COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 5

Jeudi 3 novembre 2005
(Séance de 9 heures)

Présidence de MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport, présenté par M. Jean-Pierre Door, sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale

2

- Thèmes d'études pour 2007

2

- Audition de Mmes Dominique Beaumont, directrice de la direction vosgienne des interventions sociales, direction personnes âgées et personnes handicapées, et Nadine Brulé, chef du service des établissements et de la tarification du Conseil général des Vosges, et de MM. Francis Lacoste, directeur de la Solidarité du Conseil général des Landes, et Yves Schaeffer, directeur général adjoint chargé de l'action sociale du Conseil général du Nord

2

- Audition de Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du centre d'action sociale de la ville de Paris, de M. Alain Ananos, directeur général adjoint des services et directeur général du centre communal d'action sociale de la ville de Besançon et Mme Marie-Pierre Petitot, directrice du pôle autonomie de la ville de Besançon, et de M. Pierre Benhamou, directeur du pôle senior et directeur général adjoint des actions gérontologiques du centre communal d'action sociale de la ville de Bordeaux

11

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a examiné le rapport, présenté par M. Jean-Pierre Door, sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale.

Après une discussion à laquelle ont participé MM. Jean-Marie Le Guen et Pierre Morange, coprésidents, M. Jean-Pierre Door, rapporteur, Mmes Cécile Gallez et Paulette Guinchard, et M. Georges Colombier, la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a donné un avis favorable au rapport.

Une discussion a ensuite eu lieu concernant les thèmes d'études de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale pour 2007.

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite procédé à des auditions publiques.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu Mmes Dominique Beaumont, directrice de la direction vosgienne des interventions sociales, direction personnes âgées et personnes handicapées, et Nadine Brulé, chef du service des établissements et de la tarification du Conseil général des Vosges, et MM. Francis Lacoste, directeur de la Solidarité du Conseil général des Landes, et Yves Schaeffer, directeur général adjoint chargé de l'action sociale du Conseil général du Nord.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Dominique Beaumont, directrice chargée des personnes âgées et des personnes handicapées au conseil général des Vosges, Mme Nadine Brulé, chef du service des établissements et de la tarification du conseil général des Vosges, M. Francis Lacoste, directeur de la solidarité du conseil général des Landes, et M. Yves Schaeffer, directeur général adjoint chargé de l'action sociale du conseil général du Nord.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous cherchons tout d'abord à bien connaître les modalités de financement des maisons de retraite, au titre de l'aide sociale comme de l'aide à la pierre. Avez-vous mené un travail d'analyse sur ces flux financiers et leur évolution ? Quel est le prix de journée restant à la charge des familles ? Quelle incidence ont les politiques publiques sur ce coût ?

Notre deuxième sujet de préoccupation porte sur l'évolution des populations accueillies, en termes d'âge et de durée moyenne de séjour.

Mme Dominique Beaumont : Le conseil général des Vosges a le souci d'améliorer la qualité des établissements tout en essayant de maintenir des coûts relativement bas. C'est pourquoi, depuis la décentralisation, nous finançons les investissements à hauteur de 40 %. Les chambres à deux ou trois lits, par exemple, sont maintenant rares, quoique le coût de journée reste raisonnable : le tarif moyen facturé aux usagers est de 38 euros.

Mme Nadine Brulé : Notre parc départemental est relativement sain car nous le modernisons et nous le restructurons depuis plus de vingt ans. Nous subventionnons également beaucoup d'animations et de spectacles, dont une petite partie seulement du coût est répercutée sur le prix de journée.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez évoqué un coût moyen. Mais quelle est l'écart entre les coûts plafond et plancher ?

Par ailleurs, une comptabilité analytique est-elle tenue sur le coût de journée afin de ventiler les différents postes de dépenses et de pouvoir ainsi se livrer à une comparaison de votre politique sociale avec celle des autres départements ?

Mme Nadine Brulé : Nous n'avons pas les éléments de réponse en tête mais nous pourrons vous communiquer ces données par écrit.

Tous secteurs confondus, le tarif moyen d'hébergement est de 33,45 euros, mais celui-ci est 15 % plus cher dans le privé que dans le public. Les écarts entre établissements sont considérables puisque la fourchette va de 29,14 à 42,22 euros.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Dans votre parc, quelles sont les parts respectives du public, du privé à but lucratif et du privé à but non lucratif ?

Mme Nadine Brulé : Les établissements publics sont prédominants.

M. Francis Lacoste : Dans les Landes, nous comptabilisons 4 200 lits et soixante-cinq établissements, dont un privé à but lucratif, six associatifs et cinquante-huit publics. Aucun établissement privé n'a été créé depuis la décentralisation. La moitié des structures publiques sont gérées de façon autonome et l'autre moitié par des collectivités territoriales.

Le prix de journée moyen tourne autour de 40 euros. Il varie de 30 à 50 euros, les cinq établissements de long séjour, qui représentent 600 lits, étant les plus chers.

Nous menons également une politique d'aide à l'investissement dotée de 2,5 millions d'euros par an, soit 15 % du total. Nous remarquons qu'il devient difficile de trouver des financements pour la construction, hormis quelques aides directes, les prêts sans intérêts de la CNAVTS, la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, étant délivrés au compte-gouttes.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est le poids des personnes ressortissant de l'aide sociale ?

M. Francis Lacoste : Nous en dénombrons 1 500.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment expliquez-vous que la part des investissements pris en charge par le conseil général soit de 40 % dans les Vosges et de 15 % dans les Landes alors que les prix de journée sont similaires ?

M. Francis Lacoste : En ce qui nous concerne, nous ne prenons pas le foncier en compte.

M. Pierre Morange, coprésident : Et quel est l'impact du prix du foncier ?

Mme Nadine Brulé : Il atteint 15 à 16 euros minimum, hors immobilier.

