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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 1

Jeudi 5 octobre 2006
(Séance de 9 h 30)

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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- Auditions sur l'action sociale du régime général de sécurité sociale et l'action sociale des collectivités territoriales

 

- M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, Mme Rolande Ruellan et M. Michel Braunstein, conseillers maîtres, et M. Benoît Guerin, conseiller référendaire

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- M. Michel Duraffourg, inspecteur général des affaires sociales (IGAS)

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La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Michel Cretin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, ainsi que Mme Rolande Ruellan et M. Michel Braunstein, conseillers maîtres, et M. Benoît Guerin, conseiller référendaire.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Monsieur le président, madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette audition, première de celles que notre Mission entend consacrer au très vaste sujet qu'est l'action sociale. Nous vous entendrons avec intérêt nous présenter les grandes lignes du rapport de la Cour des comptes sur l'action sociale des branches du régime général de sécurité sociale, et sommes conscients de la complexité de la matière, liée au grand nombre d'intervenants - l'action sociale des caisses s'ajoutant à celle des collectivités territoriales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Notre calendrier d'auditions est assez serré, puisque nous avons prévu de finir nos travaux à la fin du mois de janvier 2007. Avant de recevoir, tout à l'heure, les inspecteurs de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), nous souhaitons examiner avec vous la problématique générale de l'action sociale, et vous poser quelques questions après votre exposé.

M. Michel Cretin : Je vous remercie de nous accueillir pour ouvrir ce cycle d'auditions consacré à votre thème d'étude. Nous avions indiqué, voici quelques mois, que, pour le traiter dans toute son ampleur, c'est-à-dire en incluant l'action sociale des collectivités locales, une enquête commune de la Cour et des chambres régionales des comptes serait nécessaire. Or, celles-ci établissent leur programme de façon indépendante, de sorte qu'une éventuelle coopération devrait être planifiée très longtemps à l'avance. Ce fut le cas pour l'hôpital, mais, s'agissant de l'action sociale, vos propres délais ne l'auraient pas permis. C'est pourquoi nous avons limité notre travail à l'action sociale des branches du régime général.

Le premier président de la Cour des comptes a présenté le 14 septembre dernier le rapport annuel de la Cour sur la sécurité sociale. La Cour travaille également, à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, sur la protection sociale agricole - qui comporte un volet « action sociale » - et doit remettre son rapport au début de l'année prochaine.

L'action sociale des caisses de sécurité sociale intervient en principe de manière facultative et subsidiaire par rapport au versement des prestations légales. Elle vise à mieux prendre en compte les cas individuels et à corriger les inéquités pouvant résulter de l'application de règles générales. Elle prend la forme d'aides individuelles, soumises à conditions de ressources ou modulées en fonction de la situation des demandeurs. Elle représente donc des montants modestes par rapport au volume des prestations servies. C'est le cas dans la branche vieillesse et dans la branche maladie, où elle est inférieure à 0,5 % du total des dépenses, soit, en 2005, 661 millions d'euros pour la branche maladie et 344 millions pour la branche vieillesse. L'exception est constituée par la branche famille, où elle atteignait, en 2005, 3,42 milliards d'euros, soit 11 % des dépenses de la branche. Sur ces 3,42 milliards, 11,6 % seulement des dotations étaient consacrées à des situations individuelles difficiles, le reste servant à financer diverses structures gérées par des communes ou des associations - crèches, haltes-garderies, centres de loisirs... Il s'agit d'une situation très particulière, sur laquelle je reviendrai plus tard.

L'action sociale de la branche maladie n'est pas celle qui appelle le plus de commentaires. Parmi les dépenses retracées dans le Fonds national d'action sanitaire et sociale (FNASS), certaines sont étrangères à son objet, ce que la Cour a critiqué. En fait, sur 661 millions d'euros, 250 millions seulement correspondent à la définition de l'action sociale telle que je l'ai esquissée voici un instant. Le reste recouvre notamment : des engagements pris par l'assurance maladie auprès des professions de santé, dont la formation est subventionnée à hauteur de 114 millions d'euros ; des dépenses d'assurance maladie à caractère obligatoire, comme la prise en charge des tickets modérateurs applicables aux malades atteints de certaines affections de longue durée, pour 238 millions d'euros ; des actions d'aide à domicile qui sont normalement du ressort de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), pour 59 millions d'euros. Il y a eu, toutefois, une évolution positive en 2006, puisque ces dépenses ont été transférées vers le Fonds national d'action sociale (FNAS) de la branche famille.

S'agissant du « cœur de métier » de l'action sociale de l'assurance maladie, c'est-à-dire les aides individuelles, on observe une grande hétérogénéité entre les caisses primaires, qui disposent d'une grande autonomie. L'essentiel est constitué par l'aide légale à l'acquisition d'une couverture complémentaire par les personnes se situant légèrement au-dessus du plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC).

M. Pierre Morange, coprésident : A combien s'élève-t-elle ?

Mme Rolande Ruellan : A l'origine, 70 millions d'euros avaient été mis en réserve, mais le dispositif n'est pas encore monté en puissance.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous pu mesurer le nombre de bénéficiaires de cette mesure destinée à corriger l'effet de seuil ?

Mme Rolande Ruellan : Le rapport de la Cour comporte cette année une insertion relative à la CMUC, où elle traite notamment du crédit d'impôt qui a remplacé le dispositif conventionnel précédent.

M. Pierre Morange, coprésident : Justement, combien y a-t-il de bénéficiaires ?

M. Benoît Guerin : Il y en avait 200 000 à la fin de 2005, alors que la Direction de la sécurité sociale (DSS) avait évalué leur nombre potentiel à 2 millions.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce n'est pas un grand succès...

Mme Rolande Ruellan : Nous avons observé que le dispositif est inopérant, soit que l'aide et le crédit d'impôt se superposent, soit qu'une partie de la population concernée ne bénéficie d'aucun des deux.

M. Pierre Morange, coprésident : Le fait qu'il n'y ait que 200 000 bénéficiaires sur 2 millions nous interpelle. Pourquoi l'objectif n'est-il pas atteint ? Est-ce un simple problème d'information ?

M. Michel Cretin : Peut-être, mais la complexité même du dispositif peut dissuader les demandeurs d'aller jusqu'au bout de leur démarche.

M. Benoît Guerin : Certains renoncent parce que, même avec l'aide, le reste-à-charge est trop élevé.

M. Michel Braunstein : Le premier président de la Cour a qualifié le dispositif d'« énorme machinerie », qui n'est pas toujours lisible par ceux-là mêmes qui ont à l'appliquer.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons néanmoins vu, en étudiant les coûts de gestion des caisses de sécurité sociale, que l'informatisation et la dématérialisation permettaient de simplifier les circuits, voire d'unifier les guichets.

M. Michel Cretin : La pluralité des guichets est une autre question, mais il est de fait que la complexité du dispositif est aujourd'hui telle que tout le monde s'y perd.

J'en viens à la branche retraite. Il est certain que le vieillissement de la population entraîne un accroissement des besoins d'action sociale. Tous les acteurs, qu'il s'agisse de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) ou des collectivités locales, s'y intéressent, mais dans des conditions assez mal connues, et qui posent un problème de coordination de leurs actions.

