COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 7

Jeudi 21 décembre 2006
(Séance de 9 heures)

12/03/95

Présidence de Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, coprésidents

SOMMAIRE

 

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Auditions sur l'action sociale du régime général de sécurité sociale et l'action sociale des collectivités territoriales

 

- M. Guy Magal, directeur de la Caisse d'allocations familiales d'Agen, et Mme Martine Mauroux, responsable de l'action sociale ; M. Daniel Forafo, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Lille ; M. Philippe Simonnot, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Lyon, et M. Jean-Michel Sérouart, directeur de l'action sociale ; M. Christian Moutier, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Créteil

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- M. Jacques Tonner, directeur général de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France, et M. Jean-Claude Poirier, directeur adjoint chargé du secteur action sociale ; Mme Maria Doumeingts, directrice de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Aquitaine ; Mme Christiane Flouquet, directrice de l'action sociale pour l'Île-de-France à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ; M. Yves Corvaisier, directeur de la Caisse régionale d'assurance maladie de Nord-Picardie ; Mme Éliane Delorme, directrice adjointe et directrice de l'action sociale de la Caisse régionale d'assurance maladie de Rhône-Alpes.........

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- M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale au ministère de la santé et des solidarités, et Mme Annick Bony, chef du bureau des personnes âgées

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Guy Magal, directeur de la Caisse d'allocations familiales d'Agen, et Mme Martine Mauroux, responsable de l'action sociale ; M. Daniel Forafo, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Lille ; M. Philippe Simonnot, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Lyon, et M. Jean-Michel Sérouart, directeur de l'action sociale ; M. Christian Moutier, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Créteil.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je suis heureuse de vous accueillir à l'Assemblée nationale. Je donne sans plus tarder la parole à notre rapporteure, qui souhaite plus particulièrement vous interroger sur les articulations entre tous les acteurs de l'action sociale sur le terrain.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Nous approchons de la fin des auditions que nous avons entamées il y a plusieurs semaines et que nous achèverons le 11 janvier prochain en accueillant le ministre. Mais nous avons surtout décidé de rencontrer les principaux acteurs locaux concernés et c'est à ce titre que nous recevons ce matin les représentants des caisses d'allocations familiales des quatre départements que nous avons sélectionnés avec l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : le Lot-et-Garonne, le Nord, le Rhône et le Val-de-Marne.

Je vous propose de commencer en nous présentant chacun les principaux points de votre action et, pour cela, de vous efforcer de répondre à ces quelques questions. Pouvez-vous nous indiquer quels sont vos moyens et vos activités, en matière d'action sociale ? Votre présence sur le terrain est-elle coordonnée avec celle des autres acteurs ? Quels sont les grands axes de vos schémas directeurs d'action sociale ? Comment ont-ils été conçus ? Comment pensez-vous qu'il serait souhaitable de les faire évoluer ? Quelle est votre politique en matière de partenariat, de coopération et de contractualisation ? Quelles sont vos relations avec le conseil général, les associations et les autres partenaires ? Comment serait-il souhaitable de les faire évoluer ? Enfin, comment s'effectuent les échanges d'informations avec les autres acteurs ?

M. Guy Magal : Je vous ai fait parvenir notre schéma directeur d'action sociale. Notre première priorité est d'améliorer la vie quotidienne des familles et de favoriser celles qui ont des enfants, à travers tous les dispositifs destinés à la petite enfance et aux loisirs, en particulier les nouveaux contrats enfance et jeunesse. Notre seconde priorité est l'accompagnement des familles, notamment les plus en difficultés. En Lot-et-Garonne, un nombre important de familles n'ont pour seules ressources que les allocations que leur verse la Caisse d'allocations familiales (CAF).

Nous consacrons environ 16 millions d'euros à l'action sociale et nous versons 210 millions de prestations légales. Ces montants se complètent puisqu'on ne peut pas concevoir de verser des prestations familiales sans accompagner aussi la famille. Les 16 millions de l'action sociale se décomposent en 4 millions de dotations sur fonds propres et 12 millions de prestations de services versés à nos partenaires. Ces moyens se répartissent entre aides individuelles, aides collectives et subventionnement de la gestion directe. Les premières représentent environ 11 % du total, et prennent essentiellement la forme d'aides aux vacances et aux loyers. Les prestations de service passent par le financement des œuvres : nous en soutenons financièrement et techniquement environ 200.

Dans le contexte actuel, l'évolution de l'action sociale doit surtout consister en la maîtrise des ressources qui y sont affectées.

Nous entretenons de nombreuses relations de partenariat, notamment avec le conseil général, au sein d'un certain nombre de commissions mais aussi dans l'action quotidienne des travailleurs sociaux. Nous avons par ailleurs reçu récemment tous les responsables des structures enfance et loisirs, qui étaient souvent accompagné d'élus, afin d'échanger sur l'application du contrat enfance et jeunesse.

S'agissant des échanges d'informations, le conseil général a créé un observatoire des données sociales dont la CAF est membre à part entière et auquel elle fournit les données dont elle dispose.

M. Christian Moutier : Le schéma directeur de l'action sociale de la caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne ne présente pas d'originalité particulière par rapport aux orientations nationales de la politique d'action sociale de la branche famille. Au-delà des grands axes généraux de ce dernier, nous insistons tout particulièrement sur la politique en direction de la petite enfance et sur l'accompagnement de la fonction parentale.

Notre caisse est de taille importante puisque nous couvrons 215 000 allocataires et que nous versons un peu plus d'un milliard d'euros de prestations légales par an. Notre budget global en faveur de l'action sociale est d'environ 93 millions d'euros, dont 73 millions au titre de fonds affectés et 20 millions au titre de nos fonds propres. Nous soutenons financièrement environ 400 structures et notre action est reconnue par nos partenaires, le conseil général et les communes. Nous sommes tout particulièrement concernés par les contrats enfance et jeunesse.

Il me semble qu'une des clés de l'évolution du schéma directeur serait de faire progresser le processus de contractualisation et de relations avec nos partenaires vers un peu plus d'autonomie. En effet, le cadre réglementaire n'est pas toujours adapté à la variété des situations de nos partenaires. Cela vaut bien sûr pour le contrat enfance et jeunesse, mais aussi pour la volonté politique de soutenir le développement des structures interentreprises pour la petite enfance, domaine dans lequel les problématiques ne sont pas les mêmes selon les collectivités territoriales. Nous ressentons donc le besoin d'ouvrir des possibilités d'adaptation locale pour répondre au besoin des entreprises comme des collectivités. Si la CAF a déjà montré qu'elle était capable de travailler à enveloppes fermées, notre conseil d'administration juge néanmoins nécessaire d'apporter davantage de souplesse afin de permettre à nos partenaires départementaux de répondre à leurs besoins. Il nous semble que nous sommes au service à la fois de la politique publique nationale et de la politique départementale dans le cadre de la décentralisation.

Comme toutes les caisses d'allocations familiales, nous entretenons d'excellents partenariats. Si la coopération est bien instituée en ce qui concerne les aides légales comme le revenu minimum d'insertion (RMI) ou le fonds de solidarité logement (FSL), les choses sont un peu plus difficiles pour ce qui a trait à l'action sociale, car nos partenaires comprennent mal que nous soyons obligés de réduire nos interventions. Ils reconnaissent le soutien que nous leur apportons notamment en matière d'investissements, mais ce sont les incertitudes sur sa pérennité qui les inquiètent, ce qui fait que les collectivités locales hésitent parfois à se lancer dans certaines réalisations.

Nos relations avec le conseil général comme avec les associations et les autres partenaires sont bonnes.

Enfin, nous pratiquons depuis plusieurs années les échanges d'informations, mais nous aurions peut-être besoin de les rationaliser. Avant d'aller plus loin, notamment en matière informatique, il paraît vraiment nécessaire de simplifier et de clarifier les règles et les compétences des uns et des autres, ne serait-ce que pour savoir quelles informations on va échanger.

M. Daniel Forafo : La CAF de Lille est une des huit caisses d'allocations familiales du département du Nord. Elle couvre 90 communes, compte 140 000 allocataires et verse chaque année 700 millions d'euros de prestations. Elle présente la particularité que plus de la moitié de ses allocataires ne touchent pas de prestations familiales mais des prestations de précarité et de subsidiarité. Cela a un impact non négligeable sur l'accueil et sur les partenariats. La CAF de Lille est également une caisse universitaire, avec 25 000 étudiants allocataires, qui ne relèvent bien sûr pas des prestations familiales.

La CAF dispose au titre de l'action sociale d'un budget d'environ 40 millions d'euros : 10 millions au titre des dotations et 30 millions pour les prestations de services. Les deux tiers de nos recettes et de nos dépenses d'action sociale ne sont pas liées à des recettes propres donc à des décisions de notre conseil d'administration. Sur les 40 millions, 30 sont issus de dispositifs légaux nationaux et bénéficient donc d'un financement national.

Les communes sont nos principaux partenaires, à travers la politique contractuelle, en particulier avec le contrat enfance et jeunesse, mais aussi à travers d'autres dispositifs comme les centres sociaux. Notre partenariat avec les communes s'instaure aussi sous la forme d'une expertise : nous sommes dotés d'une cellule « études, recherche, prospective », qui fournit des études statistiques et des analyses de ces données dont les communes sont très friandes. Le fait d'être organisés en huit caisses n'est pas un inconvénient dans notre partenariat avec le conseil général car nous nous sommes fédérés en une association départementale, l'ADECAF, ce qui nous permet de parler d'une seule voix. Les communes et les départements jugent positivement ce partenariat, pas seulement parce que nous sommes les financeurs mais parce qu'il prend aussi la forme d'une expertise et d'une aide au diagnostic et à l'évaluation. Je souhaite qu'il se poursuive, pas forcément sous la forme actuelle, mais au moins que la CAF demeure un des opérateurs de l'action sociale. Il conviendrait toutefois de simplifier le dispositif et de clarifier quelque peu les missions des uns et des autres car l'enchevêtrement actuel empêche parfois de s'y retrouver. Cela contribuerait aussi à ce que la caisse identifie ce qu'elle peut apporter comme valeur ajoutée au sein de ce partenariat ainsi que ce qui fait sa légitimité.

