COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 12

Jeudi 21 février 2006
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard, coprésidente

SOMMAIRE

 

pages

Auditions sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées

 

- M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

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- M. Philippe Bas, Ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous prie d'excuser l'absence de M. Pierre Morange, coprésident, actuellement en mission pour l'Assemblée.

Nous accueillons ce matin M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, que nous avions déjà auditionné mais que nous avons souhaité revoir pour approfondir un certain nombre de sujets.

Vous avez sans doute vu, dans les comptes rendus de nos auditions, que nous étions partis de la question du financement de l'ensemble du dispositif en faveur des personnes âgées, mais que nous avons été amenés à nous pencher davantage sur le « reste à charge » pour les personnes âgées et leurs familles, ainsi que sur le fait que les investissements sont, au bout du compte, supportés par les personnes âgées elles-mêmes.

Les comptes prévisionnels de la CNSA pour 2006 font désormais apparaître en ressources l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les personnes âgées et handicapées. Cet ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) médico-social, complété par une contribution de la CNSA alimentée par le produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie, permet de financer les établissements pour personnes âgées handicapées. Pouvez-vous aujourd'hui nous indiquer quel est le montant exact de cet ONDAM ?

Nous aimerions également savoir combien d'établissements ont aujourd'hui signé une convention tripartite et comment vont se dérouler les premiers renouvellements de ces conventions.

M. Denis Piveteau : Cette année, comme l'année précédente et les années à venir, les ressources de l'assurance-maladie sont complétées par les ressources propres de la CNSA. Sur la section du financement des établissements et services sociaux médico-sociaux accueillant des personnes âgées dépendantes, le montant total inscrit cette année est de 4,883 milliards d'euros, chiffre qui doit être corrigé pour obtenir celui des dépenses encadrées, car ce ne sont pas les remboursements de l'assurance maladie qui sont encadrés mais bien les dépenses des établissements. Je ne puis vous indiquer immédiatement le montant total mais il reste légèrement inférieur à 5 milliards.

Son évolution depuis 2000 est retracée dans les documents que je vous ai précédemment transmis. Le taux de progression de ce qu'on pourrait appeler l'« ONDAM personnes âgées » est en moyenne supérieure à 10 % par an, même s'il faut tenir compte des reports.

J'observe toutefois qu'on ne dispose pas d'un ONDAM spécifique pour les établissements et je ne peux donc vous communiquer que les enveloppes et non pas une ventilation entre établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Tout au plus peut-on constater ce qui a été consommé en exécution, mais ces données ne paraissent pas accessibles année après année. Nous ne disposerons d'informations complémentaires que grâce aux programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC).

Les conventions signées couvrent 400 000 places, dont environ 80 000 au titre des conventions signées à la fin de l'année dernière. On arrive, en effet, au renouvellement de quelques conventions signées en 2000 et 2001, pour moins de 400 établissements au total. La CNSA a procédé jeudi dernier à une première notification des enveloppes pour 2006, soit 98 % des crédits. Nous avons prévu non seulement les crédits nécessaires à la participation aux dépenses de tous les établissements, mais aussi les crédits nouveaux liés à des créations de places et à la médicalisation de places existantes, c'est-à-dire à la signature et au renouvellement de conventions. J'ai pris le parti de constituer une réserve de précaution dans la mesure où le ministre a annoncé l'ouverture de réflexions sur l'assouplissement de la tarification pour une meilleure prise en charge des soins dans les établissements ayant déjà signé des conventions. L'accompagnement des améliorations et de la médicalisation pourra ainsi bénéficier, lorsque les critères ont été arrêtés, de 30 millions d'euros. Je rappelle en effet que la CNSA n'a pour responsabilité de fixer ni le montant des enveloppes ni les règles applicables à la tarification, mais uniquement les règles de répartition entre les départements, qui doivent être les plus justes possible au vu des critères. Aussi, si l'accent est mis sur le renouvellement des conventions, il conviendra de bien noter les départements qui en comptent un nombre important.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les représentants des mutuelles nous ont fait observer que lorsqu'ils étaient bien dotés les EHPAD n'étaient guère enclins à signer des conventions en raison de l'application de la « DOMINIC + 35 » (dotation minimale de convergence). Quelle est la position de la CNSA vis-à-vis de tels établissements ?

M. Denis Piveteau : La « DOMINIC + 35 » est tempérée par le clapet anti-retour, qui fait qu'un établissement ne peut pas perdre des ressources en provenance de l'assurance maladie.

Mais je n'ai pas vocation à m'exprimer sur cette question au nom de la CNSA, dans la mesure où le conseil n'a pas été amené à en débattre. Même s'il ne lui est pas interdit de se saisir des sujets relatifs à la perte d'autonomie, je rappelle que la Caisse a surtout un rôle de répartition territoriale équitable des sommes dont elle dispose. Or les documents que je viens de vous remettre montrent de fortes disparités entre les territoires et donc la nécessité d'un important rattrapage.