Les caisses du régime général de sécurité sociale cherchent, certes, à agir en complémentarité avec les collectivités, et c'est pourquoi elles ciblent surtout les personnes en groupe iso-ressources (GIR) 5 ou 6, qui n'ont pas droit à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) versées par les départements, et privilégient par ailleurs les actions de prévention de la dépendance et d'adaptation des lieux de vie. Mais le contenu de la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour 2005-2008, qui confirme sur ce point celui de la COG pour 2002-2004, illustre la difficulté qu'il y a à mettre ces orientations en pratique. Certaines actions de la branche maladie paraissent en effet plus adaptées aux personnes en GIR 4, voire plus dépendantes encore, et d'autre part il n'est pas facile d'identifier, parmi les dépenses immobilières, celles qui bénéficient à telle ou telle catégorie de personnes. Pourtant, une meilleure identification des actions est nécessaire, si l'on veut les articuler de façon plus rationnelle avec celles des collectivités. A défaut, c'est la légitimité même de l'action sociale autonome des caisses qui pourrait être mise en cause.

Mais c'est à propos de l'action sociale de la branche famille que le jugement de la Cour est le plus sévère. Le contexte est le suivant : 12 milliards d'euros de prestations familiales sont versés sans condition de ressources, ou sous des conditions très peu discriminantes, puisque la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) est servie à 90 % des familles. On pourrait donc s'attendre à ce que l'action sociale soit réservée aux situations les plus difficiles, afin de compenser la faible sélectivité des prestations légales.Or, ce n'est pas le cas. Les fonds servent surtout à financer diverses structures communales ou associatives, sous la forme de subventions de fonctionnement - accordées, il faut le souligner, sur crédits évaluatifs - appelées « prestations de service », et qui sont de deux sortes.

Les prestations de service dites « ordinaires » sont une contribution financière, réglementée par la CNAF et versées à un certain nombre de services et équipement sociaux limitativement énumérés : crèches, haltes-garderies, centres de loisirs sans hébergement, centres sociaux, foyers de jeunes travailleurs... Leur volume est passé, entre 2001 et 2005, de 790 millions à 1,4 milliard d'euros, soit une augmentation de plus de 75 %.

Les prestations de service dites « contractuelles » sont celles qui appellent de notre part le jugement le plus critique. Elles couvrent les contrats enfance et les contrats temps libre. Il s'agit de compenser le fait que la dépense restant à la charge des communes demeure trop élevée après déduction de la prestation de service ordinaire. Le dispositif est très attractif pour elles, puisque les caisses peuvent cofinancer les dépenses nouvelles à hauteur de 50 ou 70 %, qu'il s'agisse d'accroître la capacité d'accueil ou - cas de plus en plus fréquent - de créer des emplois. Ces dépenses sont passées, entre 2001 et 2005, de 440 millions à 1,056 milliard d'euros, soit une augmentation de 140 %, qui explique en partie le déficit de la branche famille constaté à partir de 2004.

Les dysfonctionnements liés aux prestations contractuelles sont nombreux. Tout d'abord, une sorte de confusion s'est installée dès l'origine entre l'aide au développement, c'est-à-dire à la création de structures nouvelles, et l'aide au fonctionnement. Ensuite, les modalités de gestion retenues par les caisses d'allocations familiales (CAF) et par la CNAF ont été telles que le taux d'effort de la CNAF s'est accru à mesure que les dépenses se développaient, ce qui aboutit à faire assumer par les caisses le coût de fonctionnement des places existantes et non pas seulement celui des nouvelles places. Enfin, la branche famille est incitée à « faire du chiffre » : la COG pour 2002-2004 fixait un nombre très élevé d'enfants pris en charge par les contrats enfance ou temps libre, si bien que les caisses n'ont pas limité leurs engagements, ni mis en place des outils de prévision ou de suivi, alors même que ces engagements étaient pluriannuels. Réduites au rôle de financeur passif, elles n'ont pas opéré de sélection selon la taille ou la situation financière des communes, de sorte que les moyens ne sont pas répartis de façon équitable et rationnelle pour aider les collectivités ayant les besoins les plus pressants et les moyens les plus faibles. Ainsi, les dépenses par enfant et par an vont, selon les caisses, de 30 à 330 euros.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment cela s'explique-t-il ? Ne s'agit-il que d'inégalités de richesse entre départements, ou est-ce la conséquence de stratégies différentes d'un département à l'autre ?

M. Michel Braunstein : Il y a des caisses qui se sont beaucoup investies, qui ont démarché un grand nombre de communes ...

M. Pierre-Louis Fagniez : Pourquoi ?

M. Michel Braunstein : Pour « faire du chiffre ». Pour respecter le taux fixé par la COG en termes d'enfants couverts - taux qui a d'ailleurs été dépassé.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela ne relève sans doute pas de la seule philosophie du « chiffre ». Il ne s'agit pas d'entreprises, mais de structures publiques ou parapubliques, qui veulent répondre à un besoin réel, dans une société où 80 % des femmes de moins de 40 ans travaillent. Quelles étaient les priorités fixées par la COG ? Quelle était la stratégie ?

M. Michel Braunstein : C'était de privilégier les petites communes. Et l'objectif a été atteint.

Mme Rolande Ruellan : Comme nous l'avons écrit, il n'y a pas eu d'évaluation comparative des besoins. Les choix ont été opérés en fonction du contexte local, du dynamisme plus ou moins grand des communes. Une commune qui n'a pas de moyens du tout ne songera même pas à investir, tandis qu'une commune qui en a déjà un peu plus cherchera à obtenir le complément de la CAF.

Il faut aussi savoir que cette forme d'action sociale constitue une part importante de la marge de liberté laissée aux conseils d'administration des caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelle part des besoins réels a pu être couverte grâce à cela ? 50 %, 70 % ? Quelle est votre estimation ?

M. Michel Braunstein : Nous connaissons le nombre de communes couvertes, ainsi que le taux d'enfants concernés, qui est de 76 % pour les contrats enfance et de 62 % pour les contrats temps libre, soit davantage que l'objectif fixé par la COG. Cela montre l'efficacité des mécanismes incitatifs...

Mme Rolande Ruellan : Par contre, les CAF n'ont pas fait d'études sur le taux d'utilisation des équipements. Il est donc possible qu'il y ait de nombreuses places vides dans de petites communes, alors que le déficit est criant en région parisienne.

Il faut également rappeler que la crèche est le mode de garde le plus coûteux, compte tenu des normes d'équipement et d'encadrement. D'où la nécessité, sans doute, de compléter cette politique par l'encouragement à d'autres modes de garde.

M. Pierre Morange, coprésident : Le tout-collectif n'est pas forcément l'idéal, tant pour le développement psychomoteur des enfants que pour le bon usage des finances publiques...

M. Benoît Guerin : Il existe un critère assez fruste, qui est le nombre d'enfants par rapport au nombre de places, mais ce critère ne permet pas une appréciation très fine des besoins.

