COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 1

Jeudi 6 octobre 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Stéphane Le Bouler, coordinateur santé, responsable de la mission établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au Commissariat général du Plan

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- Audition de M. David Causse, délégué général adjoint de la Fédération hospitalière de France (FHF)

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- Audition de M. Alain Cordier, président du Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et M. Denis Piveteau, directeur de la CNSA

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Stéphane Le Bouler, coordinateur santé, responsable de la mission établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au Commissariat général du Plan.

M. Pierre Morange, coprésident : La MECSS reprend aujourd'hui ses auditions publiques.

Avant de commencer les travaux de cette nouvelle session, je rappelle que la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a, en particulier, renforcé les pouvoirs de la MECSS. Celle-ci entend les utiliser pleinement. Elle saisira notamment le gouvernement et les organismes de sécurité sociale concernés par ses conclusions. En application des nouvelles dispositions, ils devront répondre dans un délai de deux mois.

La mission d'évaluation et de contrôle, comme elle l'avait décidé début juillet, a poursuivi durant l'été sa réflexion sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale et le rapport sur ce sujet devrait être prochainement présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur.

S'agissant du Plan Biotox, deuxième thème d'étude de la MECSS pour cette année, j'indique que, exceptionnellement, en raison du caractère confidentiel défense du rapport que la Cour des comptes a établi sur ce sujet et qu'elle viendra présenter la semaine prochaine, les auditions du mercredi 12 octobre auront lieu à huis clos et seront réservées aux membres de la MECSS.

Nous commençons maintenant notre cycle d'auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées.

Notre premier invité est M. Stéphane Le Bouler, qui est coordinateur santé, responsable de la mission établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes au Commissariat général du plan. Ce dernier a remis, en réponse à une demande du précédent gouvernement, un premier rapport sur l'évaluation des besoins en places dans les établissements d'hébergement des personnes âgées. M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, a adressé au mois d'août dernier une nouvelle demande au commissariat général du Plan. Vous nous en parlerez.

Je laisse la parole à Mme Paulette Guinchard, rapporteure, qui, vous le savez, connaît particulièrement bien ce sujet.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Notre mission va particulièrement s'intéresser à la connaissance du système de financement de l'ensemble des établissements qui prennent en charge des personnes âgées. Vous-même avez été chargé par le gouvernement d'un travail sur l'évolution des besoins en hébergement et je souhaite que vous nous disiez quels points vous paraissent les plus importants et quels éléments vous ont amené à faire un certain nombre de propositions. Mais, j'y insiste, c'est vraiment une clarification du système de financement qui nous paraît primordiale.

M. Stéphane Le Bouler : Le premier rapport nous avait été commandé en février par Mme Catherine Vautrin, et il a été remis en juillet. Le Gouvernement nous a alors commandé deux volets complémentaires, plus spécifiquement consacrés aux questions de financement et de répartition territoriale des besoins.

En ce qui concerne l'évaluation des besoins en hébergement, nous avons d'abord dressé un état des connaissances, à partir des enquêtes Handicaps-Incapacités-Dépendances (HID) de l'INSEE et Etablissements d'hébergement des personnes âgées (EHPA) de la DREES, qui marquaient déjà un progrès important. Cet état a constitué la base de départ qui a permis d'établir des hypothèses communes d'évolution de la dépendance dans les cinq, dix et vingt ans à venir.

Nous sommes partis de trois hypothèses, et notre travail nous a permis d'en mettre deux en avant, en laissant de côté la plus optimiste. Nous avons ensuite modélisé cinq scénarii de prise en charge des personnes âgées dépendantes en établissements, à partir du critère essentiel de l'isolement de la personne et sur la base de 406 200 personnes de plus de 75 ans hébergées fin 2003 en maisons de retraite et en établissements de soins. Les discussions au sein de la mission ont permis de réduire à trois le nombre de ces scénarii, en excluant les hypothèses de plus fort taux d'entrée en institution et de plus fort maintien à domicile.

Parmi les scénarii restant, un peut être qualifié de tendanciel, c'est-à-dire qu'il suppose que le taux de prise en charge en établissements se maintienne pendant toute la période, seuls les effectifs de personnes âgées dépendantes évoluant ; un autre table sur un maintien accru à domicile, avec un recours aux établissements pour les seuls GIR 3 et 4 ; le dernier prévoit un nombre accru de résidents en établissements parmi les GIR 1 et 2. Pour 2010, c'est-à-dire demain en termes de construction, nous n'avons retenu que le scénario tendanciel. Avec l'hypothèse d'un maintien accru à domicile, nous envisageons une diminution de 3 à 16 % du nombre de places requises en 2015 et en 2025. Avec un nombre supérieur de résidents en établissements, le besoin en place s'accroîtrait, aux mêmes dates, de 20 à 53 %. J'ajoute que ces chiffres doivent être considérés en tenant compte du nombre de places déjà créées en 2004 et en 2005 avec le plan vieillissement-solidarité.

Nous avons ensuite essayé de dresser l'état du parc actuel afin de connaître le besoin de renouvellement, qui s'ajoute à celui de créations de places nouvelles. Tous nos interlocuteurs ne sont toutefois pas d'accord sur la signification de ces besoins de renouvellement. Certains mettent en avant la taille des chambres et considère que 37 % du parc sont obsolètes dès lors que les chambres individuelles font moins de 16 m² et les chambres doubles moins de 20  m². D'autres s'attachent plutôt aux éléments de confort ou de sécurité.

Nous avons aussi essayé de regarder l'état du parc en fonction du critère de répartition territoriale. Pour cela nous avons tracé une carte de France qui tient compte de l'ensemble des établissements. Il est évident que nous aurions eu une autre carte si nous nous étions intéressés uniquement aux maisons de retraite ou aux foyers logements. La carte que nous avons obtenue permet de comparer les différents points du territoire avec une moyenne nationale, mais pas de repérer précisément les besoins.

Nous constatons aussi une difficulté à évaluer la dépendance au niveau départemental. En effet l'enquête HID, menée de 1998 à 2001, était nationale, et très lourde puisqu'elle portait sur 18 000 personnes, mais son extension n'a concerné que sept départements et une région. Pour ces derniers, nous avons une connaissance précise de la population dépendante, pour tous les autres nous ne pouvons faire que des approximations, même si la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) nous permet désormais d'avoir une image plus fidèle des besoins, traduits en demandes d'allocations. Sans doute les conseils généraux et les services départementaux disposent-ils de ressources et de connaissances qui leur permetttent d'approcher ces besoins de façon plus fine.

M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, nous a demandé, au moment de la remise du rapport, d'approfondir un scénario dit « équilibré » de prise en charge des personnes âgées dépendantes, qui permette de faire droit à la notion de libre choix de ces personnes et qui se situe entre le scénario tendanciel et celui du maintien accru à domicile. Dans ce registre, nous avons travaillé sur la prise en charge en établissements, mais aussi sur toute la gamme des prises en charge, qui va de l'aide ménagère aux unités de soins de longue durée. Nos études ont également porté sur l'ensemble des coûts, sur le dispositif de péréquation, sur le portage des projets, sur les éléments de cadrage et le financement global de la dépendance, sur les bonnes pratiques de planification gérontologique ainsi que sur les moyens d'aider davantage les départements dans l'exercice de cette tâche.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Vous êtes donc entrés dans une nouvelle phase de votre travail, mais je suppose que ce que vous avez déjà fait a permis une meilleure compréhension des systèmes de financement.

J'aimerais avoir votre sentiment sur la façon d'aborder la question de la prise en charge et de l'accompagnement des personnes âgées. L'outil le plus complet dont on dispose est l'enquête HID et je suis quelque peu surprise qu'un aussi grand nombre de départements aient choisi de la refuser. Mais avez-vous identifié d'autres moyens de connaissance de la dépendance, en particulier pour les conseils généraux qui ont besoin de comprendre et d'analyser le phénomène ?

Que sait-on par ailleurs de l'évolution des durées moyennes de séjour et de la demande des personnes âgées et de leurs familles ? A-t-on mis en corrélation cette durée avec l'âge et l'évolution des besoins, en allant au-delà de l'enquête HID ? Les différents types d'établissements vous paraissent-ils adaptés à la demande ? Comment sont pris en compte les nouveaux dispositifs d'accueil de jour et d'accueil temporaire ainsi que les réseaux de soins ?

J'aimerais aussi savoir comment vous prenez en compte les besoins : je m'étonne que la prospective porte d'abord sur la taille des chambres. Il me semblait que d'autres critères pouvaient être utilisés pour une véritable analyse de la demande. Ainsi, je m'intéresse particulièrement aux travaux menés actuellement sur le temps d'écoute et de dialogue avec les personnes âgées.

M. Stéphane Le Bouler : S'agissant des questions de financement, les travaux vont porter sur l'accessibilité financière pour les usagers, les projets d'équipement et de services et leur financement, les éléments de cadrage macro-économique pour ce qui concerne les charges, les éléments de financement de la dépendance.

Pour l'accessibilité financière, il faut bien entendu travailler sur l'évolution des capacités contributives, sur les perspectives en matière de revenus et le patrimoine des personnes âgées et de leurs familles. Au début de nos travaux, nous entendions beaucoup parler des effets de la loi Fillon portant réforme des retraites sur les revenus des futurs retraités ; c'est une question qui mérite d'être creusée. Il faut aussi étudier un certain nombre de prestations attribuées au titre de la politique du logement et l'APA. Il conviendrait par ailleurs de pouvoir mesurer les dépenses fiscales : nous sommes incapables d'identifier, dans l'ensemble des réductions d'impôt liées à la garde à domicile, ce qui relève des personnes âgées dépendantes.