Il est ainsi important que la répartition des crédits destinés aux nouveaux conventionnements soit faite au vu de l'écart entre le nombre de places déjà conventionnées dans les départements et ce qui reste à faire. Il n'était donc pas inutile de la CNSA se penche sur cette question et fasse remonter les informations de chaque département.

Pourquoi est-on à 100 % de conventionnement dans certains départements et à 20 % dans d'autres ? À l'évidence, les raisons sont diverses et nous espérons que ce nouvel outil que seront les PRIAC permettront de mener une étude fine.

Certains établissements, notamment les unités de soins de longue durée (USLD), mieux dotés que ce à quoi ils pourraient prétendre si les ressources leur étaient affectées sur la base de la « DOMINIC + 35 », ne voient guère d'incitation financière à passer une convention.

Il en est de même des établissements ayant fortement recours à des soins libéraux, donc à des intervenants extérieurs rémunérés et remboursés à l'acte, dans le cadre de la prise en charge individuelle des patients : ces soins n'apparaissant pas dans le budget de l'établissement, ils ne sont pas pris en compte par le mécanisme du clapet anti-retour.

Enfin, un certain nombre de petits établissements hésitent à se lancer dans un travail complexe d'ingénierie administrative, qui les obligerait, par exemple, à examiner l'ensemble des procédures et à s'intéresser en détail à chaque emploi et à la qualification des personnels.

Cela étant, même si le processus n'est pas aussi rapide qu'on l'avait espéré, le nombre des conventionnements ne fléchit pas. Il y a quand même un bénéfice pour les établissements qui entrent dans le dispositif, le taux d'encadrement en personnel soignant par patient augmentant en moyenne de 0,4 %.

J'en viens aux tableaux qui vous ont été remis. Un certain nombre d'événements sont intervenus depuis que nous nous sommes vus : lancement du plan d'investissement, campagne tarifaire 2006, mise en place des PRIAC, analyse des besoins remontant des départements, que nous attendons pour fin mars - début avril, pour que l'ONDAM puisse être construit à partir de ces informations, travail d'analyse, certes encore sommaire, destiné à définir les bons critères de répartition.

Le premier tableau part du constat qu'il y avait au 31 décembre 2005 31 000 places en attente de financement. Il s'agit de dossiers d'EHPAD ayant reçu un avis favorable des Comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) et répondant à un besoin, mais qui ont été rejetés par le préfet, non parce qu'il en contestait le bien-fondé mais faute de financement, le plan Vieillissement et Solidarité ayant été bâti sur un rythme de 5 000 créations de places chaque année.

Logiquement, cela devrait conduire à donner plus d'argent aux départements qui ont beaucoup de places en attente. Mais on s'aperçoit qu'il n'y a, en fait, aucune corrélation entre le taux actuel d'équipement en maisons de retraite et le nombre des places en attente : certains départements où l'équipement est supérieur à la moyenne nationale ont beaucoup de places en attente, d'autres où le taux d'équipement est inférieur, en ont très peu.

Pourtant, la disparité entre les départements est très forte puisqu'on va de 24 à 204 places pour 1 000 habitants de plus 75 ans. En clair, cela signifie qu'on peut avoir, selon les départements, jusqu'à dix fois plus de chances de trouver une place en établissement. Cela montre la nécessité de moduler l'accroissement des moyens afin d'avantager les départements qui sont en situation de rattrapage.

J'ajoute que cela conduit les porteurs de projets à exercer une pression plus forte là où ils savent qu'il y a beaucoup de places en attente.

Mais la situation est sans doute la plus grave là où il y a à la fois un nombre de places disponibles inférieures à la moyenne nationale et une absence de porteurs de projets. Cela montre qu'il ne suffit pas d'engager plus de moyens et qu'il faut aussi avoir la capacité de stimuler les projets.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La situation de ces derniers départements est-elle liée à la proportion des structures privées à but commercial, ou à celle des services de soins à domicile ?

M. Denis Piveteau : Nous ne disposions pas des données permettant de faire le lien avec le privé commercial. Nous avons effectué des croisements avec le potentiel fiscal, qui ne sont pas probants, mais nous n'avons pas pu en faire avec le coût du foncier. Une étude spécifique serait nécessaire pour avoir des éléments non plus seulement sur les flux, que nous connaissons grâce à la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, mais aussi sur les stocks.

Si on inclut les SSIAD, il faut aussi tenir compte des soins infirmiers libéraux. Or, jusqu'ici, l'assurance maladie ne pouvait pas nous donner le nombre d'actes infirmiers de soins (AIS) par département. C'est pour cela que le deuxième document est un tableau par région. Il donne la dépense assurance maladie par habitant pour les EHPAD, les USLD, les SSIAD et les AIS.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Le tableau ne prend pas en compte les hospitalisations à domicile (HAD) intervenant en gériatrie, alors qu'on sait qu'un certain nombre de départements les utilisent dans une logique de soins à domicile.