M. Pierre Morange, coprésident : Pouvez-vous nous présenter vos principales recommandations pour améliorer le rapport coût-efficacité et rationaliser l'emploi des deniers publics ?

M. Michel Cretin : Nous avons formulé des recommandations de deux ordres, qui n'entrent cependant pas forcément autant dans les détails que vous pourriez le souhaiter. Nous préconisons tout d'abord de cantonner l'action sociale de la branche famille aux aides individuelles, la réorienter de l'indifférencié vers le différencié. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, naturellement. Nous souhaitons, en second lieu, que l'on étudie les avantages éventuels qui pourraient résulter, en matière d'aide à la garde des jeunes enfants, d'une fusion des prestations de service avec les prestations légales, la nouvelle aide ainsi instituée étant versée directement aux familles, indépendamment du mode de garde.

M. Pierre Morange, coprésident : Un mode de financement qui aboutit à financer l'offre pour amener la demande est plus que contestable. Vos recommandations tendent à inverser cette logique, en finançant d'abord la demande. Mais ce sera difficile, compte tenu des engagements pris auprès des collectivités locales.

Mme Rolande Ruellan : N'est-il pas légitime de solvabiliser les familles de la même façon, quel que soit le mode de garde choisi ? Actuellement, la partie « garde » de la prestation d'accueil du jeune enfant rémunère les assistantes maternelles ou les aides à domicile, tandis que le financement des crèches suit d'autres canaux. Les masses en jeu s'élèvent, au total, à quelque 4 milliards d'euros, sans même compter les aides à l'investissement.

M. Michel Braunstein : Sur 3,4 milliards d'euros, il y a seulement 400 millions d'aides individuelles et 200 millions d'aides à l'investissement. Tout le reste est affecté à l'aide au fonctionnement, et notamment aux dépenses de personnel.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est une véritable spirale, qui plombe les comptes de gestion et génère un déficit préjudiciable à la capacité d'intervention de la CNAF.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Avez-vous des éléments sur les incitations possibles à la réalisation d'aménagements nécessaires, par exemple pour l'accueil des enfants handicapés ?

Mme Rolande Ruellan : Non. Nous sommes partis du constat que les dépenses d'action sociale de la CNAF, dont les comptes sont pourtant déjà plombés par la PAJE, augmentaient de 15 % par an. Mais nous n'avons pas fait d'étude sociale, faute d'avoir les éléments pour cela. Vous pourrez interroger plus à loisir les représentants de la CNAF lorsque vous les recevrez. Cela dit, on ne peut leur tenir rigueur de cette évolution : ils ont fait ce que les pouvoirs publics leur ont imposé de faire par le biais de la COG.

M. Michel Cretin : Une des principales critiques que nous avons adressées à la CNAF, et auxquelles elle est en train de répondre, tient au fait que les crédits des prestations de service étaient évaluatifs. Depuis, toutefois, ils sont devenus limitatifs : c'est une première réaction de la CNAF à l'explosion de ses dépenses d'action sociale en 2005 et à l'apparition d'un déficit.

M. Michel Braunstein : En outre, la nouvelle COG définit des publics et des territoires prioritaires, ce que ne faisait pas l'ancienne. Mais toute la difficulté réside dans le phasage financier, compte tenu des nombreuses opérations déjà lancées.

Mme Rolande Ruellan : Vous pourrez demander à la CNAF comment elle entend répondre aux engagements qu'elle a pris depuis plusieurs années, tout en maîtrisant les dépenses. Pour les nouvelles prestations de services, il y a un ciblage, mais les trains qui sont déjà partis ne pourront être stoppés...

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Depuis la création de l'APA, comment l'action sociale de la CNAVTS a-t-elle évolué ? Comment expliquer qu'il y ait d'énormes différences dans le montant de l'aide ménagère d'une région à l'autre ? Faut-il privilégier l'aide individuelle ou l'aide immobilière aux structures d'accueil ?

Mme Rolande Ruellan : Nos réponses seront sommaires, car nous ne sommes pas allés très au-delà des éléments résultant d'une enquête antérieure de la Cour en 2004-2005, résultats que nous avons exploités dans le rapport sur les personnes âgées dépendantes que nous vous avons transmis pour éclairer vos propres travaux. Nous n'avons pas d'éléments sur la façon dont la CNAVTS gère son aide sociale. Elle n'a plus en charge que les GIR 5 et 6, mais comme elle n'a plus beaucoup d'aides ménagères à financer, nous n'avons guère d'éléments sur ce point. L'IGAS, en revanche, a fait un rapport sur l'action sociale de la branche retraite.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : C'est un sujet sur lequel nous allons travailler avec l'IGAS, car il est extrêmement sensible sur le terrain. Compte tenu de la compétence des départements en matière d'action sociale et de politique gériatrique, la question est de savoir s'il faut redéfinir l'action sociale de la branche vieillesse.

Mme Rolande Ruellan : Nous avons posé la question, sans y apporter de réponse. Il y a sûrement une place pour une action sociale des caisses de retraite, mais encore faut-il que celles-ci sachent trouver quel est leur créneau. Les besoins vont croître dans les années qui viennent, étant donné l'augmentation attendue du pourcentage de personnes très âgées.

Est-il légitime que l'argent public se disperse dans des actions moins prioritaires ? « Prévenir le vieillissement », c'est très bien, mais le contenu de cette action reste en grande partie à définir. Quant aux « structures de vie », elles ne s'adressent pas aux personnes encore valides, qui souhaitent surtout rester chez elles. Un créneau possible serait donc l'amélioration et l'adaptation de l'habitat individuel ou familial.

M. Michel Braunstein : Un autre problème tient au fait que le nombre de personnes affectées à l'action sociale dans la branche vieillesse peut varier du simple au triple d'une caisse à l'autre, sans qu'il y ait d'explication à cela, et sans que l'on puisse dire non plus quel est le nombre optimal.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avions abordé cette question dans notre premier rapport sur les coûts de gestion des caisses. La dématérialisation et l'informatisation peuvent aider à résoudre ce problème. Etant donné l'importance des besoins, la dispersion des énergies ne peut plus être admise.

Mme Rolande Ruellan : Il se noue des partenariats locaux très intéressants, mais la COG est très vague à ce sujet...

M. Pierre Morange, coprésident : Notre collaboration avec l'IGAS nous permettra d'avoir enfin une idée claire de la répartition des aides selon les départements, notamment dans le domaine de la prise en charge de la dépendance.

Mme Rolande Ruellan : La Cour des comptes travaille actuellement sur les personnes âgées dépendantes. Elle n'a encore rien publié, mais il existe des monographies départementales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Pourquoi PARNASS, l'outil commun de gestion de l'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance maladie, a-t-il été abandonné ?

M. Benoît Guerin : C'est un échec cuisant. Nous n'avons pas eu le fin mot de l'histoire, mais je crois qu'il était trop complexe et ne répondait pas aux besoins des utilisateurs en raison d'une mauvaise conception du cahier des charges. On songe à le remplacer par une sorte d'Intranet, mais qui n'est pas encore lancé.

Mme Rolande Ruellan : Rien n'est envisagé au niveau national : il semble qu'on veuille laisser aux caisses primaires quelque chose à faire.

