COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 8

Jeudi 15 décembre 2005
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard, coprésidente

SOMMAIRE

 

pages

Auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées

 

- Audition de M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

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- Audition de M. Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour les personnes âgées (ADEHPA), et de M. Claude Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA)

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- Audition de M. Yves Journel, président du syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (SYNERPA) et de Mme Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du SYNERPA, de M. Emmanuel Duret, président de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP) et de M. Yves-Jean Dupuis, directeur de la FEHAP

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), accompagné de M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA, de M. Gérard Soumet, directeur de l'action sanitaire et sociale et des services aux personnes à la CCMSA et de Mme Maryse Aïo, directrice adjointe de la Coopérative d'échange de ressources en ingénierie sociale (CERIS).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avant de commencer les auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées, j'indique, qu'en application de l'article LO 111-9-3 du code de la sécurité sociale, les préconisations de la MECSS, figurant dans le rapport présenté par M. Jean-Pierre Door, sur l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale ont été notifiées, le 24 novembre dernier, par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, les coprésidents de la MECCS et le rapporteur, au Gouvernement, et plus précisément à MM. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement.

En application du même article, les préconisations de la MECSS ont été également notifiées aux présidents des conseils d'administration et directeurs des caisses et organismes nationaux du régime général de sécurité sociale, c'est-à-dire la CNAMTS, la CNAVTS, la CNAF, l'ACOSS et l'UCANSS.

Les différents destinataires sont tenus d'y répondre dans un délai de deux mois. II a été demandé à chacun d'entre eux de fournir, pour chacune des préconisations de la MECSS, des réponses précises, avec indication, le cas échéant, des moyens et du calendrier de mise en œuvre.

La MECSS, qui a une mission de contrôle permanent, sera très attentive aux réponses qui seront apportées.

Par ailleurs, je rappelle que, dans sa réunion du 7 décembre 2005, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, sur proposition de la MECSS, retenu trois thèmes d'étude pour la Mission en 2007 :

1. La prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments ;

2. Les affections de longue durée ;

3. Le bilan et les perspectives du régime général d'assurance vieillesse.

Dans cette perspective et en application de l'article 47-1 de la Constitution, une demande d'enquêtes préalables sur ces trois sujets a été adressée à la Cour des comptes. II lui a été en particulier demandé de procéder à des comparaisons internationales afin d'identifier les meilleures pratiques.

Enfin, j'indique qu'en raison de la période de suspension des travaux de l'Assemblée nationale à l'occasion des fêtes de fin d'année et de la nouvelle année - que je souhaite bonnes à toutes et à tous -, les prochaines auditions publiques de la MECSS auront lieu le 19 janvier 2006. Nous poursuivrons nos travaux sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées.

J'ai maintenant le plaisir d'accueillir M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), que la MECSS a déjà entendu le 12 mai dernier sur son premier thème d'étude.

Je souhaite également la bienvenue aux collaborateurs qui l'accompagnent :

- M. Jacques Portier, directeur de la santé à la CCMSA,

- M. Gérard Soumet, directeur de l'action sanitaire et sociale et des et des services aux personnes à la CCMSA,

- et Mme Maryse Aïo, directrice adjointe de la Coopérative d'échange de ressources en ingénierie sociale (CERIS) qui fédère le réseau d'associations - créé par la MSA - qui interviennent dans le champ social et médico-social.

Je vous remercie pour les documents que vous nous avez fournis, que nous avons étudiés avec intérêt. Je vous rappelle que nous travaillons plus particulièrement sur le coût de l'hébergement, et plus précisément sur le reste à charge des personnes âgées, et sur la qualité de l'hébergement. Nous nous posons notamment la question du lien entre social, médico-social et sanitaire et il semble que vous puissiez nous aider dans notre réflexion à ce propos. Peut-être nous sera-t-il également possible de nous intéresser à la qualité et aux formes de prise en charge que vous privilégiez.

Je commencerai donc par vous poser quatre questions.

Premièrement, les études externes que la MSA a fait réaliser montrent que la durée de séjour dans les maisons d'accueil rural pour personnes âgées (MARPA) est plus élevée que dans d'autres structures d'accueil. Les personnes âgées peuvent-elles rester et restent-elles dans ces structures jusqu'à la fin de leur vie ?

Deuxièmement, le principe assumé par la MSA selon lequel les MARPA ne sont pas médicalisées ne vaut-il pas que pour des résidents dont le niveau de dépendance est relativement faible ? Qu'en est-il des personnes désorientées, atteintes de troubles cognitifs ? Avez-vous envisagé de créer des MARPA spécialisées ?

Troisièmement, pouvez-vous préciser dans quel contexte certains conseils généraux appliquent la réglementation « APA (allocation personnalisée d'autonomie) en établissement » plutôt qu'« APA à domicile » ?

Enfin, pouvez-nous nous préciser les contraintes auxquelles vous faites référence en ce qui concerne une éventuelle habilitation à l'aide sociale des MARPA ?

M. Yves Humez : Je vous remercie pour votre invitation. Je me suis entouré de spécialistes qui apporteront des réponses précises à vos questions.

Je rappelle que nous sommes particulièrement intéressés par la réflexion que vous menez, d'autant que la structure d'âge de notre public nous amène peut-être à rencontrer des difficultés plus rapidement que les autres établissements.

Nous comptons désormais 117 MARPA, et une soixantaine de projets sont en cours. Ces maisons illustrent parfaitement notre souci permanent de ne pas lancer les choses d'en haut mais de répondre à la demande qui nous vient du bas.

M. Gérard Soumet : Nous suivons avec une attention particulière la question de la fin de vie dans les MARPA, dans le cadre d'une action que nous avons engagée depuis plusieurs années et qui consiste à les mettre en réseau au fur et à mesure de leur création. C'est ainsi qu'a été constituée la CERIS, la coopérative nationale dont Mme Maryse Aïo assure l'animation. Cela permet aux MARPA de partager les informations sur des questions aussi fondamentales que la coordination et l'évolution des structures dans le temps.

Nous constatons en effet que beaucoup de personnes âgées finissent leur vie dans les MARPA et nous avons même des statistiques sur les décès. Le fait qu'on meure dans ces établissements s'explique d'abord parce que leur vocation première est d'être des structures de proximité, adaptées au milieu rural et où les personnes âgées entrent donc souvent à un âge avancé, avec des problèmes de dépendance et de perte d'autonomie variables. Toutefois, les MARPA ne sont pas des structures spécialisées pour les grands dépendants.

Vous savez bien, Madame la présidente, que dans un département comme le Doubs, une personne âgée qui vit dans un village peut vouloir quitter son domicile parce qu'elle se sent seule, parce qu'elle n'est pas en sécurité ou parce qu'elle n'a pas d'entourage. Cela explique que la population des MARPA est assez diverse. En général, quand une personne âgée devient dépendante, nous avons la capacité de la garder jusqu'au bout. Il y a toutefois un certain nombre de situations auxquelles nous ne pouvons pas faire face, en particulier quand la personne devient extrêmement dépendante psychiquement. Nous cherchons alors, avec l'accord des familles, des solutions d'hébergement dans des structures mieux adaptées.

Mme Maryse Aïo : Chaque MARPA résulte d'un projet de développement social local. Avant la création, une étude des besoins mobilise les professionnels de santé ainsi que les représentants des personnes âgées et des collectivités locales. C'est ce qui permet, dès le départ, une appropriation du concept par les différents acteurs qui sont parties prenantes au projet et prêts à s'investir ensuite. C'est primordial. Les premières MARPA ayant fonctionné en milieu rural très isolé, nous avons à chaque fois regardé s'il y avait des services de soins infirmiers à domicile. Car il ne saurait y avoir de MARPA sans un maillage avec les professionnels. À l'inverse, dans certains territoires, leur création a permis de revitaliser les relations, en particulier avec les services infirmiers et les professionnels de santé.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les MARPA figurent-elles au sein d'un réseau de soins gérontologiques ?

Mme Maryse Aïo : Elles en sont proches, mais ne sont pas à l'intérieur. Cela fait partie de nos projets, avec le développement des réseaux.

M. Yves Humez : Dans le cadre de notre réflexion sur un projet global de maillage et sur les différentes solutions de proximité, nous prenons en compte les hôpitaux locaux et les maisons médicales de demain. Mais pour avancer, il faudrait que nous soyons entendus partout or, si certains conseils généraux portent nos projets, ailleurs le concept n'est pas accepté.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pourquoi ?

M. Gérard Soumet : A cause de la question de la médicalisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous nous dites que les gens décèdent souvent dans les MARPA, mais avez-vous des études sur le niveau de dépendance juste avant la mort ?

Par ailleurs, pour les personnes les plus lourdement handicapées, en particulier celles qui présentent des troubles du comportement très importants et que vous ne pouvez garder, parvenez-vous à une prise en charge par le réseau sanitaire du secteur ?