M. Denis Piveteau : Sur ce tableau, l'exemple de la Corse est le plus probant, dans la mesure où l'entité régionale est plus proche de l'entité départementale. On voit que le nombre de places en attente est assez important, et que la dépense pas habitant l'est aussi. Comme il n'y a pas beaucoup d'EHPAD, cela montre que cette dépense est surtout utilisée pour les infirmiers libéraux et les SSIAD.

Même s'il faut se méfier des données agrégées, la tendance qui se dessine sur ce tableau est manifestement contraire au bon sens : plus on dépense par habitant et plus il y a de places en attente.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Peut-on en conclure que la Corse a su, mieux que d'autres, faire supporter à l'assurance-maladie la prise en charge des personnes âgées ?

M. Denis Piveteau : En dehors de la Corse, les moyennes régionales ne signifient pas grand-chose et il est donc difficile de faire des comparaisons.

La Franche-Comté est un des exemples qui avaient été présentés au conseil de la CNSA, et il ne faut voir là aucun clin d'œil... Elle fait partie de ces régions où les départements sont assez proches les uns des autres, alors que les profils départementaux sont très différents ailleurs, en particulier en Languedoc-Roussillon. C'est pourquoi les enveloppes doivent être déléguées au niveau régional car c'est là qu'on peut le mieux répondre à la nécessité urgente de rattrapages entre les départements. Telle est la démarche de la CNSA, car la responsabilisation des acteurs locaux est essentielle.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Pour la Franche-Comté, le tableau montre qu'il y a peu de projets et, de ce fait, peu de financements par l'assurance maladie pour les hébergements en USLD, les SSIAD et les AIS.

M. Denis Piveteau : Il n'y a pas de lien de cause à effet. On peut simplement dire que les dépenses de l'assurance maladie par personne âgée sont inférieures à la moyenne nationale, ce qui justifierait un rattrapage, mais que pourtant les porteurs de projets ne se dirigent pas vers ces départements. Peut-être cela tient-il simplement au fait qu'ils ne savent pas quelle est exactement la situation et qu'on n'affiche pas une stratégie claire d'affectation de moyens supplémentaires aux départements qui en ont le plus besoin.

Le tableau suivant intègre les logements foyers et les USLD. L'absence de corrélation logique demeure. La question des places en attente de financement est préoccupante car on a l'impression qu'un besoin s'exprime et qu'on n'y répond pas, mais ces tableaux montrent aussi que certains vrais besoins ne s'expriment pas.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : On a bien vu avec l'exemple de Paris ce problème du manque d'opérateurs.

M. Denis Piveteau : Pour que les opérateurs se dirigent vers les départements où il y a des projets à développer, il faut d'abord qu'ils sachent que c'est là que les besoins sont les plus manifestes et qu'ils aient connaissance d'une stratégie claire et à moyen terme de rattrapage. La transparence est donc très importante.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les difficultés à accéder à la connaissance figureront en bonne place dans notre rapport. Je vous remercie donc des efforts que déploie la CNSA pour mettre en place un dispositif de collecte des informations. L'enjeu démocratique sera ensuite, surtout dans le contexte de la décentralisation, la diffusion de ces informations en direction des habitants, des opérateurs et des décideurs.

M. Denis Piveteau : C'est aussi en diffusant ces informations qu'elles s'amélioreront. Je ne considère pas, par exemple, que le taux d'équipement soit un bon indicateur du niveau de couverture des besoins : il faut tenir également compte de la population à venir et des flux entre les départements.

M. Noël Diricq : On peut se demander pourquoi, alors que dans certains départements où il y a un grand nombre de projets en attente, les opérateurs sont prêts, les efforts de la collectivité ne décollent pas. Pourquoi y a-t-il autant de projets dans une région comme la Corse, alors que la présence des infirmières à domicile est très importante ? Les opérateurs ne se rendent-ils pas compte qu'il n'y a de place pour eux ni politiquement ni économiquement ?

M. Jean-Marie Rolland : Je suis frappé, à la lecture du premier tableau, par les différences entre des départements voisins comme le Var et les Alpes-Maritimes ou les Vosges et le Territoire de Belfort. Manifestement, la volonté politique n'est pas la même selon les départements et je comprends donc mal le souhait de la CNSA de mener un rééquilibrage au niveau régional.

M. Denis Piveteau : Les porteurs de projets adoptent une stratégie rationnelle quand ils se dirigent vers les départements peu équipés. Sur le tableau, la corrélation n'est pas faite avec les enveloppes déléguées chaque année mais avec le taux d'équipement tel qu'il est. On voit, par exemple, que la Haute-Savoie est en retard rapport à l'ensemble de la région Rhône-Alpes, plutôt mieux équipée que la moyenne, mais les porteurs de projets savent que ce département a fait l'objet d'un important effort de rattrapage.