M. Francis Lacoste : Les collectivités locales apportent généralement le foncier viabilisé.

M. Pierre Morange, coprésident : Disposez-vous d'une visibilité sur la répartition des différents postes qui structurent le prix de journée ?

M. Francis Lacoste : Grossièrement, le personnel revient à 70 ou 75 % et l'immobilier à 10 ou 15 %.

Mme Nadine Brulé : Dans les Vosges, pour ce qui concerne l'hébergement, hors dépendance, les charges de personnel sont légèrement inférieures à 70 %. Je pourrai vous fournir la ventilation complète.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons effectivement besoin de chiffres très précis prenant en compte l'ensemble des paramètres.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Dans certains établissements de mon département, 25 à 30 % du prix de journée est consacré au remboursement des emprunts. Les Vosges et les Landes sont deux des départements où l'aide à la pierre est importante, mais qu'en est-il de l'aide sociale ?

M. Francis Lacoste : En 1997, l'aide sociale nous revenait à 14 millions d'euros. Le pic a été atteint en 2001 avec 16,8 millions d'euros. La création de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, a fait décroître les dépenses en 2002 et 2003. Toutefois, une nouvelle augmentation a été enregistrée dès 2004, avec 15,5 millions d'euros.

M. Georges Colombier : L'APA a été mise sur pied pour le maintien à domicile, l'incidence financière étant moins significative pour les personnes hébergées en établissement.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je note tout de même qu'elle a servi à faire diminuer la participation des départements au titre de l'aide sociale !

M. Francis Lacoste : Ce n'est qu'un poste budgétaire parmi d'autres...

Mme Dominique Beaumont : En 2004, nous avons dépensé 4,44 millions d'euros pour l'aide sociale à l'hébergement - c'est-à-dire hors APA -, au profit de 743 résidents.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Il convient de ramener ces chiffres à la population de personnes âgées. Mais les départements des Landes et des Vosges ne sont-ils pas de taille équivalente ?

M. Pierre Morange, coprésident : Si, et leurs structures démographiques sont analogues.

Mme Dominique Beaumont : Je précise que nous sommes passés en paiement net, ce qui signifie que nous n'encaissons plus de ressources.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : C'est-à-dire ?

Mme Dominique Beaumont : Soit le département règle la totalité du prix de journée puis encaisse les ressources de l'usager, soit l'établissement encaisse lui-même ces ressources, le département ne versant alors que la différence, ce qui est le cas dans les Vosges. La base de calcul est donc différente selon les départements.

M. Yves Schaeffer : Le département du Nord compte 293 établissements dont 82 logements-foyers, 21 300 lits et 8 000 personnes relevant de l'aide sociale, soit 30 % de la population considérée. La dépense brute d'aide sociale, en 2005, s'élèvera à quelque 92 millions d'euros, plus 180 millions d'euros au titre de l'APA.

Le prix de journée moyen est de 42,46 euros dans les EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, et de 47,60 euros dans les établissements de long séjour. Si l'on ajoute les GIR 5 et 6, ces montants grimpent respectivement à 46,62 et à 51,11 euros. Les écarts absolus sont très importants mais la dispersion est modérée - je pourrai vous fournir les chiffres exacts.

Nous menons depuis longtemps une politique de soutien à l'investissement, à hauteur de 40 %, ce qui facilite le bouclage du financement des créations et des restructurations d'établissements. Pour information, en matière d'accueil des personnes handicapées, nous ne prenons en charge que 10 % des investissements, mais les élus réfléchissent à une inflexion de leur politique.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment expliquez-vous les différences de tarifs avec les Landes et les Vosges ? Par le taux d'aide à l'investissement ? Par le fait que vos établissements sont implantés en zone urbaine ?

M. Yves Schaeffer : Le Nord est effectivement un département très urbanisé. Par ailleurs, nous menons un effort important en matière de création d'emplois et de taux d'encadrement.

L'instauration de l'APA a eu un impact de l'ordre de trois à cinq points sur le prix de l'hébergement mais le mouvement à la hausse est rapidement reparti, eu égard, en particulier, au renchérissement des coûts de personnel.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle est la croissance tendancielle du prix de journée ?

M. Yves Schaeffer : Elle atteint un peu plus de 3 % par an.

Mme Nadine Brulé : Dans les Vosges, elle est de 2,8 %.

M. Francis Lacoste : Nous essayons nous aussi de nous tenir à ce taux.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les départements des Landes et du Nord prennent-ils également en charge une partie de l'animation ?

M. Francis Lacoste : L'animation est un volet important de notre politique. Des emplois jeunes ont été créés puis pérennisés dans ce secteur, un service public d'animation départemental jouant le rôle de centre de ressources et de coordinateur.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les animations sont-elles facturées dans le prix de journée ?

M. Francis Lacoste : Tout à fait.

M. Yves Schaeffer : Dans le Nord aussi. Le département encourage la création d'emplois aidés de façon à réduire les coûts.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le profil de l'évolution de la masse salariale ?

M. Yves Schaeffer : Les agents recrutés en emploi aidé ne sont pas toujours très stables. Lorsqu'ils s'en vont, nous avons la possibilité de procéder à un renouvellement de poste sur la même catégorie de contrat ou sur une autre.

J'indique par ailleurs que le département subventionne des actions spécifiques au titre de sa délégation culture ou de sa délégation personnes âgées.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quelle est la répartition entre secteurs public et privé ?

M. Yves Schaeffer : Nous avons conventionné 171 établissements publics et 101 privés, dont la majeure partie sont à but non lucratif, mais la formule du privé lucratif tend à se développer.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Selon vous, à quelle collectivité incombe la responsabilité de l'investissement ?

M. Pierre Morange, coprésident : Ce n'est pas une question piège, mais une question sur laquelle nous nous interrogeons.

Mme Dominique Beaumont : Cette compétence n'est ni réglementaire ni législative, mais volontaire : elle procède de la volonté d'offrir des conditions d'hébergement correctes tout en maintenant un coût à la charge des résidents raisonnable. Cela explique que certaines caisses de retraite participent au financement des établissements, avec pour contrepartie des réservations de chambres en faveur de leurs ayants droit.