M. Gérard Soumet : Nos statistiques annuelles montrent que les deux tiers des sorties sont dues aux décès, le reste allant essentiellement vers l'hôpital car, comme pour les personnes restant à domicile, il est fréquent que la fin de vie coïncide avec une période aiguë de maladie conduisant à l'hospitalisation.

Grâce aux médecins et aux services de soins infirmiers, nous arrivons à faire beaucoup de choses comme à domicile, mais c'est sans doute parce qu'on prend davantage soin des personnes dans les MARPA qu'elles y restent jusqu'à la fin de leur vie.

Toutefois, quand une personne arrive avec un GIR pondéré moyen important, la MARPA n'est sans doute pas totalement adaptée, car la qualité du projet de vie y est essentielle, les maisons étant destinées à l'accompagnement non pas d'une structure mais de la personne. Ainsi, quand, dans une petite unité d'une vingtaine de personnes, on a plusieurs cas de dépendance lourde, cela pose problème et on est parfois obligé d'envisager le placement dans un autre établissement.

M. Jean-Luc Préel : À l'origine, j'ai trouvé très intéressant le concept de toutes petites structures réservées aux valides, avec un projet social, et tenues par une maîtresse de maison, chacun participant à l'activité de la maison.

Mais je me suis tout de suite demandé, dans la mesure où chacun souhaite aujourd'hui rester à domicile et où on développe des services pour cela, à qui s'adresseraient les MARPA et comment serait prise en charge la dépendance, car une fois qu'on est entré, il est rare que les choses s'améliorent et l'évolution naturelle tend plutôt à une dépendance sans cesse accrue. Je vois donc mal comment des petites structures pourraient être adaptées à cette prise en charge de la dépendance, et il ne faudrait pas que la médicalisation des MARPA détourne les services de soins infirmiers (SSIAD) de leur activité de soins à domicile.

M. Jacques Portier : Le fait d'avoir dans ces petites structures un petit nombre de personnes âgées, avec un personnel qui assure un suivi et un accompagnement de tous les instants, conduit à une plus lente dégradation de l'autonomie.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : C'est ce que vous dites souvent, mais disposez-vous d'études qui étayent cette affirmation ?

M. Jacques Portier : Tout à fait ! Nous menons un travail important sur les conditions de prise en charge de la santé des personnes hébergées dans ces structures. La société spécialisée à laquelle nous avons fait appel dresse actuellement un état des lieux, avant d'en venir ultérieurement aux préconisations. Il semble bien que la prise en charge soit meilleure qu'à domicile et que dans les grandes structures et que la dégradation de l'état de santé soit plus lente. Je crois aussi que les conditions de prise en charge une fois que la dépendance s'est installée, avec effectivement des structures externes comme les service de soins infirmiers à domicile, mais aussi les associations d'aides ménagères, permettent un meilleur accompagnement.

Mme Maryse Aïo : Des observations ont aussi été réalisées par des médecins de conseils généraux, qui croyaient peu à la viabilité économique des MARPA et à leur capacité à accompagner les personnes, mais qui, constatant que la durée moyenne de séjour était plus longue, ont cherché à comprendre pourquoi. Parce qu'il s'agit d'un projet ouvert, moins stigmatisant que l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD), situé à proximité des centres bourgs, avec des échanges avec l'extérieur, où la personne est intégrée dans un projet, accueillie, où on prend en compte sa trajectoire de vie dont on lui permet de connaître une nouvelle étape, la MARPA est aussi un moyen de stimuler la personne. Certaines récupèrent d'ailleurs des capacités lorsqu'elles y arrivent.

Si nous avons conduit, avec l'appui de la Fondation de France, de la MSA et des caisses de retraite complémentaire qui financent les MARPA, cette étude sur la qualité et la continuité des soins, c'est parce que nos observations empiriques, mais aussi notre écoute de ce que nous disent les responsables des maisons sur leurs difficultés à accueillir plus de personnes âgées et les personnes âgées plus dépendantes, nous y poussaient. C'est aussi pour connaître les meilleures conditions de fonctionnement que nous avions besoin de clarifier les choses.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comme l'a dit M. Jean-Luc Préel, ce sont soit les services de soins à domicile soit les infirmiers libéraux qui interviennent. Vous êtes-vous demandé si vous mobilisiez l'ensemble de leurs capacités ?

Mme Maryse Aïo : Tel n'est pas le cas. Quand la MARPA mobilise beaucoup ces services, c'est au plus pour sept résidents sur vingt, et jamais de façon permanente. J'ajoute que les services de soins infirmiers à domicile sont très attentifs à la répartition équitable des soins sur un territoire et que la collaboration avec les infirmiers libéraux est très efficace sur le terrain.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous constaté, avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, une évolution des demandes d'entrée dans les MARPA ? Je suis pour ma part surprise de la forte diminution de la durée moyenne en long séjour et je me demande si ce n'est pas l'APA à domicile qui pousse les gens à rester plus longtemps chez eux et à ne venir dans les structures qu'au dernier moment.

M. Yves Humez : Nous n'avons pas de données précises, mais cela fait partie des sujets sur lesquels des études seront conduites. Notre concept est celui d'un substitut du domicile et nous entendons qu'il le reste. Quiconque visite une MARPA y constate la bonne qualité de vie.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous défendez en effet un concept fondé sur le substitut au domicile et la non-médicalisation. Savez-vous si cela se fait aussi à l'étranger, et y avez-vous des contacts ? Participez-vous, en France, à un travail avec ceux qui se posent les mêmes questions que vous ?

Mme Maryse Aïo : À l'étranger encore trop peu, bien que cela figure dans nos projets car nous n'ignorons pas l'existence de réseaux européens. En France, oui : nous travaillons avec la Fondation de France, l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale (UNCCAS), car nos sujets sont proches.

La Fédération nationale des MARPA jouit également d'une certaine reconnaissance parce qu'on parle de plus en plus de services rendus localement et que nous sommes souvent appelés par des petites unités de vie (PUV), qui sont proches des MARPA et qui ont besoin de conseils.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : À l'occasion du travail réalisé par l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) sur la maladie d'Alzheimer, nous avons visité aux Pays-Bas, à Haarlem, une petite structure pour personnes atteintes de cette maladie, avec une médicalisation venant de l'extérieur et dont le concept était très proche du vôtre.

Avez-vous des expériences en dehors du milieu rural ?

Pouvez-vous également nous dire comment sont dirigées les maisons ? Je crois qu'il n'y a pas de président mais une maîtresse de maison.

Mme Maryse Aïo : Avec le concept d'origine, qui prévoyait une maîtresse de maison dans une petite unité de vie accueillant au maximum seize résidents, l'exigence de professionnalisme était moindre. Il y a eu depuis des avancées en matière d'action sociale et de gérontologie. Les besoins en gestion des établissements, en pilotage, en partenariats, font que les responsables d'établissements sont désormais recrutés au minimum à « bac plus 2 ». La filière des conseillères en économie sociale et familiale paraît excellente pour préparer des personnes présentant ce profil. Certains professionnels qui cherchent à quitter le secteur sanitaire s'intéressent aussi aux MARPA, parce qu'elles donnent plus de sens à leur activité.

M. Gérard Soumet : Nous nous sommes impliqués dans la conception de structures qui nous semblent adaptées au milieu rural, en particulier à la capacité d'investissement des communes, mais aussi aux caractéristiques de vie des personnes. Nous ne nous sommes toutefois pas préoccupés uniquement du concept, mais aussi de ce que devenaient les maisons au fur et à mesure de leur ouverture. C'est ce qui nous a permis d'évoluer. Nous sommes partis d'une organisation avec une maîtresse de maison et un encadrement assez léger de trois personnes et nous sommes maintenant passés à un responsable d'établissement plus professionnel et à un encadrement de 6,5 équivalents temps plein pour 24 résidents, en application de la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a donné un statut aux petites unités de vie.

Notre accompagnement vise à éviter que, dès la création, les collectivités territoriales et les promoteurs locaux ne se trompent sur un certain nombre d'aspects importants, mais aussi à accompagner la vie de chacune des résidences, par exemple en proposant systématiquement des formations et des lieux de rencontre à leurs responsables.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Utilisez-vous le Fonds de modernisation du maintien à domicile pour la formation de vos directeurs ?

Mme Maryse Aïo : Non, au départ c'est la Fédération nationale des MARPA qui a beaucoup investi dans la formation. Maintenant, nous concevons les formations, mais ce sont les maisons elles-mêmes qui les financent puisqu'elles contribuent aux plans de formation. Nous souhaitons d'ailleurs développer la formation de l'ensemble des personnels et nous inscrire dans les règles ordinaires de fonctionnement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pourquoi avez-vous doublé la présence de personnel ?

M. Gérard Soumet : La première MARPA date de 1987, depuis lors nous avons été amenés à renforcer le personnel destiné à prendre soin des personnes âgées, qui entrent chez nous de plus en plus tard, en moyenne à 84 ans, et chez lesquelles la dépendance est de plus en plus importante. Les EHPAD, qui sont censés accueillir des personnes lourdement dépendantes, ont souvent, pour des raisons budgétaires, beaucoup de mal à assurer un suivi rapproché et cette fonction de « prendre soin » n'y est pas bien assurée.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelles sont la nature des emplois et la formation de ceux qui les occupent ?

