COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 3

Jeudi 9 novembre 2006
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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Auditions sur l'action sociale du régime général de sécurité sociale et l'action sociale
des collectivités territoriales

- M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

- M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

- M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS)

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), accompagné de Mme Bernadette Moreau, directrice de la compensation de la perte d'autonomie.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Denis Piveteau, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, accompagné de Mme Bernadette Moreau, directrice de la compensation de la perte d'autonomie.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : La CNSA dispose-t-elle d'outils pour évaluer les résultats obtenus grâce à sa participation au financement des établissements pour personnes âgées dépendantes et personnes handicapées, en termes de créations ou de médicalisation des places ?

Au-delà du plan de modernisation 2006 des établissements médico-sociaux, notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), financé par les excédents de 2005, quel sera, en régime de croisière, votre positionnement en matière de financement des opérations d'investissement ? Les besoins de modernisation pourront-ils être couverts par les financements actuels ?

M. Denis Piveteau : Je vous propose que nous gardions un peu de temps pour discuter des aides à la personne, à propos desquelles je pourrai vous donner davantage d'indications sur les résultats obtenus.

La CNSA ne possède pas de ressources à distribuer aux établissements et services, ni directement ni indirectement. La loi du 11 février 2005 n'a pas modifié les circuits de financement : les frais de fonctionnement sont toujours payés, sous forme de prix de journée, par le circuit traditionnel des caisses des différents régimes ou, dans le cas des EHPAD, par une caisse pivot. La CNSA n'est qu'un répartiteur budgétaire, chargé de garantir, sur le territoire, la distribution équitable des enveloppes. Celles-ci sont retracées dans son budget, mais plutôt à titre d'information. De ce point de vue, l'enjeu est double : équité territoriale et connaissance des besoins.

En moins d'un an, nous avons mis en place les outils de programmation financière de l'État prévus par la loi, à savoir les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC). Par leur truchement, nous demandons aux préfets de région de définir leur stratégie financière, afin d'avoir une visibilité à moyen terme et d'opérer un rééquilibrage territorial entre départements. Pour cet exercice inaugural, les premiers documents nous sont remontés en juin. Sur cette base, nous avons pu bâtir une analyse des besoins, la porter à la connaissance du Gouvernement pour la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et répartir les premières enveloppes.

Ces documents interfèrent avec l'action sociale départementale à deux titres : ils appellent l'État à une réflexion supradépartementale, indispensable si l'on considère que, dans nombre de régions administratives, les taux d'équipement des départements les compossant sont très disparates ; ils font le lien avec des problématiques sanitaires, obligeant l'État à organiser un dialogue entre son échelon régional et les conseils généraux.

L'objectif des PRIAC est également de trouver une articulation avec les financements départementaux. C'est éminemment vrai pour tous les établissements faisant l'objet d'une tarification mixte ou conjointe - foyers d'accueil médicalisés, services de soins à domicile pour personnes handicapées, etc. Le PRIAC présente l'intérêt de déterminer des propositions ou des anticipations de stratégie financière de l'État, département par département, sans pour autant répondre aux attentes de chacun d'entre eux. Ils sont parfois l'occasion de crispations mais rendent lisible et visible ce que l'État se sent en capacité d'entreprendre.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Avez-vous des exemples de régions où la coordination entre les trois niveaux - départements, PRIAC et schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) - a été particulièrement réussie ?

M. Denis Piveteau : Très sincèrement, le premier exercice a été jugé décevant car la durée des consultations a souvent été trop courte, ramenée à son minimum légal. Il m'est difficile de dresser un tableau d'honneur et je ne sais pas s'il y a lieu citer des régions mais il est vrai que certaines d'entre elles, minoritaires, ont mis sur pied un véritable comité de pilotage pour élaborer leur PRIAC, rassemblant non seulement les conseils généraux et l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), mais aussi, par exemple, les organismes d'assurance maladie.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous aurions besoin d'exemples précis d'une ou deux régions qui se sont signalées par leur modèle. Le fait de les nommer ne signifiera pas que les autres ont fait la démonstration de leur incompétence.

M. Denis Piveteau : Je ne voudrais pas en oublier mais l'exemple de la région Centre est l'un de ceux qui me viennent à l'esprit car son mode de gestion s'est avéré très efficace. J'insiste sur le fait que le PRIAC est un instrument permanent et glissant : les régions qui n'ont pas eu le temps de faire le nécessaire au printemps ont maintenant enclenché le processus.

M. Pierre Morange, coprésident : Votre prudence est tout à fait compréhensible mais nous nous permettons d'insister vivement car nous sommes assistés par la Cour des comptes et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Or celle-ci a été mandatée pour auditer les programmes de quatre départements, qui devront refléter la réalité française, afin de tirer des enseignements et faire ressortir les bonnes et moins bonnes pratiques.

M. Denis Piveteau : Il n'est pas évident de vous répondre à brûle-pourpoint mais je n'aurais aucune difficulté à le faire après en avoir discuté avec mes équipes. J'ajoute que nous menons actuellement des entretiens poussés avec chaque région - nous en avons déjà rencontré quatre ou cinq - pour faire le point à ce sujet.

M. Pierre Morange, coprésident : Le Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, le Lot-et-Garonne ou les départements de l'Île-de-France ont-ils été suffisamment inclus dans le dispositif pour apporter des éléments pédagogiques intéressants à notre mission ou bien avez-vous d'autres exemples en tête ?

M. Denis Piveteau : Le processus est en cours et multifactoriel : suivant les régions, les contacts avec l'ARH ou certains conseils généraux ont été plus ou moins bons et le travail interne à l'État varie. Il est donc difficile d'établir une typologie. Je vous répondrai sous un ou deux jours.

M. Pierre Morange, coprésident : Mme la rapporteure pourra croiser ces informations avec nos premières réflexions.

La vérification de l'effectivité de l'équité de traitement sur l'ensemble du territoire est suspendue à la collecte de l'information. Quelle est votre analyse à ce sujet ? Aussi bien sur le plan structurel que sur le plan conjoncturel, les informations que vous collectez à propos des aides à la personne vous semblent-elles suffisantes pour être en mesure d'intervenir de façon optimale ?

M. Denis Piveteau : En tant qu'organisme national, nous avons accès à toute l'information disponible sur les établissements.

Il convient néanmoins d'affiner le système d'observation. Il n'existe par exemple pas de fichier national recensant les places disponibles par type de handicap. Les taux d'équipement sont juridiquement cohérents, intéressants au regard du statut de l'établissement mais très peu au regard du service rendu aux populations particulières. Pour inverser la tendance, il serait souhaitable de collecter l'information au niveau local. Or le processus consistant à bâtir une programmation financière locale crée un intérêt à agir en faveur du recensement des informations. Nous faisons en sorte, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion qui nous lie à l'État, de mettre en place un schéma directeur des systèmes d'information et de définir un cahier des charges des informations, mais nous cherchons surtout à animer des réseaux locaux.

