la prochaine COG. J'ignore si certains d'entre vous veulent déjà aller au-delà, mais notre tableau de marche est clair : il y a la loi, les décrets d'application et les aspects conventionnels, dont nous allons reparler puisque la télétransmission ne relève pas de notre responsabilité directe.

M. Pierre Morange, coprésident : Je redis que nous souhaitons avoir des réponses précises à nos questions précises. S'agissant notamment de la télétransmission, avez-vous l'intention de parvenir aux 100 % en la rendant obligatoire, avec un calendrier précis et contraignant ?

M. Xavier Bertrand : Il faut bien évidemment aller au-delà des 70 %. C'est ma conviction, mais je répète que cela relève des négociations conventionnelles qui doivent intervenir. Je pense qu'aujourd'hui les marges de progression de la télétransmission se trouvent peut-être moins chez les médecins que chez certains professionnels paramédicaux, infirmières et kinésithérapeutes notamment. Il y a aussi des questions particulières liées aux actes en série, et des difficultés pratiques pour les actes à domicile. Les négociations qui se dérouleront, d'ici la fin de l'année, permettront de progresser avec l'ensemble de ces professions. J'ajoute que les questions du dossier médical personnel et de l'informatisation ne peuvent être occultées.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous souhaitions également que vous nous fassiez part de vos réflexions sur l'écart entre les différentes prévisions relatives au plan informatique de la CNAMTS, ainsi que sur la possibilité, pour les services de proximité, d'aller vers un guichet unique sur le modèle de la Mutualité sociale agricole (MSA).

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Le Parlement a adopté l'idée de faire figurer la photographie sur la carte SESAM-Vitale. Cela suppose que cette carte soit individuelle et non pas familiale. Est-ce bien le choix du Gouvernement ? Il semble que le ministère de l'intérieur ait des réticences assez fortes à ce propos s'il n'a pas un contrôle direct sur ces opérations. Pourrions-nous avoir communication des échanges entre les deux ministères ?

M. Philippe Bas : Actuellement, la principale production du système d'assurance maladie est d'assurer les remboursements de soins dans les délais les plus brefs et avec le maximum de fiabilité. Cet objectif doit continuer d'être poursuivi, mais la montée en puissance de la gestion du risque implique une évolution en profondeur des systèmes informatiques. La première évaluation réalisée par la CNAMTS, fin 2003, était de 2,6 milliards d'euros. Le ministère a commandé un rapport d'audit à l'IGAS et à l'IGF pour mieux apprécier les besoins informatiques de la CNAMTS, valider ses choix et confirmer les coûts. Les travaux de la mission ont confirmé la nécessité d'une refonte des architectures techniques et fonctionnelles des systèmes informatiques, mais elle a ramené l'évaluation du coût à 1,6 milliard d'euros. Sur cette somme, 800 millions ont déjà été budgétés dans un avenant à la COG en cours. La nouvelle demande de la CNAMTS porte donc sur les 800 millions restants ; elle sera discutée au deuxième semestre dans le cadre de la préparation de la nouvelle COG.

Faut-il appliquer à l'ensemble des branches le modèle de la MSA ? Je ne puis vous faire une réponse systématique. Il est vrai que l'efficacité du réseau peut passer exceptionnellement, ici ou là, par des regroupements de caisses. Mais si l'on fait primer l'amélioration de la qualité des services rendus à l'usager, il faut prendre en considération le fait que les branches gèrent des prestations de nature très différente, qui n'ont rien à voir entre elles, qui s'adressent à des publics distincts, dont les besoins, les âges et les attentes varient. Ce n'est ainsi évidemment pas au même âge de la vie qu'on sollicite des prestations familiales et des prestations de retraite. Compte tenu de leurs spécificités, de leurs modes de gestion, de leurs systèmes de production et de liquidation, le rapprochement des caisses de branches différentes n'améliorerait pas en soi la qualité du service et ne permettrait pas à coup sûr des économies de gestion. L'amélioration de la qualité du service passe plutôt par une professionnalisation plus grande. Par ailleurs, les informatiques sont nationales, par branche, et il y a donc peu de gains à obtenir en regroupant des caisses qui ont des métiers différents.

Pour autant, des rapprochements sont concevables quand ils sont justifiés. C'est le cas avec la création du régime social des indépendants (RSI) par le regroupement de la CANAM (assurance maladie), de la CANCAVA (assurance vieillesse des artisans) et de l'ORGANIC (assurance vieillesse des commerçants). Nous le mettrons en place avec M. Xavier Bertrand et M. Renaud Dutreil le 29 juin prochain. Autre exemple de rapprochement de caisses de réseaux différents pour des prestations qui ont un lien entre elles : l'instruction commune des dossiers de revenu minimum d'insertion (RMI) et de couverture maladie universelle (CMU) qui y sont liés par les caisses d'allocations familiales (CAF).