M. Philippe Simonnot : Pour des raisons historiques, il existe deux caisses d'allocations familiales dans le Rhône. Celle de Lyon est la plus importante puisqu'elle couvre 54 % de la superficie du département et, surtout, 89 % de la population. Avec 288 000 allocataires, elle est la troisième CAF de France par son volume d'activité. Plus de la moitié des habitants de la circonscription sont couverts par au moins une prestation versée par la CAF et ce taux est encore plus élevé pour les communes de la première couronne Est, dont certaines sont confrontées à plus de difficultés, en particulier Vaulx-en-Velin et Vénissieux. Notre caisse est donc située dans une région qui connaît à la fois un extraordinaire développement économique et de grandes difficultés sociales caractérisées par l'isolement et par la précarité.

Les prestations que nous leur versons représentent plus de 80 % des ressources de 16 % de nos allocataires. Près des deux tiers d'entre eux sont des personnes isolées sans enfant et un cinquième des familles monoparentales.

Parmi nos allocataires, nous comptons 59 % de bénéficiaires d'une aide au logement contre 55 % en moyenne nationale ; 44 % de bénéficiaires d'allocations d'entretien des enfants contre 49 % en moyenne nationale ; 16 % de bénéficiaires des minima sociaux, contre 20 % en moyenne nationale ; 21 % de bénéficiaires de l'allocation pour jeune enfant, soit sensiblement autant que la moyenne nationale.

Au regard de cette réalité, la politique de notre caisse a été nourrie par la réflexion de nos conseils d'administration successifs, qui sont des lieux de démocratie sociale, où s'expriment des sensibilités diverses mais qui savent toujours défendre l'intérêt des familles et des enfants, à tel point que les décisions relatives à l'action sociale sont généralement prises à l'unanimité.

Mais notre politique d'action sociale se construit aussi avec les acteurs de terrain. C'est le cas du schéma directeur d'action sociale, qui a été élaboré dans une vraie démarche participative associant nos travailleurs sociaux et nos équipes immergées dans les centres sociaux - car nous soutenons un grand nombre des 69 centres sociaux du département, ce que les élus apprécient particulièrement. Ils souhaitent que la caisse d'allocations familiales reste présente dans ce secteur, tout en sachant bien sûr s'adapter. Cela suppose un diagnostic et une réflexion reposant sur une écoute et sur une analyse. Pour cette dernière, la CAF est riche de ses outils informatiques qui lui permettent de puiser dans ses fichiers des informations précieuses pour ses propres besoins comme pour ceux de ses partenaires, afin de guider les politiques publiques.

L'accompagnement des familles a pendant longtemps occupé la première place au sein de l'action sociale de la CAF de Lyon, notamment avec les prêts à l'équipement familial, avec les bourses sociales d'insertion et avec les secours individuels d'urgence. Tout ceci se fait dans la discrétion, grâce au travail admirable et à la capacité d'écoute de nos assistantes sociales, de nos travailleurs sociaux et de nos équipes dans les centres sociaux, dont on parle peu mais dont on mesure toute l'importance au regard de situations sociales très douloureuses. Nos personnels sont d'ailleurs fortement imprégnés de la conscience de leurs missions de service public, soucieux à la fois d'être respectueux des textes et de s'adapter aux réalités, au fait que chaque histoire est personnelle.

Désormais, la priorité est donnée à l'enfance, en application des orientations de l'ancienne convention d'objectifs et de gestion (COG). Nos partenaires, en particulier les maires, l'attendaient. Sur les 162 communes de la circonscription, 147 sont aujourd'hui couvertes par un contrat enfance et jeunesse. Les maires, y compris ruraux, nous disent que toutes les jeunes familles sont demandeuses d'une solution de garde d'enfants et qu'elles privilégient les modes collectifs. Cela tient tout simplement au fait que près de 85 % des femmes de la tranche 19-50 ans travaillent, non seulement parce que le statut de la femme dans la société a changé, mais aussi parce qu'un ménage ne peut pas s'en sortir avec un seul salaire. Confrontés à cette forte augmentation des besoins, les élus ont beaucoup apprécié de pouvoir compter sur les caisses d'allocations familiales pour y répondre.

Nous sommes également présents dans tout le secteur de l'animation sociale, qui représente 16 % de nos dépenses d'action sociale. Cela s'explique par le grand nombre de centres sociaux que compte la circonscription, pour des motifs historiques mais aussi en raison de la réalité sociale. Cette spécificité subsiste : même si nous ne gérons plus directement les centres sociaux, nous mettons à leur disposition un grand nombre de nos personnels pour aider toutes les activités socio-éducatives qui favorisent le lien entre les générations et le mieux vivre des populations. Ce maillage nous permet d'appliquer les politiques nationales au plus près du terrain, avec un travail d'écoute et d'observation très fin.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je souhaite que nous revenions sur la montée de la précarité. Quelle appréciation portez-vous sur l'évolution des besoins d'action sociale ? Pensez-vous qu'il faudrait développer la prévention de la précarité ? Comment conviendrait-il de procéder ?

Par ailleurs, pouvez-vous les uns et les autres nous en dire davantage sur la mission d'expertise des caisses ?

J'aimerais également que vous fassiez le point sur la mise en œuvre par votre caisse des règles de financement du nouveau contrat enfance et jeunesse. Rencontrez-vous des problèmes ? Lesquels ? Les nouvelles règles de financement des structures d'accueil sont-elles bien comprises par les communes ? Comment faites-vous pour maîtriser la dépense et pour respecter votre budget ?

Enfin, il nous a été dit lors de précédentes auditions que les travailleurs sociaux éprouvaient des difficultés dans une société de plus en plus en souffrance et qu'ils avaient le sentiment d'être isolés, mal compris et ne pas pouvoir exercer leurs missions comme ils le voudraient. Quel est votre avis à ce propos ?

Je souhaiterais également, si nous en avons le temps, que nous revenions sur la question de la simplification.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Au regard de l'importance de ces questions, je propose que vous commenciez par nous expliquer comment sont organisés vos dispositif de connaissance et d'évaluation avant d'en venir aux travailleurs sociaux. Dans les deux cas, ce qui nous intéresse particulièrement, c'est ce que vous faites avec vos partenaires, dont nous avons bien compris que les principaux étaient les communes et les départements.

Enfin, en tant qu'élus, nous entendons souvent le grief fait aux caisses sur les conditions d'accueil, en particulier au téléphone. L'« écoute » dont vous nous avez parlé ne passe-t-elle pas aussi par là ?

M. Guy Magal : En ce qui concerne la précarité, il faut souligner que 40 % de nos allocataires n'ont pas d'enfants et que 20 % sont concernés par les minima sociaux - revenu minimum d'insertion (RMI), allocation pour adulte handicapé (AAH) et allocation de parent isolé (API). Ces personnes sont accueillies par des techniciens conseil qui instruisent leurs dossiers. En cas de difficultés, elles sont dirigées vers les travailleurs sociaux qui appliquent plusieurs politiques : accès aux droits, accès au logement, lutte contre le logement insalubre, médiation sociale afin de permettre aux allocataires de s'y retrouver dans le maquis administratif. Nous travaillons bien évidemment avec les partenaires concernés, en particulier les élus pour le logement. Nos travailleurs sociaux, qui exerçaient surtout auparavant une action sociale individuelle, ont été formés pour répondre à ces nouveaux besoins collectifs. Ce métier n'est pas facile dans la mesure où la précarité et l'instabilité sociale progressent considérablement.

S'agissant de l'expertise, outre nos chargés d'études, les travailleurs sociaux ont également été formés afin de déterminer les critères d'évaluation qui permettent de vérifier l'efficacité de leur action. Nous disposons par ailleurs de documents cartographiques, en particulier sur les territoires socialement prioritaires, en fonction des critères retenus dans la nouvelle COG : faible potentiel fiscal, nombre important d'allocataires en situation difficile, nombre réduit de structures dédiées à la petite enfance et aux loisirs.

Enfin, de très importants progrès ont été réalisés en matière d'accueil et les CAF ont obtenu en 2006 le « trophée de la relation clients ».

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Vous avez parlé tout à l'heure d'un observatoire installé par le département. Comment y participez-vous ? Êtes-vous par exemple impliqués dans l'analyse des besoins sociaux (ABS) que doivent produire les centres communaux d'action sociale (CCAS) ?

M. Guy Magal : Une société spécialisée dans ce domaine a créé l'observatoire et nous y avons aidé en fournissant toutes nos données. En effet, nous disposons d'outils performants permettant de déterminer le profil social de chaque commune.

Mme Martine Mauroux : L'ensemble des partenaires a participé à cette création, des réunions nous ayant permis de commenter et d'analyser les résultats. Nous ignorons encore si le conseil général actualisera cette étude, mais elle nous a déjà servi dans l'élaboration de notre schéma directeur et, pour notre part, nous avons les moyens de faire vivre les données sociales dont nous disposons.

M. Guy Magal : Il y a des progrès à faire dans l'information réciproque des partenaires, qui paraît pourtant importante afin de décloisonner les différentes actions. La CAF est la seule à tenir des séances publiques, à réaliser un diagnostic territorial avec les différents partenaires, ce qui nous permet de montrer la plus-value de notre action sociale, trop méconnue des responsables des CCAS. Nous devons donc mieux faire connaître l'offre de services destinée à atteindre nos 80 objectifs, d'autant que nous avons besoin pour cela de développer des complémentarités.

M. Christian Moutier : Pour répondre à une question antérieure, 20 % des allocataires de la CAF du Val-de-Marne sont bénéficiaires de minima sociaux, 30 % sont « non familiaux », 50 % bénéficient de l'aide au logement.

