Table ronde n° 1, ouverte à la presse :
la loi du 10 janvier 1991, dite « loi Evin », est-elle dépassée ?
réunissant

M. Vassilis Vovos, président de Japan Tobacco International ;

M. Didier Chenet, président du Syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers et traiteurs (SYNHORCAT) ;
M. Philippe Pouthé, directeur juridique
de la Confédération nationale des débitants de tabac
M. Francis Attrazic, vice-président confédéral
de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) ;
M. Gérard Dubois, président de l'Alliance contre le tabac ;

Professeur Albert Hirsch, vice-président de la Ligue contre le cancer ;

M. Gérard Audureau, président de l'association Droits des non-fumeurs ;
M. Pascal Diethelm, membre du conseil d'administration du Comité national contre le tabagisme (CNCT) ;
Mme Véronique Bony, chef-adjointe du bureau des pratiques addictives à la Direction générale de la santé (DGS) ;
M. Didier Jayle, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) ;
Docteur Philippe Mourouga, directeur du département « prévention et dépistage » de l'Institut national du cancer ;
M. Guy Berger, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, président de l'instance d'évaluation de la loi du 10 janvier 1991, président du conseil d'administration du comité de Paris de la Ligue contre le cancer


(extrait du procès-verbal de la séance du 14 juin 2006)

M. le Président : Mesdames, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue devant la mission d'information sur l'interdiction du tabac dans les lieux publics, mission créée, je vous le rappelle, pour réfléchir aux moyens de renforcer le dispositif actuel. Il peut certes y avoir débat, tant au sein de la mission que de l'Assemblée elle-même, sur l'ampleur et sur les modalités de ce renforcement, ainsi que sur les mesures d'accompagnement à prendre dans le domaine économique ou dans celui de la politique de santé publique et d'éducation sanitaire, mais je crois pouvoir dire, au vu des premiers échanges qui ont eu lieu, que la très grande majorité d'entre nous, par-delà les clivages politiques, souhaite renforcer un dispositif qui, pour différentes raisons que nous allons examiner ensemble aujourd'hui, n'est pas satisfaisant.

Nous avons commencé nos travaux par l'audition de Mme Bernadette Roussille, que la plupart d'entre vous ont donc été amenés à rencontrer lorsqu'elle a dirigé les travaux de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le sujet. Ces travaux constituent un bilan intéressant de la problématique, et notre mission n'a pas souhaité reprendre l'ensemble des auditions, ni redire ce que tout le monde sait déjà très bien, mais organiser un échange, une confrontation des différents acteurs, des différents points de vue, des différents intérêts, entre lesquels, à moins que nous ne parvenions à un consensus, il appartiendra à la représentation nationale de trancher.

Nous avons choisi d'organiser six tables rondes, dont la dernière aura lieu en principe le 12 juillet. Afin de progresser ensemble dans l'échange, nous avons souhaité réunir, pour chacune de ces tables rondes, les mêmes interlocuteurs, en associant ponctuellement les experts ou les personnalités dont le témoignage nous paraît utile. C'est ainsi que nous allons, dans un instant, entendre M. Guy Berger, qui a conduit la mission d'évaluation de la loi de 1991 et pourra nous exposer les faiblesses de celle-ci - faiblesses que je reconnais bien volontiers, même si elles sont en grande partie imputables au décret de 1992.

Notre objectif est d'aboutir, en tout état de cause, à des conclusions au plus tard à la rentrée d'octobre. Si tel n'était pas le cas, il serait en effet illusoire, compte tenu du calendrier électoral de 2007, d'espérer que des dispositions soient prises, que ce soit par la voie législative ou par la voie réglementaire.

Les six tables rondes s'articuleront autour de trois thèmes : le bilan du dispositif actuel, ses insuffisances, ses difficultés d'application, l'évolution constatée depuis 1991 ; le contenu des nouvelles dispositions à prendre et le choix, qui en découle, entre la loi et le décret ; les mesures d'accompagnement indispensables à la réussite de cette réforme.

Je précise à l'intention des journalistes, puisque ces auditions seront ouvertes à la presse écrite et audiovisuelle, que nos tables rondes regrouperont à chaque fois des représentants d'organismes ou d'associations - notamment de lutte contre le tabagisme - qui souhaitent le renforcement du dispositif actuel ; des représentants d'acteurs économiques « réservés », voire davantage, vis-à-vis d'une telle évolution ; des représentants des administrations concernées.

Nous allons, comme je l'ai dit, entendre d'abord M. Guy Berger, président de chambre honoraire à la Cour des comptes, qui va dresser pour nous le bilan de l'application de la loi de 1991, après quoi chacun de nos invités présentera, en cinq minutes maximum, sa propre analyse du sujet - qui ne recouvre pas, j'y insiste, l'ensemble de la problématique, mais la question de savoir si le dispositif actuel est dépassé et, si oui, en quoi.

M. Guy BERGER : Je suis en effet président de chambre honoraire à la Cour des comptes, à la retraite depuis quelques mois. Je dois avouer que lorsque j'ai trié mes papiers lors de mon départ, je n'ai pas retrouvé le rapport en question, mais je l'ai suffisamment en mémoire pour vous en retracer la teneur, de façon sans doute plus vivante, au demeurant, que si j'avais devant moi un document écrit...

Le texte de loi que vous avez proposé au Parlement et qui porte votre nom, monsieur le président, prévoyait, dans l'une de ses dispositions, une évaluation du dispositif. Celle-ci a été entreprise, avec deux ans de retard, à l'initiative d'un de vos successeurs, et sous l'égide du Commissariat général du Plan. La mission d'évaluation comprenait des représentants des administrations concernées - santé, économie et finances... - ainsi que des personnalités qualifiées, dont le médecin-chef du Val-de-Grâce et un médecin du travail. Nous avons travaillé assez longuement, avec un petit budget nous permettant de financer des études, certes insuffisantes, mais qui ont eu le mérite d'éclairer notre réflexion sur divers points. J'ai tenu à rédiger moi-même les conclusions pour qu'elles puissent se lire de façon autonome, et je les ai discutées ligne à ligne avec tous les membres de la mission, qui représentaient des intérêts très divers, y compris économiques. Nous avons, je le souligne, auditionné toutes les personnes qui avaient demandé à l'être.

Nous avons passé en revue, article par article, l'ensemble du texte de loi, afin d'analyser leur caractère plus ou moins novateur et la façon, plus ou moins satisfaisante, dont chaque disposition était appliquée. Notre conclusion générale a été - même si nous sommes là un peu en dehors du sujet qui vous occupe - que le dispositif était assez bien appliqué et préservé en ce qui concerne le tabac, mais qu'il n'en était pas de même pour l'alcool, notamment à la suite de certains amendements votés ultérieurement par l'Assemblée nationale et sur lesquels je m'abstiendrai de porter un jugement...

Parmi les différentes dispositions de la loi, l'une consistait à exclure de l'indice INSEE les prix du tabac, ce qui a permis de les augmenter assez fortement par le biais de la taxation. C'était un point important, car je me souviens, pour avoir été, quelques années plus tôt, directeur du cabinet de Mme Michèle Barzach, ministre de la santé, que nous souhaitions augmenter les prix du tabac, alors inférieurs à la moyenne européenne, mais que le ministère des finances nous objectait régulièrement que cela ferait monter l'indice des prix. Etant donné la forte élasticité constatée entre le prix du tabac et sa consommation, cette disposition est, de loin, celle dont la portée a été la plus grande.

Si le verrouillage de la publicité en faveur du tabac a été assez bien respecté et appliqué dans l'ensemble, nous avons en revanche constaté des faiblesses sur d'autres points.

Nous nous étions prononcés, après de longues discussions, pour l'interdiction de la vente de tabac aux moins de seize ans. Nous l'avons obtenue, mais il a fallu un certain délai. On nous a objecté que l'application en serait difficile ; l'argument ne tient pas, car même imparfaitement respectée, une telle disposition constitue tout de même un progrès. L'industrie du tabac, d'ailleurs, ne s'y est pas opposée, et l'a même défendue, il faut lui rendre cette justice.

S'agissant du fait de fumer dans les lieux publics, qui est votre principal sujet de questionnement, la conclusion à laquelle nous étions parvenus était que, sur le plan législatif, l'essentiel était acquis, fût-ce au prix de certaines ambiguïtés, mais qu'il restait à décliner cette interdiction selon les lieux où le problème se posait. L'une des difficultés concernait le lieu de travail, et il ressortait de nos auditions de fonctionnaires du ministère du travail et de médecins du travail que ce point ne faisait pas vraiment partie du droit du travail, tel que l'appliquent, dans les entreprises, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

La justification essentielle de l'interdiction était à nos yeux la protection des droits des non-fumeurs. J'indique au passage que nous nous sommes interrogés sur le fondement de cette distinction ambiguë. Notre préoccupation était en effet une préoccupation de santé publique. Or, s'il est reconnu que la consommation de tabac est nocive dès la première cigarette, de même que celle d'alcool au-delà d'une quantité modérée, ni l'alcool ni le tabac ne sont des produits interdits, et leurs consommateurs ne sont pas des délinquants. Si interdiction il devait y avoir, il fallait donc qu'elle soit motivée par un intérêt autre que la santé publique largo sensu, et cet intérêt est celui des personnes qui ne fument pas, ne veulent pas respirer la fumée des autres et entendent voir leurs droits respectés. Mais il est vrai que la déclinaison de ce droit varie d'un endroit à l'autre.