Mme Maryse Aïo : Nous allons de plus en plus vers la validation des acquis de l'expérience (VAE) dans les formations d'auxiliaires de vie sociale (AVS). Il y a parfois des aides-soignantes, mais ce n'est pas pour exercer le métier comme dans les structures sanitaires.

M. Jacques Portier : Je reviens sur une question précédente : 28 des 117 MARPA sont en milieu urbain. J'ai participé, à coté de Tours, au montage d'un tel établissement, dont le promoteur était votre collègue M. Philippe Briand. Si le maire fait un effort pour le foncier, cela ne pose aucun problème : on trouve des associations et des intervenants aussi bien qu'en milieu rural, et l'établissement fonctionne à la satisfaction de l'entourage et des personnes accueillies.

M. Gérard Soumet : Nous ne créons pas de MARPA sans un travail préalable sur le terrain qui dure parfois un à deux ans afin de créer un lien social fort avec le réseau associatif et les collectivités.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai suivi la création de plusieurs établissements et je sais le travail qui a été fait.

J'aimerais que nous en venions maintenant aux questions financières. Vous dites que cette forme de prise en charge coûte moins cher, mais nous manquons d'éléments tangibles. Seul l'hôpital Vaugirard a fait un travail de comparaison entre la prise en charge en établissement et hors établissement, en termes de coût et de qualité de vie des personnes.

Vous avez dit que l'implication des collectivités était importante, avez-vous réglé le problème de l'APA ? Certaines MARPA sont-elles habilitées à l'aide sociale ?

Mme Maryse Aïo : Il s'agit d'habilitations partielles, liées à la situation de la personne et à ses besoins et qui prennent par exemple la forme de la prise en charge des repas, en complément de ce que la personne finance elle-même.

M. Gérard Soumet : Dans la loi du 20 juillet 2001, dont un article détermine le statut de base des PUV, il est prévu que l'APA à domicile joue quand il y a moins de 25 résidents. Mais on observe des différences dans l'application des textes par les conseils généraux, selon la façon dont on inclut la prise en compte du coût de la dépendance dans le calcul de l'APA à domicile.

Pour les structures associées à l'UNIOPSS, les personnes appartenant à la structure qui prennent soin et qui accomplissent un certain nombre d'actes quotidiens doivent entrer, au prorata de cette activité, dans le calcul de l'APA. Une clarification paraît donc nécessaire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vos tarifs sont bien en dessous de la moyenne de ceux des EHPAD et j'aimerais savoir ce qui figure réellement dans le prix de journée, en termes de comptabilité analytique.

Mme Maryse Aïo : Dans le tarif demandé chaque mois aux résidents, le loyer représente 35 %, le coût des personnels 42 %, les services supplémentaires facultatifs comme les repas, le ménage et la lingerie 25 %.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le porteur du projet de construction loue ensuite le bâtiment à l'association ?

Mme Maryse Aïo : À l'origine, il y a une collectivité locale, qui peut ensuite déléguer la maîtrise d'ouvrage, souvent à un office d'HLM. Ensuite, la gestion est confiée soit au CCAS pour les MARPA publiques, soit à l'association gestionnaire pour les MARPA associatives.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ce système vous paraît-il celui qui permet le mieux de maîtriser l'amortissement ?

Mme Maryse Aïo : Le dispositif est bien adapté aux besoins des collectivités locales.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je précise ma question : permet-il de maîtriser la part du prix de journée correspondant à l'amortissement immobilier ?

Mme Maryse Aïo : Ce point fait partie de ceux sur lesquels nous allons travailler en 2006. L'évolution du coût de la construction mais aussi le fait que chaque collectivité veut avoir la plus belle MARPA possible entraînent un renchérissement. Nous entendons donc appeler l'attention sur la nécessité de maîtriser une dérive des coûts qui a une incidence importante sur le montant des loyers, alors qu'il s'agit de logement social.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le fait qu'il s'agisse de logement social fait-il que vous ne cherchez pas d'autres financements ?

M. Gérard Soumet : Parce qu'il s'agit de logement social, nous avons droit à un financement favorisé - les prêts locatifs sociaux (PLS) -, et les résidents peuvent percevoir l'aide personnalisée au logement (APL). De plus, il n'y a pas de charges foncières pour le terrain, puisque la création d'une MARPA suppose que la commune cède le terrain viabilisé, sans coût. Comme nous souhaitons accueillir des personnes qui ont une faible pension de retraite, il faut agir à la fois sur le prix du terrain et sur le mode de financement, par des prêts locatifs et des subventions. Celles-ci s'étagent de 10 % au moins à 40 % parfois. Bien entendu, plus le subventionnement est faible, plus le coût est important pour les résidents.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Comment parvient-on à 40 % de subventions ?

M. Gérard Soumet : Par des subventions des communes, des conseils généraux et parfois des caisses de retraite.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : S'agissant de l'investissement, le dispositif en vigueur vous semble-t-il convenir ou pensez-vous préférable d'envisager des partenariats public-privé - dispositif qui ne me convainc pas - ou d'instituer une obligation d'investissement public ?

Mme Maryse Aïo : Le mode de financement actuel nous convient, à la condition que la programmation le permette et que les PLS prévus soient réservés à ces constructions-là.

M. Yves Humez : Certains départements comptent plus d'une dizaine de MARPA. Puisque le dispositif fonctionne et que le rapport qualité-prix est intéressant, tant en termes de vie sociale que de coût, on peut se demander pourquoi ne pas multiplier de telles structures, à condition, bien sûr, que l'accès aux prêts locatifs aidés soit garanti.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les résidents des MARPA ressortissent-ils tous de la MSA ?

M. Yves Humez : Non. Nous avons retenu une approche par territoire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Des assouplissements réglementaires vous semblent-ils nécessaires ? Quel est l'impact de la réglementation relative à la sécurité sur le montant des investissements ?

Mme Maryse Aïo : Certaines MARPA bénéficient de la dotation de développement rural. Dans ce cas, il n'y a théoriquement pas de cumul possible avec les PLS, mais l'application de cette règle varie, ce qui entraîne des disparités entre les départements. Cela doit être clarifié. Il faut aussi, je l'ai dit, veiller à la programmation. Enfin, s'agissant de l'APA, l'approche est strictement binaire - établissements ou domicile - contrairement aux dispositions prévues dans les textes. Les solutions alternatives sont insuffisamment reconnues, voire considérées comme dérangeantes par des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales qui sont pour les uns spécialisés dans l'aide sociale à domicile, pour les autres dans l'aide sociale en établissements et qui ne souhaitent pas mêler les dispositifs. Il faut sans cesse négocier, ce qui est paradoxal puisque les dispositions légales existent, et cette bataille permanente peut freiner la création de nouvelles structures.

M. Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes : Parmi les réalisations de la MSA, il faut notamment souligner l'intérêt de celles qui viennent d'être qualifiées de « troisième voie », dans un contexte national marqué par le développement des maladies neuro-dégénératives dont on sait que leur prise en charge devrait souvent relever de ce type de structures, qui pour l'instant peinent à être mises en oeuvre.

Par ailleurs, comment la MSA prend-elle en compte les perspectives démographiques de moyen-long terme dans les orientations de sa politique d'investissement ?

D'autre part, la MSA a une approche originale et il serait dommage que les autres régimes, même s'ils ne sont pas directement opérateurs, ne profitent pas des acquis de cette expérience. Des échanges ont-ils lieu? Arrive-t-il aux autres caisses d'interroger la MSA ?

M. Yves Humez : Nous avons tenu compte du vieillissement de la population, mais étant donné l'allongement de la durée de vie, la population âgée de plus de quatre-vingts ans est appelée à s'étoffer sérieusement au cours de la prochaine décennie. Compte tenu de la demande potentielle, il y a donc encore beaucoup à faire.

Nous aimerions bien rencontrer nos collègues des autres régimes de sécurité sociale, ce qui se produit parfois. Mais il y a une différence d'approche dans la relation avec l'usager. Nous sommes un régime mutualiste qui, fort de ses délégués cantonaux, s'attache à répondre aux besoins exprimés par sa base. Les MARPA sont nées, comme les réseaux gérontologiques, de demandes du terrain. Au départ, nous avons mené seuls ces expérimentations, car les deux autres régimes ne souhaitaient pas s'investir mais les choses évoluent peu à peu. Ainsi, s'agissant des réseaux gérontologiques, la CNAMTS et la CANAM nous ont rejoints, mais leur investissement n'est pas le même que le nôtre.

M. Jean-Luc Préel : Qu'en est-il de l'intéressant projet de maisons médicales ? Plus largement, la création de l'UNCAM ne vous paraît-elle pas compromettre l'avenir de la MSA ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Cette dernière question, qui ne me paraît pas être en relation directe avec le thème de nos travaux, devrait appeler une réponse brève.