Cela requiert également une réflexion économétrique, la collecte dépendant de l'idée que l'on se fait de l'équité de traitement. La prise en charge des personnes âgées peut se faire sous la forme d'un hébergement complet, d'interventions d'infirmières à domicile ou de services d'autre nature. Les ratios utilisés pour définir le niveau de couverture des besoins vont par conséquent différer et nous obliger à collationner des données provenant d'autres systèmes d'information. Incités par le récent rapport de la Cour des comptes, nous avons commencé à consolider les données des services de soins infirmiers à domicile qui émargent à l'enveloppe sanitaire, et les dépenses de soins infirmiers qui relèvent de l'enveloppe soins de ville de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Et nous sommes en train de construire un indicateur sur le nombre d'euros d'assurance maladie dépensés par personne âgée. Il ne s'agit donc pas de créer un grand silo et d'y entasser des indicateurs mais d'affiner ceux-ci en fonction de la façon dont l'on souhaite mesurer l'équité de traitement.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : C'est en effet au cœur du travail demandé à Mme Carrillon-Couvreur. J'ai été très surprise de voir combien il était difficile de répondre à des besoins très particuliers, concernant notamment les traumatisés crâniens. La bonne coordination du sanitaire avec le médico-social dépend du travail commun entre la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS), l'ARH, le conseil général et l'observatoire régional de la santé (ORS), mais aussi la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM), les familles et les associations de malades.

M. Denis Piveteau : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le thème des aides à la personne me permettra peut-être d'ouvrir la perspective. L'information que nous détenons est parfois inadaptée car elle correspond à des schémas de satisfaction des besoins qui se contentent de reproduire le passé voire d'épouser les données dont nous sommes sûrs de disposer. Il importe de rompre avec cet état de fait et d'approfondir les recherches pour mieux appréhender le vécu des personnes. À mesure que l'on s'éloigne du domaine sanitaire pour entrer dans l'action sociale, il s'agit de soulager des situations qui ne se guérissent pas complètement, avec une grande diversité de réponses possibles et une dimension de satisfaction personnelle à prendre en compte.

M. Pierre Morange, coprésident : Il importe en effet d'évaluer la demande, avec sa dimension subjective. En pratique, comment cela se passe-t-il pour les actions sociales individuelles ? Avez-vous une vision exhaustive de l'action conduite tant par les branches du régime général que par les collectivités territoriales ?

M. Denis Piveteau : La question est double : comment calculer les dotations accordées aux conseils généraux pour financer les aides en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, c'est-à-dire l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) ? que savons-nous du concours des autres intervenants ?

En 2006, les dotations de la CNSA destinées à financer des aides à la personne atteignent 2 milliards d'euros, dont 1,5 milliard pour l'APA, ce qui couvre un tiers environ des dépenses départementales, et 500 millions pour la PCH, ce qui couvre pour l'instant largement plus que les moyens dégagés par les départements.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Mais l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), n'est pas comptabilisée dans ces 500 millions.

M. Denis Piveteau : Vous avez raison ; elle est historiquement couverte par les recettes fiscales des départements. L'ACTP étant assez dynamique, les dotations de la CNSA ne couvrent pas la somme des dépenses engagées par les départements mais tout de même la moitié voire les trois quarts. Quoi qu'il en soit, 2006 est une année particulière, sur laquelle il convient de ne pas trop s'appesantir.

Dans un premier temps, la CNSA se contentait de verser automatiquement les dotations d'APA sur la base d'une mesure des besoins, d'une recherche de correction des inégalités entre départements, puisque l'équation réglementaire conduisant à cette répartition est supposée tenir compte du poids particulier de l'APA dans chacun d'entre eux. Depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les dotations de PCH sont réparties selon les mêmes principes mais avec deux nouveautés importantes : elles sont assorties d'un petit concours au profit du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, qui s'élève à 20 millions d'euros en 2006 et sera porté à 30 millions d'euros en 2007 ; la CNSA passera une convention avec chacun des départements, en veillant à ce que ceux-ci soient en mesure de suivre leurs performances sociales, dans une optique d'appui objectif à la gestion locale, grâce à des indicateurs très concrets de la satisfaction des usagers.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand ces conventions seront-elles opérationnelles ?

M. Denis Piveteau : Lorsqu'elles auront été signées avec tous les départements.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est-à-dire, selon vous ?

M. Denis Piveteau : Nous avons déjà rencontré une cinquantaine de départements. L'objectif est que les derniers signent dans les deux premiers mois de 2007.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les caisses d'assurance maladie ne seront-elles pas signataires ?

M. Denis Piveteau : La loi, à ce stade, ne le prévoit pas.

M. Pierre Morange, coprésident : Ces informations seront donc détenues par la CNSA et les collectivités territoriales mais ne seront pas partagées avec les acteurs de l'action sociale.

M. Denis Piveteau : Si.

M. Pierre Morange, coprésident : Votre dispositif est pertinent mais, dans le cadre du nouveau référentiel commun de ce système standardisé, il serait logique que la connaissance soit partagée avec les différentes branches du régime général.

M. Denis Piveteau : Certainement. Et les choses se feront assez naturellement, je pense. La première étape a consisté à définir la notion de qualité de service et à convaincre les collectivités territoriales que les indicateurs de résultats leur seraient utiles pour piloter leur propre politique. Les six premiers mois de 2006 ont donc été consacrés à la définition de la stratégie. Il nous a semblé ensuite indispensable que les associations d'usagers et les départements, gestionnaires des maisons départementales des personnes handicapées, adhérent aux indicateurs.

M. Pierre Morange, coprésident : Les personnes handicapées sont-elles les seules concernées ?

M. Denis Piveteau : La CNSA n'a pour l'instant à signer ces conventions que dans le champ du handicap, pour les personnes de moins de cinquante ans, étant entendu qu'il n'est pas interdit aux départements de contractualiser plus largement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : À quoi est due l'augmentation du concours au profit des maisons départementales des personnes handicapées prévue pour 2007 ?

M. Denis Piveteau : C'est le conseil de la CNSA qui détermine la fraction des 550 millions distraite pour le fonctionnement des maisons départementales : il a voté 30 millions, laissant les 520 autres millions pour le paiement de la prestation. Le bon équilibre résultera précisément des échanges d'informations avec les départements. La répartition de ces 30 millions entre les départements, comme les autres dotations, est fixée par décret.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Pour les commissions locales d'information et de concertation (CLIC), la logique est-elle identique ?

M. Denis Piveteau : La CNSA, dans ce domaine, a pour seule compétence le versement des dotations d'APA aux départements.

M. Pierre Morange, coprésident : Pourriez-vous nous communiquer le référentiel commun des conventions ?

M. Denis Piveteau : Le plus important est la démarche, qui s'est déroulée en trois séquences assez longues mais nécessaires : définition de la liste des données faisant l'objet du socle unique des conventions ; construction d'une dizaine d'indicateurs de progrès ; appropriation par les équipes et les usagers des maisons départementales.