M. Francis Lacoste : Je suis tout à fait d'accord.

M. Yves Schaeffer : C'est effectivement, pour l'essentiel, une politique volontariste.

M. Pierre Morange, coprésident : L'absence de norme réglementaire ou législative nous renvoie à la réforme de la prise en charge de la dépendance, avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, et les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, les PRIAC. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle organisation ?

M. Georges Colombier : Les associations de familles de résidents n'estiment-elles pas anormal de payer l'investissement, l'établissement n'étant pas destiné à leur appartenir un jour ? Les personnes de condition modeste, qui ont travaillé toute leur vie, y laissent toutes leurs économies, et, dans certains cas, leurs enfants aussi sont saignés. Les sportifs, eux, ne paient pas l'investissement du gymnase dans lequel ils s'entraînent !

M. Francis Lacoste : Nous ne sommes pas interpellés sur cet aspect en particulier. Le prix de journée, en moyenne, atteint 1 200 euros par mois, mais dans les départements ruraux, où les allocataires du minimum vieillesse sont nombreuses, le taux de bénéficiaires de l'aide sociale est élevé.

M. Georges Colombier : Les familles considèrent que l'État ou les départements devraient aller plus loin dans le financement des investissements.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les conseils généraux qui accomplissent un gros effort au titre de l'aide à la pierre rognent-ils sur l'aide sociale ? Les départements ne remplissent-ils pas le vide créé par l'absence de détermination de la compétence ?

M. Yves Schaeffer : Si le département développe une politique d'aide à la pierre, c'est précisément pour essayer de maîtriser les tarifs. De fait, les élus reçoivent de plus en plus de critiques ou de questions à propos du coût d'hébergement, lequel, au demeurant, a évidemment un effet direct sur le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous avons vraiment besoin d'informations sur vos politiques, notamment pour étudier l'évolution des aides.

Mme Cécile Gallez : Pourquoi tant de personnes âgées s'installent-elles dans des établissements belges ? Quelle est la différence de coût avec la France ?

M. Yves Schaeffer : Les tarifs d'hébergement sont certes un peu plus faibles en Belgique mais bon nombre de prestations y sont facturées en sus. La comparaison doit donc être effectuée de façon très fine, établissement par établissement. La question du prix ne me paraît pas décisive. Si les gens partent en Belgique, c'est aussi à cause du déficit de places d'accueil confortables dans le département du Nord, qui a connu et connaît encore des difficultés sociales et économiques très importantes, et s'est longtemps caractérisé par l'existence de nombreux hospices, notamment dans le secteur hospitalier.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quels sont le taux d'encadrement global et celui affecté au prix de journée ?

Mme Nadine Brulé : Il varie de 0,17 à 0,25 pour l'hébergement et de 0,12 à 0,15 pour la dépendance. Au total, avec les soins, nous arrivons à un ratio de 0,54.

M. Francis Lacoste : En moyenne, le taux est de 0,30 pour l'hébergement, de 0,14 pour la dépendance et de 0,15 à 0,17 pour les soins.

M. Yves Schaeffer : Les chiffres du Nord sont assez voisins ; je vous les communiquerai. Nous avons créé 800 équivalents temps plein dans le cadre des conventionnements.

M. Francis Lacoste : Paradoxalement, les relations avec la CNSA concernent davantage le secteur du handicap que celui des personnes âgées.

Mme Dominique Beaumont : Nous n'avons guère de contacts avec la CNSA, si ce n'est pour le financement de l'APA. Nous sommes en phase de transition.

M. Yves Schaeffer : Nous n'entretenons de relations suivies avec la CNSA qu'au sujet du handicap, notamment en vue de la création des Maisons du handicap.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Des PRIAC seront-ils élaborés dans vos régions ?

M. Francis Lacoste : Nous avons connaissance de la future mise en place du dispositif mais nous n'en savons pas davantage.

M. Yves Schaeffer : Le département du Nord continue à copiloter le schéma, malgré les évolutions de la loi. En retour, l'État va nous associer à l'élaboration de son PRIAC. Nous attendons de ce document une plus grande visibilité sur la programmation des crédits d'État.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment êtes-vous associés à la mise en place des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) de troisième génération ?

Mme Dominique Beaumont : Dans les Vosges, nous avons participé à un groupe de travail sur la prise en charge des adultes handicapés vieillissants, dans le cadre du SROSS gériatrie.

M. Georges Colombier : À ce propos, disposez-vous de structures spécifiques pour les personnes handicapées vieillissantes ? Quelle est votre politique dans ce domaine ?

Mme Dominique Beaumont : Nous nous efforçons de proposer des formules le plus souples possible, qui puissent être adaptées à la situation de chacun. Les personnes handicapées restent dans leur structure d'accueil au-delà de soixante ans lorsque les services nécessaires y sont disponibles. Deux de nos établissements pour adultes handicapés ont également ouvert une section maison de retraite. Certaines personnes handicapées vieillissantes entrent directement en établissement traditionnel à leur sortie, par exemple, du CAT - centre d'aide par le travail. Enfin, des mamans âgées entrent en maison de retraite accompagnées de leur enfant handicapé, trisomique ou autre.

Ces populations requièrent une prise en charge adaptée, tout comme la catégorie des publics sortant de CHRS - centre d'hébergement et de réinsertion sociale - à l'âge de soixante ans. Le problème mérite une attention particulière car il va se développer.

M. Yves Schaeffer : Le conseil général du Nord a été associé aux différents volets du SROSS.

M. Francis Lacoste : Celui des Landes a été associé au volet gériatrie mais pas au volet handicap.

M. Pierre Morange, coprésident : La frontière entre le secteur médico-social et celui des personnes âgées n'est pas toujours aisée à tracer, avec l'existence de financements croisés. Quelles zones de chevauchement doivent selon vous êtes clarifiées ?