Notre caisse dispose d'un pôle d'expertise, d'analyse et d'interprétation des chiffres qui emploie deux ou trois agents, dont un de très haut niveau, spécialiste de la statistique. Cette source d'information extraordinaire est reconnue par tous nos partenaires, notamment l'État et le conseil général. Nous fournissons énormément de données, non seulement de notre propre initiative, mais aussi pour répondre à la demande de nos partenaires. Notre fichier des allocataires peut contenir jusqu'à mille informations par compte, que nous pouvons croiser en fonction des besoins. Nous fournissons ainsi des études très régulières aux communes et au conseil général et nous venons de passer avec le préfet, dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale, un accord d'échange d'informations sur quatre ans, pour lequel nous fournirons des données et des interprétations des données, sans aller toutefois jusqu'aux préconisations, qui demeurent de la responsabilité des politiques.

La CAF du Val-de-Marne est aussi gestionnaire, pour le compte de toutes les caisses d'Île-de-France, d'un service particulier qui analyse les données relatives à l'ensemble de la population de la région. Ce service est bien sûr à la disposition des CAF, mais il est surtout sollicité par les partenaires. Je suis ainsi en train de négocier une convention avec la direction régionale de l'équipement, afin de réaliser des analyses sur le logement, sur les impayés de loyers, sur l'habitat diffus privé. C'est un des domaines dans lesquels nos compétences sont extrêmement reconnues par nos partenaires.

Pour répondre à une autre question, je dirais que nous sommes dans une période clé de l'évolution du travail social. Il y a fallu du temps, mais la réforme des études des travailleurs sociaux est désormais lancée et nous en attendons une adaptation du travail social, qui a quand même beaucoup changé ces quinze dernières années. Qui plus est, la plupart des caisses sont maintenant sorties de la polyvalence de secteur, ce qui a amené une évolution importante du travail social au sein de nos équipes.

Dans le Val-de-Marne, nous avons d'abord essayé de stimuler le travail social sur nos populations sensibles d'allocataires : personnes pauvres et précaires, enfants handicapés, familles monoparentales, familles nombreuses. Un gros travail a aussi été fait sur les impayés de loyers dans le secteur privé, qui nous sont apparus moins bien pris en charge que dans le secteur public. Nos travailleurs sociaux s'efforcent de détecter les impayés dès le début, ce qui est un gage d'efficacité.

Nous avons par ailleurs fait des propositions aux travailleurs sociaux de la caisse afin de faire évoluer les métiers et les compétences. Plusieurs se sont lancés dans une formation complémentaire, et certains dans une validation des acquis de l'expérience (VAE) sur la médiation familiale, dont nous considérons qu'il s'agit d'un pôle majeur du travail familial pour les vingt années à venir. De façon plus étonnante, certains travailleurs sociaux ont souhaité faire une formation d'agent de contrôle et s'orienter vers la détection de la fraude, ce qui nous réjouit car l'approche sociale complète ainsi l'approche administrative.

La CAF du Val-de-Marne a aussi lancé il y a trois ans et consolidé cette année une fusion complète des départements prestations et action sociales. Nous sommes partis de l'idée que la distinction entre les deux n'avait aucune signification pour l'usager, qui demande simplement un service. Non contents de fusionner les services, nous avons aussi fusionné les compétences des agents. Cela signifie que, dans pratiquement tous les pôles d'activité de la caisse, on trouve à la fois un travailleur social et un technicien spécialiste de la législation de la branche famille. Les résultats dépassent nos espérances, pour notre fonctionnement interne comme pour nos partenaires et pour les allocataires, qui trouvent en un seul pôle l'ensemble des informations dont ils ont besoin.

Nous avons résolu le problème de l'accueil téléphonique, puisque nous avons depuis plusieurs années un taux remarquablement stable de 97 % de couverture des communications téléphoniques. Nous recevons 700 allocataires chaque jour, et des progrès doivent encore être faits dans l'accueil sur place, grâce à l'important projet immobilier que nous élaborons actuellement.

Un des problèmes de l'accueil est son lien avec l'ensemble des services fournis par la caisse. Nous disposons désormais d'outils qui nous permettent d'essayer d'aller vers une approche globale du contact de l'allocataire avec la caisse. En effet, si un allocataire se rend sur place et doit téléphoner deux semaines plus tard, c'est qu'il y a un problème ! L'outil informatique nous permet désormais de recenser l'ensemble des informations relatives au contact avec l'allocataire afin d'identifier les problèmes et, le cas échéant, de reprendre nous-mêmes contact et d'envoyer un travailleur social.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Quand une personne appelle la CAF, qui paie l'attente ?

M. Christian Moutier : Nous passons par une plate-forme téléphonique et c'est l'allocataire qui paie la communication. Même si cela lui coûte désormais 0,13 € la minute, la réduction très importante du délai d'attente a permis de diminuer sensiblement le coût par rapport à ce qu'il était du temps où nous avions recours à l'opérateur historique.

M. Pierre Morange, coprésident : La MECSS ayant vocation à améliorer le rapport coût-efficacité, je me réjouis, Monsieur Magal, que vous ayez parlé de la lutte contre la fraude. Pouvez-vous préciser les effectifs de salariés mobilisés pour le contrôle ?

Vous avez également évoqué le rapprochement entre travailleurs sociaux et techniciens spécialisés afin d'améliorer le traitement des dossiers. Mais avez-vous réfléchi aussi à des rapprochements avec d'autres prestataires, autour de l'idée de plates-formes multiservices ?

M. Christian Moutier : La CAF du Val-de-Marne a affecté 14 agents au contrôle des dossiers et au contrôle à domicile des allocataires. Ce n'est pas la plus grande partie de notre action de contrôle : les croisements de fichiers sont plus efficaces. Mais le contrôle à domicile permet d'entrer plus dans le détail et aussi de répandre la « peur du gendarme ». Nous créerons, début 2007, un grand pôle sécurité, auquel nous affecterons une quarantaine d'agents, soit, par redéploiement, quinze de plus qu'à l'heure actuelle.

Nous n'avons pas encore avancé sur la question de la plate-forme multiservices, car, si l'idée est séduisante, sa mise en pratique nous paraît extrêmement complexe, notamment sur le plan informatique.

M. Daniel Forafo : Sur les prestations que nous versons, 30 % sont liées à des situations de précarité : isolement, handicap, manque de ressources. Ces prestations n'ont en fait rien de familial, ni dans leur destination, puisqu'elles ne sont pas faites pour compenser des charges enfants, ni dans leur financement puisque, dans la plupart des cas, la gestion nous est confiée par le département ou par l'État.

L'action sociale continue à intervenir en complément mais elle est surtout, à côté des prestations, un élément de la gamme des produits offerts par la CAF aux personnes en situation de précarité. L'action sociale n'a pas à rendre les familles solvables, c'est le rôle de l'emploi et des prestations légales, mais elle doit permettre de remédier à leur vulnérabilité, qu'elle soit pérenne ou ponctuelle. À titre d'exemple, la CAF de Lille a créé une prestation extra légale en cas de décès d'un enfant, moment où la famille a particulièrement besoin d'un soutien, qui se combine bien sûr avec l'accompagnement des travailleurs sociaux.

La fonction d'expertise fait incontestablement partie de la valeur ajoutée des caisses et il est vrai que nous ne la montrons peut-être pas suffisamment. À Lille, nous avons fait le choix de créer un vrai service d'études, de statistiques et de recherche, au sein duquel quatre personnes, dont trois de haut niveau, décortiquent toutes les caractéristiques de la population des allocataires et les analysent. Si nous mettons cette expertise à notre service, nous l'offrons également à nos partenaires. Systématiquement, quand nos travailleurs sociaux - nous avons la chance d'en avoir 40 - sont associés à l'élaboration d'un diagnostic dans une commune qui souhaite installer un centre social, une crèche ou une halte-garderie, ils arrivent avec une batterie de statistiques qui leur permet d'analyser les besoins et de proposer aux maires les moyens d'y répondre. Par la suite, une fois que l'équipement est créé, les travailleurs sociaux aident à une évaluation, menée de façon quasi scientifique, afin de constater ce qui est ainsi apporté à la population.

S'agissant de l'accueil, il faut rappeler que les caisses ont développé ces dernières années beaucoup d'autres moyens de contacts que le téléphone et l'accueil physique : 40 % de nos allocataires ont rempli cette année leurs déclarations de ressources par Internet et certaines de nos bornes interactives sont accessibles en permanence.

Bien sûr, il nous reste des progrès à faire, mais je suis très surpris des observations négatives sur la ligne du public : les études menées tant au plan national que parmi notre panel d'allocataires montre un taux de satisfaction de 95 % quant au temps et aux conditions d'attente au téléphone. Si nous avons été pendant longtemps mauvais pour l'accueil physique et téléphonique, cette époque est aujourd'hui révolue, et si nous en avions le temps, je vous proposerais de faire immédiatement le test, en appelant la caisse d'allocations familiales de Lille. Mais il semble que l'image soit restée et le défi auquel nous sommes confrontés est donc de la faire changer. Cela étant, quand on vous dit que l'accueil a été mauvais, demandez à la personne d'être très précise, de vous dire quel jour et à quelle heure, et vous verrez qu'il s'agit plus d'un souvenir ou d'une impression que d'une réalité.

M. Philippe Simonnot : En ce qui concerne la précarité, je souhaite insister sur l'importance de l'enfance et de la jeunesse car c'est à cet âge que se construisent les éléments fondamentaux des familles de demain. Or, on assiste à une perte de repères car certaines valeurs, comme celles qui étaient jadis véhiculées par les patronages, ont disparu. Il me paraîtrait donc utile d'offrir une réponse plus unifiée dans le domaine socio-éducatif. Ainsi, il serait bon d'offrir aux jeunes en difficulté, dans les domaines périscolaires et extrascolaires, une présence solide et durable, afin de leur apporter les valeurs qu'ils ne peuvent pas trouver dans leurs familles.

Je partage ce qui a été dit sur l'expertise : toutes les CAF disposent des outils pour apporter une valeur ajoutée dans ce domaine, ce que reconnaissent l'ensemble des partenaires : communes, conseil général, associations et centres sociaux.