Sur les lieux de travail, des progrès certains ont été accomplis. Je me souviens qu'au début de ma vie professionnelle, dans les années 1960, beaucoup de collègues fumaient, et que les non-fumeurs ne se seraient pas sentis autorisés à exiger d'eux qu'ils cessent de le faire. Par contre, plus tard, alors que j'étais président de chambre à la Cour des comptes, il était devenu évident que la personne désireuse de fumer devait le faire en dehors du lieu de travail. L'évolution des mœurs est donc très nette. Mais il y a encore des progrès à conduire pour faire respecter les droits des non-fumeurs, notamment en intégrant ces droits dans le droit du travail. Les syndicats, au moins à une certaine époque, n'étaient pas très sensibles à un problème qui leur semblait mineur, et ne souhaitaient pas mécontenter une partie de leurs adhérents.

Dans des lieux ouverts au public tels que les débits de tabac, les hôtels et les restaurants, des progrès importants ont également été réalisés.

Dans notre rapport, nous avons beaucoup insisté sur la nécessité absolue, du point de vue de la santé publique, de maintenir cette particularité française qu'est le monopole de la vente de tabac par les débitants. Il ne faudrait pas que, sous prétexte d'harmonisation européenne, il soit possible d'acheter du tabac dans un supermarché ou dans un hôtel, comme c'est le cas en Allemagne ou au Royaume-Uni, où des distributeurs automatiques sont à la disposition des clients à toute heure du jour ou de la nuit.

M. Gérard DUBOIS : Je rappelle d'abord que l'Alliance contre le tabac a été créée après l'adoption de la loi Evin et qu'elle regroupe 33 organisations et organismes.

Les mesures qui suivent immédiatement l'adoption d'une loi sont extrêmement importantes. Cela s'est avéré essentiel en Irlande et en Italie. Or, l'application de la loi du 10 janvier 1991 a été marquée d'emblée, après un changement de ministre, par une mauvaise volonté ministérielle. Le ministre qui a succédé à M. Evin l'avait d'ailleurs publiquement exprimée, ce qu'il a regretté lorsqu'il est revenu à la tête du ministère quelques années plus tard.

Le ministère du travail lui-même s'est opposé à ce que l'interdiction de fumer figure dans son règlement intérieur. Il a fallu une décision du Conseil d'État pour vaincre cette mauvaise volonté. Quant au ministère de l'éducation nationale, il lui a fallu dix ans pour rédiger une circulaire d'application de la loi du 10 janvier 1991. Le Parquet a été d'une totale inertie depuis l'entrée en vigueur de cette loi, et n'a jamais pris l'initiative de la moindre action en justice. De sorte que la responsabilité de faire appliquer la loi a été finalement laissée, d'abord au Comité national contre le tabagisme, auquel s'est jointe l'association Les Droits des Non-Fumeurs, puis d'autres associations, qui ont agi sur le plan judiciaire. Leurs responsables vous décriront mieux que moi les difficultés auxquelles ils se sont heurtés pour agir en ce sens. Le problème s'est posé de manière très différente pour l'interdiction de la publicité, même s'il a fallu plus de dix ans d'actions intensives et constantes, et près de 150 actions en justice pour contraindre l'industrie du tabac à respecter cette interdiction.

La très mauvaise application de la loi Evin est chose connue. Elle est évidente, pour les Français comme pour les étrangers, dont nous sommes la risée.

En 2003, le Président de la République a parlé d'une « déclaration de guerre » au tabac. Elle a malheureusement été suivie, après quelques mois, d'un armistice fiscal. L'augmentation des prix, qui est un élément essentiel de la lutte contre le tabagisme, est une voie qui a été fermée pour quatre ans. Pourtant, les esprits avaient mûri, ce que les pouvoirs publics auraient pu mettre à profit. Un sondage réalisé en octobre 2004 a montré qu'environ 70 % des Français sont favorables à une interdiction totale de fumer dans tous les lieux publics et les lieux de travail clos ou couverts. C'est une découverte pour certains, mais c'est une évidence pour beaucoup.

La loi du 10 janvier 1991 a été votée à une époque où l'état des connaissances scientifiques et la situation sociale n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. Les choses ont beaucoup évolué. S'agissant de la relation entre le tabac et le cancer du poumon, la première étude date de 1981. Il faut attendre les années 1990 pour que cette relation soit certaine et largement diffusée dans le milieu scientifique. L'impact du tabac sur les maladies cardio-vasculaires n'est compris que dans le courant des années 1990, voire, pour beaucoup de personnes, dans les années 2000, notamment après la publication en 1997 du rapport de Maurice Tubiana à l'Académie de médecine.

L'Alliance contre le tabac a pris très clairement position pour une protection totale des non-fumeurs par une interdiction générale de fumer dans les lieux publics et les lieux de travail clos ou couverts. C'est là une position intangible.

Je regrette la participation à cette table ronde de l'industrie du tabac, une industrie cynique et meurtrière, qui ne ressemble à aucune autre, même pas à l'industrie de l'alcool. La directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait refusé catégoriquement que cette industrie participe aux travaux qui ont abouti à la rédaction d'une convention-cadre, que la France a d'ailleurs été le premier pays européen à ratifier. Faire participer l'industrie du tabac à notre débat aura pour effet de donner l'impression qu'il existe deux positions entre lesquelles un moyen terme est possible. Or, il n'y a pas de moyen terme possible. On voit très bien de quel côté est l'argent et de quel côté sont les morts.

La France détient le record mondial des scandales de santé publique. Elle a été condamnée pour sa gestion de l'amiante. Elle a été le seul pays qui ait tenté de « gérer » l'exposition à l'amiante, avant de comprendre qu'il fallait interdire complètement ce produit. Nous ne voulons pas, pour notre part, l'interdiction du tabac. Nous voulons mettre un terme à l'exposition à la fumée de tabac. Remplacez les mots « exposition à la fumée de tabac » par les mots « exposition à l'amiante », et vous mesurerez immédiatement l'enjeu du débat.

M. Vassilis VOVOS : Dès le début, nous avons souhaité contribuer au débat, en y apportant notre connaissance du marché français, mais aussi notre expérience internationale.
Japan Tobacco International
, troisième fabricant mondial, est présent dans 120 pays.

On a pu constater dans d'autres pays des évolutions de la réglementation sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. On a aussi pu constater l'évolution de la société. Notre position est claire : la priorité est que la réglementation évite aux non-fumeurs d'être exposés à la fumée ambiante. Les non-fumeurs ont des droits, et la réglementation doit les respecter.

Cela dit, l'expérience passée montre que, pour être appliquée, une réglementation doit être claire, pragmatique et proportionnée au but recherché. J'ai bien noté les déclarations des personnes qui sont autour de cette table, mais aussi à l'extérieur, y compris le ministre de la santé, qui disent que l'objectif d'une réglementation interdisant de fumer dans les lieux publics n'est pas de stigmatiser les fumeurs ni de leur faire la guerre, mais de garantir aux non-fumeurs un environnement sans fumée ambiante.

Nous avons consulté la Fédération des industries du tabac, qui regroupe les cinq fabricants les plus présents sur le marché français. Ce que je vais vous dire est en phase avec les positions de quatre des cinq principaux fabricants, même si quelques nuances nous séparent.

La loi Evin, et surtout ses décrets d'application, sont-ils en phase avec la réalité d'aujourd'hui ? Non, et pour plusieurs raisons. La société a évolué. Par exemple, les décrets de 1992 contenaient des dispositions concernant les avions ou les trains, qui sont, de fait, devenues inutiles.

L'une des faiblesses des décrets était l'absence de proportionnalité. Mis à part les navires et les trains, où il était prévu une proportion maximale de 30 % d'espace réservé aux fumeurs, aucune proportion n'était indiquée dans les autres cas, de sorte qu'il était possible pour un établissement de prévoir 80 % pour les fumeurs et 20 % pour les non-fumeurs.

Autre faiblesse : la notion de délimitation, qui a donné lieu à des excès. On a vu des tables de non-fumeurs au milieu de tables de fumeurs. L'absence de séparation physique a été à juste titre critiquée.

Dans les quinze dernières années, les mentalités ont évolué, et l'on trouve beaucoup d'exemples d'une bonne application de la loi. En outre, les fumeurs sont sensibilisés aux problèmes des non-fumeurs. Mais cela ne suffira pas. La réglementation doit évoluer pour mieux protéger les non-fumeurs dans les lieux publics.

Mme Véronique BONY : Mon intervention portera principalement sur les modalités de contrôle du respect de l'interdiction de fumer dans les lieux publics. On constate que, de fait, elle n'est pas respectée, et l'on peut regretter la faiblesse des contrôles. Afin d'y remédier, plusieurs actions ont été proposées. L'une des particularités de la France est que le respect de l'application des textes relatifs à l'interdiction de fumée est en grande partie confié aux associations. Le ministère les subventionne à cette fin. Dans le cadre de la loi relative à la santé publique, la liste des associations habilitées à ester en justice a été élargie aux associations familiales et aux associations de consommateurs. Mais ce sont principalement les associations de protection des non-fumeurs qui agissent en la matière.