De tels tableaux valent surtout par le message qu'ils délivrent, mais on ne peut pas tirer de raisonnement d'un seul point donné, ici d'un seul département.

S'agissant du rééquilibrage, l'objectif d'équité dans la répartition des enveloppes est inscrit dans la loi et l'échelon régional est sans doute administrativement le plus commode mais il n'est pas forcément le plus pertinent.

Vous m'avez aussi interrogé, Madame la rapporteure, sur le « reste à charge » et sur les aides à l'investissement.

Il y a trois manières d'aider l'investissement, une des limites étant que la charge des investissements, amortissement compris, pèse sur le tarif d'hébergement : soit on recourt à des sources de financement exogènes ; soit on allège le contenu du tarif d'hébergement de certains de ses éléments actuels ; soit on accompagne le coût d'hébergement, notamment pour les personnes à bas revenus, en améliorant la prise en charge par l'aide sociale.

On peut jouer à la fois sur les trois, selon une logique territorialisée : je ne suis pas sûr que la combinaison des trois systèmes doive être toujours la même entre un département rural, où les retraites agricoles sont inférieures à 1 000 euros par mois, et un département urbain où le problème principal est le coût du foncier. Car un des enseignements majeurs de nos premières analyses est bien que les situations sont très contrastées entre les départements et qu'il faut se garder d'aller trop vite vers une politique uniforme.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Quid des 350 millions d'euros qui iront normalement l'investissement ? Avez-vous pris en compte les questions que nous nous posons ? Dans quelle logique vous inscrivez-vous ? Où en sont les PRIAC ?

M. Denis Piveteau : La loi de financement de la sécurité sociale a prévu que ces 350 millions n'iraient pas à la création de nouvelles places mais à la réhabilitation de l'existant. On est donc dans une logique proche de la médicalisation, afin d'aller vers une meilleure qualité de prise en charge dans les établissements existants. Ces crédits ont en particulier vocation à accompagner les établissements qui hésitent à entrer dans la démarche de conventionnement. On peut ainsi les aider à répondre au cahier des charges de la médicalisation.

M. Georges Colombier : Une partie de cette somme est-elle destinée aux logements foyers ?

M. Denis Piveteau : Le texte est clair : les logements foyers sont éligibles. Le conseil de la CNSA a toutefois fixé des priorités. Il a ainsi jugé souhaitable que cette aide puisse accompagner des démarches de conventionnement, qu'elle permette de financer des bilans patrimoniaux, qu'elle ait des répercussions directes sur le tarif appliqué aux usagers.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La logique d'utilisation de ces 350 millions fera que ceux qui ont le plus gros besoin de création de places n'y seront pas éligibles. Le coût de l'investissement restera ainsi à la charge des personnes âgées.

M. Denis Piveteau : Le principe a été posé que cette opération, qui n'épuise pas à elle seule l'aide qu'on peut apporter à l'investissement, ne vise que des places déjà autorisées.

Il faut à la fois aller vite et ne pas se précipiter, car il s'agit d'une somme considérable par rapport à toutes les opérations d'investissements antérieures. Jusqu'au mois d'avril, les régions vont faire remonter les projets éligibles. C'est au vu de ces demandes qu'il sera procédé aux délégations. S'il y a suffisamment de projets de qualité, la totalité des 350 millions d'euros sera immédiatement déléguée et pourra faire l'objet d'engagements avant l'été, le décaissement suivant ensuite le rythme des travaux.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je vous remercie vivement.

Le souci de ne pas faire attendre le ministre Philippe Bas, que nous allons entendre maintenant, vous a amené à répondre rapidement sur certains points et je vous invite donc à nous transmettre par écrit ce que vous n'auriez pas eu le temps de nous dire, ainsi que d'éventuelles propositions.

*

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue et vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Pierre Morange, coprésident de notre Mission, empêché. Comme vous le savez, nous étudions depuis le mois d'octobre le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées. Le montant du reste à charge des résidents est préoccupant et nous nous sommes interrogés, en particulier, sur les moyens d'atténuer les charges liées à l'investissement pour réduire la part de l'immobilier dans le coût d'hébergement.

Plus largement, nous avons été frappés par l'extrême complexité des circuits de décisions et par l'absence vertigineuse d'informations sur la structure des coûts, ce qui confirme les constatations de la Cour des comptes et de l'ancien Commissariat général du Plan. Nous souhaitons connaître votre avis sur ces différents points.