S'agissant des contrats enfance et jeunesse, il faut nous réhabituer à l'idée d'offrir aux familles des solutions de garde sécurisées, en particulier afin de faire face au risque croissant de judiciarisation. De ce point de vue, nos structures collectives doivent respecter des normes de plus en plus contraignantes. Le déficit en nombre de places était une forte préoccupation des maires, et l'ancienne COG a eu l'immense mérite de lancer un véritable plan national, qui a parfois conduit à reconstruire des structures immobilières. Mais il s'agit d'un investissement dans la durée et le même effort ne va pas nous être demandé chaque année. Nous devrions donc pouvoir poursuivre une politique de l'enfance qui donne d'excellents résultats et qui contribue à établir avec les familles une relation de confiance fondée sur la garantie de la pérennité et de la sécurité du mode de garde, et ainsi rassurer les maires qui craignent un désengagement de notre part.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Vous avez tous insisté sur la clarification des compétences et des financements. C'est un aspect très intéressant de cette audition car, si les conseils généraux ont de plus en plus de responsabilités, nous voyons aussi que les CCAS exercent un certain nombre de missions, tout comme vous. Nous n'avons malheureusement plus le temps de vous interroger à nouveau à ce propos. Je souhaite donc que vous nous disiez par écrit quel est l'état de vos réflexions et, surtout, que vous nous fassiez des propositions concrètes, car il s'agit d'un point important de notre travail.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Nous aimerions également savoir ce que vous pensez de l'idée d'organiser un pilotage régionalisé du réseau des CAF et de la création de pôles régionaux mutualisés, sur laquelle la caisse nationale d'assurance familiale (CNAF) souhaite engager une étude en 2007 ?

M. Jean-Michel Sérouart : À l'issue de cette audition, je voulais simplement souligner que les caisses d'allocations familiales sont les seuls acteurs qui soient reconnus pour la neutralité et l'impartialité de leur action. C'est cela qui fait leur légitimité.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ajoute à la liste des sujets que nous aimerions que vous traitiez par écrit, une liste exhaustive des mesures de simplification administrative dont vous jugez qu'elles permettraient d'optimiser les prestations.

Vous savez par ailleurs que lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le Parlement a, à mon initiative, adopté un amendement visant à créer un répertoire commun des bénéficiaires avec le numéro d'identification INSEE comme code d'accès et sur le croisement avec les fichiers du fisc, et j'aimerais que vous nous indiquiez quels progrès informatiques devraient être réalisés afin d'améliorer les prestations et de réduire le temps de traitement. Pourriez-vous aussi nous faire savoir quelles fonctions - par exemple dans le contrôle - pourraient occuper les personnels ainsi dégagés de ces tâches administratives, toujours afin d'améliorer le service rendu aux citoyens ? Enfin, cela aurait-il un effet en termes de non-remplacement des personnels partant à la retraite ?

Un autre de mes amendements, également adopté par le Parlement, porte sur la mutualisation des compétences entre les caisses ; il vise à permettre à une ou deux d'entre elles de se spécialiser dans des procédures extrêmement complexes, comme le recouvrement des pensions alimentaires. Là aussi, je souhaite que vous nous indiquiez quelles conséquences vous pourriez en tirer en termes de gestion des ressources humaines.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Merci à tous pour vos interventions de grande qualité.

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Jacques Tonner, directeur général de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France (CRAMIF), et M. Jean-Claude Poirier, directeur adjoint chargé du secteur action sociale ; Mme Maria Doumeingts, directrice de la Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) d'Aquitaine ; Mme Christiane Flouquet, directrice de l'action sociale pour l'Île-de-France à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ; M. Yves Corvaisier, directeur de la CRAM de Nord-Picardie ; Mme Éliane Delorme, directrice adjointe et directrice de l'action sociale de la CRAM de Rhône-Alpes.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale et je vous prie, Madame Delorme, de transmettre toute notre sympathie à M. Jacques Kiner, directeur général de la caisse régionale d'assurance maladie de Rhône-Alpes, retenu par des obsèques.

Je donne sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Je vous remercie de votre présence. Pourriez-vous pour commencer nous indiquer quelles sont vos activités et quels moyens votre caisse affecte à l'action sociale ? Ces derniers vous paraissent-ils suffisants ? Quels sont vos besoins en personnels et en formation de ces personnels ?

Pouvez-vous par ailleurs nous présenter le partenariat organisé entre votre caisse et les départements de votre région en matière d'action sociale ? J'aimerais que nous en venions par la suite au partenariat et à la contractualisation avec les associations ainsi qu'au travail en réseau.

M. Yves Corvaisier : Une quarantaine de personnes sont affectées à l'action sociale de la CRAM Nord-Picardie, ce qui semble suffisant pour le travail que nous avons à faire aussi bien en gestion qu'en partenariat avec les différents acteurs. Pour sa part, le service social implanté sur les cinq départements des deux régions compte 244 assistantes sociales et 90 secrétaires médico-sociales, qui sont implantées dans les échelons locaux c'est-à-dire dans les caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM).

Nous avons, depuis maintenant de longues années, un partenariat approfondi avec les conseils généraux, qui a commencé en 1995, avec le département de l'Oise, avec la prestation expérimentale dépendance (PED). Nous l'avons généralisé en 1997, à partir de la création de la prestation spécifique dépendance (PSD) et nous l'avons poursuivi en 2002, dans le cadre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Ce partenariat se traduit par une relation de prestation de services et par une relation de complémentarité. L'objectif essentiel est de mettre l'usager au centre de nos préoccupations, de ne pas lui faire subir la complexité de notre système administratif et de bâtir une sorte de guichet unique.

J'ai implanté, dans les cinq conseils généraux, des techniciens administratifs de l'action sociale, qui ont à leur disposition ANIS, le progiciel de la CNAVTS pour l'action sociale, qui traite en direct tous les rejets des demandes d'APA instruites par les techniciens des conseils généraux. Cela nous permet de prendre immédiatement le relais au titre de l'aide ménagère à domicile.

Les conseils généraux, reconnaissant la compétence du service d'action sociale de la CRAM, ont demandé à ce que les assistantes sociales participent à l'évaluation globale dans le cadre de l'APA. Nous avons donné notre accord mais, compte tenu de la modicité de nos moyens humains au regard de l'ampleur de cette tâche, les conseils généraux ont fait le choix de financer 40 postes supplémentaires, qui relèvent de la convention collective sécurité sociale mais qui doivent assurer un certain nombre d'évaluations. Il y en a 22 pour le conseil général du Nord. Cela ne se traduit pas par des postes dédiés mais par un nombre de dossiers à évaluer, ce qui permet de répartir la charge de travail sur l'ensemble de nos 244 assistantes sociales, afin qu'elles continuent à assurer leurs autres missions relatives au maintien dans l'emploi et à l'accès aux soins. Cette organisation a pour effet que la mission prévention de la perte d'autonomie est assez importante au sein de notre caisse, puisqu'elle représente 25 à 30 % de notre activité contre 20 à 25 % en moyenne nationale. Ce système, fondé sur une contractualisation par convention, fonctionne très bien depuis quatre ans, à la satisfaction des conseils généraux.

Dans le cadre de la nouvelle politique d'action sociale de la CNAVTS - évaluation globale et plan d'action personnalisé, j'ai proposé aux conseils généraux d'inverser cette relation de prestation de services afin que leurs équipes médico-sociales réalisent l'évaluation globale des groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6 pour le compte de la CRAM, ce qui éviterait la coupure avec les GIR 1 à 4. Les conseils généraux de l'Aisne et du Pas-de-Calais ont accepté pour les évaluations globales ; je poursuis la négociation avec les trois autres départements. Que l'évaluation soit réalisée partout par les mêmes équipes permettrait de séparer l'évaluateur du prestataire, comme le souhaite la caisse nationale, mais aussi de garantir l'homogénéité de l'évaluation. Nous nous situons donc, là aussi, dans une démarche de guichet unique.

Nous sommes également partie prenante, très activement, à l'élaboration des schémas gérontologiques, à tel point que le président du conseil général du Nord a proposé au président de la CRAM d'en signer la préface. J'y vois la reconnaissance symbolique de notre légitimité à intervenir dans le sens de l'action sociale. Dans ce schéma gérontologique départemental, on retrouve l'essentiel des axes stratégiques de la partie action sociale de la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la CNAVTS.

Mme Éliane Delorme : La coordination avec les conseils généraux est très ancienne. Nous avons nous aussi beaucoup travaillé ensemble au moment de la création de la PED, puis de la PSD, enfin de l'APA. Nous avons mis en place des conventions et des procédures, et notre partenariat est constant.

Dans le département du Rhône, qui vous intéresse plus particulièrement, nous avons participé à la montée en charge de l'APA, puisque nos équipes d'assistantes sociales menaient les évaluations aux côtés du conseil général. Désormais, nous pratiquons la reconnaissance mutuelle des évaluations. Nous sommes en train de monter un partenariat pour l'allocation de retour à domicile après hospitalisation (ARDH). Nous avons, nous aussi, participé, au sein de groupes de travail commun, à l'élaboration des schémas gérontologiques pour les personnes âgées et pour les personnes handicapées. Nous intervenons dans tous les forums départementaux et nous avons créé, avec le conseil général, un observatoire pour les personnes âgées qui prépare un certain nombre de monographies cantonales destinées aux élus. Pendant deux ans, nous avons mis à sa disposition une aide financière ainsi qu'une personne qui assurait son secrétariat.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous finalisé votre schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) ? Êtes-vous, dans ce cadre, satisfaits également du partenariat ?

Mme Éliane Delorme : Nous faisons partie de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et nous avons participé à l'élaboration du SROS. Le directeur de l'ARH a aussi contacté tous les élus. Les conventions tripartites pour les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) conduisent bien évidemment à travailler en collaboration, ne serait-ce que parce qu'il faut préparer ces conventions en commun. Nous-mêmes n'en sommes pas signataires, mais nous participons à l'instruction des dossiers. C'est là, dans les établissements médico-sociaux, qu'il y a plus de ponts.