La loi relative à la politique de santé publique d'août 2004 a étendu le pouvoir de rechercher des infractions à la loi Evin, d'une part, aux inspecteurs du travail, et d'autre part, aux médecins inspecteurs de la santé publique, aux inspecteurs de l'action sanitaire et sociale, et aux ingénieurs du génie sanitaire. L'application de cette disposition suppose cependant une procédure d'habilitation et d'assermentation de ces agents, laquelle n'a pas encore été mise en œuvre. Cela ne les empêche pas de procéder à des contrôles, mais ils ne peuvent dresser des procès-verbaux faisant foi et permettant aux procureurs de poursuivre les infractions.

Depuis 2004, le ministère de la santé a demandé à ses services déconcentrés de mettre en place des missions d'inspection, chargées de vérifier le respect de la réglementation dans les établissements du secteur des cafés-hôtels-restaurants (CHR). Un questionnaire d'enquête et de vérification leur a été transmis. Seuls seize départements ont fait remonter les informations, et 111 questionnaires ont été exploités. Cette enquête n'est donc pas représentative, mais, à ce jour, elle est la seule dont nous disposons pour connaître la réalité de l'application de la loi Evin dans ce secteur.

On constate que, d'une manière générale, les conditions matérielles ne sont pas réunies pour que puissent être strictement respectés les droits des non-fumeurs. Il n'y a pas assez de place dans les établissements pour qu'il puisse y avoir une salle fumeurs et une salle non-fumeurs. Dans 30 % des 111 établissements interrogés, il n'y a aucun espace réservé aux non-fumeurs, alors que le principe, je le rappelle, est que tous les établissements sont non-fumeurs et que des emplacements peuvent être réservés aux fumeurs.

Dans la majorité des établissements qui réservent un espace aux fumeurs et aux non-fumeurs, le nombre de places réservées aux fumeurs est supérieur à celui des places pour non-fumeurs. Dans neuf cas sur dix, les deux espaces ne sont pas isolés l'un de l'autre.

M. Albert HIRSCH : Quand Edmond Hervé m'a demandé de lui remettre un rapport sur le tabac et la santé, j'étais chef du service de pneumologie à l'hôpital Saint-Louis. J'ai passé mon existence professionnelle à être témoin de visu des dégâts du tabagisme, et notamment du tabagisme passif. J'ai en tête le cas de Mme C., une femme de 45 ans, décédée d'un accident vasculaire cérébral. La Ligue contre le cancer, association fondatrice de l'Alliance contre le tabac, a pris très clairement position en adressant aux Français 2 millions de cartes postales, dont 365 000 sont revenues signées, et ont été transmises aux députés, demandant l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics, afin de protéger la santé, et notamment celle des travailleurs.

La loi est-elle aujourd'hui correctement appliquée ? Non, car la réglementation, du décret de 1992, est compliquée. Elle tente de concilier deux objectifs contradictoires, la protection des non-fumeurs et la « liberté des fumeurs ». Par ailleurs, l'application de cette loi doit être l'objet d'un contrôle - à cet égard, le dispositif est faible - et être assortie d'amendes dissuasives et engageant la responsabilité pénale des contrevenants.

L'industrie du tabac met en avant la proportionnalité. Mais l'objectif doit être de protéger la population, les non-fumeurs comme les fumeurs, ces derniers étant eux aussi victimes du tabagisme passif. Le rapport des Communautés européennes estime à 5 000 le nombre de morts dues au tabagisme passif, en tenant du compte du fait que l'exposition à la fumée des autres aggrave le risque que courent les fumeurs. Il n'y a donc pas lieu de faire le départ entre telle ou telle fraction de la population. L'objectif est de protéger la santé de tous.

Je vous sais gré, monsieur le président, d'avoir prévu un calendrier serré et réaliste et je me félicite également que cette table ronde soit ouverte à la presse, comme le seront les autres tables rondes organisées par la mission d'information.

M. Didier CHENET : Le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs représente environ 10 000 entreprises et 100 000 salariés. Il regroupe aussi bien des très petites entreprises que de grands groupes.

Je rappelle que le SYNHORCAT a mené, conjointement avec la Mairie de Paris, une opération « Ici, c'est 100 % sans tabac ». Cette opération était fondée sur le volontariat. Et son appellation même visait à souligner que nous n'excluons personne, que nous attendons une clientèle composée aussi bien de non-fumeurs que de fumeurs, ceux-ci étant simplement priés de s'abstenir de fumer. Il ne s'agissait ni d'un rejet, ni d'une exclusion. Nous sommes conscients du problème du tabagisme passif et il faut effectivement faire attention à ce que le tabac ne soit pas, dans nos établissements, l'amiante de demain.

Mais la loi Evin semble inadaptée à nos établissements.

Premièrement, elle ne garantit pas la sécurité physique de nos salariés, ni celle de nos clients. Elle n'impose pas une obligation de résultat en matière de sécurité. À cet égard, la situation a été clarifiée par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 29 juin 2005, qui met à la charge des employeurs une obligation de sécurité de résultat en matière de protection des salariés contre le tabagisme dans les entreprises. Il nous faut bien, dans cette situation, tenter de trouver une solution.

La loi Evin est inapplicable pour certains, et coûteuse pour tous. Inapplicable pour certains, car un petit établissement n'est évidemment pas dans la même situation qu'un grand, qui pourra, parce que sa surface ou ses installations techniques le permettent, installer de véritables zones fumeurs et non-fumeurs. De ce point de vue, on peut dire que la loi a des effets discriminatoires, les petits et les grands n'ayant pas les mêmes moyens de l'appliquer.

Deuxièmement, la sécurité juridique n'est pas ce qu'elle devrait être pour nos établissements, dont la pérennité est en jeu. Nous souhaitons qu'une garantie de conditions d'exploitation soit applicable à tous, sans discrimination, à égalité de concurrence. À cet égard, à l'occasion de l'expérience que nous avons conduite avec la mairie de Paris, on a pu constater la différence entre un établissement qui se crée et un établissement déjà existant. Le premier peut avoir du succès en affichant dès le départ qu'il est non-fumeur, alors que le second, s'il décide de basculer dans le « 100 % sans tabac », se heurtera à des problèmes concurrentiels, car les esprits ne sont pas encore mûrs.

Le SYNHORCAT ne souhaite ni les exclusions, ni les interdits. Nous préconisons, pour les hôtels et les restaurants - car nous n'avons pas trouvé de solution pour les bars-tabac - la mise en place de fumoirs, qui seraient des endroits hermétiquement clos, et non pas de simples zones fumeurs. Les salariés n'y auraient pas accès. Comme dans les clubs anglais, ces fumoirs seraient des lieux où l'on irait fumer en emportant soi-même sa consommation. Nous serions ainsi en mesure de respecter l'obligation de sécurité de résultat en matière de protection des salariés.

M. Philippe MOUROUGA : Comme l'a dit M. le professeur Hirsch, plusieurs rapports ont été publiés sur les effets du tabac sur la santé. Le rapport européen, le dernier en date, fait état de 5 000 morts par an dues au tabagisme passif.

Dans ces estimations, on tient compte du tabagisme passif subi par les non-fumeurs mais aussi par les fumeurs, car un certain nombre de morts sont dues à la fumée du tabac secondaire. Ce risque sanitaire est totalement avéré.

Plusieurs rapports ont permis de démontrer que les systèmes de ventilation ne peuvent en aucun cas nettoyer l'air ambiant des cancérogènes qui y sont présents. C'est pourquoi la conférence des parties de la convention-cadre de l'OMS a rejeté l'idée d'une ventilation dans les espaces fermés.

Par ailleurs, il existe un risque pour les professionnels exposés sur leur lieu de travail au tabagisme passif et travaillant pendant 35 heures ou plus. Or, même si les clients fumeurs sont regroupés dans un espace fumeur, ils devront être servis. Les professionnels seraient donc soumis à un risque de façon continue.

La discussion devrait à mon sens partir du risque sanitaire, qui est avéré, pour faire apparaître un vrai risque juridique, pour l'employeur et pour l'État. Les travaux scientifiques ne laissent place à aucun doute : toute action en justice menée par un travailleur peut se fonder sur des données factuelles.

M. Gérard AUDUREAU : L'association Le Droit des Non-fumeurs (DNF) existe depuis 33 ans. Son objectif essentiel est de faire en sorte que nul ne puisse être confronté à la fumée du tabac contre son gré. Cet objectif figure d'ailleurs dans le préambule de la loi Evin.

La partie législative du dispositif actuel est très claire : « Il est interdit de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif, (...) sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ». Les textes réglementaires, par contre, sont susceptibles d'interprétations diverses. Ils sont parfois même incohérents. Par exemple, l'article R 3511-7 du code de la santé publique prévoit qu'« une signalisation apparente rappelle le principe de l'interdiction de fumer dans les lieux mentionnés à l'article R. 3511-1 et indique les emplacements mis à la disposition des fumeurs ». Cet article est diversement interprété, puisque un syndicat professionnel, d'ailleurs représenté ici, écrit ceci à 200 000 restaurateurs : « Vous pouvez organiser des espaces fumeurs et non-fumeurs comme bon vous semble, sans séparation, sans cloisonnement, sans limitation de surface. »

S'agissant du bureau individuel, beaucoup de textes émanant de certaines administrations indiquent qu'il n'est pas concerné par la loi Evin, ce qui est complètement faux, comme le confirme un arrêt en Conseil d'État de 1993.