M. Yves Humez : Elle le sera. Nous venons de renouveler nos conseils d'administration et de lancer une réflexion stratégique sur ce que nous pensons devoir être notre offre sociale et notre offre de services. Nous avons des idées à ce sujet, nous espérons être entendus et nous comptons continuer de travailler à leur mise en œuvre, tout en adaptant notre réseau pour améliorer la gouvernance de notre régime. Nous observons avec satisfaction que la notion de guichet unique reprend de la vigueur car nous sommes convaincus de longue date qu'il faut offrir une réponse globale aux besoins exprimés.

M. Jacques Portier : Nous sommes particulièrement attentifs à la question de la démographie des professions de santé, peu encourageante, surtout en zones rurales. C'est ce qui nous a conduits à projeter des maisons médicales, structures de soins conçues pour rompre l'isolement et permettre l'exercice professionnel dans un environnement favorable. Dans le même esprit, nous avons lancé une expérimentation avec les pharmaciens, invités à compléter leur activité d'officine en jouant un rôle dans les EHPAD, pour contrôler les posologies par exemple. Nous nous attachons aussi à mettre au point, en partenariat avec les collectivités locales, un système de transport généralisé permettant aux personnes âgées de se rendre dans les lieux de soins. Enfin, dans le cadre des réseaux gérontologiques, des expérimentations visent la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, qui peut varier selon les phases de la maladie. Nous avons donc une approche globale des besoins sociaux et sanitaires de nos assurés.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie. Toutes vos propositions et suggestions seront les bienvenues, particulièrement celles qui viseraient à étendre aux autres régimes vos expériences réussies.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour les personnes âgées (ADEHPA), et M. Claude Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (FNADEPA).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous souhaite la bienvenue. Les travaux actuels de notre mission portent sur le montant du « reste à charge » pour les personnes hébergées en établissements et sur les liens entre secteur médical et secteur social. Dans ce cadre, j'aimerais savoir quel jugement vous portez sur les modalités de financement de l'immobilier.

M. Pascal Champvert : Un mauvais jugement, car l'investissement pèse pour l'essentiel sur les personnes âgées et leurs familles. Les contrats de plan permettraient des progrès mais l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a montré que les retards se multiplient, le plus souvent du fait de l'État. Il peut y avoir quelques subventions des départements ou des communes et des prêts sans intérêt de la sécurité sociale ou des caisses complémentaires. Mais, comme la Cour des comptes l'a relevé, c'est bien sur les résidents et leurs familles que pèse le plus gros de la charge. Ils financent en effet, en moyenne, 60 % du coût global, ce qui est beaucoup trop. L'assurance maladie en supporte 30 %, les départements 10 %.

M. Jean-Luc Préel : Comment expliquer que, dans certaines régions, des ouvertures de lits soient autorisées par le Comité régional de l'action sanitaire et sociale (CROSS) alors qu'elles ne sont pas financées, ce qui crée des disparités inéquitables entre les départements ? Pensez-vous que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) simplifiera les financements alors même que des conventions tripartites ont déjà été signées ? Comment pourrait-on améliorer la logique du dispositif ?

M. Claude Jarry : Ce que nous souhaitons, c'est un financement à la hauteur de l'enjeu, l'enjeu étant qu'un effectif de 250 000 personnes est nécessaire. Les recettes supplémentaires issues de la suppression d'un jour férié auraient été utiles mais, malheureusement, seule une modeste partie de ce montant a été dirigée vers la prise en charge des personnes âgées - et ce, dans une relative confusion, puisque nos concitoyens ne le savent pas. Je rappelle qu'en 2005, 500 millions d'euros devaient leur être consacrés, et 350 millions d'euros thésaurisés. Mais, considérant que le conventionnement a porté sur 171 millions d'euros et que le précédent gouvernement avait prévu 180 millions d'euros par an, force est de constater que ce formidable élan de solidarité a pour résultat que l'on a un peu moins qu'avant.

Puisqu'une partie des sommes a été dévoyée, qu'au moins on se serve du reste. Or, non seulement les 500 millions d'euros prévus sont notoirement insuffisants mais l'on constate avec stupéfaction que les parties intéressées ont été incapables de les utiliser - et ce sera pire cette année, ce qui conduit à thésauriser. Certes, un petit geste a été fait l'an dernier, le gouvernement accordant 50 millions d'euros supplémentaires et le ministre a annoncé l'octroi d'un complément cette année, ce qui est heureux. Mais nous sommes le 15 décembre et le versement de ces ressources supplémentaires ne fait l'objet d'aucune modalité connue. Ainsi, il n'y a pas suffisamment de fonds publics en amont et l'on ne parvient pas à mobiliser ce qui est disponible. À cette situation, il y a des raisons multiples.

Dans un premier temps, l'incitation au conventionnement s'est traduite par une certaine largesse dans la négociation, largesse qui a permis d'augmenter de 0,1 point le taux d'encadrement. Mais ces premières signatures ont eu lieu avec ceux qui voulaient avancer et, aujourd'hui, on nous rappelle fermement la règle « DOMINIC - dotation minimum de convergence - majorée de 35 % ». Or chacun sait que l'on ne peut fonctionner convenablement avec une telle contrainte. La deuxième vague d'établissements est donc moins encline au conventionnement parce qu'elle n'en voit pas l'intérêt. De plus, il peut arriver que des directeurs de petites structures, tout entiers pris par les problèmes quotidiens, n'aient pas l'esprit à l'élaboration des conventions ; le décret relatif à la qualification des directeurs d'établissement peut arranger les choses. La dynamique n'y est pas non plus chez les deuxièmes partenaires que sont les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS). Enfin, le conventionnement engage les collectivités, troisièmes partenaires, dans une démarche coûteuse qui rendrait nécessaire un appel d'impôt impopulaire...

Enfin, il faut savoir que les directeurs d'établissements sont mobilisés six mois par an pour l'établissement du budget et des comptes administratifs et que les budgets étant donnés, au mieux, l'été, les décisions prises à l'automne ne peuvent s'appliquer que l'année suivante.

M. Jean-Luc Préel : Qu'en est-il des ouvertures de lits autorisées par le CROSS alors qu'elles ne sont pas financées ?

M. Pascal Champvert : Ce que dit la Cour des comptes, et que nous ne cessons de répéter depuis des années, c'est que le retard constaté est dû à l'insuffisante coordination des politiques dans le secteur. En dépit des plans successivement adoptés depuis 1975, malgré la réforme de la tarification, malgré le plan « Vieillissement et solidarités », il manque du personnel dans les établissements, il manque du personnel pour les services à domicile, il manque des places d'hébergement, et les personnes âgées payent de trop lourdes charges. Nous avons évalué le retard accumulé par rapport à ce qui avait été annoncé par l'État et nous l'estimons à 500 millions d'euros pour la période 2001-2006. Je souligne que ce calcul a été fait en prenant pour base ce qui avait été annoncé et non à partir des besoins ; si nous voulions seulement faire ce qui se fait en Allemagne, notre effort devrait être doublé - et je ne parle pas de ce qui serait nécessaire pour nous aligner sur la Suisse, le Danemark, le Luxembourg ou la Norvège. Et si j'avance ce montant avec une telle prudence, c'est que l'on éprouve les plus grandes difficultés à retracer un compte global de la dépendance permettant de suivre les différents financements des différents intervenants.

D'autre part, on ne peut passer sous silence que le fait d'avoir couplé autorisation et financement, ce que toute la profession a contesté, a eu pour conséquence des retards dans la création d'établissements. Le découplage promis par le ministre apportera une bouffée d'oxygène bienvenue.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai pris acte des différentes raisons que vous avez données au retard du conventionnement. Mais seulement 300  conventions signées quand on en annonçait 1  500 à fin 2005, c'est peu.

M. Pascal Champvert : Quelques autres le seront avant la fin de l'année mais l'on comprend bien qu'il n'y a pas d'intérêt à signer de nombreuses conventions s'il y a peu d'argent. Là est l'explication du blocage. Les ressources étaient insuffisantes en 2005, il y en aura un peu plus en 2006...

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Selon vous, la CNSA sera-t-elle efficace ?

M. Claude Jarry : On ne peut mettre en doute une institution qui s'installe, il faut attendre. J'observe toutefois que tout reposait sur une démarche qualité, mais que cela a été oublié et que l'on est tombé dans une démarche de forfait. Nous étions favorable au conventionnement, car les audits donnent des éléments intéressants pour déterminer ce qui fonctionne et ce qui reste à faire. C'est intéressant pour tous : le personnel mais aussi les familles représentées au sein des conseils de la vie sociale.

On met en place une démarche qualité avec un objectif à atteindre. On dit en quoi ce qui est fait aujourd'hui n'est pas satisfaisant, voire peut être dénoncé puisqu'on a beaucoup parlé de maltraitance.