M. Philippe Bas : La complexité que vous évoquez est inhérente à un système qui s'est construit dans le temps et dans lequel les départements continuent de jouer un rôle essentiel. La création de l'aide personnalisée d'autonomie (APA) et la médicalisation des établissements qui accueillaient les personnes âgées dépendantes tendaient à résoudre un problème qui n'avait pas été suffisamment pris en considération jusqu'alors. Elles supposaient la montée en charge de l'assurance maladie et des financements assis sur la solidarité nationale. Parce que les pouvoirs publics ont choisi, par souci de pragmatisme, de ne pas faire table rase du passé et de ne pas retirer aux départements la compétence en matière d'action sociale en faveur des personnes âgées dépendantes, la complexité du dispositif en a, en effet, été renforcée ; ce qu'il a fallu compenser par une nouvelle organisation. M. Denis Piveteau, que vous venez d'entendre, a pu rappeler toute l'importance que revêt à cet égard la création de la CNSA. Non seulement la Caisse regroupe l'ensemble des financements non départementaux de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, mais elle a vocation à agréger les données pour définir, en liaison avec les conseils généraux, les instruments de pilotage dont nous avons besoin pour sortir du flou dont nous avons hérité. Aujourd'hui, le logiciel national recense uniquement les dépenses d'assurance maladie affectée au secteur médico-social. Cela permet d'en analyser l'évolution mais cela ne permet pas de relier ces dépenses avec celles qui relèvent des volets « dépendance » et « hébergement » qui sont du ressort des départements. Il le faut, pourtant, si l'on souhaite déterminer ce qui reste à la charge des personnes considérées, de leur famille ou de l'aide sociale.

Le système d'information que la CNSA a été chargée de créer permettra, d'ici 2007, de comparer comment, à prestations égales, les ressources des établissements sont utilisées, et favorisera la convergence tarifaire qui n'existe pas aujourd'hui. Pour ne citer qu'un exemple, on sait que le coût d'une aide-soignante est ventilé à 70 % sur le volet « soins » et à 30 % sur le volet « hébergement ». Or, les sources de financement sont cloisonnées, et l'on ne peut procéder aux rapprochements nécessaires. Il était donc urgent de créer des systèmes d'information suffisants. Cela n'implique en rien une remise en cause du rôle respectif des départements et de l'assurance maladie mais, le principe du cofinancement étant acquis, de surmonter les difficultés que suscite la coexistence des sources de financement.

Selon moi, la CNSA préfigure la cinquième branche de la protection sociale. À dessein, je n'utilise pas le terme de « cinquième risque », car le dispositif diffère du mécanisme de sécurité sociale institué en 1945 en ce qu'il n'est pas entièrement redistributif et qu'il a une composante départementale héritière de l'aide sociale. Nous sommes donc en phase d'expérimentation d'un système nouveau appelé à se développer. En effet, les travaux de la Cour des comptes et de l'ancien Commissariat général du plan ont souligné que nos besoins vont augmenter. Chaque euro consacré aux personnes âgées dépendantes doit donc être bien dépensé.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : La Cour des comptes a évalué à 1 % de notre PIB la dépense socialisée en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes et estimé qu'« il ne peut être exclu par principe de la voir croître ». Quel est votre avis à ce sujet ? La complexité du mécanisme de financement de la dépendance, dont vous nous avez rappelé l'origine historique, est-elle appelée à se perpétuer ?

M. Philippe Bas : La question est de savoir si la nation pourra faire face, par un prélèvement reposant sur la solidarité nationale, à ce besoin croissant. Il faut donc déterminer à quelle hauteur les finances publiques seront sollicitées dans les prochaines années.

Au cours du présent quinquennat, nous avons dû procéder à un très important effort de rattrapage en matière de défense et, même s'il reste à un niveau élevé, je ne pense pas que cet effort devra s'accroître encore au cours des cinq à dix ans à venir. S'agissant du budget de l'Éducation nationale, la tendance démographique étant ce qu'elle est, l'effort portant sur le secondaire, le supérieur et la recherche doit pouvoir être financé par redéploiements à moyen et long terme, et je ne vois pas non plus de perspective de dépenses accrues dans ce budget déjà très élevé, ce qui devrait permettre de dégager des marges dans les prochains budgets.

Le troisième poste très important de dépenses publiques est celui des aides à l'emploi. Or, la régression du chômage entamée il y a dix mois et dont je suis convaincu qu'elle va se poursuivre, associée aux perspectives démographiques bien connues, rend vraisemblable, là encore, une régression de la dépense publique. En conclusion, on peut s'attendre à la stabilisation ou à une très probable régression de ces trois très gros postes de la dépense publique. En revanche, le besoin de prise en charge du vieillissement de la population, et des conséquences de la multiplication des cas de maladie d'Alzheimer, ira croissant. Aussi, pour répondre précisément à votre question, je considère que, au cours des cinq à dix prochaines années, notre pays pourra faire face à ce besoin, en organisant le redéploiement de son effort.