Les élèves peuvent-ils fumer dans les cours des écoles ? La question faisait encore débat il y a à peine huit mois. La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) doit être saluée pour avoir participé à la rédaction de dépliants, distribués à 66 000 chefs d'établissement, et qui expliquent clairement que fumer dans la cour n'est autorisé ni dans les collèges ni dans les lycées. Beaucoup laissent encore entendre le contraire.

L'article 2 du décret n° 92-478 prévoyait que « l'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements qui, sauf impossibilité, sont mis à la disposition des fumeurs, au sein des lieux visés à l'article 1er du présent décret. Ces emplacements sont déterminés par la personne ou l'organisme, privé ou public, sous l'autorité duquel sont placés ces lieux, en tenant compte de leur volume, disposition, condition d'utilisation, d'aération et de ventilation et de la nécessité d'assurer la protection des non-fumeurs ». En 2004, lorsque ce texte a été intégré à la nouvelle partie réglementaire du code de la santé publique, les mots « sauf impossibilité » ont été supprimés. Aucune jurisprudence n'a pu clarifier les choses en répondant clairement à la question de savoir si, oui ou non, il est obligatoire de réserver un emplacement pour les fumeurs.

Un hall d'immeuble, un club de bridge, les locaux d'une association doivent-ils sortir du champ d'application de la loi sous prétexte qu'ils n'auraient pas vocation à accueillir le public et qu'ils n'ont pas de salariés ?

Il n'est pas concevable d'envisager que dans un local partagé entre fumeurs et non-fumeurs, une simple fenêtre puisse permettre de protéger les non-fumeurs.

Le dispositif est incomplet, et les textes sont inapplicables. Supposons que, assis à la table d'un restaurant, vous soyez incommodé par la fumée de votre voisin. Vous demandez au restaurateur de faire respecter l'interdiction de fumer au client qui fume à côté de vous. Il vous répond qu'il n'en a rien à faire et qu'il n'est pas policier. Il vous reste la possibilité d'appeler un agent de police judiciaire, c'est-à-dire un policier ou un gendarme, qui refusera d'intervenir. Vous pouvez alors déposer une plaine. Il est certain qu'elle sera classée sans suite par le procureur de la République, qui d'ailleurs ne vous informera de ce classement sans suite qu'au bout de deux mois, et seulement si vous lui réclamez une réponse. Vous devez alors exercer une requête auprès du président du tribunal de grande instance, pour qu'il nomme un huissier. Lorsque celui-ci aura fait son constat, il ne vous restera plus qu'à tenter de citer devant une juridiction pénale ou civile une personne dont il vous sera presque impossible de déterminer le nom, tant le pouvoir d'investigation dont vous disposez est limité. Nous sommes donc au royaume d'Ubu. Comment un simple consommateur peut-il faire respecter ses droits dans de telles conditions ?

Dans les lieux de travail, c'est encore pire, puisqu'on ne peut pas le quitter comme on veut. Cela se termine bien souvent par une mise au placard, et parfois même par un licenciement. Un fonctionnaire qui demandait le respect de son environnement a ainsi été muté à deux reprises, puis retardé dans son avancement à trois reprises. On a fini par lui imposer un examen psychiatrique.

On peut s'étonner de l'inaction de ceux qui ont pour mission de veiller au respect de la loi.

Pour l'édition du dépliant « Réussir la loi Evin » dans les établissements scolaires, nous avons rencontré les mêmes difficultés que pour les autres dépliants. Dans le cadre de l'éducation à la santé, une sensibilisation au risque tabagique est obligatoire dans le primaire et le secondaire. Il a fallu des discussions sans fin pour que l'éducation nationale en convienne.

Les ministres de la justice, de la santé, de l'intérieur, du travail et des PME sont tous responsables de l'application des dispositions du décret de 1992 intégré dans le code de la santé publique. Pourquoi attendent-ils que se pérennise une situation doublement illégale comme celle des cafés narguilé, et pourquoi laissent-ils des associations sans armes, et dont ce n'est pas la vocation première, dénoncer des situations hautement préjudiciables à la santé publique ? Des centaines d'établissement sont dans l'illégalité totale, et personne ne réagit.

Le dispositif de la loi de 1991 est donc inefficace d'abord par manque de volonté politique affirmée ; ensuite par une véritable volonté, de la part de ceux-là mêmes qui devraient la faire respecter, de banaliser les infractions à cette loi ; par l'impossibilité de désigner les responsables des infractions ; par la complexité des procédures à mettre en place pour obtenir le respect des textes en vigueur ; par la désignation, pour veiller au respect de la loi, de certaines associations auxquelles sont en fait retirées les possibilités d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Les parquets refusent de requérir, et les tribunaux octroient des dédommagements symboliques, qui ne couvrent même pas les frais de procédure. Enfin, les amendes en correctionnelle demeurent immuablement symboliques. Pourquoi la loi relative à la politique de santé publique d'août 2004 a-t-elle porté de 75 000 à 100 000 euros l'amende pour publicité interdite, quand les juges punissent ce délit de 500 euros ? Pourquoi reconnaître la responsabilité d'un maire, d'un adjoint, d'une directrice d'un centre municipal de santé et de son médecin-chef en n'octroyant qu'un euro symbolique de dédommagement à la victime, ainsi qu'à DNF, et pourquoi ne leur infliger qu'une amende de 400 euros avec sursis ?

M. Philippe POUTHÉ : Notre confédération nationale regroupe 31 000 débitants de tabac, profession qui se relève difficilement d'une crise historique liée à une politique de relèvement des prix extrêmement concentrée dans le temps, sur l'année 2003. La chute d'activité a été de l'ordre de 25 % en volume. Cela a entraîné le développement de la contrebande et des ventes transfrontalières.

Un contrat d'avenir a été conclu avec la profession des buralistes, mettant en place une compensation financière relative et comportant des engagements forts de l'État en termes de développement de nouvelles missions de service public qui seraient destinées à être confiées à la profession. Nous sommes encore dans l'attente de résultats et de propositions. Nous avons récemment sollicité la désignation d'un parlementaire chargé de recenser les outils et les missions susceptibles de nous être confiées.

Le phénomène des ventes transfrontalières est aujourd'hui très ancré. Pour autant, la modification, à la fin de l'année 2005, des articles 575 G et 575 H du code général des impôts offre un outil juridique permettant de limiter les quantités de tabac susceptibles d'être transportées par les particuliers. Nous fondons des espoirs sur ces modifications législatives.

L'essentiel est à nos yeux la réussite de la mutation économique à laquelle nous nous attachons. Elle passe par la diversification de nos activités, tant la profession est acquise à l'idée que, désormais, le socle économique de nos points de vente ne pourra plus être la vente de tabac.

Pour relever ce défi, les 31 000 débitants, tous entrepreneurs individuels ou familiaux, et qui ont engagé tout leur patrimoine dans leur affaire, ont besoin de temps et de sérénité. Du temps, pour développer de nouvelles activités, des missions de service public, pour adapter la configuration de nos établissements, pour préserver la valeur des fonds de commerce, qui sont le seul capital, le seul produit de retraite des débitants de tabac.

Des premiers pas ont été faits, avec la mise en place d'une coopérative destinée à porter les projets économiques tendant à la diversification de la profession.

La confédération, tout en acceptant pleinement de contribuer aux efforts qui devront être consentis en termes de santé publique et de réforme des dispositifs existants, ne peut souscrire à une mesure d'interdiction totale et immédiate de fumer dans les lieux où le tabac peut être vendu. Préalablement à toute décision qui risquerait d'être mal comprise, mal acceptée, mal appliquée, certaines étapes doivent être respectées. Tout d'abord, une évaluation précise de l'effectivité des dispositions législatives réglementaires aujourd'hui en vigueur est nécessaire. En second lieu, comment envisager des réformes qui visent - ce qui est tout à fait légitime - à conforter les droits des non-fumeurs, sans prendre en compte, dans tous ses aspects, l'évolution effective, constatée sur le terrain, du comportement des fumeurs ? Ces derniers sont de plus en plus soucieux du respect de leur entourage et de leur environnement. Une étude sur l'évolution du comportement effectif des fumeurs nous paraît constituer un deuxième préalable incontournable, sans quoi l'on prendrait le risque de stigmatiser inutilement un quart des Français adultes. Ce serait incontestablement contre-productif en termes de santé publique.

En troisième lieu, il convient, avant d'envisager une réforme, d'accomplir un travail approfondi de recherche de solutions satisfaisantes portant sur des matériels ou des technologies adaptées, innovantes, en termes de traitement de l'air, d'extraction des fumées.

Enfin, nous demandons que soit prise en compte la spécificité française des bars-tabac, qui représentent 60 % des buralistes. Une dérogation pourrait être accordée aux tabacs humides, sous la responsabilité de propriétaire de l'établissement.

M. Didier JAYLE : Je me réjouis, monsieur le président, du calendrier serré que vous nous avez annoncé, et d'autant plus que les Français attendent que des décisions soient prises. La France a longtemps été en avance, grâce précisément à la loi Evin. Elle est aujourd'hui plutôt en retard.

Bien que les tendances à la baisse de la consommation de tabac en France semblent se confirmer depuis 2000, notamment chez les jeunes, la loi Evin est mal appliquée. Elle a des faiblesses intrinsèques. Elle est un peu dépassée.