M. Benoît Guerin : Un modèle économétrique central a été mis au point, qui paraît très intéressant, mais qui n'est pas nourri par les remontées des caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons constaté de grandes variations dans les taux de consommation des dotations globales libres d'emploi, qui vont de 30 % à 60 % selon les caisses. Pouvez-vous expliquer ces disparités ?

M. Benoît Guerin : Il n'y a pas vraiment d'explication à cela. Dans la branche maladie, les caisses répondent aux demandes. Le crédit d'impôt, en outre, a perturbé les prévisions budgétaires des caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Si vous aviez à donner un avis sur le périmètre de l'action sociale de l'assurance maladie, quel serait-il ?

M. Michel Braunstein : La première chose à faire serait d'exclure les dépenses à caractère obligatoire.

Mme Rolande Ruellan : Les « 31e et 32e maladies », qui sont en fait des polypathologies, doivent être incluses dans l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), mais le décret n'a pas encore été publié.

On semble avoir renoncé à isoler les engagements conventionnels entre les caisses et les professions de santé au sein d'un fonds d'action conventionnelle, car ils n'ont rien à faire dans un fonds d'action sociale - non plus, d'ailleurs, que le coût de fonctionnement de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES). Lorsque tout ce qui n'a rien à voir avec l'action sociale sera enlevé, il restera 200 millions d'euros, moins 70 millions pour le crédit d'impôt, soit 130 millions pour accorder des secours.

M. Benoît Guerin : Et des subventions aux établissements.

Mme Rolande Ruellan : Les caisses ont été perturbées par l'entrée en vigueur de l'APA et de la CMU. Il faut leur laisser le temps nécessaire pour s'adapter.

M. Michel Braunstein : Ce sont quelque 120 entités qui ont à mettre en place et à appliquer des dispositifs difficiles à comprendre, et certaines se débrouillent mieux que d'autres...

Mme Rolande Ruellan : Si le crédit d'impôt n'a aujourd'hui que 200 000 « clients », c'est parce que le reste à charge est encore trop élevé pour un grand nombre de bénéficiaires potentiels.

M. Benoît Guerin : D'autant plus que, contrairement aux bénéficiaires de plein droit de la CMU, ils ne peuvent invoquer les tarifs opposables.

M. Pierre Morange, coprésident : La forfaitisation de l'aide est tout de même assez attractive, et le reste à charge limité. Comment se fait-il qu'il n'y ait que 200 000 bénéficiaires sur un public potentiel de 2 millions de personnes ?

Mme Rolande Ruellan : Je ne sais pas comment a été calculé ce chiffre de 2 millions...

M. Pierre Morange, coprésident : Peut-être a-t-on, il est vrai, surestimé leur nombre, et l'effet de seuil ne joue-t-il, en fait, que pour 300 000 ou 400 000 personnes ?

M. Benoît Guerin : Peut-être y avait-il aussi, parmi les 2 millions de bénéficiaires potentiels, des personnes déjà couvertes. Mais on peut s'étonner qu'elles n'aient pas profité de l'effet d'aubaine pour réduire le coût de leur couverture.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Comment remédier aux disparités de traitement entre assurés en matière d'action sociale ?

Mme Rolande Ruellan : La Cour des comptes, au risque d'être taxée de jacobinisme, demande à la CNAF, année après année, de fixer des critères et de créer des outils pour encadrer une forme d'égalité - et aussi pour faire remonter l'information. Lorsque ce sera fait, il faudra laisser aux caisses locales, au terrain, le soin d'aider les individus, avec une marge de manœuvre. On comprend mal, cependant, que ni les conditions de ressources ni les montants d'aide ne soient harmonisées, et qu'un cinquième des caisses seulement se soient alignées sur les conditions de ressources de la CMU. Mais il est vrai que c'est un peu de cette façon que fonctionne l'aide sociale des collectivités locales...

M. Pierre Morange, coprésident : Cette comparaison est contestable, car chaque collectivité a une capacité contributive différente, alors que les caisses fonctionnent selon un principe de mutualisation des risques et des ressources au niveau national.

Que pensez-vous des aides apportées par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) pour le paiement des factures d'eau, d'énergie ou de loyer ? Cela fait partie de l'action sociale, certes, mais en quoi cela relève-t-il de la branche maladie ?

Mme Rolande Ruellan : Nous avons écrit, en effet, que cela n'entrait pas normalement dans son champ de compétences.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels sont les montants financiers en cause ?

M. Michel Braunstein : C'est tout à fait marginal.

M. Michel Cretin : Mais c'est très important pour les conseils d'administration, qui peuvent montrer à cette occasion qu'il y a un examen individuel des dossiers. Et les élus aux conseils s'impliquent beaucoup dans leur examen.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : De quels moyens dispose-t-on pour évaluer l'action sociale, le ciblage des aides et ses effets ?

Mme Rolande Ruellan : C'est difficile, car les caisses nationales elles-mêmes ne le font pas. La COG de la branche maladie comporte, en tout et pour tout, une demi-page sur l'aide sociale. C'est très bien de dire qu'on va redéfinir les priorités, mais comment se passer, pour cela, d'une véritable évaluation sur le terrain ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Quelles voies suivre, selon vous, pour redéfinir les objectifs et les publics ?

Mme Rolande Ruellan : Il faut, comme pour la CNAF, cibler le créneau sur lesquels la caisse peut agir utilement et n'a pas de concurrents. La CNAMTS s'est beaucoup impliquée, par exemple, en faveur des handicapés, mais le partage des rôles avec la CNSA est encore mal défini. Or, si une liberté tarifaire supérieure à ce qu'elle est actuellement apparaît et qu'une partie de la population ne peut pas suivre, le besoin d'aide sociale ne va-t-il pas se développer au-delà de son niveau actuel ? Actuellement, de nombreux besoins des handicapés ne sont toujours pas couverts ; il y a donc un champ important pour l'action sociale de la branche maladie. En revanche, elle finance des centres de santé dont beaucoup sont très déficitaires, et il serait opportun de rationaliser cette offre, qui plombe ses comptes et qui, en outre, est excédentaire par endroits.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Comment déterminer quels sont les centres à supprimer et ceux à maintenir ? Vise-t-on les centres généralistes, en tant que gros consommateurs de crédits ?

Mme Rolande Ruellan : Pas seulement : il y a aussi des centres spécialisés, dentaires par exemple. Si certains centres mutualistes sont indispensables, par exemple dans les quartiers de Paris où presque tous les praticiens sont en secteur 2, il est d'autres zones où ils sont trop nombreux. Il faut que les communes, les caisses et les mutuelles travaillent ensemble à définir, secteur par secteur, les besoins et la meilleure façon d'y répondre. Je crains que l'évolution du système de soins, avec l'éventuelle création d'un secteur optionnel notamment, n'aboutisse à accroître les besoins de couverture de la population en difficulté, mais c'est une raison de plus pour dynamiser la gestion de ces centres et améliorer la répartition de l'offre.

M. Pierre Morange, coprésident : Ces centres ne peuvent s'exonérer de la nécessité d'une gestion rigoureuse, car il s'ensuivraient des inégalités préjudiciables à ceux qui ont besoin de s'adresser à eux.