Comment évaluer le besoin ? J'observe que ceux qui savent nous disent qu'ils ne savent pas tout. De fait, nous ne pouvons pas dire quelle sera la prévalence de la dépendance à l'échéance de quinze ou de vingt ans. On peut faire des professions de foi, et affirmer que non seulement on vivra plus longtemps mais que l'on vivra beaucoup mieux à un âge donné, et que la dépendance, loin d'augmenter, aura tendance à se réduire, en raison de l'alimentation, des activités et d'autres paramètres. Mais, même dans ce cas, l'augmentation de la population des personnes âgées sera elle aussi très rapide jusqu'en 2025-2030, si bien qu'il y aura augmentation continue de la population des personnes âgées dépendantes et, donc, augmentation incontestable des besoins. Comment y faire face ?

Après que l'ancien Commissariat général du Plan m'a remis sa première étude de prospective des besoins d'hébergement en établissement, qui recensait les hypothèses à l'horizon 2015, je lui en ai commandé une seconde, en demandant que l'on privilégie le scénario du libre choix. En effet, il ne serait pas sage de couvrir le territoire de maisons de retraite si le premier choix des intéressés est le maintien à domicile. Pour autant, le manque de places en structures d'hébergement est patent et important. L'essentiel est donc de répartir l'effort sur l'ensemble de la gamme des offres : aide à domicile, aide ménagère, accueil de jour, hébergement temporaire. C'est pourquoi j'ai souhaité que ne puissent plus être créés de nouveaux établissements d'hébergement qui ne répondraient pas à certaines conditions, au nombre desquelles l'habilitation à l'aide sociale, la possibilité d'accueil de jour et d'hébergement temporaire, des liens étroits avec les SSIAD et des capacités d'accueil de patients atteints de la maladie d'Alzheimer à un stade avancé.

Cette politique de diversification de l'offre doit être mise en œuvre avec constance. Elle permet le libre choix, et elle permet aussi que les personnes âgées se familiarisent avec les établissements d'hébergement, évitant le choc d'une entrée brutale imposée par un accident de santé, situation qui augure mal de leur future adaptation. C'est ainsi que l'on pourra faire face aux besoins au cours des vingt prochaines années, et c'est pourquoi je répète qu'il ne serait pas raisonnable de couvrir le territoire national de maisons de retraite. Rappelons-nous les sanatoriums construits en masse à la fin de la deuxième guerre mondiale, sans tenir compte de la généralisation du BCG et qu'il a fallu reconvertir, et examinons l'option retenue par le Québec, qui a décidé de ne plus créer de places en établissements d'accueil pour personnes âgées dépendantes. Ce postulat posé, les autorités publiques québécoises s'obligent à régler le problème de la dépendance autrement, par des aménagements tendant à regrouper les personnes âgées dépendantes dans des appartements attenants à une cellule de soins disponible en tant que de besoin. Nous avons de grands progrès à faire en matière de diversification de l'offre de prise en charge, et le Gouvernement annoncera des mesures tendant à mettre en œuvre les recommandations inspirées de l'étude que le Centre d'analyse stratégique, ancien Commissariat général du Plan, lui remettra sous peu.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je pense, comme vous, qu'il ne faut pas opposer hébergement et maintien à domicile, et qu'il faut favoriser le libre choix. Mais l'exemple des pays scandinaves doit aussi être médité, car après avoir privilégié le maintien à domicile, ils ont fait machine arrière et ouvert de nouvelles maisons de retraite. S'agissant du financement des besoins, vous avez parlé de redéploiement des moyens plutôt que de nouveau prélèvement ; pourtant, de nombreux pays s'engagent dans la voie de l'assurance dépendance obligatoire. D'autre part, la complexité du financement, qui allie le dispositif lié à la suppression du jour férié, l'affectation d'une fraction de la CSG, l'ONDAM médico-social et les aides départementales, est avérée. Ne considérez-vous pas que l'ensemble gagnerait à être simplifié ? Enfin, si la CNSA préfigure l'organisation d'une cinquième branche de protection sociale, préfigure-t-elle aussi la décentralisation de l'assurance maladie ?

M. Philippe Bas : Avec la journée de solidarité nationale, on n'est pas très loin de l'assurance dépendance obligatoire, et l'affectation à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) d'une fraction de la CSG va dans le même sens. La diversité des sources de financement doit être considérée comme une richesse pour un dispositif qui a besoin de ressources dynamiques. Ainsi, la solidarité nationale prend actuellement l'APA en charge à hauteur de 37 %, alors que le Gouvernement avait fixé le plancher à 33 % quand elle a été créée. On est donc nettement au-delà. Et, comme vous vous en souvenez, l'APA est aussi financée pour partie par redéploiement de ressources.