Face aux capacités contributives, il faut bien sûr travailler sur la tarification des services. Peut-être faut-il envisager une nouvelle réforme de la tarification ou une simplification, mais c'est un sujet sensible. Il faut aussi se demander ce que signifie le libre choix avec le système de tarification actuel. Est-on parvenu, avec l'APA, à mettre en œuvre la neutralité du choix pour les personnes âgées, ce qui était un des objectifs poursuivis ?

M. Pierre Morange, coprésident : Aux questions pertinentes de notre rapporteure, vous répondez par d'autres questions, ce qui n'est guère productif. Elle vous a en particulier interrogé sur l'état des lieux financier, c'est-à-dire sur l'ensemble des ressources qui ont vocation à financer le secteur de la dépendance : APA, sécurité sociale, fonds sociaux des caisses, départements, centres communaux d'action sociale (CCAS), mais aussi contribution des familles. Est-il possible de tracer des lignes directrices, d'identifier l'origine des financements, bref, de clarifier l'ensemble du sujet ?

M. Stéphane Le Bouler : Peut-être faut-il passer outre les résistances des organismes de statistiques pour aboutir à un compte « approché » de la dépendance. Une difficulté, sur des masses très importantes, est d'évaluer les dépenses fiscales correspondant à la prise en charge de la dépendance.

S'agissant du coût des investissements pour la création de places ou pour la rénovation, on peut avoir des fourchettes assez précises.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Sait-on réellement qui investit, c'est-à-dire qui paie les constructions et les travaux ? Quelle est la part des maisons de retraite, des départements, des organismes publics ?

M. Stéphane Le Bouler : Nous n'avons pas d'analyse des tours de table de financement, c'est un travail qui reste à faire. Nous disposons simplement d'éléments quant aux initiatives prises depuis quelques années par les différents opérateurs. On constate que les structures privées à but lucratif se sont désengagées, bien avant les structures publiques, des logements-foyers, alors qu'elles ont fait un effort important pour les maisons de retraite. Les plus gros opérateurs privés sont bien plus avancés dans la signature des conventions tripartites que les structures privées non lucratives et que les organismes publics.

On ne voit pas beaucoup de rationalité dans la façon dont certains responsables départementaux justifient la manière dont a été financée telle ou telle opération. Le but est-il de maintenir un prix de journée raisonnable, et comment ? Ou s'agit-il de parvenir à l'autofinancement des structures ? On ignore aussi largement si les caisses sont toujours engagées dans ces opérations, avec des prêts à taux zéro ou d'autres formules de financement.

Certains voudraient que le département soit non seulement le planificateur, mais aussi le financeur subsidiaire, ce qui n'est pas conforme aux lois de décentralisation.

M. Georges Colombier : Pouvez-vous nous en dire davantage sur le devenir des logements-foyers ? Ils doivent, lorsque les locaux s'y prêtent, aller vers une médicalisation et répondre aux exigences de sécurité liées au vieillissement des personnes accueillies. Quels sont les modes de financement possible pour cette mise à niveau ?

M. Stéphane Le Bouler : Il y a eu sur ces questions un certain nombre d'expertises, par le Conseil général des Ponts et Chaussées et, plus récemment, par la direction générale de l'action sociale (DGAS) et par la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction (DGUHC) du ministère de l'équipement. Pour autant, on n'a pas de vision claire des perspectives des structures porteuses pour la rénovation des logements-foyers. Environ 20 % du parc, où on accueille déjà une population largement dépendante, ont vocation à être restructurés et à passer en EHPAD, perdant ainsi leur vocation d'origine. En raison de ses caractéristiques architecturales, une autre partie du parc paraît devoir être consacrée à un autre usage ou disparaître. Et puis il y a tous les établissements intermédiaires, qui ont accueilli des personnes âgées dépendantes non par vocation mais parce qu'elles le sont devenues au fil du temps ou parce qu'elles y sont venues pour des raisons de proximité. Ces établissements se tournent aujourd'hui vers les départements, qui ont tendance à considérer qu'ils n'en ont pas directement la responsabilité, d'autant qu'il est souvent plus intéressant, pour eux, de créer une place d'EHPAD que de rénover une place en logement-foyer. La question du rôle des bailleurs sociaux est également posée. Enfin, les communes qui se sont lancées dans de telles opérations n'ont pas forcément les moyens de procéder aux rénovations.

Les logements-foyers posent également un problème de planification gérontologique car, la plupart du temps, ils n'apparaissent même pas dans les programmes des départements : on sait qu'ils accueillent des personnes âgées dépendantes, mais ils demeurent hors de la programmation car ils ne relèvent pas des circuits habituels de financement. Aussi, quand il s'agira pour nous de faire des recommandations de planification départementale, insisterons-nous sans doute sur l'intégration de cette ressource dans la planification. Parce qu'elles font le lien entre le domicile et l'établissement, ces structures ont peut-être encore des choses à nous apprendre sur les futurs modes de prise en charge. Pour autant, l'état du parc et les problèmes de responsabilité financière ne permettront sans doute pas de maintenir durablement l'essentiel de ce parc, qui représente 23 % de l'ensemble des 670 000 places existantes.

M. Jean-Luc Préel : En Vendée, les logements-foyers fonctionnent depuis l'origine comme des maisons de retraite, tout simplement parce que les HLM qui ont bénéficié des prêts aidés par l'État pour les locaux à usage locatifs (PLA) pour les construire les ont appelés ainsi, mais les chambres et sanitaires sont satisfaisants pour les personnes âgées dépendantes.

J'ai apprécié que vous rappeliez dans votre rapport que, dans les sociétés anciennes, il appartenait aux familles de se préoccuper de leurs anciens. Ce qui pose donc problème, c'est l'évolution de notre société.

De nouvelles structures sont apparues, comme les maisons d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) qui sont en fait des maisons de famille accueillant une douzaine de personnes âgées, mais, dans la mesure où elles deviennent dépendantes, la question de la médicalisation se pose et j'aimerais savoir si vos travaux vous permettent de préconiser une taille minimale qui permette aux établissements de supporter les dépenses de fonctionnement.

Par ailleurs, quand, dans un établissement accueillant 80 personnes, désormais essentiellement dépendantes, on a une seule garde de nuit, on peut s'interroger sur ce que doit être, humainement, l'encadrement idéal. Avez-vous une idée à ce propos ?

M. Stéphane Le Bouler : Sur la taille des établissements, un consensus semble se dessiner autour de 60 à 80 places, mais sans véritable argument déterminant en termes de rationalité. Autant cette taille peut se comprendre pour les opérateurs à but privé lucratif, qui sont organisés en réseau et réalisent ainsi des économies d'échelle, autant, pour les opérateurs publics et associatifs, elle semble correspondre plus à des contraintes de sécurité et à la disponibilité des surfaces qu'à de véritables considérations économiques.

S'agissant du taux d'encadrement, le premier rapport donnait toute une gamme d'estimations sur les besoins en effectifs liés aux différentes hypothèses. Au grand dam de la Fédération hospitalière de France (FHF), nous n'avons pas testé leur proposition d'un encadrement de 0,9 agent par place, considérant qu'avec les conventions tripartites et la politique de médicalisation, des étapes importantes avait déjà été franchies ces dernières années, le taux d'encadrement ayant fortement augmenté de 1996 à 2003. Mais cette hypothèse pourra être testée dans le prochain rapport. Quand bien même les finances publiques pourraient supporter de telles dépenses, rien ne garantit que l'attractivité de ces métiers serait suffisante pour qu'on puisse à la fois compenser les départs en retraite et recruter massivement. La proposition de la FHF s'inspire du taux d'encadrement dans les établissements pour handicapés lourds, il n'est pas évident pour autant qu'elle soit ici pleinement rationnelle.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les questions de mes collègues montrent combien il est important de savoir qui est porteur de l'investissement. Or vous n'avez pas répondu sur la part que représente l'investissement dans le prix de journée qui reste à la charge des personnes âgées. Avez-vous travaillé sur cette question ? J'espère que la suite de nos auditions nous permettra d'obtenir des réponses.

Avez-vous par ailleurs intégré dans votre réflexion la question de l'évolution de la durée moyenne de séjour, en relation avec l'âge moyen d'entrée dans les maisons de retraite ? C'est peut-être un des moyens de comprendre l'évolution des besoins.

Avez-vous enfin constaté et pris en compte une évolution liée aux réseaux de soins gérontologiques ? Je pense en particulier aux travaux que la Mutualité sociale agricole (MSA) a elle-même menés sur les MARPA et, surtout, sur les réseaux de soins, qui semblent de nature à faire évoluer considérablement les dispositifs d'accompagnement et de prise en charge.

M. Stéphane Le Bouler : Les données qui vous ont été fournies à partir de l'enquête EHPA de la DREES ne portaient que sur des échantillons. On attend donc - je l'espère avant la fin de nos travaux et des vôtres - une exploitation de ces éléments en ce qui concerne les caractéristiques des personnes hébergées, la durée moyenne de séjour et l'âge d'entrée.