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Avez-vous été associés, en particulier, à la réflexion sur l'évolution des HAD, les hospitalisations à domicile ?

Mme Dominique Beaumont : Nous en avons entendu parler lors de réunions de la filière gériatrique. Il semblerait que le taux d'infirmières libérales et de SSIAD, c'est-à-dire de services de soins infirmiers à domicile, dans les Vosges, soit relativement bas. Il conviendrait de commencer par renforcer les moyens des SSIAD afin de garantir la proximité.

M. Francis Lacoste : Nous avons été associés à la mise sur pied du nouveau système d'HAD mais ce dossier est plutôt d'initiative hospitalière.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous le sentiment de financer des services qui devraient relever d'autres compétences, notamment dans le domaine médical ?

Mme Dominique Beaumont : Nous sommes surpris de constater que des personnes en situation de dépendance très forte, qui pourraient prétendre à des soins à domicile, ne bénéficient que d'aides très partielles. Jusqu'où peut aller le travail d'une aide à domicile ? Même si la souplesse permet de répondre à toutes les situations, l'absence de consignes strictes est préjudiciable et nous avons demandé aux CLIC, les centres locaux d'information et de coordination gérontologique, de recenser ces situations difficiles, de manière à bien savoir qui fait quoi.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les informations données par les CLIC vous semblent-elles fiables ?

Mme Dominique Beaumont : Les CLIC sont bien utiles, en matière d'information comme de coordination.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment le travail sanitaire et social s'articule-t-il avec celui des médecins généralistes et des infirmières libérales ?

Mme Dominique Beaumont : Pour les infirmières libérales, cela fonctionne bien. Pour les médecins généralistes, les CLIC doivent prendre leur bâton de pèlerin et faire le tour de la totalité des médecins traitants.

M. Pierre Morange, coprésident : Mme la rapporteure reconnaît son bébé !

M. Francis Lacoste : Des efforts restent à faire du côté du financement du glissement du sanitaire vers le social. Les personnes âgées meurent de moins en moins à l'hôpital et de plus en plus en maison de retraite, où il importe donc de disposer de moyens pour assurer l'accompagnement de fin de vie. Or les économies accomplies par le secteur sanitaire ne se retrouvent pas dans l'escarcelle du secteur social. De surcroît, un déficit en infirmières libérales risque de se faire bientôt sentir dans certaines zones, et la charge de travail sera reportée sur les aides-soignantes ou les auxiliaires de vie sociale.

M. Pierre Morange, coprésident : Disposez-vous de chiffres précis sur l'évolution du taux de décès dans les EHPAD et le nombre de jours d'hospitalisation pendant les six derniers mois de vie ?

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Cette question est très importante.

M. Francis Lacoste : Le taux de rotation moyen, si j'ose dire, excède 30 % : 1 300 des résidents de nos établissements décèdent chaque année. Dans certains établissements, le renouvellement approche même 50 %.

M. Yves Schaeffer : Dans le Nord, le taux de décès atteint 35 %.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les SROSS comportent tous un volet soins palliatifs. Les ARH - agences régionales de l'hospitalisation -, vous ont-elles sollicités sur cet aspect ?

Mme Cécile Gallez : Le nombre de places de jour ou temporaires évolue-t-il, en particulier à l'intention des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ?

M. Francis Lacoste : Ces deux types d'accueil progressent.

Mme Cécile Gallez : Dans quelles proportions ?

M. Francis Lacoste : Pas assez rapidement.

M. Yves Schaeffer : La prise en charge des soins, dans les EHPAD, reste insuffisante, alors que les durées de séjour à l'hôpital se réduisent et que les personnes de retour dans leur EHPAD ont besoin d'un suivi médical. Des glissements sont-ils opérés vers les volets hébergement et dépendance ? Je note que près de 60 % des GIR sont des GIR 4, essentiellement pour de l'aide ménagère améliorée. S'agissant du domicile, je ne constate pas de glissement au titre de l'APA.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Pouvez-vous nous donner des chiffres complets, y compris en dynamique, sur les quatre ou cinq années ?

Je retiens que vous êtes très peu associés aux travaux des ARH alors que les enjeux sont cruciaux. Une personne âgée n'est pas suivie de façon identique selon qu'elle termine sa vie à l'hôpital ou en maison de retraite. Du point de vue de la qualité de la prise en charge, les choses évoluent positivement mais, du point de vue financier, la personne hébergée en maison de retraite paie le prix de journée et non le forfait hospitalier : une vraie inégalité est donc en train de s'installer. Il serait intéressant, par exemple, de connaître le pourcentage de personnes qui décèdent à l'hôpital dans vos départements.

M. Georges Colombier : Il convient en effet de réajuster le tir dans la tarification, peut-être en réévaluant la part correspondant à la médicalisation.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Il serait utile que, dans le cadre des dispositions de la loi sur la fin de vie, l'ARH finance les soins palliatifs dans les établissements de personnes âgées. Je regrette que vous n'ayez pas été consultés sur ce point, alors que les SROSS de troisième génération sont en cours d'élaboration.

M. Pierre Morange, coprésident : En tant que responsables de terrain, votre expérience vous inspire certainement des suggestions pour simplifier le fonctionnement opérationnel de la prise en charge de la dépendance et du handicap. N'hésitez pas à nous les faire parvenir pour aider le travail du législateur ; le cas échéant, nous pourrons en faire part au pouvoir exécutif en vue d'une mise en application réglementaire, voire leur donner une traduction législative.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le prêt social location accession, va-t-il réellement disparaître ?