Je ne dis pas que la situation actuelle pourra s'éterniser, mais la pression financière n'est pas telle qu'elle impose des solutions urgentes. Mettons ce délai à profit pour mener à son terme la réflexion qui permettra de décider comment financer la dépendance quand la question se posera - et elle se posera, nous le savons, puisque le nombre des bénéficiaires de l'APA a encore augmenté de 7 % en 2005. Je suis ouvert à toutes les hypothèses, à condition qu'elles aient été étudiées de manière approfondie. L'une d'entre elles est d'articuler ce qui serait la cinquième branche de la protection sociale avec une couverture complémentaire. À cet égard, les modèles transposables ne manquent pas mais, la réflexion d'ensemble n'est pas suffisamment aboutie pour que le Gouvernement puisse vous livrer le scénario qui a sa préférence.

Pour en revenir au financement de la dépendance, je répète que l'important est que les ressources, quelles que soient leur source, soient dynamiques, ce qui est le cas aussi bien pour la CSG que pour le produit de la journée nationale de solidarité.

S'agissant de la décentralisation éventuelle de l'assurance maladie, la loi du 13 août 2004 permet de développer un échelon de gestion régional, ce qu'il serait éminemment souhaitable d'expérimenter ; mais il s'agit là d'un autre sujet que celui dont nous traitons aujourd'hui. Pour ce qui est du secteur médico-social, la délégation de crédits emporte déjà régionalisation et décentralisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Je me dois de vous faire part de mon désaccord politique de principe avec le financement de la dépendance par le biais de la suppression d'un jour férié, dispositif tel que toutes les formes de revenus ne participent pas à l'obligation de solidarité nationale. Pour en revenir au « reste à charge », pensez-vous que l'on puisse se satisfaire de l'existant, si l'on met en regard le niveau moyen des pensions et le coût de l'hébergement, avec une aide sociale insuffisante ? Pour les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes comme pour ceux qui accueillent des personnes handicapées, ne faut-il pas revoir la question de l'imputation des charges d'investissement pour réduire le tarif de hébergement ? Ne faut-il pas, aussi, faire évoluer le système d'aide au logement ou même la fiscalité ?

M. Philippe Bas : Il est indispensable qu'il n'y ait pas de barrière à l'accès aux établissements pour personnes âgées dépendantes. Voilà pourquoi j'ai veillé à ce qu'aucune autorisation ne soit donnée aux créations d'établissements, notamment à but lucratif, qui ne sont pas habilités à l'aide sociale au moins pour une partie des places. Il est exact que le système actuel n'est pas assez favorable. Certes, l'hébergement ouvre le droit à l'allocation de logement social (ALS) et à l'aide personnalisée au logement (APL), ce qui est positif, mais tous les établissements ne sont pas éligibles au prêt locatif social (PLS). J'ai donc décidé d'en élargir l'accès à tous les EHPAD, ce qui emporte la TVA au taux réduit de 5,5 %. Cette mesure, qui aura pour effet de réduire le coût de l'hébergement et donc le montant du « reste à charge », sera généralisée progressivement et d'application complète en 2008. L'autre sujet à explorer est celui de l'harmonisation des régimes de déduction fiscale liée à la dépendance. On sait qu'une personne âgée dépendante peut déduire de son impôt sur le revenu 50 % du coût des aides ménagères qui lui sont nécessaires lorsqu'elle est à son domicile, sous un plafond assez élevé, cependant qu'une personne hébergée en établissement ne peut déduire que 25 % d'une somme dont le plafond est plus bas. Il faut étudier la possibilité de rapprocher ces deux régimes.

Je ne doute pas que vous avez évoqué avec M. Denis Piveteau le plan d'investissement que j'ai lancé grâce aux 350 millions d'euros votés par le Parlement avec l'objectif de rénover et d'humaniser les EHPAD. Cette enveloppe permettra des réhabilitations qui ne se faisaient pas parce que les établissements concernés se refusaient à recourir à l'emprunt, dont le remboursement aurait eu une répercussion sur le tarif d'hébergement. C'est un facteur important de réduction du reste à charge, tout comme l'APA, que peut, si nécessaire, compléter l'aide sociale. Notre objectif est bien que personne ne soit écarté en raison de ses ressources de l'accueil en établissement, si c'est la solution qui lui convient.

Par ailleurs, M. le ministre de la santé et moi-même avons confié à Mme Hélène Gisserot la mission d'étudier comment utiliser au mieux le foncier libéré par les établissements hospitaliers pour créer encore plus de places que les 5 000 places prévues grâce à un budget médico-social en augmentation de 13,5 %, dont 9 % issus de l'ONDAM de la sécurité sociale et 4,5 % de la CNSA. C'est donc un effort nécessaire mais exceptionnel que nous avons entrepris pour médicaliser davantage de places en établissements et en ouvrir de nouvelles, en libérant des financements jusqu'à présent consacrés à des lits d'hospitalisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Vous avez parlé de 5 000 places, mais ce sont 31 000 places qui ont été autorisées dans le cadre des schémas régionaux.