Je voudrais insister sur les écoles, qui ont un rôle particulièrement important du fait de leur valeur d'exemplarité. La France est très en retard dans ce domaine. Il est absolument nécessaire de rendre les établissements scolaires entièrement non fumeur, sans aucune exception, et pas seulement pour les jeunes. Car il est illusoire de penser que l'on va empêcher les jeunes de fumer tout en autorisant les professeurs à le faire, dans la salle des professeurs ou dans une salle réservée.

Dans son premier paragraphe, l'article L 3511-7 du code de la santé publique énonce un ferme principe : « Il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ». Le second paragraphe de l'article laisse à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions d'application de la mesure, donc la définition de ces emplacements. Ce décret - pris un an plus tard - a quasiment vidé de sa substance le principe, posé par le législateur, de l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif.

En effet, au lieu de définir précisément le terme d' « emplacement » utilisé par le législateur, le décret évoque successivement ceux de « locaux », « emplacements » ou « zones » réservés aux fumeurs. Les dispositions trop complexes du décret posent de réels problèmes d'interprétation, donc de contrôle : en usant de formulations équivoques, il n'en finit pas de préciser à quelles normes réglementaires devront répondre les fameux « emplacements fumeurs ». Ni la loi ni le décret n'indiquent enfin expressément que si un lieu, pour des raisons techniques, n'est pas adapté aux nouvelles normes, ce lieu sera ipso facto déclaré « non fumeurs ».

Tout cela, dans la pratique, aboutit à des séparations purement virtuelles des zones « fumeurs » et « non-fumeurs ».

D'interprétation difficile, l'ensemble législatif intitulé « loi Evin » n'a, de plus, aucunement fixé les modalités de contrôle des manquements aux règles qu'il édicte

Aucune disposition pénale n'oblige le responsable d'un lieu à faire respecter la loi par ses clients, employés, élèves ou visiteurs. Alors même que le décret fait allusion à l'application de la loi dans les entreprises et autres locaux professionnels, aucune disposition de la loi ni du décret n'a été reprise dans le code du travail avant la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, mettant ainsi pendant longtemps les éventuels contrevenants à l'abri de la vigilance de l'inspection du travail.

De manière plus générale, le problème des autorités chargées du contrôle demeure entier. Ceux qui ont pour vocation de veiller au respect des prescriptions de santé publique - les agents du ministère de la Santé - ou des droits des travailleurs - l'Inspection du Travail - n'ont, pour les premiers, aucun pouvoir véritablement répressif ; les seconds ne l'ont explicitement dans le domaine concerné que depuis le 9 août 2004 ; tous invoquent au demeurant des priorités plus urgentes.

Ceux qui ont eu dès le départ les pouvoirs juridiques de verbaliser - les forces de police et de gendarmerie - n'ont eux-mêmes guère fait preuve d'efficacité en la matière, confrontés à leurs priorités de sécurité publique.

Une adaptation de la loi est donc nécessaire, car elle est en partie dépassée, et notamment depuis l'arrêt de principe de la Cour de cassation du 29 juin 2005, qui a jugé qu'un employeur avait une obligation de résultat vis-à-vis de ses employés face au risque du tabagisme passif. Dans la droite ligne de la jurisprudence administrative comme de la jurisprudence judiciaire précédente, cette nouvelle norme, bien plus protectrice des salariés, devra impérativement être prise en compte pour fixer la règle dans le monde de l'entreprise, notamment pour les professions les plus exposées comme les serveurs des restaurants, bars ou discothèques.

Il faut également tenir compte de l'évolution de l'opinion publique et des législations étrangères. Eu égard aux exigences croissantes des populations en terme de qualité de vie et de l'air, l'attitude des Français face à la fumée de cigarette a beaucoup évolué ces dernières années. L'ensemble des sondages sur cette thématique converge pour mettre en relief une attente de la population en faveur de l'interdiction de fumer dans les lieux publics. De plus, l'évolution des législations étrangères - notamment européennes - conforte les tenants de l'interdiction.

Un très large consensus se dessine en faveur d'une nouvelle législation, claire, facile à appliquer, et dont la date sera annoncée à l'avance, afin que chacun puisse s'y préparer.

M. Pascal DIETHELM : La loi Evin a fait de la France une pionnière en matière de lutte contre le tabagisme. Son volet concernant l'interdiction de la promotion des produits du tabac a été un grand succès et reste aujourd'hui une référence importante au niveau international. Encore trop peu de pays ont une législation aussi avancée, qui est maintenant appuyée par une jurisprudence élaborée.

Par contre, le volet concernant la protection des non-fumeurs n'a pas connu le même succès, loin s'en faut. Quinze ans après son entrée en vigueur, la loi Evin interdisant de fumer dans les lieux collectifs reste très mal appliquée, en particulier dans les établissements publics. Pourquoi ?

Une première réponse consiste à dire qu'une loi qui n'est pas appliquée pendant quinze ans est peut-être tout simplement inapplicable. Une autre réponse, complémentaire à la première, est que la loi est inadaptée aux exigences de protection des personnes, et que, même bien appliquée, elle ne satisferait pas ces exigences.

La loi Evin est fondée sur une dichotomie de la population en « fumeurs » et « non-fumeurs ». Elle répartit ainsi les espaces publics entre des zones fumeurs et des zones non-fumeurs. Cette dichotomie s'étend jusqu'aux établissements du secteur hôtelier et de la restauration, en faisant l'impasse sur la présence dans ces lieux d'employés, de travailleurs.

Première difficulté pratique : comment concilier la répartition entre « fumeurs » et « non-fumeurs », notions éminemment dynamiques et variables, avec la division physique de l'espace en zones fumeurs et zones non-fumeurs, division statique par nature ? Le caractère flou de la loi Evin sur cette question laisse le champ libre à toutes les interprétations et invite au statu quo.

Deuxième difficulté : les composants toxiques de la fumée de tabac occupent l'air de tout l'espace à leur disposition, et il est très difficile, voire impossible, de séparer hermétiquement les zones fumeurs afin qu'elles ne contaminent pas les zones non-fumeurs. Le caractère vain de cette séparation nuit à l'objectif de santé publique qui était celui de la loi. Cela est d'ailleurs accentué par les exigences très techniques qui concernent la ventilation, dont il est clair qu'elles ne seront pas vérifiées, ni donc respectées.

Le volet « protection des non-fumeurs » de la loi Evin était pionnier, à une époque où l'industrie du tabac déployait des efforts considérables, dépensant des centaines de millions d'euros dans une des plus grandes campagnes de déni scientifique jamais entreprises. Cette campagne à l'échelle planétaire incluait la corruption de chercheurs, l'infiltration des milieux scientifiques et académiques, le recours à l'intimidation judiciaire, la désinformation par l'entremise de grandes agences de relations publiques, la création de réseaux d'influence occultes, l'utilisation d'organisations écrans, l'instrumentalisation de syndicats et d'organisations patronales du secteur de l'hôtellerie, des restaurants et des cafés, tout cela dans un seul but : nier la toxicité de la fumée passive. Cette opération, qualifiée de « fraude scientifique sans précédent » par le Tribunal fédéral suisse, de conspiration à caractère mafieux par la justice américaine, a porté ses fruits : on en ressent les effets jusqu'à nos jours, puisque la toxicité de la fumée passive reste largement sous-estimée, même au sein de la classe politique. La loi Evin porte la marque de cette gigantesque campagne de désinformation. Comment aurait-il pu en être autrement à l'époque où Philip Morris faisait paraître dans la presse magazine des annonces pleine page montrant un verre d'eau, un verre de lait ou un biscuit en disant que la fumée passive n'était pas plus dangereuse que cela ?

Depuis, il y a eu les procès américains, et la découverte stupéfiante des documents secrets de l'industrie du tabac, dont le document de Philip Morris que je vous remets, monsieur le président, qui présente la loi Evin comme une victoire pour Philip Morris !

La loi Evin ne fonctionne pas et ne peut pas fonctionner, parce qu'elle est une demi-mesure. Et lorsque l'on se trouve confronté à un problème majeur de santé publique, les demi-mesures ne sont pas de mise. Imaginerait-on le désamiantage d'une partie seulement d'un immeuble ?

La loi Evin ne s'applique pas parce qu'elle ne correspond pas aux désirs des Français, dont 80 % veulent une interdiction totale de fumer dans les lieux publics.

La séparation de la population en « fumeurs » et « non-fumeurs » est une aberration sociale, qui peut expliquer à elle seule l'échec de la loi Evin. La ségrégation des personnes dans les lieux de vie sociale que sont les cafés, les bars, les restaurants, les discothèques, revient à ériger le tabagisme en facteur primordial de l'organisation de la vie sociale, transcendant toutes les affinités qui conduisent les gens à se réunir et à sortir : amitié, amour, famille, travail, culture, politique.

En libérant les lieux de vie sociale de cette division aberrante, en interdisant d'y fumer et en rendant leur air respirable pour tous, le législateur non seulement assurera sa responsabilité de protection de la santé publique, mais encore il permettra que ces lieux redeviennent ce qu'ils n'auraient jamais dû cesser d'être, des lieux conviviaux, des lieux de vie sociale pour tous.

M. Francis ATTRAZIC : Nous abordons aujourd'hui un sujet grave. L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) est très sensible aux sujets qui touchent à la santé publique, qu'il s'agisse du tabac de l'alcool ou du bruit. En effet, l'ensemble de la population fréquente les cafés, les hôtels ou les discothèques.