M. Pierre Morange, coprésident : Une des personnes que nous allons auditionner estime à 36 mois la durée moyenne de séjour. Pouvez-vous, même si vous attendez plus de données, commenter cette estimation, car jusqu'ici cette audition nous a surtout permis de mesurer le champ de notre ignorance partagée.

M. Stéphane Le Bouler : La question doit être considérée en fonction du statut des établissements. Un des problèmes des logements-foyers est que les gens restent très longtemps, y compris quand ils deviennent dépendants. Dans les unités de soins de longue durée, la durée de séjour n'est pas du tout la même. L'estimation de 36 mois est sans doute surtout valable pour les maisons de retraite.

Je reviens aux réseaux de soins. Nous nous sommes aperçus avec étonnement que la coordination entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les DDASS et les départements, donc entre la planification sanitaire et la planification gérontologique, n'avait aucune base officielle et ne reposait que sur les bonnes relations entre les responsables des uns et des autres. De même, si le plan Hôpital 2007 a entraîné d'importantes restructurations, la question de la vocation des hôpitaux locaux à structurer les réseaux gérontologiques et à accueillir des personnes âgées dépendantes n'a pas été posée. Il ne paraîtrait donc pas déraisonnable de rationaliser quelque peu ces exercices de programmation.

La DATAR et d'autres organismes mettent l'accent sur ce qu'apportent les réseaux gérontologiques, et des expériences très intéressantes sont menées. Mais on a toujours du mal à distinguer ce qui relève de l'incantation de ce qui relève d'une mise en œuvre raisonnée, et il faut désormais que tout cela se traduise en termes de gouvernance du système de santé. Le fait que les départements aient désormais la pleine responsabilité de la planification gérontologique, pour les établissements comme à domicile, est un gage de développement des structures.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie d'avoir conclu sur une note d'optimisme.

Nous avons pu mesurer l'immensité du champ d'investigation, ce qui ne fait que confirmer la pertinence du thème que la MECSS a choisi. Nous aurons à cœur d'avancer sur la mesure des besoins, sur la réflexion prospective et sur les moyens nécessaires.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. David Causse, délégué général adjoint de la Fédération hospitalière de France (FHF).

M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons maintenant M. David Causse, délégué général adjoint de la Fédération hospitalière de France.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : La Fédération hospitalière de France fait un travail d'analyse sur les questions de financement, qui préoccupent particulièrement notre mission, et c'est ce qui justifie votre présence ce matin. Nous souhaitons donc vous entendre sur la connaissance des systèmes de financement, aussi bien pour chaque structure que de façon globale, mais aussi sur un certain nombre de questions plus précises : les dispositifs actuels de financement répondent-ils à la typologie des établissements ? Le système de tarification est-il adapté à cette typologie ? Quelles sont les modalités de financement des investissements ? Avez-vous étudié plus particulièrement la prise en compte de l'amortissement des investissements dans le prix de journée qui reste à la charge des personnes âgées ?

M. David Causse : Je vous remercie, au nom de la Fédération hospitalière de France, de nous avoir invités à vous faire part de nos réflexions.

Notre fédération rassemble la représentation des conseils d'administration de l'ensemble des établissements publics de santé - les hôpitaux -, mais aussi des établissements publics sociaux et médico-sociaux : maisons de retraite et établissements pour personnes handicapées. Cela représente au total plus de 2 000 sites, 76 000 lits de longs séjours étant rattachés à quelque 1 000 hôpitaux, soit 95 % des capacités d'hébergement, et 100 000 lits de maisons de retraite étant rattachés à des établissements publics de santé. Pour les établissements autonomes, qui n'ont pas d'activité sanitaire, il y a aussi près de 100 000 lits, sans parler des autres facettes de la graduation de l'activité en direction des personnes âgées, comme les services de soins infirmiers à domicile - près de 8 000 places -, les places d'accueil de jour et les places d'accueil temporaires, qui sont là, dans une perspective de qualité de vie et d'optimisation des moyens, pour retarder le plus possible l'entrée en établissement.

Vous me demandez de tracer une perspective d'ensemble. De mon point de vue, c'est le mot démographie qui résume le grand défi auquel est confrontée l'organisation sanitaire et sociale, mais aussi économique et culturelle, de notre pays. Nous allons être en effet, de façon beaucoup plus rapide que cela n'a été envisagé lors de la réforme des retraites, face à un véritable choc. Après l'hémorragie de la guerre de 14-18 qui a entraîné l'effondrement, 80 à 90 ans plus tard, des effectifs de population, 1924 a été l'année de la remontée du nombre de naissances. Si on considère qu'aujourd'hui l'âge de perte d'autonomie, de troubles mnésiques, de difficultés de la vie quotidienne rendant incontournable l'aide à domicile, voire, dans le cas de troubles des fonctions supérieures, l'entrée en établissement, est de 83 à 84 ans, on s'aperçoit que c'est dès 2007-2008 que nous allons être confrontés à de très grandes difficultés, même si on peut espérer encore des progrès thérapeutiques. Pour les personnes âgées comme pour leurs familles, dans certains territoires, rechercher une place deviendra alors un véritable enfer. Cela a d'ailleurs déjà commencé dans certaines régions. Et les choses sont encore plus complexes si on prend en compte les difficultés d'accès financier à ces places.

Le deuxième mot clé est celui d'épidémiologie. Les travaux menés par Jean-François Dartigues et son équipe ont permis d'identifier les enjeux de la pandémie d'Alzheimer. Avec, selon le degré de sévérité, entre 600 000 et 800 000 cas déclarés et plus de 100 000 nouveaux cas par an, on voit bien qu'il y a un enjeu très particulier autour des troubles des fonctions supérieures. De ce point de vue nous sommes, dans l'articulation et la graduation entre domicile et établissement, à la fois victimes et bénéficiaires de notre succès. En effet, si nous savons faire tout ce qui relève de l'aménagement matériel - adaptation d'une salle de bains, installation d'un ascenseur, aménagement de la luminosité - nous ne sommes pas capables de répondre à des polypathologies marquées par des troubles des fonctions supérieures et qui empêchent de rester chez soi, en dépit du dévouement du conjoint, de la fille ou de la belle-fille - car cet effort porte essentiellement sur les femmes. Ce sont ces troubles qui rompent le subtil équilibre de l'aide à domicile auquel les proches étaient parvenus. Les établissements doivent donc être en même temps des lieux de vie, des lieux accueillants, mais ils ne correspondent plus à l'image d'Épinal des maisons de retraite d'il y a vingt ans et des bonnes grand-mères aux yeux bleus pétillants et aux cheveux blancs légèrement argentés : aujourd'hui, un résident sur deux est atteint de troubles des fonctions supérieures.

On voit bien que l'intuition qu'avaient eue les pouvoirs publics, il y a une dizaine d'années, que la nécessité de médicaliser les maisons de retraite était bonne. Les ressources que la collectivité y a consacrées étaient nécessaires. Beaucoup reste néanmoins à faire pour une réévaluation, parce que les moyens engagés ont été irréguliers et parce que le niveau d'équipement laisse penser que les personnes âgées en perte d'autonomie sont en fait des assurés sociaux de seconde zone. En effet, dans une maison de retraite dite « médicalisée », l'assurance-maladie n'engage que 28 à 33 euros par personne et par jour, soit seulement l'équivalent d'une heure de travail d'une aide-soignante, alors que les professionnels considèrent qu'il faudrait deux ou trois heures. C'est de là que vient le décalage entre le sentiment justifié des familles de payer très cher et la nécessité dans laquelle elles se trouvent de devoir parfois aider la personne âgée à manger ou à faire sa toilette. Cela tient simplement au fait que la disproportion entre la partie mutualisée de l'effort et celle qui est assumée individuellement est bien plus grande que dans tous les autres domaines de l'action sanitaire et sociale.

Votre question sur la typologie des établissements et des offres me permet de rappeler la diversité des intervenants dans l'aide, l'accompagnement et l'hébergement des personnes âgées. Le secteur public est prédominant en volume, qu'il s'agisse de celui que représente notre fédération ou de celui que gèrent les centres communaux d'action sociale, plus présents dans le domaine des logements-foyers. Le secteur privé associatif est également important, surtout pour l'aide à domicile. Enfin le secteur privé commercial s'est développé ces dernières années de manière particulièrement dynamique. Je considère que c'est parce que ces secteurs sont différents qu'ils sont complémentaires, et je crains souvent que les pouvoirs publics ne soient tentés de renoncer à cette diversité.

Pour la FHF, la contiguïté avec le secteur hospitalier est un atout très important : on voit bien que le diagnostic précoce de l'Alzheimer est un acte de haute technicité. On voit aussi que, pour la filière des soins gériatriques, qui part parfois des urgences, il y a un grand intérêt à disposer d'une offre d'hébergement médicalisé qui s'articule avec le vivier de professionnels de santé que constitue l'hôpital.

Dans l'hébergement médicalisé, coexistent longs séjours et maisons de retraite. Fort heureusement, le Gouvernement a abandonné le projet qu'il nourrissait cet été d'assimiler les deux types d'hébergement. La tentation resurgit toutefois dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006. Pourtant certaines pathologies sont impossibles à prendre en compte par les maisons de retraite, qui ne peuvent accueillir les personnes en GIR 1 et 2 dont l'état médical n'est pas stabilisé.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Cela signifie-t-il que le financement unique actuel est inadapté ? Les gens qui demandent une place en établissement recherchent-ils du long séjour plutôt qu'un accueil classique en maison de retraite ? Ressentez-vous une évolution profonde des demandes ?