M. Francis Lacoste : M. Borloo, si je ne me trompe, a laissé entendre qu'il ne supprimerait pas ce dispositif.

Mme Nadine Brulé : Dans notre département, plusieurs opérations sont en passe d'obtenir un PSLA.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je vous remercie pour ces témoignages d'acteurs de terrain, souvent plus instructifs que les analyses des responsables nationaux.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du centre d'action sociale de la ville de Paris, M. Alain Ananos, directeur général adjoint des services et directeur général du centre communal d'action sociale de la ville de Besançon, Mme Marie-Pierre Petitot, directrice du pôle autonomie de la ville de Besançon, et M. Pierre Benhamou, directeur du pôle senior et directeur général adjoint des actions gérontologiques du centre communal d'action sociale de la ville de Bordeaux.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à Mme Bernadette Coulon-Kiang, directrice générale du centre d'action sociale de la ville de Paris, à M. Alain Ananos, directeur général adjoint des services et directeur général du centre communal d'action sociale de la ville de Besançon, à Mme Marie-Pierre Petitot, directrice du pôle autonomie de la ville de Besançon, et à M. Pierre Benhamou, directeur du pôle senior et directeur général adjoint des actions gérontologiques du centre communal d'action sociale de la ville de Bordeaux.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Nous avons pour objectif d'étudier en profondeur le financement des dispositifs d'accueil de personnes âgées. À cet effet, nous souhaitons que vous nous présentiez vos analyses des flux financiers, des défauts du système et des difficultés que vous rencontrez. Pourquoi l'investissement revient-il si cher dans le prix d'hébergement ? Comment s'organise le lien entre les secteurs médico-social, social et sanitaire ? Comment vos investissements ont-ils évolué au cours des dernières années, en particulier sur la partie hébergement ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le centre d'action social de la ville de Paris gère treize EHPAD - les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes - et cent vingt-cinq foyers-logements.

Nous avons lancé, en 2001, un plan pluriannuel d'investissement très lourd, d'environ 200 millions d'euros. Il était à l'origine orienté vers l'amélioration des conditions d'accueil et d'hébergement dans les EHPAD, mais la sécurité incendie a pris le pas puisqu'elle absorbera au moins 70 % de l'enveloppe, compte tenu de la nécessité d'appliquer la norme J. Tous les EHPAD sont donc mis aux normes ou en cours de mise aux normes, et nous procédons dans le même temps à l'amélioration du bâti ainsi qu'à l'aménagement d'unités de vie protégée pour les malades d'Alzheimer : 350 nouveaux lits ont été créés en trois ans et notre objectif est d'atteindre 500 lits avant la fin de la mandature. L'âge d'entrée en maison de retraite étant de plus en plus tardif, cette modélisation - quinze ou vingt chambres autour de lieux de vie, rénovation des salles de bains aux normes handicapées, développement de la domotique - vaudra rapidement, me semble-t-il, pour l'ensemble des résidents.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Qui paie ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le centre d'action sociale et la collectivité territoriale à hauteur d'un tiers chacun, le solde devant être obtenu par le biais de prêts dont la collectivité se porte garante.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quelle incidence y a-t-il sur le coût à la charge des personnes ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Tous ces travaux doivent être amortis sur trente ans environ ; cela suppose une répercussion sur le prix de journée, c'est-à-dire le prix d'hébergement : nous nous apprêtons à facturer une augmentation annuelle de 5 à 6 %, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. Nous avons sollicité le ministère à plusieurs reprises pour qu'il accepte que les subventions de l'État, de la région et de la ville soient considérées comme transférables ou amortissables.

M. Pierre Morange, coprésident : À quel titre la région intervient-elle ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le conseil régional, fin 2004, a pris une délibération pour s'associer aux travaux de rafraîchissement des lieux de vie, mais également aux travaux d'amélioration et de construction des résidences pour personnes âgées, dépendantes ou non.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le prix de journée actuel pour l'hébergement ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Il varie de 55 à 70 euros, le plafond concernant un établissement, appartenant à un bailleur social, que nous louons.

M. Pierre Morange, coprésident : Et quel sera l'impact de l'amortissement des investissements ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Il pèsera entre 15 et 30 %, selon les travaux.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela justifie-t-il une augmentation de 5 à 6 % par an ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Absolument. La masse salariale est relativement faible - 50 % environ, englobant le personnel d'entretien et médical -, mais s'y ajoutent les frais de fonctionnement, notamment le plus gros de la restauration et de la lingerie, ainsi que de gestion et d'administration.

M. Pierre Morange, coprésident : Il serait intéressant que nous disposions d'éléments de comptabilité analytique sur le forfait d'hébergement pour être en mesure de dresser des comparaisons pertinentes à partir de paramètres communs.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Je vous ferai parvenir toutes ces données.

M. Pierre Morange, coprésident : Employez-vous du personnel médical ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Médical et médico-social : infirmiers, aides-soignants, médecins, ergothérapeutes, kinésithérapeutes et, sous forme de vacations, quelques psychiatres. Tout cela représente beaucoup de monde.

M. Pierre Morange, coprésident : Précisément, avez-vous dressé des profils de masse salariale pour déterminer les formules d'emploi les plus pertinentes ? Peut-être certains emplois devraient-ils relever d'une autre compétence.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : La masse salariale relative au forfait soins pèse également sur le forfait hébergement puisque nous en assumons la gestion.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quelle est la part du foncier dans l'amortissement ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Le foncier n'est pas amortissable.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : J'imagine cependant que vous en tenez compte. Comment se répercute-t-il financièrement ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Dans l'amortissement, nous ne répercutons que les travaux de construction et de restructuration.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Mais qui paie le foncier ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : La collectivité territoriale. La construction est entièrement amortissable et, à Paris, elle est très chère : de l'ordre de 15 à 20 % de plus qu'en province, soit 23 à 25 millions d'euros pour un EHPAD, tous frais confondus.

M. Pierre Benhamou : À Bordeaux, le coût de construction du lit s'élève à 100 000 euros, hors foncier.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : À Paris, c'est pratiquement le double.