Si tous ces problèmes devaient être résolus par des interdictions, nous aboutirions assez rapidement à une société sans hôtels, sans cafés, sans restaurants, sans discothèques.

Nous sommes résolument opposés à l'interdiction totale de fumer, qui n'est pas une solution. Il est possible, dans un pays responsable, de faire en sorte que les gens puissent cohabiter de manière tout à fait normale, et sans ségrégation.

Pour dresser un bilan de l'application de la loi Evin, plusieurs éléments doivent être pris en compte. Le premier est l'évolution des comportements, qui est indéniable, que ce soit dans les hôtels, où le problème est pratiquement réglé, comme dans la restauration. La campagne qui a été organisée ces derniers mois peut contribuer à faire encore évoluer les choses.

Cela étant, la loi a été mal appliquée. Un certain laxisme a présidé à la mise en place du dispositif de base. Mais beaucoup d'entreprises ont consenti des efforts financiers importants pour régler les problèmes auxquels la loi Evin entendait s'attaquer. Je ne vois pas pourquoi on devrait dénigrer tout le travail accompli.

La loi était claire dans son énoncé, puisqu'elle posait l'interdiction de fumer dans les lieux publics, sauf dans les endroits aménagés spécialement pour accueillir les fumeurs. Ce cadre général me paraît tout à fait logique. Il s'agit de le rendre plus lisible et plus applicable. À cet égard, les propositions des débitants de tabac sont pertinentes. Nous devons pouvoir participer, en tant que personnes responsables, à une adaptation des entreprises visant à faire avancer les choses. Mais une interdiction totale ne réglera pas le problème. Le tabagisme passif est un problème majeur, qui se pose aussi bien dans l'entreprise, au bureau, au domicile, et qui ne sera pas réglé d'un coup de baguette magique par une interdiction.

Nous avons engagé des campagnes de communication, qui sont parfois présentées de manière polémique. Nous en ferons d'autres. Nous allons également travailler sur les outils techniques qui peuvent être mis en œuvre. Mais de grâce, pas d'interdiction totale. Cela serait ignorer la responsabilité individuelle. Il n'est pas souhaitable de ne faire appel qu'à une responsabilité collective. Dans une société comme la nôtre, chacun doit être conscient de ses responsabilités, soit en tant qu'individu, soit en tant que chef d'entreprise.

Il convient de faire évoluer la législation, de la rendre plus lisible et plus adaptable, de façon à tenir compte de la diversité des entreprises. A cet égard, il faut rappeler que notre secteur d'activité regroupe aussi bien le petit café-hôtel-restaurant de campagne, qui a très souvent une activité de débitant de tabac, voire d'épicerie, jusqu'aux grands groupes. La petite structure doit être traitée avec beaucoup de compréhension et d'intelligence, car si elle disparaissait, nous irions au devant de graves problèmes.

M. Pierre MORANGE, rapporteur : Compte tenu de l'évolution des données sanitaires et juridiques, et de l'insuffisance relative du dispositif de la loi de 1991, un consensus semble se dégager pour envisager de prendre de nouvelles mesures de lutte contre le tabagisme, et notamment le tabagisme passif.

Je souhaiterais que les participants de cette table ronde donnent leur sentiment sur quelques sujets précis. Quel calendrier serait le plus à même d'être efficace ? Quelles sanctions serait-il nécessaire de prévoir, et selon quelles modalités ? Faut-il généraliser une interdiction de façon immédiate ou en l'étalant dans le temps ? Enfin, s'agissant des substituts de domicile, qu'il s'agisse des prisons ou des établissements médico-sociaux, convient-il de s'inspirer de l'exemple irlandais ?

M. Gérard DUBOIS : Pour répondre à la première question, le calendrier qu'il convient d'adopter est tout à fait différent selon que l'on aura choisi la voie législative ou la voie réglementaire.

Pour ce qui est de savoir s'il faut préférer une généralisation immédiate ou progressive, je déconseille formellement de franchir un précipice en deux temps.

S'agissant du substitut au domicile, il faut distinguer les cas où une seule personne est exposée de ceux où plusieurs le sont.

Certains ont évoqué des expériences sur la base du volontariat. Je rappelle qu'il y a urgence : chaque jour qui passe, entre huit et dix morts sont dues au tabac.

J'ai entendu proposer des « solutions innovantes » de ventilation. Cela signifie que les solutions actuelles ne sont pas efficaces et que l'on attend un miracle pour l'avenir.

Je souligne que les Français sont en train de voter avec leurs pieds. En effet, en 1997, 81 % d'entre eux disaient fréquenter les cafés. Ils ne sont plus que 41 % à le faire. Le message est très clair : nos concitoyens refusent désormais les espaces enfumés. Les professionnels devraient en tirer les conséquences le plus rapidement possible.

M. Francis ATTRAZIC : La baisse de fréquentation des cafés n'est pas liée à la seule question du tabac.

S'agissant du calendrier, la perspective que vous avez dessinée, monsieur le président, me paraît tout à fait pertinente. Cela étant, il faut prendre en compte l'ensemble des problèmes qui se posent.

M. le Président : Je précise que le calendrier que j'ai indiqué concerne la remise de nos conclusions. Au cours de la prochaine table ronde du 5 juillet, la question de savoir laquelle des deux voies, législative ou réglementaire, est préférable sera posée et c'est seulement à ce moment là que nous pourrons parler du calendrier de mise en œuvre des mesures.

M. Pierre BOURGUIGNON : Je souhaite, en premier lieu, que les représentants des professionnels, qu'il s'agisse des fabricants de tabac, des débitants ou des restaurateurs et hôteliers, précisent leur position. J'ai cru discerner certaines contradictions, notamment sur le point de savoir s'ils adhéraient à l'idée d'une interdiction générale.

Deuxièmement, il conviendrait de préciser les risques de santé publique qui conduisent les uns à rejeter l'idée d'une législation ou d'une réglementation souple, les autres à admettre des exceptions au principe de l'interdiction générale de fumer dans les lieux publics.

Enfin, je constate qu'en Irlande, la population est très satisfaite de l'interdiction totale dans les cafés et restaurants. C'est un exemple de ce qu'il est possible de faire.

M. Gérard BAPT : Vous avez dit, madame Bony, que la procédure d'habilitation des agents contrôleurs de santé publique n'était pas encore achevée. J'ose espérer que le ministère de la santé n'en est pas responsable. Quel est le ministère compétent sur ce point précis ?

Peut-on envisager que les débitants de tabac puissent être autorisés à vendre des substituts nicotiniques ? Il me semble pour ma part qu'une telle idée s'inscrirait dans la volonté de rechercher de nouvelles missions de service public.

M. Philippe VITEL : Il me semble que la loi de 1991 n'est absolument pas dépassée. Ce qui pose problème, ce sont les décrets d'application, et en particulier celui de 1992. M. Chenet a estimé que cette réglementation était à l'origine d'une discrimination entre les petits et les grands établissements. Est-il nécessaire de légiférer à nouveau, dès lors que ce sont les décrets qui font difficulté ?

Je précise que ceux - dont je suis - qui souhaitent interdire l'usage des téléphones portables dans les établissements scolaires, s'entendent répondre qu'une telle interdiction n'appartient ni au législateur ni au ministère, mais qu'il incombe aux établissements eux-mêmes de l'introduire dans leur règlement intérieur.

M. le Rapporteur : C'est la raison pour laquelle la question du calendrier doit être posée dès maintenant. Ce qui intéresse nos concitoyens comme les professionnels, c'est l'application sur le terrain des mesures d'interdiction. Or, c'est le calendrier de leur mise en œuvre qui déterminera laquelle est préférable de la voie législative ou de la voie réglementaire. Il est important que les différents participants prennent position sur la question du calendrier, ce qui nous permettra d'enrichir notre réflexion et de distinguer, en écho à Chateaubriand, la morale des intérêts de celle des devoirs.

M. Laurent FABIUS : Deux éléments essentiels me paraissent se dégager du débat de ce matin.

Le premier est la toxicité des pratiques addictives. Des chiffres ont été cités, qui ne sont pas des chiffres d'experts, mais des chiffres connus et reconnus : entre huit et dix décès par jour. Les questions que se pose notre mission d'information ne sont donc pas théoriques. Selon les décisions qu'elle recommandera de prendre, entre huit et dix personnes, chaque jour, mourront ou ne mourront pas. C'est l'élément majeur, qui balaie tout le reste. Je parle en connaissance de cause.

Le second élément, qui est d'ailleurs une conséquence du premier, est la nécessaire simplicité de la réglementation.

Le représentant de la Confédération nationale des débitants de tabac a souligné que la profession était consciente de la nécessité d'évoluer. La majorité d'entre nous souhaitent que des règles simples soient adoptées pour faire cesser le carnage. Nous ne souhaitons pas pour autant mettre en difficulté l'ensemble d'un secteur d'activité. À partir de là, la question qui se pose est de savoir quelle substitution d'activité est possible, étant entendu que les compensations financières qui pourraient être consenties par la puissance publique ne sauraient être que provisoires.

Mme Josiane BOYCE : L'interdiction totale est une nécessité. Et on ne peut pas dire que les personnes ne fréquenteront plus les hôtels et restaurants si une interdiction totale de fumer est décidée. Au contraire, les problèmes apparaissent quand on fait les choses à moitié.