M. Xavier Bertrand : Je puis vous montrer le prototype de la carte SESAM-Vitale avec photographie. Il s'agit bien d'une priorité d'action du Gouvernement, M. Yves Bur le sait bien, lui qui porte depuis longtemps l'idée que la personnalisation de la carte est indispensable. Mais il ne s'agira pas d'une carte d'identité de santé, et il n'y a donc pas de divergences d'appréciation avec le ministère de l'Intérieur. Il existe déjà un certain nombre de titres de transport qui portent une photographie sans que cela ait jamais posé la moindre difficulté.

La carte personnalisée, qui restera bien une carte SESAM-Vitale, a vocation à être individuelle, à partir de 16 ans. Elle sera ensuite une clef d'entrée dans le dossier médical personnel et évoluera encore techniquement, ultérieurement, notamment pour intégrer des données biométriques. Cette carte permettra de responsabiliser l'ensemble des acteurs. La photographie permettra de faire reculer le nombre des utilisations abusives et frauduleuses.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Nous connaissons les avantages et les inconvénients de la carte SESAM-Vitale avec photographie.

M. Xavier Bertrand : Quels inconvénients ?

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Ne revenons pas sur un débat politique qui a déjà eu lieu. Le principe est posé et ce qui me préoccupe maintenant, c'est sa mise en oeuvre pratique. Je souhaite donc savoir qui mettra la photo sur la carte. Si la sécurité sociale doit s'acquitter de cette tâche, la future COG couvrira-t-elle le coût de la convocation de chacun des 45 millions de Français concernés ?

Pouvez-vous par ailleurs confirmer l'abandon de toute idée d'intelligence embarquée dans la carte SESAM-Vitale 2 ? Si tel est le cas, l'entrée dans la logique du dossier médical personnel (DMP) ne sera pas possible et une étape ultérieure sera donc nécessaire.

M. Xavier Bertrand : Je le répète, il m'est impossible de préciser ce que sera la future COG.

S'agissant de SESAM-Vitale 2, il est évident que ce sont les acteurs de l'assurance maladie qui procéderont à cette opération.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Mais la décision de faire figurer telle ou telle information sur la carte dépend-elle du ministère ou de la bonne volonté de la CNAMTS et de ses partenaires ?

M. Xavier Bertrand : Je pensais qu'il pourrait vous intéresser que je réponde à votre question précédente.

C'est bien l'assurance maladie qui apposera les photographies, mais nous avons besoin de toutes les garanties de sécurité, et nous voyons avec elle quel est le meilleur moyen de procéder, étant entendu que nous analyserons aussi les coûts. Le rapport IGAS-IGF proposait plusieurs pistes. Il y avait notamment la possibilité de prendre la photo numérique dans les caisses, mais cela semble difficile à effectuer pour 48,3 millions d'assurés sociaux. Il serait aussi possible que les assurés adressent une photo exploitable avec une photocopie de leur carte d'identité. Le choix n'est pas encore arrêté mais cela ne change rien au calendrier.

M. Georges Colombier : Je regrette que, pour une fois que nous avons un interlocuteur qui répond directement à nos questions, contrairement d'ailleurs à l'audition précédente, on l'interrompe à tout bout de champ.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous propose de poursuivre le dialogue sous la forme de questions et de réponses.

M. Xavier Bertrand : La concertation avec l'assurance maladie se poursuit dans le cadre de la COG. J'ignore les réponses que vous a apportées le directeur de la CNAMTS sur l'apposition de la photo, mais vous pouvez être assurés de la détermination du Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Je ne sais toujours pas si les Français devront ou non se rendre dans les caisses, et il ne me semble pas qu'en insistant sur ce point je sorte de mon rôle de président pour me livrer à du harcèlement parlementaire. Sans doute avons-nous tous à progresser sur la manière dont nous nous approprions un contrôle, mais il me paraît difficile de nous contenter de faire acte de foi.

M. Xavier Bertrand : Il n'y a jamais à mes yeux de harcèlement parlementaire, et le Gouvernement est à votre disposition pour répondre à vos questions.