M. David Causse : Je l'ai dit, dans une maison de retraite dite « médicalisée », on peut au mieux assurer une permanence d'aide-soignante. J'y insiste car, en cas d'incendie, s'il était impossible d'évacuer les résidents, nous aurions tous - décideurs comme opérateurs - à répondre du fait d'avoir laissé ces personnes dans un tel état de vulnérabilité.

Les unités de longs séjours se caractérisent par, au mieux, la permanence d'une infirmière 24 heures sur 24. On a bien besoin d'une telle permanence dans un certain nombre de cas. Ces établissements sont également adossés à un plateau technique et à ses ressources humaines.

Je ne pense pas que ces différences invalident un schéma de tarification extrêmement inventif, qui ne pose pas de problème de structure mais plutôt de débit. Ce qui est intéressant dans le système actuel de financement c'est qu'il allie une dotation globale de l'assurance-maladie ou des collectivités territoriales, un financement attribué à la personne au titre de la perte d'autonomie de GIR (groupe iso-ressources de la grille AGGIR) 1 à 4 et un financement par la personne, c'est-à-dire le tarif d'hébergement ou la prise en charge par l'aide sociale départementale si la personne et sa famille n'ont pas les moyens nécessaires. Les pouvoirs publics ont eu la bonne idée d'associer les trois types de financement possibles. Il n'y en a pas d'autre ! La question qui se pose est donc celle de l'équilibre entre les trois.

Il existe une demande de lieux de vie définitifs, médicalisés pour les personnes dont l'état instable ne permet pas qu'elles soient en maison de retraite. Par ailleurs, le standing retenu pour la « médicalisation » des maisons de retraite - une heure d'aide-soignante, charges comprises, par personne - place de fait ces maisons dans l'impossibilité de faire face à l'essentiel des flux, c'est-à-dire d'accueillir des personnes présentant des troubles des fonctions supérieures. Les directeurs sont ainsi amenés à gérer les GIR moyens pondérés en fonction de la tension et du degré de découragement de leurs équipes, c'est-à-dire à ne pas admettre, faute de pouvoir les soutenir collectivement, les personnes présentant des troubles les plus sévères.

Il y a par ailleurs une vraie différence entre les implantations urbaines et rurales. Si un bon nombre de places, y compris en secteur privé commercial, ont été créées ces dernières années, elles l'ont été surtout dans les villes, là où la pérennité de l'investissement immobilier est garantie. Cela amène à se demander quelle sera l'offre et quels seront les opérateurs dans les territoires ruraux, d'autant qu'on sait que si le niveau moyen des retraites est de 1100 euros par mois - soit 37 à 38 euros par jour -, on tombe à moins de 800 euros pour les retraites des paysans et à 600 pour celle des femmes. Or, le secteur public, qui est le moins cher, arrive à un prix de journée de près de 43 euros en milieu rural, ce qui représente un très gros effort pour les personnes âgées et leurs familles. On le voit, l'offre accessible à la majorité de la population ne correspond pas à la réalité de ses ressources.

M. Georges Colombier : Je souhaite m'attarder un instant sur la comparaison entre longs séjours et maisons de retraite. J'ai constaté, en particulier en milieu rural, qu'au prix d'efforts importants, ces dernières accueillent, avec des moyens moindres, des personnes dont la dépendance est aussi lourde, allant même parfois jusqu'aux soins palliatifs.

Vous avez raison par ailleurs de dire que les familles paient cher. Ce qu'elles ne comprennent pas, c'est de devoir supporter la part d'investissement, qui peut être très importante dans un établissement neuf ou qui vient d'être humanisé. Que je sache, quand on utilise un gymnase, on ne paie pas d'investissement et d'ailleurs même pas le fonctionnement.

M. David Causse : Je partage entièrement votre analyse. J'ai dit beaucoup de bien de la réforme de la tarification, qui a traversé des heurs et malheurs ces dernières années et qui s'est même trouvée en apnée fin 2002-début 2003, ce secteur ayant été oublié sous le mandat de M. Jean-François Mattéi (M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, proteste).

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris votre rappel historique, mais je vous invite plutôt à répondre à la question de M. Georges Colombier.

Je rappelle quand même que M. Mattéi a fait un travail remarquable en faveur de la tarification à l'activité dans les établissements de santé et qu'il s'était fortement investi dans le plan Hôpital 2007, afin de valoriser un patrimoine malheureusement laissé en déshérence.

S'agissant de l'accessibilité financière, pouvez-vous nous parler des écarts de coûts entre les établissements, qui peuvent aller de un à trois, sans que cela soit obligatoirement lié au coût du foncier ou à la masse salariale ?

M. David Causse : La réforme de la tarification engagée par les pouvoirs publics, interrompue, puis reprise par M. Hubert Falco, a de nombreux mérites, mais elle a aussi des limites. Si on a logiquement fixé un curseur de la perte d'autonomie, avec la grille AGGIR, inventée par plusieurs gériatres et par la CNAMTS, on a simplement oublié qu'on pouvait être en perte d'autonomie sans être malade et malade sans perdre son autonomie. Il existe une autre grille, PATHOS, qui permet d'identifier objectivement les besoins de soins. Or ceux qui sont dispensés par les établissements de long séjour et par les maisons de retraite ne sont pas du tout les mêmes. Les pouvoirs publics ont rapidement perçu cette nuance, et M. Falco avait clairement demandé à ses services, en cas de doute sur la grille AGGIR, d'aller chercher des informations complémentaires par PATHOS. Une analyse plus fine des services rendus par les établissements peut donc être faite par la CNAMTS.

Vous avez évoqué le sujet majeur de la fin de vie et des soins palliatifs, vis-à-vis desquels les médecins traitants intervenant en maison de retraite sont mal à l'aise, faute d'y être habitués. On constate ainsi une propension assez fréquente à réhospitaliser les personnes âgées au dernier moment, ce qui est à la fois coûteux et préjudiciable à leur qualité de vie, sans que cela apporte une véritable espérance de vie supplémentaire.

De ce point de vue, la FHF a salué la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, notamment en ce qu'elle a apporté pour l'apprentissage et le développement des soins palliatifs dans le secteur médico-social. Parmi nos amendements au PLFSS 2006, figure la possibilité d'avoir des équipes d'hospitalisation à domicile, formées aux soins palliatifs et aptes à intervenir en maison de retraite afin d'éviter les réhospitalisations.

Mme la Rapporteure évoquait tout à l'heure la durée de séjour en établissement. Elle est actuellement de 30 à 36 mois en moyenne, mais on atteint un turn-over par décès d'un quart par an. Or on parle ici de 680 000 lits et si on évite la moitié des réhospitalisations pour la fin de vie des sujets, on fera beaucoup de bien à l'ensemble du système sanitaire et social de notre pays.

Ce gouvernement a lancé un programme de développement massif de l'hospitalisation à domicile ; il serait heureux qu'il ne laisse pas de côté les personnes âgées en établissements.

J'en viens à la question sur les différences de tarifs et de coûts d'hébergement. La diversité de l'offre entraîne la diversité des schémas économiques de fonctionnement. J'ai chiffré le budget par personne d'une maison de retraite entre 28 et 33 euros par jour, financés par l'assurance-maladie. Pour un GIR 1 ou 2, il faut compter 10 à 12 euros par jour au titre de l'APA en établissement. Ce n'est pas là que l'hétérogénéité entre les établissements est la plus forte mais pour les tarifs d'hébergement, qui représentent presque 70 % des coûts. L'offre publique et privée associative à but non lucratif est régulée de facto par les conseils généraux qui fixent les tarifs au titre de l'habilitation à l'aide sociale, pour la totalité des établissements publics et pour 90 % des établissements privés associatifs. Or, un conseil général se détermine en fonction de la charge qu'il accepte de supporter lui-même : chaque fois qu'il accepte une augmentation du coût d'hébergement journalier pour les résidents, il met en perspective ce que sont leurs ressources personnelles, en sachant pertinemment que si les tarifs augmentent trop, les demandes de prise en charge au titre de l'aide sociale, qui pèsent également sur le conseil général, augmenteront en proportion. On a donc une offre régulée en termes de tarifs, qui se situent, en province, entre 38 et 45 euros, alors que, dans le secteur privé commercial non habilité, on est entre 60 et 65 euros. Il ne faut pas chercher plus loin l'origine de son dynamisme et de la création de nouvelles structures : une telle marge de manoeuvre ne peut que susciter la confiance des banques auxquelles le plan de financement est soumis. Les écarts sont encore plus importants en région parisienne où, sans que les pensions soient plus importantes, l'offre publique est assez chère, avec des tarifs journaliers de 60 à 80 euros par jour - on peut d'ailleurs comparer les 80 euros de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris avec les 55 euros des hospices civils de Lyon -, l'offre privée lucrative atteignant 100 à 110 euros et même 140 euros pour un très haut standing. Je pense que personne ici n'escompte une pension qui lui permettrait d'accéder à de telles structures.