S'agissant de l'idée d'introduire des fumoirs, elle introduirait une discrimination entre les grands et les petits établissements.

Certains ont évoqué un changement de mentalité des fumeurs. Je pense surtout qu'il y a eu un changement dans leur portefeuille lié à l'augmentation du prix des cigarettes. Au-delà, le comportement des fumeurs reste bien souvent le même à l'égard des non-fumeurs. On parle même actuellement de cigarettes parfumées à destination des enfants. Cela me semble déplorable. Par contre, l'interdiction définitive du tabac à l'école est une bonne chose, il était grand temps de prendre cette mesure. Enfin, s'agissant des extracteurs, il faut savoir qu'ils recyclent souvent l'air sans ôter les particules cancérigènes, et que ce n'est donc pas une solution.

M. le Président : Les représentants des hôteliers, restaurateurs et cafetiers proposent d'adopter une réglementation allant dans le sens d'une différenciation accrue entre divers types d'établissements. Le vice-président de l'UMIH, pour sa part, a estimé nécessaire d'en appeler à la responsabilité individuelle. N'y a-t-il pas une contradiction entre le fait de déplorer l'absence de clarté de la réglementation actuelle et celui de préconiser des mesures qui auraient pour effet de maintenir ce manque de clarté ?

M. Albert HIRSCH : Le problème a été fort bien posé par M. Fabius. Il faut un dispositif simple étant donné que nous parlons, finalement, d'un poison. Le risque est avéré, et il est invisible. Tout va donc dans le sens de mesures simples, applicables, contrôlables, et assorties de sanctions, pour protéger l'ensemble de la population, fumeurs et non-fumeurs. Je rappelle qu'il a fallu attendre 1997 pour interdire l'amiante. Jusqu'à cette date, on prônait « l'usage contrôlé » de l'amiante. Je n'épiloguerai pas...

On ne peut pas interdire un produit que 30 % des Français consomment régulièrement. Mais on peut et l'on doit protéger l'ensemble de la population, jeunes ou moins jeunes, fumeurs ou non-fumeurs. Quant au calendrier, le meilleur découle de la nécessaire simplicité. Le calendrier doit être réaliste, s'agissant d'un risque avéré. Les exigences de santé publique doivent être celles du droit.

M. Philippe MOUROUGA : L'épidémiologie du cancer recherche ce que l'on appelle des « associations causales certaines ». Tous les rapports ont établi ces associations en ce qui concerne le cancer du poumon, mais aussi beaucoup d'autres cancers, ainsi que des pathologies non cancéreuses. Le meilleur rapport, à ce jour, est celui de l'Institut de santé publique du Québec. Le rapport de l'Académie de médecine fait aussi apparaître qu'environ 150 décès consécutifs à un cancer du poumon sont dus chaque année au tabagisme passif. Ces décès sont totalement évitables, et touchent des personnes qui ont été exposées à un risque qu'elles n'ont pas choisi de subir. C'est un problème majeur.

M. Didier CHENET : L'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2005 nous impose de toutes façons une responsabilité telle que nous devrons respecter l'obligation de sécurité de résultat, faute de quoi nous mettrions en danger nos entreprises. Les chefs d'entreprise ne sont pas des inconscients. Dire cela n'est pas contradictoire avec l'idée d'instaurer des fumoirs. On ne voit pas pourquoi on nous interdirait d'accueillir un certain type de clientèle dans des lieux hermétiquement fermés, et où les salariés de nos établissements ne seraient pas exposés.

Bien sûr, cela concernera essentiellement les très grands établissements, alors que 80 % des établissements du secteur sont des TPE. C'est au sein de ceux-ci qu'il convient d'éviter les distorsions de concurrence.

M. le Rapporteur : Après l'arrêt de la Cour de cassation, les professionnels ont-ils mesuré les incidences financières du contentieux que l'on pourrait voir se développer ? Avez-vous, en particulier, mesuré les incidences sur les primes d'assurance ?

M. le Président : Cette question concerne tout particulièrement les établissements qui maintiendraient des espaces fumeurs, alors que la plupart des établissements seraient non-fumeurs. Les demandes de dérogation ne risqueraient-elles pas, dans ce contexte, de faire monter considérablement les primes d'assurance ?

M. Didier CHENET : À notre connaissance, aucune étude n'a été faite sur le risque financier pour les établissements. Mais j'imagine aisément les dégâts, vu le nombre de salariés que nous employons. En ce qui concerne les primes d'assurance, elles relèvent de la responsabilité du chef d'entreprise. S'il veut installer un fumoir, il en assume la totale responsabilité, en respectant ses obligations vis-à-vis de ses salariés. Par ailleurs, s'il le fait, c'est qu'il pense qu'il va attirer une certaine clientèle, et que son chiffre d'affaires lui permettra de payer sa prime d'assurance.

M. Philippe POUTHÉ : La question posée par M. Fabius est essentielle pour les débitants de tabac, puisque les activités de substitution à la vente de tabac sont un enjeu vital pour la profession. Nous sommes à la recherche de toutes les pistes possibles, y compris celles ouvertes par les pouvoirs publics ou les collectivités locales. On envisage la dématérialisation des timbres amendes. D'autres produits dématérialisés pourraient demain être distribués par nos points de vente, qui constituent un maillage exceptionnel du territoire.

Outre ces perspectives, nous travaillons d'arrache-pied à la diffusion de produits commerciaux nouveaux. Il est d'usage de dire que l'on ignore à ce jour 80 % des produits qui seront vendus dans cinq ans. Cette recherche de produits nouveaux à commercialiser nécessite beaucoup de temps, ainsi qu'une énergie farouche, tout l'enjeu étant de concilier ces développements à venir avec la nécessité de préserver autant que faire se peut la valeur de nos fonds de commerce.

M. Pascal DIETHELM : C'est en 1998 que l'on a ouvert les yeux en mesurant à quel point la controverse autour de la nocivité ou de l'absence de nocivité de la fumée passive était largement entretenue, de manière artificielle, par l'industrie du tabac. C'est en 2003 que l'OMS a classé la fumée passive parmi les agents cancérogènes. Une quarantaine de pays, ou de régions, ont pris des mesures d'interdiction totale de fumer dans les lieux publics. Parmi eux, il n'y a guère que deux ou trois pays à avoir opté pour des fumoirs.

Il faut souligner que c'est dans les pays où l'interdiction a été la plus stricte que la population est le plus satisfaite : le taux de satisfaction est de 98 % en Irlande.

Dans tous ces pays, avant l'entrée en vigueur des mesures d'interdiction, l'industrie du tabac avait prédit toutes sortes de catastrophes, dont la baisse programmée du chiffre d'affaires des établissements concernés. Aucune de ces prédictions ne s'est réalisée. Les choses se sont passées le plus naturellement du monde. J'ai donc l'impression qu'on est en train d'agiter toutes sortes de peurs infondées. J'ai aussi l'impression que les représentants de la restauration sont en train de marquer contre leur camp.

M. Francis ATTRAZIC : Les positions que nous prenons sont essentiellement motivées, monsieur Diethelm, par le souci de préserver une certaine liberté des chefs d'entreprise, en faisant appel à leur responsabilité. Cela n'a rien à voir avec les accusations que vous portez à l'égard de tel ou tel fabricant.

Est-il de notre responsabilité syndicale de faire en sorte que les lois soient bien appliquées ? Nous avons un devoir d'information, et non une obligation de résultat portant sur l'exécution par les entreprises de telle ou telle mesure. C'est à la puissance publique, dépositaire d'un pouvoir de coercition, qu'il appartient de veiller au respect des lois.

Nous demandons qu'il soit possible d'organiser des dispositifs permettant aux fumeurs de fumer dans les établissements. Qu'on les appelle fumoir ou qu'on les nomme autrement importe peu. Nous ne souhaitons pas une interdiction totale.

Le tabac est un enjeu de santé publique colossal, et impose à tous des responsabilités auxquelles nous n'entendons pas nous dérober. Il est clair qu'il faut faire évoluer les choses, mais autrement que par une interdiction totale.

M. le Président : C'est bien le problème auquel nous sommes confrontés. J'entends bien que votre responsabilité est d'informer sur la loi - je ne reviens pas sur le fait que certains syndicats en ont donné des interprétations -, mais c'est un fait que, depuis 1991, les hôteliers et les restaurateurs ont beaucoup de mal à faire appliquer la loi.

M. Francis ATTRAZIC : Je l'ai dit, s'il faut faire évoluer les choses sans tenir compte de nos difficultés, nous sommes « cuits ». Les problèmes de bruit, qui relèvent de la santé publique, sont graves. Une évolution va se dessiner au fur et à mesure que les dispositifs vont se mettre en place. En ce qui concerne le tabac, on a constaté une évolution spectaculaire des comportements comme des conditions d'accueil des différents publics, même si l'on est encore loin de ce à quoi il faudrait arriver. Il est indéniable qu'il faut aller encore plus loin en responsabilisant tout le monde, à commencer par les chefs d'entreprise. Mais il n'est pas bon de raisonner systématiquement en termes d'interdit.

La discrimination entre les grands établissements et les petits est indéniable. A-t-on le droit de dire aux fumeurs de ne fréquenter que les établissements appartenant aux grands groupes ?