Nous avons aussi été associés par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) au programme interdépartemental d'accompagnement de la perte d'autonomie (PRIAC).

S'il y a moins de ponts avec le secteur hospitalier, c'est simplement parce que la mission est différente : le sanitaire ne figure pas parmi les compétences du conseil général.

Dans l'ensemble des conseils généraux, la CRAM a participé, par la présence d'un administrateur et du directeur général, à la création des comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA). C'est important car il s'agit vraiment de l'instance de concertation, celle où l'on peut faire émerger des politiques. Qui plus est, il n'y a pas d'apport financier de la CRAM et ses représentants sont donc bien là en qualité d'expert.

Le département de l'Ain a été pilote pour la PED et la coopération engagée alors avec le conseil général s'est poursuivie depuis. Nous faisons partie du CODERPA, ainsi que de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). D'ailleurs, nous siégeons au comité exécutif de ces maisons pour l'ensemble des départements, à l'exception du Rhône pour lequel nous espérons aboutir prochainement. Nous disposons de différents outils d'information et nous avons monté avec le conseil général de l'Ain et la mairie de Bourg-en-Bresse un programme de prévention des risques liés au vieillissement, que nous avons appelé Atout. Il s'agit de prévention primaire, mais ce programme vise à s'appuyer sur une prévention comportementale plutôt que consommatrice de services.

Dans la Drôme, nous siégeons également au sein de la MDPH et du CODERPA. Nous avons aussi beaucoup travaillé ensemble pour le centre local d'information et de coordination (CLIC). Nous avons monté un deuxième programme Atout pour lequel le conseil général finance un poste d'assistant social. Nous hébergerons prochainement dans nos locaux le CLIC de Valence.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Avez-vous déjà mené l'évaluation du programme Atout ? Nous souhaiterions en être informés car nous nous intéressons particulièrement à la prévention primaire et à ses effets financiers.

Mme Éliane Delorme : Ce programme n'existe que depuis trois ans et il est donc difficile d'en mesurer les effets. Nous disposons toutefois d'un rapport préparé par un consultant externe, que je vous ferai bien sûr parvenir. Les modalités d'un tel programme sont complètement différentes des actions de prévention que nous avons conduites jusqu'à présent, car il est davantage demandé aux personnes de se prendre en charge et d'avoir une réflexion sur elles-mêmes et sur leur parcours afin d'appréhender le vieillissement.

Nous cofinançons depuis trois ans avec le conseil général de la Loire un programme de modernisation de l'aide à domicile avec la création d'un référentiel de qualité des services rendus aux personnes âgées.

S'agissant enfin des moyens humains, nous disposons de 300 personnes au sein de la direction des relations sociales, service social compris. Je ne dirais pas que c'est insuffisant, mais il nous faut travailler en partenariat et en synergie pour assurer toutes nos missions. Ainsi, pour réaliser les évaluations globales auxquelles participe notre service social, nous avons conventionné des CLIC et des centres de prévention des régimes de retraite complémentaire et c'est tous ensemble que nous arrivons à accomplir notre tâche.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : S'agissant précisément des CLIC, les intervenants pourront-ils nous préciser quelle appréciation ils portent sur leur fonctionnement ? Leur compétence pourrait être étendue ? Faudrait-il faire évoluer leur cadre juridique ?

Mme Maria Doumeingts : Pour l'Aquitaine, le service action sociale dispose de 23 personnes pour environ 20 000 bénéficiaires, et le service social de 145 personnes. Ces moyens humains semblent suffisants d'autant qu'il convient de se placer surtout dans une logique d'optimisation des ressources, notamment en développant un certain nombre d'outils comme des systèmes d'information performants.

Dans ses partenariats avec les conseils généraux, la CRAM d'Aquitaine tient traditionnellement compte de leurs particularités, la région combinant grands pôles urbains, zones touristiques et territoires ruraux, et des spécificités des politiques publiques menées par chaque département. Si elles sont bien sûr encadrées par des conventions, nos relations sont surtout marquées par le pragmatisme. Nous construisons ainsi ensemble, de façon presque bilatérale, des programmes d'action.

Les différences tiennent au rythme d'avancement de certains programmes, par exemple de la politique en faveur des aides ménagères ou du déploiement des CLIC. Et cela semble correspondre non seulement aux objectifs des conseils généraux mais aussi à l'attente des opérateurs de terrain.

Les schémas gérontologiques sont des outils fondamentaux. Non content d'y avoir participé, nous avons piloté, par délégation du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH), le volet gériatrique ainsi que la relation avec les conseils généraux. Nous avons eu de ce point de vue des expérimentations innovantes, en particulier à Arcachon, avec le regroupement de tous les partenaires sanitaires et sociaux afin d'apporter ensemble des réponses à des situations difficiles. C'est à cette occasion que nous avons constaté que l'hôpital d'Arcachon n'avait pas d'assistante sociale et le directeur de l'ARH a financé ce poste, au titre des missions d'intérêt général. Cela peut sembler un point de détail, mais pour la personne âgée confrontée à une difficulté, c'est essentiel.

Nous avons des rencontres régulières au sein de groupes de travail sur certaines expérimentations, mais nous tenons aussi chaque année avec les conseils généraux une réunion sur les schémas gérontologiques, tandis que nos collaborateurs se rencontrent tous les deux mois pour suivre les programmes et les actions.

Le rôle d'interface que joue la caisse régionale entre le monde sanitaire et le monde social est véritablement important sur le terrain.

M. Pierre Morange, coprésident : S'agissant des relations entre les CRAM et les ARH, une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 donne aux contrôleurs de l'assurance maladie la possibilité d'intervenir sur la pertinence de la prescription hospitalière, en termes tant thérapeutiques qu'exploratoires. Des conventions ont-elles désormais été passées pour que cette mesure soit appliquée ?

M. Jacques Tonner : C'est déjà le cas avec un certain nombre d'établissements hospitaliers pour plusieurs médicaments : outre l'action globale de l'assurance maladie en faveur de la délivrance de génériques, y compris à l'hôpital, des contrats sont aussi signés avec des établissements de santé, par exemple pour les antibiotiques. C'est le cas dans toutes les CRAM, qui sont à la fois parties prenantes des ARH et gestionnaires du risque maladie.

Mme Maria Doumeingts : Pour en revenir aux CLIC, je crois que nous devons nous efforcer que la personne âgée confrontée à un problème ait un point d'entrée unique dans le système, étant entendu qu'elle-même n'a aucune idée du GIR dont elle relève. Je constate en Aquitaine, que le dispositif du CLIC avec un numéro d'appel départemental fonctionne très bien : les personnes appellent un seul numéro à partir duquel on les aiguille vers ce que l'on pourrait appeler des CLIC territoriaux, grâce au maillage homogène du département assuré par le conseil général. Mais il y a aussi des départements où les choses se passent beaucoup moins bien. On est donc un peu au milieu du gué et peut-être pourriez-vous stimuler les conseils généraux afin qu'ils s'engagent tous dans cette voie et qu'ils répondent ainsi aux besoins des populations.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Merci pour cette intervention qui conforte le sentiment que nous avions déjà.

M. Jacques Tonner : Je rappelle que la caisse régionale d'assurance-maladie d'Île-de-France (CRAMIF) ne gère pas le risque vieillesse et qu'elle partage par conséquent l'action sociale avec l'échelon régional de la CNAVTS. Elle dispose néanmoins d'un service social important, qui compte 687 équivalents temps pleins, dont 410 assistants et travailleurs sociaux répartis dans les huit départements franciliens. L'action sociale dispose d'autres moyens au sein de la caisse régionale, notamment au titre du handicap : nous gérons directement deux centres d'information et de conseil d'aide technique (CICAT), qui s'occupent particulièrement de l'appareillage pour les personnes handicapées et de l'adaptation du logement. Nous participons activement au fonctionnement des MDPH. Environ 70 personnes se consacrent à cette tâche. Dernière particularité, nous gérons une école de service social qui, outre la formation au diplôme national de travailleur social pour l'ensemble de l'institution, assure la formation continue des travailleurs sociaux de toutes les caisses régionales et qui accueille volontiers les personnels des conseils généraux.

M. Jean-Claude Poirier : Les partenariats sont anciens, en ce qui concerne tant les personnes âgées que les personnes handicapées. En effet, nous étions expérimentateurs de la PED dans le Val-d'Oise, nous avons ensuite conventionné pour la PSD et, bien entendu, pour l'APA. Pour cette dernière, nous avons des conventions avec le Val-de-Marne, qui vous intéresse particulièrement, mais aussi avec les Yvelines et avec la Seine-Saint-Denis, le Val-d'Oise n'ayant pas poursuivi son partenariat. Nous intervenons dans l'ensemble des départements franciliens pour les GIR 5 et 6, en partenariat avec nos homologues de la direction régionale de la CNAVTS.

La convention pour l'APA avec le Val-de-Marne date de mai 2003 et nous avons pris en charge environ 500 évaluations du service social ainsi qu'une centaine menées conjointement par le service social et par un ergothérapeute quand le handicap de la personne âgée posait problème. Cela mobilise cinq assistants du service social et un ergothérapeute à temps plein. Nos liens sont donc forts et anciens et nous ne rencontrons aucun problème particulier. Pour les GIR 5 et 6, nous essayons aussi de trouver des partenariats extérieurs et tous les plans d'aide mobilisent le conseil général, les centres communaux d'action sociale, ainsi que des initiatives privées. Nous éprouvons donc le besoin d'avoir des relais à travers les CLIC, mais aussi par d'autres biais. Cela concerne une cinquantaine de personnes cumulant handicap et difficultés sociales dans le Val-de-Marne et 250 pour l'ensemble de la région.