Nous sommes donc sur la ligne de départ, avec un objectif d'autant plus impérieux que la judiciarisation et la médiatisation nous mettent la pression, mais on ne donne pas à l'équipe, aux familles, à tous ceux qui font la force d'un établissement les moyens de leur démarche. Demanderait-on à Ferrari de gagner un grand prix avec un moteur d'une génération précédente ?

Dans la mesure où il n'y a plus d'impulsion, ceux qui y ont cru sont déçus et ceux qui n'y ont pas cru se disent qu'ils avaient raison. Sur quels critères peut-on mobiliser aujourd'hui ? Pas sur la démarche qualité, puisqu'on n'est pas dans le forfait alors qu'on nous avait dit qu'il fallait évoluer vers lui de manière graduelle, mais que nous serions accompagnés. Aujourd'hui, on nous demande de faire un projet tout de suite et d'entrer dans la « DOMINIC + 35 ». On est ainsi retombé dans ce qu'on connaissait avant : peu de moyens, peu d'ambition et donc peu de dynamique. Les choses sont même pires puisqu'il y a la déception en plus.

M. Pascal Champvert : Je partage largement ce qui vient d'être dit, la seule différence est que nous étions beaucoup plus sceptiques dès le départ car nous avions le sentiment qu'il n'y aurait pas assez pour tout le monde. Du coup, comme nous le pressentions, tout le monde n'a pas pu signer, les logements-foyers et les unités de soins de longue durée (USLD) ayant été exclus de la réforme, et on a été obligé de saupoudrer, comme on l'a vu au cours de l'exercice 2005, avec la « DOMINIC + 35 ».

À partir du moment où une enveloppe est fixée, les directeurs départementaux de l'action sociale sont piégés car à signer trop de conventions dès le début, ils risquent de ne plus avoir assez d'argent à distribuer et de ne pas atteindre leurs objectifs, tels que les leur avaient assignés les précédents ministres, M. Hubert Falco et Mme Catherine Vautrin. Mais ce n'est pas le nombre de signatures qui compte ! Aujourd'hui chacun sait que ce que nous disons depuis des années est vrai : après le rapport de la Cour des Comptes, les études du Commissariat général du plan, on ne peut plus nous dire que demander un doublement du personnel relève de la démagogie.

Dès lors qu'on fait le constat de ce retard il faut engager des moyens pour le rattraper, mais aussi lever un certain nombre d'obstacles. Pour traiter des enjeux financiers, nous avons demandé qu'une grande conférence nationale réunisse l'ensemble des acteurs. M. Philippe Bas nous a dit que la prochaine Conférence de la famille en serait l'occasion, et cela va dans le bon sens. Mais il faut aussi lever les obstacles techniques.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Lesquels ?

M. Pascal Champvert : Tout d'abord, ces signatures de conventions. Le principe était bon, mais dès lors qu'il apparaît que c'est un facteur de blocage, il faut assouplir le mécanisme. Que va-t-on faire des établissements qui renouvellent leur convention en 2006, et qui, à l'origine, ont signé à un niveau plus élevé qu'aujourd'hui ?

Le lien entre autorisation et financement est aussi un obstacle à la création d'établissements.

Tout ce qui permettra que tous les crédits soient débloqués ira dans le bon sens.

Un certain nombre d'établissements n'ont pas signé parce que la convention est un pur exercice de style en raison de l'application de la « DOMINIC + 35 ». Or, dans le même temps, le législateur a accru les obligations des établissements, notamment en renforçant les droits et libertés des personnes accueillies dans les établissements pour personnes âgées comme dans tous les établissements médico-sociaux. Il y a donc d'un côté les exigences de plus en plus importantes des personnes âgées et de leurs familles, ce que la société leur accorde légitimement, de l'autre un cadre très contraint, avec des moyens très en retard. Entre les deux, on aura à coup sûr des problèmes de responsabilité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous n'introduisez pas dans votre réflexion la question du « reste à charge » dans le prix d'hébergement. Quelles propositions feriez-vous pour qu'il reste à un niveau acceptable ?

M. Pascal Champvert : J'ai dit d'emblée qu'il était beaucoup trop important.

Si on mutualise une grande partie de l'hébergement, les personnes âgées et leurs familles vont faire des économies, mais il faut savoir qui va payer. C'est bien pourquoi nous demandons une grande conférence nationale.

Le rapport d'évaluation de M. Jean Leonetti concernant la journée nationale de solidarité constate qu'il faudra trouver d'autres modes de financement que le jour férié et trace quelques pistes : CSG, impôt sur les successions, impôt sur les sociétés.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Mais il ne dit pas concrètement comment faire...

M. Pascal Champvert : C'est simple : il faut modifier la tarification des établissements, diminuer le tarif d'hébergement, faire en sorte que certaines charges comme l'amortissement ne soient plus indûment supportées par ce tarif. En tant que directeur d'hôpital, si je vais discuter avec mon adjoint des trombones et des boîtes de conserve, je suis payé par l'assurance maladie, mais si je travaille dans une maison de retraite, je suis payé, y compris quand je fais une réunion avec les médecins et les infirmières sur la continuité des soins, par la personne hébergée. Ça n'a aucun sens ! Il faudrait qu'au moins un tiers, si ce n'est les deux tiers du salaire d'un directeur soient supportés par l'assurance maladie ou par le forfait dépendance. Et on peut multiplier les exemples : les psychologues sont payés sur le forfait dépendance alors qu'ils devraient être payés par l'assurance maladie comme c'est le cas dans les hôpitaux ; les aides-soignantes, quand elles travaillent en maison de retraite, sont payées pour une petite partie sur l'hébergement, ce qui est totalement anormal ! Que ce soit dans les hôpitaux ou dans les services de soins à domicile, les aides-soignantes sont entièrement payées par l'assurance maladie.

Remettre tout ceci en cause suppose une nouvelle répartition, dont il faut débattre très largement.

M. Claude Jarry : Je veux dénoncer une mécanique de plus en plus fréquente et à laquelle j'ai moi-même dû recourir, comme nombre de ceux qui sont dans l'incapacité de répondre aux besoins, y compris des établissements ayant signé une convention.

Quand on dit qu'on manque de personnel, il s'agit de celui dont on a besoin pour couvrir un besoin, mais pas uniquement. Prenons l'exemple d'un établissement que je dirige. Pour couvrir le week-end, en dehors de la nuit, nous avons besoin de neuf personnes par jour, soit 18 personnes. Quand on a 12 équivalents temps plein, on est contraint de recourir au temps partiel non choisi. Le problème est celui de l'attractivité de ces professions. Dans le cadre du budget prévisionnel 2006, j'ai dû proposer la création d'un temps plein d'agent de service hospitalier (ASH), pour l'essentiel à la charge des usagers, pour faire des soins, donc pour décharger les aides-soignantes et rendre les postes plus attractifs. Le conseil de la vie sociale n'est pas prêt à payer n'importe quoi, mais il l'accepte car il comprend que la qualité a un coût.

Dans la mesure où on a une contrainte budgétaire forte, tout ce qui vient en plus, notamment en termes de qualité, se répercute sur le prix d'hébergement et est à la charge du résident.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous êtes en train de dire que la réforme de la tarification, qui avait pour objectif principal d'identifier ce qui relevait du soin et de la dépendance dans ce qui était supporté respectivement par les personnes âgées et par la sécurité sociale, est en train d'être balayée et que vous en êtes à nouveau à faire supporter une partie des soins par le tarif d'hébergement.

Il faudrait que vous fournissiez tous les éléments précis à notre mission. Vous nous dites que des soins sont effectués par des personnels non qualifiés. Avez-vous une idée du nombre de postes concernés ?

M. Claude Jarry : Il n'y a pas d'étude précise dans notre secteur. Mais nous pouvons calculer l'écart entre les postes prévus dans les conventions de première génération et ceux qui ont effectivement été accordés. Car ce dont je vous parle, c'est de la qualité décidée ensemble, en conseil de la vie sociale avec les familles. Mais ensuite, on nous a imposé la « DOMINIC + 35 ». Chez nous, il était prévu 2,5 postes non financés, ainsi qu'un poste de secrétariat et un poste d'homme d'entretien. Aujourd'hui, nous ne nous posons plus la question de l'entretien des espaces verts... Faute des postes prévus dans la convention, soit on abandonne la qualité, soit on la maintient mais ce sont les usagers qui la paient, soit on revient en arrière, ce qui est un crève-cœur.

On peut aussi quantifier le nombre de postes financés par le conseil général et non par l'État, je pense en particulier aux aides-soignantes et aux aides médico-psychologiques (AMP). Je dirige trois établissements, dont deux créés en 2002, pour lesquels j'ai un surplus sur la section dépendance, que je restitue chaque année, et un déficit sur la section hébergement. Je demande régulièrement à l'État de me donner les postes prévus dans la convention tripartite. Eh bien, à un moment donné, quand on ne peut plus attendre, il faut prendre ses responsabilités. C'est ce que nous avons fait pour le doublement du personnel de nuit, en finançant un poste d'ASH. Voilà ce que nous vivons !

