Version PDF

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 9

Jeudi 19 janvier 2006
(Séance de 9 heures 15)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

pages

Auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées

 

- M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS)

2

- Mme Michelle Landreau, première vice-présidente de l'Union nationale des associations du service à domicile (UNADMR), et Mme Stéphanie Bertrand, conseiller technique, M. Emmanuel Verny, directeur général de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), Mme Isabelle Donnio, directrice de l'Association des soins pour personnes âgées et handicapées du nord-ouest de Rennes (ASPANORD)

8

- Mme Dominique Bachelin, directrice de l'hôpital Vaugirard-Gabriel-Pallez, Mme Maryse Arnaud, directrice-adjointe du Centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins, en charge du secteur des personnes âgées, et M. François Bonnevay, chef du service de gériatrie et médecin coordonnateur de l'Unité Alzheimer, M. Michel Thiry, président de la Fédération dijonnaise des œuvres de soutien à domicile (FEDOSAD), et M. Pierre-Henri Daure, directeur des établissements de la FEDOSAD

15

La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS).

M. Pierre Morange, coprésident : La MECSS reprend aujourd'hui ses auditions publiques sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées. La Mission devrait terminer ses travaux sur ce thème fin février-début mars.

Nous entamerons alors un cycle d'auditions publiques sur le premier thème d'évaluation et de contrôle de l'année 2006 qui est « La tarification à l'activité dans les établissements de santé ». Cela nous permettra d'aborder la question importante du financement des hôpitaux et des cliniques. Le rapporteur sur ce thème sera prochainement nommé.

Par ailleurs, je rappelle que la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé, mardi dernier, à la désignation des membres de la MECSS pour 2006. Il y très peu de changements par rapport à la composition de la Mission l'année dernière. Les coprésidents sont inchangés, et Mme Paulette Guinchard continue d'assurer sa tâche de rapporteure sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui. Il convient également de souligner que trois des quatre rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, désignés également avant-hier par la Commission, sont aussi membres de la MECSS. Ces décisions traduisent la volonté d'assurer, d'une part, la continuité de l'action de fond engagée par la MECSS, d'autre part, la meilleure articulation possible entre le travail législatif effectué par la Commission et la Mission en matière de sécurité sociale.

Je rappelle également que le délai de réponse à la notification des préconisations formulée par la MECSS dans son premier rapport sur « L'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale » expire le 24 janvier prochain. A ce jour, seuls M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, ont répondu, de manière d'ailleurs plutôt formelle. Nous attendons les réponses de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, ainsi que des présidents des conseils d'administration et directeurs des caisses et organismes nationaux du régime général de sécurité sociale, c'est-à-dire la CNAMTS, la CNAVTS, la CNAF, l'ACOSS et l'UCANSS.

J'ai maintenant le plaisir d'accueillir M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée. Je donne tout de suite la parole à Mme la Rapporteure, afin qu'elle pose ses premières questions.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Notre Mission s'intéresse notamment au « reste à charge » pour les familles et aux coûts des structures d'hébergement des personnes âgées.

Peut-on démontrer, à votre avis, que des investissements publics en faveur de la création ou de la rénovation de maisons de retraite auraient tendance à réduire les demandes d'aide sociale, les charges des familles se trouvant ainsi allégées ? Peut-on établir quelles sont les conséquences de l'aide à la pierre sur l'aide sociale ? Est-il possible de connaître les effets des investissements des départements en matière d'hébergement sur les variations du montant de l'aide sociale ?

Nous avons reçu les représentants de plusieurs départements, celui des Vosges en particulier, qui nous ont exposé qu'une aide à la pierre de 40 % permettait de réduire à la fois le coût de l'hébergement et celui de l'aide sociale. Le sénateur Bernard Cazeau, en revanche, nous a dit que le conseil général de la Dordogne n'avait observé aucun lien entre les deux éléments.

M. Jean-Louis Sanchez : Je m'attendais davantage à des questions sur l'impact de la départementalisation sur les coûts en matière d'allocation personnalisée d'autonomie (APA), d'hébergement, de médicalisation, ainsi que sur des aspects plus qualitatifs... Mais je vais tenter de vous répondre.

L'aide à la pierre n'est pas généralisée : c'est une aide sociale facultative. Nous n'avons pas mesuré son impact, mais nous sommes inquiets de la forte croissance, ces trois dernières années, de la dépense des départements en matière d'aide sociale à l'hébergement ou des établissements pour personnes âgées (ASH). L'APA en établissement représente 1,025 milliard d'euros, et l'augmentation de l'ASH est due indirectement à l'accroissement des coûts des établissements sous l'effet des conventions tripartites, de la réduction du temps de travail (RTT) et des revalorisations salariales - en particulier pour les personnels d'encadrement. Il est frappant de constater qu'entre 2003 et 2004, pour un nombre de bénéficiaires égal à 119 000 environ dans les deux cas, la dépense a augmenté de 10 %.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : A quoi est liée cette augmentation des coûts ?

M. Jean-Louis Sanchez : Il n'y a pas d'évaluation quantitative des fonctions des établissements. Les prix de journée sont établis de façon très aléatoire. Les mesures nationales de revalorisation salariale et le passage, bien que progressif, aux 35 heures ont eu un impact direct sur les coûts des établissements. Plus généralement, il y a une crise d'efficacité du secteur public, qu'on a pu mesurer à l'occasion du débat sur le taux d'encadrement des établissements : il aurait fallu commencer par se demander à quoi sert exactement cet encadrement.

Selon une étude du Commissariat général du Plan que vous connaissez sans doute, la part des dépenses d'administration est très supérieure dans les établissements publics à ce qu'elle est dans les établissements privés lucratifs. Nous ne sommes ni pour ni contre le privé lucratif par principe, mais il est tout de même intéressant de noter que le mode de fonctionnement a un impact direct sur la dépense. Nous avons étudié les établissements accueillant des personnes âgées dont le niveau de dépendance est relativement élevé, et nos conclusions sont que l'on peut avoir de très bonnes prestations pour un prix de journée de 45 euros, et des prestations de qualité inférieure pour des prix de journée bien plus élevés. Cette dérive des coûts, que l'on observe un peu partout, doit être maîtrisée, en s'aidant de comparaisons, y compris avec des pays étrangers. Il conviendrait de se doter de modes de gestion plus pertinents et de s'interroger sur l'orientation dominante à donner à l'établissement de demain : culture hospitalière ou culture du lien social, de l'animation ?

Il y a un fort besoin d'évaluation, car les situations sont très diversifiées sans qu'il y ait à cela de justification cohérente. Il est essentiel d'analyser la structure des dépenses, en comparant des établissements en situation comparable et en étant attentif à tout ce qui peut être source de progrès et d'évolution.

Nous sommes devant une contradiction. Les personnes âgées souhaitent de plus en plus rester à leur domicile, ce que l'on peut comprendre, si bien que l'âge et le niveau de dépendance moyens au moment de l'entrée en établissement sont de plus en plus élevés. Parallèlement, le poids du milieu hospitalier est très important : plus d'un tiers des maisons de retraite sont fortement médicalisées. D'où cette question : faut-il déconnecter davantage l'hébergement collectif de la culture hospitalière, y compris en ce qui concerne l'encadrement des personnels ? Nous assistons à un changement culturel très important chez les personnes âgées, au passage de la « génération Luis Mariano » à la « génération James Brown », qui aura des exigences bien supérieures en matière de vie sociale. Les personnes âgées qui envisagent d'entrer en établissement redoutent de se trouver dans un milieu proche de l'hôpital, et la sécurité médicale n'est pas forcément ce qu'elles recherchent avant tout.

L'enjeu est d'inventer une formule intermédiaire, pour répondre à leur attente en même temps qu'on allégera le besoin de financement. Cela suppose de renforcer les actions de prévention de la dépendance, pour laquelle nous sommes en retard sur la Belgique, les Pays-Bas ou la Catalogne, et aussi de développer l'expérimentation. Il faut aussi songer à mutualiser davantage l'accueil des personnes âgées et des personnes handicapées, repenser les modes de tarification, qui reposent trop sur une logique administrative, et pas assez sur un contrôle du contenu et de la finalité. La réglementation est en effet omniprésente, allant de la définition des normes de sécurité jusqu'à celle des tâches d'encadrement. Il faut passer d'un contrôle rigide a priori à une logique de sanction des résultats.

Ce qui fragilise l'action sociale des départements, au-delà d'une progression de l'APA ressentie comme nécessaire, c'est justement la logique actuelle, qui empêche de cerner les responsabilités. L'absence de transparence n'est pas due au souci des élus locaux de masquer leur action, bien au contraire, mais à la complexité du système, qui empêche la communication en direction du public.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Est-ce à dire que, si les coûts augmentent, c'est parce que la part du sanitaire est trop élevée ? Avez-vous des éléments qui permettraient de creuser davantage cette piste de travail ?