Les caisses primaires, représentées dans les commissions exécutives des maisons départementales, sont forcément destinataires de tous les indicateurs de celle à laquelle elles participent.

M. Pierre Morange, coprésident : En pratique, ont-elles émis des remarques à propos du référentiel ?

M. Denis Piveteau : Ce référentiel est un document de travail élaboré avec les responsables de maison départementale. Les premières réunions communes se tiennent actuellement et il a vocation à être inséré dans les conventions en tout début d'année 2007.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je propose que nous en venions aux aides individuelles.

M. Denis Piveteau : Comment l'action sanitaire et sociale des caisses d'assurance vieillesse, d'assurance maladie et bien sûr d'allocations familiales s'articule-t-elle avec les nouvelles prestations dans le domaine des aides à la personne ? Le seul réceptacle existant est le fonds départemental de compensation, qui ne vaut que pour les personnes handicapées. Cette structure, créée par la loi, doit être installée dans chaque maison départementale ; elle rassemble les financements de tous ceux qui veulent contribuer à la couverture du reste à charge des personnes. Jusqu'en 2005, les caisses avaient pour la plupart pris l'habitude d'intervenir ; un des grands enjeux est de garantir que ces sommes resteront mobilisées, et la situation est disparate selon les territoires.

Le secteur des personnes handicapées est le plus structuré : la loi a créé un fonds départemental de compensation, auquel peuvent contribuer l'État, le département, les caisses primaires mais aussi l'association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) et tout autre partenaire volontaire. Pour les personnes âgées, la structure équivalente n'existe pas.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Afin d'éviter les bagarres à propos de la prise en charge des heures d'aide ménagère - les usagers et même les associations sont perdus -, serait-il intéressant de supprimer rapidement la barrière d'âge ?

M. Denis Piveteau : Il existe un vrai besoin d'action sur la demande mais surtout sur l'offre, autant dans le champ du handicap que dans celui des personnes âgées. L'aide individuelle à la personne se heurte à un problème d'effectifs compétents professionnellement. L'aide à domicile, pour les personnes handicapées, peut exiger la pratique de quelques gestes d'accompagnement ordinaires, non médicaux, pour lesquels il n'existe pas de dispositif de formation coordonné. Travailler aux côtés d'une personne handicapée psychique suppose une formation particulière, même si elle n'est pas paramédicale. Ce diagnostic d'ensemble des besoins d'information et de modernisation des services ne peut se faire qu'avec tous les partenaires, à commencer par les départements et les CRAM.

M. Pierre Morange, coprésident : Quand vous parlez de connaissance de l'aide sociale individuelle, pensez-vous aux enveloppes attribuées à l'échelon départemental ou aux versements individuels, au cas par cas ?

M. Denis Piveteau : L'information n'est pas nominative mais nous travaillons à partir d'informations très profilées sur le type et le niveau des aides attribuées personne par personne.

M. Pierre Morange, coprésident : La codification est-elle effectuée individu par individu ou par groupes ?

M. Denis Piveteau : Ne vous y trompez pas, notre connaissance se limite à ce qu'elle était avant le 11 février 2005, via les logiciels de versement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) ou des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES). Au niveau national, il n'existe pas de système d'information sur les dotations de l'action sociale départementale. Demain, en application de la loi, il sera possible de connaître l'aide sociale légale attribuée, anonymement mais personne par personne, avec la mise en corrélation entre son profil, le type d'aide auquel elle a droit et le montant qu'elle perçoit. Cela n'épuise toutefois pas le sujet car il reste à mesurer la satisfaction, l'adéquation de l'aide aux besoins de la personne.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous découvrirons progressivement si les gens choisissent de garder l'ACTP ou pas. Il sera difficile d'évaluer leur appréciation car nous ferons face à un changement. À cet égard, la qualité de l'offre de service est cruciale. Les gens accepteront d'abandonner l'ACTP s'ils trouvent des services et des conseils hautement efficaces.

M. Denis Piveteau : Il ne faut pas mesurer le niveau de satisfaction et l'activité des départements à la seule aune du montant de la prestation individuelle. Une série d'autres fonctions doivent être remplies, concernant les décisions d'orientation, l'accompagnement des personnes dans l'aménagement de leur domicile ou l'implication d'autres intervenants. Deux départements nous ont par exemple proposé de suivre, dans le cadre de leur convention, la gestion des files d'attente de logement pour les personnes handicapées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : De tels exemples nous intéressent au plus haut point dans cette phase de démarrage. Nous voyons bien que les situations sont très disparates selon les départements.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai fait voter un amendement, portant article additionnel après l'article 70 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui tend à établir un numéro identifiant unique et à constituer une banque de données nationale pouvant être croisée avec les fichiers du fisc. Cet amendement a été adopté à l'unanimité en commission des affaires culturelles, familiales et sociales puis en séance plénière et bénéficie d'un avis favorable du rapporteur du Sénat. Il ne s'agit pas uniquement de lutter contre la fraude mais aussi d'améliorer les prestations rendues aux assurés en optimisant les prestations rendues par notre système de protection sanitaire et sociale, dont l'architecture est particulièrement complexe. Le danger serait de lancer une énième réforme, superbe cathédrale en théorie mais dont la mise en œuvre prendrait plusieurs décennies. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), a donné un avis favorable à l'interconnexion des fichiers, pour la branche famille, dès 1989. Alors que se bâtit le squelette de l'interopérabilité entre structures, souhaiteriez-vous que des critères particuliers soient intégrés ?

M. Denis Piveteau : Ne voyez aucune complaisance dans mon appréciation, mais cet amendement me semble très bien venu car plusieurs acteurs ne sauraient être rassemblés sans volonté de cristalliser leur action autour d'instruments communs. Le point de convergence technique doit être un identifiant jetant un pont entre les différents types d'aides et d'interventions sanitaires, médico-sociales et sociales au profit d'une personne ou d'une famille, sans redondance ni césure, y compris lorsque les intéressés déménagent dans un autre département. Il est fondamental que les indicateurs de pilotage médico-sociaux servent aux opérateurs eux-mêmes. Si la CNSA se contentait d'émettre des observations d'en haut, avec un classement et un tableau d'honneur, ce serait stérile, inefficace pour améliorer le fonctionnement des structures locales. La méthode revêt un vrai enjeu : nous devons choisir les meilleurs indicateurs et nous assurer que ceux qui auront à s'en servir y adhèrent.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je vous remercie pour ces éclairages. La CNSA avance sur un sujet complexe et nous espérons qu'elle apportera des réponses intéressantes. Nous vous contacterons peut-être de nouveau dans les prochaines semaines.

M. Pierre Morange, coprésident : Je récapitule les trois demandes que nous avons émises à votre endroit : des exemples de régions où le PRIAC est abouti ; les paramètres concernant l'évaluation sociale susceptibles de constituer des outils de réflexion partagés ; des suggestions pour alimenter les travaux de notre mission.