M. Pierre Morange, coprésident : Pardonnez-moi d'insister lourdement mais ce rapport du simple au double me laisse perplexe car, même si les salaires de l'Île-de-- sont supérieurs à ceux des autres régions, les entreprises de province peuvent tout autant participer aux procédures d'appel d'offres.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Je vous rappelle que les appels d'offres sont même européens : les quatre grands groupes répondent, créent le marché et fixent les prix, de manière officieuse, notamment à Paris. Les différences tiennent à la difficulté d'implanter et de gérer les chantiers. Cela dit, dans le montant que je vous ai donné, je compte absolument tout : maîtrise d'œuvre, délégation de maîtrise d'ouvrage, révisions et mobilier de premier équipement. Le coût des travaux seul fait tomber le montant à 17 millions d'euros, ce qui représente encore 50 % de plus qu'à Bordeaux.

Lorsque nous avons lancé le projet, nous ne pensions pas atteindre de telles sommes mais, lors du dépôt des permis de construire auprès de la préfecture de police, nous avons eu de très mauvaises surprises concernant l'interprétation de la norme J par la commission de sécurité parisienne.

M. Alain Ananos : À Besançon, l'application de la norme J représente 500 000 euros par établissement et équivaut à un point de fiscalité, sans réelle valeur ajoutée.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Qu'apporte la norme J ?

M. Alain Ananos : Elle sécurise le bâtiment mais n'apporte aucune valeur ajoutée en termes de politique du vieillissement et d'aide à la personne. Les investissements dans les logements-foyers liés à la norme J et aux travaux de confort, lorsqu'ils seront achevés, auront fait passer de 8 à 25 % la part de l'investissement dans la redevance acquittée par les résidents. Je précise que la ville et le conseil général interviennent respectivement à hauteur de 10 % et de 20 %, le reste étant obtenu par des prêts et d'autres interventions publiques.

M. Pierre Benhamou : Nous gérons trois EHPAD, seize résidences de personnes âgées - ou RPA - et un logement-foyer. Nous avons pour projet d'investissement principal de transférer à Bordeaux un établissement qui dépend de nous mais est situé sur une autre commune. Cet EHPAD comportera quatre-vingt-dix lits et des possibilités d'accueil de jour. Le volet foncier sera pris en charge par la ville. Pour le reste, le financement de l'opération sera assuré à 40 % par le conseil général, à 20 % par la ville et le CCAS, le centre communal d'action sociale, et à 40 % sous forme d'emprunts, dont les anuités seront répercutées sur le prix de journée, actuellement inférieur à celui de nos deux autres EHPAD - 34,98 euros contre 43 ou 45 euros.

La norme J porte essentiellement sur la sécurisation du bâti, la contrainte principale étant la présence de personnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui n'est pas forcément justifié dans un établissement d'hébergement simple de personnes âgées valides et autonomes.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quel est le prix de journée dans les logements-foyers?

Mme Marie-Pierre Petitot : Le prix de journée moyen de l'hébergement, à Besançon, est de 18,36 euros, sachant que s'ajoutent éventuellement les dépenses liées à la dépendance.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Comment expliquez-vous cette différence assez considérable entre les logements-foyers et les EHPAD ? Est-elle imputable au système de financement ou aux effectifs du personnel ?

M. Pierre Benhamou : Pour les logements-foyers, le taux d'encadrement moyen est de l'ordre de seize ETP pour cent places. Pour les EHPAD, il oscille entre cinquante-deux et cinquante-quatre ETP pour cent places. Le différentiel porte donc principalement sur les charges de personnel. Et les logements-foyers présentent la particularité de bénéficier d'une dotation forfaitaire pour les soins.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : À Paris, le taux d'encadrement est de vingt ETP pour cent places en logement-foyer et peut approcher quatre-vingts ETP pour cent places en EHPAD.

M. Alain Ananos : La disparition de la dotation forfait soins, actuellement en débat, conduirait à transférer un coût important sur la collectivité.

M. Pierre Morange, coprésident : Pourquoi le taux d'encadrement des EHPAD est-il supérieur à Paris ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : C'est certainement historique, puis ce taux a été acté et consolidé dans les conventions tripartites.

M. Pierre Morange, coprésident : Peut-être le poids respectif des différentes catégories de personnels - sociaux et médicaux - explique-t-il aussi cette différence.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Normalement, le coût du personnel chargé des soins ne peut être répercuté sur le prix d'hébergement. Quels sont exactement les effectifs affectés au tarif hébergement ?

M. Pierre Benhamou : Sur la partie soins, le personnel de l'établissement est complété par l'intervention de professionnels libéraux. Quant à la partie hébergement, elle recouvre principalement les ASH - les agents des services hospitaliers - et le personnel administratif.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Ainsi que tout le personnel de l'animation, qui pèse très lourdement chez nous, Paris ayant mis l'accent sur cette dimension.

M. Alain Ananos : L'hébergement supporte 70 % du personnel du logement-foyer. Par contre, les activités de prévention du vieillissement, d'ouverture sur le quartier et d'animation ne sont pas prises en charge sur la redevance mais sur le budget principal au titre du développement social.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Avez-vous une idée de ce que cela représente en termes de coût pour la collectivité ?

M. Alain Ananos : Nous avons identifié, dans notre comptabilité analytique, le coût de l'action intergénérationnelle, en rassemblant toutes les politiques publiques menées autour de la population âgée, mais une partie de ce coût est comptabilisée dans le volet « action territoriale », car nous nous efforçons aussi de reconstruire un parcours de vie. Pour répondre à votre question, il faudrait que nous consolidions les différents niveaux d'intervention.

Je note par ailleurs que nous sommes confrontés à de plus en plus de personnes âgées pauvres, pour lesquelles la question du prix de journée est délicate. Dans les logements- foyers, 45 % de la population déclare des revenus inférieurs à 1 000 euros et plus de 10 % perçoit moins que les minima sociaux. Plus de 10 % des accueils d'urgence concernent des personnes âgées, ce groupe étant le plus concerné après celui des jeunes de moins de vingt-cinq ans. La modernisation et l'adaptation des logements-foyers vont par conséquent se heurter aux contraintes de pouvoir d'achat. Nous rencontrons des situations extrêmement tendues qui nécessitent de demander des exonérations de redevance.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Les logements-foyers n'étant pas admissibles à l'aide sociale, la question de la pauvreté ne se pose pas de la même façon selon les deux types d'hébergement. Quels sont l'âge moyen et surtout le niveau de dépendance constatés dans les logements-foyers?