Nous sommes très impressionnés d'entendre que le nombre des personnes concernées par l'aide sociale à l'hébergement reste constant, et que la dépense augmente néanmoins de 10 %. Est-ce dû au fait que le mécanisme de recours sur succession n'est pas suffisamment au point ? Est-ce dû aux tarifs d'hébergement ? Vos adhérents vous ont-ils demandé de cerner l'impact des 35 heures ? Vous avez observé d'autre part que, dans le privé lucratif, le poids des dépenses d'administration était sensiblement inférieur. Pouvez-vous préciser ?

Avez-vous, d'autre part, des éléments sur l'impact de l'aide à la pierre sur le prix de journée ?

Vous avez dit, enfin, que les tarifs d'hébergement étaient fixés de façon aléatoire. J'avais pourtant cru comprendre que les départements essayaient de les maîtriser et que la réforme de la tarification encadrait quand même un peu les choses.

M. Jean-Louis Sanchez : Je serai très prudent dans ma réponse, car nous essayons actuellement de passer d'une étude macroéconomique à une étude plus qualitative. Nous partons d'un constat alarmant : en 2004, les dépenses d'action sociale des départements ont augmenté, et ce à cause de la dérive des coûts, pas à cause de la décentralisation. La situation est particulièrement préoccupante dans le domaine de l'aide sociale à l'enfance (ASE), où le lien de dépendance entre établissements et départements est très direct : en quinze ans, la dépense a quasiment triplé, alors que le nombre d'enfants hébergés a stagné. C'est moins net en matière d'ASH, car le prix de journée fait reposer une partie du coût sur les familles. Je réponds donc à votre question : l'augmentation de la dépense correspond à celle du coût de la prestation. On peut aussi faire l'hypothèse, assez inquiétante, qu'il y a des gens qui, avant, ne sollicitaient pas l'ASH, et qui la sollicitent maintenant parce que le coût de l'hébergement est tel qu'ils ne peuvent l'assumer sans aide.

M. Pierre Morange, coprésident : Disposez-vous d'une comptabilité analytique permettant d'avoir une vision moins générale ? On observe en effet des écarts de coûts d'hébergement allant du simple au triple.

M. Jean-Louis Sanchez : C'est une étude que nous voulons justement faire cette année, dans le cadre de notre commission Finances, où sont représentés un tiers des départements de France. Pour l'ASE, il n'est pas nécessaire de faire des études qualitatives, mais pour l'ASH, il faut aller voir sur place dans les établissements.

M. Pierre Morange, coprésident : Si je comprends bien, il n'y a jamais eu de ventilation analytique des dépenses ?

M. Jean-Louis Sanchez : Non, car il faut étudier les choses établissement par établissement, faire une analyse micro-économique. C'est très important, et c'est un des principaux sujets d'inquiétude de l'ODAS, non pas par idéologie, mais parce que la dérive des coûts est telle qu'il faut absolument les maîtriser. Dépenser plus, pourquoi pas ? Mais à condition que les résultats soient meilleurs.

M. Pierre Morange, coprésident : Telle est bien, je peux vous rassurer, la philosophie de la MECSS.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous calculé la part du coût d'hébergement qui provient de l'amortissement des emprunts ?

M. Jean-Louis Sanchez : Nous n'avons pas fait d'étude, mais je peux répondre qu'elle n'est pas décisive, étant donné que plus des deux tiers des dépenses des établissements sont des dépenses de personnel.

M. Jean-Luc Préel : J'avais défendu, dans mon conseil général, l'idée d'une subvention à l'investissement qui permettrait d'abaisser le coût des loyers. Est-ce que, globalement, le résultat serait intéressant, non seulement pour la collectivité mais aussi pour les personnes hébergées et leurs familles ?

M. Jean-Louis Sanchez : Les dépenses d'investissement ou d'amortissement pèsent de façon très minoritaire. Si les tarifs d'hébergement vont du simple au triple, c'est surtout dû au taux d'encadrement et aux problèmes d'absentéisme. La question essentielle est celle du mode de gestion des établissements. Il serait sans doute assez facile d'établir un ratio national des dépenses d'investissements, mais on sait déjà que, grosso modo, les deux tiers des dépenses sont des dépenses de personnel et que le tiers qui reste ne se limite pas à l'investissement et à l'amortissement.

M. Jean-Luc Préel : J'ai bien pris note de votre plaidoyer pour la maîtrise des coûts, mais j'ai également compris que vous souhaitiez des établissements mieux adaptés aux demandes des personnes, des formules transitoires s'adressant à des personnes encore plutôt valides. Avez-vous une idée du coût des établissements de ce type ? Un CANTOU, ou un établissement à orientation Alzheimer, est très différent d'une résidence-services pour personnes valides. Les discussions en vue des conventions tripartites sont très difficiles, car chacun se renvoie la balle.

D'un côté, il n'est pas normal qu'un établissement qui accueille 80 personnes âgées dépendantes n'ait qu'une seule personne présente la nuit pour les surveiller - il y a derrière cela, bien sûr, un problème de coût. Mais d'un autre côté, développer l'animation dans les établissements accueillant des gens habitués à une vie sociale relativement intense a aussi un coût.

Autre question : est-il préférable, selon vous, que les intervenants soient intégrés au personnel de l'établissement, ou lui soient extérieurs ?

Enfin, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) vous paraît-elle un progrès, ou au contraire une source de complexité supplémentaire ?

M. Jean-Louis Sanchez : Sur les modes d'hébergement, je suis toujours très étonné quand j'entends présenter les foyers-logements comme une formule rétrograde. Dans les années qui viennent, nous allons avoir à la fois 30 à 40 % de personnes âgées en plus, et deux fois moins d'aidants familiaux. Nous allons tout droit dans le mur si nous n'avons pas d'établissements de type intermédiaire et si nous ne nous plaçons pas, de façon inventive, dans une démarche intergénérationnelle. On nous accuse parfois d'enfoncer des portes ouvertes, mais c'est bien la preuve, justement, que l'idée a progressé dans les esprits. Chaque fois qu'on engage une démarche intergénérationnelle, le succès dépasse toutes les prévisions. Ainsi, la responsable d'une maison de retraite dont les pensionnaires font du soutien scolaire dans les maisons de retraite nous a dit son enthousiasme de voir des personnes très âgées, dont une de 92 ans, regagner en vitalité grâce à cette activité, et sentir le monde extérieur porter sur elles un tout autre regard ; quant à la demande des élèves, elle s'est accrue dans des proportions telles qu'il a fallu « rationner » les séances à raison d'une toutes les deux semaines. C'est quelque chose qu'il faudrait faire dans toutes les maisons de retraite.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : A-t-on mesuré l'impact de ce genre d'initiatives sur les besoins en personnel, sur la consommation de médicaments ?

M. Jean-Louis Sanchez : Ce sont des choses que nous allons regarder de près.

Renforcer l'animation ne signifie pas forcément augmenter les coûts. Une maison de retraite en Maine-et-Loire, par exemple, a demandé à son personnel d'avoir une activité bénévole parallèlement à son activité professionnelle : le cuisinier, par exemple, s'occupe du labo photo, la lingère d'autre chose, etc. Cela peut paraître utopiste, mais ce le serait moins si le mode d'encadrement était régi par une logique d'animation et pas seulement par une logique de sécurité. Il faut repenser le service public dans une logique de management des ressources humaines que nous n'avons pas encore intégrée. Aujourd'hui, il y a de très nombreux directeurs qui exercent des responsabilités par intérim sur plusieurs établissements. On économise d'un côté des postes de directeurs, mais on a, de l'autre, un déficit d'organisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quel est l'impact d'une telle organisation sur le prix de journée ?

M. Jean-Louis Sanchez : La maison de retraite dont je parle a un tarif d'hébergement de 45 euros par jour. C'est l'un des établissements les plus performants de France, j'y ai d'ailleurs mis mes parents.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous mesuré l'effet sur la consommation pharmaceutique, sur la masse salariale ?

M. Jean-Louis Sanchez : Pas vraiment, mais si le prix de journée est peu élevé, cela veut dire que la masse salariale n'est pas excessive.

M. Pierre Morange, coprésident : Il faudrait faire des comparaisons dans le temps.

M. Jean-Louis Sanchez : C'est un établissement trop récent pour cela.

Dans le secteur de la petite enfance, le service public a un ratio d'encadrement deux fois plus élevé qu'au Québec, et trois fois plus élevé qu'en Espagne. Dans le secteur des personnes âgées, le problème est surtout celui de la redéfinition des projets d'établissements et du mode de recrutement des encadrements. Les formules qui marchent bien ne sont pas celles qui sont soutenues : les CANTOU, par exemple, n'ont quasiment aucun soutien de la part des pouvoirs publics, et personne n'a essayé d'étendre la formule des résidences Marguerite de Roanne.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je partage votre point de vue, mais nous n'arriverons à convaincre que si nous démontrons qu'il y a des effets positifs sur les coûts. J'ai l'exemple d'une maison de retraite qui a monté un projet analogue à celui du Maine-et-Loire, sans recourir cependant au bénévolat : la consommation annuelle de médicaments y a baissé de plus de 50 000 euros. J'aimerais, personnellement, avoir dans ma région un établissement comme celui-là, où non seulement je n'hésiterais pas à envoyer quelqu'un, mais où j'entrerais même volontiers moi-même, en ayant l'assurance que ma dignité y sera respectée. Mais pour développer ce genre de choses, il faut avoir des arguments financiers à mettre en avant.