M. Gérard AUDUREAU : S'agissant du calendrier, je pense qu'il faut que l'officialisation du principe général de l'interdiction devrait intervenir le plus tôt possible.

Par ailleurs, j'ai sous les yeux le document de l'UMIH auquel je faisais allusion tout à l'heure : « La loi Evin, rien que la loi Evin, mais toute la loi Evin ». Ce document date de septembre 2005, trois mois après l'arrêt de la Cour de cassation qui montre qu'il faut appliquer non seulement la loi Evin mais aussi le code du travail. Dans ce même document, je lis ceci : « En fonction de vos locaux, vous savez que vous pouvez organiser des espaces fumeurs et non-fumeurs comme bon vous semble, sans séparation, sans cloisonnement, sans limitation de surface. Laissez les habitudes de votre clientèle fidèle guider vos options ».

M. Francis ATTRAZIC : Dans le cadre de ce qui existe ! A-t-on le droit de dire aux fumeurs de ne fréquenter que les établissements importants ?

M. Gérard AUDUREAU : En outre, M. André Daguin, président confédéral de l'UMIH, a joint à cette plaquette destinée à 200 000 restaurateurs un courrier dans lequel je lis : « Notre vocation, nos traditions ont de tout temps été axées sur l'esprit de convivialité en société. Je ne veux pas, et vous non plus, que nos établissements deviennent exclusivement non-fumeurs ». Il termine en disant ceci : « Ainsi, nous continuerons de faire vivre notre conception de la convivialité et des plaisirs de la vie, sans exclusive, sans ségrégation, et nous parviendrons à préserver ces espaces de liberté, dans le strict respect de la loi en vigueur ».

M. Véronique BONY : Pour répondre à M. Bapt, l'habilitation des agents du ministère de la santé suppose un décret en Conseil d'État. Nous sommes en discussion avec le ministère de la justice pour la rédaction de ce décret qui dépasse le seul cadre de l'application de la réglementation relative au tabac, puisqu'il concerne aussi, en particulier, le contrôle des infractions aux textes relatifs à l'environnement. La difficulté est que le ministère de la justice souhaite encadrer cette habilitation et cette assermentation, en tenant compte du fait que cette matière implique des procédures pénales. Il souhaite être très vigilant dans la rédaction du décret. C'est la raison pour laquelle celle-ci prend du temps.

Quant à la vente de substituts nicotiniques par les débitants de tabac, elle supposerait l'adoption d'une mesure législative, puisqu'elle nécessiterait de lever le monopole des pharmacies.

M. Gérard DUBOIS : Sur le plan sanitaire, il existe un risque cancérogène certain, mais aussi un risque cardio-vasculaire, qui est quantitativement plus important. La différence est que le cancer se développe en l'espace de plusieurs années, alors que l'infarctus du myocarde produit ses effets en quelques minutes. Cela s'est traduit sur le plan judiciaire. La cour d'appel de Rennes, dans une affaire concernant un barman qui refusait d'être exposé et a été licencié, a indiqué que le fait d'exposer un salarié à la fumée de tabac portait atteinte à son droit à la santé, et que, étant donné que le risque était immédiat, le droit de retrait pouvait être exercé.

Par ailleurs, le principe général, en milieu de travail, et notamment au niveau européen, est que lorsqu'il est possible d'éliminer un produit cancérogène, il doit l'être. Les autres solutions ne doivent intervenir qu'en seconde ligne.

Je précise par ailleurs que l'interdiction totale de fumer produit un effet de dénormalisation. C'est notamment important pour les jeunes. Seule une interdiction totale conduit à une diminution du tabagisme chez les jeunes. Les mesures d'interdiction partielle ont un effet quasi nul sur la consommation des jeunes.

M. Guy BERGER : S'agissant du choix entre la voie législative et la voie réglementaire, j'appelle l'attention sur le fait que si la seconde était choisie, les décrets ne pourraient être rédigés que sur la base de la loi actuelle. Or, celle-ci pose le principe qu'il est interdit de fumer dans les lieux publics, à moins d'aménager des endroits où la liberté de fumer peut s'exercer. L'expérience des quinze dernières années montre que des progrès ont été réalisés, malgré l'absence de dispositions pénales.

C'est dans les établissements publics que la loi a été le plus mal appliquée, qu'il s'agisse des établissements scolaires ou des hôpitaux, où l'on voit encore des infirmières fumer dans les couloirs.

Pourquoi la situation a-t-elle évolué ? D'abord parce que l'idée que les non-fumeurs ont des droits est désormais acquise. Deuxièmement, parce que la Cour de cassation a fait valoir les droits des salariés, ce qui rend difficile la mise en place de zones fumeurs et non-fumeurs.

J'insiste sur le fait qu'une loi a deux significations. Elle a une signification immédiate, celle de l'interdiction ou de l'autorisation de telle ou telle pratique. Elle a aussi une signification plus générale : la loi est un message. De ce point de vue, il est certain que si la loi introduisait une interdiction générale de fumer dans les lieux publics, ce serait un message fort en termes de santé publique. Il n'est pas absolument sûr qu'elle aurait un effet décisif en termes de toxicité. Car, au fond, où pourra-t-on fumer ? Au domicile. Et là, les parents qui fument mettent en danger la santé de leurs enfants. En un certain sens, il vaudrait mieux que le père qui fume aille fumer au café.

M. le Rapporteur : La question se pose pour le substitut du domicile. A cet égard, la législation irlandaise n'a pas étendu l'interdiction aux hôtels, aux prisons et aux établissements médico-sociaux. Or, il y a là des publics fragiles, dont il est curieux qu'ils ne soient pas protégés.

M. Philippe MOUROUGA : Dans la hiérarchie des risques, je souligne que la fumée passive est classée dans la catégorie 1 des produits cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer.

Par ailleurs, le bruit ne produit pas les mêmes pathologies, et ne se situe pas au même niveau dans la hiérarchisation des risques sanitaires.

S'agissant des niveaux d'exposition, une étude de 2003 du Joint Research Center a montré que les moyens de ventilation ne permettraient pas de diminuer le taux de cancérigènes présents dans l'air en le ramenant à un niveau acceptable par rapport aux normes de pollution environnementale.

M. Francis ATTRAZIC : L'interdiction totale de fumer dans les lieux publics ne résoudra pas entièrement le problème du tabagisme passif. La personne qui fume fumera chez elle. De même, la baisse de fréquentation des cafés n'a pas fait diminuer la consommation d'alcool.

M. Pascal DIETHELM : L'idée que les fumeurs fumeront chez eux si on leur interdit dans les lieux publics a été systématiquement mise en avant dans les pays qui ont décidé des mesures d'interdiction totale. En réalité, c'est le contraire qui s'est avéré. Une interdiction totale a pour effet une diminution générale du tabagisme. D'une part, le nombre de fumeurs diminue. D'autre part, les fumeurs diminuent leur consommation.

M. Vassilis VOVOS : Il me semble que la discussion aurait besoin de plus de perspective. Certains pays ont adopté une interdiction totale, d'autres ont laissé la possibilité d'espaces fumeurs, comme l'Italie, l'Espagne, la Suède, etc. Dans les deux cas, l'objectif était pourtant le même. La question est de savoir ce qui est réaliste et pragmatique. Si vous pensez qu'il est réaliste de modifier radicalement le comportement de 12 ou 14 millions de fumeurs, vous pouvez choisir l'option de l'interdiction totale. Une autre option serait d'admettre des exceptions, par exemple dans un espace fumeurs, ou sur le lieu de travail, dans une zone adaptée. Il faut se demander quelles sont les mesures qui seront le plus susceptibles d'être comprises.

M. Albert HIRSCH : Ce que je viens d'entendre correspond une fois de plus à l'idée qu'il faut diviser la population entre deux groupes, les fumeurs et les non-fumeurs. C'est précisément dans cette division que réside le péché originel de la loi.

M. Berger a souligné qu'une loi était aussi un message. Notre pays compte 30 % de fumeurs. Nous allons leur tendre la main. Or, l'outil le plus puissant pour les aider à arrêter de fumer - à côté de l'aide directe, dans la tradition clinique - est l'action sur l'environnement.

M. Gérard DUBOIS : Je voudrais rappeler que l'histoire des effets de l'exposition à la fumée remonte à 1868. Il serait temps d'apporter une solution définitive au problème. Je rappelle également que le tabac a été présent dans des lieux aujourd'hui totalement non-fumeurs. Songeons par exemple aux cinémas, ou encore aux avions. On nous disait qu'il ne serait pas possible de faire un voyage Paris-Los Angeles sans fumer. Or, c'est tout à fait possible. La même évolution a eu lieu dans les trains, qui sont devenus non-fumeurs, non pas pour des raisons liées à des considérations de santé publique, mais parce que la demande des fumeurs était faible. Les Français sont en train d'amorcer la même évolution pour les cafés, qu'ils fréquentent moins aujourd'hui, et où ils reviendront quand ces lieux deviendront non-fumeurs.

M. le Président : Dans le même sens, je rappelle que lorsque les avions d'Air Inter sont devenus non-fumeurs, les motivations du président d'Air Inter étaient purement économiques. Le nettoyage des avions coûtait très cher à la compagnie. De même, la décision de la SNCF répondait à des objectifs économiques, les voitures fumeurs étant beaucoup moins réservées que les voitures non-fumeurs.

Madame, Messieurs, je vous remercie.


© Assemblée nationale