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné de Mme Régine Constant, responsable de la division action sociale du département des contrats pluriannuels de gestion.

M. Pierre Morange, coprésident : Je souhaite la bienvenue à M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné de Mme Régine Constant, responsable de la division action sociale du département des contrats pluriannuels de gestion.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je vous laisse la parole pour nous présenter vos travaux.

M. Frédéric Van Roekeghem : Je rappelle tout d'abord que l'assurance maladie joue un rôle bien modeste dans le paysage de l'action sociale. Si les dotations budgétaires inscrites dans le budget de l'action sanitaire et sociale se sont élevées, en 2005, à 545 millions d'euros en exécution, cette somme recouvre des opérations diverses, dont certaines relèvent du champ sanitaire, en particulier la prise en charge du ticket modérateur des affections de longue durée dites « hors liste », psychiatriques et autres, pour près de 215 millions d'euros, de frais de transport et d'hébergement dans le cadre du thermalisme et de soins consécutifs à l'examen de dépistage buccodentaire. Après soustraction des dépenses ne relevant pas de l'action sociale - dépenses non fongibles car clairement identifiées dans notre convention -, l'on obtient une enveloppe de l'ordre de 120 millions d'euros.

Notre action sociale s'exerce principalement au titre de prestations à caractère facultatif, du maintien à domicile des personnes âgées, handicapées ou en difficulté au regard de la santé, notamment atteintes du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) ou subissant des soins palliatifs, de l'accès à la santé et aux soins pour les victimes d'inondations et autres catastrophes, et surtout de la dotation paramétrique des caisses de sécurité sociale, qui s'est élevée à 91,6 millions d'euros en 2005.

Cette dernière est mise à la disposition des caisses locales ; les partenaires sociaux y sont particulièrement attachés et le Gouvernement maintiendra son action à hauteur d'une centaine de millions d'euros pendant les quatre prochaines années. Le montant est important mais il représente en moyenne moins d'un million d'euros par caisse primaire. La dotation paramétrique sert pour 70 % à financer des aides individuelles : dépenses de pharmacie, fournitures médicales, transport, soins dentaires, prise en charge des difficultés financières diverses rencontrées par des personnes en situation de précarité liée à leur état de santé, qui n'arrivent pas à régler leur ticket modérateur, dont l'employeur tarde à envoyer l'arrêt de travail ou qui sont inéligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC).

Au-delà de la dotation paramétrique, il existe depuis la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie un financement pour l'aide à l'acquisition de la complémentaire santé, relativement modeste - 16 millions d'euros l'année dernière - mais qui devrait monter en puissance car les conditions d'éligibilité seront élargies dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

M. Pierre Morange, coprésident : D'après M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, 300 000 personnes environ bénéficient de la CMUC, sur une population potentielle de quelque 2 millions. Comment expliquez-vous ce différentiel ? Est-il imputable à la complexité de la mise en œuvre ? À la mauvaise maîtrise de l'information ? À l'éclatement des différents acteurs du système ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Il existe effectivement un écart important entre le champ des bénéficiaires potentiels - 2 millions de personnes et même 3 millions du fait du relèvement du plafond de ressources - et le nombre des personnes éligibles. Mais il importe de se montrer prudent car les dispositifs sociaux mettent parfois du temps à monter en charge et démarrent d'un seul coup.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est inquiétant !

M. Frédéric Van Roekeghem : Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Ce dispositif a été conçu pour prendre le relais des aides antérieures.

Il convient pour commencer de s'assurer qu'il est connu. L'expression « crédit d'impôt », à cet égard, n'est pas forcément incitative pour des personnes qui ne paient pas d'impôts. Un amendement parlementaire, voté, je crois, par cette assemblée, vise déjà à changer sa dénomination.

Par ailleurs, à la demande du Gouvernement, l'ensemble des caisses de sécurité sociale de toutes les branches ont initié un projet de développement de leur communication afin que chacun puisse avoir connaissance de l'existence du dispositif.

Il convient aussi de simplifier les conditions administratives d'accès en créant un formulaire de demande spécifique, d'autant que, d'après la convention médicale, l'éligibilité du point de vue des ressources est compatible avec le bénéfice du tiers payant pour les consultations chez le médecin traitant. Cette action fait du reste partie des priorités données aux caisses pour 2007 et le service social de l'institution sera mobilisé.

Nous avons aussi lancé une enquête auprès de sept caisses primaires pour suivre, entre le 1er octobre 2006 et le 31 juillet 2007, un échantillon d'assurés pendant une période de quatre mois en deux phases : faire le point sur leur situation médico-socio-administrative afin de comprendre leur trajectoire, d'identifier les points de blocage et de mettre sur pied un accompagnement spécifique.

La communication des organismes complémentaires est importante mais le Gouvernement a aussi revisité les barèmes l'année dernière, si je me souviens bien, pour que les restes à charge soient acceptables. Et, au-delà des restes à charge, il convient de s'interroger sur l'offre de contrats complémentaires et la tarification, qui ne relèvent pas de mes compétences.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : L'organisation actuelle de l'action sociale vous paraît-elle optimale ? Quelles améliorations préconiseriez-vous ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Votre question ouvre sur des réflexions plus globales sur la coordination de l'aide sociale, notamment au niveau des départements. Notre engagement financier en faveur de l'action sociale est certes relativement limité en comparaison avec d'autres branches. Je note au passage que nos caisses ont toujours respecté leurs crédits limitatifs.

Le conseil de la CNAMTS a pris des orientations assurant l'homogénéité de la dépense et mettant fin à certaines pratiques étrangères à l'action sociale de l'assurance maladie. Il convient de rendre les interventions plus lisibles en recentrant l'action sociale sur ses missions fondamentales, d'apporter un soutien particulier aux assurés accédant difficilement au système de santé - personnes en situation de précarité, handicapées, âgées et accidentés du travail - et de soutenir la politique de santé publique. Ces engagements se traduisent dans la convention d'objectifs et de gestion qui nous lie à l'État.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles sont ces « pratiques étrangères à l'action sociale » auxquelles vous faites allusion ? Pouvez-vous citer quelques exemples ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Le Parlement, en la personne de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, nous avait signalé des financements d'aides en faveur de retraités, notamment dans le département du Nord. Il y a eu une prise de conscience.

M. Pierre Morange, coprésident : Le règlement de factures d'électricité fait-il partie des pratiques auxquelles vous avez mis fin ? Un centre communal d'action sociale (CCAS) peut légitimement intervenir dans ce sens mais c'est moins cohérent de la part des branches du régime général.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Quelles relations les CCAS et les caisses entretiennent-ils ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Comment les différents guichets se coordonnent-ils ? Faut-il instaurer un guichet unique ? Qu'apporte l'aide sociale de l'assurance maladie ? Concrètement, les caisses primaires reçoivent leurs assurés lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés liées à l'assurance maladie, pour l'attribution de la couverture maladie universelle (CMU), parce qu'ils ne parviennent pas à payer leur ticket modérateur ou parce qu'ils n'ont pas reçu leur arrêt de travail. Faut-il les renvoyer vers un autre guichet ou, pour des situations bien identifiées, avoir la capacité d'instruire leur dossier convenablement au niveau local ? Des expériences de coordination avec les départements ont été menées, notamment en Bretagne, pour constituer des dossiers communs. C'est vraisemblablement dans cette direction qu'il faudrait se diriger.