Je veux aussi insister sur le poids des hospitalisations. Le plan de rattrapage pour la sécurité sociale portera le forfait hospitalier à 15 euros l'an prochain. On nous dit régulièrement que nos établissements ont vocation à accueillir des personnes de plus en plus dépendantes, qui peuvent être amenées à aller à l'hôpital dans le cadre du réseau de soins dans lequel nous sommes invités à nous inscrire. Or chaque journée à l'hôpital fait « gagner » 15 euros à l'usager à l'aide sociale, car ils sont retranchés de sa facture, mais les fait supporter à la collectivité. Au total, pour un établissement comme ceux que je dirige, ce manque à gagner représente 10 000 euros par an, ce n'est pas rien.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous semble-t-il normal qu'une grande partie des gens aillent ainsi à l'hôpital ?

M. Claude Jarry : Naturellement non. Le plateau technique de l'hôpital nous est extrêmement précieux, mais le parcours qu'y effectue une personne âgée est très pathogène. Mais c'est un effet de la faiblesse de notre taux d'encadrement : il y a bien des hospitalisations injustifiées, comme celles du week-end ou de la nuit, parce que nous n'avons pas d'infirmières.

M. Pascal Champvert : Sur le fait que des charges sont indûment supportées par les personnes âgées, je donnerai un exemple. Nous avons soutenu fortement, du point de vue de la promotion professionnelle, la valorisation des acquis de l'expérience des aides-soignantes. L'idée est bien que les gens qui ont pratiqué des activités d'aide-soignant pendant longtemps peuvent obtenir le diplôme. Mais, en clair, on institutionnalise le fait que, depuis des années, des ASH - des femmes de ménage - font des toilettes de personnes hébergées, donc des actes soignants, en dehors de toute légalité, au risque que l'établissement soit condamné en cas d'accident. Or la plupart de ces ASH sont payées par le forfait hébergement. Certaines directions des affaires sanitaires et sociales (DDASS) les laissent sur le forfait soins, en fermant les yeux sur les diplômes, mais c'est exceptionnel.

Je veux aussi insister sur des problèmes de santé publique qui vont émerger de plus en plus.

Le premier est l'insuffisante prise en charge psychiatrique des personnes âgées et très âgées. La plupart des hôpitaux psychiatriques expliquent que leur principale préoccupation, notamment en zone urbaine, est l'accompagnement de la jeunesse dans les banlieues et qu'ils ne sont plus en mesure d'accompagner les personnes âgées. Le nombre de personnes qui ne peuvent avoir accès au suivi psychiatrique dont elles auraient besoin, en maison de retraite et a fortiori à domicile, devient préoccupant.

Deuxième problème, l'accès aux soins à l'hôpital. Avec la tarification à l'activité (T2A), les hôpitaux publics et les cliniques privées sont poussés à faire sortir les gens le plus vite possible. Or, par exemple après une opération, nous ne pouvons reprendre les personnes âgées qui sont sorties très rapidement de l'hôpital. Des conflits naissent ainsi entre les hôpitaux et les établissements. Le cahier des charges des conventions tripartites prévoit à juste titre la signature de conventions entre les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées. Extrêmement peu l'ont été avec des hôpitaux psychiatriques. Avec les mesures post-canicule et les plans bleus, les services de l'État ont incité les hôpitaux publics à le faire, mais elles restent extrêmement marginales et même, dans certains départements, ne sont pas signées car il est difficile de passer un accord entre les hôpitaux et les maisons de retraite. Cela confirme le manque de moyens des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) pour accompagner les personnes qui sortent de l'hôpital.

Enfin, on souligne trop peu qu'un certain nombre d'établissements, qui ont signé une convention avec un GIR moyen pondéré (GMP), donc un niveau moyen de handicap des personnes âgées accueillies, ne veulent pas le voir augmenter. Ils ont raison, car les financements, qui y sont prétendument liés, n'augmenteront pas, ce qui est logique puisque les DDASS ont déjà des difficultés à passer des conventions avec d'autres établissements. Nous conseillons aux établissements, dès lors que les moyens n'augmentent pas, de faire en sorte que la charge de travail et la charge d'accompagnement - et donc le GMP - n'augmentent pas non plus. Cela signifie qu'une sélection est opérée à l'entrée des établissements et que, quand on est en GIR 1 ou 2, en particulier en zone urbaine, on a du mal à trouver une place. Qui plus est, de nombreux services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) font la même chose car les soins supposent parfois plusieurs visites de plusieurs infirmiers par jour. L'accueil de ces personnes, qui sont pourtant celle qui en auraient le plus besoin, risque donc de devenir de plus en plus difficile, même si M. Philippe Bas, ministre en charge des personnes âgées, a annoncé un doublement du nombre de places - ce qui ne fera quand même que 20 000 alors que le Commissariat général du Plan dit qu'il en faudrait 40 000. A ce propos, la transparence voudrait qu'on nous dise où les 10 000 nouvelles places ont été créées.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous une idée de la durée moyenne de séjour dans vos établissements ?

M. Pascal Champvert : On a écrit qu'elle était d'un an et demi à deux ans, mais je ne suis pas sûr que, dans le social, la durée moyenne de séjour soit une bonne façon d'appréhender la réalité des choses. En effet, certains entrent en établissement pour personnes âgées pour un mois ou deux alors qu'ils ne devraient pas y entrer puisqu'il y a des établissements pour accompagner la fin de vie et que nous-mêmes n'en avons pas les moyens. Je pense donc qu'il faudrait aider dignement ces personnes à terminer leur vie chez elles.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je comprends que vous affirmiez que vos établissements ne sont pas faits pour cela, mais on peut quand même s'interroger sur une évolution de la demande vers la prise en charge de la fin de vie. Car si les gens viennent dans les établissements pour mourir, M. Claude Jarry a raison de dire que la tarification à l'activité est inadaptée.

M. Pascal Champvert : On annonce depuis dix ans la mort des logements-foyers ou du moins leur transformation en EHPAD. La réforme de la tarification avait d'ailleurs repris cette idée. Or on constate que beaucoup de logements-foyers sont sortis de cette réforme et continuent à accueillir des personnes âgées. Voilà un élément de la demande. Et j'entends bien que les établissements doivent déterminer leurs projets en fonction de cette dernière.

M. Claude Jarry : Il n'appartient pas aux directeurs d'établissement de « faire » la demande ou le besoin, ils sont là pour y répondre.

Il faut être objectif : un certain nombre de choses ont quand même changé ces derniers mois. La réflexion sur les petites unités de vie (PUV) - j'ai écouté l'audition précédente sur les MARPA - a permis d'élargir le spectre de l'offre. Demain, plus que des places, ce sont des solutions que nous devrons proposer, et notre offre devra donc être capable d'évoluer avec le besoin. Déjà, nombreux sont ceux qui pratiquent l'accueil de jour avec ramassage à domicile. En amont et en aval de l'EHPAD, dont l'hôpital restera un partenaire précieux, il y aura toute une gamme de solutions, en particulier pour prendre en compte une dépendance sans doute plus importante. Nous aurons donc besoin à la fois de plus de moyens pour les structures qui l'accueilleront et d'un maillage dans un réseau qui prenne en compte la réalité du territoire.

Je crois aussi qu'on est sorti d'une logique du tout-médicalisé et du tout-conventionné. Ce qui compte maintenant, c'est l'offre de prestations, le choix offert aux gens. Tant qu'il y aura des opérateurs, des promoteurs, des conseils d'administration, des conseils de la vie sociale qui croiront en leur projet d'établissement, il y aura des choses à faire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La Cour des comptes montre bien que la complexité des circuits de décision et de financement ne permet pas forcément que les projets soient implantés sur le territoire le plus pertinent. Pensez-vous que la CNSA pourra soutenir cette dynamique ?

M. Claude Jarry : Je souhaite que cette dynamique vienne du terrain et que la CNSA soit suffisamment à l'écoute pour l'accompagner.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous croyez beaucoup à l'implication des conseils généraux à partir des schémas départementaux gérontologiques ?

M. Claude Jarry : Je constate que les collectivités territoriales, même si quelques-unes sont à la traîne, ont compris le problème et s'investissent dans ce secteur. Peut-être attendaient-elles aussi qu'on procède à des simplifications : le blocage sur les logements-foyers et sur les petites unités de vie posait problème.

Cela étant, je pense qu'il faut simplifier mais sans aller vers des normes trop rigides qui pourraient bloquer l'initiative, et donc en faisant confiance à la négociation sur le terrain. Prenons l'exemple des petites structures de vie communautaire, non médicalisées, de type CANTOU : le concept était intéressant, mais il a été récupéré par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAVTS) et modélisé, et sa reproduction pose problème. Cela confirme que c'est sur le projet qu'il faut mettre l'accent.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous proposez rien moins que de remettre en cause l'ensemble des dispositifs, et pas seulement la réforme de la tarification. L'expérimentation prévue explicitement par la loi du 2 janvier 2002 n'est pas utilisée. J'aimerais que vous nous fassiez des propositions très concrètes en vue d'améliorer la logique territoriale et d'offrir plus de souplesse.