M. Pierre Morange, coprésident : Et la durée de séjour moyenne ?

M. Alain Ananos : L'âge moyen d'entrée en logement-foyer est maintenant de quatre-vingt-deux ans.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Et de quatre-vingt-six ans en EHPAD.

M. Alain Ananos : La durée moyenne de séjour des résidents en logement-foyer- atteint sept ans mais, une fois entrés en établissement spécialisé, leur espérance de vie tombe à trois ou quatre ans.

Mme Marie-Pierre Petitot : Le degré de dépendance, qui se mesure au GIR moyen pondéré - le GMP - atteint 185.

M. Pierre Benhamou : À Bordeaux, 70 % des résidents des EHPAD sont à l'aide sociale. En RPA, l'âge moyen d'entrée est de soixante-seize ans et l'âge moyen de sortie est de quatre-vingt-cinq ans, le taux d'occupation s'élevant à 94 % dans nos seize établissements. Le GIR moyen pondéré va de 120 à 210. Dans les EHPAD, le GMP va de 700 à 740, ce qui explique également les écarts d'effectifs.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Nous constatons les mêmes tendances à Paris : la durée moyenne de résidence est au plus de trois ans, les personnes âgées entrant souvent au-delà de quatre-vingt-huit ans. Par ailleurs, 80 % des résidents sont à l'aide sociale, avec un GMP compris entre 750 et 950. En RPA, l'âge moyen est de soixante-dix ans, mais avec deux types de situations : beaucoup de personnes ayant atteint soixante ans, voire un peu plus jeunes, en situation difficile, anciens SDF, anciens résidents en chambre d'hôtel ou anciens concierges d'immeuble ; des personnes âgées qui arrivent à soixante-dix ou soixante-quinze ans et se sentent isolées. Dans les résidences médicalisées ou les logements-foyers avec section de cure médicale, les patients sont en très forte précarité et éligibles à l'aide sociale. La sortie de section de cure pose d'ailleurs un problème en matière de tarification.

M. Georges Colombier : Je suis surpris que 70 % des résidents relèvent de l'aide sociale alors que, dans l'Isère, nous ne recevons presque plus de dossiers de demandes. Vos résidents parviennent-ils à joindre les deux bouts et à régler la facture ?

M. Pierre Benhamou : Ce taux de 70 % correspond aux résidents des EHPAD éligibles à l'aide sociale, sachant que le prix de journée y est relativement élevé et que de plus en plus de personnes éprouvent par conséquent des difficultés à l'acquitter.

M. Alain Ananos : La précarisation des personnes âgées frappe nos résidents mais aussi les personnes âgées qui restent à domicile. C'est ce qui nous entraîne à mettre en œuvre une politique de développement social en direction du troisième âge en général. Dans les cinq logements-foyers de Besançon, nous commençons à enregistrer des impayés. Mais nous constatons aussi que les liens familiaux et sociaux restent puissants : les deux tiers des résidents reçoivent des visites familiales ; avec les amis et les bénévoles des associations, plus de 75 % de personnes sont entourées. Nous avons complété cette solidarité intergénérationnelle par la création de services de compagnie et de visites à domicile, ce qui permet aussi de procéder à de la redistribution en entrant dans des logiques d'emploi et de développement.

M. Georges Colombier : Les résidents des logements-foyers sont-ils obligés de manger en restauration collective, ou peuvent-ils cuisiner dans leur appartement ?

M. Alain Ananos : Ils ont le choix. Pour la restauration collective, nous avons également dû mettre nos installations aux normes : nous avons créé une cuisine unique pour l'ensemble des logements-foyers, en adoptant une logique de circuit court et en travaillant avec les producteurs locaux, ce qui nous permet de réduire de douze à six les effectifs de cuisiniers, soit 150 000 à 200 000 euros susceptibles d'être redéployés sur la modernisation. Mais l'investissement supporté par la collectivité se chiffre tout de même à 300 000 euros.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Qui détient, selon vous, la compétence de l'investissement immobilier ?

Avez-vous été contactés par les ARH - Agences régionales de l'hospitalisation - à propos de l'élaboration des SROSS de troisième génération sur la gériatrie et les soins palliatifs ?

Les dispositifs d'aide au logement individuelle vous paraissent-ils au point ?

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles suggestions opérationnelles concernant les investissements ou le fonctionnement des maisons de retraite auriez-vous à cœur de voir se matérialiser, par voie réglementaire ou législative ?

M. Georges Colombier : Les résidents ou leurs familles critiquent-ils le fait qu'une grosse partie de l'investissement leur est facturée alors que l'établissement ne leur appartient pas ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : Si quelqu'un parvient à se retrouver dans le dédale du mode de financement des logements-foyers et des EHPAD, je lui saurai gré d'écrire un livre à ce sujet... Compte tenu du vieillissement de la population, il serait bon que l'État instaure un mode de financement propre pour nous aider à créer de nouveaux établissements et à améliorer les conditions de vie dans ceux déjà existants. D'autre part, je préconise une clarification du système de prêts pour nous aider à choisir la meilleure formule parmi toutes celles qui se superposent - PALULOS, PLUS et PSLA.

Je répète que nous essayons depuis un an d'obtenir la confirmation de la transférabilité des subventions. Cela permettrait de les inscrire en recettes dans le budget d'exploitation et ainsi de compenser le coût de l'amortissement. Il est en effet anormal que des citoyens paient en quelque sorte deux fois l'impôt. La transférabilité suppose toutefois que le financeur se réengage lorsque apparaît un nouveau besoin de financement - cela intéresse davantage les collectivités territoriales que l'État, mais celui-ci devrait au moins se sentir concerné.