M. Jean-Louis Sanchez : Vous les aurez l'an prochain.

M. Pierre Morange, coprésident : Hélas, notre rapport sera déjà rédigé.

M. Jean-Luc Préel : Vous ne m'avez pas dit si vous étiez pour la médicalisation interne, ou externe.

M. Jean-Louis Sanchez : La médicalisation interne peut être excellente si elle est maîtrisée. Sinon, autant recourir à l'externe. Le problème, c'est que nous n'avons pas la culture de l'évaluation, mais celle des moyens. Nous vous adresserons nos travaux l'an prochain, mais le message fort que je veux d'ores et déjà porter, c'est que nous sommes de plus en plus inquiets de l'évolution des dépenses, sans qu'il y ait pour autant une réelle vision prospective des besoins.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Y a-t-il des départements qui s'interrogent sur la structure des coûts d'hébergement, sur l'idée de renforcer en priorité les équipes d'accompagnement et d'aide, et qui se posent la question du « reste à charge » ? Ce sont bien les départements, au bout du compte, qui autorisent les tarifs. Or cette tarification est très compliquée, et pèse très inégalement sur les familles, qui ont du mal à le comprendre.

M. Jean-Louis Sanchez : Je pourrai vous donner des éléments dans la journée.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous n'avez pas répondu non plus à la question de M. Préel sur la CNSA, question que je prolongerai en vous demandant s'il existe des démarches visant à optimiser la dépense en mutualisant, en regroupant la prise en charge de la dépendance et celle du handicap.

M. Jean-Louis Sanchez : La CNSA devrait être, théoriquement, un facteur de complexité supplémentaire. En pratique, je serai beaucoup plus indulgent, car l'équipe de la CNSA est d'une qualité exceptionnelle, et va peut-être réussir à produire de la simplicité...

L'idéal serait que, demain, l'idée de soutien aux personnes âgées en tant que telles n'ait plus cours, car elle est une insulte à l'âge, qui devrait être plutôt considéré comme une expérience et une force. Il faut parler de soutien à la dépendance et au handicap, car la fracture n'est pas l'âge, mais bien la nature du handicap. Mutualiser les moyens est donc l'objectif vers lequel il faut tendre : chaque fois que l'on a tenté de rapprocher, en établissement, personnes âgées dépendantes et personnes handicapées, les éléments de performance l'ont emporté sur les difficultés. Si l'on parvient à uniformiser les prestations, les équipes, l'accueil, on obtiendra des économies d'échelle.

La CNSA a été créée à la suite de compromis institutionnels certes aberrants, mais elle est devenue un facteur possible d'évolution et de simplification. Toutes nos difficultés peuvent être surmontées s'il y a une véritable volonté de réforme, si l'on ose aborder différemment les problématiques. Mais on peut avoir quelques doutes quand on voit que le ministre en charge de la vie associative est aussi le ministre des sports, c'est-à-dire celui qui produit une réglementation excessive au risque de tuer le bénévolat. Ce qu'attendent les collectivités locales, c'est plus de clarification et moins de réglementation : laissons respirer la société française. La Suisse, où le respect de l'État de droit est pourtant plus ancré qu'il ne l'est en France, sait se montrer assez souple pour laisser les personnes âgées hébergées en établissement s'occuper d'enfants. Pourquoi n'en ferions-nous pas autant ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Reste à trouver des arguments qui prouvent que ça coûte moins cher...

M. Pierre Morange, coprésident : On ne peut en effet s'accommoder indéfiniment de cette accumulation de facteurs de complexité à laquelle chacun contribue...

Monsieur Sanchez, je vous remercie.

*

* *

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu Mme Michelle Landreau, première vice-présidente de l'Union nationale des associations du service à domicile (UNADMR), et Mme Stéphanie Bertrand, conseiller technique ; M. Emmanuel Verny, directeur général de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) ; Mme Isabelle Donnio, directrice de l'Association des soins pour personnes âgées et handicapées du nord-ouest de Rennes (ASPANORD).

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Mme Michelle Landreau, première vice-présidente de l'Union nationale des associations du service à domicile (UNADMR), qui supplée Mme Danièle Dumas, présidente, empêchée, et qui est accompagnée de Mme Stéphanie Bertrand, conseiller technique, ainsi qu'à M. Emmanuel Verny, directeur général de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) et à Mme Isabelle Donnio, directrice de l'Association des soins pour personnes âgées et handicapées du nord-ouest de Rennes (ASPANORD).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Notre mission s'interroge sur le point de savoir pourquoi le coût de l'hébergement des personnes âgées est aussi élevé. Cela s'explique-t-il seulement par la rareté de l'offre ou aussi par la qualité de la prise en charge ? L'évolution du dispositif actuel, dans lequel maintien à domicile et hébergement sont relativement séparés, serait-elle de nature à maîtriser les coûts tout en améliorant la qualité des soins ?

Mme Michelle Landreau : L'UNADMR a privilégié les petites unités de vie conçues pour que des personnes isolées puissent se rassembler et continuer d'avoir une vie sociale correcte. Ces structures, de même type que les maisons d'accueil rurales pour personnes âgées (MARPA), sont des logements regroupés à côté de « maisons de services », ce qui est un facteur de sécurité et permet aux personnes âgées de vivre autonomes aussi longtemps que possible en bénéficiant de services à la carte. C'est ce qu'elles préfèrent, car elles ont le sentiment que des choix de vie sont encore possibles. Nous avons aussi des établissements dotés de services collectifs, ce qui pallie l'incapacité de certains à accomplir les actes de la vie quotidienne et contribue à réduire les coûts. Mais réduire les coûts n'est pas notre objectif premier car nous défendons avant tout le libre choix du projet de vie des personnes, et si nous essayons de faire au plus juste, notre priorité est le maintien à domicile.

M. Pierre Morange, coprésident : Le travail que vous accomplissez nous rend admiratifs, mais la Cour des comptes s'interroge sur l'organisation générale du maintien à domicile, en ce qu'elle a une incidence sur la population qui doit être prise en charge en ambulatoire ou en établissement. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

M. Jean-Luc Préel : Vos associations ont été créées pour favoriser le maintien à domicile mais sont parfois obligées d'intervenir en établissements faute de médicalisation. Êtes-vous capables de le faire ? Cela coûte-t-il cher ? Est-ce votre vocation, alors que l'on ne compense pas les postes affectés au maintien à domicile ? D'autre part, vous êtes aujourd'hui payés au forfait ; seriez-vous favorables à la tarification à l'acte ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ce qui nous intéresse est de savoir comment mieux articuler le maintien à domicile, quelles qu'en soient les formes, et l'hébergement en établissements.

Mme Michelle Landreau : J'habite en Vendée, département où le premier service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) a été ouvert en 1982, avec obligation d'aller en logement-foyer. Mais la limitation de capacité autorisée nous a amenés à reporter nos moyens sur le maintien à domicile. On pourrait imaginer que les gens soient pris en charge par une hospitalisation à domicile dans des établissements qui seraient des substituts aux domiciles non médicalisés, mais ce n'est pas l'orientation que nous souhaitons car notre philosophie est que des gens, même très lourdement dépendants, puissent rester dans nos structures.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : En somme, le fait que la partie « nursing » des soins soit assurée par le biais des SSIAD vous permet d'intervenir dans des structures plus légères, et vous considérez ne pas avoir à intervenir dans les établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) fortement médicalisés. Mais avez-vous fait une étude des coûts comparés, pour la personne concernée ou sa famille, du service ainsi assuré de l'extérieur et du même service rendu en cas d'hébergement en institution ?

Mme Stéphanie Bertrand : Le recours au SSIAD n'a pas d'impact sur l'hébergement et le plafond de 34 euros n'est jamais atteint. Mais, en établissement, le niveau de dépendance est plus élevé qu'à domicile ; c'est pourquoi nous souhaitons davantage de financement pour la partie « soins en établissement », qui est insuffisante. Le tarif hébergement journalier est de quelque 32 euros pour les petites unités de vie dont le GIR moyen pondéré (GMP) est inférieur à 300 et il peut aller jusqu'à 45 euros pour des établissements dont le GMP est supérieur à 300.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La tarification des SSIAD n'est pas toujours adaptée à la situation des personnes. Savez-vous quelle somme est nécessaire pour couvrir les besoins ?

Mme Stéphanie Bertrand : Nous connaissons les tarifs d'aide à domicile.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il s'agit de partir des besoins et non des tarifs.