Ce sont ces données qui nous amènent, avec les associations d'usagers, à nous interroger, non sur une homogénéisation de l'offre, mais sur une régulation des tarifs d'hébergement anormalement bas ou anormalement élevés. Certains conseils généraux demandent aux établissements publics ou privés associatifs d'offrir un hébergement à des tarifs trop bas : 36 euros par jour est un défi impossible à relever. Les conseils généraux bénéficient de plusieurs sources de financement pour ce secteur et il ne serait sans doute pas anormal de prévoir un tarif minimum. À l'inverse, est-il normal qu'un établissement qui pratique des tarifs très élevés réclame la même dotation que les maisons de retraite publiques ? Ces sujets sont très importants pour les associations de retraités et pour France-Alzheimer.

Parler de régulation n'empêche pas de poser la question du contenu. J'ai dit que les maisons de retraite disposaient de la combinaison heureuse de trois sources de financement complémentaire. M. Georges Colombier a raison de s'interroger sur la répercussion de l'amortissement des frais financiers : puisque, dans un établissement financé par le plan Hôpital 2007, l'assurance-maladie paie les murs, pourquoi le sujet âgé serait-il considéré comme un assuré social de seconde zone ? Et il est d'autres domaines dans lesquels la répartition des charges pourrait être différente : aujourd'hui la totalité des charges du directeur de l'établissement pèse sur le tarif d'hébergement, alors qu'il est aussi responsable de l'administration des soins.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Proposez-vous que la tarification soit modifiée pour que les investissements soient pris en compte d'une façon différente ou demandez-vous que la responsabilité financière incombe totalement au conseil général et à l'État ?

M. David Causse : Je répondrai en faisant référence au principe de l'exercice médical primum non nocere. Je veux ici témoigner de l'épuisement et même de la désespérance des personnels des maisons de retraite, qui ont appliqué très rapidement une réforme très importante, et qui se sont fortement mobilisés alors que les moyens financiers ne suivaient pas toujours - même si notre Fédération a salué les efforts importants annoncés par M. Philippe Bas pour 2006.

M. Pierre Morange, coprésident : Merci de le souligner !

M. David Causse : Ces personnels expriment une forte demande de stabilité, et il serait donc irresponsable de ma part de demander une réforme en profondeur de la tarification. Il conviendrait surtout de revoir la prise en charge de certains coûts dans les tarifs d'hébergement. On demande à l'aide personnalisée à l'autonomie de financer un peu de temps d'animation socio-éducative dans les établissements, mais on pourrait aussi la libérer de certaines charges puisqu'on est dans le seul cas où le temps de psychologue clinicien - dont on mesure l'importance pour cette population - n'est pas financé par l'assurance-maladie.

On pourrait aussi jouer sur un autre levier avec le plan vieillissement-solidarité lancé par M. Jean-Pierre Raffarin en novembre 2003, dans la mesure où des marges de manœuvre sont disponibles dans le volet personnes âgées de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Je m'explique : la journée de solidarité - le fameux lundi de Pentecôte ou, plus prosaïquement, les 0,3 % de la masse salariale - a un plein effet cette année. Mais, à la différence du Fonds handicapés, pour lequel le déblocage des crédits sera global le 1er janvier prochain, on a souhaité, pour les personnes âgées, mobiliser les ressources par cinq tranches de 200 millions d'euros. Le décalage entre le prélèvement et son affectation a ainsi entraîné la constitution de réserves de l'ordre de 400 millions d'euros. La FHF plaide depuis l'annonce du plan pour que cette ressource, non pérenne par essence, soit utilisée, sur le modèle du plan Hôpital 2007, sous forme de contrats entre l'État, les conseils généraux et les établissements, afin de stimuler l'investissement dans le secteur médico-social. Cela permettrait de rompre avec ce paradoxe qui fait que les investissements, notamment de sécurité, ne peuvent être réalisés par les établissements publics parce que les tarifs d'hébergement sont bloqués par l'habilitation à l'aide sociale. Il me semble que M. Philippe Bas a l'intention d'aller plus loin, sur ce terrain, que ce qu'a fait déjà Mme Catherine Vautrin en 2005, en affectant aux contrats de plan État-région une première enveloppe de 50 millions provenant de ces marges de manœuvre. Le chef de cabinet de M. Philippe Bas m'a indiqué, lors de la présentation du PLFSS 2006, qu'elles pourraient être à nouveau mobilisées pour adresser un signal fort aux établissements publics et privés associatifs habilités à l'aide sociale.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Pour que les choses soient claires, nous demanderons à la DGAS une analyse des investissements de l'État et de la CNAMTS au cours des dix dernières années.

Par ailleurs, j'aimerais savoir combien d'établissements de la FHF ont signé des conventions tripartites. Estimez-vous que le dispositif est suffisant ou qu'il faut donner un coup d'accélérateur, en particulier en qui concerne l'animation ?

M. David Causse : Tout se passe comme si on ne commençait à travailler qu'en octobre. Alors que les crédits sont délégués par le gouvernement à ses services déconcentrés à la fin du premier quadrimestre, le nombre de signatures est encore très bas à ce jour. C'est un phénomène que nous observons chaque année. Les schémas que je vous ai remis le montrent clairement, ainsi d'ailleurs que les effets de la politique de stop and go dans ce secteur. Il faut obtenir des services déconcentrés des dates de mise en application plus précoces. Certains directeurs n'ont toujours pas leur budget de soins pour 2005.

S'agissant des signatures de conventions, les établissements publics sont les meilleurs élèves de la réforme, avec de forts taux de lits conventionnés, pour les maisons de retraite mais aussi pour les unités et services de long séjour. Le tableau que vous avez à votre disposition montre qu'on est à 70 000 places conventionnées sur 100 000 pour les maisons de retraite rattachées aux établissements publics de santé, à 100 000 sur 120 000 pour les maisons de retraite publiques autonomes et à 50 000 sur 83 000 pour les USLD.

En ce qui concerne les effets de la réforme de la tarification, il me semble que votre mission devrait rechercher comment, au niveau macro-économique et dans un souci de bonne gestion de l'argent public, apprécier à la fois les besoins liés à la perte d'autonomie et les besoins de soins, en particulier grâce au référentiel PATHOS.

Vous pourriez aussi vous intéresser aux soins de ville. Parmi les promesses faites au secteur de l'hébergement des personnes âgées qui n'ont pas été tenues, il y a celle du transfert d'une partie de l'enveloppe des soins de ville pour accompagner les décisions du gouvernement sur la médicalisation de l'accueil des personnes âgées. Il conviendrait en particulier de prendre en compte le fait que des infirmiers libéraux intervenaient dans certaines maisons de retraite avant qu'elles ne fassent l'objet d'une médicalisation et d'une convention. La FHF souhaite l'adoption d'un amendement ce sens au PLFSS.

Enfin, il me semble que vous devriez vous pencher sur la régulation des tarifs d'hébergement que j'ai précédemment évoquée, afin d'équilibrer ce qui relève de l'effort financier individuel et familial et ce qui relève de la collectivité.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie d'avoir répondu de façon précise à nos questions.

Le but de cette mission, je le rappelle, est d'aborder les thèmes essentiels à l'avenir de notre système de protection sanitaire et sociale, sans chercher à faire le procès de l'histoire ni à se livrer à cet exercice à double tranchant qui consiste à imputer les responsabilités aux uns et aux autres.

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La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a enfin entendu M. Alain Cordier, président du Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et M. Denis Piveteau, directeur général de la CNSA.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons maintenant M. Alain Cordier, président du Conseil de la CNSA, et M. Denis Piveteau, directeur général. Je donne tout de suite la parole à Mme la Rapporteure pour qu'elle leur pose les premières questions.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nos questions portent d'abord sur le mode de financement des établissements pour personnes âgées, la connaissance que l'on peut avoir des flux et des besoins, les adaptations susceptibles d'être proposées, la façon dont travaillera la CNSA et ses priorités, la répartition des crédits alloués au plan Vieillissement et solidarités, l'articulation entre le sanitaire et le médico-social.

Plus précisément, quel est le montant des crédits spécifiquement destinés aux investissements des établissements ? Comment, d'autre part, rationaliser les dotations affectées au développement des établissements et services ? Comment est envisagée la répartition des moyens entre les départements ? Vise-t-on à améliorer le taux d'équipement ? A compenser les taux de médicalisation les plus faibles par des dispositifs de soins à domicile plus développés ? Quelle sera, enfin, l'approche de la question du « reste à charge » des familles des personnes âgées ?

M. Alain Cordier : Nous sommes très heureux d'avoir cet échange avec vous, échange qui devra naturellement se poursuivre et s'approfondir, car notre institution est encore dans sa phase de mise en place. La CNSA, en effet, a été installée le 2 mai dernier, a tenu son premier Conseil le 5 juillet, à peu près en même temps que lui était transféré le Fonds de solidarité vieillesse, et le Conseil du 11 octobre débattra notamment de la future convention d'objectifs et de gestion (COG), élément qui sera très structurant pour nos travaux au cours des quatre années à venir, ainsi que des comptes prévisionnels 2006. Nous n'avons naturellement pas pu nous exprimer en amont de la fixation de l'ONDAM médico-social pour 2006, mais en juin prochain, lorsque nous aurons atteint notre régime de croisière, nous serons en mesure de donner un avis sur l'ONDAM 2007.