M. Claude Jarry : Dans les réunions que nous organisons, nous partageons nos expériences. À GérontExpo, à une table ronde à laquelle je participais aux côtés de M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale, un directeur départemental de l'action sociale s'est demandé pourquoi l'information sur les expériences qui étaient présentées ne lui était pas parvenue. Je crois, en effet, qu'il y a énormément d'initiatives sur le terrain, mais que l'information ne remonte pas.

M. Pascal Champvert : La commission prospective de la CNSA va essayer de favoriser les innovations, de les faire connaître et de les soutenir.

Je voulais insister, à propos du suivi des comptes et des objectifs, sur une véritable dérive autour des questions de sécurité incendie. Quand les commissions de sécurité rendent des avis conformes aux textes existants, le seul problème est de trouver les financements nécessaires aux travaux. Mais il est anormal que certaines aillent jusqu'à dire le droit et à imposer des travaux que la réglementation n'exige pas. Or on ne peut former recours contre leurs avis - car il ne s'agit pas de décisions -, et si nous attaquons le maire ou le préfet qui suit l'avis de la commission, le jugement n'est pas rendu par le tribunal administratif avant plusieurs années, ce qui nous met dans une situation inextricable. Nous avons saisi depuis très longtemps le ministère du logement et la direction générale de l'action sociale, mais ils se heurtent au blocage du ministère de l'intérieur, qui a autorité sur les commissions de sécurité incendie et sur les pompiers. Ce blocage administratif, souvent sans lien avec une sécurité raisonnable des personnes hébergées, a des conséquences financières considérables. Je suis donc persuadé que seul le Parlement peut aujourd'hui faire évoluer les choses.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Nous avons déjà été alertés sur ce point.

Dans son premier rapport, le Commissariat général du Plan montre que la création de places est depuis plusieurs années uniquement portée par le secteur privé à but lucratif. Avez-vous une explication ?

M. Pascal Champvert : Le secteur commercial est capable de lever des fonds bien plus vite que le secteur public. Je dirige un établissement public et je connais donc bien le parcours du combattant qu'il faut suivre pour obtenir une subvention auprès d'une trentaine d'organismes qui ont chacun une procédure différente. Là aussi, une simplification s'impose.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La question, que nous nous posons depuis le début, de l'identification des dispositifs d'investissement, est donc essentielle.

M. Pascal Champvert : Absolument.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie pour vos interventions passionnées et je vous rappelle que nous attendons toutes les propositions écrites que vous souhaiterez nous faire parvenir, notamment à propos de la formation des personnels.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu M. Yves Journel, président du syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (SYNERPA) et Mme Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du SYNERPA, M. Emmanuel Duret, président de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP) et M. Yves-Jean Dupuis, directeur de la FEHAP.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous souhaite la bienvenue. Notre mission fait porter ses travaux actuels sur le financement des maisons de retraite et sur le coût de l'hébergement pour les personnes âgées et leurs familles. Elle s'intéresse aussi à l'approche médico-sociale. Une étude du Commissariat général du Plan montre que les créations de places ont principalement lieu dans le secteur commercial. Pensez-vous que les différents opérateurs - secteur public, secteur associatif non lucratif, secteur commercial - soient sur un pied d'égalité en matière de financement ?

M. Yves Journel : Oui, puisqu'ils rendent le même service avec les mêmes moyens. Que le secteur privé commercial ait accès à des modes de financement de l'immobilier, c'est possible, mais c'est la seule différence. Pour le reste, le prix de revient par jour et par résident est le même pour tous, et il me semble utile de le décomposer.

Le prix de revient s'analyse en trois blocs : prise en charge du soin, prise en charge de la dépendance, hébergement. Or, la prise en charge du soin s'élève à 17 euros pour le secteur commercial et à 19 euros pour les autres secteurs, mais ce montant ne tient compte ni de l'amortissement du coût de l'immobilier ni des charges liées à l'administration et à la direction. De même, la prise en charge de la dépendance, à raison de 30 % des frais de personnel relatifs aux aides-soignantes et aux aides hôteliers, est d'environ 10 euros pour le secteur commercial et de quelque 12 euros pour les autres secteurs, sans que l'on tienne davantage compte de l'amortissement d'immeubles dont l'adaptation à des personnes handicapées requiert pourtant des aménagements particuliers.

Tout le reste est imputé à la section hébergement. Par « reste », il faut entendre l'alimentation pour 4 euros au minimum, les autres achats pour 5 euros, les services extérieurs pour 8 euros, les impôts et taxes pour 2 euros, soit 19 euros auxquels s'ajoutent 3 euros d'amortissement des agencements intérieurs. À ces 22 euros il faut adjoindre les charges de personnel, à hauteur de 70 % du coût des aides hôteliers, soit 20 euros par jour. Que constate-t-on? Que pour cette seule section on a déjà dépensé 42 euros, ce qui correspond au revenu moyen des personnes âgées en France, sans que l'immeuble, qui coûte plus ou moins cher selon les lieux, soit financé.

Or les immeubles étaient beaucoup moins cher il y a dix ans qu'ils ne le sont aujourd'hui, en raison de l'édiction de normes nouvelles et parce que l'on a créé des chambres particulières et de plus vastes espaces collectifs, passant au total de 37 m² à 52 m² par lit, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Mais dans le même temps le coût des travaux et de la charge foncière a augmenté si bien que le coût du lit varie désormais de 70 000 à 120 000 euros. Il en résulte un loyer quotidien de 17 à 18 euros alors que le loyer moyen, hors établissements, n'est que de 5 à 7 euros.

En résumé, le prix de revient global de l'hébergement est de 60 euros alors que le revenu moyen des personnes est de 42 euros. On est dans une impasse, que le secteur commercial résout en fixant un tarif moyen de 60 euros, avec un quartile à 47 euros - ce sont souvent des établissements anciens dont les immeubles sont amortis - et un quartile à 80 euros. C'est ce qui lui permet de financer son parc immobilier. Aux autres secteurs on impose des contraintes tarifaires, et si le tarif fixé est inférieur à 60 euros, ils doivent chercher des financements. Le vrai problème, c'est la différence entre une charge objective de 60 euros et une ressource inférieure d'un tiers.

En réalité, la prise en charge des soins par la collectivité est nettement insuffisante, car beaucoup est omis dans la prise en charge actuelle : les locaux, les process, les frais de direction et d'administration. Lorsque le taux d'encadrement est de 0,3, il n'y a pas de comité d'entreprise ; lorsque l'effectif s'accroît, la gestion du personnel devient beaucoup plus lourde, mais ce n'est pas davantage pris en charge. Les particularités des immeubles qui tiennent à la prise en charge de la dépendance tels que les équipements spéciaux ou la nécessité de couloirs larges d'un mètre quatre-vingt-dix, par exemple, sont d'autres contraintes reportées sur la section hébergement. L'analyse par le prix de revient permet de comprendre quel est le nœud du problème.

M. Emmanuel Duret : Bien que représentant la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif, je me retrouve dans cette analyse même si, dans nos établissements, les prix de revient s'étagent de 41 euros à 59 euros, avec une moyenne de 47 euros et une répartition sensiblement équivalente. Il est effectivement anormal que la totalité des coûts d'amélioration ou de remise aux normes repose sur le budget d'hébergement. Je considère également qu'il serait assez normal de faire peser une partie de cette charge sur les budgets dépendance et soins. Je souligne que, si nos établissements peuvent plus facilement que les établissements commerciaux obtenir des subventions, cela ne change rien sur le fond car il leur faudra quand même amortir le prix de la construction, charge que l'on retrouvera dans le prix de l'hébergement. Voilà ce qui explique un certain retard. Par ailleurs, il faut trouver un équilibre entre une sécurité nécessaire et un empilement continu de normes nouvelles, imposées avant même d'avoir été chiffrées.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Cette remarque est récurrente.

M. Emmanuel Duret : Les directeurs d'établissements voient tomber une avalanche de normes nouvelles, facteurs d'accroissement permanent des coûts, qui sont malheureusement répercutés dans le prix demandé aux résidents ou à leur famille. La question est d'autant plus épineuse que, si l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) a augmenté temporairement la solvabilité des intéressés, cette tendance trouve ses limites. Les seules normes anti-incendie renchérissent les coûts de 7 à 10 %. Or ce sont des travaux très importants, car ils obligent à revoir les circulations, et de nouvelles normes sont régulièrement édictées, qui induisent toutes des surcoûts. Les normes relatives à l'hygiène sont plus simples à appliquer, car elles renvoient davantage à des protocoles de soins.