Nous avons aussi des partenariats avec les hôpitaux pour les retours à domicile. En effet, la première fonction du service social d'un hôpital est souvent de trouver des établissements de moyen, voire de long séjour, mais le retour à domicile suppose d'autres interventions, avec un plan d'aide en amont de la sortie. Nous entretenons de tels partenariats avec les Hauts-de-Seine, Paris, la Seine-et-Marne, l'Essonne et le Val-d'Oise. Ce mouvement récent est prometteur, mais il suppose des conventions généralisées entre les hôpitaux et l'assurance maladie afin de sortir du cadre de l'expérimentation pour généraliser ce dispositif.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela semble une voie d'avenir et il faut en effet systématiser ce dispositif et faire en sorte que la logistique administrative qui permet de faire le lien entre tous les partenaires soit prise en charge par le système assuranciel. Avez-vous pu mobiliser les ressources humaines et techniques nécessaires pour atteindre cet objectif ?

Je vous pose la question car c'est un sujet que je souhaite que le conseil national de surveillance de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleures salariés (CNAMTS) que je préside, aborde prochainement.

M. Jean-Claude Poirier : Les expérimentations sont limitées et récentes et il est encore tôt pour parler de modélisation. On voit toutefois que la demande est assez forte et qu'une généralisation de la prise en charge en Île-de-France supposerait des moyens supplémentaires, d'autant que les hôpitaux de la région attirent un public très large et que les retours à domicile dans toute la France seraient difficiles à organiser. Il faudrait donc prévoir un conventionnement avec les autres caisses.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les CLIC sont-ils utilisés dans ce cadre ?

Mme Christiane Flouquet : En Île-de-France, nous avons lancé l'aide au retour à domicile après hospitalisation (ARDH), à titre expérimental, en 2003, en partenariat entre la CNAVTS et la CRAMIF, en conventionnant six hôpitaux. La montée en charge a été assez difficile car il fallait fournir beaucoup d'explications. Après des premiers résultats un peu décevants, la CNAVTS a décidé de développer le dispositif dans le cadre de la nouvelle COG, en utilisant d'autres techniques et en considérant que le point d'entrée du dispositif devait être le domicile de la personne : ainsi, tout habitant en Île-de-France qui en fait la demande à la CNAVTS peut bénéficier de l'ARDH. Cela passe par la CRAMIF dans les six hôpitaux conventionnés, mais aussi par nos structures évaluatrices, présentes sur 70 % du territoire.

C'est dans ce cadre que les CLIC interviennent puisqu'ils sont souvent nos évaluateurs.

Mme Éliane Delorme : En Rhône-Alpes, la problématique de l'ARDH relève à la fois de la CNAVTS et de la CNAMTS. C'est au titre de l'assurance vieillesse que nous avons lancé cette prestation en 2003, avec un accompagnement social et une aide financière. Nous travaillons en partenariat avec les structures d'évaluation et donc avec les CLIC. Parallèlement, la CNAM a dans son contrat pluriannuel de gestion (CPG) l'objectif de conventionner un certain nombre d'établissements - 30 % en 2006, soit 55 établissements pour notre région. Nous avons demandé que figure dans les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens une clause demandant à l'établissement de contacter la CRAM pour mettre en place le dispositif ARDH. La CNAMTS envisage d'étendre la mesure aux moins de 60 ans.

Mme Maria Doumeingts : Quand ils existent et quand ils sont opérationnels, les CLIC interviennent de manière extrêmement active.

L'ARDH est une des coordinations les plus difficiles que nous ayons eu à mettre en œuvre et à piloter en Aquitaine car elle engage des acteurs de terrain qui ne se connaissent pas forcément. S'il suffit parfois de donner aux uns les coordonnées des autres pour que les choses avancent, la difficulté tient à la séparation entre le monde du social et le monde du sanitaire. Comme on dit parfois, « le diable est dans la cloison »...

La modélisation des ressources est un véritable enjeu car si nous avons une idée assez claire des processus, c'est le passage au stade « industriel » qui nous pose problème.

M. Pierre Morange, coprésident : Le conseil national de surveillance de la CNAMTS va en effet devoir se demander comment mobiliser pour cela les personnels que l'informatisation a libérés de leurs tâches administratives. La modélisation doit nous permettre de simplifier le dispositif et d'assurer, grâce à ces salariés, le lien entre la ville, le domicile, l'ambulatoire et les établissements, qu'ils soient de santé ou médico-sociaux.

M. Yves Corvaisier : Nous avons également insisté auprès des caisses primaires d'assurance maladie sur la nécessité d'élaborer un dispositif de retour à domicile. Nous avons d'ores et déjà signé 36 contrats avec des établissements de santé, soit environ 20 % du total. A Lille, le système présente la particularité que tous les signalements de sortie d'hospitalisation du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) et du groupement hospitalier de l'Institut catholique de Lille arrivent au CCAS qui réalise l'évaluation globale et qui élabore les plans d'action personnalisés. C'est dans ce cadre que nous pouvons délivrer notre prestation légale.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je m'étais battue pour que l'allocation soit versée dès la sortie de l'hôpital. Un autre choix politique a été fait depuis et il me semble que la situation sur le terrain, où l'on nous parle très souvent de l'incapacité à organiser un retour à domicile correct, est assez différente de ce que vous nous décrivez. De même, la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les urgences entend davantage parler des sorties que des entrées à l'hôpital. Aussi, comme l'a souligné M. Pierre Morange, il est indispensable d'aller plus loin sur ce sujet. Et si j'adhère à l'idée que l'absence de culture commune est à l'origine de bien des difficultés, je crois que le problème d'organisation est bien plus général. Notre mission aura donc à se prononcer sur ce sujet, d'autant qu'il est au cœur du lien entre social, sanitaire et médico-social. Nous devrons en particulier nous demander s'il faut qu'il s'agisse d'une prestation légale ou s'il convient de faire évoluer les compétences, en particulier des CLIC et des MDPH. J'aimerais avoir votre avis à ce propos.

Dans les pays du nord de l'Europe, c'est bien à partir des compétences que cette question a été traitée : ce sont les collectivités locales qui ont seules la responsabilité de ce qu'on appelle la réhabilitation et qui perçoivent une partie des financements.

Mme Christiane Flouquet : Nous avons lancé l'ARDH à titre expérimental, pour tirer les conséquences du mauvais fonctionnement de l'APA d'urgence, en particulier de la lenteur de son versement. Le système actuel est plus réactif et répond donc mieux à la situation. La difficulté tient peut-être au fait qu'il existe plusieurs systèmes - CNAVTS, conseil général, mutuelles, réseau personnel de relations - et que, dans les hôpitaux, les personnes qui aident à la sortie ignorant lequel choisir, elles préfèrent en général se tourner vers une personne qu'elles connaissent. En fait, le signalement est souvent d'ordre social alors que les personnes que nous devons prendre en charge ne sont pas forcément connues de ce point de vue. L'objet de la prévention est d'ailleurs précisément d'entrer en contact avec des personnes qui n'étaient pas jusque-là connues de nos institutions.

M. Jacques Tonner : C'est en fait de la continuité des soins qu'il s'agit. On essaie surtout de régler le problème de l'amont vers l'hôpital mais on s'est jusqu'ici peu préoccupé de la sortie.

Il convient de bien préciser les responsabilités, en particulier au sein de l'hôpital dont on a l'impression que ce n'est pas la préoccupation première : on ne sait actuellement pas qui doit prendre en charge la sortie de l'hôpital, qu'il s'agisse du transport sanitaire, du retour à domicile ou du placement en établissement de moyen séjour.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous déjà mesuré les effets de la convention que vous avez passée avec six hôpitaux sur la réduction du temps d'hospitalisation, sur les économies ainsi réalisées, sur la rationalisation des moyens et, surtout, sur l'amélioration de la qualité du service rendu au patient. La MSA a mené une étude de ce type concernant les réseaux gérontologiques qu'elle a mis en place.

M. Jacques Tonner : Cette étude n'a pas été réalisée en Île-de-France, trop peu de cas ayant été traités à ce jour.

Mme Christiane Flouquet : Les premières années ont surtout permis de voir ce qui devait être amélioré : on ignore qui doit être contacté et il faut améliorer la répartition des tâches à l'intérieur de l'hôpital, entre le service social et le personnel médical. Tout ceci ne peut fonctionner que si les personnes se connaissent.

Mme Maria Doumeingts : La plus grande difficulté tient à la réactivité. Il serait absurde de prévoir une prestation légale massive qui ne répondrait pas à l'objectif de l'ARDH. Il faudrait donc d'abord se préoccuper des processus qui permettront que ce dispositif réponde véritablement à un besoin.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Il paraît vraiment essentiel de régler la question de l'organisation. L'étude de la MSA porte non pas sur la sortie de l'hôpital mais sur les réseaux de soins gérontologiques, lesquels ont permis de diminuer fortement l'hospitalisation des personnes âgées. L'étude montre en effet qu'une bonne prise en charge a permis d'éviter un nombre d'hospitalisations très important et de réaliser une économie de 230 euros par mois et par personne.

Face à cela, je suis choquée que certaines personnes viennent encore nous trouver parce qu'elles sont obligées de chercher une maison de retraite quand un de leurs parents se casse le col du fémur.

Or, la question se pose exactement de la même façon pour la sortie de l'hôpital, et pas seulement pour les personnes âgées !

M. Pierre Morange, coprésident : Tout ceci nous renvoie tout simplement au débat de fond sur la philosophie et les missions de notre système assuranciel obligatoire. Il était jusqu'ici coincé dans une logique de guichet aveugle, et si l'on veut qu'il garantisse l'exercice de la solidarité dans le domaine sanitaire comme dans le domaine social, il faut qu'il soit le lien entre toutes les parties. C'est ainsi que l'assurance maladie - qui est la seule dont la puissance lui permette de le faire - assurera la continuité des soins et qu'elle sera l'organisateur de l'ensemble du système.