Il n'est pas évident qu'il incombe aux caisses primaires de régler des factures d'eau ou de gaz. La convention d'objectifs et de gestion, qui vient d'être signée, pose le principe d'un indicateur mesurant précisément la part des prestations individuelles. Nous nous sommes engagés à diminuer cette part mais elle est extrêmement faible et correspond à des aides allouées à la suite d'un problème de maladie. Nous ne méconnaissons pas les enjeux financiers mais il n'est pas absurde de prendre en compte certaines situations dans la mesure où notre intervention est bien organisée et coordonnée avec celle, notamment, des conseils généraux.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je suis tout à fait d'accord : parfois, payer le chauffage à quelqu'un qui sort de l'hôpital, c'est aussi éviter qu'il retombe malade.

Avez-vous une connaissance exacte de l'usage de l'argent de l'action sociale ?

La CNAMTS a-t-elle une esquisse de réponse à propos de la prise en charge des malades à leur sortie de l'hôpital, en cas de maladie chronique ?

M. Pierre Morange, coprésident : La question n'est pas la pertinence de l'aide mais l'articulation de l'action des différents acteurs. L'une des préconisations de la MECSS concerne la mise en place de transferts d'informations, ce qui m'a conduit à déposer un amendement visant à constituer un fichier informatique national sur la base d'un numéro identifiant commun, celui de l'assurance maladie. Dans les faits, cette logique aboutit à la mise en œuvre de plates-formes multiservices. J'observe d'ailleurs qu'une expérimentation va être menée, si je ne m'abuse, en Lozère : l'ensemble des branches du régime général seront regroupées en un même lieu afin de répondre à la problématique de l'aménagement du territoire et d'améliorer le service rendu à l'assuré. Les entités peuvent rester distinctes en back-office, l'essentiel étant de constituer une offre pluridisciplinaire afin de satisfaire nos concitoyens. Approuvez-vous cet amendement ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Je sors d'un conseil de la CNAMTS où tout le monde s'en est ému. Mais je vais vous faire part de mon avis personnel.

La distinction entre ce qui relève du niveau national, de la région et du local est une question importante. Le service public ne peut être performant et obtenir des gains de productivité sans une professionnalisation par métier. La création des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) à partir des départements de recouvrement des anciennes branches a-t-elle été profitable ? Oui, évidemment. Chacune des branches a-t-elle un savoir-faire spécifique ? Oui, évidemment. Est-il justifié de développer des politiques de prévention différentes en Lozère et à Paris ? Oui, évidemment. Il faut donc commencer par avoir les idées claires sur la répartition des compétences métiers et de ce qui relève, pour chacune d'elles, du national, du régional et du local ; c'est ce que nous essayons de faire au sein de l'assurance maladie.

Le rapprochement du front office, notamment de l'accueil, recèle-t-il des gains de productivité et d'efficacité ? Je mets de côté l'exemple spécifique de la Lozère, qui concerne des zones de revitalisation rurale. Je constate que les grosses entités ne sont pas nécessairement plus efficaces. Il importe en outre de tenir compte des notions de service de proximité et de responsabilité. Pour tout vous dire, nous ne nous orientons pas vers une régionalisation à outrance car nous assurons 48 millions de personnes quand les URSSAF ne gèrent que 4 millions de comptes clients. Les grosses structures, y compris dans le privé, génèrent aussi de gros supports, des niveaux de responsabilité multiples, ce qui ralentit la prise de décision.

Il n'est donc pas aisé de répondre à votre question, d'autant que vous m'interrogez aussi implicitement sur l'organisation des services publics au regard de leur public, notamment des personnes âgées. C'est finalement la question posée par M. le ministre délégué Philippe Bas à Mme le procureur général Hélène Gisserot dans le cadre de sa mission sur le financement complémentaire de la dépendance.

Le sujet de la maladie chronique est beaucoup plus vaste : il englobe le diabète mais aussi les accidents vasculaires cérébraux, qui relèvent de la dépendance ou de la surveillance selon que le malade présente des conséquences neurologiques ou non. La question de moyen terme est celle de l'organisation des services publics en fonction de leurs assurés.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Pourquoi les partenaires sociaux se sont-ils émus de l'amendement de M. Pierre Morange ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Ce sujet n'a absolument pas été abordé au cours des négociations avec l'État à propos des contrats conventionnels, dont ils sortent à peine. Il n'est pas question de contester le droit d'amendement du Parlement mais la soudaineté de la proposition les a surpris et ils se demandent si ce dispositif est destiné à être étendu. Je note cependant que cet amendement est né d'une volonté locale de maintenir le service public et que des conseils d'organismes se sont exprimés en faveur de ce type d'organisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Et que pensent les partenaires sociaux du fichier commun ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Tout ce qui peut rapprocher les services et les aider à coordonner leur action est vraisemblablement positif. Néanmoins, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'est ému de la multiplication des croisements de fichiers.

M. Pierre Morange, coprésident : Dès 1989, la CNIL a validé techniquement et juridiquement les interconnexions de fichiers dès lors qu'elles servent une fonctionnalité publique, à telle enseigne qu'elle a jugé que mon amendement n'était même pas contributif. Il est curieux que la CNIL, d'un côté, valide mon amendement et que, de l'autre, elle s'interroge sur ses motivations. J'ajoute que, aux termes de l'amendement, les modalités d'application seront fixées par un décret du Conseil d'État après avis de la CNIL. L'histoire l'a déjà entériné ; il est indispensable pour le bon fonctionnement de notre système de protection sanitaire et sociale. C'est tellement vrai que la branche famille, vous-même et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) y êtes favorables. Au-delà du débat sur la verticalisation ou l'horizontalisation, le dispositif proposé résoudra les problématiques de la coordination, de la professionnalisation et de la compatibilité entre les différentes structures.