Je n'ai pas dit que les Français seraient obligés d'aller dans les caisses, mais qu'il y avait différentes pistes de travail, avec des incidences variables sur le coût de l'opération. On pourrait imaginer, sans mener une opération à grande échelle, qu'une personne qui se rendrait pour une autre raison dans une caisse en profiterait pour faire prendre sa photographie. Mais les modalités relèvent de l'assurance maladie ; elles seront précisées dans la COG, qui fera l'objet d'une concertation.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Pourrions-nous avoir communication par écrit des différents scenarii envisagés et de leurs coûts ?

M. Xavier Bertrand : L'UNCAM va aussi proposer des solutions, j'ignore si vous l'avez interrogée.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Je souhaite revenir sur l'informatisation et sur les objectifs des caisses dans la COG à venir. J'aimerais en particulier que vous nous parliez du DMP et de la façon dont vous envisagez son déploiement. Je crois pour ma part qu'il faut une montée en charge rapide. Pouvez-vous nous indiquer les moyens financiers qui seront engagés dans les mois à venir ?

M. Xavier Bertrand : On l'a dit, je n'ai pas pour habitude de pratiquer la langue de bois. Le coût du DMP dépendra du cahier des charges qui sera élaboré dans moins d'un mois par le groupement d'intérêt public (GIP). Je puis dire que, par rapport au chiffre qui avait été avancé à une époque, plus nous avançons, plus le DMP se simplifie. Pour nous, le 1er juillet 2007 marquera la première étape, avec deux aspects prioritaires. Le premier est la lutte contre la iatrogénie. Le DMP nous permettra de diminuer les hospitalisations liées à des abus de médicaments ; il y en a actuellement 128 000 par an. Le second objectif est de combattre les redondances. Aujourd'hui, 15 % des examens médicaux sont réalisés en double, pour un coût estimé par la CNAMTS entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an.

Après l'élaboration du cahier des charges, le mois prochain, nous choisirons, au plus tard à la rentrée 2005, des sites pilotes pour montrer aux Français ce qu'est un dossier médical personnel et ce qu'il apporte à la qualité des soins. Car, je le redis, l'objectif premier du DMP n'est pas de réaliser des économies, mais d'améliorer la qualité et la coordination des soins, sachant que ce qui est bon pour le patient sera bon pour l'assurance maladie. Nous procéderons ensuite, au printemps 2006, à la première évaluation de ces sites pilotes pour arrêter le mode de diffusion sur l'ensemble du territoire. Certains voulaient une construction gigantesque qui ne répondait ni aux besoins ni aux attentes. Pour notre part nous avons fait le choix de la simplicité, et nous accordons le plus grand prix à ce que les professionnels et surtout les patients trouvent dans le DMP toutes les réponses à leurs questions. Nous aurons, début juillet, un nouveau séminaire de travail, sur le modèle de ce qui avait été organisé par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). Personne ne sera oublié, et nous aurons à cœur d'associer les parlementaires intéressés, car le maître mot est pour nous la transparence. Pour faire les meilleurs choix, le regard des parlementaires nous intéresse au plus haut point. Ce séminaire permettra de valider, avant le cahier des charges définitif, le mode de fonctionnement et les garanties apportées. C'est à partir des pratiques médicales existantes dans les établissements et dans les cabinets déjà informatisés que nous développerons, de façon plus pragmatique et plus efficace, le dossier médical personnel. Nous procédons actuellement à une évaluation très fine de ces nombreuses expériences.

M. Jean-Marie Le Guen, coprésident : Un certain nombre de personnes, en particulier les associations de patients, semblent hostiles au « web-docteur ». Incitez-vous néanmoins l'UNCAM à continuer dans cette voie ?

M. Xavier Bertrand : L'UNCAM a toute latitude de poursuivre le travail qu'elle estime utile, mais vous me permettrez de rappeler que le « web-docteur » et le DMP n'ont rien à voir, car ce dernier n'est pas un progrès technologique mais médical. Si tous les nouveaux outils informatiques doivent être au rendez-vous de la médecine de demain, tous ceux qui les mettent en avant doivent prendre en considération l'exigence prioritaire de sécuriser et de rassurer les utilisateurs. Nous y attachons une importance particulière car, je le dis souvent, le rendez-vous à ne pas manquer est celui des patients et des usagers. Si ces derniers ont des inquiétudes quant au « web-docteur », je demanderai aux responsables de l'assurance maladie de répondre à toutes les questions.

Les enquêtes d'opinion montrent que les Français adhèrent au principe du DMP, nous souhaitons que son fonctionnement emporte également leur adhésion.

M. Yves Bur : S'agissant toujours du DMP, il est bon de rappeler que ce ne sont pas les aspects financiers mais la qualité, la sécurité et l'optimisation du parcours de santé qui priment.