Mme Éliane Delorme : Notre première démarche a été destinée à convaincre les hôpitaux. Une fois qu'ils sont convaincus, ils ont envie, ne serait-ce qu'au regard de leurs objectifs de maîtrise des dépenses, de laisser partir les personnes le plus vite possible, et ils acceptent de signer des conventions. Le fait que cela figure dans le contrat d'objectifs conclu avec les ARH va aussi les y inciter. Pour notre part, nous allons atteindre notre objectif de 55 contrats signés avec les hôpitaux et avec les hospices civils de Lyon, mais aussi avec le centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Étienne et avec de tout petits hôpitaux comme celui de Vals-les-Bains. L'essentiel, au cours de cette période de montée en charge du dispositif, est de laisser le temps nécessaire à l'assurance maladie et à l'assurance vieillesse, avant de se demander s'il faut que cela prenne la forme d'une prestation légale.

M. Yves Corvaisier : Ce n'est pas parce que nous avons contractualisé avec 36 établissements que tout fonctionne pour le mieux. Ce n'est pas non plus parce que le directeur de l'hôpital et l'assistante sociale sont convaincus que chacun au sein de l'établissement, par exemple aux urgences, est parfaitement au fait de cette organisation : il faut que les internes et que tous les professionnels de santé soient aussi convaincus. C'est un travail très important. Je pense toutefois qu'avec la tarification à l'activité (T2A), qui incite les établissements à réduire la durée des séjours, la communication interne devrait rapidement s'améliorer.

M. Pierre Morange, coprésident : Faute de temps, nous sommes contraints d'interrompre cette audition. Nous vous remercions de vos contributions très intéressantes et nous vous invitons à nous adresser par écrit toutes les propositions concrètes que vous souhaiteriez voir aboutir et dont vous pensez qu'elles pourraient nourrir notre rapport.

La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale au ministère de la santé et des solidarités, et Mme Annick Bony, chef du bureau des personnes âgées.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Compte tenu de l'heure, je vous propose de répondre directement aux questions que nous vous avions posées par écrit.

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous pourrons répondre à certaines d'entre elles par courrier.

Les publics bénéficiaires de l'action sociale sont très larges - personnes en situation d'exclusion ou de précarité, personnes âgées ou handicapées, familles, enfants et adolescents - et l'ambition est très forte. Il importe d'assurer un continuum de prise en charge, prenant en compte l'accès aux soins, à l'emploi et au logement. Cette prise en charge doit être globale, coordonnée et individualisée. Mais comment apporter une réponse individualisée à une problématique de masse ? Le système atteint aujourd'hui ses limites car il est parcellisé, segmenté et verticalisé, avec des financeurs divers.

Comme il est impossible d'attribuer un bloc de compétence entier à un financeur unique, l'approche coopérative, encadrée par le décret du 6 avril 2006 relatif aux groupements de coordination des interventions en matière d'action sociale et médico-sociale est la bonne solution, et les opérateurs de terrain commencent à se l'approprier. Elle consiste à placer l'usager au cœur du dispositif et des parcours, non pas en échafaudant une superstructure supplémentaire, mais en construisant une convention constitutive simple reliant entre eux des acteurs d'un bassin de vie qui ont envie de travailler ensemble dans l'intérêt des usagers. Depuis six mois, nous parcourons les régions pour expliquer que cet outil laisse leur autonomie de gestion aux collectivités territoriales, aux associations comme aux organismes de droit privé à but lucratif, qu'il ne remet pas en cause leur libre administration.

Nous avançons par exemple, dans le Nord, sur le thème de l'autisme, extraordinairement complexe : vingt-huit associations gestionnaires et un centre hospitalier universitaire (CHU) sont entrés en coopération. Mais intégrer les 32 000 établissements médico-sociaux ne suffit plus : les aspects liés à l'école et à l'intégration doivent être pris en considération. De même, pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), les centres maternels ou les centres d'hébergement d'urgence sociale (CHUS), les aspects liés au logement, à l'emploi et à l'accès aux soins sont indispensables. L'objectif est d'internaliser cet enjeu au sein des administrations, des caisses de sécurité sociale, des hôpitaux, des maisons de retraite et autres établissements autour d'un vrai projet, la convention constitutive de coopération, dans le même esprit que la définition de la nation de Renan : réunir des personnes qui, sur un territoire donné, ont envie de travailler ensemble pour construire quelque chose ensemble en fonction de leur passé.

M. Pierre Morange, coprésident : Qui est chef de file ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Les premières conventions sont signées entre des structures - administrations, établissements et associations - qui travaillent déjà ensemble et ont compris que la coopération est un jeu gagnant-gagnant : elles construisent leur projet et désignent en commun parmi elles un chef de file, un animateur, reconnu par ses pairs. Ensuite, les services financeurs - les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales (DDASS et DRASS), les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et les conseils généraux - contractualisent avec toutes les structures parties prenantes, en concertation avec les grandes fédérations du secteur.

La maison des adolescents est typiquement un groupement de coopération puisque y interviennent la pédopsychiatrie, la protection maternelle et infantile (PMI), l'éducation nationale, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les services sociaux polyvalents et éventuellement le centre communal d'action sociale (CCAS). Ensemble, avec le porteur de projet, autour du jeune et de l'adolescent, ces opérateurs assurent une prise en charge globale.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Comment ces maisons sont-elles financées ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Chacun des financeurs décide dans son budget d'agréger ses crédits et recrute éventuellement un coordinateur.

M. Pierre Morange, coprésident : Le périmètre de compétence de ces conventions de coopération est-il standard ? Le périmètre territorial est-il régional, départemental ou intermédiaire ? De telles conventions n'ont de sens que si elles assurent une cohérence de prise en charge au niveau national, ce qui requiert un dispositif homogène, sans zones d'ombre et regroupant les prestations sociales, médico-sociales et sanitaire.

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous avons souhaité que la gestion soit très souple, avec un administrateur général désigné par le groupement, qui pilote la convention constitutive. Les associations n'offrent pas une sécurité ni une responsabilité suffisantes. Le groupement de coopération présente l'originalité de s'adapter aux situations locales. Il peut être infradépartemental. Pour les personnes âgées, le bassin de vie sera assez rapproché, avec une dizaine d'opérateurs incontournables : l'hôpital local, le CHU, l'hospitalisation à domicile (HAD), le service de soins infirmiers à domicile (SSIAD), etc. Si un réseau gérontologique diabète ou gérontologique santé existe et fonctionne bien, nous ne le forçons pas à entrer, mais le groupement de coopération ne doit pas les oublier.

La convention constitutive n'impose donc pas de périmètre territorial mais l'idée est de mailler le territoire national. La taille du groupement ne sera évidemment pas identique en zone urbaine, périurbaine ou rurale. L'idée est par exemple de créer une maison des adolescents par département, prenant en charge toute la chaîne, de l'écoute à l'hospitalisation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Quand les acteurs locaux ne se mettent pas en coopération, que se passe-t-il ?

M. Jean-Jacques Trégoat. Nous ne les y forçons pas. La solution passe par la tarification : arrêtons de tarifer 32 000 établissements deux ou trois fois par an. Passons des conventions d'objectifs sur trois ou cinq ans avec chaque institut médico-éducatif (IME), chaque maison d'accueil spécialisée (MAS), chaque centre d'aide par le travail (CAT) et chaque CHRS. Passons un contrat d'objectifs avec le secteur afin d'assurer la couverture du territoire et les prises en charge. Il faut remplacer les conventions bilatérales liant HAD, hôpitaux, maisons de retraite et SSIAD par une convention commune fixant des objectifs et des indicateurs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Mais qui pilote la démarche ?

M. Jean-Jacques Trégoat : L'État, les organismes de sécurité sociale et les départements s'engagent dans une convention contractuelle, acte juridique visé par le préfet.

M. Pierre Morange, coprésident : La notion de plate-forme dotée d'une organisation souple est judicieuse mais il faut garantir la continuité et l'équité de traitement dans l'ensemble du pays. Or nous sommes suspendus à la bonne volonté des structures locales. Un opérateur - par exemple le réseau de l'assurance maladie, qui a déjà l'architecture nécessaire - doit être chargé de mettre ces conventions sur pied partout.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Nous ne pouvons nous satisfaire d'un système tenant à la volonté des territoires, qui génère forcément de très grandes disparités, car il s'agit comme vous l'avez dit de « placer l'usager au cœur du dispositif ». Nous savons que des expériences fonctionnent, mais aussi que d'autres sont difficiles. Pourquoi ne pas proposer voire imposer un opérateur identifiable ? Je pense pour ma part aux services de l'État, plus particulièrement à la DDASS.

M. Jean-Jacques Trégoat : Premièrement, nous demanderons aux DRASS d'être très présentes. Deuxièmement, nous mettrons en ligne toutes les conventions et tous les contrats d'objectifs pluriannuels. Troisièmement, il faudra que le système financier incite au regroupement. La fusion autoritaire de quatre maisons de retraite prendrait plusieurs années, et nous n'aurions parcouru qu'un dix-millième du chemin. Accorder un avantage financier aux maisons de retraite travaillant en coopération par rapport à celles qui ignorent le groupement serait beaucoup plus efficace, à l'instar de la constitution des intercommunalités, qui ont beaucoup mieux fonctionné que les fusions de communes.

L'assurance maladie est une réponse possible. Il n'en demeure pas moins que, dans le champ de l'action sociale, qu'il s'agisse des personnes âgées, des personnes handicapées, des exclus, des enfants ou de la famille, si le groupement est capable, d'un bout à l'autre des parcours, de répondre aux problèmes d'emploi, de logement, d'école, de formation et de santé, si chacun constate qu'il est de son intérêt de récupérer de l'information par l'intermédiaire d'une base de données commune, si le réseau et la coopération fonctionnent, il sera difficile de désigner un pilote unique. Le seul pilote légitime serait l'État : c'est à nos DRASS et à nos DDASS, en coopération avec les administrations de l'éducation nationale, de la santé et de la culture, d'impulser les coopérations, de proposer les conventions pluriannuelles, de construire des projets correspondant aux problématiques de publics particuliers. L'usager est réellement placé au cœur du dispositif ; le décret du 6 avril 2006 et celui du 7 avril 2006 sur la tarification pluriannuelle procèdent d'une véritable démarche intellectuelle.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Des expériences vont déjà un peu dans ce sens mais vous proposez une évolution significative. Les DDASS sont-elles en mesure de s'organiser pour s'adapter à cette évolution ? Les associations qui gèrent les CAT, IME et autres établissements sont-elles prêtes ?