À Paris, nos relations avec l'ARH ont été un peu assombries par la fermeture de lits d'unités de soins de longue durée, par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Nous souhaitons relancer, avec les services hospitaliers, des protocoles HAD et SSIAD pour constituer des plates-formes de soins et d'accompagnement dans les logements-foyers. En ce qui concerne l'hospitalier pur, nous éprouvons beaucoup de difficultés à appliquer les protocoles prévus par la loi dans le cadre du plan bleu, les hôpitaux buttant sur leur pénurie de moyens et de lits. Nous comprenons leur réticence à signer de conventions de réciprocité car ils ne se sentent pas sûrs de les tenir, mais il serait tout de même utile que nous aboutissions.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Le travail avec la DRASS - direction régionale de l'action sanitaire et sociale - dans le cadre du SROSS, est donc allé relativement loin. Quel est l'écho de l'ARH ?

Mme Bernadette Coulon-Kiang : L'écho est très favorable sur le principe.

Il faut au moins que les établissements deviennent éligibles à l'APL, l'aide personnalisée au logement, car l'ALS, l'allocation de logement social, est très insuffisante.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Il serait utile de calculer le montant total consacré aux personnes âgées par le secteur public, État et collectivités territoriales confondues.

Mme Bernadette Coulon-Kiang : En tout cas, les familles ne sont pas du tout d'accord pour subir des augmentations.

M. Pierre Benhamou : Je serais tenté de dire que la compétence sur le secteur public immobilier est exercée par les payeurs, c'est-à-dire le conseil général, la collectivité territoriale d'accueil et le public. En tout état de cause, la lisibilité est insuffisante pour que les projets avancent et aboutissent rapidement. Il existe par ailleurs une confusion et même un amalgame entre la problématique du logement social pour les personnes âgées et le problème de la pénurie de logements sociaux au sens large. Il me semble que l'État devrait reprendre la main sur le financement de ce type d'opérations, la multiplicité des sources de financement compliquant l'obtention de crédits. Pour s'insérer dans la programmation pluriannuelle de la DDE, la direction départementale de l'équipement, il faut s'y prendre très tôt. Parallèlement, le conseil général est chef de file sur les investissements et les créations de places. Il serait vraiment intéressant de renforcer la lisibilité du système.

Les relations que nous entretenons avec l'ARH sont uniquement de notre initiative. Nous travaillons essentiellement sur l'amélioration des sorties d'hospitalisation, très difficiles pour les personnes livrées à elles-mêmes. Pour éviter les incidents, les sorties d'hôpital doivent être combinées avec la mise en place de services à la personne, notamment pour la restauration. Le réseau ville-hôpital propose quelques embryons de fonctionnement mais rien de bien concret.

L'APL est absolument nécessaire. Nous faisons systématiquement passer sous ce régime les établissements réhabilités mais une démarche plus volontariste serait souhaitable. La pression sur la personne âgée est d'autant plus forte que le montant résiduel à sa charge est élevé. L'APL doit donc prendre le relais au niveau le plus bas possible.

Les résidents et même leurs familles connaissent relativement mal ce que recouvre le prix de journée. L'important, pour eux, est le montant à payer mais pas forcément sa ventilation. Les familles réclament essentiellement que leurs proches soient pris en charge de façon satisfaisante, avec le meilleur rapport qualité-prix.

M. Alain Ananos : Il serait nécessaire que l'État donne une impulsion pour clarifier le mode de financement de la construction et de l'adaptation du logement social. À Besançon, nous modifions les normes pour entrer dans une logique de développement durable et de services autour de la personne maintenue dans son lieu de vie, dans son quartier. Il faut dire que nous bénéficions de la présence d'un institut régional du vieillissement et d'un maillage associatif très dense. Cela nous renvoie directement à la question de la mort de la personne âgée dans son habitat. L'inquiétude des familles porte en effet souvent sur la prise en charge de la fin de vie. J'ignore s'il s'agit d'investissement ou de fonctionnement mais, en tout cas, cela va dans le sens du lien, du vivre-ensemble et de la prévention du vieillissement. Aujourd'hui, tout est axé sur le curatif, avec une surmédicalisation, et l'individu est privé de la dimension vie collective.

Mme Marie-Pierre Petitot : Notre CCAS a relativement peu de relations avec l'ARH mais il a été associé aux travaux du SROSS de troisième génération. Nous avons apporté une contribution sur les signaux faibles. D'abord, les personnes en proie à des difficultés psychiques, qui se retrouvent désaffiliées socialement et en très grande précarité, sont très vite confrontées à un problème de logement car elles ne sont pas à leur place dans le parc social ordinaire ; elles entrent donc dans des logements sociaux de type CHRS, des logements-foyers ou des pensions de famille. Ensuite, les logements-foyers constituent également une bonne réponse à la montée de l'isolement social, dans la mesure où ils apportent une sécurité, pas forcément médicale mais sociale. Enfin, nous avons évoqué la nécessité de mettre sur pied des passerelles entre le sanitaire et le social, non seulement pour traiter les sorties d'hospitalisation mais également pour mener un travail au sujet des parcours de vie entre le domicile et le logement adapté.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Quel écho avez-vous reçu de l'ARH ?

Mme Marie-Pierre Petitot : Pour l'instant, aucun.

Mme Paulette Guinchard, rapporteure : Je vous remercie pour la qualité de vos interventions ainsi que des documents que vous nous avez remis. Celui de la mairie de Paris, en particulier, nous sera d'un grand apport pour notre réflexion sur la problématique du financement du logement. Je vous prierais de nous apporter des réponses écrites sur les thèmes que nous venons d'aborder - notamment la décomposition des prix de journée d'hébergement, l'évolution des aides à la pierre et de la prise en charge par l'aide sociale, la progression du taux d'encadrement, l'application de la norme J, les durées moyennes de séjour et l'âge moyen d'entrée -, mais aussi pour décrire les fonctionnements du système et nous faire des propositions d'évolution.

--____--


© Assemblée nationale