Mme Florence Arnaiz-Maumé : Vous nous avez interrogé sur l'égalité entre les différents secteurs en matière de financement. Je me dois de souligner que l'on revient de loin et que la réforme de la tarification a induit une égalité beaucoup plus marquée qu'elle ne l'était il y a cinq ou sept ans. Mais, globalement, nous sommes les seuls à appliquer la « DOMINIC + 35 », les autres secteurs bénéficiant du dispositif du clapet anti-retour.

M. Yves Journel : Les surcoûts immobiliers sont très nombreux. C'est bien pourquoi les dossiers concernant des établissements nouveaux présentés aux comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS) font ressortir un prix moyen de 100 000 euros par lit. Or, si l'on ramène ce prix à la surface privative, qui est de 20 mètres carrés, on parvient à 5 000 euros le mètre carré, un écart phénoménal avec le prix des logements ordinaires.

M. Yves-Jean Dupuis : L'impact le plus important est celui du prix du foncier, qui entraîne de grandes variations dans les tarifs au lit construit selon que l'on est dans une métropole ou ailleurs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il y a un grand écart, pour les personnes âgées, entre le coût de l'hébergement en services hospitaliers et en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Par ailleurs, la MSA, que nous venons d'entendre, a fait le choix de la non médicalisation.

M. Emmanuel Duret : La médicalisation des établissements augmente et elle est souhaitable étant donné les pluripathologies qui découlent de l'allongement de la durée de vie. La tendance est donc au rétrécissement de l'écart.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Une personne âgée mourant à l'hôpital n'aura payé que le forfait hospitalier. Si elle meurt en EHPAD, l'hébergement lui aura coûté beaucoup plus cher. Or, puisque de plus en plus de gens finissent leurs jours en EHPAD, n'est-ce pas plutôt de soins que d'hébergement qu'il s'agit ? Il y a là une discrimination inacceptable.

M. Yves Journel : Une partie des coûts immobiliers doit être imputée aux budgets « soins » et « dépendance ». Lorsque vous êtes autonome, vous habitez un immeuble dans lequel on a construit 25 mètres carrés de surface collective pour vos 20 mètres carrés de surface privative. Si, pour la même surface privative, on en est à 52 mètres carrés de surface collective en EHPAD, soit deux fois plus, c'est que l'on tient compte des contraintes liées à la dépendance. Voilà ce qui explique le renchérissement du coût de l'immobilier.

M. Emmanuel Duret : Je partage sans réserve ce point de vue. Il n'y a lieu d'affecter à la section hébergement que ce qui correspond à l'hébergement d'une personne valide. Tout le reste devrait relever des budgets « soins » et « dépendance ».

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous le sentiment d'un glissement des frais de personnel vers d'autres budgets que ceux auxquels ils devraient être affectés ?

M. Yves-Jean Dupuis : Il n'y a pas de glissement car il n'y a jamais eu de mise à niveau. De tout temps, on a affecté au volet « hébergement » ce qui aurait dû l'être aux budgets « soins » ou « dépendance », et la « DOMINIC + 35 » n'a pas permis la redistribution souhaitable, si bien que les résidents continuent de régler des charges qui devraient relever d'un autre secteur. De plus, les établissements qui ont signé les premières conventions tripartites à des conditions plus avantageuses que la « DOMINIC + 35 » risquent de devoir procéder à des réaffectations budgétaires de personnel anormales lors du renouvellement des conventions.

M. Yves Journel : La démarche analytique n'est pas très savante. Il suffit de comparer les coûts de personnel dans un hôtel-restaurant et dans un EHPAD pour évaluer la différence qui est mise à la charge de la personne âgée sur la section hébergement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les considérations financières expliquent-elles à elles seules le faible nombre des conventions signées ? Même si le financement n'est pas à la hauteur, il existe !

M. Emmanuel Duret : En moyenne nationale, de 50 à 60 % de nos établissements ont signé une convention tripartite. La lenteur des signatures a des causes multiples. La démarche elle-même était très ambitieuse car elle suppose l'élaboration de projets et de référentiels de qualité qui ont pu sinon décourager du moins faire différer les signatures par les petits établissements où le personnel de direction est peu nombreux. Le maquis réglementaire n'a pas facilité les choses. Les établissements déjà en avance ont profité d'un effet d'aubaine en signant les premiers avec une « DOMINIC + 70 », voire « + 80 ». Ensuite, le mouvement s'est poursuivi avec des ressources plus faibles, et plus on approchera la DOMINIC « sèche », plus le conventionnement sera difficile à obtenir. D'ailleurs, ceux qui ont signé sont inquiets de la perspective de la suppression du clapet anti-retour.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les familles se plaignent-elles des coûts auprès de vous ?

M. Emmanuel Duret : La création de l'APA avait détendu la situation, mais il y a une limite à la solvabilité des résidents et de leurs familles. Par ailleurs, la tendance étant à la prolongation de la durée moyenne de séjour, le coût de l'hébergement est ressenti comme insupportable par les résidents qui sont en place depuis longtemps.

M. Yves Journel : Il est exact que l'augmentation du prix de l'hébergement dépasse celle des ressources des personnes, mais la tension n'est pas plus forte qu'il y a trois ou quatre ans. En revanche, le niveau d'exigence s'élève, ce qui est légitime, et chacun est plus attentif à la qualité des prestations. Ces exigences plus fortes conduisent à des investissements supplémentaires qui renchérissent le prix de journée, et les résidents en place protestent car ils n'ont pas toujours conscience que les améliorations ont un coût.

M. Yves-Jean Dupuis : L'obtention de l'aide sociale devient de plus en plus difficile et le recours sur succession, pour la partie hébergement, de plus en plus prégnant. Aussi de nombreuses familles renoncent-elles à demander l'aide sociale et font pression pour que le prix de journée n'augmente pas trop.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quelle part du coût de l'hébergement est consacrée à l'investissement ?

M. Emmanuel Duret : Mieux vaudrait sans doute comparer le coût d'une construction adaptée aux besoins d'une personne âgée à celui d'un logement-foyer.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Selon les représentants de la MSA, le prix du mètre carré construit est de 1 270 à 1 461 euros pour les MARPA.

M. Yves Journel : Sans doute, mais il reste à savoir pour quelle surface totale. Le prix de revient au mètre carré, hors foncier, s'établit effectivement à 1 300 euros environ mais le problème tient à ce que, dans les EHPAD, 20 mètres carrés de surface privative impliquent la construction de 52 mètres carrés au total. Le surcoût de loyer qui en résulte devrait être pris en charge par les budgets « soins » et « dépendance ».

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Certains départements pratiquent l'aide à la pierre.

M. Emmanuel Duret : Les établissements en sont solvabilisés pendant la phase des travaux, mais il leur faudra dans tous les cas amortir l'investissement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La mission, qui constate des concepts différents selon les structures, recueillera avec intérêt les propositions que vous pourrez lui soumettre.

M. Yves Journel : La diversité de l'offre est à préserver absolument. À cet égard, on ne peut que s'inquiéter de la tendance continue à la normalisation pour des raisons budgétaires. Avec les forfaits de soins contingentés, on en vient à une planification sanitaire que je juge dangereuse.

M. Emmanuel Duret : Il faut toujours privilégier l'offre liée aux besoins de la personne. Or, des tendances fortes se dessinent. Les personnes âgées souhaitent légitimement rester chez elles le plus longtemps possible, comme le montre l'âge moyen d'entrée dans les EHPAD. Mais, une fois le pas franchi, elles souhaitent aussi demeurer le plus longtemps possible dans le même établissement, ce qui conduit à la médicalisation des structures. J'ai noté votre remarque relative à l'iniquité des coûts d'hébergement comparés en EHPAD et à l'hôpital mais, en pratique, les personnes âgées préfèrent rester dans l'établissement qui les héberge plutôt que d'être transférées dans un service hospitalier, ce qui annonce la fin.

M. Yves-Jean Dupuis : Nous réfléchissons, au sein de la mission dirigée par M. Michel Thierry, aux moyens de graduer la prise en charge des personnes âgées. Un accompagnement médicalisé est nécessaire dans les EHPAD. À ce stade de la réflexion, nous envisageons trois niveaux. Nous vous transmettrons l'état de nos travaux.

M. Emmanuel Duret : Le niveau moyen de médicalisation est beaucoup plus élevé dans nos établissements que dans les établissements à but lucratif, comme le montre le nombre d'emplois créés, qui est de 4 à 4,5 pour nous et de 8 dans les établissements commerciaux.

M. Yves Journel : Cela s'explique par le fait que nous n'avions pas, auparavant, de section de cure médicale.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : D'autres pays, notamment les pays scandinaves, ont choisi de ne pas médicaliser les établissements - mais la qualité de la prise en charge n'y est pas la même qu'en France. Mon expérience professionnelle antérieure me fait douter de la pertinence d'une trop grande médicalisation.

M. Yves Journel : Le coût du logement représente 30 % de la consommation d'une personne âgée lorsqu'elle est hébergée en EHPAD alors qu'il constitue 18 % de la consommation des ménages. Cette différence de 12 % est considérable.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Madame, Messieurs, je vous remercie.

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