M. Philippe Bas : Vous parvenez à ce total en agrégeant l'ensemble des avis favorables donnés à des projets régionaux, mais ces projets ne seront pas intégralement financés, car ils ne sont pas forcément prioritaires, et d'autres peuvent émerger dont la réalisation sera jugée plus urgente. Les financements doivent répondre aux besoins prioritaires, que les PRIAC auront recensés en mars. L'important est de ne pas relâcher un effort constant, celui que nous poursuivons en réalisant 10 000 places en deux ans au lieu des quatre ans initialement prévus et en prévoyant d'en financer le double. Nous mettons bel et bien les bouchées doubles, mais en affectant les financements aux projets qui répondent aux besoins les plus sensibles et non, seulement, à ceux qui ont reçu un avis technique favorable. Le second rapport de l'ancien Commissariat général du Plan dira si le rythme de 5 000 places nouvelles par an est le bon, comme je le pense.

M. Georges Colombier : Même s'ils recourent aux assurances complémentaires, nombre de nos concitoyens sont, comme je le suis, très attachés au système de protection sociale par répartition. L'important, c'est que les moins argentés aient la garantie d'un minimum de protection sociale. Il faut effectivement réfléchir à la création d'un cinquième risque, mais aussi réduire les disparités fiscales entre les personnes âgées dépendantes liées à leur lieu de résidence - domicile ou hébergement en établissement - car l'iniquité actuelle est source de grande incompréhension.

M. Philippe Bas : Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la nécessité de poursuivre la réflexion sur la création d'une cinquième branche de protection sociale, dispositif dans lequel le département gardera tout son rôle. Quant au réexamen des différences de régime fiscal auxquelles vous fait allusion, c'est une exigence.

M. Jean-Marie Rolland : Si l'on envisage les choses dans l'optique de l'aménagement du territoire, étant donné les disparités dans la répartition des établissements et dans l'application de mesures de prévention, on peut se demander si les départements ruraux, où la population âgée de plus de 75 ans ne cesse de croître alors que le taux d'activité décline, seront à même, d'ici quinze ou vingt ans, de financer la politique de prévention et l'accueil des anciens. À cet égard, la création d'un cinquième risque serait un moyen de renforcer la solidarité entre les départements ruraux et les autres.

M. Philippe Bas : C'est l'un des sujets qu'il faudra examiner. Je me suis rendu dans plusieurs départements ruraux dont la situation démographique est celle que vous décrivez. Mais il ne faut pas désespérer, ces départements peuvent renforcer leur attrait en créant des services pour les familles, comme l'a fait la Dordogne en créant des crèches en milieu rural, avec des résultats très encourageants. Les familles sont prêtes à s'installer à nouveau à la campagne si des services publics leur permettent de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ne pensez-vous qu'il serait nécessaire de clarifier ce qui relève de la maladie dans le volet dit « dépendance », et d'imputer à l'assurance maladie ce qui doit l'être ? En Belgique, par exemple, l'assurance maladie prend en charge l'ensemble du personnel de soin et de santé.

M. Philippe Bas : D'une certaine manière, nous venons de sortir du système belge. Il est toujours très difficile de dissocier ce qui relève des soins et de la santé...

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Ce n'est pas ce qu'ils ont fait.

M. Philippe Bas : ... alors qu'on s'occupe d'un seule personne. Nous avions un système d'une simplicité extrême, dans lequel on distinguait de manière absolue soins et hébergement. Mais cette distinction, concevable lorsque l'entrée en établissement se faisait à 75 ans pour un séjour d'une dizaine d'année, n'est plus tenable lorsque l'entrée a lieu entre 83 et 85 ans pour un séjour de deux ans en moyenne. Cela a conduit à la nouvelle tarification, qui semble complexe. Je n'en suis pas l'auteur, mais j'en comprends les raisons. C'est peut-être une cote mal taillée, mais elle peut évoluer. D'ailleurs, à l'occasion du renouvellement des conventions tripartites, j'ai pressé les responsables régionaux de prendre davantage en compte le niveau des "soins" dans la dotation allouée à ce titre. L'outil PATHOS (logiciel utilisé pour l'évaluation de la charge d'un établissement) est pertinent, mais l'évolution est pour l'instant inachevée car le profil de la population visée n'est pas le même qu'il y a une dizaine d'années.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Il faudra donc nécessairement augmenter l'ONDAM médico-social.

M. Philippe Bas : C'est ce que nous faisons.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Les critères d'éligibilité au PLS vaudront-ils aussi pour les 350 millions disponibles ?

M. Philippe Bas : La question reste à trancher.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente et rapporteure : Monsieur le ministre, je vous remercie.

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