M. Frédéric Van Roekeghem : Je crois que M.  Denis Piveteau s'y est en effet déclaré favorable. L'essentiel est que ce rapprochement des informations soit destiné à répondre aux besoins des assurés. Je n'ai pas d'avis à porter sur le débat parlementaire et nous soumettrons à la CNIL, comme il est d'usage, les modifications de nos systèmes d'information nécessaires pour appliquer la législation. Toutefois, une délibération de la CNIL du 10 mars 2005 n'autorise pas la CNAMTS à exercer le pilotage de l'activité des services sociaux à partir de ses statistiques anonymisées. Il n'en demeure pas moins que tout le monde approuve l'idée de rapprocher les informations au bénéfice du service rendu à nos concitoyens.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Quels devraient être, selon vous, les objectifs et les publics prioritaires de l'action sociale ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Le conseil de la CNAMTS, dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, a élaboré ses orientations de politique d'action sociale. Il a été décidé de privilégier trois axes de missions : permettre aux personnes confrontées à un problème de santé et en situation précaire d'entreprendre une démarche de soins ou de prévention de la santé et de préserver ou de retrouver des conditions favorables à leur insertion sociale ; aider les personnes en arrêt de travail et en risque de perte d'emploi du fait de leur état de santé à se maintenir dans leur poste, dans leur emploi ou leur entreprise ; aider les personnes âgées et/ou handicapées à préserver leur autonomie. Ces interventions sont ciblées sur les personnes en arrêt de travail depuis plus de quatre-vingt-dix jours, en fin de droits ou en situation de précarité présentant un problème social consécutif ou lié à un état de santé, un handicap ou une perte d'autonomie.

M. Pierre Morange, coprésident : Les collectivités territoriales et la CNSA sont en train de modéliser un outil référentiel pour évaluer les performances de l'action sociale. Êtes-vous au courant ? Connaissez-vous le teneur des indicateurs ? Qu'en pensez-vous ? Souhaitez-vous adopter ce référentiel ? Pour quelles raisons le système PARNASS a-t-il été abandonné ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Nous l'avons abandonné il y a cinq ans et il est préférable de regarder vers l'avenir. La CNAMTS n'a pas été associée aux travaux menés par la CNSA sur ce système d'information - sans doute parce que la première des difficultés consistait à intégrer l'action des départements - mais elle est tout à fait disposée à y participer. Puisque la CNSA et la CNAMTS ont prévu de passer un accord conventionnel, je souhaite que ce sujet fasse partie de nos discussions.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous serons les messagers de cette requête.

M. Frédéric Van Roekeghem : Les services sociaux des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) constituent une force d'intervention qu'il serait souhaitable de mobiliser en cohérence avec la CNSA.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : En tout cas, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport relatif au financement des aides à domicile de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), estime qu'il importe de réfléchir à la place des travailleurs sociaux dans les caisses.

L'enjeu de la bonne connaissance mutuelle est essentiel mais les élus des caisses exigent que ces dernières conservent leur fonction d'aide sociale. N'est-ce pas ?

M. Frédéric Van Roekeghem : C'est vrai, à tel point que l'une des premières décisions prises dans le cadre de l'application de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a consisté à aménager le dispositif pour faire en sorte que les conseillers des caisses conservent leur capacité d'intervention dans le domaine de l'action sociale. Cela répond à une vraie motivation sociale : les syndicats, qui représentent les assurés sociaux, y sont très attachés pour être en mesure de prendre des décisions concrètes répondant aux situations de précarité.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les caisses réfléchissent-elles au rôle de leurs services sociaux, en lien avec les autres acteurs ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Les CRAM partagent leur service social avec la branche vieillesse. Nous avons néanmoins préparé une convention nationale type avec la CNSA.

Mme Régine Constant : Celle-ci traite notamment de notre positionnement vis-à-vis des maisons du handicap.

M. Frédéric Van Roekeghem : Si nous pouvons améliorer l'efficacité de nos services sociaux et mieux les aligner sur les priorités nationales, nous le ferons dans le cadre de la convention avec la CNSA. Mais les questions se posent souvent davantage en termes de priorités.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Des interventions sont-elles prévues avec les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) ?

Mme Régine Constant : Cela relève du pilotage de la CNAVTS.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Savez-vous quelles seront les priorités de votre convention d'objectifs et de gestion ?

M. Frédéric Van Roekeghem : Notre conseil a validé les orientations de la convention en septembre. Premièrement, il est en train de réévaluer les conditions d'attribution des dotations financières aux caisses. Deuxièmement, dans les contrats de gestion des caisses primaires, nous intégrerons des engagements sur le ciblage des aides. Nous avons fait le choix de laisser une certaine souplesse à l'échelon local pour favoriser la réactivité mais il serait souhaitable que la convention avec la CNSA soit conclue au préalable, de manière à ce que nous puissions la décliner en interne.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie de vous être plié à cet exercice. Si vous avez des suggestions, je vous invite à nous les soumettre.

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), accompagné de Mme Jacqueline Padieu, directrice scientifique.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous accueillons maintenant M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), accompagné de Mme Jacqueline Padieu, directrice scientifique.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je vous invite à intervenir pour un exposé introductif.

M. Jean-Louis Sanchez : Nous sommes davantage familiarisés à ce thème qu'à celui de l'hébergement des personnes âgées, sur lequel nous avons déjà été auditionnés. Je vous propose que nous vous présentions les problèmes liés à la décentralisation de l'action sociale, tant sur le plan financier que sur le plan stratégique, en insistant, à travers la lecture des résultats de l'exercice 2005, sur les inquiétudes suscitées par le transfert du financement d'allocations lourdes pour des départements inégalement préparés à recevoir la responsabilité de gestion de ces prestations. Cela nous préoccupe non seulement au regard de l'équité entre départements mais également parce que les axes prioritaires de ces derniers risquent de s'en trouver déséquilibrés. Certains aspects très positifs du bilan de la décentralisation de ces quinze dernières années sont remis en cause : nous vivons un tournant.

La décentralisation de l'action sociale, en 2004, a provoqué des interrogations nombreuses. Certains estimaient que la solidarité, dans la tradition française, est une affaire nationale. N'y a-t-il pas contradiction entre cohésion sociale et décentralisation ? L'observation nous permet d'affirmer le contraire : avec la décentralisation, nous avons plutôt l'impression que l'égalité s'est renforcée, par un jeu souvent sous-estimé, lié à la proximité, mis en relief par des associations très dynamiques. En quinze ou vingt ans de décentralisation, les départements qui accusaient un retard d'équipements et de services ont davantage avancé que les autres et les inégalités se sont resserrées - la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) parvient aux mêmes conclusions.

Cette évolution s'est produite sans pour autant obéir à un électoralisme exacerbé : les dépenses qui ont le plus augmenté n'ont rien d'électoraliste puisqu'elles sont principalement liées à l'accompagnement social, aux personnes handicapées et fort peu aux personnes âgées, même si, avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ressentie globalement comme une très bonne réforme, le soutien aux personnes âgées a considérablement progressé.

L'effort a été constant, non seulement sur le plan quantitatif - la dépense, en francs constants, a plus que doublé en quinze ans - mais aussi qualitatif, les responsables évitant de s'abriter derrière le déficit réglementaire pour ne pas agir. Dans le domaine du soutien aux personnes handicapées, en particulier, les départements n'ont pas hésité à investir massivement dans des expérimentations comme les hébergements à double tarification ou les services d'accompagnement à domicile. Cette démarche audacieuse est souvent méconnue et insuffisamment prise en considération par les grandes administrations d'État.