Madame, messieurs, nous vous remercions, et n'hésiterons pas, si besoin est, à faire de nouveau appel à vous pour éclairer nos travaux.

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La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Michel Duraffourg, inspecteur général des affaires sociales, membre de l'IGAS.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie, monsieur Duraffourg, d'avoir répondu à notre convocation. Je vous donne la parole pour une présentation synthétique du rapport de l'IGAS sur l'action sociale de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) en faveur du maintien à domicile des personnes âgées.

M. Michel Duraffourg : Le rapport a été commandé par le ministre de la santé et des solidarités et le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille pour faire le point sur la politique d'action sociale de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAVTS) au titre de l'application de la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour les années 2005-2008. L'objectif principal de l'enquête que j'ai menée avec mon collègue M. Stéphane Paul dans un certain nombre de caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), après un long travail avec la direction de l'action sociale de la CNAVTS, était de répondre aux interrogations de nombreuses associations ainsi que des ministres sur la mise en place des alternatives à l'aide ménagère, proposées pour la première fois au titre de l'exercice 2005.

Le rapport se situe donc dans le cadre d'une évaluation, sans doute plus critique que celles que l'on mène habituellement, de la nouvelle manière d'aborder le maintien à domicile des personnes âgées prévue dans la convention d'objectifs et de gestion. Cette nouvelle approche s'exprimait autour de deux axes principaux. Le premier est le maintien d'un volet aide ménagère pour le soutien à domicile des personnes âgées relevant des groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6 du fait de la répartition opérée entre les ressortissants de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) - en GIR 1 à 4 - et les ressortissants d'une action sociale facultative des caisses - en GIR 5 et 6.

Le second axe consistait à s'interroger, d'une part, sur les mécanismes mis en œuvre pour évaluer les besoins des personnes et, en particulier, sur les propositions faites par la CNAVTS pour sortir de la prescription par les associations des heures d'aide ménagère, propositions qui consistaient en un dispositif dit d'évaluation globale se rapprochant du mode d'appréciation pour l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et, d'autre part, sur le rythme de mise en place des alternatives à l'aide ménagère, encore peu développées, et qui étaient encore considérées il y a peu comme très théoriques et ne s'appliquant pas sur le terrain. Mais les choses ont un peu changé.

Nous nous sommes rendus dans quatre caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), ce qui me permettra de répondre à d'éventuelles questions sur l'action sociale de proximité et la compétence gérontologique des caisses, qui peuvent varier d'une caisse à l'autre : la région Nord-Pas-de-Calais, la région Rhône-Alpes, la région Centre-Ouest - qui, pour la CNAVTS, regroupe Limousin et Poitou-Charente -, et la région Île-de-France qui obéit à une logique particulière parce qu'elle n'a pas de service social adapté à ses missions.

Tel est, très vite résumé comme vous le souhaitiez, le contexte dans lequel s'est déroulée la mission. J'en exposerai maintenant les objectifs.

Le constat est critique, comme il l'est souvent, mais mesuré. Nous avons considéré que les administrations, les ministères ou les gouvernements avaient sans doute été trop volontaristes par rapport au rythme de progression des alternatives à l'aide ménagère et avons estimé nécessaire, en accord avec la CNAVTS, de lisser ce rythme. Par ailleurs, il nous est apparu particulièrement important de maintenir une « compétence » gérontologique à la CNAVTS pendant cette période transitoire. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est, en effet, l'occasion à la fois de remettre en cause les méthodes dites de GIR, c'est-à-dire l'évaluation des besoins des personnes âgées, au regard de ce qui va se faire dans la politique du handicap et de s'interroger, comme l'a fait la Cour des comptes dans un autre contexte, sur la scission sans doute très artificielle, non pas en elle-même mais au regard de l'instrument de classement, entre GIR 1 à 4 relevant de l'APA et GIR 5 et 6.

J'ai relevé un dernier point important pour votre information : sur les ressortissants du régime général, les retraités représentent 11 millions de personnes, les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans 4,2 millions de personnes et le nombre des personnes aidées par la CNAVTS n'excède pas 300 000. Cela montre que l'action sociale de la CNAVTS au profit de ses ressortissants recouvre à l'heure actuelle une population relativement limitée et que son impact, sans être mineur, reste modeste. L'aide ménagère, par exemple, ne dépasse pas 12 heures par mois pour les personnes non dépendantes relevant des GIR 5 et 6. Le maximum d'heures pouvant être octroyées est de 20 par mois et il n'y a pas plus de 20 % de cette population aidée qui en bénéficient.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Comment peut-on expliquer qu'en dépit de la création de l'APA, la CNAVTS doive continuer de financer quasiment le même nombre d'heures d'aide ménagère ?

Par ailleurs, quel sens faut-il donner à la nouvelle mission, donnée à la CNAVTS, de prévention de la dépendance ?

M. Michel Duraffourg : Concernant la première question, c'est un peu compliqué. Il y a eu un moment dans la mise en place de l'APA où la demande d'aide ménagère auprès de la CNAVTS a décru au motif que les services prescripteurs avaient fait le plein de leurs capacités et n'étaient donc pas en mesure de distribuer des heures pour d'autres catégories de personnes. Ce qui nous a un peu impressionné - d'ailleurs, le rapport l'indique et la CNAVTS le souligne également dans sa réponse -, c'est que la demande d'aide ménagère pour les personnes relevant du champ de l'action sociale de la CNAVTS a connu un rebond après la mise en œuvre de l'APA, c'est-à-dire en fait au moment où la mission a été conduite, c'est-à-dire sur la période 2004-2005.

Quant à la prévention de la dépendance, elle est fondamentale. Il serait faux de dire que l'on ne peut pas prévenir la dépendance. Par contre, on s'aperçoit que les outils que l'on utilise sont parfois les mêmes que ceux que l'on met en œuvre pour compenser une dépendance. C'est tout d'abord l'action sociale de type aide ménagère. Cette dernière sert à tout : à prévenir la dépendance d'une personne âgée sans manifestation d'invalidité parce qu'elle lui permettra d'avoir une fatigue moindre, comme à maintenir à domicile des personnes identifiées comme dépendantes. Les actions alternatives mises en œuvre par la CNAVTS, dont aucune n'est inintéressante, sont relativement marginales : il peut s'agir d'ateliers mémoire - pour lesquels il faut trouver des financeurs -, ou encore de l'aménagement du domicile, que l'on sait être un point faible dans l'offre de services. En résumé, la prévention de la dépendance est importante et relativement bien définie. Par contre, les outils qui existent et qui sont adaptés, soit sont les mêmes que pour les aides habituelles, soit ont un contenu relativement limité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Comment expliquez-vous qu'ils aient un contenu mal défini ?