C'est pourquoi il est important que nous nous donnions des rendez-vous réguliers, au demeurant prévus par la loi, qui nous fait obligation, et c'est d'ailleurs une excellente chose, de remettre au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel, aux alentours du 15 octobre. Ce rapport précisera la nature des engagements financiers souscrits, et comportera des éléments de perspective, ainsi que des propositions visant à faire évoluer le dispositif.

Nous serons donc mieux armés pour répondre une fois achevée l'actuelle phase de mise en place, mais je tiens à dire, d'ores et déjà, que les questions que vous vous posez sont des questions que nous nous posons aussi, et auxquelles les travaux que nous avons engagés depuis six mois nous donneront bientôt des éléments de réponse.

Je voudrais, ce préalable étant posé, souligner les éléments profondément novateurs et dynamiques liés à la création de la CNSA.

En premier lieu, la CNSA vise, à l'heure où nous fêtons les soixante ans de la sécurité sociale, c'est-à-dire de l'effort de solidarité consenti par la collectivité dans le domaine des soins, à engager un effort analogue pour tout ce qui a trait aux conséquences des situations de déficience durable - ce que certains appellent le modèle « réadaptatif ». Le nom de l'institution dit d'ailleurs bien ce qu'il veut dire : Caisse nationale de solidarité « pour l'autonomie ». Cette solidarité, qui peut prendre la forme d'aides financières, techniques ou en personnel, a pour but d'aider les personnes à retrouver l'autonomie nécessaire, indépendamment de ce que peut leur apporter le secteur sanitaire, le secteur « curatif ».

Cela nous amènera naturellement, dans les années à venir, à nous poser de plus en plus certaines questions, de frontières en particulier : frontière entre le médical et le médico-social, le curatif et le réadaptatif, frontière entre l'allocation d'adulte handicapé et la prestation compensatrice de handicap. Mais nous devrons bien veiller, dans nos réflexions juridiques et financières, à ce que le système soit aussi neutre que possible pour la personne, que l'on ne saurait « saucissonner » entre ce qui relève, dans son cas, du sanitaire ou du médico-social.

L'autre point important est que le législateur a voulu un modèle permettant de répondre à l'objectif de gestion de proximité, que ce soit par les collectivités locales, en l'occurrence les conseils généraux, ou par les services extérieurs de l'Etat - DRASS et DDASS. Ce souci de proximité, de personnalisation - qui ressort dans le nom même de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) - a été le fil directeur des débats législatifs de 2004 et 2005. Mais beaucoup dépendra, dans la réalisation de cet objectif, de la façon dont s'organisera la programmation au niveau régional, notamment au moyen des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, les PRIAC.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous comprenons et partageons la philosophie de votre propos, mais le temps qui nous est imparti nous impose un effort de plus grande brièveté dans les réponses. J'ajoute au passage une question supplémentaire à celles, fort pertinentes, de Mme la Rapporteure : parmi les crédits du plan Vieillissement et solidarités, quelle est la ventilation des dépenses entre rénovation des établissements, créations nettes de capacités, services de soins infirmiers à domicile, renforcement de la médicalisation et pérennisation du dispositif de l'APA ?

M. Alain Cordier : Pardonnez-moi d'avoir été, en effet, un peu long, mais je voulais insister sur ce souci de proximité et d'égalité, qui devra être présent dans la configuration de la procédure budgétaire de l'exercice 2006. Dès lors que nous sommes dans un schéma ascendant et non pas descendant, les choses se dérouleront en quatre temps. Au premier trimestre 2006, il y aura remontée d'informations sur les besoins, au niveau des établissements comme à celui des départements - c'est notamment l'enjeu des PRIAC. Au deuxième trimestre, la CNSA pourra ainsi exercer son rôle d'évaluation, de comparaison, de régulation, et le Conseil, où sont représentés l'Etat, les collectivités locales, le monde associatif, les institutions qualifiées telles que la FHF, la Mutualité, les partenaires sociaux, portera en juin une appréciation sur la nature des engagements financiers, de façon à éclairer la délibération du Parlement, à l'automne, sur l'ONDAM médico-social, notamment pour ce qui est de l'articulation entre établissements et aide à la personne, entre établissements et soins à domicile. Enfin, une fois les choix arrêtés par la représentation nationale, il nous reviendra de les « mettre en musique ».

Il convient de bien mesurer l'effort financier consenti. Le « lundi de Pentecôte », c'est-à-dire la contribution de 0,3 %, doit rapporter environ 2 milliards d'euros par an, auquel s'ajoutera le milliard apporté par le relèvement de 0,1 point de la CSG, ces montants pouvant naturellement varier selon la conjoncture économique. Sur ce total de quelque 3 milliards, plus des deux tiers, c'est-à-dire la totalité du milliard attendu du dixième de point de CSG supplémentaire et 1,2 milliard sur les 2 milliards produits par la contribution annuelle de solidarité, iront aux personnes âgées. Cela représente une majoration de 40 à 50 % de l'effort de solidarité nationale en leur faveur. Toute la question est de savoir comment en répartir le bénéfice intelligemment, c'est-à-dire en tenant compte des besoins des personnes, mais aussi de l'évaluation, aussi précise que le permettra la remontée des informations, de la gamme et de la qualité des prestations offertes.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment distinguer, concrètement, ce qui relève de l'assurance maladie et ce qui relève de la prise en charge médico-sociale ? C'est une question que je me pose tout particulièrement à propos des services de soins à domicile, qui sont de l'ordre du curatif. Comment s'assurera-t-on, dans le cadre des programmes régionaux, qu'il y aura bien séparation avec ce qui est de l'ordre de la compensation du handicap ?

M. Denis Piveteau : Si l'on définit les besoins comme l'écart entre l'offre et la demande, il faut d'abord, pour connaître les besoins, connaître l'une et l'autre. Or, s'agissant de la prise en charge des personnes âgées, on les connaît mal toutes les deux ! L'objectif de la CNSA, qui n'aura de vraie prise sur l'information et sur les décisions qu'à partir du début de 2006, est d'améliorer cet état de choses. Nous sommes donc en train de recenser, avec l'administration de l'Etat, tous les dispositifs d'information existants. Si la COG va dans le sens de ce que nous souhaitons, l'information pourra mieux remonter vers la CNSA, les services de l'Etat demeurant naturellement destinataires. Actuellement, et sous réserve de vérifications plus approfondies auprès des administrations centrales concernées, il me semble qu'il y a, grâce à un nouveau logiciel qui s'appelle SAISEHPAD et qui est exploité par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), un bon suivi de la médicalisation dans les établissements pour personnes âgées dépendantes, médicalisation qui a progressé grâce aux nouvelles conventions tripartites améliorant la prise en charge des soins.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : N'était-ce pas ce que faisait auparavant la mission MARTHE (mission interministérielle d'appui à la réforme de la tarification de l'hébergement des personnes âgées) ?

M. Denis Piveteau : La DHOS a toujours suivi ce logiciel, même lorsqu'il était exploité par la mission MARTHE. En revanche, le suivi des créations de places en établissement ou en structure d'accueil temporaire relève de la direction générale de l'action sociale (DGAS), qui procède, si j'ai bien compris, non pas par remontées régulières d'informations, mais par enquêtes auprès des DDASS, dont je crois savoir qu'elles sont plus régulières sur l'hébergement temporaire que sur les créations de places proprement dites.

Notre souhait est que la COG nous permette d'aider les DRASS et les DDASS, par un dialogue fonctionnel, technique, à élaborer les programmes interdépartementaux d'analyse des besoins et de propositions budgétaires, car demain l'allocation des ressources se fera sur la base des propositions des régions, dans le cadre d'un mécanisme semi-remontant - c'est l'enjeu de la réforme. Il nous faut donner un appui méthodologique aux DDASS et aux DRASS, afin qu'elles élaborent leurs propositions sur la base de cadres et de standards communs, et que nous puissions avoir avec elles un suivi du niveau de l'offre. Actuellement, les calendriers et les modalités de remontée des informations diffèrent beaucoup entre les deux administrations centrales concernées. Nous allons chercher à structurer et à organiser tout cela, dans le cadre d'un dialogue régulier avec les DDASS et les DRASS. L'un des enjeux de la COG est cette nécessaire centralisation de l'information, centralisation et non pas captation, j'y insiste.

S'agissant de la demande, les systèmes existants de remontée des informations sont très certainement insuffisants. Il nous faudra faire preuve d'ambition, et mener avec les services déconcentrés de l'Etat une réflexion stratégique sur la dématérialisation, la saisie des données le plus en amont possible, de préférence au niveau des établissements eux-mêmes, afin que ces services puissent se consacrer, au-delà de la collecte des données, à leur analyse ? Car la meilleure analyse, ce sera celle qui se fera au plus près du terrain, au niveau des DDASS et des DRASS : pour bien analyser un chiffre, un ratio, il faut connaître l'établissement qu'il y a derrière. A nous de leur proposer des tableaux de bord et des indicateurs chiffrés, à elles d'expliquer et d'analyser leurs propres données.

Pour l'analyse de la demande des personnes, il n'y a pas de processus systématique, dans la mesure où le niveau de dépendance des personnes âgées par région ou par département n'est pas connu comme l'est celui des personnes handicapées, du fait de l'existence des COTOREP et des CDES, qui permettent d'identifier l'ensemble de la file d'attente. Il y a des personnes âgées qui ne demandent rien, et donc des besoins ignorés, non mesurables par définition. On ne connaît que celles qui demandent une allocation, et pour le reste on s'appuie sur des données démographiques générales. C'est l'enjeu des PRIAC, les programmes interrégionaux d'accompagnement, que de trouver et de centraliser l'information où elle se trouve, c'est-à-dire sans doute, pour l'essentiel, dans les services des conseils généraux.