Je connais peu de niveaux d'action administrative, en France, où le lien entre la connaissance et l'action est si développé. Je donnerai deux exemples. Premièrement, les schémas départementaux sont très perfectibles mais ils ont constamment évolué dans le sens d'une meilleure qualité tant méthodologique que stratégique. Deuxièmement, la conception que les départements se font de la territorialisation a beaucoup évolué. Alors que les circonscriptions recouvraient chacune une population de 50 000 personnes, elles sont aujourd'hui calquées sur des bassins de vie de 15 000 à 300 000 habitants, ce qui leur confère une dimension stratégique : chaque circonscription doit devenir un lieu de production de politique départementale. C'est une sorte de déconcentration dans la décentralisation.

Mais la décentralisation départementale a aussi des points faibles.

D'abord, les performances de l'action sociale ne se mesurent pas facilement car celle-ci nécessite des investissements lourds pour des résultats tardifs. Cela a entraîné un déficit d'intérêt de la part des dirigeants politiques pour cette responsabilité pourtant importante puisqu'elle représente plus de la moitié de leurs budgets de fonctionnement. Les choses sont paradoxalement en train de changer grâce aux nouvelles responsabilités confiées aux départements, qui menacent certains d'entre eux dans l'exercice même de leurs responsabilités mais suscitent une très forte implication du personnel politique.

L'acte II de la décentralisation a été très pragmatique : le mouvement s'est opéré en direction de collectivités disposant des moyens en ingénierie, du personnel et des ressources pour recevoir de nouvelles compétences. La décentralisation de l'action sociale au niveau départemental présente le double avantage de la proximité et de l'éloignement. Les acteurs de la prévention spécialisée, par exemple, craignent légitimement une trop grande proximité, de nature à instrumentaliser leur action auprès de populations fragiles. Le niveau départemental est mauvais pour assurer un accompagnement de tous les publics et pas seulement des publics défavorisés. Or l'ODAS, malgré la diversité d'opinion qui le caractérise - presque tous les départements y adhèrent, ainsi que des communes -, est convaincu que la précarité n'est plus sectorielle mais globale : elle est économique pour un grand nombre mais aussi relationnelle et identitaire pour la société française toute entière.

Il faut accompagner la solidarité en direction des personnes démunies les plus précarisées d'un très gros effort en faveur de la société tout entière, et celui-ci ne peut être mené qu'au niveau le plus adapté, celui des communes. Se posent alors des problèmes d'articulation des moyens des communes et des départements. Cela se passe relativement bien en milieu rural mais très mal en milieu urbain. En Ille-et-Vilaine, des décideurs de sensibilités politiques pourtant divergentes avaient fait preuve de beaucoup de responsabilité : ils s'étaient entendus pour transférer leurs compétences au meilleur niveau et la ville de Rennes avait récupéré l'essentiel de l'activité d'insertion avec les crédits, la responsabilité et l'affichage afférents. De tels comportements, dictés par l'intérêt général, loin de faire perdre des voix, peuvent produire une forte adhésion de l'opinion. Quoi qu'il en soit, le phénomène, au lieu de s'accentuer, tend à régresser partout, y compris en Ille-et-Vilaine, alors que les sensibilités politiques des collectivités territoriales concernées se sont rapprochées.

Toutefois, les maires sont en train de découvrir que leurs responsabilités, en matière de lien social, vont bien au-delà du traitement de la précarité économique et de la précarité de la jeunesse. Leur perception de la précarité devient globale, avec ses dimensions relationnelle et identitaire. Ce mouvement de volonté s'ébauche parmi les décideurs municipaux au travers de leurs diverses politiques publiques, sociale, culturelle, sportive et de l'habitat. Il faut dire que le phénomène des banlieues a mis en relief l'immense déficit de solutions.

La décentralisation de l'action sociale a eu le mérite, jusqu'à présent, de se dérouler dans un scénario tantôt rassurant, tantôt inquiétant. Les départements ont tiré un bénéfice financier des cinq premières années de la décentralisation, leurs dépenses ayant moins progressé que l'inflation.

M. Pierre Morange, coprésident : Pardonnez-moi mais votre expérience vous conduit-elle à imaginer un schéma de répartition optimale des compétences entre les échelons, qui aurait fait la démonstration scientifique de son efficacité et devrait être reproduit ?

M. Jean-Louis Sanchez : Votre question est très intéressante. L'année dernière, nous avons organisé une grosse manifestation à Marseille sur la problématique de la clarification des responsabilités, dont le rapport de synthèse sortira dans les semaines à venir. Nous avons le souci d'aller le plus loin possible dans nos constats sans heurter trop frontalement certaines sensibilités institutionnelles car il nous faut être en mesure de collecter l'information pour bâtir des scénarios. Mais nous avons le sentiment que les choses peuvent être dites plus facilement aujourd'hui qu'hier et, en juillet 2007, nous souhaiterions mettre nos propositions en discussion. Le besoin de clarification irrigue l'ensemble des protagonistes.

Je prendrai l'exemple de la protection sociale. L'ODAS a milité pour que l'allocation du revenu minimum d'insertion (RMI) reste soumise à la condition de l'insertion mais pour que chacun fasse son métier et que la décentralisation distingue réinsertion et allocation. Le traitement administratif de l'allocation aurait dû être confié essentiellement aux caisses d'allocations familiales, qui respectent la dignité de la personne alors que les services d'action sociale, par définition, stigmatisent. Des négociations extrêmement positives étaient engagées entre caisses d'allocations familiales et services sociaux départementaux mais elles ont été contrariées par des interventions d'organismes divers et la répartition la plus cohérente des responsabilités n'a pu être mise en application. Le conseil général de la Savoie avait obtenu l'accord de la caisse d'allocations familiales pour instruire les dossiers directement ; il souhaitait obtenir deux postes mais a finalement dû en créer une dizaine pour réaliser la même opération dans des conditions régressives pour l'usager.

Une multitude de situations donnent du crédit à la démarche de clarification des responsabilités. Le jeu pervers consistant à confier des responsabilités similaires à plusieurs structures finit par déresponsabiliser, démotiver et coûter très cher. La synthèse de nos travaux à ce sujet sera disponible au plus tard à la fin du mois de décembre.

Je disais donc que les cinq premières années de la décentralisation se sont traduites par une bonne opération financière pour les départements, les contributions de l'État ayant excédé leurs dépenses. Entre 1989 et 1995, les dépenses se sont largement accrues, de l'ordre de 8 % par an.

Mme Jacqueline Padieu : En grande partie du fait de l'augmentation des coûts salariaux.

M. Jean-Louis Sanchez : Entre 1995 et 2001, la charge a de nouveau régressé puisque les dépenses de départements ont globalement augmenté dans les mêmes proportions que l'inflation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Pourrez-vous nous communiquer les chiffres par écrit ?