Pouvez-vous nous dire si la date que vous avez citée du 1er  juillet 2007 est celle à laquelle on commencera à généraliser le DMP ou si cette généralisation devra alors être achevée ?

Quand on voit par ailleurs qu'il faut souvent prolonger les expérimentations comme pour la tarification à l'activité, ne pensez-vous pas que le calendrier prévu est un peu ambitieux si ce n'est utopique ?

M. Xavier Bertrand : Nous y aurons en fait travaillé depuis plus d'un an, et il ne s'agira pas d'une création ex nihilo puisque nous partirons des bonnes pratiques d'aujourd'hui. Ainsi, un grand nombre de cabinets médicaux ont déjà recours à l'informatique. S'agissant en particulier de la tarification à l'activité, il importe de s'assurer sur le terrain, dans la pratique quotidienne, que les résultats sont conformes à ce que nous avions souhaité. Cela passe par la concertation avec l'ensemble des acteurs, sans laquelle le DMP ne peut être construit.

M. Yves Bur : Il s'agira donc bien un dossier très simple au départ et appelé à s'enrichir. C'est un long chemin sur lequel vous vous engagez.

M. Xavier Bertrand : En effet. Un certain nombre de pays étrangers se sont aussi engagés dans cette voie, mais ils n'ont pas voulu faire aussi simple que nous. Je rappelle que nos objectifs prioritaires sont de lutter contre la iatrogénie et les redondances. Il y a aussi ce lien particulier entre le patient et son médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste. N'oublions pas que le patron du DMP, c'est le patient, avec pour entrée la fameuse carte SESAM-Vitale avec photo.

M. Pierre Morange, coprésident : Souhaitez-vous mettre en oeuvre immédiatement le DMP sans aucune restriction, ou le réserver d'abord à la population la plus demandeuse de soins ?

M. Xavier Bertrand : Je serai plus à l'aise pour vous répondre après le séminaire qui aura lieu prochainement sur ce sujet, car il s'agit d'une des questions que je veux faire valider par ceux qui y participeront. À titre personnel, je suis convaincu que nous sommes tous demandeurs de soins.

M. Georges Colombier : En ce qui concerne la convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour la période 2005-2008, je veux vous faire part de l'inquiétude des présidents et directeurs de CAF, en particulier dans l'Isère, quant aux difficultés rencontrées dans les discussions entre la CNAF et l'État sur les crédits du fonds national d'action sociale. Si ce fonds était revu à la baisse, cela poserait de graves problèmes pour respecter les engagements pris envers les collectivités locales et les familles à propos de la gestion de crèches.

M. Philippe Bas : La discussion de la convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF n'a pas pu aboutir en raison d'une différence d'appréciation sur les moyens nécessaires pour que nos engagements puissent être tenus, notamment pour les crèches. La volonté du Gouvernement est de les respecter intégralement. Nous avons donc, dès mon entrée en fonction, repris les discussions avec la CNAF afin d'arriver à une conclusion rapide. S'ajoute à cela l'engagement du Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de mettre l'accent sur la petite enfance avec le lancement d'un nouveau plan de construction de 15 000 places de crèches. Il s'inscrira dans l'évolution du fonctionnement de la branche famille qui a déjà, dans la période récente, pris en charge le service des prestations familiales des fonctionnaires, assuré jusqu'alors par 1 000 agents. La CNAF, par l'utilisation judicieuse de ses moyens humains et techniques, a réussi à assumer ces 500 000 nouveaux allocataires dans des conditions tout à fait satisfaisantes.

M. Pierre Morange, coprésident : Il nous reste simplement à vous remercier, Messieurs les ministres, et à vous indiquer que nous nous permettrons de vous adresser un questionnaire complémentaire sur les sujets que nous avons pas eu le temps d'aborder aujourd'hui.

M. Xavier Bertrand : Nous sommes très attachés à ce type d'échanges directs qui permettent d'apporter des réponses aussi précises que possible, et nous sommes à votre disposition pour revenir quand vous le souhaiterez devant votre mission.

La sécurité sociale, l'assurance maladie sont des biens communs, que n'ont pas en partage le seul Gouvernement et le seul Parlement. Nous avons bien compris les attentes que vous manifestez pour une protection sociale efficace, et ce message est aussi très présent à l'esprit de l'ensemble des gestionnaires de la sécurité sociale, notamment des personnels de l'assurance maladie, qui font, au quotidien, un travail tourné vers les destinataires de la protection sociale. C'est ensemble que nous continuerons à avancer.

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