M. Alain Cordier : Nous savons intuitivement qu'il existe des besoins très forts, très lourds, mais nous sommes incapables de les qualifier ni de les quantifier. Or, la création de la CNSA offre justement l'occasion de tenter d'homogénéiser les systèmes d'information, de mettre à plat ce qui existe aujourd'hui. C'est dans une deuxième étape que nous nous attacherons à améliorer encore la qualité de cette information. C'est pour nous une raison de plus d'être demandeurs de rendez-vous réguliers avec vous, lors desquels nous ferons le point.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je partage tout à fait votre souci d'appréhender l'ordre de grandeur des besoins. C'est une question dont nous voyions bien, lors de la création de l'APA, qu'elle était encore insuffisamment posée. Ma crainte est que nous ayons établi d'emblée une séparation trop étanche entre le sanitaire et le médico-social, et que cela ait pour effet d'accroître les coûts, tout en répondant mal aux besoins. Peut-être les PRIAC permettront-ils d'améliorer l'analyse, mais ce n'est pas sûr, car les dispositifs locaux sont également séparés : en Franche-Comté, par exemple, le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) « troisième génération » ne prend pas du tout en compte la problématique médico-sociale. Or les problèmes de financement et de prise en charge en établissement vont nous obliger à nous poser la question d'une façon encore plus précise.

M. Jean-Luc Préel : C'est un problème bien français : nous voulons toujours séparer les choses d'une façon rationnelle. C'est ainsi que nous avons créé une nouvelle caisse pour la dépendance, et que nous nous retrouvons avec une frontière, très difficile à délimiter, entre les soins - qu'il s'agisse des soins à domicile ou des soins en établissement - et le traitement de la dépendance. La logique voudrait que les soins à domicile soient financés uniquement par la CNSA, mais les professions libérales interviennent aussi à domicile, ce qui est d'ailleurs heureux, et leur intervention est prise en charge par l'assurance maladie. Et à l'hôpital, il y a des services de gérontologie ou de gériatrie, mais qui sont inadaptés à une grande partie des personnes qui s'y trouvent, car elles ne sont là que parce qu'elles n'ont pas trouvé de place d'hébergement. Comment sortir de ces problèmes artificiels de frontières ? Dans mon département, nous avons eu beaucoup de chance, car un établissement voulait créer un CANTOU (centre d'activités naturelles tirées d'occupations utiles) qui n'était pas financé, et le préfet a obtenu du ministère, pour cette année, une médicalisation du CANTOU. Je suis d'ailleurs un peu étonné, car je me demande qui finance : la caisse d'assurance maladie, ou la CNSA ?

M. Denis Piveteau : L'ambiguïté de la CNSA fait aussi sa force. Il y a au moins une frontière qui ne nous gêne pas : c'est celle entre les soins et la dépendance en établissement, les crédits répartis par nous étant en réalité des crédits de l'assurance maladie. Certes, c'est un peu illogique, puisqu'il s'agit des crédits de l'ONDAM médico-social, qui finance les sections de soins des établissements médico-sociaux, mais ça garantit au moins l'unité de soins entre les deux volets. Restent entières, cela dit, la question de la frontière avec les soins de ville, qui pose le problème de la connaissance globale des coûts dans la mesure où le forfait de soins n'est que partiel et ne couvre pas certains soins de ville, et la question de la frontière avec le sanitaire, qui pose notamment la question des unités de soins de longue durée (USLD).

Dans le premier cas, il s'agit d'un déficit de connaissance. Il n'est pas question d'englober les soins de ville dans une caisse qui gérerait la dépendance, car on ne peut pas décomposer l'acte infirmier en une partie qui serait technique et une partie qui serait les soins. Ce qu'il faut avoir, c'est une vision d'ensemble, pas forcément une gestion unifiée des enveloppes. Dans le second cas, au contraire, il y a, du côté du sanitaire, cette unité de gestion des enveloppes, car pour la prise en charge en établissement des personnes âgées très lourdement dépendantes, une forte médicalisation est indispensable, sans pour autant qu'on doive renoncer à un projet de vie, à un projet de type médico-social. De ce point de vue, la disposition contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006 constitue une demi-mesure. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, pour garantir l'unité de vues, avait clairement rattaché l'enveloppe des USLD à celle que gère la CNSA, et voici qu'il semble qu'on veuille la maintenir quelque temps encore dans le cadre du sanitaire. Les choses ne pourront rester longtemps en l'état, et il faudra se doter sans tarder d'une vision plus fine de ce qui doit relever du sanitaire et de ce qui doit relever de la dépendance.

Notre première priorité pour 2006 est de mettre en place les outils qui nous permettront de démarrer, et en particulier la méthodologie des PRIAC pour la connaissance et l'analyse des besoins. Nous sommes en train de travailler, avec les DRASS et les DDASS de cinq régions pilotes - Picardie, Aquitaine, Rhône-Alpes, Ile-de-France et Centre - à un schéma-type de ce que pourrait être un PRIAC, sur la base duquel nous généraliserons le processus en fin d'année, afin que les régions puissent élaborer un premier PRIAC au printemps et que nous puissions disposer d'une première analyse des besoins avant de donner notre avis sur l'ONDAM médico-social 2007.

S'agissant du lien avec le sanitaire, les PRIAC sont un enjeu important, puisqu'ils se situent au niveau interdépartemental. Il y a une certaine tension des périmètres géographiques, car la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, a affirmé la prééminence du département dans l'élaboration des schémas gérontologiques, alors que du côté de l'Etat c'est la région, avec notamment l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), qui constitue le périmètre pertinent. Le PRIAC fait un peu le grand écart entre les deux, et requiert des services de l'Etat l'élaboration d'une programmation interdépartementale, synthèse qu'il est seul à pouvoir réaliser, étant donné qu'il a un regard supra-départemental et que le DRASS est membre de l'ARH. On pourrait, bien sûr, s'attaquer plus radicalement à cette complexité, mais compte tenu du partage actuel des compétences, c'est de cette façon-là qu'on essaie de gérer les tensions territoriales. Cela ne lève pas tous les obstacles, car la carte sanitaire, fondée sur les « territoires de santé », qui sont au demeurant un découpage assez judicieux, fondé sur l'analyse des besoins, ne correspond pas forcément aux limites administratives. Il y aura donc toujours cette petite tension à gérer, même en re-régionalisant le regard porté sur le médico-social. C'est une chose dont il faut avoir conscience.

M. Alain Cordier : Nous sommes confrontés depuis trente ans au moins, c'est-à-dire depuis la loi de 1975, à ces problèmes de frontières. Je suis convaincu que certaines clarifications pourront être apportées progressivement. Mais aujourd'hui, il faut mettre à profit la création de la CNSA pour cristalliser et mettre à plat les éléments d'information et de réflexion sur les différents enjeux. Si, au cours de la première année, nous parvenons à acquérir une vision plus précise des besoins et de la relation entre l'offre et la demande, cette première année aura été une année utile.

S'agissant des unités de soins de longue durée, dont le dispositif législatif prévoit le rattachement au budget de la CNSA, que celle-ci n'aspire pas à étendre à tout prix son territoire ni à afficher un budget en augmentation. La démarche consistant à élucider, par des coupes transversales, ce qui, dans les situations personnelles, relève du sanitaire ou du médico-social est bonne, mais l'objectif final, quels que soient les tuyaux de financement, est que le service rendu aux personnes soit de la meilleure qualité possible, et que la séparation entre unités de soins de longue durée et établissements pour personnes âgées dépendantes ne soit pas un facteur supplémentaire d'ignorance des besoins. Au-delà des débats institutionnels et juridiques, l'important est d'homogénéiser l'approche de l'offre, de la demande, des besoins. C'est l'esprit dans lequel nous voulons travailler en 2006.

M. Denis Piveteau : S'agissant de l'investissement, il y a lieu de se poser trois questions : combien, quoi, comment ?

Combien ? La CNSA a des réserves, puisqu'en 2004, en 2005 surtout, et accessoirement en 2006, l'ensemble des sommes collectées au titre de la journée de solidarité n'aura pas été engagé complètement. La montée en puissance du plan Vieillissement et solidarités devait être progressive : on prévoyait 2 500 nouvelles places par an pendant quatre ans. On a décidé ensuite de donner un coup d'accélérateur, si bien qu'il y aura en fait 2 500 nouvelles places en 2004, 5 000 en 2005, 5 000 en 2006, et plus encore l'année suivante. Les marches de l'escalier sont devenues plus hautes à mesure que les besoins se révélaient, notamment après le premier rapport du Commissariat général du Plan en juillet dernier. Mais le prélèvement, lui, a été opéré dans son intégralité dès la première année.