M. Jean-Louis Sanchez : Bien sûr. Depuis 2001, l'évolution redevient inquiétante, à cause de la hausse des coûts des services et établissements mais surtout de l'impact du financement de l'APA et du RMI, qui pèse malheureusement de façon inégale selon les collectivités. L'ODAS craint que cette inflation des dépenses sociales continue, notamment dans le domaine des personnes âgées, que les départements opèrent un raidissement stratégique et adoptent une attitude moins constructive et pragmatique. Et les départements les plus mal lotis, vieux, frappés par le chômage, seront les plus asphyxiés, tandis que d'autres resteront à l'aise.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Comment faites-vous remonter les informations des départements ?

Au-delà de la péréquation, les départements formulent-ils des propositions pour faire évoluer le système de financement de nos politiques sociales ? Dans le champ sanitaire et social, une partie des financements de sécurité sociale et d'assurance maladie sont confiés petit à petit aux départements par le biais de la CNSA. Une évolution identique est-elle possible dans le champ du médico-social ? Les départements seraient-ils prêts à gérer une partie de la contribution sociale généralisée (CSG), pour ce qui concerne, par exemple, le handicap ou la dépendance ?

M. Jean-Louis Sanchez : La fiabilité des informations est en effet un vrai enjeu. L'ODAS, par sa diversité, apporte une garantie. Si nous avons su, depuis dix-huit ans, maintenir un consensus entre tous les acteurs institutionnels, c'est parce que les uns et les autres partageaient un constat. Presque tous nos questionnaires obtiennent un taux de réponse approchant 90 %.

Mme Jacqueline Padieu : Et nous interrogeons tous les départements.

M. Jean-Louis Sanchez. Lorsque nous avons souhaité comprendre l'évolution des priorités des maires de très grande ville, bien que nous ayons détourné nos questionnaires vers les directions générales des services municipaux et les cabinets - au détriment de nos interlocuteurs habituels, les centres communaux d'action sociale (CCAS) -, nous avons encore obtenu deux tiers de réponses. Par la procédure traditionnelle, le taux monte aux trois quarts ou aux quatre cinquièmes. Et les résultats font l'objet d'une contre-évaluation : lorsqu'une réponse est douteuse, elle entraîne immédiatement des interrogations supplémentaires pour comprendre les écarts de chiffres. Le nouveau président de l'Observatoire national de l'enfance en danger vient d'ailleurs de nous confirmer que nous resterions chargés de l'observation des publics qu'il cible.

Nous avons toujours opté pour un scénario : une réponse rapide sur échantillon représentatif plutôt qu'une réponse tardive sur un échantillon global. Nous travaillons donc avec trente départements témoins mais nous vérifions chaque année a posteriori, avec la DREES, la qualité de nos estimations financières : la performance de notre thermomètre, en dépit des modifications législatives permanentes concernant le jeu de contributions financières entre l'État et les départements, prouve la qualité de l'échantillon représentatif.

Pour ce qui concerne votre seconde question, nous ne sommes pas prêts. Tout le monde a été très surpris par la qualité de réponse des départements lorsque leur ont été confiées les responsabilités de l'APA, du RMI puis de la prestation de compensation de handicap (PCH). Ces transferts étaient très difficiles à mettre en œuvre et les départements auraient pu faire preuve de mauvaise volonté. Or les résultats ont été étonnamment rapides et positifs, l'analyse de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), converge à cet égard avec la nôtre. Mais le poids de la charge du RMI sur les finances départementales est si dévastateur que l'intérêt de cette décentralisation financière fait désormais débat dans les départements. Ne finit-elle pas par neutraliser leur autonomie financière ? N'est-ce pas davantage une déconcentration qu'une décentralisation ?

Mme Jacqueline Padieu : Nous avons beaucoup hésité sur la façon de présenter les comptes de 2005. Nous n'avons pu faire apparaître la charge nette une fois toutes les contributions de l'État versées car sa dotation globale n'est pas affectée spécifiquement à l'action sociale. La contribution de l'État relative à l'APA doit-elle être déduite ou non de la dépense nette d'action sociale ? Et les apports de l'État concernant le RMI ? Nous avons opté pour une double présentation : avant les abondements de l'État relatifs à l'APA et au RMI ; une fois ceux-ci déduits, y compris les abondements dits « exceptionnels », versés un an ou deux en retard.

Dans le premier agrégat, l'allocation de RMI occupe 24 %, les dépenses en faveur des personnes âgées 21 %, l'aide sociale à l'enfance (ASE) 20 %, les dépenses en faveur des handicapés 20 % et les autres dépenses - principalement de personnel - 20 %. Le RMI ne pèse plus que 5 % du second agrégat, dans lequel l'ASE représente 30 %, les personnes handicapées 20 %, les personnes âgées 20 % et les autres dépenses 20 %.

Notre échantillon représentatif de départements - qui accomplit l'enquête lui-même, dans la mesure où nous élaborons le questionnaire et où nous discutons des résultats avec eux - prévoit que l'APA va continuer de grimper à la même vitesse, que les dépenses de l'ASE et les autres dépenses vont se stabiliser, que la situation du RMI a peu de chance de s'améliorer et que la PCH va monter en charge progressivement, mais ils s'inquiètent du poids des malades mentaux dans cette prestation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les associations préfèrent parler de personnes handicapées psychiques.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : J'imagine que les départements ont d'ores et déjà simulé la montée en charge de la PCH.

Mme Jacqueline Padieu : Ils pensent que l'exercice 2006 ressemblera fortement à l'exercice 2005 et s'attendent à ce que la montée en charge se fasse tout doucement mais ils sont dans l'expectative.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Le choix entre allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et PCH va jouer.

Mme Jacqueline Padieu : Les bénéficiaires actuels de l'ACTP préfèrent conserver cette aide.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : C'est effectivement ce que l'on m'a dit.

M. Jean-Louis Sanchez : En 2004, l'impact de la décentralisation a été faible alors que les critiques étaient fortes. En 2005, le poids des nouvelles réglementations a considérablement joué dans l'évolution des dépenses, qui s'est élevée à 8 % de charge nette supplémentaire - sans l'amendement du Premier ministre, le taux aurait même atteint 11 % - et suivra probablement le même rythme cette année.

Nous approuvons la réforme de la protection de l'enfance proposée par M. le ministre délégué Philippe Bas mais personne ne mesure ses conséquences financières. Les départements seront obligés d'ouvrir ce chantier très lourd car il concerne ce qui est le plus sensible pour l'opinion : l'avenir de l'enfant. C'est souhaitable du point de vue du travail social mais cela entraînera des dépenses supplémentaires.

Mme Jacqueline Padieu : Cela pose de façon plus aiguë encore la question de la décentralisation des allocations.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je vous remercie de nous avoir présenté vos travaux. La mission attendra le document que vous avez évoqué.

M. Pierre Morange, coprésident : Si vous avez des suggestions, je vous invite à nous les soumettre.

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