Mme Stéphanie Bertrand : Comme l'a dit Mme Michelle Landreau, pour nous l'important est le projet de vie. Cela étant, le coût de petites structures est bien moindre que celui d'établissements plus grands. Quand il s'agit d'habitat regroupé, nous sommes dans le droit commun, ce qui signifie que la personne est une locataire qui peut disposer de services collectifs en tant que de besoin. Dans ce cas, le loyer du logement est de 32 euros par jour et nous pouvons accompagner la dépendance à domicile. Certes, ce n'est pas possible pour toutes les pathologies, mais l'hospitalisation à domicile permet des réalisations intéressantes.

Mme Michelle Landreau : Lorsque la nouvelle convention collective de branche est entrée en vigueur, elle a eu pour conséquence une augmentation des rémunérations assez importante qui n'a pas été compensée dans le prix de journée des SSIAD. Nous avons de ce fait dû limiter la ligne « soins infirmiers », ce qui est regrettable car nombre de nos résidents sont très dépendants. Ce forfait est bien trop réduit.

Mme Stéphanie Bertrand : Il est de 11,50 euros par jour.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous parlez du tarif, mais pas des besoins.

Mme Michelle Landreau : Les besoins évoluent. A supposer qu'un bilan soit fait à l'entrée en établissement, trois ans plus tard la dépendance se sera accrue. Cela se comprend aisément, puisque l'âge moyen d'entrée en établissement est de 84 ans. La dépendance vient donc plus vite, mais l'on ne peut dire aux personnes de partir alors qu'elles sont arrivées depuis six mois. Voilà pourquoi, si l'on est dans une logique de forfait, on peut imaginer une amplitude moyenne et faire avec les moyens que l'on a, car nous savons évaluer les besoins.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Par personne, certainement, mais je cherchais à savoir si vous êtes en mesure de l'évaluer selon le niveau de dépendance.

M. Pierre Morange, coprésident : M. Emmanuel Verny, j'aimerais que vous puissiez nous donner l'explication précise des lacunes de l'organisation du secteur et des problèmes d'évaluation de l'hospitalisation à domicile relevés par la Cour des comptes.

M. Emmanuel Verny : Je suis d'accord avec bien des choses dites par Mme Michelle Landreau. C'est la question posée - « pourquoi est-ce si cher ? » - qui me surprend.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ma formulation était elliptique. Ce qui me préoccupe est de savoir pourquoi le reste à charge des familles est aussi élevé.

M. Emmanuel Verny : Parce que le coût global est élevé. Je ne me prononcerai pas sur le point de savoir pourquoi il est aussi élevé en établissements, mais j'ai lu le rapport de la Cour des comptes et aussi les comptes rendus de vos auditions, qui reflètent un vif débat sur les coûts de construction et sur la détermination de qui doit prendre en charge les investissements, et qui disent aussi l'impossibilité collective de parvenir à une analyse fine de l'ensemble du système. Les opérateurs, les politiques et l'administration en sont tous responsables et nous devons nous doter d'un outil d'analyse permettant de prendre les décisions en toute connaissance de cause.

Une des indications figurant dans le rapport de la Cour des comptes nous a étonnés. C'est en effet la première fois que le coût du maintien à domicile est évalué à la moitié de celui du coût d'hébergement en établissement. J'ai d'ailleurs relevé que certaines des personnes entendues par votre mission expriment des doutes à ce sujet, particulièrement pour les GIR 1.

En bref, je ne sais pas en relation avec quoi on parle de cherté. D'ailleurs, c'est la première fois que l'on procède à une investigation aussi poussée que celle de la Cour des comptes, qui aboutit à déterminer une dépense publique de 15 milliards d'euros. Quant au scénario qui a la préférence du Commissariat général du plan, c'est celui du non-choix ; on continuerait au fil de l'eau, sans mécontenter personne puisque la même répartition serait conservée et que chaque secteur grossirait. Mais ne peut-on concevoir un autre scénario, qui permettrait de maintenir plus longtemps à domicile des gens qui sont actuellement hébergés en établissement ? Que l'on ne se méprenne pas, nous ne sommes pas des absolutistes du maintien à domicile et nous savons bien que certaines pathologies neuro-dégénératives le rendent impossible. Pour autant, l'articulation entre maintien à domicile et hébergement en établissement n'a jamais été étudiée à fond. Mais si l'on veut promouvoir un dispositif coordonné, il faut plutôt s'attacher à maîtriser les coûts que partir du postulat qu'il coûte trop cher, puisque la longévité ne cesse de progresser. A mon sens, le problème se dénouera lorsque les élections se joueront sur ces questions.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure  Comment parvenir à une meilleure coordination ?

M. Emmanuel Verny : En commençant par décloisonner les dispositifs d'évaluation de la personne vieillissante et qui va progressivement devenir dépendante, pour éviter la dispersion actuelle entre les centres locaux d'information et de coordination (CLIC), la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), les caisses de retraite et les dispositifs de soins infirmiers, dont il résulte qu'à 60 ans, pour un état similaire, on peut rester dans un dispositif « personne âgée » ou passer dans un dispositif « personne handicapée ». La Cour des comptes souligne que l'on n'est pas allé au bout des choix du pilote ; c'est que les instances qui financent veulent garder la maîtrise du financement. Que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) soit une gare de triage des financements, et donnons aux conseils généraux les moyens d'aller au bout de leur mission en ce domaine. Dissocions validation des plans d'aide et gestion de la coordination des interventions auprès d'une personne donnée en évoluant vers des services polyvalents.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : En résumé, la question du lien entre hébergement en institution et maintien à domicile doit s'envisager sous l'angle des besoins de la personne, au niveau territorial.

M. Emmanuel Verny : Allons au bout de la logique choisie, donnons aux conseils généraux les moyens d'agir et les choses se feront par le dialogue. C'est d'ailleurs déjà assez souvent le cas.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les CLIC de niveau 3 répondent à votre préoccupation.

M. Emmanuel Verny : Oui, mais la CNAVTS a son propre dispositif.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je comprends et j'approuve l'obligation d'une prise en charge de qualité, mais le coût restant à la charge des familles est préoccupant.

M. Emmanuel Verny : C'est un choix de société. Ou l'on privilégie la solidarité dans l'organisation du dispositif et l'on institue des prélèvements collectifs ensuite redistribués, selon le principe « chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », ou l'on estime que la prise en charge doit être individuelle, que le reste à charge est relativement élevé et que chacun doit s'y préparer.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les CLIC travaillent-ils à la mise en relation entre aspects financiers et besoins ?

M. Emmanuel Verny : Non.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les familles doivent donc décider selon le prix.

M. Emmanuel Verny : Dans le secteur de l'aide à domicile, c'est l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui définit, selon les revenus, ce qui reste à charge, et il existe un barème de la CNAVTS.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Certains plans d'aide sont définis sans que ni la personne âgée ni sa famille ne soient entendus, sans qu'il y ait jamais eu de discussion sur les besoins réels entre la famille et la structure qui a fait l'évaluation. On estime qu'une personne donnée a besoin de tel montant d'aide pour être maintenue à domicile, mais ses ressources ne lui permettent pas forcément de payer le complément. La prise en charge doit être organisée en partant des besoins de la personne.

Mme Isabelle Donnio : Je vous rendrai compte de ce que je vis sur le terrain et de ce que j'entends dans mes fonctions d'enseignante à l'École nationale de la santé publique. Si l'on souhaite améliorer l'articulation des dispositifs de prise en compte - et je tiens à ce terme - des personnes en maintenant un rapport qualité-prix satisfaisant, l'approche territoriale est très importante, car c'est elle qui permet que la parole d'usage, celle des personnes âgées ou de leurs familles, soit entendue. D'autre part, il faut dire clairement quelle logique on suit. Part-on des dispositifs, ou bien de la prise en compte des besoins, qui peuvent aussi être évalués par les personnes elles-mêmes ? On observe fréquemment un décalage entre l'évaluation des besoins et son acceptation par la personne considérée, en fonction de la perception qu'elle a du réseau d'aide aux soins qui l'entoure. Il arrive ainsi qu'une aide estimée nécessaire après évaluation ne soit demandée que seize ans plus tard. Il arrive aussi que des gens refusent une aide ou la détourne de son objet. Il faut laisser des choix, ce qui est impossible si l'on part des dispositifs. De même, qui peut décider que certaines pathologies ne peuvent être traitées dans le cadre de l'aide à domicile ? Si l'on ne laisse pas la parole aux « usagers » à ce sujet, on ne leur laisse pas non plus de choix. Cette parole a pourtant beaucoup à nous apprendre, si on en permet l'émergence. Mais il y a une dissonance insupportable à prétendre la laisser émerger pour la faire taire. Il est indispensable de réduire cet écart, et non de l'aggraver.