M. Michel Duraffourg : C'est une question qui a malheureusement pris une tournure idéologique. C'est, en fait, tout le problème de l'aide ménagère. Certaines personnes disent que l'aide ménagère est coûteuse - ce qui n'est pas faux - et qu'elle devrait être réservée aux personnes dépendantes. Mais que fait-on pour les personnes âgées socialement fragiles si on ne leur donne plus d'aide ménagère ? Qui va intervenir au domicile de ces personnes, avec quels moyens et avec quel impact sur la prévention ? Toute la difficulté est là.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Cela rejoint une question qui revient constamment à la MECSS et qui est celle des services à offrir et du contenu de l'accompagnement. Je recevais hier le responsable d'une association appelée Ciel Bleu, qui s'était placée initialement sur le marché pour aider à l'accompagnement physique des personnes âgées, c'est-à-dire pour leur permettre de récupérer une certaine autonomie. Avec un certain nombre de caisses de retraite, elle a mis en place une offre de services pour permettre aux personnes âgées qui sortent de l'hôpital dans des situations de grande fragilité de récupérer rapidement leurs capacités et d'être à nouveau en mesure de sortir de chez elles. Or ces dispositifs se trouvent dans un no man's land, aussi bien en termes de reconnaissance que de financement. Les caisses de retraite les reconnaissent mais pas les CRAM ni la sécurité sociale. Vous avez raison de dire que c'est une question idéologique mais il y a surtout une absence de définition du contenu thérapeutique ou de l'accompagnement et une non-reconnaissance de certains systèmes.

Un autre exemple est donné par la livraison du repas à domicile. Elle est intéressante à la fois sur le plan de la diététique et de la nutrition, et comme aide pour s'en sortir et se reprendre en charge.

Je suis impressionnée de voir à quel point nous sommes restés à des offres de services et de contribution de l'accompagnement qui datent de trente ans, même si on note des évolutions très fortes dans un certain nombre d'associations. C'est une des questions de fond qui se posent à nous.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous aimerions connaître votre sentiment sur les conclusions du rapport sur l'unification de la responsabilité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En clair, nous voulons savoir qui fait quoi.

Quelle est, selon vous, la meilleure formule ? Faut-il placer le dispositif sous l'égide des départements ou répartir la responsabilité entre ces derniers et la CNAVTS ? Dans ce dernier cas, la répartition de la responsabilité doit-elle être fonction de l'histoire locale, ou du degré de dépendance avec la distinction entre les personnes relevant de GIR 1 à 4 ou de GIR 5 et 6 ?

M. Michel Duraffourg : Votre question doit être abordée sous deux aspects importants : d'une part, ce qui se passe sur le terrain et, d'autre part, ce qui se passe pour l'usager et sa famille, car ces derniers se retrouvent souvent confrontés aux structures.

Sur le terrain, se pose un vrai problème. Les missions du service social régional, c'est-à-dire des assistantes sociales travaillant dans le réseau de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse, sont réparties, depuis une circulaire de 2001, selon trois axes : faciliter l'accès aux soins, lutter contre la désinsertion des personnes - par exemple, tenter de remettre au travail des personnes qui sont en invalidité - et favoriser l'accès des personnes âgées aux soins et aux aides. Du fait de cette répartition, il n'y a pas plus de 20 % des missions des assistantes sociales qui sont consacrées à l'action sociale vieillesse.

Cela signifie, concrètement, que le réseau de la sécurité sociale pour l'assistance sociale aux personnes âgées est extraordinairement limité. Je reviens du département de l'Eure, où il doit y avoir une assistante sociale pour 40 000 personnes. Quand on sait qu'elle ne va consacrer que 20 % de son temps aux personnes âgées, on voit que l'assurance sociale n'a pas de services de proximité dans le domaine de la vieillesse. Ils ont des gens très dévoués qui font un travail considérable, mais pas de services, ce qui a d'ailleurs conduit la CNAVTS à dire que, si elle mettait en place une évaluation des besoins des personnes, elle serait obligée, puisqu'elle ne pouvait pas compter sur le service social régional pour la réaliser, de la confier à des tiers, et le cas échéant à des évaluateurs habituels de l'APA, qu'elles devraient payer. La CNAVTS paie 60 euros -100 euros à Paris - par évaluation.

Mon premier souhait serait donc qu'une telle situation n'existe pas. On aurait pu envisager - et le rapport le fait remarquer - que la CNAVTS ait un réseau de proximité propre d'assistantes sociales travaillant sur ses orientations. Mais ce n'est pas le cas. Elle utilise le réseau commun à l'assurance maladie. En Île-de-France, par exemple, la caisse qui gère les pensions de retraite n'a pas d'assistantes sociales dédiées à l'action sociale. Elle les demande à la CRAMIF, qui est une caisse d'assurance maladie. Cela signifie que, sur le terrain, les 250 assistantes sociales sont très peu auprès des personnes âgées.

La seconde chose qui nous a frappés - et cette information n'est pas strictement dans le rapport -, c'est que les personnes âgées n'y comprennent rien. Le premier interlocuteur de la personne âgée, dans beaucoup de domaines, est sa voisine : 20 % des personnes qui ont eu accès au dispositif ont été informées par quelqu'un de leur entourage, au premier rang desquels leur voisine. Le deuxième interlocuteur est le centre communal d'action sociale (CCAS). D'ailleurs, lorsqu'il y a eu un flottement concernant l'aide ménagère, les gens sont allés voir le maire et lui ont reproché de ne pas avoir déclenché l'action sociale, le CCAS étant censé le faire. Les équipes sociales des départements sont plus ou moins connues. Le département n'a pas, comme dans le Rhône, maillé son territoire. Les assistantes sociales ne se rapprochent des personnes âgées que lorsqu'on les leur a signalées ou lorsqu'elles les connaissent au titre d'une maladie de longue durée invalidante. Le fait d'avoir des assistantes sociales qui s'occupent de personnes âgées à la fois dans le cadre de la prévention de la dépendance et parce qu'elles sont malades n'est pas mauvais en soi, mais ces deux éléments conjugués montrent la faiblesse de l'action sociale en termes d'action auprès des personnes. Cela ne veut pas dire pour autant que des compétences gérontologiques n'existent pas au sein des caisses d'assurance vieillesse, mais ces dernières n'ont pas la capacité d'être des acteurs de proximité, sauf dans des partenariats où elles jouent leur rôle en tant que partie prenante des équipes d'évaluation, comme cela a été le cas pour la prestation expérimentale dépendance, qui avait permis de lier équipes sociales du conseil général et équipes sociales des caisses.

M. Pierre Morange, coprésident : Il ressort de ce que vous dites qu'il y a une concurrence entre les deux équipes sociales...

M. Michel Duraffourg : Les acteurs qui ont un peu d'expérience, comme moi, se rendent compte que les décentralisations successives emportent des morceaux entiers du social en ce moment. On le voit avec les maisons du handicap : il ne s'agit pas d'une vraie décentralisation au sens étroit et juridique du terme, mais cela a des conséquences fondamentales sur le travail de proximité.

Si on souhaite offrir le meilleur service possible aux personnes, et à la condition que les départements aient des CCAS - parce qu'un département n'est pas proche de l'assuré -, il est certain qu'il y a une proximité à créer. Que ce soit sous l'égide d'une collectivité territoriale, pourquoi pas ?