Les réserves seront affectées par parts inégales aux personnes handicapées et aux personnes âgées, et le législateur a voulu que les deux vases ne communiquent pas. En 2005, 350 millions d'euros iront aux personnes âgées, 150 millions aux personnes handicapées. En 2006, sous réserve, bien sûr, du vote de l'ONDAM par le Parlement, il y aura 180 millions pour les personnes âgées et une somme résiduelle pour les personnes handicapées. Au total, donc, les personnes âgées bénéficieront donc de plus d'un demi-milliard d'euros. J'ajoute qu'il s'agit de sommes qui n'ont pas vocation à se renouveler, et qu'elles n'ont donc pas vocation non plus à financer des dépenses qui se renouvellent, mais plutôt des dépenses non pérennes, des dépenses d'investissement - quoique les choses n'aient pas encore été affirmées aussi nettement. Le bruit avait ainsi couru qu'elles pourraient servir à financer la dernière année du plan, mais cela poserait des problèmes l'année d'après.

Voilà qui m'amène à répondre à la question : quoi ? Les investissements peuvent être de plusieurs sortes : création nette de capacités, mises aux normes techniques - sécurité, incendie -, mais aussi lutte contre la vétusté des établissements. Je dois souligner, à ce propos, que s'il est une information qui, actuellement, ne remonte pas, c'est l'information sur l'état de l'existant - sur la taille des chambres, le nombre de personnes par chambre, la présence d'un lavabo ou d'une douche, bref, tous les éléments qui font que l'offre est ou n'est pas une offre conforme à la dignité des personnes, car on ne peut pas simplement additionner des places d'hébergement comme si elles se valaient toutes.

Comme on ne pourra pas poursuivre tous ces objectifs à la fois, il faudra, si on veut que ça marche, définir et afficher clairement, à l'intention des services déconcentrés, une stratégie d'investissement, afin que, toujours dans un processus semi-remontant, l'état des besoins remonte en fonction de cette stratégie, ce qui nous permettra de nous assurer que l'argent soit dépensé au mieux, au lieu de faire descendre des enveloppes sans avoir aucune garantie qu'elles seront employées à bon escient et dans les délais. Je réponds là à la question du « comment ».

M. Alain Cordier : Je voudrais, pour ma part, insister sur deux ou trois points.

Premièrement, l'utilisation des réserves pour des dépenses reconductibles poserait nécessairement des problèmes à terme, avec une incapacité de financement à l'horizon 2007-2008. Le Conseil de la CNSA exercera toute sa vigilance sur ces questions financières. Autant il exprime, en amont des décisions de la représentation nationale, de simples avis, non décisionnels, autant les arbitrages ultérieurs relatifs à l'utilisation des réserves imposent une obligation de transparence devant le Conseil de la CNSA. Nous serons très vigilants quant aux tentations de certains d'utiliser ces financements de court terme pour des dépenses de long terme. L'existence même d'un Conseil suppose une parfaite transparence. Après, il reviendra aux uns et aux autres d'assumer leurs choix. Ce sera un élément très important de nos débats au cours des prochaines années.

En second lieu, je veux souligner que nous n'allons pas passer l'année 2006 à nous gratter l'oreille en nous demandant que faire. Beaucoup de réflexions et de travaux sont d'ores et déjà en cours. D'une importance particulière est le travail mené de façon expérimentale dans plusieurs régions, car il est symbolique de ce que peut apporter la CNSA : l'élaboration, sur un mode contractuel, conventionnel, de schémas communs, afin de trouver les meilleures approches. Le travail d'animation des réseaux des DDASS et des DRASS, travail qui n'a pas été suffisamment fait jusqu'à présent, et le travail avec les conseils généraux, travail qui débouchera sur des éléments conventionnels, nous feront entrer dans un cercle vertueux : élaboration commune d'une méthodologie, analyse commune de la remontée d'informations, afin de trouver ensemble la meilleure destination possible de l'effort de solidarité nationale, tant dans le domaine des soins à domicile qu'en établissement. Je ne voudrais pas que vous ayez le sentiment que rien ne se passera en 2006.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je voudrais poser une autre question importante, mais vous n'y répondrez peut-être pas cette fois-ci, car elle fait intervenir la comparaison des systèmes de financement des différents pays européens. Quel mode d'organisation vous paraît le plus intéressant, s'agissant de la prise en charge en établissement comme du lien entre le sanitaire et le médico-social ?

M. Denis Piveteau : Le département « Etablissements et services » au sein de la CNSA ne comptait que deux personnes au 15 septembre. Mais nous sommes encore dans notre phase de montée en puissance.

M. Alain Cordier : Je vous remercie d'avoir abordé cette question des comparaisons internationales. Je me suis réjoui de constater que la loi du 11 février 2005 prévoit une articulation entre la CNSA et des structures étrangères, voire, le cas échéant, des schémas de partenariat ou de conventionnement. Nous n'en sommes pas là, mais avons vraiment l'intention de nous saisir de cette possibilité, car il peut y avoir à l'étranger des expériences réussies dont nous pourrions nous inspirer. Inversement, si certaines idées que nous pourrions avoir s'avéraient avoir échoué dans les pays qui les ont appliquées, mieux vaut le savoir. Une des commissions du Conseil aura, entre autres missions, celle de réfléchir à ces comparaisons internationales, j'insiste que le fait que la loi permet d'aller assez loin, de lancer des études comparatives dans le cadre de coopérations transnationales, même si notre structure n'a pas vraiment d'équivalent dans les dispositifs d'autres pays. Parmi ces éléments à comparer, il y a notamment ces lancinants problèmes de frontières.

M. Denis Piveteau : Je voudrais dire quelques mots de la rationalisation du financement. En établissement, le financement est ternaire, complexe, et repose sur ce paradoxe qui veut que le tarif de soins est bâti à partir de la grille AGGIR, c'est-à-dire d'une analyse de la dépendance des personnes, à quoi s'ajoute un forfait. On pourrait, notamment dans les établissements qui accueillent des personnes lourdement dépendantes, combiner deux outils de mesure, l'un pour la dépendance et l'autre pour la charge en soins. C'est l'un des enjeux du partage des unités de soins de longue durée entre lits relevant du sanitaire et lits relevant d'un médico-social à forte « doctorisation » - pour reprendre l'expression du président du Syndicat national de gérontologie clinique. Il faudrait, pour cela, avoir un meilleur outil de mesure de la charge en soins, comportant au moins quelques gabarits, quelques standards, car la façon dont le forfait est actuellement calculé n'est pas suffisante, ni satisfaisante pour les établissements qui accueillent les personnes âgées dépendantes. Mais il faut savoir que cela ne contribuera pas à simplifier une tarification qui est déjà bien complexe. Donc, prudence !

De vrais progrès sont à faire, par ailleurs, sur les formes alternatives. On n'a pas assez réfléchi aux conditions de prise en charge de l'accueil temporaire, de l'accueil de jour, du transport, ni au lien entre tarification et taux d'occupation. C'est là qu'existe un vrai champ, une vraie demande, qui plus est non révélée, puisqu'en l'absence d'offre elle ne pense pas à s'exprimer.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : J'ai interrogé les autres personnes que nous avons entendues ce matin sur les durées moyennes de séjour dans les établissements, qui sont en train d'évoluer profondément. La question est celle de la qualité de la fin de vie des personnes âgées, de la façon dont on prend en charge leurs derniers mois. Nos dispositifs actuels, construits autour des dernières années de vie, autour du handicap et de la dépendance, sont-ils encore pertinents ? Actuellement, la durée moyenne, en long séjour, tend vers huit ou neuf mois, huit ou neuf mois pendant lesquels on est complètement dans le champ du sanitaire. Cela ne crée-t-il pas une situation nouvelle ? Les questions que nous nous posons ne sont-elles pas des questions périmées, qui datent de dix ans, voire plus ? La question de la fin de vie, celle des soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux sont vraiment importantes. Nos financements sont-ils vraiment adaptés ? Il faut absolument que nous progressions dans la connaissance de ces situations.

M. Alain Cordier : L'ancien directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) que je suis peut vous confirmer que ces questions sont absolument majeures. Nous ne progresserons que si nous sommes capables de dépasser les frontières institutionnelles, ne serait-ce qu'entre DGAS et DHOS au sein du ministère de la santé. Le poids des personnes âgées dépendantes dans les dépenses hospitalières est très important, aussi bien en court séjour qu'en soins d'urgence. N'oublions pas non plus que, dans « médico-social », il y a « médico », et que la question de la mort est un élément très important, même si, bien sûr, toute mort n'a pas la même signification en termes sanitaires. J'avais développé, à l'AP-HP, des unités mobiles de soins palliatifs. Cela pose aussi le problème de la prise en charge de la mort à domicile, qui suppose une formation accrue du personnel de soins à domicile. C'est un volet qui, dans le budget de la CNSA, bénéficiera d'une attention soutenue. Il y a vraiment place, au-delà des débats institutionnels et financiers, pour un travail très approfondi, visant à mieux appréhender les questions nouvelles que pose à notre dispositif juridique et financier, vous avez parfaitement raison de le souligner, le vieillissement de la population.

M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, je vous remercie. Notre mission, qui porte, je le rappelle, sur les établissements médico-sociaux, conclura ses travaux en février 2006. D'ici là, nous aurons reçu, en novembre, le rapport de la Cour des comptes, et, en janvier, celui du Commissariat général du Plan. Les trois auditions de ce matin nous font mesurer l'ampleur de notre ignorance, qui ne fait que conférer à notre tâche une justification supplémentaire, compte tenu de l'enjeu démographique, sanitaire, moral et philosophique auquel la solidarité nationale doit apporter dans un délai très bref des réponses extrêmement concrètes.

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