Nous avons créé, il y a deux ans, le « Bistrot mémoire » pour des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et leurs proches. Dans un premier temps, des groupes de parole avaient été constitués dans un établissement à l'intention de l'entourage de ces malades. L'analyse de l'expérimentation a montré qu'il convenait de prendre des mesures spécifiques pour ces aidants naturels, au demeurant pas si naturels que cela et exposés à un risque majeur d'épuisement, et qu'il fallait les soutenir pour empêcher la dégradation des relations familiales et, à sa suite, la maltraitance. Ensuite, nous avons créé un lieu de parole ouvert - ce qui montre que le décloisonnement est possible -  et, tous les jeudis, ceux qui le souhaitent peuvent se retrouver dans un café du centre de Rennes. Ces rencontres contribuent à modifier la vision de la dépendance et à faire émerger la parole. Les familles ont besoin de partager ce qui leur arrive non seulement avec des professionnels mais aussi avec d'autres familles confrontées aux mêmes difficultés pour retisser des liens avec leur malade. Cette expérimentation est donc coproduite par les familles et les professionnels de l'aide à domicile et des établissements. Il s'agit bien d'un projet émanant d'un collectif de partenaires essayant d'être créatifs, sur un territoire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le projet d'accompagnement que vous décrivez montre un lien très fort entre les dispositifs d'hébergement et de maintien à domicile, et une parole reconnue. Menez-vous, en parallèle, une analyse économique ?

Mme Isabelle Donnio : Il faudrait en avoir les moyens. L'approche que je vous ai décrite est sociologique mais la préoccupation économique est présente dans notre réflexion et, alors que l'on parle d'organisation en réseau et de consultations intermédiaires dans les services régionaux d'organisation sanitaire (SROS) de troisième génération, il serait très pertinent de s'adjoindre un économiste. Ses compétences seraient bienvenues pour la réalisation d'études sur le parcours des personnes entre maintien à domicile et hébergement en établissement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : M. Noël Diricq, ici présent, est conseiller maître à la 6e chambre de la Cour des comptes. Il pourra nous dire sur quels éléments la Cour s'est appuyée pour déterminer que le maintien à domicile coûte moitié moins cher que l'hébergement en établissement.

M. Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes : S'il y est fait référence de manière lapidaire, les indications qui figurent à ce sujet dans le rapport peuvent faire paraître la Cour des comptes sûre de soi. Elles résultent d'un certain nombre d'approximations, car la Cour n'a jamais prétendu que la France est dotée des moyens qui lui permettent de connaître ces coûts - j'ai dit d'emblée devant la Mission que ce n'est pas le cas. Aussi la Cour ne prétend-elle pas avoir énoncé quelque chose de précis et de définitif à ce sujet. Une annexe du rapport explique comment on est parvenu à ce résultat mais comme elle est assez longue, j'invite ceux qui ne l'auraient pas lue à s'y reporter. La Cour croit pouvoir dire en conscience qu'il existe une différence de coûts très sensible entre maintien à domicile et hébergement en établissement et que, de plus, les risques de dérive des deux dispositifs risquent de ne pas être les mêmes.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Que la CNAVTS ne parvienne pas aux mêmes conclusions montre qu'il faut mettre au point un dispositif d'évaluation.

Mme Stéphanie Bertrand : Certains services, tant de la DDASS pour les soins que du conseil général pour l'accueil de jour, nous imposent parfois des taux d'encadrement en personnel soignant qui nous paraissent démesurés. C'est particulièrement vrai pour l'accueil de jour, auquel nous sommes très favorables ; si, de ce fait, le coût journalier atteint 80 euros, il est inutile de le créer, car les gens n'ont pas les moyens de régler pareille somme. Or, la dépendance ne demande pas toujours uniquement du personnel soignant.

Mme Michelle Landreau : Nous connaissons des cas de demandes de prise en charge de retour au domicile après sortie d'établissement, en raison des coûts.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il y a donc bien lieu de s'interroger sur la question du coût en établissement.

Mme Michelle Landreau : Si l'on parle de coûts, on ne peut se limiter à l'analyse du prix de journée. Il faut tenir compte de l'économie locale dans son ensemble, et considérer que le maintien à domicile permet aussi le maintien de services à la population générale. Envoyer les personnes âgées en établissements, c'est fermer toutes sortes de services. Cela vaut particulièrement dans les cantons tels que le mien, où la population âgée de plus de 75 ans est majoritaire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il faut en effet une approche par territoire.

Mme Isabelle Donnio : Vous avez dit que la décision de la famille pouvait être fondée sur des considérations financières. C'est exact, mais il n'y pas que cela. Pour travailler avec Marie-Ève Joël et Claude Martin, auteurs de publications sur les solidarités familiales, je crois pouvoir dire que le processus de décision est très complexe. Un élément déclenchant fait qu'à un certain moment une décision doit être prise. L'écueil à éviter est alors d'imposer une solution aux personnes en fonction des structures existantes, soit pour des raisons économiques soit parce que des gens se sentent habilités à dire ce que sont les besoins des personnes âgées. Mais si on ne laisse plus l'autre faire des choix, on ne le traite plus comme sujet. On ne peut procéder de la sorte et, dans le même temps, dire vouloir lutter contre la maltraitance ; il faut laisser une marge de débat éthique. Or, dans certaines circonstances, les familles fondent leur décision sur des considérations financières alors que dans d'autres circonstances on arrive à faire mieux avec des contraintes financières identiques.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le Gouvernement a annoncé l'élaboration d'un dispositif de prêt hypothécaire renouvelable. Est-il réaliste d'envisager que de tels prêts pourraient être utilisés pour la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons ?

Mme Isabelle Donnio : Je ne saurais dire, mais nous avons constaté que l'entrée en vigueur de l'APA a levé les freins à l'utilisation de l'aide par des gens qui auparavant la refusaient, car ils ne voulaient pas que leurs héritiers se voient opposer la récupération sur succession.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Autrement dit, la nouvelle possibilité offerte ne sera pas utilisée à cette fin car les gens souhaitent transmettre leur patrimoine.

Mme Isabelle Donnio : Je ne sais, mais il me semble qu'il appartient à la société dans son ensemble de définir les dispositifs qui lui conviennent le mieux pour financer les services aux personnes handicapées et dépendantes et pour préserver l'équité dans l'accès aux soins.

M. Emmanuel Verny : Nous n'avons pas réfléchi à cette question. La détention d'un patrimoine facilite la prise en charge en établissement, mais sa liquidation à cette fin crée des conflits d'intérêts. On peut penser que l'hypothèse d'un crédit hypothécaire renouvelable sera l'occasion d'un débat entre l'attachement à la transmission du patrimoine et le désir d'une fin de vie correcte.

Je souscris aux propos de Mme Isabelle Donnio pour ce qui est de l'écoute des personnes âgées. Pour l'UNA, ce sont d'abord des citoyens avec des droits et des devoirs, et c'est ainsi que nous les considérons, tout au long de leur vieillissement. J'observe que beaucoup repose sur les équipes d'évaluation, où qu'elles soient. Or, des méthodes d'évaluation existent mais elles ne sont pas assez diffusées, les professionnels ne sont pas suffisamment formés et il n'y a pas de conférence de consensus à ce sujet. Certes, il faut donner la parole aux intéressés, mais le décideur a tout de même besoin de catégoriser pour agir à bon escient, et ce travail n'est pas fait. J'ai été surpris, à la lecture des comptes rendus des auditions de votre Mission, par les fortes attentes dont la CNSA est l'objet. L'UNA, qui fait partie du conseil d'administration de la CNSA, était, je le rappelle, favorable à la création d'un cinquième risque. Mais nous sommes légalistes, et nous cherchons maintenant à ce que la loi soit appliquée avec intelligence, en tirant parti de la CNSA au maximum. De vrais débats ont lieu au conseil d'administration de la CNSA, des travaux seront menés, mais cela ne doit pas occulter la question de fond, à savoir la nécessité de mieux définir les responsabilités respectives et de trancher, et non de rester au fil de l'eau en se limitant à constater l'explosion des coûts. Il faut d'une part améliorer la connaissance, d'autre part faire des choix - ce qui relève du Parlement.

Mme Michelle Landreau : Comme l'UNA, l'UNADMR était favorable à la création d'un cinquième risque. Les gens qui souhaitent rester à domicile nous demandent de faire des devis en fonction de leurs ressources, puis ils font leur choix de services en fonction de leur budget et de leur mode de vie. La participation des familles est prise en compte. On observe enfin que des personnes toujours plus nombreuses ont opté pour un plan dépendance assuranciel.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Arrive-t-il, lorsque des gens vous demandent un devis fondé sur un budget donné, qu'ils se privent d'aides dont ils auraient vraiment besoin ?

Mme Michelle Landreau : Si les ressources sont faibles, ils font au minimum. Quand il y en a davantage, ils prennent une aide de nuit.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Autrement dit, l'approche est très individuelle.

Mme Michelle Landreau : C'est pourquoi le cinquième risque permettrait de garantir la prise en charge en cas de dépendance lourde.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Mesdames, Monsieur, je vous remercie.