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Il faut la récupérer, cette proximité ! Cela fait longtemps que la loi permet au département de signer des conventions avec les CCAS. Or je ne connais qu'un seul département, l'Ille-et-Vilaine, qui utilise ce dispositif, qui doit dater, pourtant, des années 1950. Je suis toujours étonnée par cette incapacité à utiliser les dispositifs législatifs existants !

M. Pierre Morange, coprésident : Ce n'est malheureusement pas le seul exemple d'inapplication de la loi. Pour faire référence à une mission d'information récente, il en est de même de l'interdiction de l'exposition au tabagisme passif dans les lieux à usage collectif.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : La CNAVTS est-elle en mesure de diversifier son offre de services d'action sociale, de développer une évaluation globale des besoins des personnes âgées et de mettre en œuvre des plans d'actions personnalisés (PAP)? Si oui, à quelles conditions et dans quels délais ?

M. Michel Duraffourg : La COG était très ambitieuse sur les points que vous avez indiqués, et qui sont liés. Pour le développement de l'évaluation globale, des enveloppes importantes ont été prévues, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros.

Si l'on fait de l'évaluation globale, on peut recréer un dispositif qui ne repose plus simplement sur l'aide ménagère mais sur ce que l'on appelle des plans d'actions personnalisés. Je ferai à ce sujet deux remarques.

Premièrement, les informations sur 2006 laissent penser qu'une partie des caisses régionales sont en train de s'y mettre et commencent également à réaliser des évaluations globales, dans un climat apaisé entre les caisses et les associations. En effet, au début, les caisses niaient aux associations le droit de faire des évaluations pour éviter qu'elles ne retrouvent leur qualité d'autoprescripteur. Dans un certain nombre de cas, les choses se sont apaisées, ce qui permet de confier aux services qui ont des compétences, notamment à ceux qui sont habilités à effectuer des évaluations APA, les mêmes capacités pour l'évaluation globale.

Seconde remarque : si on fait de l'évaluation globale, on fera des PAP. Reste ensuite à regarder le contenu de ces derniers. Beaucoup tournent autour du déploiement de deux ou trois types d'actions. Il peut s'agir d'ateliers mémoire : ceux-ci ne fonctionnent que si des gens se déplacent mais c'est possible dans le cas des GIR 5 et 6. Il peut s'agir aussi du refinancement de repas à domicile. On retrouve des aides classiques qui sont refinancées par la CNAVTS là où elle n'était pas présente. Mais nous trouvons très peu d'alternatives importantes. Il y a parfois des cotisations à des clubs.

Cela me conduit à deux observations.

La première, c'est que la CNAVTS ne s'est pas vraiment inquiétée - alors que les services avaient senti le danger - du coût de gestion des PAP. La CNAVTS, qui est une grande et belle institution, est un excellent prestataire de masse - en matière de retraite par répartition, le système français de report aux comptes individuels est devenu le modèle européen car la CNAVTS a d'excellentes techniques informatiques - et elle a beaucoup piloté l'aide ménagère en action sociale. Par contre, pour les PAP, elle sera obligée de refaire du crayon et du papier, parce que ce sont de petites aides.

Il existe des aides un peu coûteuses - je n'ose pas dire superficielles devant votre mission, car leur contenu n'est jamais inutile - pour lesquelles on peut trouver des alternatives. Quand nous étions dans le Nord, nous nous sommes interrogés, par exemple, sur la légitimité de porter des courses à une personne âgée là où le supermarché le fait contre une toute petit charge. Est-ce là qu'il faut solvabiliser le besoin ? Je pose la question car, en fait, pourquoi pas ? Rien n'est mauvais dans cet univers. Mais on est obligé de faire des choix.

La seconde observation, c'est qu'une aide d'un contenu nouveau - dont vous avez parlé, madame la coprésidente - va se développer, à savoir l'aide au retour à domicile pour les personnes hospitalisées. Ce n'est plus simplement de l'action sociale vieillesse, mais devrait être une politique générale. Quand une personne âgée est hospitalisée, il y aurait tout intérêt, pour éviter qu'elle le soit à nouveau - surtout maintenant que les hôpitaux font sortir les patients un peu plus vite - à diligenter très rapidement une enquête sociale, comme dans le cadre de l'APA d'urgence, afin que les services spécialisées en ce domaine mettent en place l'aide au retour de la personne dans son domicile - parce que c'est là qu'elle est quand même le mieux -, après l'hospitalisation. Cette aide, qui fait partie de la réorganisation des aides de la caisse vieillesse, est en train de se développer fortement et il faut l'encourager. Elle est cependant relativement marginale par rapport à l'action sociale vieillesse traditionnelle. Elle fait partie en fait de l'action sociale des caisses d'assurance maladie, et elle ne peut que leur faire faire des économies si elles savent la gérer de manière optimum.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : La répartition des effectifs de travailleurs sociaux des services régionaux entre les activités d'action sociale de la branche maladie et celles de la branche vieillesse vous paraît-elle satisfaisante ? Quelles évolutions seraient souhaitables ?

M. Michel Duraffourg : Vous posez là une question importante, que nous n'avons fait qu'effleurer en remarquant que la proximité n'était pas très bien gérée dans certaines circonstances. Ce qui est sûr, c'est que la circulaire de 2001 qui unit ces deux branches doit être actualisée. Par ailleurs, le fait, pour la CNAVTS, de ne pouvoir compter que marginalement sur ses assistantes sociales est un point faible dans le développement d'une politique d'action sociale pertinente.

Faudrait-il scinder les services sociaux ? Dans le département de l'Eure, dont j'ai l'exemple en tête, sur la vingtaine d'assistantes sociales qu'il compte, il n'en resterait que cinq ou six. Fait-on de l'action sociale sur un département avec cinq ou six assistantes sociales en proximité ? Où les met-on ? Dans les agences locales de santé, puisque les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) sont de plus en plus décentralisées sur leurs anciens points d'accueil ou leurs agences de paiement ? Cela pose vraiment un problème car on perd la masse critique. Or, comme vous l'avez dit, monsieur le coprésident, il faut une certaine masse critique pour avoir de l'action et de la visibilité. On le voit avec les maisons du handicap, qui sont un succès. Lorsque les conseils généraux les ont mises en place, il y a eu une visibilité qui n'existait pas dans nos anciennes COTOREP. Les CGSS fonctionnaient peut-être un peu mieux...

En tout cas, la question que vous avez posée est un chantier entre les deux branches. Je pense que celles-ci sont conscientes qu'elles doivent avoir un service social, non pas plus efficace, mais aux missions redéfinies, parce que le monde a changé et qu'on ne doit pas rester figés sur des objectifs de 2001.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Vous nous parlez de l'organisation de l'action sociale entre les différents organismes : assurance maladie, CNAVTS et départements. Nous devons nous interroger également sur les services offerts. Avez-vous le sentiment qu'ils font l'objet d'une réflexion suffisante ?

J'ai toujours été très frappée par la grande difficulté de faire émerger de nouveaux services pour les personnes âgées. Il y en a eu dans le champ du handicap car les associations de handicapés en ont réclamés et étaient porteuses de nouveaux services. Mais il y en a moins dans le champ des personnes âgées.