La solution passe effectivement sans doute par l'incitation tarifaire. Cela nécessiterait toutefois d'assouplir les agréments et habilitations.

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous nous efforçons d'imaginer un changement de paradigme par rapport à un système qui a atteint ses limites. Compte tenu de l'évolution démographique, où trouver suffisamment de personnes qualifiées pour travailler dans les établissements dédiés aux personnes âgées ? Et comment rendre attractif un secteur où certaines structures sont minuscules et où un aide-soignant a jusqu'à cinq employeurs ? La seule solution est de constituer des groupements de coopération, qui auront la taille suffisante pour assurer des pleins temps et des parcours professionnels aux personnels. Les DDASS doivent être le maillon fort ; elles pourront l'être si l'État leur dégage du temps et des moyens en organisant une tarification globale et sur trois ans, avec des contrats d'objectifs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Quel changement de culture !

M. Pierre Morange, coprésident : Il serait un peu angélique de fonder la démarche de constitution de ces plates-formes multiservices sur la seule bonne volonté. Puisqu'il s'agit d'argent public, la réponse la plus pertinente consiste à conditionner la pérennité du financement des structures et à prendre une disposition législative imposant une coordination dans chacun des territoires du pays, couvrant l'ensemble des champs d'action sanitaires, sociaux et médico-sociaux, et impliquant la totalité des intervenants. Reste à désigner le chef de file.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Nous avons trop connu d'initiatives prises à certains endroits et pas à d'autres, notamment en matière de PMI. Je suis très sensible à votre proposition de redonner un sens au travail des DDASS et de renforcer le rôle de l'État.

Si l'Europe n'avait pas contraint les communes à construire un réseau d'assainissement, il n'y aurait toujours rien. Pourquoi ne pas adopter un raisonnement identique pour des questions d'ordre humain ? Je ne suis pas opposé à la coopération mais, sans mesure obligatoire, nous ne nous en sortirons pas. Certaines personnes ne trouvent aucun interlocuteur, aucun endroit où obtenir des réponses à leurs problèmes. J'aimerais que nous entendions ces usagers, abandonnés face à la maladie ou à une situation humaine très compliquée.

M. Jean-Jacques Trégoat : Pour que notre système de groupements devienne effectif, la seule solution est de le rendre financièrement incitatif. Les associations entrent assez bien dans cette logique. De fait, si elles ne coopèrent pas, elles sont incapables de résoudre les problématiques sociales auxquelles elles sont confrontées, qui sont de plus en plus complexes - les malades d'Alzheimer, par exemple, ont de cinquante-huit à cent douze ans. Nous sommes par conséquent condamnés à construire ensemble - État, différents niveaux de collectivité et associations - des politiques publiques.

Les schémas départementaux ont beau être obligatoires, certains départements n'en sont pas dotés. Ces schémas analysent les besoins et inspirent les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (PRIAC). Il faut contraindre à la réalisation des schémas départementaux et faire en sorte qu'ils appliquent la loi du 13 août 2004 - tous ceux qui nous remontent sont parcellaires. Des schémas mieux construits permettront d'organiser des regroupements et de favoriser les établissements répondant à des besoins et s'inscrivant dans une logique de coopération. Ainsi, en cinq ou dix ans, nous parviendrons à couvrir assez bien le territoire national.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les structures hospitalières sont-elles prêtes à entrer dans des logiques de coopération ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Sans accompagnement à la sortie de l'hôpital, les patients y reviennent très vite, dans de moins bonnes conditions et cela coûte beaucoup plus cher. Au lieu de laisser les gens dans la nature, il convient de préparer le parcours de sortie, en coopération avec le HAD et le SSIAD, éventuellement dans un logement accompagné, en MAS, dans un service psychiatrique ou un service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSA). Il est indispensable de disposer d'une entité regroupant les dix ou douze partenaires susceptibles de suivre le dossier social.

Un nouveau métier apparaît : l'« ingénierie sociale ». En collaboration avec l'éducation nationale, nous avons créé un diplôme spécifique, sanctionnant une formation durant laquelle on apprend à construire des projets complexes autour de la logique de coopération. Compte tenu de la démographie des personnels des établissements, nous avons une chance de récupérer des postes, par exemple de comptables, pour développer l'ingénierie sociale.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Je suis convaincue de l'intérêt de la coopération. Mais heureusement qu'une loi a incité à la coopération intercommunale.

M. Jean-Jacques Trégoat : Pour impulser un changement culturel, convient-il de l'imposer dès le début ? Je pense au contraire qu'il faut passer par la tarification.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : L'incitation financière est évidemment aussi nécessaire.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : Une certaine souplesse ne doit-elle pas être recommandée ?

M. Jean-Jacques Trégoat : Soit le groupement reprend uniquement les prestations de chacune de ses composantes, soit il décide d'aller plus loin et de mener des actions supplémentaires, en fonction de l'évolution de la réglementation. Dans le premier cas, les procédures administratives ne prennent que deux mois. Dans le second, le préfet et le comité régional d'organisation sanitaire et médico-sociale (CROSMS) instruisent le dossier de la même façon qu'ils le faisaient jusqu'à présent. Et le groupement peut employer directement le personnel ou fonctionner avec des mises à disposition.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : D'autres questions devraient être posées conjointement : celles des métiers, des délégations de compétence et des modes de rémunération. Quand les kinésithérapeutes, par exemple, accepteront de déléguer une partie de leurs compétences aux aides-soignants ou aux aides médico-psychologiques (AMP), les changements seront énormes pour nombre de personnes âgées qui ne bénéficient d'aucune mobilisation physique. Une association comme Ciel bleu propose des dispositifs de sortie d'hôpital très concrets à destination des vieux et des moins vieux, et le groupe Axa s'est montré très intéressé.

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous avons abordé ce problème sous l'angle des diplômes.

Premièrement, la compétence peut s'acquérir par le diplôme initial mais aussi par l'expérience de terrain : c'est la validation des acquis de l'expérience (VAE). Le secteur médico-social arrive en deuxième position pour la certification en VAE, juste derrière l'éducation nationale - et sûrement devant elle en proportion de ses effectifs. Nous croyons à l'ascenseur social et nous considérons les diplômes obtenus par la VAE comme de vrais diplômes. Si l'expérience ne permet pas à elle seule d'obtenir le diplôme, la personne passe des modules complémentaires. Cela nous a conduits à revoir quinze diplômes du secteur.

Deuxièmement, auparavant, lorsqu'un agent voulait passer de la gérontologie à la puériculture, il devait repasser un diplôme. Les métiers d'auxiliaire de puériculture, d'aide-soignant, d'AMP, d'auxiliaire de vie sociale ont tout de même des points communs.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : C'est précisément ce que j'écrivais dans mon rapport « Vieillir en France » de 1999.

M. Jean-Jacques Trégoat : Il convient donc de créer des modules communs pour éviter aux personnes de retourner à l'école pendant un an et ainsi faciliter les changements de métier.

J'en viens à la délégation de soins. Une personne diabétique dépourvue de diplôme peut très bien se faire ses piqûres d'insuline elle-même. Mais si elle a un accident et perd l'usage de ses mains, seule une infirmière pourra le faire. Nous avons proposé une délégation de soins à des personnels d'autres catégories, sur prescription de soins et ayant suivi une formation.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Les syndicats professionnels acceptent-ils cette mesure ?

S'agissant des métiers, en 2001, lorsque j'étais ministre, ce sont les DRASS qui ont empêché toute expérimentation.

M. Jean-Jacques Trégoat : Eu égard aux questions de responsabilité, le cadre juridique doit être clair.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Certes, mais c'est aussi un problème de culture.

M. Jean-Jacques Trégoat : En France, les diplômes et les métiers sont très segmentés. Des groupes de dix personnes réclament un diplôme spécifique parce qu'ils traitent une population particulière. Mais comment attirer des professionnels sur un tel créneau ? Il est préférable de s'appuyer sur des diplômes existants et d'adapter les emplois voire de délivrer des certificats nationaux de référence.

Je pense, dans l'absolu, qu'il faut aller vers des délégations de soins, mais le problème est délicat : cela risque de provoquer une bataille de plusieurs années contre les corporatismes et de nous faire perdre toute notre énergie, au détriment de l'efficacité. Ne serait-il pas préférable de trouver d'autres solutions, comme la coopération entre infirmières et aides-soignantes ? L'idéal serait d'être plus fluide dans les diplômes.

Mme Bony peut vous dire quelques mots au sujet des centres locaux d'information et de coordination (CLIC).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Ce sujet est crucial pour notre rapport.

Mme Annick Bony : Nous sommes en train de préparer un référentiel national avec les réseaux de santé personnes âgées. La question de l'articulation entre CLIC de niveau 2 ou 3 et réseaux de santé se pose.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure : C'est en effet au cœur de la problématique. Nous pourrons éventuellement nous rencontrer courant janvier pour aborder certains points.

M. Jean-Jacques Trégoat : Nous vous communiquerons le dossier que nous emportons lorsque nous nous déplaçons dans les régions pour mettre sur pied les coopérations. Tous les obstacles rendant les coopérations moins avantageuses ont été levés : le choix s'appuie donc sur des considérations de prise en charge et non des considérations fiscales.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente : Pour revenir aux CLIC, les conseils généraux ont-ils réellement pris leurs responsabilités ?

Mme Annick Bony : Il existe des disparités territoriales, avec parfois la tentation de transformer les CLIC en autre chose : le conseil général de l'Isère a créé un service intégré départemental chargé des personnes âgées et des personnes handicapées, déployé sur les treize bassins d'emploi, avec deux agents dans chacun d'entre eux ; ce n'est plus un CLIC mais un service intégré.


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