*

* *

La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu Mme Dominique Bachelin, directrice de l'hôpital Vaugirard-Gabriel-Pallez ; Mme Maryse Arnaud, directrice-adjointe du Centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins, en charge du secteur des personnes âgées, et M. François Bonnevay, chef du service de gériatrie et médecin coordonnateur de l'unité Alzheimer ; M. Michel Thiry, président de la Fédération dijonnaise des oeuvres de soutien à domicile (FEDOSAD), et M. Pierre-Henri Daure, directeur des établissements de la FEDOSAD.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Dominique Bachelin, directrice de l'hôpital Vaugirard-Gabriel-Pallez ; Mme Maryse Arnaud, directrice-adjointe du Centre hospitalier intercommunal de Marmande-Tonneins, en charge du secteur des personnes âgées, et M. François Bonnevay, chef du service de gériatrie et médecin coordonnateur de l'unité Alzheimer ; M. Michel Thiry, président de la Fédération dijonnaise des œuvres de soutien à domicile, et M. Pierre-Henri Daure, directeur des établissements de la FEDOSAD.

Mesdames, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue, et donne tout de suite la parole à Mme la Rapporteure, afin qu'elle vous pose ses premières questions.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Parmi les questions que nous nous posons figure notamment celle du « reste à charge » incombant aux personnes âgées et à leurs familles. Notre démarche est de rechercher ce qu'il conviendrait de faire pour faire évoluer le système sans remettre en cause de la qualité de l'accompagnement, de la prise en charge et des soins ? Je dis cela parce que M. Verny a cru, tout à l'heure, pouvoir nous attribuer une philosophie différente...

Vaugirard a le statut d'hôpital, mais est ouvert sur l'extérieur. Il est médicalisé dans sa structure mais pas dans sa façon de prendre en charge. Nous voudrions avoir des éléments comparatifs sur l'évolution des personnes âgées accueillies en appartement thérapeutique par rapport à leur précédent lieu d'accueil, ainsi que sur les coûts et les bénéfices. Il serait intéressant que l'expérience puisse être mieux connue.

Nous avons également beaucoup de questions à poser sur l'hôpital de Marmande, également innovant mais d'une organisation plus classique, et dont nous avons reçu une abondante documentation.

Enfin, la FEDOSAD a une problématique de prise en charge différente, avec des structures nouvelles, une offre de services innovante, une approche intergénérationnelle. Nous aimerions connaître son analyse économique, non pas tant de son propre point de vue que de celui des personnes âgées et de leurs familles ?

Mais peut-être pourrions-nous commencer par évoquer l'expérience de Vaugirard ?

Mme Dominique Bachelin : Vaugirard est un hôpital gériatrique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), situé dans le 15e arrondissement de Paris, et qui compte 315 lits : 10 lits de court séjour, 124 lits de soins de suite et de réadaptation (SSR), 181 lits de soins de longue durée - dont 8 en appartement hospitalier, le premier ouvert à Paris, et 11 en hôpital de jour. J'y suis depuis juillet 2003, mais l'hôpital a ouvert en 1992. Les unités sont de 40 lits environ, et une architecture très bien pensée a permis d'aménager trois pôles au sein de chaque unité, de façon à ce qu'une certaine autonomie soit respectée, ce qui ne serait pas le cas dans un grand ensemble. Chaque unité a sa spécificité, sachant que l'on peut observer, depuis quelques années, une nette évolution de l'âge des personnes qui entrent : de 75 ans en moyenne en 1992, il est passé aujourd'hui à 85 ans en SSR et à 87 ans en court séjour. Cela signifie que la prise en charge hors hôpital et le maintien à domicile se sont développés, permettant aux patients d'entrer bien plus tard qu'avant.

A Paris, il est très difficile de trouver, parmi les différentes structures du genre établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) non médicalisées, publiques ou privées, le meilleur lieu d'accueil pour des patients qui doivent alterner entre une structure à une autre. Dans notre projet d'hôpital pour 2005-2009, nous avons avancé la notion de « patient navigant », pouvant selon les moments rester à domicile - avec une assistance plus ou moins importante - ou être accueilli en SSR, en court séjour, voire aux urgences en période aiguë. Vaugirard, hôpital d'aval et de proximité, a une étroite coopération avec l'hôpital européen Georges-Pompidou. En cas de fracture du col du fémur, par exemple, un gériatre prendra la personne en charge dans une structure de court séjour dès lors qu'on observera une certaine stabilisation, après quoi il faudra choisir entre retour à domicile et passage en SSR d'abord, puis, selon les cas, entre retour à domicile et entrée en établissement - et surtout, dans ce dernier cas, entre différents type d'établissement : maison de retraite, logement-foyer ?

La difficulté que nous avons est que nous sommes confrontés à des familles embarrassées, désarçonnées devant ces diverses possibilités et devant les complexités administratives et financières. Ce qui manque, ce n'est pas tant une plateforme de professionnels travaillant ensemble - car tout de même, ça existe - qu'un suivi personnalisé des personnes âgées ayant eu un problème médical. Force est de constater, hélas, que la personne âgée n'est généralement pas accueillie au bon endroit au bon moment.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est votre prix de journée en unité de soins de longue durée (USLD) et en SSR ?

Mme Dominique Bachelin : En SSR, la tarification officielle au 1er janvier 2006 est la suivante : 339,79 euros. En USLD, c'est la tarification ternaire qui s'applique, et c'est là que les complications commencent.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le forfait hospitalier est-il perçu en SSR ?

Mme Dominique Bachelin : Oui, et il est, comme vous le savez, de 15 euros.

En USLD, le forfait de soins est de 101,44 euros pour les GIR 1 et 2, de 60 euros pour les GIR 3 et 4, de 16,97 euros pour les GIR 5 et 6, sachant que nous avons plus de 80 % de personnes en GIR 1 et 2, et aucune en GIR 5 et 6. Quant au forfait dépendance, il est respectivement de 18,50 euros, 10,53 euros et 2,78 euros. Enfin, le tarif d'hébergement est de 72 ou de 77 euros selon que la chambre est à deux lits ou à un lit. A cela s'ajoute tout un système d'aides que l'on peut obtenir ou non selon les cas. C'est une tarification compliquée, qu'il faut expliquer longuement à la famille ou au conjoint...

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Avez-vous analysé, décortiqué le tarif d'hébergement ? Quelle est la part des frais de personnel ?

Mme Dominique Bachelin : C'est très simple : elle représente 80 % du total.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Y a-t-il une partie du personnel soignant financée sur le tarif d'hébergement ?

Mme Dominique Bachelin : Oui, avec une distinction entre la section 90 pour le court séjour et la SSR, et la section 98 pour le long séjour. Certains personnels sont à 100 % financés sur la section soins, d'autres - en USLD - sur la section hébergement. Je pourrai vous donner la répartition si cela vous intéresse.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela nous intéresse au plus haut point, car lorsqu'on compare les tarifs d'hébergement, on constate que c'est 32,09 euros à Marmande.

Mme Maryse Arnaud : Il faut comparer ce qui est comparable, car la prise en charge n'est pas la même. Nous avons trois structures qui accueillent des personnes âgées. Si l'on prend en compte l'unité Alzheimer, nous sommes les plus chers du département, mais nous restons moins chers que Paris. Le tarif d'hébergement est de 58,60 euros en tarif hébergement, le forfait dépendance de 22,36 en GIR 1 et 2 - nous n'avons personne en GIR 3 et 4.

M. Pierre Morange, coprésident : D'où la nécessité d'une comptabilité analytique poste par poste, car les populations et les pathologies ne sont pas les mêmes partout. Cela ne suffit peut-être pas, toutefois, à expliquer l'ampleur des écarts constatés.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'aimerais savoir si l'expérience de l'hôpital de Vaugirard a donné lieu à une analyse du coût des 8 places en appartement.

Mme Dominique Bachelin : Nous l'avons faite, car nous projetons de créer, dans l'ex-hôpital Boucicaut, deux appartements de 11 lits chacun. Le projet pilote de Vaugirard a fait suite à des interrogations que nous avions, au moment où l'on étudiait beaucoup ce qui se fait dans les pays scandinaves, où l'on a créé les centres d'activités naturelles tirées d'occupations utiles (CANTOU) en France, avec une prise en charge médicale et familiale. L'hôpital a ouvert en 1992, l'appartement en 1998. Selon ce que j'ai pu lire - car je n'étais pas encore là à l'époque, les patients venaient des USLD. On a d'abord sélectionné 27 patients, dont 8 tous volontaires - ont été finalement retenus. Les études ont porté sur les deux premières années de fonctionnement, c'est-à-dire entre 1998 et 2000, après quoi on a considéré que la vitesse de croisière était atteinte.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'ai visité l'appartement, et on m'a assuré qu'on avait constaté un effet très net sur l'évolution de la dépendance.

Mme Dominique Bachelin : En effet, grâce à la mobilisation des personnels, des familles, des bénévoles, la perte d'autonomie est visiblement stabilisée la première année, notamment en ce qui concerne la question de l'incontinence, et la perte des facultés cognitives est très ralentie. Au bout de deux ans, en revanche, les médecins ont constaté que les patients sont pratiquement dans le même état, qu'ils soient dans l'appartement et à l'hôpital même.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On gagne donc tout de même deux ans de qualité de vie... Et les coûts ?