Le dispositif antérieur de l'aide ménagère, qui consistait à verser une masse financière aux associations, avait un côté pervers car, ces dernières disposant de leur financement annuel, cela ne leur permettait pas de faire évoluer vers de nouveaux services. Avez-vous le sentiment qu'une évaluation en commun de l'offre de services dans le but de la faire évoluer soit possible, voire qu'elle soit déjà en train de se mettre en place ?

M. Michel Duraffourg : Je précise d'abord que les associations sont le « produit » de la CNAVTS. L'action sociale « aide ménagère » de la CNAVTS a créé ce couple qui a rendu d'énormes services. Avant l'APA et la mise en place d'un dispositif large, tout reposait, au fond, sur l'action sociale vieillesse. C'est pourquoi les caisses ont une compétence gérontologique reconnue, dont elles ont, d'ailleurs, eu du mal à faire leur deuil.

Ensuite, les services ont acquis une professionnalisation avec le certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile (CAFAD) et tout ce qui a suivi, et qui est une excellente chose. On voit bien, de toute façon, que, pour beaucoup d'associations, l'intervention auprès des personnes âgées ne se résume pas à du service ménager. Elles œuvrent au maintien à domicile, avec tout ce que cela implique de polyvalence des tâches : conduire la personne faire des courses, l'aider pour les papiers administratifs, sont des tâches extraordinairement utiles dans la vie quotidienne et essentielles pour des personnes âgés.

Par ailleurs, les associations, à qui l'on reproche souvent de ne pas se redéployer suffisamment vite, sont à l'heure actuelle particulièrement entraînées par la concurrence qui existe sur les services aux personnes. Celles qui, de par leur structure, leur histoire ou la nature des emplois proposés, avaient le plus de difficultés, sont très conscientes de la nécessité de renouveler leur offre. Avec son offre de prestations nouvelles, la CNAVTS réclame de nouveaux services. Elle va, de ce fait, jouer un rôle dans le champ économique, puisqu'elle a de l'argent à mettre. Elle demande de nouveaux services, en faisant valoir qu'elle pourra les solvabiliser. Les choses sont en train de changer.

M. Pierre-Louis Fagniez : En résonance avec ce qu'a dit Mme Paulette Guinchard dans sa première intervention, je reviendrai sur ce qui se passe sur le terrain. Nous voyons bien que, en ce moment, les actions sont à la conjonction de la CNAVTS et de la CNAMTS.

Je prendrai l'exemple des personnes âgées qui sont dans les hôpitaux, et qui y sont de plus en plus nombreuses. Il est à craindre qu'il y ait pour elles une médecine à deux vitesses. Souvent, elles y viennent pour subir des interventions simples - je ne parle pas des grands opérés, pour lesquels on peut faire l'hospitalisation à domicile. Le plus embêtant c'est, par exemple, une personne de quatre-vingts ans qui vient se faire opérer d'une hernie inguinale : l'hôpital peut la faire ressortir le jour-même. Donc, pour l'assurance maladie, cela correspond à un jour d'hospitalisation. Mais, en pratique, si les médecins ne font pas ce pour quoi ils ne sont pas formés, c'est-à-dire l'organisation du suivi et du social, un patient âgé entré le lundi risque d'y être encore le mercredi, parce que, comme vous l'avez dit, le service à domicile est polyvalent et comporte beaucoup de services. Il n'y a pas beaucoup de soins mais il y a toute une série d'actes indispensables, ne serait-ce que monter quatre étages. Or, la CNAVTS et l'assurance maladie vont payer deux ou trois jours d'hospitalisation au lieu d'un - parce qu'on ne peut pas mettre la personne à la porte. Cela coûte très cher.

Vous avez dit que l'aide au retour à domicile pour les personnes hospitalisées serait source de grandes économies pour l'assurance maladie. Au regard de celles-ci, pouvez-vous nous indiquer les besoins de ces métiers - puisque ce sont bien des métiers nouveaux ? Ces besoins seraient-ils largement ou pas suffisamment pourvus par les économies réalisées ? Il ne s'agit, évidemment, pas de la même caisse mais, pour nous, ce qui compte, c'est l'argent qui est dépensé puisque, de toute façon, c'est l'assuré qui paie.

Allons-nous continuer, par défaut d'imagination et parce que c'est plus facile, à garder nos vieilles dames deux ou trois jours ou allons-nous tous nous mobiliser pour qu'elles puissent rentrer chez elles, monter leurs quatre étages, être nourries et vivre comme quelqu'un de vingt ans de moins ?

Il faut que la vieillesse soit identique à la jeunesse pour l'accès aux soins. Sinon, il y a une médecine à deux vitesses. On parle d'une fausse médecine à deux vitesses. Or, c'est là qu'elle est !

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je partage complètement ce point de vue. J'ai été très marquée par ce que nous ont dit les médecins gériatres que nous avons entendus : ils ont insisté sur le fait que c'était l'hôpital qui « grabatisait » les personnes âgées. On voit toute l'importance d'un travail en commun entre l'assurance maladie, la CNAVTS et les départements !

M. Pierre Morange, coprésident : Nous nous heurtons toujours à la même problématique : le cloisonnement des organismes.

M. Pierre-Louis Fagniez : Eh oui !

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous le dénonçons depuis le début !

M. Pierre Morange, coprésident : Il est totalement absurde de se retrouver dans une logique où les uns et les autres s'ignorent alors que l'objectif est commun et qu'il faut, par définition, une mutualisation des ressources pour l'atteindre. Cela est sans doute dû à l'inertie de l'histoire et à la lourdeur des systèmes et des organisations, mais il n'est pas envisageable, face aux tendances démographiques de notre société, d'avoir une demande de « toujours plus » pour chaque compartiment, chaque zone de compétences, chaque structure organisationnelle. Il faut mettre les ressources en commun afin de fournir des réponses.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : J'ai eu la chance de participer à une journée d'études sur l'évolution du système de santé danois. Le Danemark a fait le choix de confier aux collectivités locales l'organisation de la prise en charge après l'hospitalisation, qu'il s'agisse de maladies chroniques, de handicaps, de dépendance ou de personnes âgées. Et le système de financement a suivi. Il serait intéressant de faire des comparaisons entre les systèmes des pays européens.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela inciterait à une deuxième décentralisation, à un échelon encore plus local, alors que les choses ne sont déjà pas très claires... Il me paraît préférable d'avancer dans l'ordre, au titre de la bonne utilisation des deniers publics !

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Dans le cadre d'une autre mission actuellement à l'œuvre à l'Assemblée touchant les urgences médicales, nous avons eu hier exactement la même discussion. C'est donc une question qui mérite que nous y regardions de près.

Comme Mme Paulette Guinchard, je suis partante pour comparer les réponses qui y sont données par nos partenaires européens. Cela ne peut qu'enrichir nos travaux.

M. Pierre Morange, coprésident : Comme à toutes les personnes que nous entendons, je vous demanderai, de bien vouloir faire parvenir par écrit à notre mission toutes propositions concrètes et précises visant à améliorer à court, moyen et long termes l'ensemble du dispositif. Nous aurons à cœur de les intégrer à notre rapport.

Je vous remercie.

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