Mme Dominique Bachelin : Ils sont identiques, à un euro près. Il n'y a donc pas de gain particulier sur ce plan-là.

Pourrez-vous nous donner des éléments plus détaillés de comparaison des coûts ?

Mme Dominique Bachelin : Je vous les ferai parvenir.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je donne maintenant la parole à Mme Arnaud, qui va nous présenter l'hôpital de Marmande.

Mme Maryse Arnaud : L'hôpital intercommunal a été créé en 1995, par fusion entre les hôpitaux de Tonneins et de Marmande, éloignés d'une vingtaine de kilomètres. Outre 170 lits et places de médecine, chirurgie et obstétrique, 30 lits de soins de suite et de réadaptation et 20 places de soins infirmiers à domicile, l'établissement gère trois structures accueillant des personnes âgées : l'USLD de Tonneins à orientation Alzheimer qui compte 25 places, l'USLD de Marmande avec 40 lits autorisés, et l'EHPAD issu de l'ex-maison de retraite, avec une capacité d'accueil répartie sur les sites de Tonneins pour 45 lits et de Marmande pour 110 lits.

L'unité Alzheimer, ouverte en 2002, ne comporte que des chambres individuelles, elle dispose de pièces rafraîchies et a été pensée comme lieu de vie, ce qui la rend tout à fait adaptée aux patients. Elle réalise, en moyenne annuelle, 10 000 journées, et le GIR moyen pondéré est de 904 -  ce qui est très lourd puisque le maximum possible est de 1 000.

L'effectif est de 27,2 agents, certains étant en partie financés sur les consultations mémoire. L'hébergement finance 5,5 équivalents temps plein, soit 20 % de l'effectif, 19 % étant financé sur le forfait dépendance et 61 % sur le forfait soins. Au sein du budget total, 53 % de nos ressources proviennent du forfait soins, 13 % de la dépendance et 34 % de l'hébergement. Parmi les dépenses de personnel, ces proportions sont respectivement de 69 %, 16 % et 15 %.

Le tarif journalier en accueil complet est, pour les GIR 1 et 2, de 58,57 euros pour l'hébergement, de 22,36 euros pour la dépendance et de 90,44 euros pour les soins. Pour les GIR 5 et 6, il est de 6,02 euros pour la dépendance. Les résidents paient donc 64,59 euros par jour.

En accueil de jour, le tarif est, pour les GIR 1 et 2, de 43,92 euros pour l'hébergement et de 16,77 euros pour la dépendance, et pour les GIR 5 et 6, de 6,02 euros au titre de la dépendance. Les résidents paient donc 49,94 euros par jour.

Les lits de l'USLD et de l'EHPAD sont installés sur deux sites distincts. L'EHPAD a 110 lits à Marmande, où il reste un peu plus de la moitié de chambres à trois lits, et 45 lits à Tonneins, où plus des deux tiers des patients sont dans des chambres à un lit. L'EHPAD, issu de l'ancienne maison de retraite, est l'objet d'une convention tripartite signée fin 2004. L'USLD a demandé sa transformation en EHPAD pour pouvoir faire l'objet d'une convention.

M. Pierre Morange, coprésident : Était-ce la seule motivation ?

Mme Maryse Arnaud : Actuellement, l'USLD et la maison de retraite sont dans le même bâtiment. Le tarif étant moins élevé en long séjour, nous avons parfois une pression assez forte des familles lorsque la personne âgée est en GIR 1 ou 2. Dans une même entité, ce n'est pas facile à gérer, mais c'est défendable. Par contre, dans la mesure où les USLD sont exclues des prêts sans intérêts pour la restructuration, elles doivent, pour en bénéficier, se transformer en EHPAD.

M. Pierre Morange, coprésident : Qu'est-ce qui explique cette différence de tarif entre 32 et 36 euros ?

Mme Maryse Arnaud : En USLD, le tarif d'hébergement est de 12,63 euros contre 12,85 euros en EHPAD. Pour les dépenses hôtelières générales, les montants sont respectivement de 15,97 et 18,37 euros, notamment parce que le site de Tonneins a été rénové et compte moins de chambres à trois lits. Mais les 18,37 euros recouvrent à la fois la partie rénovée de Tonneins et la partie non rénovée de Marmande.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans la structure du prix de journée, y a-t-il intégration éventuelle de l'amortissement ?

Mme Maryse Arnaud : Les frais financiers, intérêts d'emprunts, amortissements représentent 2,22 euros par jour pour l'USLD de Marmande, car le bâtiment n'a pas été rénové, et de 4,83 euros pour l'EHPAD, car il y a l'impact des travaux sur le secteur de Tonneins. Pour l'unité Alzheimer, les frais financiers représentent 14,32 euros par jour sur le total de 58,57 euros.

M. Pierre Morange, coprésident : Lorsqu'une l'USLD se transforme en EHPAD, est-ce que cela pose des problèmes statutaires ?

Mme Maryse Arnaud : Il n'y a pas de vraie fixation sur la question du statut sanitaire ou médico-social. Ce qui importe, c'est d'avoir les moyens d'accueillir les patients.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous savez qu'il existe actuellement des interrogations sur la justification des lits USLD et sur l'opportunité de les convertir en EHPAD. Cette conversion est-elle difficile à mettre en œuvre, sur le plan juridique et humain ?

Mme Maryse Arnaud : Elle ne sera effective qu'à la signature de la convention tripartite. L'enjeu est de pouvoir accueillir des patients ayant des pathologies lourdes, sans quoi les services de soins de suite n'auront pas d'aval. Les difficultés surgiront donc lorsque l'on négociera la convention, compte notamment tenu de la norme DOMINIC.

M. Pierre Morange, coprésident : Et le statut du personnel ?

Mme Maryse Arnaud : Il y a une petite difficulté architecturale, car la sécurité incendie est de type U ou J. Quand on dépose le permis de construire, et que l'USLD et l'EHPAD font partie du même bâtiment, il faut négocier avec les services d'incendie. Nous espérons rester au type U, qui correspond à 15 lits.

M. François Bonnevay : Nous ressentons la transformation des lits comme une contrainte. Que deviendront les patients ? Dans les ULSD, on trouve des gens rendus grabataires non par une pathologie mais par l'impossibilité d'une prise en charge satisfaisante. Ainsi de toutes les personnes atteintes d'un syndrome démentiel qui, si elles étaient hébergées ailleurs, n'iraient pas aussi vite vers une grabatisation dont la structure et le mode de prise en charge accélèrent la survenue. Mais on y trouve aussi des patients authentiquement hospitalo-requérants, et nous espérons donc pouvoir conserver des lits de soins de longue durée. Après tout, vieillissement et grabatisation ne vont pas forcément de pair, et nous ne finirons pas tous grabataires.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : J'espère que l'étude de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la définition du long séjour permettra d'y voir plus clair. J'aimerais que vous reveniez sur les conséquences du manque de personnel ou de structures sur la grabatisation. Plus largement, que vous nous parliez des travaux que vous avez menés avec M. Jérôme Pelissier et que vous nous disiez s'ils peuvent avoir une incidence économique en faisant évoluer les modes de prise en charge.

M. François Bonnevay : Une unité spécifique Alzheimer de 25 lits ne peut être isolée, et la nôtre s'inscrit dans la filière gériatrique. Ainsi, une consultation mémoire labellisée lui a été associée, et personne n'entre dans l'unité qui ne l'ait consulté au préalable. Une unité de ce type ne se conçoit pas davantage s'il n'y a pas à proximité un service de moyen séjour et un service de court séjour, et des compétences qui peuvent circuler d'un service à l'autre - c'est un ensemble.

Lorsque l'unité a été ouverte, en 2002, le contrat passé avec la tutelle a été que nous ne prendrions en charge que les patients en GIR 1 et en GIR 2, les autres pouvant rester à domicile. Il n'était pas question de vider les EHPAD des malades atteints de maladies neuro-dégénératives mais d'orienter la prise en compte de ces patients vers des soins psycho-comportementaux. Il s'agissait bien de « prendre soin », et non de médicaliser, et c'est ce que nous essayons de faire. Pour cela, on n'a pas besoin de techniques médicales extraordinaires, mais de gens formés à la prise en charge de ces patients-là. La preuve a été apportée que la manière dont ils sont pris en charge module les troubles au point qu'ils disparaissent. On a ainsi constaté l'absence de grabatisation, sauf en toute fin de vie ; l'absence de perte de poids ; le ralentissement des processus infectieux, ce qui, incidemment, réduit les dépenses de soins médicaux ; l'absence totale de transfert en services d'hospitalisation de longue durée - aucune en quatre ans, pour 25 lits - ; une seule fracture pour quelque 300 chutes... Les patients admis étant tous en GIR 1 et en GIR 2, nous pensions qu'un quart d'entre eux mourraient ; il n'y a eu que six décès en quatre ans. Tels sont les constats, qui s'expliquent par l'application des techniques spécifiques de prise en charge décrites par M. Yves Gineste et sa femme, Mme Rosette Marescotti dans leur livre Humanitude, méthodologie qui fait disparaître une grande partie des troubles psycho-comportementaux.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Sans augmentation de personnel ?

M. François Bonnevay : Non. Cette méthode en appelle au bon sens. Ainsi, les toilettes enseignées dans les instituts de formation en soins infirmiers sont conçues pour des patients qui n'ont aucun trouble cognitif. Si l'on a affaire à des personnes atteintes d'un syndrome démentiel, elles déclenchent un conflit inéluctable. Il faut donc rendre compréhensibles et acceptables les soins par un dément. Il existe pour cela des modes de communication non verbale qui permettent de réapprivoiser le soin et de recréer du bonheur et du plaisir chez des gens qui ressentaient les soins comme une agression.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je serais favorable à ce que nous allions vous visiter. Cela nous permettrait aussi d'aller plus loin sur le volet des économies en produits pharmaceutiques et en dépenses de personnel induites par votre prise en charge. Pouvez-vous nous donner quelques indications à ce sujet ?

M. François Bonnevay : Dans l'unité Alzheimer, les coûts pharmaceutiques sont de 3,20 euros par jour, soit moins de 100 euros par mois. Pour le reste, le coût des fournitures médicales s'établit à 3,51 euros, celui de la sous-traitance à 0,54 euro, du matériel médical à 0,01 euro, de la maintenance à 0,03 euro, soit, au total, 4,28 euros par personne.

L'indicateur « décès » est relatif, mais celui des transferts à l'hôpital ne l'est pas. Or, comme je vous l'ai dit, il n'y a eu aucune hospitalisation d'aucune sorte en quatre ans - et nous ne transformons pas l'unité Alzheimer en mini hôpital, tant s'en faut. Pendant la même période, on a dénombré 1  82 journées d'hospitalisation pour les personnes en EHPAD, soit 2,4 %.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Votre statut vous donne-t-il une prise en charge des soins élevée ?

Mme Maryse Arnaud : Oui.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie. La parole est à M. Michel Thiry.

M. Michel Thiry : La FEDOSAD est une association régie par la loi de 1901 qui s'est donnée pour missions l'aide à domicile, les soins infirmiers à domicile, l'hospitalisation à domicile, les gardes de nuit. Elle a aussi mis en œuvre le service « SOS chute » avec le SAMU de Dijon. Elle a créé un EHPAD où le GIR moyen pondéré (GMP) s'établit à 831, des domiciles protégés où le GMP est de 860 et un accueil de jour pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Sa grande spécialité est l'accueil de la grande dépendance, patients pour la plupart atteints de la maladie d'Alzheimer.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le niveau de dépendance est donc très élevé dans les domiciles protégés ?

M. Pierre-Henri Daure : Oui, car en les ouvrant en janvier 1988, nous souhaitions créer un lieu de vie pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer pour lesquels il n'existait pas à l'époque de structures adaptées. Conçus sur le modèle des appartements thérapeutiques destinés aux malades mentaux, ils accueillent 4 ou 5 résidents et des professionnels. En 1992, nous avons ouvert une maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes (MAPAD) avec une section de cure médicale et, après la réforme de la tarification, signé une convention tripartite. Nous avons conservé nos services de soins à domicile et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) individuelle étant plus intéressante à domicile qu'en établissement, une évolution s'est faite vers l'amélioration de la qualité qui figurait dans les engagements que nous avions pris en conventionnant. La complémentarité est assurée avec les soins en accueil de jour. J'ai transmis au secrétariat de l'ensemble des données chiffrées relatives à nos activités.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Peut-on valablement comparer les coûts des dispositifs expérimentaux mis en œuvre à l'hôpital de Vaugirard, au centre hospitalier intercommunal (CHI) de Marmande-Tonneins et par la FEDOSAD ?

M. Pierre-Henri Daure : Pour cela, puisque l'on accompagne la grande dépendance, il faut s'assurer que l'on parle de la prise en charge financière globale, sans rien omettre, qu'il s'agisse du coût salarial du personnel soignant mais aussi des couches pour les personnes incontinentes et de l'animation, d'autant plus nécessaire que le niveau de dépendance des personnes accueillies est grand.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quel est le statut de vos structures ?

M. Pierre-Henri Daure : Puisque, avec la MAPAD Les Roches d'Orgères, nous sommes entre établissement et domicile, elle a un statut d'EHPAD adapté, ce qui permet une solvabilisation par l'APA. La conception des lieux, en petites unités de vie, est un avantage pour les familles, qui connaissent tout le personnel. Il est difficile de voir les siens vieillir ; c'est plus difficile encore lorsque les familles sont confrontées à une grande concentration de personnes très dépendantes, et l'on sait aussi qu'une telle configuration a pour effet, par mimétisme, d'aggraver l'état des personnes.

M. François Bonnevay : C'est aussi pourquoi notre unité Alzheimer ne compte que 25 places.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je tenais à ce que les MAPAD n'en comptent pas davantage.

M. Pierre-Henri Daure : De fait, auparavant, il n'y avait pas de seuil.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : De ce que vous nous avez dit, il ressort que le reste à charge n'est pas sensiblement différent, mais vous avez insisté sur la qualité de la prise en charge des personnes et singulièrement sur le ralentissement de la grabatisation, dont j'ai cru comprendre qu'il s'obtenait en adaptant les tâches du personnel.

M. Pierre-Henri Daure : Néanmoins, plus les personnes sont dépendantes, plus il faut de monde pour s'occuper d'elles.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ma préoccupation constante est l'amélioration de la prise en charge. Une comptabilité analytique comparée nous permettrait d'y voir plus clair.

M. Pierre Morange, coprésident : Comme à tous ceux qui vous ont précédés, je tiens à dire que toutes vos propositions tendant à améliorer l'efficacité des dispositifs, à optimiser leur financement et à les simplifier seront les bienvenues.

M. Pierre-Henri Daure : Cela dépend beaucoup des acteurs de terrain. Plus nos interlocuteurs des Caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), des DDASS et des conseils généraux sont ouverts et plus les choses sont faciles.

M. Michel Thiry : La multiplicité de nos activités nous permet de moduler les interventions. Très souvent, nous faisons connaissance des personnes lors des premières demandes de soins à domicile, et nous les suivons au long de leur vieillissement. L'évolution progressive vers le domicile protégé est bien préférable à la situation dans laquelle se trouvent ceux qui doivent être hospitalisés ou hébergés d'urgence. Par ailleurs, le programme de vie intergénérationnelle de Saint-Apollinaire montre qu'un tel dispositif a une incidence heureuse sur l'état d'esprit des personnes dépendantes mais aussi sur celui des personnes valides, qui envisagent la dépendance avec moins de frayeur. Un lien capital est instauré pour tous, y compris les familles, et cette proximité améliore l'état des résidents.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je retiens que vous avez tous insisté sur la nécessité de petites structures, sur la formation du personnel et sur le bien-fondé d'une offre complète, qui n'a pas obligatoirement d'incidence sur le prix de journée.

Mme Dominique Bachelin : À Paris en tout cas, mais peut-être ailleurs, le personnel est très jeune. Avec ces jeunes gens qui sortent de l'école, il y a des problèmes de langage et aussi d'approche, car ils n'ont pas été formés à la gérontologie. Nous avons aussi du mal à fidéliser les membres de notre personnel car, bien souvent, ils sont contraints à des trajets longs d'une heure et demie sinon deux heures pour venir travailler. Une réflexion s'impose à ce sujet, qui doit valoir pour les infirmiers et pour les aides-soignants. Elle doit porter aussi sur ce qui touche à la manipulation de corps douloureux. Nous avons ainsi constaté une amélioration très nette de l'état de nos résidents, en un an, après l'entrée en fonction d'une infirmière formée à l'haptonomie dans la seule école de France, située dans les Pyrénées. Elle occupe actuellement un poste à mi-temps, qui va être transformé en temps plein. Toutes sortes d'activités existent qui sont autant de sources de mieux-être dans les soins.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il serait intéressant de démontrer que certaines techniques de soins permettent de réduire l'incontinence.

M. François Bonnevay : De 65 à 70 % de la population actuellement en institution est porteuse d'un syndrome démentiel diagnostiqué. Mais 40 % des allocataires de l'APA ont le même syndrome, très sévère et non reconnu. Pour que le bon patient soit envoyé au bon endroit, une évaluation précise de la situation des personnes est impérative.

Pour ce qui est du taux d'encadrement, la France connaît un grand retard. L'association France-Alzheimer souhaite un ratio de 1, les professionnels pensent que parvenir à un ratio de 0,8 ne serait déjà pas si mal, et l'on est à 0,4... Autrement dit, oui, il faut augmenter le personnel, mais aussi lui donner une formation adéquate, sans laquelle l'amélioration du ratio ne voudra rien dire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie et je vous félicite pour l'efficacité et la passion avec lesquelles vous agissez.

--____--


© Assemblée nationale